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L'ABBAYE DE LANGONNET ET LA CHOUANNERIE |
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Causes et origines de l'insurrection. — Blancs contre Bleus. — Les « bougres » du Faouët et les « brigands » de l'Abbaye. — Assermentés et Réfractaires. — Les Bréban et le Juge Poëzavara. — Occupation militaire. — Persécution et représailles. — Châtiment des délateurs. — Interventions de la police. — Triste destin des moines dispersés.
Il est de tradition, chez certains esprits, de considérer la Chouannerie comme une insurrection criminelle, à base de fanatisme, dont les prêtres et nobles seraient principalement responsables. Ses initiateurs passent pour des factieux, des agitateurs intéressés, des ennemis de la République et de la Liberté, qui prétendaient rétablir l'ancien régime, avec tous ses abus, ramener le roi et restaurer en même temps la domination cléricale. Le clergé et la noblesse, déchus de leurs privilèges, auraient, de parti pris, troublé les esprits, décrié le nouvel état de choses et soulevé contre la Nation des bandes de malheureux fanatisés, pour les jeter dans une bagarre où ils ne comprenaient rien, où ils n'avaient aucun avantage à gagner. Ainsi comprise, la Chouannerie bretonne ne serait autre qu'un malheureux essai de continuation de la guerre de Vendée, où les prétextes de religion devaient servir à des vues politiques.
La vérité est tout autre. Il est bien vrai que la Chouannerie n'est apparue dangereuse qu'après l'écrasement des Vendéens ; ce qu'on a appelé la Pacification de la Vendée, au sens de Tacite : Ubi solitudinem faciunt, pacem appellant ; il n'est pas moins vrai que, par la nature même des événements, l'insurrection bretonne prit un caractère nettement royaliste sous la direction des gentilshommes. Mais elle demeure avant tout plébéienne par ses origines et par ses premières tentatives d'organisation.
Les paysans bretons, qui devinrent des Chouans, n'étaient point des factieux, mais des mécontent s; et ils avaient plus d'une raison de l'être. En fait, ce qui a produit la Chouannerie, ce n'est ni le regret de l'ancien Régime, ni l'esprit de loyalisme ou de fanatisme ; c'est tout simplement la brutalité des Patriotes trop zélés, l'inopportunité de réformes vexatoires, l'incompréhension et l'entêtement des Jacobins. C'est l'oppression odieuse et impie qui souleva l'insurrection des paysans ; leur colère était le fruit d'une cruelle déception.
***
De vrai, la Révolution à ses débuts avait suscité dans tout le pays un véritable enthousiasme. Les idées nouvelles avaient pénétré jusqu'au fond des campagnes, et, comme elles promettaient de réaliser tant d'améliorations reconnues nécessaires, elles y furent accueillies favorablement, aussi bien par le bas clergé que par les paysans. Le clergé breton, qui sentait peut-être mieux que tout autre, la nécessité de supprimer les abus, leur avait fait le plus large crédit. Mais l'illusion ne fut point de longue durée. Le désir des réformes n'enlevait rien aux populations rurales de leurs sentiments religieux. Si elles voyaient partir les moines sans trop de regret, les municipalités elles-mêmes se préoccupaient d'assurer le service du culte et n'admettaient point qu'il fût porté atteinte à la liberté de conscience. A voir les mesures prises par l'Assemblée Nationale et l'esprit qu'elle manifestait, on sentit bientôt la menace d'un bouleversement général, qui compromettait à la fois les deux causes si longtemps inséparables : le trône et l'autel [Note : Le Bienheureux Pierre-René Rogue, par les Chanoines LE GARREC et BULÉON. Vannes, Imp. Galles, 1934].
« Il y avait, pour ainsi dire, en Bretagne, deux peuples bien différents : d'un côté, celui des villes, où se mêlaient beaucoup d'éléments étrangers au pays ; de l'autre, la population rurale, qui formait la grande masse. Le paysan breton, renfermé dans sa vie solitaire, communiquait très peu avec les villes ; il ne connaissait que sa chaumière, son clocher, son recteur. Le Parlement et la Noblesse avaient pu lutter avec la Cour, et le Tiers avec la Noblesse, sans que l'Armoricain aux longs cheveux en eût seulement connaissance. Comme auparavant, il entendait la Messe à sa paroisse ; il trouvait, pour se signer, aux carrefours des quartiers champêtres, la vieille croix accoutumée ; il savait, en somme, que le roi trônait toujours dans cette lointaine cité qu'on appelle Paris. Les débats qui s'agitaient dans les villes restaient pour lui lettre close et, quand on lui parla des droits électoraux, des assemblées primaires, il ne comprit guère les prérogatives nouvelles dont on voulait l'investir ». — THÉODORE MURET : Histoire des Guerres de l'Ouest, tome III, p. 41).
Mais, le jour où l'on attaqua ses prêtres, où l'on commença la persécution religieuse, ces rudes paysans, à la foi naïve et forte, se soulevèrent en masse contre un régime oppresseur et souvent ils allèrent demander des chefs aux gentilshommes. — (B. POCQUET : Les Origines de la Révolution en Bretagne, II, pp. 3 et 4).
La plupart des recteurs bretons, qui vivaient au milieu du peuple et compatissaient à ses misères, étaient favorables aux réformes légitimes réclamées par le Tiers. On peut appliquer à tous les pasteurs de Bretagne ce qu'un savant historien [Note : ALFRED LAILLÉ : Le District de Machecoul (1788-1793), p. 22. [Nantes, Grimaud, 1869]] a dit des curés du Diocèse de Nantes :
« Ils étaient fort attachés à leurs devoirs et ils en ont donné des preuves éclatantes ; cela ne les empêchait pas de regarder comme désirables certaines réformes compatibles avec le respect de la discipline ecclésiastique. Leur soumission ne leur fermait pas les yeux sur les choquantes inégalités qui existaient dans l'attribution des revenus aux divers degrés et aux divers membres de la hiérarchie religieuse. Les hautes fonctions et leurs avantages pécuniaires étaient le patrimoine à peu près exclusif d'une seule classe, et les bénéfices, donnés à la faveur autant qu'au mérite, servaient à récompenser des talents souvent fort inutiles au bien et à la gloire de la Religion ».
Au bas de l'échelle se trouvaient les curés à portion congrue, maigrement rétribués et voués à toutes les fatigues de l'apostolat. Beaucoup de ces recteurs avaient signé et parfois rédigé les cahiers de doléances de leurs paroisses. — (B. POCQUET : Les Origines de la Révolution en Bretagne, II, pp. 342-343).
Les paysans de Bretagne n'étaient donc point, jusqu'en 1791, les ennemis du nouvel état de choses. Dans la première effervescence, il y eut bien, comme partout ailleurs, des châteaux mis à sac, des chartriers brûlés, car on en voulait surtout au régime des domaines congéables, des dîmes et des corvées. La grande cause du mécontement général fut la Constitution Civile du Clergé et la Loi du 4 janvier 1791, qui ordonnait à tous les ministres du culte de prêter serment « sans préambule, explication ou restriction ». Tous les évêques bretons et 80 pour cent des membres du clergé refusèrent le serment ou, l'ayant rendu, se rétractèrent.
Le clergé constitutionnel fut tout d'abord l'objet des faveurs de l'administration, et les prêtres jureurs, trop zélés à dénoncer les suspects, furent parmi les premières victimes de la Chouannerie. Mais, l'esprit de la Révolution se précisant de plus en plus, les pouvoirs publics arrivèrent peu à peu, par la force même des choses, à proscrire indistinctement toutes les formes du culte et toutes les manifestations religieuses.
La Chouannerie se justifiait déjà par la mise en application de la Constitution Civile, et l'abolition totale du culte ne fit qu'aggraver le mécontentement des populations.
L'agitation soulevait les campagnes. L'insurrection, sporadique au début, eût pu recevoir une première organisation lors de la conspiration de La Rouërie, qui échoua.
La persécution religieuse, s'ajoutant à tous les autres méfaits de la Révolution, fut la goutte d'eau qui fit déborder la coupe [Note : Les premiers mouvements insurrectionnels se manifestent dès 1791, sur des points isolés. La Rouërie essaie vainement une première organisation. L'insurrection spontanée éclate en 1793 : ce fut la Première Chouannerie qui devait prendre fin à La Mabilais, 17 février 1795 ; mais le mouvement ne fit que rebondir. La Deuxième Chouannerie qui succombe à Quiberon (1795), aboutit à la Pacification de Hoche, juin 1796. La dernière insurrection de 1899-1900, à l'appel de Cadoudal, constitue la Troisième Chouannerie].
On s'organise alors dans chaque paroisse ; les bandes deviennent de plus en plus nombreuses, autant qu'elles trouvent de chefs pour les conduire. En 1794, l'exaspération est telle dans les campagnes, et l'insurrection si près d'éclater, que les administrateurs de districts, prévenus par les autorités locales, redoutent une seconde Vendée. Prise de peur, la Convention envoie en Bretagne des représentants pour maintenir la paix et leurs tractations avec Cormatin, à l'insu de Puisaye, aboutirent à la Pacification de Rennes, en 1795. Cependant Cadoudal et Guillemot avaient refusé de signer ; on continua de se défier les uns autres. Le désastre de Quiberon, suivi du massacre des prisonniers, déchaîna chez les Chouans une terrible campagne de représailles.
Les plus judicieux, parmi les patriotes, avaient bien compris les dangers de la répression.
« On ne peut plus se dissimuler aujourd'hui que l'insurrection générale, dans le Morbihan, a été organisée de longue main. Elle remonte à la Loi du 2 novembre 1790 sur le serment des prêtres ; mais les paysans, convaincus de leur faiblesse, ne manifestaient leurs mécontentements que par des murmures sourds qui se propagèrent jusqu'à la levée des 300.000 hommes, au mois de mars 1793 ; alors la révolte se manifesta simultanément dans tous les districts du Département; mais elle fut bientôt étouffée par la fermeté et la prudence des administrateurs. Enfin, la première réquisition et le régime de la Terreur qui suivit achevèrent de soulever les esprits faibles, déjà exaltés par les prédications fanatiques des prêtres insermentés, répandus et cachés dans les campagnes [Note : Il est bien évident que si les prêtres n'avaient pas instruit les fidèles des périls que courait la foi ; s'ils ne leur avaient pas signalé, comme ennemis de Dieu et de la religion, les malheureux apostats qui prêtaient serment, les fidèles auraient, sans doute, accepté les nouvelles formules religieuses qu'on leur présentait, Mais, peut-on appeler fanatisme le fait d'avoir éclairé les consciences ? Résister à des lois manifestement injustes, ce n'est pas du fanatisme. C'est aux prêtres réfractaires que nous devons la conservation de la foi catholique, pour laquelle ils ont sacrifié leur vie ou leur liberté. Les vrais responsables de la guerre civile sont les misérables qui la rendirent inévitable par leurs lois anti-religieuses et leurs atrocités], auxquels se joignirent ensuite des intrigants, ambitieux de jouer un rôle, et des échappés de la Vendée.
Avant l'époque de la pacification de la Vendée, les Chouans n'étaient guère connus que par des assassinats de patriotes, des vols, des exactions dans les campagnes. Depuis cette pacification, et surtout pendant le funeste armistice, le parti se grossit sensiblement : d'un côté, le système de désarmement des militaires, l'embauchage, l'attaque des petits postes renfermant des munitions de guerre, les réquisitions de grains, d'hommes et d'argent faites dans les campagnes, la menace de mort faite aux cultivateurs qui fourniraient quelques choses aux villes et aux armées républicaines ; d'un autre côté, l'inaction des Républicains, la douceur et la modération employées à l'égard des Chouans pris en flagrant délit et que l'on élargissait sur la première réclamation de leurs Chefs [Note : Cette modération n'a guère existé que dans l'esprit des rédacteurs du Mémoire] : tout cela parut donner quelque consistance aux rebelles qui ne manquèrent pas de prendre pour de l'impuissance le respect des Républicains pour les traités et de répandre dans les campagnes que la République était expirante, qu'ils allaient rétablir la Royauté, l'ancien culte, les nobles et tout ce qui s'en suit. Dès lors les cultivateurs crurent la contre-révolution faite, et, s'attendant au rétablissement de l'ancien régime, cessèrent toute communication avec les villes, se refusèrent ouvertement à toutes réquisitions de subsistances et de charrois. Les municipaux, les juges de paix abdiquèrent leurs fonctions ; les administrations supérieures ne furent plus qu'un vain simulacre méconnu de tout le monde : enfin, l'anarchie fut à son comble... [Note : Mémoire sur la situation actuelle du District d'Auray et sur les moyens d'y établir l'ordre et la tranquillité. — Archives du Morbihan].
En Directoire du District, à Auray, le 26 Prairial an III de la République Française, une et indivisible. Boullays, Béard, Leconte, Prés. Ginat, Prof. syndic ».
« S'il est aisé de détruire la Chouannerie, continue le Mémoire ; s'il n'est pas impossible de ramener sous peu les paysans à l'ordre et à la soumission aux lois en n'employant à leur égard que les armes de la justice et de la raison ; il existe aussi un autre ennemi bien plus dangereux pour le bonheur public, dans ces contrées, et peut-être bien le plus difficile à vaincre : c'est l'esprit de pillage et de destruction qui s'est emparé de la plus grande partie de l'armée. Presque tous les soldats et beaucoup d'officiers ne parlent que de massacrer, brûler et piller. A les entendre, tout homme qu'ils rencontrent est un Chouan qu'il faut fusiller sans autre forme de procès ; tous les villages situés près des grands chemins sont pillés chaque jour par les escortes. La frayeur que les soldats inspirent aux cultivateurs paisibles est telle qu'à leur approche tout fuit à travers champs ; les maisons restent seules, abandonnées ; les denrées, les hardes, les effets portatifs s'enterrent et, quand il se fait une expédition en campagne, tout le pays que l'on parcourt a l'air d'un désert. Si les maisons sont vides, on les pille, parce qu'elles sont censées habitées par des Chouans ; si les propriétaires s'y trouvent, ils sont menacés, maltraités, pillés comme Chouans. Aussi ne trouve-t-on plus de Commissaires civils qui veuillent accompagner la force armée, parce que, quand ils veulent s'opposer au désordre, ils sont eux-mêmes traités de Chouans ; en un mot, le soldat ne rêve plus que Chouans, ne voit plus que des Chouans...
Si l'on n'y prend garde, nous tombons insensiblement sous le despotisme militaire, régime plus effrayant que celui du Terrorisme d'où nous venons de sortir, parce que celui-ci conservait au moins quelqu'apparence de forme légale, au lieu que l'autre ne connaît que le droit de la force. Aussi voyons-nous que les Terroristes se rallient partout autour des soldats, pour leur souffler le venin dont ils sont infectés, et l'esprit de discorde et de destruction qui les anime ; et c'est en ce sens que l'on peut dire que les Chouans et les Terroristes s'entendent pour parvenir au même but : la guerre civile et la ruine totale du pays, quoique par des moyens différents... ».
Le général Hoche lui-même, épouvanté de la cruauté de ses troupes, disait :
« J'ai l'âme déchirée de voir la conduite de la malheureuse armée que je commande, des horreurs commises dans les campagnes ; il n'est sorte de crime que n'aient commis les soldats de l'armée : le viol, l'assassinat, le pillage, rien n'a été excepté. Les lois sont impuissantes et le malheureux général est obligé de faire justice le sabre à la main... Je ne connais pas de métier plus horrible que de commander à des scélérats qui se repaissent de tous les crimes ». — (Correspondance : 8, 9 et 11 juillet 1795).
Dès 1791, La Rouërie avait conçu un plan d'organisation.
L'année suivante, il nomme Commissaire en chef, pour Le Morbihan, M. le Comte de Bourdonnaye de Coëtcandec, qui établit des divisions et des cantons, sous les ordres de MM. de Silz, de Caradeuc, du Chélas, de Lantivy, de Caqueray ; puis, du Comte de Boulainvilliers, de St-Régent et l'autre de Silz. La mort tragique de La Rouërie (30 janvier 1793) arrêta le mouvement général, qui fut repris, en 1794, par le comte de Puisaye.
L'état-major comprenait : de Puisaye, général en chef, de Boulainvilliers, maréchal de camp ; Berthelot, major ; Guillemot, Le Thiers, Le Mercier, de Lantivy, St-Régent, Le Fèvre, etc.
Les chouans du Morbihan se trouvaient sous les ordres du comte de Silz. Pierre-Raymond du Chayla [Du Chélas], seigneur du Rest, en Langoëlan, commandait la division de Guémené, qui comprenait Ploërdut, Kernascléden, Priziac, Lanvénégen, Le Faouët, Langonnet, Gourin, etc. Le Peige [Debar] était chef du canton de Gourin.
Une division groupait, en moyenne, trois à six cantons, de huit à dix paroisses chacun. Il y avait un capitaine à la tête de chaque paroisse.
Chaque division opérait isolément et son chef l'organisait comme il l'entendait, nommant lui-même son lieutenant-colonel, ses chefs de bataillon, ses capitaines, et les cassant à volonté. Sous se rapport, il ne rendait compte de sa conduite à personne. Ainsi, la division de Guémené obéissait à Du Chayla, puis ensuite à Debar ; Guillemot commandait celle de Bignan et Georges Cadoudal la division d'Auray. Après le désastre de Quiberon, Cadoudal conserve la division d'Auray, avec le titre de général du Morbihan, mais il ne s'occupa point d'organiser et ne commanda à la guerre d'autre division que la sienne.
En 1799, il maintient l'armée royale sans rien changer, si ce n'est que les anciennes légions deviennent des divisions et les cantons, des bataillons, qui continuent d'agir isolément.
Le 10 mai 1800, il reçoit le commandement des Chouans de Bretagne, hormis ceux de la Loire Inférieure. Il nomme quatre adjudants généraux : Guillemot, Desol de Grisolles, St-Régent et Le Paige dit Debar. Ce dernier reçoit le commandement de la 7ème Légion, qui groupait toutes les bandes armées depuis Le Faouët et Gourin (Morbihan), jusqu'à Maël-Carhaix (Côtes-du-Nord) et Concarneau (Finistère). Debar avait pour lieutenant-colonel Le Guesno de Pénanster [Note : En 1815, après Waterloo, le commandement de l'ancienne division de Gourin, revenait de droit à Le Guesno de Pénanster ; sur l'ordre du général d'Andigné, Guillemot lui écrivit pour connaître ses intentions : « Qui quitte la place, la perd, répondit-il. Les Bourbons sont partis, tant pis pour eux pour moi, je me retire à Lannion. ». C'est Debar qui prit le commandement ; Du Chayla hésitait, puis finit par rejoindre l'armée royale (Lettre à mes neveux, sur la Chouannerie, par M. J. GUILLEMOT (Julien), Nantes, Masseaux, 1859)], et comme chefs de bataillons : Du Fou de Kerdaniel, Even, Carré, de Keranflec'h, Périal dit Dudon (de « Loyal Emigrant ») et le Colonel de Trécesson, commandant l'artillerie.
« Le décret de la Convention du 5 février 1793, ordonnant la levée de 300.000 hommes, allait fournir le prétexte de la grande révolte. Ce fut une explosion de fureur dans toutes les campagnes de l'Ouest. On y avait cru que la liberté ce serait le champ libre de charges, le grain et le cidre au seul paysan avec les granges et pressoir. Et voici que les nouveaux maîtres du pouvoir prenaient à l'homme de la terre bien plus que le produit de sa terre. La conscription l'arrachait à son foyer. La Loi, la République : des mots incompris de ce peuple des taillis et des landes, qui ne savait pas lire et qui de l'histoire ne connaissait que des légendes, des miracles de saints, des souvenirs racontés, de vieilles luttes entre les terroirs. Puisqu'il n'y avait plus de Dieu, de roi, ni de Bretagne, il n'y avait plus rien [Note : De fait, les paysans ne firent point tant de réflexions. Chez eux le dépit engendra le mécontentement ; les mesures répressives augmentèrent leur exaspération. Obéissant à leur instinct d'indépendance, ils se soulevèrent contre un régime d'oppression, qui voulait leur imposer par la force brutale des mesures iniques, attentatoires à leurs libertés aussi bien qu'à leur conscience]. Contre les hommes qui prétendaient commander au nom de ce rien, la résistance paysanne, d'abord hésitante et fragmentée, devenait générale ». — (ALBÉRIC CAHUET : Lucile de Châteaubriand, p. 124).
Les jeunes gens du Faouët, comme ceux de Pontivy, s'étaient rendus assez docilement à l'appel de conscription ; mais dans la plupart des petites localités, il en fut tout autrement : un certain nombre se refugiaient dans les bois, d'autres s'empressaient de déserter, au bout de quelques jours. Rien n'avait été prévu pour leur enrôlement. Au Faouët, on manquait de tout pour les loger et les équiper, aussi bien que pour les nourrir ; on n'avait ni sabres, ni ceinturons, très peu d'armes ; 90 fusils étaient en réparation à Vannes. Les approvisionnements faisaient défaut et les jeunes guerriers n'avaient pour tout abri qu'une chétive bicoque (7 novembre 1794).
Bientôt les esprits s'agitèrent et les conscrits fort mécontents levèrent leurs bâtons. Un officier municipal fut blessé à la tête, et l'on entendait répéter : « Si on nous avait laissé nos bons prêtres, on ne nous aurait pas amenés ici ».
Devant cette mutinerie, les autorités affolées firent prendre les armes à la garde nationale et amener une pièce de canon pour protéger le siège du Directoire. Tout fut inutile, il fallut laisser partir les hommes pour ensemencer leurs terres.
« Il y a quelques agitateurs scélérats qui poussent cette jeunesse, disent les administrateurs. Dans ce moment nous pensons qu'il est indispensable, pour effectuer le rassemblement général, que nous ayons environ 200 hommes ». — (Le Conventionnel Prieur de la Marne, par PIERRE BLIARD, pages 71, 75 et 79).
La région bretonne donnait du souci aux administrateurs. « Tout est Chouan dans ces Départements ; ils ne peuvent être contenus que par la terreur » (Dubois-Crancé, 12 avril 1 794).
Irrités par leur déconvenue, les patriotes se vengeaient sur les femmes. Au Faouët, deux vieilles demoiselles furent emprisonnées « pour avoir assisté aux messes et aux offices des prêtres dans le cas de, la déportation..., pour être nièces d'un prêtre réfractaire, auquel on les soupçonnait de donner asile ».
Il ne fallait pas grand chose, en effet, pour être déclaré suspect. Plusieurs mois de détention sont infligés à une pauvre veuve, « reconnue fanatique et soupçonnée d'avoir recelé les effets des ci-devant communautés ».
On arrête le nommé d'Andigné, « soupçonné d'avoir un frère militaire émigré ; d'avoir des liaisons avec le juge du Tribunal du Faouët déclaré suspect ; de ne montrer aucun civisme ; d'avoir cependant réussi, dans le principe, à s'introduire à la Société Populaire, où il a cependant affecté de ne point assister, quoiqu'il se soit trouvé fréquemment au Faouët, aux jours des séances » (Arch. Nat., A F II, 126, liasse 968, pièce 6).
Prieur de la Marne ne laissait point languir les administrateurs locaux ; il les poussait de l'avant, les stimulait à la persécution. Ceux du Faouët lui faisaient part de leurs opérations : « Nous allons continuer, disaient-ils..., nous allons surtout nettoyer tous ces châteaux et vieux donjons des campagnes de tous les ci-devant et de leurs agents qui les habitent encore... Plût au ciel que tous ces châteaux inutiles et qui peuvent devenir nuisibles fussent entièrement démolis. » (19 novembre 1793).
Le farouche Conventionnel, heureux de tant de zèle, leur répond incidemment et comme en se jouant, mais d'une façon fort nette cependant : « Je reçois votre lettre et arrêt relatif aux loups et sangliers qui ravagent votre canton ; je m'empresserais de seconder vos vues à cet égard et vous donnerais des fusils et de la poudre, si nous n'avions à combattre avec ces armes les tyrans et leurs satellites qui sont des bêtes plus féroces que celles qui vous inquiètent. Gardons les fusils et la poudre pour ces derniers ; tendons aux autres des pièges auxquels ils ne puissent échapper. Il y a mille manières de les prendre avec ces pièges. Recueillez toutes les connaissances particulières et faites une instruction que vous publierez dans les campagnes » (Arch. Morb., L. 886).
Il terminait par un post-scriptum trop odieux pour être reproduit. (Le Conventionnel Prieur de la Marne, par PIERRE BLIARD, pp. 156-157).
Alors, c'est l'insurrection spontanée, populaire, dans la profusion et la densité des forêts, dans ces talus abrupts, cernant des petites divisions territoriales, barbelées d'épines, d'ajoncs de chênes tors ; dans ce perpétuel ruissellement d'eaux vives ; dans ce pays, compartimenté au moral comme au physique, propre aux guérillas, mais impropre à toute action militaire de quelque envergure.
Le Chouan pur, le paysan, la peau de bique, le bragou-bras, s'insurge contre la tyrannie de l'Etat Républicain, persécuteur de sa foi, bien plus que contre la forme même de l'Etat. Les levées en masse, la conscription, les réquisitions, le maximum et le cours forcé achevèrent de lui faire prendre le régime en horreur. (CHARLES LE GOFFIC. — La Chouannerie).
C'est l'Assemblée Législative qui donna le signal de la lutte, quand elle lança ses décrets contre les prêtres réfractaires. Il est vrai que les assermentés ne furent point non plus à l'abri des procédés vexatoires. Le 13 avril 1794, Le Carpentier, représentant de l'armée de l'Ouest, en résidence à Port-Malo, édictera contre tous les prêtres constitutionnels une mesure radicale. Sans faire acception de personnes, il prescrit l'arrestation comme suspects de tous les ecclésiastiques qui n'ont pas déposé leurs lettres de prêtrise ou qui continuent leur ministère. Quant à ceux qui remplissent une fonction administrative, ils doivent être immédiatement remplacés, à moins qu'ils ne soient antérieurement mariés, qu'ils aient donné des preuves non équivoques de civisme [Note : Le curé du Faouët, Berto, n'échappa point à cette rafle générale, son presbytère devint une annexe de la prison, où il se trouva détenu avec plusieurs autres prêtres assermentés]. (Cfr. Archives du Morbihan, L. 80).
Un pareil défi, jeté à l'attachement des Bretons pour la religion et pour leurs prêtres, devait déclancher une réaction formidable. Pendant que la déchristianisation bat son plein, la chouannerie s'organise dans le Morbihan. Le 26 juillet 1794, deux jours avant l'exécution de Robespierre, puis le 20 août, les chefs royalistes lancent des proclamations. Ils sont aussitôt obéis par tous les capitaines des paroisses, et, d'un bout à l'autre du pays surgissent ces légions de géants, dont le plus grand nombre n'avaient pas encore vingt-cinq ans. Ce ne sont point les frustes brigands de la légende, chaussés de gros sabots, armés de fourches ou de faux emmanchées, mais de solides gaillards ayant en main un bon fusil dont la balle manque rarement son but. Les forces Royalistes du Morbihan étaient sous les ordres du comte de la Bourdonnaye et du Marquis de Tinténiac. Du Chayla dit la Couronne, commandait la légion de Guémené. Il avait autour de lui d'intrépides compagnons, tels Salvar [Note : Salvar (Jean-Joseph), élève du Collège de Vannes, greffier et officier public de la Municipalité de Berné, en 1794, devenu capitaine des Chouans, il est arrêté en 1795, condamné par un conseil militaire et fusillé, le 8 janvier 1796. à Vannes], Guillaume Carré dit Bonaventure [Note : Guillaume Carré, dit Bonaventure, né à Bouthiry (Le Saint), le 25 novembre 1775, de Louis Carré et d'Anne le Hénaff. lieutenant de Tinténiac. Décédé à Châteaulin, le 9 octobre 1816, lieutenant-major au service de Sa Majesté] ; Duparc dit Le Terrible ; Morgan dit Magloire ; Henri Remerth, d'origine alsacienne, sorti de la Marine ; Louis Calan ou Louis de Pluméliau surnommé Salomon [Note : Calan (Louis), dit Louis de Pluméliau ou le Général Salomon, fils de Julien Calan, garde du château de Rimaison, en Bieuzy, se distingua, en 1793, au combat de Pluméliau, à l'attaque de Pontivy et à l'incendie de Lorient. Arrêté le 30 janvier 1795, après le coup de main sur le Faouët ; fusillé sans jugement, par ordre du représentant Brue, sur la route de Landévant, 13 février] ; Guillaume de Pluméliau dit Le Grand Alexandre ; le Clouet André, capitaine de Bubry surnommé David ; D'andigné, de St-Tugdual, avec son fidèle lieutenant Julliar, jeune marin déserteur, de Priziac ; Jégou du Laz, de Trégantarec ; Nicolas Le Clec'h, capitaine, de Langonnet, et son lieutenant Sébastien Pastol ; Bréban, jeune, capitaine de Plouray ; Mathurin Jaffré, capitaine de Priziac ; et tant d'autres, dignes de souvenir.
« Les Chouans sont des hommes de bien ; ce sont de vrais Chrétiens ; ils se sont levés pour défendre notre pays et nos prêtres ». (BARZAZ-BREIZ : Ar. Chouanted, p. 381).
L'insurrection est aussitôt générale. Prieur de la Marne, en mission dans l'Ouest, met le Comité de Salut Public au courant de la situation et le prie d'envoyer un représentant dans le Morbihan.
« Ce représentant contiendra les contre-révolutionnaires, ranimera les faibles, fortifiera les patriotes et propagera dans la campagne la circulation des lumières qui seules peuvent les faire revenir de leur égarement ».
Le Comité de Salut Public, en septembre, envoie Bourret et Leyris.
Alors partout, c'est la guerre pour le rétablissement de la religion catholique et le maintien de la monarchie. Dans les premiers jours de novembre, les Chouans cernent Pontivy, Baud, Guémené et Locminé. Le drapeau blanc flotte à Melrand ; l'insurrection est maîtresse de Bieuzy et Guern, Le secrétaire-greffier de Noyal est assassiné, le 12 novembre 1794. — (Cfr. Archives du Morbihan, L. 1275.) — De tous côtés retentit le cri de « Vive le Roi ». Les Chouans, dans les campagnes, obligent par leurs menaces les officiers municipaux à se démettre de leurs fonctions et les patriotes réputés à chercher asile dans les bourgs et dans les villes. Partout dans les districts de l'Ouest, en cette fin de 1794, la Terreur Blanche remplace la Terreur Rouge. (Voir : La vie religieuse à Pontivy, pendant la Révolution, par Eugène Corgne, Prof. au Lycée de Pontivy, 1928) .
Louis Calan se rend particulièrement redoutable. Dès les derniers mois de 1794, il étendait son autorité du Blavet à l'Ellé ; d'Hennebont au-delà du Faouët; ayant parfois sous ses ordres des centaines d'hommes. Chaque jour, ou de préférence chaque nuit, ses gars entraient en maîtres dans quelque bourg ou quelque petite ville de la région ; ils abattaient les arbres de la Liberté, détruisaient les ateliers de salpêtre, installés le plus souvent dans les églises, jettaient au feu les papiers de la municipalité, emportaient la caisse, les armes, pourchassaient les officiers municipaux, les prêtres constitutionnels, les fournisseurs de l'armée républicaine ; tel ce boucher de Priziac, qui fut tué dans sa maison et jeté à l'eau, le 3 janvier 1795. A tort ou à raison, on attribua au général Salomon la plupart des meurtres qui furent commis, à cette époque, dans la région.
Le secrétaire-greffier de Noyal Pontivy, dont il vient d'être fait mention, n'était autre que l'ancien moine de Langonnet, Jean-Robert Bourguillaut. Sorti le premier de l'abbaye au commencement de décembre 1790, il avait d'abord trouvé asile à Ker-Guiomard, en Querrien, et sollicité un emploi dans le clergé constitutionnel [Note : « M. Bourguillot, cy-devant Bernardin, prêtre depuis dix ans, m'est venu déclarer qu'il se rangeoit du bon parti, me prier de le mettre sur ma liste pour les places de villes. Je lui trouve beaucoup de bon sens, des mœurs pures et une conduite irréprochable. Il arrive de Trégunc où il a été, à l'invitation du nouveau curé [Dominique Le Breton], desservir une chapelle pendant la quinzaine de Pâques. Il s'appelle Jean-Robert Bourguillot, fils d'un ancien procureur du Roy de Hennebont. Malheureusement, il ne sait pas le breton » (Procureur-syndic de Quimperlé à Procureur général du Département. — 3 mai 1791)]. Après avoir prêté serment, il est nommé vicaire constitutionnel de Loudéac et y fait son entrée solennelle, le 22 novembre 1791, en compagnie du nouveau curé, qui est le Député Le Breton, ex-Prieur des Bénédictins de Redon. La Municipalité en corps vient les recevoir au bout du pavé de la rue du Pontivy, pour les conduire à leur résidence « entre deux hayes de gardes nationaux, tambours battant, enseignes déployées, au son des cloches et aux acclamations d'un grand nombre d'amis du Bien Public ». Le lendemain, a lieu l'installation des deux ecclésiastiques, qui prêtent serment entre les mains de messieurs les officiers de la Municipalité ; à cette occasion, il y a Veni Creator, discours du curé, Messe et Te Deum, Cette heureuse harmonie ne devait point se maintenir; car, le 9 mars 1794, le maire de Loudéac décide que le 20 Ventôse (10 mars) l'église sera érigée en temple dédié à la Raison et invite la municipalité à donner le plus de pompe possible à une pareille fête. Déjà, huit jours auparavant, le curé Le Breton et son vicaire avaient été prévenus d'avoir à abandonner, dans le plus bref délai possible, la maison cy-devant curiale destinée à devenir une école publique ou un hôpital. D'ailleurs ils avaient fait leur soumission à l'avance ; Le Breton, en qualité de président de l'administration du district, ouvre le registre des abdications sacerdotales, le 18 Pluviôse, an II ; il déclare que ses lettres de prêtrise sont déposées à Rennes et qu'à partir de ce jour, il n'exercera plus aucune fonction ecclésiastique ni en public, ni en particulier [Note : L'ex-curé de Loudéac, membre du conseil général et président du district (1792), est devenu successivement : agent de la fabrication des salpêtres (1794), préposé au triage des titres de l'administration centrale du Finistère (1795), conservateur des hypothèques à Quimper (1796). On le retrouve, en 1800, conservateur de la bibliothèque de la Cour de Cassation. Il décéda à Paris, le 21 avril 1829. (RENÉ KERVILER : Cent ans de Représentation Bretonne, Paris, Perrin)]. Il est suivi par Yves Le Denmat, vicaire à St-Guen et par Jean Bourguillaut, curé de Plémy. 6 février 1794 (Arch. des Côtes-du-Nord, Lm 5.57).
Le Denmat se contente de renoncer à toute fonction ecclésiastique, « déclarant ne pouvoir déposer ses lettres de prêtrise attendu l'incendie qui a eu lieu à la ci-devant abbaye de Langonnet, il y a environ sept ans, et dans laquelle j'étaie (sic) alors présent, dans laquelle incendie, il est plus qu'à présumer que les dites lettres de prêtrise ont été consumées. A Loudéac, 4 Germinal, l'an II de la République française une et indivisible. — J. Y. Le Denmat, Vic. à St-Guen » [Note : En 1798, Le Denmat réside encore à Loudéac. D'après une note du Préfet Boullé (1802-1803), il serait desservant à Pommerit-les-Bois, depuis trois ans : « Autrefois simple prêtre, fait maintenant fonction de vicaire assermenté ; non déporté. Mœurs régulières ; exact à ses obligations ; estimé. ». Il décéda le 9 novembre 1808].
Le citoyen Bourguillaut est plus véhément que son collègue : « Je soussigné Jean-Robert Bourguillaut, âgé de 35 ans passé, originaire de la commune et district d'Hennebont, dép. du Morbihan, ci-devant religieux de l'Ordre de Cîteaux ou Bernardin, ex-curé de Plémy [Note : Elu curé constitutionnel de Penhars, le 28 mars 1791, Bourguillaut refusa, pour suivre Le Breton à Loudéac. D'abord chargé de St-Hervé, trêve d'Uzel, il fut transféré à Plémy, par l'évêque Jacob, le 6 octobre 1792], faisant jusqu'à ce jour le métier de prêtre depuis dix ans, convaincu des erreurs par moi trop longtemps professées, déclare en présence des administrateurs du district de Loudéac, y renoncer et abdiquer toutes les fonctions de prêtrise publiquement et secrètement, avouant dans la vérité du cœur, la fausseté, l'illusion et imposture des Maximes religieuses que j'ai professées jusqu'à ce moment ; déclare faire, par le présent, dépôt de mes lettres de prêtrise et m'en tenir à ma pension d'ex-religieux accordée par la Loi ».
Bourguillaut passe ensuite à Noyal, en qualité de greffier à la Municipalité. Il manifesta sans doute un zèle intempestif dans ses nouvelles fonctions, puisque sa conduite attira l'attention des Chouans, qui vinrent lui rendre visite le 11 novembre 1794 (21 Brumaire, an III). Bourguillaut habitait l'ancien presbytère, ce qui a laissé croire qu'il faisait fonction de Recteur. C'est là qu'il fut surpris, à onze heures du soir, par une bande que commandait Guillaume de Pluméliau, dit le Grand Alexandre. En vain, le malheureux tenta de s'enfuir par le jardin ; aussitôt rattrapé et ramené à son domicile, il fut jugé sommairement et abattu de trois coups de fusil. Un fermier de la maison voisine, Le Moing, caché derrière un buisson, entendit le colloque de la victime et de ses bourreaux. (F. Cadic — Histoire populaire de la Chouannerie en Bretagne — dans La Paroisse Bretonne. Avril 1913, p. 3) [Note : Bourguillaut n'était point recteur. En avril 1793 Noyal ne figure plus au nombre des paroisses où s'exerce le culte constitutionnel ; et, le 30 juillet 1794, il n'y a, dans tout le district de Pontivy, aucun ecclésiastique en fonction. (Arch. Morb. L. 1.291). L'attentat eut lieu le 11 novembre, et non pas le 13 ; car, dès le 12 (22 Brumaire an III), l'agent national du district écrit aux représentants Bourret et Leyris « Nous venons d'apprendre que le secrétaire-greffier de la municipalité de Noyal venait d'être assassiné, quoiqu'il faisait son domicile dans le bourg, où il doit exister au moins trois ou quatre cents personnes » (Arch. Morb L. 1.275). « Vous connaissez, — ajoute le maire, — la malheureuse position où se trouve la municipalité de Noyal... ainsi que la nôtre, depuis l'assassinat commis dans la personne du citoyen Bourguillaut, notre secrétaire-greffier » (Arch. Morb. 1.285)].
Au Faouët, les noms des profiteurs de la curée étaient sur les lèvres de tous les paysans et il semblait bien que l'heure du règlement des comptes avait sonné.
C'est ce qui explique les menaces continuelles que font peser sur eux les Chouans de la région. Dans leur correspondance avec les communes et les administrateurs des districts voisins, les Bleus du Faouët manifestent constamment leur peur d'être surpris par les paysans en révolte. Ils insistent auprès des autorités de Quimperlé, de Scaër, de Gourin et d'ailleurs, pour qu'on renforce leur garnison, craignant de ne pouvoir repousser avec succès les attaques imminentes dont ils sont menacés. De vrai, les Chouans cernent la ville de plus en plus.
« Aucune route n'est sûre et les habitants du Faouët sont comme en prison ».
Une violente attaque eut lieu le 10 Pluviôse de l'an VIII (29 janvier 1795). La veille, les Chouans s'étaient emparés de Gué-mené et de Plouray, Enhardis par ces premiers succès, ils ont résolu de surprendre Le Faouët, qu'ils convoitent depuis longtemps. Ce hardi coup de main est dirigé par Louis Calan, de Pluméliau, surnommé Salomon, à la tête d'une troupe nombreuse composée de contingents de Melrand, Guern, Quistinic, Languidic, Kervignac, Inzinzac, Calan, Lanvaudan, Plouray, Meslan, Berné, etc. : en tout 2000 hommes. Calan avait avec lui deux anciens élèves du collège de Vannes, Jean-Joseph Salvar dit Miguel, fils du meunier du Restinois en Meslan, et Louis Morgan, neveu du curé de Berné. Les assaillants attaquèrent, durant la nuit, de trois côtés à la fois et parvinrent jusqu'à la grande place, où s'étaient retranchés les soixante soldats de la garnison, renforcés de la garde nationale. Ces républicains, armés de bons fusils, et soutenus efficacement par deux petites pièces de canon, opposèrent une résistance énergique, et les Chouans, déconcertés par l'âpre fusillade, durent évacuer le terrain précipitamment, laissant derrière eux quatorze morts et huit blessés : ce fut une véritable débandade [Note : On cite parmi les victimes : Roland Le Blay. Mathurin Nosachmeur, de Perlan en Berné ; Henri Brihoual, de Kerbiguet en Guilligomarch (Finistère)].
Louis Calan fut arrêté le lendemain au manoir de Kerdrého, non loin de Plouay, dirigé sur Vannes et fusillé sans jugement le 13 février sur la route de Landévant. Salvar, qui avait réussi à grouper 600 hommes, tint la campagne jusqu'au 4 mai 1795. Quant à Morgan, il fut capturé, une première fois à Berné, le 15 décembre 1795 ; échappé de prison, il se vit ressaisi le 17 avril 1796, condamné à mort et fusillé au Faouët.
Voici ce que rapporte Julien Guillemot, au sujet de cette échauffourée et de ses suites : « De l'autre côté du Blavet, MM. du Chélas et Jean Jan s'étaient emparés de Guémené le 28 janvier 1795, et ils avaient attaqué Le Faouët, qu'ils ne purent prendre manque de munitions. Il leur fut même fait des prisonniers, entre autres un jeune homme de Pluméliau, Calan dit Salomon, parce qu'il parlait avec sagesse et passait pour un oracle dans son pays. Ces prisonniers furent conduits à Quimperlé, mais, le 13 février, comme on les dirigeait sur Vannes, le détachement de 300 hommes, qui leur servait d'escorte, fut attaqué, près de Landévan, par les chouans de la paroisse de Ste-Hélène et de Nostang, commandés par Fr. Le Gouriff, leur capitaine, et Salomon fut délivré. Fr. Le Gouriff le conduisit au bourg de Landaul, où il comptait trouver un forgeron pour le débarrasser de ses chaînes ; mais, poursuivis par quelques escadrons de cavalerie qui escortaient le conventionnel Le Brue, les Chouans furent forcés d'abandonner ce pauvre garçon, qui fut massacré, comme l'avaient été ses compagnons et ensuite pendu à un arbre, sur le lieu même, par ordre de Le Brue ». — (Lettre à mes neveux, p. 43).
Depuis cette sérieuse alerte, les républicains du Faouët vivaient dans une angoisse perpétuelle. Au début de mars, ils réclament du secours à Quimperlé : « Citoyens, nous avons encore recours à vous, dans un moment de grande inquiétude ; les brigands sont en force dans nos parages et, suivant un rapport que nous ne pouvons pas révoquer en doute, ils se dirigent à nous attaquer de nouveau. Nous avons besoin de quelque renfort pour peu de temps, mais nous en avons un besoin urgent dans les circonstances, pour nous tenir en garde et aller à la découverte. Ces brigands ont été ce matin à la cy-devant abbaye de Langonnet, et y ont pris toutes les armes qui y étaient, et ont pensé égorger le citoyen Le Gorgeu, l'un de nos collègues, que nous avions envoyé en commission. Ces scélérats ont dit qu'ils ne voulaient que des armes pour tomber sur Le Faouët, et ils pouvaient promettre qu'il n'en échapperait aucun ». (Arch. Finist., L. 268 (5 mars 1795) [Note : Cfr. LE DIGABEL Rev. Morbihan (1910), p. 218. — PEYRON : La Chouannerie (1912). — Abbé MORREN : Au pays du Faouët (1931), pages 32-35].
Le Compte décadaire du 1er Messidor, an III (19 juin 1795), signale des enlèvements de bestiaux dans le district de Ploërmel et dans celui du Faouët : « L'administration a donné à l'état-major de la division [la réquisition] de faire fournir de Lorient un secours momentané au district du Faouët pour mettre l'administration du district en état de faire des fouilles, d'éclairer la marche des brigands et surtout de mettre à exécution les lois et arrêtés relatifs aux subsistances et aux réquisitions de grains ».
Déjà, le 6 mai précédent, le Département avait fait un appel désespéré au général Hoche : « Citoyen Général... Les districts de Ploërmel, de Josselin, de la Roche-Sauveur, de la Roche-des-Trois, de Pontivy, du Faouët et de Vannes sont vivement menacés. Tous les jours, nous en recevons des lettres on ne peut plus alarmantes... Nous ne devons pas te laisser ignorer que les rebelles organisent une cavalerie..., qu'ils recrutent les plus beaux hommes des villes et des campagnes ; que les lieux consacrés à la dévotion sont changés en clubs de contre-révolution ; que les ministres du culte catholique y prêchent ouvertement la sédition et la révolte ; qu'ils y bénissent le drapeau blanc et entonnent : Domine, salvum fac regem ! Journellement on nous apprend qu'il se forme des rassemblements considérables ; que la plupart de ceux qui les composent sont bien armés, et qu'ils ne taisent pas leurs desseins liberticides. Les meilleurs citoyens sont journellement massacrés, mutilés, assassinés par ces misérables. Ils attaquent nos convois de grains et pillent les greniers, nationaux uniquement destinés à la subsistance des armées. Il paraît qu'ils comptent attaquer simultanément toutes les villes de ce département... Nous devons ajouter à ce tableau que les défenseurs de la patrie sont sur le point de manquer du pain. Les magasins militaires sont vides ; et, comment hasarder les moyens de les remplir, lorsque l'on a à craindre un soulèvement général, que l'on ne saurait empêcher, attendu le petit nombre des troupes qui se trouvent affectées à la défense de ce département ?... Des forces, des forces, Citoyen Général ; c'est ce que sollicite le salut du Morbihan ! ».
A la même époque, la municipalité de Langonnet reçoit l'ordre de désarmer Pastol, Le Clec'h, Poder et Yves Hamon, considérés comme suspects. Ce qui était plus facile à dire qu'à faire. On lui reproche, par la même occasion de n'avoir point signalé l'incursion faite par les Chouans à l'Abbaye de Langonnet.
Que se passait-il donc à l'Abbaye ?
Dans la journée du 5 mars, le commissaire Le Gorgeu était venu du Faouët rendre visite à Bréban. Il eut la surprise de rencontrer chez lui une vingtaine de gaillards armés de pied en cap, qui le regardaient passablement de travers. C'était une bande commandée par André Glouet et Louis Morgan, venus chercher des armes pour les Chouans et l'armée royale. Ils eurent vite reconnu le citoyen Le Gorgeu, mais ils ne songèrent nullement à l'égorger, ni même à l'enlever, ce qui leur eût été facile dans la circonstance ; au contraire, ils se gardèrent bien de lui faire aucun mal, trop soucieux de ne pas compromettre leurs amis.
« Ils étaient persuadés, dira plus tard Morgan, ne devoir éprouver aucune résistance à moins que ce ne fût de la part de Bréban fils et de Poëzavara son beau-frère ; étant d'ailleurs persuadés que Bréban père et sa famille ne seraient pas contraires » [Note : Interrogatoire de Louis Morgan, 15 décembre 1795. (Archives du Morbihan, L. 3, 919)].
Le 28 avril suivant, le capitaine Salvar était lui aussi de passage à l'abbaye [Note : Déposition du caporal Gabriel Le Bois, faux chouan, qui livra Salvar et dénonça les Bréban, 21 juillet 1795] ; et, comme on reprochait à Bréban ses rapports amicaux avec les Chouans et son peu d'empressement à les dénoncer au district, il essaya de se disculper, alléguant qu'il avait reçu honnêtement Salvar, comme ancien condisciple de Vannes et que d'ailleurs il n'avait pas d'autre moyen de préserver le domaine national de toute déprédation. Que pourrait-il faire, lui pauvre paysan, dans son isolement, loin de tout secours, contre ces bandes qui arrivaient à l'improviste, sinon de se plier à leurs exigences et de leur faire bonne mine, afin d'éviter les mesures de violence ?
Ce que Bréban ne disait pas, c'est que, de fait, son domicile était devenu le repaire de tous les ennemis de la République. Les Chouans de la région y avaient leur quartier général et leur dépôt d'armes ; les prêtres réfractaires y pouvaient dire la Messe en sécurité. Le jeune Bréban, et son beau-frère, Nicolas Le Clec'h, parcouraient le pays raccolant des déserteurs, qui avaient rendez vous à l'abbaye même, où ils étaient toujours bien accueillis ; au dire de l'un d'entre eux, « les femmes et les filles de la maison leur offraient la collation et leur faisaient beaucoup d'éloges ».
Ils y trouvaient en outre les armes et l'équipement dont ils avaient besoin, pour se mettre en campagne.
Le vieux monastère était devenu un centre de ralliement pour les insurgés ; dans cette solitude, au milieu des landes et des bois sans moyens de communication, les Chouans échappaient aux inquisitions de la police républicaine.
Ils avaient d'ailleurs, au chef-lieu du District, un véritable ange-gardien, le juge Poëzavara, autre beau-frère du fils Bréban, qui les tenait au courant de toutes les mesures prises par le Directoire leur permettant ainsi de se mettre en garde et de déjouer la surveillance des Bleus.
On les soupçonnait cependant, sans avoir de preuves formelles, jusqu'au moment où ils furent dénoncés par traîtrise [Note : En juillet-août 1795, le représentant du Peuple à Vannes, est avisé par les agents du Faouët que Poëzavara, de Guémené, beau-frère de Bréban fils, et juge au tribunal, n'a cessé de suivre les chouans, dont il est l'espion].
Au mois de juin, l'agitation devint
plus vive dans nos campagnes bretonnes, quand on apprit le départ pour Quiberon
de la flotte anglaise. Les Bleus du Faouët ne dorment plus ; ils savent que les
Chouans ont fait une levée de jeunes gens dans la commune de Langonnet et qu'ils entraînent avec eux les
boisiers de la forêt ; ils se sentent menacés à nouveau et appellent au secours comme on crie :
au feu ! De fait, leur situation n'est pas gaie, assure le Directoire de Vannes :
« Quelques dépêches qui nous sont enfin extraordinairement parvenues du district
du Faouët, avec lequel nos correspondances sont tout à fait interrompues depuis le
commencement de Messidor, et parmi lesquelles se trouve un rapport du procureur
syndic relatif à l'évacuation du chef-lieu du district sur Lorient, nous
annoncent que les Chouans s'y accroissent d'une manière effrayante, depuis le
versement que les Anglais avaient fait à Pontaven, sur les Côtes du Finistère...
Le district du Faouët ajoute que Langonnet, Plouray et même le Guémené sont
occupés par les rebelles, qui en ont fait comme leurs quartiers-généraux ; que,
dans la première de ces communes (Langonnet), on a eu contre eux une escarmouche
dans laquelle on leur a tué dix-huit hommes ; mais que, d'un autre côté, des
assassinats ont encore été commis dans son territoire, tant sur les routes que
dans les domiciles mêmes des malheureux qu'on a égorgés. (Compte décadaire du 11
Thermidor, an III).
Dans le seul district du Faouët, six assassinats ont
été récemment commis : les brigands y ont égorgé le greffier de la municipalité
de Meslan, un officier municipal de la commune de Gourin, le greffier de la
municipalité du Saint, un ancien patriote de la même commune, nommé Viard, et
âgé de près de 88 ans, le maire de la commune de Plouray, un officier municipal
de la même commune. Le séjour momentané de 400 hommes, qui n'y sont déjà plus, a
mis l'administration en état de faire quelques recherches contre les auteurs de
tant de crimes qu'elle n'avait pu prévenir ; quelques brigands ont été arrêtés,
et il résulte des renseignements qu'on en a arrachés, que les mouvements de
l'intérieur sont encore combinés avec ceux du dehors, et que, malgré la victoire
de Quiberon l'on compte toujours sur les affreux secours de l'Angleterre »
(Compte décadaire du 1er Fructidor, an III).
Il semble bien qu'il y ait eu, vers cette date, une réaction dans la population du Faouët contre les excès de la Révolution et les menées des autorités locales. Les administrateurs se plaignent, en effet, du manque de zèle des habitants, de leur complaisance pour les Chouans. Ils ont dressé une longue liste de suspects qu'il serait prudent de surveiller. La précaution n'était pas inutile. Le 5 Messidor (4 juillet 1795), a lieu un nouvel assaut. Prévenus à temps du péril qui les menaçait, nos braves administrateurs avaient pris la fuite et les Chouans ne trouvèrent aucune résistance ; mais leur déception fut grande de ne pouvoir mettre la main sur ceux qui s'acharnaient à leur perte. Ce qui prouve bien que la population ne leur était nullement hostile, c'est qu'ils ne se livrèrent, contre leur habitude, à aucune exaction et se retirèrent aussitôt.
« Ils sont partis avec des hurlements affreux, diront plus tard les autorités regaillardies, lorsqu'ils ont appris que nous n'étions plus là. C'est de notre sang que ces vampires sont altérés, parce qu'ils connaissent notre dévouement invariable pour la chose publique ».
***
Le serment constitutionnel avait tout naturellement opéré la scission dans le clergé, entre réfractaires et assermentés. Au début, quelques bons ecclésiastiques, très attachés à leur ministère, se formèrent la conscience pour prêter le serment, dont ils ne prévoyaient point les conséquences ; mais ils ne tardèrent pas à se rétracter. Ce fut le cas de M. Loëdon, curé de Gourin ; de Mathieu Morgan, recteur de Berné ; du recteur de St-Caradec, Le Bihan. D'autres furent catégoriques dans leur refus : Blanchard, de Plouray, et son vicaire Querrec ; Guillaume Joubioux, de Ploërdut ; Le Goff, du Saint ; Jean-Claude Conan, du Faouët [Note : « Instruit des décrets de l'Assemblée concernant la Religion et la discipline de l'Eglise, je déclare renoncer à toute espèce de traitement et même être disposé à tout souffrir plutôt que de prêter ce serment qui, renferme plusieurs hérésies déjà condamnées par l'Eglise ». (JEAN-CLAUDE CONAN).] ; Le Mauer, vicaire à St-Caradec, desservant Kernascléden.
Les assermentés étaient : Mathurin Berto, du Faouët, et François Le Garrec, son vicaire ; Louis Le Monze, de Langonnet, avec ses vicaires, Pierre Le Corre, Jean Le Pollotec [Note : Le Pollotec (Jean), né à Lannescat, 1748 ; vicaire à, Motreff, 1782 ; à. Langonnet, 1790, trêve de la Trinité ; promu à Langoëlan, 1790-1791 ; recteur de Ploërdut, 1792 ; exécuté par les Chouans en 1795] et François Puissant ; Hervo [Note : Hervo (Jean-Mathurin), d'abord recteur de Berné, puis de Priziac (1786), se rétracte en 1797. Après la Révolution, on le trouve à Caudan et à Lanvaudan (1804). Se distingue par des mœurs équivoques et le manque de sobriété. En 1802, le Préfet du Morbihan le traite de canaille et de polisson], recteur de Priziac, ainsi que son vicaire Le Floch ; Le Goff et Pierre Lamour de St-Tugdual [Note : Le Goff (François), né an Evran en Silvia, 1759 ; ordonné prêtre le 23 septembre 1786 ; vicaire à Lesbin-Pontscorff, puis curé de St-Tugdual, 2 mars 1789. Prête le serment, 10 mars 1791 se marie, le 14 juillet 1792. Greffier de la Municipalité et officier de La Garde nationale ; exécuté par les Chouans, en janvier 1795] ; Sébastien Le Bihan, recteur de St-Caradec ; François Bobo, de Bernay ; Jean Allanic et Jacques Péron de Lignol ; Yves Prat de Ploërdut ; Jean Hervo et François Fréto, de Priziac ; enfin le sieur Jamet [Note : Jamet (Etienne), né à Locmaria en Guiscriff. le 5 juin 1751 ; d'abord Augustin de Quimperlé, puis vicaire des Capucins de Landernau ; curé de Plouray, 1791 ; de Guiscriff, 1793 ; vient échouer comme vicaire à St-Caradec-Trégomel. Incarcéré au Faouët, livre ses lettres de prêtrise et promet de se marier, pour être libéré, 5 mai 1794. Secrétaire et officier municipal de Meslan ; exécuté par les Chouans, le 11 juillet 1795], qui fut nommé successivement à Plouray et à Guiscriff. La population de Guiscriff ayant refusé de recevoir cet intrus, il fallut envoyer de Lorient 124 hommes de troupe, avec deux pièces de canon, pour procéder à son installation, patriotique et solennelle, le 10 mai 1793. C'était un capucin défroqué ; aussi le maire de Langonnet, Le Clec'h, ne se gênait pas pour dire qu'il demeurerait Juge de Paix jusqu'à ce que la barbe de Jamet eût repoussé !
L'ex-moine trouva, à Plouray, un rude adversaire en la personne de l'abbé Querrec, qui fut arrêté, à la fin de 1790, sous l'inculpation de prêtre incendiaire et factieux : « Il ne veut pas reconnaître le nouvel évêque (Le Masle) ; a refusé de publier les Décrets et les a jetés au maire aves un ton de mépris ; il cause du trouble et de l'agitation dans cette paroisse par des discours irréfléchis contre la Constitution ; il a répondu qu'il se f... de M. Jamet, de ses partisans et de tous ceux qui pensaient comme lui. ». 31 octobre 1790.
Au grand déplaisir du citoyen Jamet, les prêtres réfractaires trouvaient toujours bon accueil à l'abbaye. Il n'hésita pas à dénoncer les sieurs Blanchard, Herviout et Coguiec ; « Ce dernier et le sieur Blanchard, dit-il, sont fréquemment à la cy-devant Maison de l'abbaye de Langonnet : le sieur Herviout se permet même de confesser dans l'église de cette abbaye supprimée ».
L'abbé Herviout, ex-recteur de Primelin Finistère, ne manquait point de cran. Il était venu en 1792, résider au Faouët, son pays d'origine, et ne ménageait guère les juroux. Rencontrant, quelque jour, le recteur de St-Tugdual, François Le Goff, il le qualifia d'hérétique et de schismatique, ajoutant : « Non coutuntur Judæi Samaritanis ». Une autre fois, il apostrophe Jamet en ces termes : « Te voilà donc, prêtre apostat. Quand donc changeras-tu de vie ? Veux-tu mourir dans ton crime ? ». En conséquence Jamet et Le Goff portent plainte contre ces insermentés, le 15 février 1792. (Arch. Morbih. L. 183, 5).
Le citoyen Talhouarn signale encore un autre ecclésiastique de passage à l'abbaye : « Il s'est refugié chez le sieur Bréban, fameux aristocrate demeurant à la cy-devant abbaye de Langonnet, un ex-curé du cy-devant évêché de Tréguier. Nous ne connaissons ni son nom, ni le nom de la paroisse où il était curé, mais nous savons qu'il dit la Messe à huis-clos, dans la cy-devant Abbaye. Plusieurs fois la gendarmerie de notre ville s'y est portée, mais il a su se dérober à nos recherches ».
On était beaucoup mieux renseigné au Faouët, sur le compte de l'abbé Yvenat. Celui-là était la bête noire des prêtres jureurs. Il avait reçu de M. Liscoat, ancien Supérieur du Séminaire de Quimper, la mission de desservir la région de Langonnet, à la barbe des intrus ; en dépit de toutes les vexations il réussit à s'y maintenir jusqu'en 1798. La police était sur ses traces depuis longtemps. Dès le 9 février 1793, le lieutenant Soufflet, accompagné du gendarme Villard, vint faire une perquisition à l'abbaye. Bréhan leur déclara qu'il n'avait point vu Yvenat depuis plus de dix mois et leur offrit ses clefs. Les gendarmes n'osèrent pas aller plus loin, n'étant pas en nombre et se retirèrent sans plus insister, mais « le dit citoyen Soufflet a déclaré qu'étant chez son beau-frère, près de l'abbaye de Langonnet, il avait vu le dit Yvenat chez le citoyen Bréban ».
Par prudence l'abbé abandonna pour quelque temps la trève de la Trinité et se rendit dans celle de Trégornan, où il rejoignit d'autres réfractaires : Tulupin, Le Meslan et Le Roux [Note : Le Roux, de Gourin, ex-vicaire de Pouallaouen, recteur de Cléguérec. Le constitutionnel de Gourin. Leap, dénonce son voisin Le Monze, de Langonnet, qui permet à Le Roux, prêtre réfractaire, de dire la Messe et de faire des prônes anticonstitutionnels (6 avril 1792)]. Le Gorgeu, Ropert et Bargain regrettent que le district de Rostrenen ne joigne pas ses efforts aux leurs pour arrêter tous ces rebelles. L'année suivante, la municipalité de Langonnet déclare que le nommé Yvenat est parti sans faire aucune déclaration, « ce qui nous fait croire qu'il est au nombre des lâches émigrés, traîtres à la patrie. — Y. Hamon, maire. Hamon fils, greffier ».
En réalité, il n'avait point quitté la France. Une note du 29 novembre 1797 signale Jérôme Yvenat, protégé par les Chouans, intimement lié avec Salvar et résidant soit à La Trinité soit aux environs. Il est activement surveillé par des espions du district, car Le Goarant écrivait au chef-lieu : « Citoyen, je fus instruit, le 4 de ce mois, que le prêtre réfractaire Yvenat était au Kerihuel, commune de Langonnet. J'en parlai à B... et, de concert, nous requîmes la gendarmerie de s'y transporter. Craignant de le manquer, nous les engageâmes de passer par Plouray pour y prendre le renfort d'un guide sûr, que nous lui indiquions, pour y arriver la nuit, (c'était Joseph Le Guilloux). Par malheur des gendarmes ne purent arriver à Kerihuel que de jour, et le pigeon était parti ».
Cerné par la meute acharnée à sa perte, il ne devait pas aller bien loin.
Le 10 mai 1798, l'abbé Yvenat, vêtu en paysan et chargé d'une mauvaise besace de toile, prenait la route de Langonnet à Gourin, quand il fut rencontré par Charles-Joseph Soufflet, garde-champêtre et forestier, assisté du citoyen Viaud, volontaire du second bataillon de la 84ème brigade. Sommé de s'arrêter, Yvenat voulut se lancer à travers champs, dans la direction de La Trinité, mais le garde l'arrêta d'un coup de fusil qui l'atteignit à l'épaule droite. On trouva dans son sac un surplis, deux rituels et plusieurs actes de baptême et de mariage sur feuilles volantes. Conduit à Faouët, il fut interrogé par le juge de paix Boulanger : « Je n'ai fait aucun serment, ni aucune déclaration, dit-il. J'ai toujours suivi mon Evangile, qui s'accommode de tous les Gouvernements, tant républicains que monarchistes. Je n'ai dit autre chose que des Pater et des De Profundis, qui sont des prières pour des vivants et des morts ».
Condamné à la déportation, il arriva à l'île de Ré, le 6 août 1798, et y mourut le 21 mars 1801 [Note : Il était né à Braspart (Finistère) ; professeur au Séminaire de Quimper, avant la Révolution].
M. Jérôme Yvenat était un homme d'une énergie peu commune et d'une telle valeur qu'il jouissait de la plus haute considération auprès de tous ceux qui se dressèrent en ce pays pour lutter contre l'oppression. Il est le type de ces prêtres au cœur vaillant, qui risquèrent leur vie pour la conservation de la foi en pays Breton, et préférèrent tous les périls de la persécution à la sécurité de l'exil.
Quant aux prêtres constitutionnels, leur position n'était pas exempte de soucis, ils se heurtaient à l'ostracisme des populations rurales, attachées à leurs pasteurs légitimes comme à leur foi. Les paroissiens de Guidel déclarent qu'ils préfèrent entendre un taureau beugler qu'un prêtre jureur chanter. A Châteauneuf du Faou, comme l'intrus se plaignait qu'on n'eût recours à lui que pour quelques rares baptêmes, une femme du peuple se présenta au presbytère avec une vieille pie qui ne battait plus que d'une aile et demanda au nouveau recteur de la baptiser : « Les curés comme vous ne sont bons que pour les chrétiens de cette catégorie ».
Ainsi, les jureurs se lamentent : « Les prêtres catholiques sont restés au bourg et on leur demeure fidèle, écrit le recteur Mohon [Van der Gracht, ancien prieur-curé de Coëbugat]. Entrons-nous à l'église, c'est assez pour en faire sortir toutes les femmes qui y font leurs prières. Voici trois enterrements que nous faisons sans services ni messes recommandées. Les morts sont partis pour l'autre monde sans nous avoir appelés, mais je présume qu'ils ont eu soin de faire demander les prêtres non conformistes... A chaque instant, le nommé Gaudin, du bourg, ainsi que plusieurs femmes empêchent qui que ce soit de venir à l'église... Aujourd'hui, après les vêpres, des femmes voulaient me lancer des pierres, et les menaces derrière moi ne cessent pas... Mes domestiques ne peuvent sortir sans subir mille injures... Le sacristain, faute de casuel, est sur le point d'abandonner sa place et d'aller chercher fortune ailleurs... On se croirait au temps de la Ligue... Nous ne sommes même pas les maîtres à l'église. Hier, jour de la Pentecôte, le maire y entre pendant que je faisais mon prône, arrive au pied de la chaire avec des papiers en main et me dit qu'il avait quelque chose à annoncer au peuple. Il parle, s'en retourne, et je continue mon exhortation... Telle est ma position, et, pour me garder et me défendre, je n'ai qu'un fusil qui ne peut toujours être avec moi ».
Il était peu agréable, évidemment, au retour de Mohon, de monter la garde, fusil au bras, à la porte d'une église déserte. Mais les intrus ne se contentaient pas de gémir sur leurs déboires et sur la réprobation qu'ils avaient encourue ; trop souvent ils se firent les délateurs et les calomniateurs des prêtres fidèles. « Les jureurs sont vos plus cruels bourreaux, » évrivait M. Loëdon à M. Rivoal. C'est ce qui explique pourquoi ils ne tardèrent pas à tomber sous les balles vengeresses des chouans. On a trop facilement représenté ceux-ci comme des brigands qui allaient assassiner les patriotes à domicile ; mais on a oublié de dire que leurs actes de justice sommaire étaient des représailles suffisamment justifiées par les crimes des délateurs. En ces temps de trouble, où chacun devait assurer sa propre sauvegarde, certains capitaines de chouans furent de haut-justiciers, qui accomplissaient leur tâche avec une rigueur toute militaire. Les patriotes trop zélés en firent l'expérience à leurs dépens. Il suffit de constater que ce sont là les déplorables conséquences de toutes les discordes civiles.
***
Après la désastreuse équipée de Quiberon et le massacre des prisonniers, la guerre continua avec un caractère de véritable sauvagerie.
Les Chouans, révoltés d'horreur, se livrèrent de leur côté à de sanglantes représailles : Cadoudal, pendant quelques temps, ne fit, dit-on, aucun prisonnier ; et Charette lui-même fit fusiller plusieurs centaines de Bleus dans la cour du château de Belleville. Un chef de canton semble avoir été chargé des représailles à l'égard des officiers municipaux et des prêtres assermentés dans notre région. On lui attribue l'exécution de plus d'une cinquantaine de Patriotes, parmi lesquels : Corentin Le Floch, maire de Lignol, député du Tiers aux Etats-Généraux ; Vally, officier municipal d'Inguiniel ; le curé de Lignol, Thomas Allanic, et François Jolivet, son vicaire ; Yves Rivallan et Julien Le Priol, ancien maire et ancien procureur de Bubry ; Jean Le Roux, maire de Priziac ; le curé de Guilligomarch ; Vincent-François Le Floch, vicaire de Priziac ; Jean Troubol, officier municipal de Meslan ; Vincent Le Solliec, à Pellan-Glimec, en Priziac ; les trois constitutionnels : Le Goff, curé de St-Tugdual, Le Pollotec, curé de Ploërdut, et Jamet, retiré à Meslan.
L'agitation était devenue extrême depuis quelque temps, dans ce pays, où les chefs avaient pour consigne de ne faire aucun quartier. Aux environs du 14 juillet, des mouvements d'insurgés, « suscités par un prêtre réfractaire », avaient eu lieu près de La Trinité. Les administrateurs du Faouët réclamèrent une battue générale dans ce repaire, pour déconcerter les projets des malveillants et seconder les efforts victorieux de leurs frères d'armes (à Quiberon) ; ils demandaient un détachement de 100 hommes pour le mardi suivant à 9 h. du matin. La troupe rencontra les Chouans près du bourg de Langonnet, le 16 juillet, et les mit en déroute, après leur avoir tué une douzaine d'hommes. Pastol, Le Clec'h et Bréban avaient réussi à s'échapper.
Le lendemain, une bande considérable passait à Botquelvé en Langonnet, avec neuf bœufs et plusieurs chevaux : « Les brigands augmentent d'une façon inquiétante, gémissent les citoyens du Faouët. Langonnet, Plouray et Guémené sont comme leurs quartiers généraux » (21 juillet). « Les brigands sont revenus dans notre district, et sans aucun frein. Les communes sont livrées en grande partie à leur fureur impunie. Une troupe de ces bandits, commandés par Le Clec'h, vient de mettre à contribution les familles de la commune de Langonnet et de leur enlever le peu de numéraire qu'elles avaient. Nous vous envoyons copie de l'une des quittances que ce scélérat n'a pas rougi d'écrire au nom de la religion » [Note : Vive la Religion ! Vive le Roi ! — Je soussigné, capitaine royaliste de Langonnet, reconnais avoir reçu de Guillaume Guillemot la somme de 723 livres,pour une année de ferme, pour la métairie ancienne et pourpris, situés aux dépendances du bourg du Saint, paroisse de Gourin, appartenant à M. le Marquis de Liscoat ; dont quittance. Donné au bourg du Saint, en ce jour, 4 octobre 1795, l'an 1er du régime de Louis XVII. Signé : Le Clec'h, cap. royaliste de Langonnet. Pour copie conforme : Le Goarant]. Nous gémissons de ces excès, sans pouvoir y porter remède. — Le Goarant, Le Gorgeu, Bargain. (3 novembre 1795). (Arch. du Morbihan. L. 282). Le 13 mars 1796, le sieur Berio dénonce Le Clec'h, Bréban et Poëzavara, comme chefs de la bande qui a assassiné le Juge de Paix de Gourin. (L. 291).
Tous les rapports d'espions concordaient à
signaler la ci-devant abbaye de Langonnet comme le foyer du mouvement
insurrectionnel. Il fallait en finir avec ce nid de Chouans et le faire occuper
par un détachement de troupes républicaines ; la famille Bréban dut s'enfuir pour
échapper au danger de mort. Ses biens furent placés sous séquestre, en 1795, et
ils ne purent les recouvrer en partie, que l'année suivante. Dans une supplique
au Directoire du Faouët, du 8 Messidor an IV (25 juin 1796), le citoyen Bréban
père, marchand de bois, expose ses doléances. Pour apprécier l'attitude de
Bréban et de plusieurs autres personnages mêlés à ce récit, il convient de
considérer qu'ils vivaient en plein pays Pourlette, où « Sous un extérieur
plutôt vif, (l'habitant) dissimule de la froideur tenace, de la réflexion
calculée, qui ne permet jamais l'emballement. Tout en causant beaucoup, il ne
dit que ce qu'il veut et rarement ce qu'il pense : quand cela lui plaît, il
gagne facilement les sympathies, et, quand cela lui plaît encore, il roule son
monde, et sans qu'on y pense ».
- Nen dès Pourlet na Pourletten
- Hemb ne vou tro en e gorden. (Il n'y a ni Pourlet ni Pourlette - Qui n'ait un tour à sa corde).
(Cfr. Revue Morbihannaise (1905) . J. TERILIS ). Etude sur le pays Pourlette).
Bréban déclare donc : « que son malheureux asyle l'a mis à la merci des Chouans qui, trop longtemps, ont infesté le pays. Mais forcé d'y habiter par la nature de son commerce, qui consistait dans l'exploitation de la forêt, dont il est adjudicataire pour la moitié, il s'est vu également obligé d'essuyer le désagrément des Chouans et même de les recevoir sans oser leur rien dire, dans la crainte d'exposer ses jours et ceux de sa nombreuse famille ».
Par suite, il s'est vu regardé comme Chouan lui-même : « Victime de rapports mensongers et calomnieux, qui ont surpris la religion des administrateurs, il a été poursuivi comme fauteur ou complice des Chouans et tout ce qu'il possédait a été séquestré, et il s'est vu réduit à n'avoir ni linge, ni hardes à changer, ni lit pour se coucher ».
Or, il proteste que : « loin d'avoir l'idée de porter les armes contre sa patrie et de se livrer à des sentiments de vengeance, il a souffert avec patience la persécution. D'ailleurs, depuis la paix, les officiers Chouans ont déclaré qu'il n'a jamais eu de rapports avec eux et qu'il s'est même constamment refusé à leurs sollicitations. C'est un malheureux père de famille, qui n'a jamais été qu'ami de la paix et du bon ordre et toujours soumis aux Lois du pays, mais qui a cru devoir se dérober aux poursuites de la calomnie et de l'effervescence du moment ».
Malgré toutes ses dénégations, le seul fait d'avoir hébergé les Chouans, — ce que la plupart des habitants des campagnes ont été dans la nécessité de souffrir comme lui, — « lui a été imputé à crime par les troupes de la République qui battaient journalièrement le pays, et qu'il a toujours cependant accueillies avec une fraternelle hospitalité ».
Comme ces troupes, « poussées sans doute par quelque génie malveillant », menaçaient l'existence des siens, « suivant les rapports qui lui furent faits d'après les bruits publics », il prit soin d'éloigner sa femme et ses filles, qui se retirèrent par prudence à Kerfandol, avec une partie du mobilier.
« Quant à lui, et au citoyen Poëzavara, son gendre, ils continuèrent d'habiter la cy-devant abbaye jusqu'au 23 Thermidor, an III (10 août 1795,) jour auquel un détachement parti du Faouët y arriva, avec des démonstrations de menaces et de fureur qui les glacèrent d'effroi. Ils prirent en conséquence la fuite et la prirent prudemment, puisqu'il leur a été assûré dans la suite que cette troupe ne devait épargner aucun homme de la maison. Ne rencontrant que quelques domestiques effrayés, la troupe se livra à toutes sortes d'excès : quatre barriques de cidre et une demie barrique de vin furent coulées [Note : Une note discrète du 11 août 1795, au lendemain de l'arrivée de la troupe, signale « insurrection et pillage à l'abbaye de Langonnet, mais de légère conséquence ». Le cidre et le vin avaient produit leur effet] ; les meubles furent brisés, une grande partie des autres effets furent pillés et le reste saisi, séquestré, ainsi que les bœufs, les chevaux, les harnais et une charrette ferrée ; la provision de grain fut enlevée et les dégradations commises dans la maison l'ont rendue dès lors inhabitable.
Après que la force l'a banni de sa demeure — ajoute encore le citoyen Bréban — la force même est venue l'habiter : différentes garnisons se sont succédé. Ces différentes garnisons n'ont fait que rendre la maison de plus en plus inhabitable [Note : Une autre main a ajouté, en surcharge : « Mais il faut reconnaître néanmoins que les Chouans ont contribué pour le plus à sa dégradation »]. Elle est aujourd'hui tellement dégradée qu'on n'y aperçoit pas une seule porte, pas même celle des magasins et des écuries ; sur les ouvertures des fenêtres, il ne subsiste ni vitres, ni croisées, ni abat-vents ; presque tous les foyers sont dérangés et les murs de refente en partie démolis... ».
Bréban déclare en terminant, qu'il ne lui est plus possible d'habiter cet asile, qui n'est désormais qu'une immense carcasse d'édifice dont la vue offre le tableau parlant des ravages inséparables de la guerre. En conséquence, Bréban offre de résilier son bail et demande à être dispensé du paiement de l'année échue et de celle à écheoir, se trouvant acculé à l'impossible. Le Directoire accepte le résiliement du bail sur l'indemnité de la récolte prochaine qui va s'ouvrir, en foins et fruits. (1er Thermidor, an IV, 18 juillet 1796).
En outre, le plaignant réclame les effets séquestrés qui ne lui ont pas été rendus. (20 Messidor, an IV. 7 juillet 1 796) : « Citoyens vous n'ignorez pas que j'ai été regardé comme Chouan et complice de Chouans. Sous ce prétexte, mon mobilier a été dilapidé et ce qui a été séquestré a dû avoir été vendu, et que d'ailleurs il s'en est perdu des magasins même. Mais, je sais aussi qu'il subsiste encore dans ces mêmes magasins une autre partie de mes effets, notamment des nappes, hardes, et linges, quelques gros meubles et quelques accoutrements de lits. Ces objets sont pour moi et pour ma famille de première nécessité, dans la triste situation où nous nous trouvons réduits, par le sort le plus rigoureux et le moins mérité. Aujourd'hui, qu'il est prouvé que je n'ai aucune part à la désolation de mon pays, on peut voir clairement combien à tort j'ai été persécuté. Je ne demanderai pas l'entière restitution de mes effets. Mais, convaincu que vous êtes justes, quand une fois la vérité parvient jusqu'à vous, Citoyens, j'ose demander avec confiance main-levée de ceux de mes effets saisis, qui se trouve encore dans vos magazins, avec permission d'en disposer comme bon me semblera, et qu'à cet effet vous nommiez une Commission pour enjoindre au Garde magazin d'ouvrir les portes et pour procéder avec moi, ou avec le citoyen Poëzavara, mon gendre, à la livraison des dits effets dans l'état où ils subsistent ».
Bréban avait éloquemment défendu ses intérêts il comptait sans doute des amis parmi les autorités du Faouët, qui lui donnèrent gain de cause. (1er Thermidor, an IV. 18 juillet 1796).
« En vertu de l'amnistie accordée aux Chouans qui ont déposé les armes, le Directoire décide qu'il sera fait droit à la demande du sieur Bréban et que ses effets lui seront rendus ».
Quant au juge Poëzavara, il réussit très habilement, lui aussi, à se tirer d'embarras. Les administrateurs du Faouët écrivent, en effet, le 22 février 1796 : « Nous vous prévenons également que Poëzavara, ex-juge du tribunal de ce district, a été accusé d'intelligence avec les Chouans et mis en état d'arrestation [Note : « Il était à l'attaque du Faouët et au grand rassemblement de l'Abbaye, du 12-13 Messidor dernier (2 juillet 1795), et, la nuit suivante, il fut, en compagnie de Bréban, chef de Chouans, Le Clec'h, notaire de Langonnet, Pastol cadet, de Langonnet, officier de Chouans, et avec plusieurs autres, désarmer plusieurs personnes dans les communes du Saint, Gourin et Langonnet »]. S'étant trouvé malade à la Maison d'arrêt, on lui accorda la ville pour prison. Dès qu'il eut recouvré la santé, il rejoignit les Chouans dans une auberge de Plouray. Ceux-ci le conduisirent à Plouguernevel. Trop lâche pour prendre .les armes ; mais l'un de ses frères, celui que vous aviez envoyé aux prisons de Port-Brieuc, est chouan ».
En réalité, Poëzavara n'était point si lâche qu'on eût pu le croire et que le prétendaient ses adversaires. Car eux-mêmes nous disent, le 6 juillet 1797 : « Les Bréban et Poëzavara habitent les Côtes-du-Nord, mais viennent audacieusement à Gourin et à Langonnet, où sont leurs beaux-frères, qu'on ne peut arrêter parce qu'on ne trouverait personne pour déposer contre eux ».
Bien plus, l'ancien juge eut l'audace de reparaître au Faouët à la fin de cette même année. Il y ouvrit une auberge, où il payait à boire à ses amis, qui n'étaient point les Bleus. « Il devrait se retirer », disent timidement les administrateurs du Faouët. (Arch. Morb. L. 1006 et 306). De fait, les choses n'allaient point au gré des patriotes du Faouët : « Hier soir (12 avril 1796), 300 hommes du parti de Du Chayla, tous bien armés, ont passé par le bourg de Langonnet. Toutes les armes sont neuves et proviennent des derniers débarquements. Il y a parmi les bandes beaucoup de déserteurs ; on croit même qu'il s'y trouve des troupes étrangères et beaucoup de jeunes gens de la première réquisition. Les 300, qui ont passé par Langonnet, étaient presque tous du Finistère. Jamais les Chouans ne se sont multipliés dans nos parages et n'ont montré plus de desseins hostiles que dans ce moment. lls ont reçu des armes des Anglais ». — (Le district du Faouët aux administrateurs de Rostrenen et de Carhaix, le 13 avril 1796).
Vers la mi-août, l'habitation du sieur Le Monze est mise au pillage ; la commune est condamnée à lui payer une indemnité de 1.805 livres. Il se retire au Faouët, avec 1000 l. de pension. Debar passe souvent à la Trinité, pour aller chez les Bréban, ou pour se rendre de Trégarantec au Launoy, chez les filles Mascle, où il rencontre Bonaventure, et deux de ses compagnons, armés comme lui.
« Ils préparent un coup contre nous. disent encore les gens du Faouët, car le greffier de la municipalité de Langonnet, Pervern Ramon, a menacé un gendarme en déclarant que les bougres du Faouët seraient bientôt mieux bloqués qu'autrefois » 23 décembre 1797. (Arch. du Morb., L. 306).
A toute cette agitation succéda une période de calme, la seconde pacification, due à l'énergie du général Hoche. Toutefois, ce n'était qu'une tranquillité relative et bien précaire ; les hostilités ne tarderont pas à reprendre, pour se prolonger jusqu'à l'époque du Consulat, où le génie de Bonaparte saura imposer la paix définitive. La dernière campagne des Chouans présente un caractère avant tout politique et consiste le plus souvent en sanglantes représailles ; les espions et les délateurs sont mis à mort sans merci.
« Bien que la chouannerie n'ait plus en réalité de commandant en chef, car le comte de Béhague [Note : Le comte d'Artois, « toujours aussi heureusement inspirée, avait donné au comte de Béhague, vélétudinaire et impotent, la succession de Puisaye, parti plein de rancœur pour le Canada »] n'a été pris au sérieux par personne, l'indomptable Georges Cadoudal revenu d'Edimbourg pendant l'été de 1798, a entrepris aussitôt la réorganisation de l'armée catholique et royale de Bretagne. Au lieu de seize divisions comme dans l'ancienne chouannerie, elle n'en compte plus que huit, divisées en cantons, mais d'une étendue beaucoup plus considérable ; l'ancien Conseil est supprimé et elle n'a plus à sa tête qu'un chef unique, Georges, de qui relèvent directement les huit divisionnaires dotés du grade de colonel ».
La septième division, comprenant huit cantons, s'étendait de l'Oust à Carhaix et même jusqu'à Guerlesquin, et depuis St-Aignan et Plouray jusqu'aux forêts de Beffou et de Coatan-Noz, dans l'ancien district de Guingamp. Son chef, nommé Debar ou le Prussien, était un nouveau venu en Haute Cornouaille, mais il ne devait pas tarder à s'y faire avantageusement connaître [Note : Le Paige d'Orsennes (Jean-François-Edme) dit le général Debar, né à Concarneau ; ancien élève du petit séminaire de Plouguernével et du collège de Quimper ; avocat au Parlement ; émigré en 1792, fit ses premières armes en Vendée. On le retrouve à Rostrenen, où il fréquente la bourgeoisie et la noblesse cornoualllaises. Teinté de voltairianisme, il sera signalé (1804) comme « un coureur de filles et un pilier de cabaret ». Sa division s'étendait sur les districts de Rostrenen, Carhaix, Le Faouët. Refugié en Angleterre après le complot de Cadoudal, il revint se faire tuer, le 23 novembre 1812, par les marins du lougre Alerte, dans une tentative insensée de débarquement à l'île de Houat. (HERVÉ POMMERET : La Troisième Chouannerie, pp, 15-16)]. Il agissait le plus souvent isolément, parfois aussi en liaison avec Saint-Régent dit Pierrot, Legris-Duval, Carfort, Taupin et autres chefs des Côtes-du-Nord. (Cfr. Arch. Côtes-du-Nord, L. m. 5.127 — Papiers de Debar).
Debar avait pour principaux lieutenants : Jean-Gabriël Le Pape dit Belamour ou Tancrède ; Charles-Guillaume Poëns de Kérilly dit Auguste, âgé de dix-huit ans, et Philippe, chef du canton de Carnoët. Ses officiers visitent les jeunes gens à domicile et les inscrivent, de gré ou de force, sur leurs listes ; ils menacent les réfractaires d'amendes pour la première fois, de confiscation de leurs biens à la seconde et finalement de la peine de mort, pour eux et leur famille, à la troisième sommation ; ils leur interdisent de contracter mariage sous peine d'être tondus en public.
Debar entre en campagne avec une centaine de gars déguisés en militaires et gardes nationaux ; il finit par en grouper un millier autour de lui. Les hommes reçoivent quinze sous de solde, mais sans être nourris ; le chef abandonne à leur profit le sixième des fonds recouvrés sur les caisses municipales, « parce qu'ils s'entretiendront ».
Partout où ils pénètrent, ils coupent les Arbres de liberté, brûlent les rôles des contributions, saisissent la caisse, recouvrent les deniers de la République et ses fermages, enjoignent aux fonctionnaires de démissionner sous peine de mort ; et ce n'était pas une menace en l'air. Le mot d'ordre de Debar était « Haine aux timides, aux neutres, aux égoïstes, aux amphibies ! ». Dévaliser les percepteurs et fusiller au besoin les récalcitrants, désarmer les patriotes, punir les délateurs, recouvrer les fermages sur les fermiers de la Nation, rançonner les acquéreurs de biens nationaux : telles furent les opérations habituelles des Chouans durant cette période.
« La plupart des mécontents, dit le chanoine Sorgniard, sont des chouans non soumis et persécutés, des émigrés, des déserteurs républicains qui, tous unis par haine contre la République, lui nuisent étonnamment en vidant les caisses de receveurs et en pillant les convois d'argent. Je suis fâché qu'ils se permettent de piller les particuliers ; ils n'ont aucun égard pour les personnes et leurs opinions. En mon pays, ils pillent les fermiers les plus honnêtes. Maintenant on ne respecte plus les voyageurs ; on leur prend argent et montre. Il, est vrai que tout cela se fait avec la plus grande honnêteté, mais on n'en est pas moins dépouillé... ». — (Lettre à l'Evêque de Tréguier, 4 juillet 1799).
Ce n'était plus la brillante croisade pour la défense du trône et de l'autel, mais un système organisé de pillages et de vols, accompagnés de vengeances et d'assassinats, qui atteignaient parfois les gens « les plus nuls en Révolution, » pour parler le langage de l'époque. A la chouannerie d'antan avait succédé un vulgaire chounnage.
Durant l'hiver de 1798-1799, le général Debar avait réussi à mettre sur pied une troupe de cinq à six cents hommes, qui opérait sur les confins du Morbihan et du Finistère, au sud de Rostrenen.
Un jour il enlève l'agent et le curé constitutionnel de Motreff, qui sont pendus dos-à-dos dans le bois de Langonnet. Le garde de la forêt est poursuivi par 50 Chouans. Au bourg même, l'ex-vicaire, Le Corre, est fusillé dans sa maison. Il y eut encore d'autres victimes, et la commune fut condamnée à payer 18.000 £ pour les assassinats des sieurs Poulichat, Liannec et le Goff. (Arch. du Morb. L. 782).
A Plouray, l'officier municipal était Joseph Le Guilloux, surnommé Huitellic, à cause de sa manie de siffloter. Le matin du 6 mai, arrive un peloton de dix hommes, armés de fusils doubles et portant l'uniforme national. Ils appellent Huitellic, qui les salue du seuil de la porte, par un cri de : vive la République ! Une violente décharge le couche sur le sol. C'étaient les compagnons du général Debar. Le meurtre eut lieu en plein jour, vers 8 heures du matin, en présence des habitants, sans qu'un seul fît le moindre mouvement pour venir à son secours.
L'administration du Faouët lui rend cet hommage : « Le Guilloux servait depuis longtemps la chose publique, par un sincère dévouement à la République, et sa surveillance était active ». C'est lui en effet, qui servait de guide aux colonnes mobiles. Ancien chouan, il s'était fait le délateur de ses compagnons et des prêtres réfractaires. Il se vantait d'en avoir fait exécuter 99...
Après Huitellic, ce fut le tour de Soufflet, qui avait procédé à l'arrestation de l'abbé Yvenat. Un beau soir, entre Keranrouz et Keransker, sur la limite de Gourin et de Roudouallec, le citoyen Soufflet rencontre, comme par hasard, sept ou huit Chouans du parti de Boaventure. L'entrevue fut de courte durée ; et, quand la garnison de Gourin accourut au secours, il ne restait plus aucune trace de l'infortuné garde-champêtre. C'était le 15 août 1798. Sa femme, Marie-Vincente Raoul, trouva un consolateur dans le constitutionnel Rupp, qui l'emmena à Concarneau, où elle donna le jour à un fils (3 décembre 1798). La commune de Roudouallec fut condamnée à payer une indemnité de 2000 écus à la veuve Soufflet. Le général Michaud, commandant à Pontivy, envoya un détachement de 100 hommes, sous les ordres du lieutenant Labourier. Il fallut encore payer 8000 livres pour être débarrassé de cette troupe plus encombrante qu'utile.
« Parmi les régions qui abritaient le plus de Chouans, dit Sageret, se trouvaient en première ligne les territoires de Langonnet et de Gourin. Les chefs qui résidaient à Langonnet, et cela, parait-il, en toute sécurité, étaient les nommés Leizour, dit La Douceur, Allain Lepape, et Lebéhérec. Aussi cette commune passait-elle pour fort mauvaise et les autorités officielles la considéraient-elles comme dégradée par l'esprit de discorde et la protection qu'elle accorde journellement aux brigands ».
De plus, on voyait alors très souvent dans les environs, un jeune homme qui passait pour royaliste forcené, Charles-Louis-Célestin de Sourdeval. Il se trouvait au milieu des Chouans quand, le 24 Pluviôse (13 février 1801), un détachement de huit gendarmes du Faouët fit une battue, près de l'abbaye de Langonnet. Rien que de normal dans cette tournée, puisqu'on savait ce territoire le repaire de nombreux insurgés et brigands.
« Voilà les Bleus ! s'écrie Sourdeval, dès qu'il les aperçut. Il ne faut pas nous laisser embêter. Faisons un feu de file pour qu'ils nous croient en plus grand nombre ».
Ils ouvrirent aussitôt une vive fusillade devant laquelle les gendarmes battirent en retraite prestement, laissant un mort sur le terrain et ramenant un blessé qui avait le bras cassé.
Le 3 juin suivant, le tribunal de Pontivy condamne la commune de Langonnet à payer 228 £, le double de la valeur des effets saisis sur la victime, et 3000 £ pour le bras cassé du gendarme Anthonus. Il ne fut pas question du mort, le gendarme Lecomte. Sans doute était-il célibataire ! — (SAGERET : Le Morbihan et la Chouannerie. Tome II, pp. 195-197).
Le 22 octobre 1800 (1er Brumaire, an IX) le brigadier Le Gall et le gendarme Mignard conduisaient du Faouët à Pontivy deux jeunes gens d'Arzano, réfractaires à la conscription : Guillaume Evennou et son frère Joseph, qui tentèrent de s'évader à la Grande Lande, près de Priziac. Guillaume fut tué sur le coup et Joseph mortellement blessé.
A la mi-avril 1802, deux gendarmes chevauchaient sur la route de Guémené à Gourin, escortant trois filles et un militaire, quand ils vinrent se heurter, tout près de Priziac, à un poste d'une dizaine de Chouans. Le caporal Picaud s'élança à la poursuite de l'homme qui se trouvait en vedette et tomba dans une embuscade. Il fut abattu d'un coup de fusil ; on lui prit cheval et équipement. Quelques jours plus tard, la police arrêtait Jean Le Dantec et Guillaume Le Gall, condamnés à mort par le tribunal spécial de Morbihan et exécutés sans délai, le 1er août 1802. Un troisième, Yves Lachataire, accusé de complicité, demeura en prison durant cinq mois et finalement fut remis en liberté (12 octobre) sur un excellent certificat du sieur Le Clec'h, maire de Langonnet [Note : Les compagnons de Bonaventure étaient : Jean Le Dantec dit le Flambeur, 22 ans, tisserand et bouvier, de Langonnet ; Guillaume Béchouarn, de Kerbic en Langonnet ; Louis Le Bris dit Bras-de-Fer, du Samedi en Plouray ; Michel Le Morvoux, dit Fleur d'Epine. du Runello ; Paul Roperch dit Attrappe-qui-peut ; Yves Lachataire dit Bon-Fidèle, sabotier à Langonnet ; Louis Guillemot dit Bois-Joly, du moulin du bourg de Langonnet ; Louis Le Connec., de Lanoux en Langonnet ; Guillaume Le Gall dit la Guerre, 29 ans, taillandier, de La Madeleine en Gourin].
La commune dut verser une indemnité de 5.921 livres, sans compter les amendes, qui s'élevèrent à 2.998 livres pour Langonnet, Le Saint, Gourin et Tréogan. Au milieu de ces désordres que devenait notre vieille abbaye ? Elle avait fini par être un véritable bouge, qui fut dénoncé (21 mai 1803) par le sous-préfet de Pontivy M. D'Haucour : « Le vaste bâtiment de l'abbaye de Langonnet forme aujourd'hui une république composée de près de soixante familles, de misérables, de gens sans aveu et sans occupation. Toute la canaille des environs vient s'y fixer. Les dégâts sont affreux ; les escaliers, les planchers brisés et enlevés. Il y a cinq cabarets pleins de désordre, et de nombreux accidents avec mort d'homme. Il n'est point prudent de passer de nuit dans ces parages. Le maire (Nicolas Le Clec'h) n'ose dénoncer ces choses ».
M. le sous-préfet déclare qu'il tient ces renseignements du desservant de Langonnet, l'abbé Cochevelou [Note : Cochevelou (Jean), originaire de Penguesten-Bihan en Langonnet. Il était diacre en 1793 et obtint, pour passer en Espagne, un passeport signé par Yves Hamon, maire, et Pastol, procureur de la commune de Langonnet (13 septembre). Le 23 janvier 1794, les biens de sa mère, Hélène Canaff, étaient séquestrés, en même temps que ceux de la mère de l'abbé Querrec, Marie Le Poder, à Coscluff en Langonnet] ; il demande au préfet d'envoyer la force armée pour chasser ces misérables, et faire déguerpir le locataire principal, Mathurin Le Bail.
Les trois brigades de Guémené, du Faouët et de Gourin se réunirent pour dissiper cette population interlope. Ils trouvèrent à l'abbaye un certain nombre de gens sans aveu, auxquels plusieurs cabaretiers vendaient nuit et jour à boire. L'endroit passait pour très dangereux, les habitants, pour de mauvais sujets, pillards capables des pires excès ; ils avaient même récemment, assurait-on, menacé le garde-forestier. Ils paraissaient exercer le métier de bûcherons ou de sabotiers, et le meunier du moulin de l'abbaye leur sous-affermait le terrain.
Le propriétaire du moulin était alors le citoyen Le Goarant. Quant à l'abbaye et ses dépendances, divisées en trois lots, les locataires en étaient, depuis 1797 : Jean Roulay, Jean Garain et Mathurin Le Bail, « fermiers intelligents, qui laissèrent tout se détériorer » sans que la Nation songeât à rien réparer.
« Quant à la moralité des fermiers — dira plus tard un commis de la Direction des Domaines — j'ai l'honneur de vous prévenir que celui du premier lot, Jean Garrain, a levé le pied pour satisfaire à ses obligations ; le second est également de ce genre, un homme sur lequel on ne peut beaucoup compter ».
En somme les biens de l'abbaye ne profitèrent pas beaucoup à la Nation. Les voleurs furent volés. Ils se voient contraints de l'avouer eux-mêmes : « Les biens nationaux de ce district ont été dévastés par les Chouans et sont devenus sans valeur, tels notamment les presbytères et terres en dépendant, ainsi que la cy-devant abbaye de Langonnet avec ses dépendances. Il en est des bois comme des édifices susmentionnés ; la forêt de la cy-devant abbaye a été évaluée 1.800 l. de revenu et la taille de Costreogant en Convaux, 948 l. Actuellement exploitées et rasées, elles se trouvent réduites à rien ».
***
Qu'étaient devenus nos moines pendant la tourmente ? Dispersés comme les feuilles d'automne qu'emporte le vent, ils ont cherché à se faire oublier et, à part l'un ou l'autre, ils y ont assez bien réussi. Du Prieur, D. de Frémont et de D. Derrien nous ne trouvons pas la moindre trace. D. Grolleau dut se retirer à Nantes, où il serait mort en 1822. Il avait prêté serment pour toucher sa pension. Par ailleurs, nous connaissons déjà la fin tragique de D. Bourguillaut et l'odyssée de D. Le Denmat. Il nous reste à parler du Procureur D. Dominique Le Breton.
Le 27 mars 1791, l'assemblée électorale du Finistère se réunissait à la cathédrale de Quimper, chapelle de la Victoire. Le lendemain, par 27 voix sur 39, Le Breton, ex-Bernardin, fut élu curé de Trégunc, en remplacement de M. Dulaurent, qui avait refusé le serment. Le 11 décembre suivant, il est transféré à Pont-l'Abbé et remplacé à Trégunc par Le Denmat, curé de Tréméoc ; il s'y trouvait encore en 1793. Comme membre du district de Quimper, il fut mis quelque temps en arrestation au château de Brest. On le voit commissaire du contrôle postal à Pont-l'Abbé et Commissaire pour les inventaires et séquestres des biens des émigrés. En cette qualité, il fut chargé d'inventorier la Bibliothèque du château du Cosquer en Combrit, qui appartenait à Euzenou de Kersalaün, et il livra aux flammes une douzaine d'ouvrages contraires aux bonnes mœurs. Dans une lettre à sa sœur Marie-Thérèse, il se qualifie d'ex-prêtre. Dominique Le Breton, mourut à Quimperlé, le 18 septembre 1816, âgé de 57 ans, sans laisser aucun héritage.
Une tradition, recueillie par l'abbé Téphany, veut que nos Bernardins aient cherché refuge en Angleterre : « Deux des survivants ont dû rentrer en France, dit-il, vers 1816. Avant de se rendre à la Meilleraie, ils voulurent visiter le berceau de leur vie religieuse, en passant par Langonnet » (TEPHANY : Histoire de la Persécution Religieuse dans les Diocèses de Quimper et de Léon, de 1790 à 1801).
A l'époque de l'émigration, un gentilhomme catholique d'Angleterre, Thomas Weld, dont le fils aîné devint plus tard cardinal (1830), avait offert asile aux Trappistes, dans ses vastes domaines de Lulworth, non loin de Weymouth, dans le Dorsetshire. Une résidence provisoire fut édifiée à la hâte pour les moines de M. de Rancé, et ils y séjournèrent une vingtaine d'années (1795-1817).
« La règle du célèbre réformateur y était observée, déclare l'abbé Caron, avec autant, et j'aurais peut-être raison de dire avec plus de rigueur que n'en avait montré le berceau de cet admirable institut, auprès de Mortagne, dans le diocèse de Séez. » (L'abbé CARON Les Confesseurs de la Foi dans l'Eglise Gallicane, à la fin du XVIIIème siècle. Tome III, p. 498).
M. Weld mourut en 1810, et les Trappistes rentrèrent en France, en 1817, sous la conduite de leur abbé, D. Antoine, au nombre de 59. Embarqués à Weymouth, le 10 juillet, sur une frégate de l'Etat, La Revanche, capitaine Pelleport, ils arrivèrent, le 20, à Nantes. D. Antoine avait racheté Melleray, le 8 février précédent. Ils en prirent possession le 24 juillet et l'installation solennelle eut lieu le 7 août. — (Vie du R. P. D. Antoine (Anne-Nicolas-Charles Saulnier de Beauregard), abbé de Melleray. Paris, Pihan de la Forest, 1840). Rien ne prouve toutefois qu'il se soit trouvé, parmi les moines de Melleray, aucun des anciens religieux de Langonnet, malgré l'affirmation formelle de l'abbé Téphany [Note : Ach. du Finistère, L. 254. Cfr. PEYR0N : Documents pour servir à l'histoire du Clergé et des Communautés religieuses, dans le Finistère, pendant la Révolution, 2 vol. Quimper. Kéranzal 1892].
« Ce qu'il y a de certain ajoute-t-il, c'est que les religieux de ce dernier monastère s'affilièrent directement, après la Révolution, à celui de la Meilleraie, où l'on voit un arbre généalogique de Cîteaux, où Langonnet figure à ce titre ».
Théphany s'est fait illusion s'il a cru trouver là une preuve en faveur de la fusion entre Bernardins et Trappistes.
***
Le dernier abbé de Langonnet ne devait pas survivre à la ruine de son abbaye. En 1789, M. Chevreuil figure, le 23 avril, à l'assemblée des Electeurs du Clergé de Paris, intra muros, comme délégué du Chapitre, et siège, le lendemain, à la Chambre ecclésiastique de l'Assemblée électorale extra muros. Il est chargé avec M. de Malaret, de rédiger les Cahiers des Doléances et Remontrances. Le 1er mai, il fut élu, au 3ème scrutin, député du Clergé aux Etats-Généraux, à la suite de Mgr de Juigné et de M. de Montes-quiou, qui avaient été désignés par acclamation.
Cette élection déplut à l'auteur de la Relation Sommaire : « Chancelier et chanoine de l'Eglise de Paris, peut-on se flatter que, comme un autre Gerson, un des prédécesseurs le plus célèbre, M. Chevreuil fasse éclater son zèle pour le soutien de l'Eglise, pour la réforme des abus, pour le bonheur de l'Etat ? Au concile de Constance, Gerson soutint son zèle par ses lumières, par la profondeur et la force de ses raisonnements et par les mœurs les plus pures. M. Chevreuil rendrait les services signalés à l'Eglise et à l'Etat par l'étendue de ses connaissances ; le succès serait immanquable, si, d'après les principes de la plus saine théologie, dont il est un des sages maîtres, il avait le bon esprit de se contenter de sa prébende canoniale, et de renoncer à son abbaye. L'illustre Gerson poussa l'humilité jusqu'à devenir maître d'école ; M. Chevreuil n'aurait pas l'âme assez noble, assez élevée, pour donner un exemple de désintéressement prescrit par les Canons et commandé par la raison même ? ». De fait, l'abbé de Langonnet s'associa le 16 août 1790, au Te Deum solennel, que le Chapitre fit chanter à Notre-Dame, pour célébrer l'abandon des Privilèges. — C'était le chant du cygne : scaevos olores. Le chanta-t-il de bien bon cœur ?
M. Chevreuil avait accompagné le roi à Paris, le 6 octobre 1789. En 1790, il signe de mandement de Carême avec ses collègues et, quand eut lieu la prestation solennelle du serment à Notre-Dame, en présence de Bailly, maire de Paris, 16 janvier 1791, les sept vicaires généraux, Chevreuil en tête, s'honorèrent par un refus formel. (Cfr. l'abbé DELARC — L'Eglise de Paris pendant la Révolution. Paris, Desclée. — J. MEURET — Le Chapitre de Notre-Dame de Paris en 1790. Paris, Picard, 1903).
Il était, en sa qualité de Chancelier de l'Eglise de Paris et de l'Université, seigneur en partie de Conflans-Sainte-Honorine et de Chennevières ; ce qui lui permettait de toucher sur ces deux paroisses les deux tiers des lots, ventes et dîmes ; mais la plus grosse partie de son revenu venait de Langonnet. Dès le début de 1780, il avait pris soin de verser au Directoire du Faouët une première contribution patriotique de 1.600 l. (24 mars) [Note : Les contributions patriotiques étaient un emprunt déguisé, qu'un décret de l'Assemblée Nationale avait fixé au quart du revenu déclaré]. A l'automne, il est obligé de faire à Paris la déclaration de ses bénéfices, dont copie authentique est déposée au Faouët par M. de Toulgouët, le 1er octobre.
« Je soussigné, Chancelier de l'Université de Paris, déclare à Messieurs du Directoire du chef-lieu de l'abbaye de Langonnet, au Département de Morbihan, que je jouissais cy-devant des revenus de trois bénéfices : Savoir : 1° — d'un Canonicat de l'Eglise Notre-Dame de Paris ; 2° — de la Chancellerie de la dite Eglise, à laquelle est annéxé l'office de Chancelier de l'Université de Paris ; 3° — de l'abbaye de Langonnet. Je déclare de plus que le revenu de mon susdit Canonicat, variable selon les années différentes, le nombre des assistances, les Lods et Ventes etc... m'a produit depuis la fin de l'année 1779 que j'en ai été pourvu, l'une année portant l'autre, la somme annuelle d'environ 6000 l. ; que la dotation de ma Chancellerie consistant en droits seigneuriaux et les deux tiers des Dixmes de la paroisse de Conflans-Sainte-Honorine, Diocèze de Paris, m'a également produit, bon ou mal an, environ 1050 l., d'où il résulte que le produit de ces deux bénéfices est inférieur à celui de l'abbaye de Langonnet, dont je jouissais, comme il appert par la déclaration cy-devant faite en mon nom, du revenu de cette abbaye, portant à une somme annuelle d'environ seize mille livres. Pourquoi et en vue de me conformer aux Décrets de l'Assemblée Nationale, à l'effet de jouir du traitement des Bénéfices porté par les Décrets et qui se doit fixer selon leur forme et teneur, j'ai fait et adressé ma présente déclaration à Messieurs du Directoire sus énoncé, les priant de m'en faire délivrer un certificat et de le remettre ès mains de M. Le Gogal de Toulgouët, Procureur du Roy à Carhaix ; [Note : Le Gogal de Toulgouët (Théodore-Joseph), né à Carhaix, 6 octobre 1748, fils de Jean-Francois, Procureur royal, et de Dame Vincente-Jeanne Le Roux, officier municipal en 1799. maire de Carhaix, commandant de la Garde Nationale et président de la Société Populaire. Dénoncé comme suspect et accapareur, il est arrêté le 8 septembre 1792 et relâché le 25 octobre. Arrêté de nouveau le 14 octobre 1793 ; mis aux fers à Saint-Pol-de-Léon. L'acte d'accusation le signale comme « très dangereux, par ses liaisons avec les ci-devant oppresseurs du bon peuple, dont il avait été la sangsue, hypocrite, homme faux, souple, plein d'esprit... ». Acquitté par le tribunal révolutionnaire de Brest, il est rétabli dans ses fonctions de maire. Appelé à l'administration départementale, en janvier 1795, il devient commissaire du Directoire exécutif, puis député au Corps Législatif (5 mai 1799), où il siègera jusqu'au coup d'État de Bonaparte. (P. HÉMON : Carhaix et le district de Carhaix pendant la Révolution, Soc. Bib. Bretons, 1912)] lequel a bien voulu se charger de présenter à Messieurs du Directoire ma déclaration actuelle et de me faire passer le susdit certificat en mon domicile, à Paris, Cloître Notre-Dame, N° 44. Fait à Paris, le douze septembre 1790 ».
Défense ayant été faite aux fermiers de rien verser désormais à M. de Toulgouët, pour le compte de l'abbé, sous peine de payer deux fois, M. Chevreuil, qui cherchait un terrain de conciliation versa, le 11 novembre, une seconde contribution patriotique de 1.600 l. ; et son régisseur fut, en conséquence, autorisé à faire rentrer les arrérages des fermes antérieurs au 1er janvier 1790.
Au début de 1791, M. de Toulgouët faisait encore quelques difficultés pour remettre au receveur du Faouët les titres et papiers concernant sa recette ; il se voit sommé de les déposer dans la huitaine, sous peine de contrainte de corps. Le 10 février, le directoire du district décide que l'abbé doit supporter les deux tiers de la somme de 42.000 livres pour la réparation de la partie incendiée, soit 28.000 l. Il est déclaré reliquataire à la Nation pour la somme de 14.715 l. et 1 sol. Enfin, le 27 avril 1791, le traitement de M. Chevreuil est fixé provisoirement à 4.714 l. 4 s. 1 d.
« Bureau de
Liquidation : M. Roque. M. François-Charles Chevreuil, ci-devant chanoine de
l'Eglise de Paris, demande la fixation et le payement de son traitement. Vu
la déclaration du Sr Chevreuil, en date du 12 décembre 1790, portant qu'il
jouissait : 1° — d'un canonicat dans l'Eglise de Paris, dont la valeur a été
fixée, par délibération du Comité, en date du 8 février 1791, à 8.428 l. 8 s. 2
d. ; 2° — de la Chancellerie de l'Eglise de Paris, dont les revenus sont
portés à 1.050 l. ; 3° — de l'Abbaye de Langonnet, dont les revenus sont
portés à 16.000 l. ; mais attendu qu'ils n'ont pas encore été justifiés par
l'avis des municipalités, non plus ceux de la Chancellerie de l'Eglise de Paris,
ils ne sont portés ici que pour mémoire ; Vu la déclaration du dit Sr
Chevreuil que, sur les revenus de 1790, il n'a touché qu'une très modique somme
de 250 l. ; Vu l'extrait baptistaire du dit Sr
Chevreuil, en date du 7 janvier 1723 duement légalisé ; Vu la prise de
possession du susdit canonicat, en date du 20 décembre 1779, et celle de la
Chancellerie, en date du 3 février 1780 ; Le Bureau de Liquidation estime qu'en
prenant pour base la somme de 8.428 l. 8 s. 2 d. dessus établie sans difficulté,
on peut faire fixer provisoirement le traitement dudit Sieur François-Charles
Chevreuil à 4.714 l. 4 s. 1 d.; sçavoir d'abord 1.000 l. puis la moitié
de l'excédent 3.714 l. 4 s. 1 d. Total : 4.714 l. 4 s. 1 d. et qu'il
doit lui être payée la somme de 2.357 l. 2 s. pour les deux premiers trimestres
de l'année 1791, commencés le 1er janvier et à échoir le 30 juin de ladite année
1791 ; faute
1° à augmenter ledit traitement après la justification des revenus
de la Chancellerie et de l'Abbaye de Langonnet ci-dessus énoncés ;
2° — à
imputer sur les quartiers suivants, s'il y a lieu, d'après le mode qui sera
adopté pour l'évaluation des droits de Lods et Ventes, et d'après la décision à
intervenir sur la réclamation faite par les bénéficiers de l'église de
Notre-Dame, relativement à la bonification qu'ils prétendent retirer de la non
déduction des décimes... ».
M. Chevreuil décéda le 8 mars 1792, âgé de 68 ans, en son habitation du Cloître Notre-Dame, No 44, laissant comme héritières ses deux filles : Marie-Marguerite et Geneviève. Ses biens sont estimés à 85.000 l. dont 35.000 en rente sur l'Etat, et particulier ; 50.000 l. pour la valeur de sa maison.
La citoyenne Marie-Marguerite-Jeanne Chevreuil, ci-devant Hospitalière de St-Thomas de Villeneuve, ne survécut guère à son père. Elle mourut le 6 janvier 1793, à l'établissement de la rue de Sèvres (section du Bonnet Rouge), Xème arrondissement. Sa sœur Geneviève étant placée sous tutelle, l'exécuteur testamentaire est M. Bernetz, recteur de Querrien, représenté par Jacques-Claude Péron, notaire, rue St-Christophe.
Louis Bernetz, né en 1716, était l'oncle des Messire Chevreuil ; c'est ce qui explique pourquoi l'abbé de Langonnet, quand il venait en Bretagne, résidait de préférence à Querrien, chez le recteur auquel il avait confié sa plus jeune fille.
En 1789, M. Bernetz présida comme doyen d'âge, l'assemblée des électeurs du clergé, et, quand, mourut Mgr de St-Luc, au début d'octobre 1790, c'est lui qui fut chargé de remettre au Département la protestation épiscopale contre la Constitution Civile. Ayant refusé le serment, il put cependant se maintenir dans sa paroisse, grâce à l'attitude énergique de la population. Le Guillou, Procureur-syndic de Quimperlé, écrivait, le 4 septembre 1792 : « Nous avons à Querrien quatre prêtres non conformistes qui sont, dit-on, gardés nuit et jour par deux cents hommes armés. Le Procureur de la Commune nous rapporta hier qu'il ne peut plus assister à la Messe paroissiale en sûreté, ni vaquer à ses fonctions. Il fut prévenu, dimanche dernier, par une partie de la municipalité, de se retirer sans entendre la Messe, pour obvier à une émeute populaire ».
Enfin, M. Bernetz fut arrêté comme réfractaire, à Quimperlé, en octobre 1793 ; interné aux Capucins de Landerneau, il y mourut l'année suivante, âgé de 88 ans.
Sa pupille, Geneviève Chevreuil, lui survécut une quinzaine d'années et décéda à Quimperlé, le 3 janvier 1808, dans la maison d'un sieur Artur. Ses héritiers, qui se firent représenter par procuration, se nommaient Chéry, Courpon et Florence, qui habitaient Bordeaux et Blaye. Ils se disaient héritiers du côté paternel et, d'ailleurs, n'insistèrent point, car l'héritage de bornait à quelques « mauvais effets évalués cent francs », qui furent adjugés à la cousine germaine de la défunte, dame Suzanne-Jullienne Chartier, veuve de Jacques-Nicolas Daboval, docteur en médecine, demeurant à Paris.
LES BERNARDINS DE LANGONNET.
[Note : Cette liste, très incomplète, a été dressée
d'après les documents authentiques. On a dû laisser de côté quelques noms
illisibles].
St MAURICE (DUAULT), abbé (1146-1176). AUDOIN, prieur,
(1152). EUDON. LE GLAZ, frère convers, (1218). MERIAN, abbé, (1391). GUILLAUME,
abbé, (1391-1393). GUILLAUME KERMEN, abbé, (1393), GUILLAUME JOUAN, (1405).
GUILLAUME, abbé, (1435). GUILLAUME TRANCHIER, (1436). HENRI DE KERGOET, abbé,
(1470-1492). VINCENT DE KERGOET, abbé, (1492-1514). HENRI BERNARD, procureur,
(1502).
BALTHAZAR TURINUS DE PISCIA, bénéficier, (1518-1540). YVES DE BOUTEVILLE, abbé, (1518-1536). JEHAN NICOLAS, abbé intrus, (1537). LELAGAULT, prieur. GUILLAUME PEZRAN. YVON BESSORT. ANDRÉ LE ROUX. JEHAN LE ROUX. RAMONOT FRÉMOND. BERTRAND PARVENAULT. GUILLOT SELVESTRE. OLIVIER JÉZÉQUEL. PIERRE TROGOFF.
LAURENT
DE BONACOURCY, abbé, (1540-1590). YVES BRISAL, prieur,
(1545). JEHAN LE GARREC. RAOUL LE DEYN.
ROLLAND KERGROYS. PIERRE SECHEGNEU.
FRANÇOIS QUENAYE, prieur, (1550). RENÉ DE BOUTEVILLE. FRANÇOIS PEZRON. GERMAIN
LE MANACH. PAUL DE BONACOURCY, abbé (1590-1640).
FRANÇOIS-CHARLES VOYER, prieur, (1620). GILLES LE BAIL. FRANÇOIS PICHARD. PIERRE DE LA TOUCHE. GRÉGOIRE BODOT. PIERRE SILVAIN. MICHEL DE CHEEDUBOYS. THOMAS MAUVREC. FRANÇOIS-JACQUES DIEULEVEULT. CHARON, frère convers. PIERRE PELLERIN. prieur (1625). GILLES BARRÉ. CHARLES ROYER.
JACQUES DE MONTENAY, abbé, (1641-1647). ISAAC DE MARBEUF, abbé, 1647-1674). GUILLAUME DE JAIREGUY (1663). PIERRE ANGEVIN. LUCAS LE MERDY. ROBERT DAUBIN. JEAN-GUILLAUME PEZDRONNO, prieur, (1669). CHARLES BARROT, procureur. RENÉ NAO. JEAN-LOUIS PRIGENT, sous-prieur, (1672). JACQUES FRABOULET. HERVÉ SALLAÜN. JACQUES BERNÉ. GUILLAUME ALLAIN.
CLAUDE DE MARBEUF, abbé, (1674-1723). Louis BOURGEOIS, sous-prieur, (1675). GRÉGOIRE GAUDET, procureur. G. DE SANGUY. JULIEN GAMBERT. LAURENT GAMBERT. HERVÉ. ALPHONSE BUREAU. RENÉ GEORGELIN. (1682). MARC HARDY, PATERNE PITOUAYS. FRANÇOIS LAURENT. JEAN AUTHEUIL, frère convers. JEAN QUÉNAR, procureur, (1698). MAURICE NICOL (1702). CLAUDE FLEURI, prieur, (1707) CHARLES CAOURSIN, prieur, (1725).
RENE-AUGUSTE DE MARBEUF, abbé, (1725-1754). GABRIEL LOÈDON, procureur (1730). PAUL-FRANÇOIS PERRIN, prieur, (1742). GUILLAUME BERNARD, procureur, (1743). JOSEPH-THOMAS LUCAS, prieur, (1754). RIAND, procureur. LABARET DE MALZAN, (1754). FRANÇOIS DE LESQUEN, abbé (1754-1765). GASPARD-ANDRÉ LORIN, sous-prieur (1756). AUGUSTIN OLLIVIER, sous-prieur (1762). MGR CONEN DE SAINT-LUC, abbé, (1766-1785). NICOLAS FISSIER, prieur (1766). GILDAS-FÉLIX GAUTIER, (1768). LOUIS RAGOT. LOUIS HUMPHREY. MARTIN. PIERRE-MARIE VELLER. FRANÇOIS PASQUIER, prieur, (1776). LAURENT DERRIEN, (1779). NICOLAS LETTARD-DUPARC. FRANÇOIS-CHARLES CHEVREUIL, abbé, (1786-1792). LOUIS LE QUINIOU, procureur (1786). ROLLAN. JEAN-YVES LE DENMAT. JEAN-ROBERT BOURGUILLAUT. FRANÇOIS-YVES GROLLEAU, (1787). JEAN-FRANÇOIS DE FRÉMONT, prieur (1789). DOMINIQUE-MICHEL LE BRETON, procureur.
(Albert David).
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