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LES ORIGINES DE L'ABBAYE DE LANGONNET

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La Réforme Cistercienne (1098). — Les Cisterciens s'établissent en Bretagne (XIIème siècle — Une Abbaye Chartraine : L'AUMONE et ses FILLES. — Dans la région du HAUT-ELLÉ. — La bonne Duchesse Ermengarde et son fils Conan. — Vieux souvenirs historiques : les Moines de Landévennec ; Morvan dit LEZ-BREIZ.

L'abbaye de Langonnet évoque l'âge d'or des fondations cisterciennes et touche de près aux origines de la réforme de Cîteaux. On sait que les Moines Blancs, connus sous le nom de Cisterciens ou Bernardins, appartiennent à la grande famille de saint Benoît, le Patriarche des Moines d'Occident, suscité par Dieu, à la fin du Vème siècle, avec mission d'unifier, par une règle pleine de sagesse et de discrétion, les diverses formes de vie monastique alors en usage dans nos contrées. Cette législation s'était maintenue en France, avec des alternatives de ferveur et de relâchement, au cours de cinq siècles ; quand, vers la fin du XIème, quelques Bénédictins de Molesmes, en Champagne, se résolurent à établir une communauté où la Règle serait observée dans toute sa teneur sous la direction de Robert, moine bénédictin de Saint-Pierre à Moutier-la-Celle (près de Mussy-sur-Seine) au Diocèse de Troyes, et qui avait été successivement prieur de l'Abbaye Saint-Michel de Tonnerre (diocèse de Langres) et de la Celle-St-Aigulphe, St-Ayoul de Provins.

Le 20 décembre 1075, il avait jeté les fondements du couvent de Molesmes, entre Bar-sur-Seine et Châtillon-sur-Seine (Diocèse de Langres, aujourd'hui de Dijon) pour y installer sept ermites qui avaient d'abord mené la vie solitaire dans la forêt de Collan, entre Tonnerre et Chablis. La fondation fut autorisée par le pape Alexandre II ; mais bientôt la première ferveur se ralentit. Robert se retira d'abord dans un lieu désert, au milieu des montagnes, nommé Or ou Haur, où il vécut deux ans ; puis, à la demande de quelques-uns des religieux de Molesmes, il consentit à reprendre une fondation nouvelle. Ces moines fervents étaient : le prieur Albéric, un anglais Etienne Harding, Odon, Jean, Létald et Pierre. Ils obtinrent l'autorisation de Hugues de Romans, archevêque de Lyon et légat pontifical, et ils allèrent se fixer en un lieu inaccessible, situé entre la Bresse et la Bourgogne, au milieu d'une lande sauvage, marécageuse, qui prit le nom de Cîteaux [Note : Ce nom, de racine douteuse, peut vouloir dire cistercium, en deçà de la troisième borne milliaire ; il peut aussi tirer son origine de cisterna, citerne, ou mieux, du vieux mot gaulois cistels qui signifie marais. L'état des lieux rend actuellement encore cette dernière étymologie très vraisemblable. Si ce n'est plus « l'affreux désert inculte, boisé, retraite ordinaire des bêtes fauves » qui attira l'intrépide phalange de Molesmes, c'est toujours un pays à fonds bas, coupés de boqueteaux et de taillis ; les pâturages y sont ouverts avec ampleur et la nappe humide y est entretenue par le courant de deux rivières, la Centfons et la Vouge. (CH. GROLLEAU et GUY CHASTEL, La Trappe, p. 12)] (21 mars 1098). On les appela eux-mêmes Cistellenses, moines de Cistell.

Là, sous quelques huttes de branchages, qui se transformeront plus tard en cellules pour former un monastère, les premiers Cisterciens s'exercent de concert à vivre, dans toute sa rigueur, la loi bénédictine entendue au pied de la lettre, c'est-à-dire, débarrassée des adoucissements qu'autorisait une tradition séculaire, confirmée dès 81 7 au synode monastique d'Aix-la-Chapelle.

Par une réaction humble et virile, ces quelques hommes de foi voulaient rompre avec la prospérité matérielle de Cluny, pour garantir la sécurité des observances monastiques « Par ce ke richesse et religions ne puent longuement durer ensanble... A ce vint en la fin que li abes Robiers, qui abes estoit de la maison de Molesme, et 21 de ses mosnies iscirent de là. Et parmi les grans paines et grans travaux vinrent à Cysteaux... » (Manuscrit de la Bibliothèque de Dijon).

A quelque temps de là, Robert est contraint de retourner à Molesmes, où les religieux réclament leur abbé. Aubry (Albericus) et Etienne Harding, qui lui succède, donnent au nouvel institut ses constitutions ; toutefois, la Charte de Charité ne fut approuvée qu'en 1119, par le pape Callixte II, dans la huitième année qui suivit l'entrée en religion de saint Bernard, avec sa généreuse phalange de trente compagnons.

L'observance adoptée par les Cisterciens marque une réaction très vive contre celle qui prévalut à Cluny et dans la plupart des monastères de l'Ordre bénédictin. Elle prit dès l'origine, tous les caractères d'une réforme, c'est-à-dire le retour à la règle primitive.

Les moines noirs avaient adouci l'observance, allongé l'office. divin au détriment du travail et adopté, dans les constructions, le vestiaire et l'ensemble de la vie, des coutumes peu conformes à la simplicité antique. Les Cisterciens diminuèrent la longueur et la solennité des offices, s'adonnèrent personnellement aux travaux agricoles, suivirent un régime plus austère, adoptèrent une architecture grave et simple.

Ils revêtirent une modeste tunique et une coule tissées de laine écrue, d'où le nom de moines gris, qui leur fut donné tout d'abord : griseus ordo et fratres grisei.

C'est à la puissante impulsion donnée par le célèbre abbé de Clairvaux que l'Ordre cistercien doit sa merveilleuse extension. La sainteté de Bernard, l'élévation de sa doctrine, l'éclat de ses miracles, l'étendue de son action religieuse et politique, attirèrent dans les abbayes cisterciennes les âmes éprises de l'idéal religieux. Les premières fondations furent : La Ferté (1113), Pontigny (1114), Clairvaux et Morimond (1115), qui reçurent dans la suite le nom de Premières Filles de Cîteaux. C'est à l'une ou à l'autre d'entre elles que furent rattachées par voie de fondation toutes les abbayes de l'Ordre ; car on tenait compte dans la subordination des monastères de l'abbaye fondatrice. Cîteaux demeurait chef d'ordre et son abbé remplissait les fonctions de supérieur général. Les armes de Cîteaux sont l'ancien écu de Bourgogne en abyme à six bandes d'or et d'azur bordées de gueules, sur champ de France, qui est d'azur semé de lys d'or, avec la devise : Cistercium mater nostra.

Sous la poussée des vocations de plus en plus nombreuses et sur l'invitation des Papes, des Evêques, des Rois et des Seigneurs, on dut multiplier les essaims monastiques. Il y en eut bientôt dans tous les royaumes de la chrétienté latine : en France, en Espagne, en Portugal, en Italie, dans la Grande-Bretagne, en Allemagne, en Pologne, dans les Pays-Bas et dans les Pays Scandinaves, en Hongrie et en Palestine.

Ils atteignirent, en un demi-siècle, le chiffre de 350, sans compter les granges ou prieurés placés sous la dépendance des principales abbayes. Le Chapitre Général de 1152, craignant que cette prospérité ne compromît le maintien de la régularité, déclara qu'il ne se ferait à l'avenir aucune fondation sans avoir obtenu l'approbation des abbés réunis. Mais, le recrutement continua comme par le passé, de telle sorte que cette décision ne gêna en rien la diffusion de l'Ordre. Il comptait, à la fin du XIIème siècle, 530 monastères d'hommes ; il en comptera 742 au milieu du XVIIème. [Note : Cfr. D. BESSE. dans Dictionnaire de Théologie Catholique : Tome II., col. 2.532 et 33 ; dans l'introduction à la France monastique de D. Beaumier (1905). — Dictionnaire des Connaissances Religieuses. — ELIE MAIRE : Les Cisterciens en France, Paris, Lethielleux, 1921. — N. D. DE THYMADEUC : 2ème édition. Montligeon, 1927, Chap. Ier : L'Ordre Cistercien : Les Abbayes bretonnes. — D. ANSELME LE BAIL : L'Ordre de Cîteaux, « La Trappe », Paris, Letouzey, 1926. — CHARLES GROLLEAU et GUY CHASTEL : L'Ordre de Cîteaux, « La Trappe », Paris, B. Grasset, 1932]

Parmi les multiples fondations dont saint Bernard parsema la France, douze vinrent s'implanter — en l'espace de cinquante ans — 1130-1180 — sur la vieille terre d'Armorique ; quatre autres s'y ajoutèrent plus tard.

Or, au début du XIIème siècle, il y avait au Diocèse de Chartres une Abbaye connue sous le nom de l'Aumône (Eleemosyna) [Note : Abbaye de l'Aumône, appelée aussi le petit Citeaux — à six lieues de Blois, dans la commune de La Colombe, canton d'Ouzouer-le-Marché (Loir-et-Cher). Serlon en fut abbé vers 1173. et Pierre de Blois aimait à s'y retirer dans la solitude. (Pet. Bles. Ep. 110). Les filles de l'Aumône furent : Le Landais, (diocèse de Bourges), 28 sept. 1129 ; Wawerley (Angleterre), 29 sept. 1129 ; Bégar (au diocèse de Tréguier, territoire de Lannion), 10 sept. 1130 ; Tritern (Angleterre), 10 mai 1131 ; Langonnet (diocèse de Quimper), 20 juin 1136], de la filiation de Cîteaux, qui jouissait d'un grand renom dans le pays des Francs. Elle devait sa fondation (28 juin 1121) au Comte de Champagne Thibaut IV, qui était en même temps comte de Chartres et de Blois. Saint Etienne lui-même y conduisit, dit-on, les premiers religieux dont l'abbé fut saint Ulric ou Udalric. D'après Bordas, la fondation avait débuté dès 1120 par une première colonie d'essai. « Thibaud IV [Note : Thibaud IV, onzième comte de Bois (1102-1151)] consacra à cette œuvre un vieux château qui lui appartenait, à l'entrée de la Forest longue, (Sylva longa, appelée aussi Forêt de Sylvalonie ou de Marchenoir). Il avait pu sortir d'une famille de chevaliers du nom de l'Aumosne (de Eleemosina) dont il est fait mention, dès le XIème siècle, dans le chartrier de Vendôme. Cette maison et fief n'a pas changé de nom en devenant une abbaye ».

La charte définitive, promulguée par Thibaud IV, en 1142, suppose la fondation antérieure et trace les limites territoriales. Elle fut confirmée successivement par Thibaud V, sénéchal de France (1188), par Louis Ier comte de Blois et de Clermont (1199), par Thibaud VI dit le Jeune (1218). La fondation de l'Aumône avait été approuvée, le 19 février 1137, par une bulle du pape Innocent II.

En 1225, l'abbaye comptait 65 religieux ; ils étaient 36, dont 12 prêtres, en 1405, et cinq ou six seulement au XVIIIème siècle [Note : L'écusson de l'Aumône portait : d'azur à trois croissants montants d'argent, posés deux et un].

L'Aumône a eu l'honneur d'introduire en Angleterre l'Ordre Cistercien, et y donna naissance à dix-huit abbayes.

Le B. Chrétien, un des premiers moines de l'Aumône, lui avait donné une très grande réputation par l'éclat de sa sainteté. Raynard, successeur de saint Etienne, à Cîteaux, avait coutume de dire qu'il ne mourrait point content, s'il n'avait pas le bonheur de voir et d'entretenir ce saint homme [Note : Cfr. Annales de Cisteaux, tome I. — PIERRE DE BLOIS. Epitre Xème. — J. BERNIER : Histoire de Blois. Paris, Fr. Muguet, 1682, pp. 221 et 633. — Chartes, pp. XIX-XXIV. — Abbé BORDAS : Histoire Sommaire du Dunois. 1er vol., pp. 129-132 ; 2ème vol., pp. 259-260. — Histoire manuscrite de Marchenoir, par GENTIEN-ALEXANDRE PÉAN, juge, et CHARLES-MARIN-AUGUSTE-ALEXANDRE ROUSSEAU, notaire. — M. CUISSART, Bibliothécaire de la ville d'Orléans : Notre-Dame de l'Aumône, ente le Petit-Cîteaux, « Bull. Soc. Dunoise ». Tome IV, pp. 393-436. — H. DE LA VALLIÈRE : Huit chartes inédites dans la "Revue de Loir-et-Cher", 12e année (1899), numéros 135 et 136].

C'est de l'Abbaye de l'Aumône que le Comte de Penthièvre Geoffroi, fils d'Etienne, voulant avoir des Cisterciens dans ses domaines, fit venir quelques religieux. Il les établit dans la forêt de Pluscoat, au diocèse de Tréguier, en un lieu habité par un ermite fameux : son nom était Raoul, mais il se disait lui-même Beggar, le mendiant ; et les paysans appelèrent Begar, le lieu de sa retraite : « qui locus jam Begar vocatur, ratione cognominis istius eremitae Radulphi qui in dicto loco tunc temporis manebat » (D. Morice Prob. I. p. 562).

La nouvelle abbaye acquit, en très peu de temps, une étonnante prospérité ; en l'espace de dix ans, de 1132 à 1142, Bégar devint mère de cinq monastères, dispersés dans les pays bretons : Le Relecq, 1132 (D. de Léon), Boquen, 1137 (D. de St-Brieuc), St-Aubin-des-Bois, 1138, Lanvaux (D. de Vannes), 1138, Coetmaloën, 1142 (D. de Quimper).

A ces maisons qui sont de la filiation de Cîteaux, il faut en ajouter quatre qui tirent leur origine de Clairvaux : Buzay, Villeneuve, la Vieuville et Prières [Note : 1°- Le Relecq (B. M. de Reliquiis), commune de Plonéour-Menez, canton de Saint-Thégonnec (Finistère). — Cfr. CORNOU : Une abbaye bretonne d'autrefois. Rennes, 1911. in-16, et Chanoine PÉRENNÈS : L'Abbaye du Relecq. Quimper, 1982. — Revue d'Histoire de l'Eglise de France, avril-juin 1933, p. 285. — Une vieille abbaye bretonne : N.-D. du Relec. 2°- Boquien ou Boquen. commune de Plénée-Jugon, arrondissement de Dinan (Côtes-du-Nord). 3°- Saint-Aubin-les-Bois, près de Lamballe (Côtes-du-Nord). 4°- Lanvaux (Landavallis), commune de Brandivy, eanton de Grand-Champ (Morbihan), fondée avec quatre religieux de Bégar, par le vénérable abbé Rouaud, qui devint évêque de Vannes, 1143. et mourut en 1177, à l'âge de 91 ans. Il avait assisté à la fondation de Buzay, 1136. — Cfr. Histoire de l'abbaye de Lanvaux, par l'abbé J.-M. GUILLOUX. Vannes, Lafolye, 1894. 5°- Coetmaloën, commune de St-Gilles-Pligeaux, canton de St-Nicolas du Pélem, arrondissement de Guingamp (Côte-du-Nord). 6°- Buzay (Buzeium). commune de Rouans, cant. Le Pellerin, arr. de Paimbœuf (Loire-Inférieure). 7°- Prières (Preces), commune de Billiers, canton de Muzillac (Morbihan)].

La fondation de Buzay, due aux libéralités de Conan III, duc de Bretagne, et de sa mère Ermengarde, fut particulièrement pénible. Il semble cependant que les premiers travaux d'installation avaient été entrepris sous les meilleurs auspices. Bernard connaissait depuis longtemps déjà la comtesse Ermengarde : il lui avait donné le voile à Larrey, près de Dijon, et entretenait avec elle un touchant commerce épistolaire. Ermengarde voulut établir en son pays un monastère qui fût comme un gage de son amitié pour l'abbé de Clairvaux. Son fils, Conan, qui vint la visiter à Larrey, lui offrit à cet effet, en pur don, l'île de Caberon, près de Nantes. Mais ce ne fut qu'au commencement de l'année 1135, lors de son premier voyage en Poitou [Note : A la fin de 1134, Bernard reçut, de Geoffroy de Chartres, légat d'Innocent II, une mission auprès de Guillaume X, comte de Poitiers, et duc d'Aquitaine. A cette occasion, il descendit la Loire jusqu'à Nantes (Vita, Lib. II. cap. VI. n° 34). C'est alors qu'il posa les conditions pour la fondation de Buzay (1135). Nivard en reçut l'investiture le 28 juin : feria VI, IV kalend. Julii, vigilia SS. Apost. Petri et Pauli. Cfr. VACANDARD : Saint Bernard, I, pp. 354-5 et 401-403], que Bernard consentit à supporter les frais d'un nouvel établissement dans la région nantaise. Le 28 juin, l'un de ses frères, Nivard, rappelé de Vaucelles, reçut des mains de Conan l'investiture du domaine qui devait constituer la dot de Buzay. Le Duc faisait cette aumône en son nom, au nom de sa mère et en celui de sa femme, qui paraissent comme donateurs sinon comme témoins. Mais la suite fit voir que la véritable donatrice était Ermengarde. Son fils, qui ne se prêtait, ce semble, à la fondation que par complaisance pour elle, paralysa peu à peu, par son mauvais vouloir, l'œuvre toujours laborieuse de l'installation des religieux. Bernard averti de ses manœuvres déloyales, lui en fit de vifs reproches, que le coupable enfin converti consigne lui-même, en toute simplicité, dans une charte qui confirme et accroît les donations premières.

« Abbatian, quæ Buzeium vocatur ædificare statuimus, sed propria negligentia et quorumdam sinistro decepti cousilio, cœptum opus ut debuimus ad effectum usque non duximus ; immo multa quæ habitatoribus prædictæ abbatiæ prius dederamus, substraximus, Veniens igitur olim visitationis gratia apud Britannias Dominus Bernadus abbas Claræ vallis, ad cujus abbatiam Busense cœnobium, spectat, considerans eumdem locum non juxta promissionem quam feceramus constructum et ædificatum, sed pene desolatum, supra modum vehementer doluit, et me quasi perfidum ac mendacem austerrissimis increpationibus redarguens, abbati ac fratribus qui ibidem morabantur ut locum relinquerent et apud Claram vallem unde advenerant, citius redire festinarent, imperavit. Quod ego audiens, vehementer tristis effectus simul pia verecundia maxime repletus, id omnimodis fieri prohibui, et me deinceps abbatiam, ædificaturum az multa bona largiturum in prædicti abbatis Claræ Vallis… promisi... » [Note : Charte de Conan III, relative à la fondation de Buzay (Arch. Loire-Inférieure, H. 19. Un parchemin et trois copies. L'acte fut passé en présence des évêques de Vannes (Rovandus), de Rennes (Alanus), de Saint-Malo (Ioannes), de Nantes (Iterius) et de l'abbé Pierre, ainsi que du moine André : « Petrus abbas ejusdem coenobii et Andreas monachus ». Alain succéda sur le siège de Rennes à l'évêque Hamelin, décédé en 1141. D'autre part, Iterius, évêque de Nantes, apparaît pour la première fois en 1146 ; il avait succédé à Brice après 1138 ; d'où l'on peut inférer d'une manière approximative la date de cette seconde fondation de Buzay, vers 1144 ou 1146. — (Cfr. D, MORICE : Probat, I, 590). — JOBIN : Saint Bernard et sa famille, pp. 590-592. — VACANDARD : ut supra. — Gall. Christ., 749 ; 815-816 ; 861 ; 924 ; 1001].

Après avoir reconnu sa faute, Conan restitua aux moines les terres et dîmes en litige, et il ajouta même cinq cents sous d'or pour l'achèvement des constructions.

D'après Manrique, saint Bernard avait tiré de Bégar le premier abbé de Buzay, Jean de la Grille, qui s'enfuit dans la solitude et fut plus tard élevé au siège épiscopal de St-Malo. Manrique a reproduit l'affirmation d'Albert le Grand, mais il y a sûrement là une erreur. Le premier abbé de Buzay fut sans aucun doute Nivard lui-même ; et, lors de l'organisation définitive, c'est l'abbé Pierre qui est mentionné dans la charte : Petrus abbas ejusdem coenobii. Jean de la Grille était présent ; il a signé avec les autres prélats, comme évêque de St-Malo. Rien ne permet d'affirmer qu'il ait jamais été Cistercien [Note : Saint Jean, dit de Châtillon et surnommé de la Grille, à cause du grillage en fer dont son tombeau fut entouré. Premier abbé de Sainte-Croix de Guingamp. monastère fondé par les Chanoines Réguliers. Devenu évêque d'Aleth, en 1144, il transféra son siège à St-Malo, et se trouva en conflit, à cette occasion, avec les moines de Noirmoutier, qui avaient reçu de ses prédécesseurs l'église de cette île. Il est d'abord interdit, puis finit par triompher, grâce à l'appui de saint Bernard et il établit dans sa Cathédrale un chapitre de Chanoines Réguliers. Il met fin à l'Elonnisme dans son diocèse. Instruit, tenace, sévère, austère, ami des pauvres, il meurt le 1er février 1163. Son culte fut autorisé par Léon X, en septembre 1517. — (F. DUINE : Catalogue des Sources hagiographiques pour l'histoire de la Bretagne, jusqu'au XIIème siècle, p. 13)].

Le tableau suivant, dressé par le Chanoine Pérennès, d'après l'Atlas de Janauschek, nous donne la filiation des anciennes abbayes bretonnes :

Origines de l'abbaye de Langonnet (Bretagne)

L'Abbaye de Langonnet (B. M. de Langonio) fut fondée en 1136, non pas, comme on l'a supposé, par les moines de Buzay, mais très probablement par une nouvelle équipe venue de l'abbaye de l'Aumône, en sorte qu'elle relève de la filiation de Cîteaux. Dans l'ordre chronologique, elle prend place au troisième rang, parmi les fondations bretonnes, après Bégar et Le Relecq, précédant de quelques années l'organisation définitive de Buzay (1144). On a pu se demander parfois si Langonnet fut fondée directement par l'Aumône. De fait, il n'en est point fait mention dans les plus anciennes chartes qui énumèrent les filles de l'abbaye chartraine. On trouve, dans une bulle d'Alexandre III (1163) : « abbatiam de Caverleia (Wawerley), abbatiam de Tinterna (Tritern), abbatiam de Landesio (Le Landais), abbatiam de Bégar » sans aucune mention de Langonnet. De plus, en 1393, Clément VII s'adresse à l'abbé du Relecq, comme au Père immédiat de Langonnet, « dicti monasterii quod tibi tanquam patri abbati ex institutis ejusdem ordinis subesse dignoscitur ». Il est bien vrai qu'il n'y a point là une preuve évidente de filiation, car l'abbaye de Bégar, elle aussi, conservait, dit-on, dans ses archives plusieurs cartes de visites faites par ses abbés à Langonnet, en qualité de Pères immédiats.

La question semble tranchée pourtant par une décision authentique du Chapitre général, 1263, qui enjoint à l'abbé de l'Aumône d'avoir à intervenir — à titre de Père immédiat, sans aucun doute — dans la discipline intérieure de notre abbaye.

Langonnet est donc bien une fille directe de l'Aumône, comme le dit Janauschek. Les anciens historiens de Blois, l'abbé Bordas et J. Bernier n'ont aucun doute sur ce point.

« Cette abbaye en fonda d'autres en diverses provinces, dit Bernier, et premièrement, l'an 1129, Le Landais en Berri (Landesium), et, la même année, en Angleterre, celle qu'on a appelée Waberleia, qui est la première de l'Ordre en ce royaume-là, Bégar (Begarium), en la Basse-Bretagne, fut pareillement fondée, l'an 1130, par l'Aumône de Cisteaux. Elle fonda ensuite, l'an 1131, Tinterne, Tinterna, en Angleterre. Et, l'an 1136, Langonet, Langonetum, dans le diocèse de Cornouaille en la Basse-Bretagne : et ces colonies fondèrent, en Bretagne et en Angleterre, diverses abbayes, en divers temps, sur quoy l'on peut voir l'Epistre 10 de Pierre de Blois et les Annales de Cisteaux, Tome I, p. 132 » — (J. BERNIER, Histoire de Blois, p. 633).

Quoiqu'il en soit, notre abbaye se rattache à la merveilleuse floraison cistercienne du XIIème siècle au pays d'Arvor, et marque les débuts de l'âge d'or. Erigée du vivant de saint Bernard, elle évoque le souvenir de la bienheureuse Ermengarde, fille du comte d'Anjou, Foulques le Réchin [Note: Réchin signifie rétif ou têtu], et d'Aldegarde de Baugenci, une des femmes les plus remarquables de cette époque par sa vive intelligence, sa vertu ardente et son grand cœur. Le huitième duc de Bretagne, Alain IV, surnommé Fergent [Note : Fergent, c'est-à-dire rufus, le Roux. Il avait d'abord épousé en 1086, Constance, fille de Guillaume le Conquérant, qui décéda trois ans plus tard (1090). puis Ermengarde d'Anjou, dont il eut trois enfants : Conan, qui lui succéda, Geoffroi le Roux, mort à Jérusalem en 1116, et la princesse Havoise ou Agnès, qui fut mariée au fils de Robert, comte de Flandre, Baudouin surnommé la Hache, Alain Forgent prit part à la Croisade (1095-1101), abdiqua en 1112 et mourut en 1119. Il était comte de Cornouaille et de Bretagne (1084-1112) sans porter le titre de duc, qui fut pris plus tard par Conan IV], veuf de sa première femme, avait épousé, en 1093, cette princesse angevine, qui fut le bon génie de son règne, et de celui de son fils. Conan III, dit le Gros [Note : Conan III, dit le Gros, ou plutôt le Droit (car telle est la vraie signification du surnom Sunnec), par opposition à Conan le Tort, ou le Tortu, comte de Nantes, vainqueur en 981, à la première bataille de Conquereuil, où, dit le proverbe « le tort l'emporta sur le droit ». Bellum Conquerentium quo tortum superavit rectum. D. MORICE : Prob., I, col. 121 (d'après M. de Kerdanet)], naquit au moment où son père allait partir pour la Croisade (1095). La comtesse Ermengarde assura la régence et continua ses bons offices jusqu'à la majorité de Conan qui, vers 1111, épousa Mathilde, fille du Roi d'Angleterre Henri Ier. Quand le vaillant duc, son mari, retiré depuis sept ans, près des moines de St Sauveur, à Redon, eut rendu son âme à Dieu, le 13 octobre 1119, et que l'autorité de son successeur fut suffisamment affermie, la princesse régente, après onze années de veuvage, se rendit au prieuré de Larrey, près de Dijon, où saint Bernard [Note : Saint Bernard est certainement venu en Bretagne pour la fondation de Buzay. Il s'arrêta à Nantes, au début de 1135, avant d'aller rencontrer, à Parthenay, le duc d'Aquitaine. On admet qu'il y revint une seconde fois, vers 1144, pour reprocher à Conan d'avoir failli à ses engagements ; mais rien ne prouve qu'il ait visité Lanvaux et Langonnet. — (Cfr. VACANDARD : Saint Bernard, I. p 403] lui imposa le voile, en 1130, puis, elle alla rejoindre, en Palestine, son frère le duc d'Anjou, Foulques V, devenu roi de Jérusalem, par son mariage avec Mélisende, fille de Baudouin.

Ermengarde entreprit de fonder un couvent en Samarie, au Puits de Jacob, entre Sichar et Naplouse, et commença par bâtir une église du Sauveur ; mais, avant que cet édifice fût achevé, elle se vit obligée d'abandonner un lieu trop exposé aux ravages de l'ennemi et s'en revint en Bretagne. Elle était présente à la fondation de Buzay, en 1135. Conan III avait alors 40 ans ; il était dans la plénitude de sa puissance et luttait avec avantage contre les barons turbulents pour les rappeler au respect de la justice. C'est le 20 juin de l'année suivante que, sur les instances de sa sainte mère, il érigeait l'Abbaye de Langonnet. Raoul, évêque de Cornouaille (1133-1158), présida la prise de possession.

Un document de 1140 nous apprend que le duc Conan continuait de favoriser les débuts de Langonnet. Se trouvant à Quimperlé, avec l'évêque Raoul, en la fête de Saint-Luc, 18 octobre, il fit remise à l'abbaye du droit de vénerie, ce qui l'exemptait de fournir le cibum canum, qui se payait en avoine. (Chan. Peyron. — « Histoire manuscrite des Evêques de Quimper », p. 47).

On sait que les Cisterciens s'établissaient d'ordinaire à l'écart, loin des cités tumultueuses, au creux de quelque vallon solitaire autant que possible, le long d'un cours d'eau, et de préférence, sans qu'on sache trop pourquoi — sur la rive gauche.

« De prime abord, nul ne soupçonne le moustier : tout est solitude, comme la forêt, tout est silence ; quand, soudain, au détour du sentier, le monastère apparaît, mais combien modeste, tout au bas, baignant ses vieux murs dans l'eau rapide, cachant dans le feuillage ses toits moussus. Le proverbe l'a dit : « Saint Bernard chérit les vallées » [Note : Bernardus Valles, montes Benedictus amabat ; Oppida Franciscus, celebres Ignatius urbes]. Intention naturelle peut-être : le cours d'eau a ses avantages ; besoin de solitude plutôt, et divine inspiration : mettre l'âme en cellule, lui fermer tout regard sur les hommes, ne lui donner fenêtre que sur le ciel » [Note : Dom ANSELME LE BAIL, abbé de Chimay : L'Ordre de Cîteaux : La Trappe].

Le vieux barde Primel n'avait-il pas dit au roi Grallon :

« Dorénavant, fils, quand lu te sentiras le cœur troublé par des tristesses intérieures, réfugie-toi dans la solitude éternelle des choses. Les bois surtout sont tendres à l'homme ; Dieu en a fait, des asiles sacrés où la paix habite, et l'harmonie du monde s'y révèle » [Note : ANATOLE LE BRAZ : Au pays des Pardons, p. 81].

Les nouveaux venus avaient fait choix d'un site sauvage, sur la rive droite de l'Ellé qui, à partir de là, se fraye vers Quimperlé un passage tumultueux à travers les roches granitiques qui l'encombrent, dans un paysage des plus pittoresques : grands bois, collines incultes, ajoncs, bruyères, tout le décor de la vraie Bretagne.

« Les moines qui ont bâti Langonnet, dit Charles Le Goffic, firent preuve, à leur habitude, d'un réel sentiment des beautés naturelles, et il ne se peut voir, en pays plus sauvage d'oasis plus riante et plus à souhait pour les yeux ».

L'emplacement de la nouvelle fondation se trouvait à proximité d'une ancienne voie romaine reliant Port-Louis à Carhaix [Note : Il ne s'agit pas de la grande voie qui reliait Vannes (Darioritum) à Carhaix (Vorganium), en passant par Castennec (Sulium), Locmalo, Locuon. St-Conogan ; mais d'une voie secondaire qui, venant de Port-Louis (Blabia). traversait, au passage du Blavet, la route du littoral, allant de Vannes à Quimper (Aquilonia). Son tracé est facile à reconnaître à partir d'Hennebont, par Berné, Priziac, l'Abbaye, Plévin, Carhaix. C'est la route que suivit sûrement l'armée de Louis-le-Débonnaire] au point de jonction des trois paroisses de Langonnet, Priziac et Plouray, sur les bords de l'Ellé [Note : Cette branche de l'Ellé, prend sa source sous les ombrages de Kerviiguen en Glomel, à 232 m. d'altitude, et passe au pied de la « Tour d'Ellé (ferme de Tourléon), sur le territoire de l'Abbaye de Langonnet », d'après Dubuisson. (Itinéraire de Bretagne, en 1636). « L'Ellé est formé de la réunion de deux ruisseaux principaux, l'un sortant de l'étang de Cruzien en Glomel, au Nord-Est de Trégornan, l'autre sortant de l'étang de Locorvé, aussi en Glomel » (BENJAMIN JOLLIVET : Les Côtes-du-Nord. III, p. 276)], la « rivière aux eaux sombres » de Brizeux, qui durant des siècles forma frontière entre les diocèses de Cornouaille et de Vannes, le Poher et le Brohérec [Note : Bro-Weroc, ou Brohérec (pays de Weroc ou terre de Vannes. appelée aussi Bro-Guen-Ed, terre de blé blanc, par opposition à la Cornouaille, qui était la terre du blé noir. Weroc ou Waroc Ier (500-550) gouvernait tout le pays qui s'étend des rives de l'Ellé à la presqu'île de Rhuis. « Le Brohérec comprenait les juridictions de Vannes, d'Auray. de Rhuys, de Muzillac et la plus grande partie de celle d'Hennebont » EMILE GILLES], entre la sénéchaussée d'Hennebont et celle de Gourin.

Partis de l'Abbaye de l'Aumône qui avait déjà fondé Bégar, six ans auparavant, les moines défricheurs prirent possession de leur domaine le 20 juin 1136. Cette date est sans doute celle de la dédicace de l'église, solemniter ingressi sunt ; c'est ainsi que se date généralement la fondation des abbayes cisterciennes.

Dans les fonds marécageux, que traverse l' Ellé d'un cours sinueux, ils trouvaient une vaste étendue de terrain, à une lieue de la bourgade de Langonnet, du côté de l'est, qui les plaçait en lisière de la grande forêt centrale, connue au moyen âge sous le nom de Brocéliande, et rendue à jamais célèbre dans la légende, par les aventures de Merlin l'enchanteur et les sortilèges de la fée Viviane, près de la mystérieuse fontaine de Barenton, au fond du Val-sans-Retour : [Note : Brecilien ou Brec’h, Hélian : empire des Druides. E ce fu en Brocelyande. Une broce (forêt) en une lande (Robert Wace)]

Domaine des géants, des héros fabuleux.
Des druides au front couronné de verveines,
Des saints, vainqueurs des sens et des voluptés vaines,
Des moines et des rois, des bardes et des preux
.
BRIZEUX.

Les bois de Paimpont et ceux de Lanvaux, Lanvas saltus, sont les derniers vestiges de cette forêt primitive. Le site ne manquait point de pittoresque. Imaginez une vaste combe au milieu des bois, dans un cirque de collines et de hautes futaies, un marécage entouré de landes incultes et dominé par des masses rocheuses qui surgissaient à travers les genêts, les bruyères et les ajoncs. Vers le nord, s'étendaient à perte de vue les bois de Plouray et de Conveau ; à l'est, la forêt de Priziac. Les hauteurs voisines formaient un rempart naturel contre les vents du nord ; le cours d'eau permettait d'établir des barrages, de creuser des étangs, d'installer des moulins et de créer, par la suite, de verdoyantes prairies pour l'entretien du bétail ; mais il fallait tout d'abord drainer les eaux du marais, puis défricher les tourbières et les landes. Dans son ensemble, cette région était extrêmement pauvre : « Les collines qui la sillonnent en tous sens ne sont recouvertes que d'une légère couche de terre végétale ; de larges tourbières les séparent, noyées en hiver et revêtues en été d'une herbe maigre et rare ».

C'est assurément dans le but de mettre en valeur ces terres incultes que le Duc y plaçait des religieux de Cîteaux et qu'il leur abandonnait la jouissance du sol, à charge de prier pour lui. Son attente ne fut point déçue ; par le travail des moines et des colons, cette solitude ne tarda pas à devenir une oasis digne d'être célébrée par les accents du prophète : Le désert et la terre aride se réjouissent ; Le steppe est dans l'allégresse et fleurit comme le narcisse : Il se couvre de fleurs ; Il tressaille d'allégresse et pousse des cris de joie. ISAIE.. XXXV.

A ces premiers travaux venait s'ajouter l'exploitation forestière :
« Dans ces forêts profondes, qui leur offraient un pieux asile, les moines ne se considéraient point comme en territoire de combat. Ils n'étaient point entrés au sein de la grande sylve pour la détruire, mais pour l'utiliser. Autour des abbayes cisterciennes la forêt maintenait d'ordinaire ses étendues compactes ; mais cependant. afin d'assurer la vie du monastère, il fallait bien assainir les terrains et les mettre en valeur. L’établissement des prairies a été la véritable œuvre agraire des Cisterciens. Ils n'ont défriché que les lieux où le pré pouvait se substituer avantageusement à la forêt. Ils ont mis ainsi, en rapport les fonds bourbeux et les vallées humides. Les conquêtes qu'ils ont faites ont été réalisées plus sur le marécage que sur la forêt. Ils ont été ainsi des constructeurs d'étangs, de ponts, de digues et de barrages ; ils ont lutté contre les eaux, jamais contre les bois. Passés maîtres dans l'art de l'élevage, ils ont reconquis aux cultures utiles les terres basses ; ils ont favorisé le défrichement toutes les fois que ces entreprises étaient destinées à rendre à la culture un sol particulièrement propice. » — (GASTON ROUPNEL, Histoire de la Campagne Française).

En même temps qu'à la conquête des âmes, et à leur propre sanctification, les moines se livrèrent avec ardeur au défrichement du sol. Ce fut là le grand labeur social auquel ils s'attelèrent. Autour d'eux tout était solitude, forêts, terrains marécageux envahis par les joncs et les roseaux, flancs de montagnes revêtus d'une épaisse et rude toison de lande et de bruyère. Ils dessèchèrent les marais qui se tranformèrent en prairies, leurs haches firent dans la forêt de larges trouées où poussèrent des récoltes et où s'élevèrent des arbres fruitiers. Autour des bâtiments du monastère, un verger fournissait des légumes, et l'eau des marécages, rassemblée dans un étang, servait à faire tourner les roues d'un moulin.

Le monastère devenait un vaste atelier. On y travaillait le fer, le bois ; on y tissait le chanvre et le lin ; on y corroyait des cuirs et des parchemins ; toutes les industries de l'époque y avaient leur métier et leurs ouvriers.

Ces exemples étaient un stimulant et une lumière pour les populations découragées ou ignorantes. Les paysans apprirent des moines la bonne culture et le travail rémunérateur ; ils ne craignirent pas de se donner une famille quand, grâce aux procédés empruntés aux moines, ils se sentirent en état de la nourrir. Bien plus, ils se groupèrent d'instinct près des monastères, sûrs de trouver dans le voisinage assistance et protection pour les besoins de leur âme et de leur corps. — (L'Abbé F. Cornou, N. D. du Relec. — Une abbaye bretonne d'autrefois — Rennes, Imp. du Nouvelliste de Bretagne, 1911).

Près des terrains nouvellement mis en prairies ou devenus des champs de blé, les paysans venaient construire leurs habitations, se groupant à proximité du monastère qui leur assurait, en même temps que la sécurité, le travail et la subsistance. Tout en conservant la majeure partie de ses ombrages, la forêt primitive faisait place à une population rustique sans cesse croissante. La culture évangélique accompagnait ainsi la culture du sol.

Les dépendances de la nouvelle abbaye s'étendaient, de manière inégale, sur les trois paroisses de Langonnet, Priziac et Plouray, mais tous les édifices étaient construits en Langonnet, sur les terrains qui faisaient partie du Domaine particulier des ducs de Bretagne. Tandis que la rive gauche, avec ses halliers impénétrables, demeurait au cours des siècles un vaste territoire de chasse parsemé de quelques rares habitations forestières, la rive droite de l'Ellé, au contraire, semble avoir été défrichée et mise en valeur de très longue date.

Les comtes de Cornouaille, au simple point de vue stratégique, n'avaient pu négliger ce poste frontière, en bordure de la voie de pénétration et que commandait le gué de la rivière. C'est ainsi qu'on voit Morvan s'y établir pour s'opposer à l'invasion des Francs.

Sur les plateaux qui dominent l'Abbaye, de nombreux vestiges paraissent indiquer le site d'une station celtique ou gallo-romaine, particulièrement aux abords de Karven. Ce domaine, dont la motte féodale ne porte plus que les ruines d'un colombier, est peut-être la plus ancienne seigneurie de Langonnet [Note : Les anciens fiefs de Langonnet sont : Barach, Cospéree, Disméon, Kerandrénic, Kerglazen, Kermaen ou Karven. Kervic, Leurven. Minez-Levenez, Minez-Morvan, Parc-en-Lis, Runnello]. Un tumulus de grande dimension, plusieurs autres de moindre importance, un dolmen à cupules [Note : Ce dolmen a été transporté à Saint-Michel en Priziac], des fragments innombrables de tuiles et de briques sont probablement les derniers restes d'une vaste agglomération.

Nos bons cisterciens n'étaient assurément pas les premiers moines qui pénétraient dans la région. Ils avaient été précédés par les hommes d'outre-mer, qui vinrent au Vème siècle, peupler les solitudes de l'Armonique et les vieux saints de l'époque celtique y sont demeurés populaires.

Or, suivant le Rév. G. K. Doble, « qu'une paroisse, une ferme, un village, une fontaine portent le nom d'un Saint, c'est une preuve que ce Saint vécut par là, ou bien que ses reliques y aient été transportées, ou que les moines d'un monastère fondé par lui aient visité cet endroit » (Les Saints Bretons, par Doble et Kerbiriou, p. 32).

Dans les environs immédiats de l'Abbaye, deux anciennes chapelles ont conservé le souvenir de saint Brandan, et de saint Herbault (vulgairement saint Thépault). Le culte de saint Adrien s'est substitué récemment à celui de saint Brandan, par une corruption de Dréan [Note : L'aveu de 1684 dit que la lande St-Brandan est appelée vulgairement Sainct Drehan. — Saint Brandan on Brévalaire (Brevara, Branwalar) aurait accompagné saint Malo en Armorique vers 560, et serait ensuite retourné en Irlande, où il mourut dans son monastère de Cluen-Furt. — (Cfr. FATY : La Villemarqué, Légende Celtique)], Drain en Adrien ; mais la vieille statue de St-Brandan est toujours là et d'aucuns prétendent qu'elle fut vénérée jadis à l'oratoire de Karven. On pourrait voir ici comme un rappel du célèbre monastère de Karven fondé par saint Cado, dans le Cambrie (pays de Galles) et qui eut pour 3ème abbé le fameux saint Brandan, éducateur de ces moines destinés, comme saint Malo et saint Samson, à l'évangélisation de l'Armorique. A ces noms vient s'adjoindre celui de Castel Collober, qui rappelle le Castel Collobii, manoir paternel de St-Guénaël ; et tous ensemble évoquent naturellement dans l'esprit le souvenir de ces moines, celtes qui furent les premiers missionnaires de la région.

« Parmi ces pieux personnages, les uns vivaient en ermites, les autres en missionnaires, parfois en missionnaires et en ermites à la fois. Chacun de ces prédicateurs devint une source de lumière dans un monde de violence et d'ignorance. Le peuple venait à lui pour en recevoir lumières et conseils. La petite église, qu'il bâtissait souvent sur les bords d'une claire fontaine, recevait de lui son nom ; et, quand le système paroissial romain eut prévalu sur la circonscription monastique, la paroisse toute entière se plaça sous le nom de son fondateur » (Cfr. Les Saints Bretons, par DOBLE et KERBIRIOU, p. 33).

« Ces innombrables Saints de la petite Bretagne, on ne saurait les comparer qu'aux héros de l'antique Grèce. Comme eux, ils apparaissent à la mémoire d'un peuple comme des guides ou des sauveurs ; plus qu'eux, et à un plan plus élevé, dans la lumière chrétienne, ils nourrissent de leurs édifiantes légendes bien des vertus dans des cœurs simples. Sur leur compte, rien d'établi, sinon qu'ils furent pour les ignorants désemparés les organisateurs habiles et dévoués de leur vie collective, à la fois matérielle et morale. Aussi Rome peut bien les ignorer tous ; le, peuple qu'ils ont formé ne les oublie pas ; dans les mots à lann, à plou, à tré, à loc, les paroisses dont ils furent les premiers chefs perpétuent presque tous leurs noms.
A côté, au-dessus de ces chefs de paroisses, d'autres Saints plus entreprenants, de visée plus large ou, tout simplement d'humeur plus voyageuse, conquéraient par leurs bienfaits la gratitude et l'affection de tout le petit monde breton. Il en est dont les noms, le culte, les effigies, se rencontrent de St-Pol jusqu'à Vannes, et de Tréguier jusqu'à Quimper...
Les braves gens, comme on voudrait pouvoir les citer tous ! Il en est peu qui n'aient dans quelque mesure inspiré les tailleurs d'images, et, par la vénération qui les entourait, stimulé le zèle des bâtisseurs de chapelles. Tous aussi, dans les traditions populaires, se révèlent indulgents au pauvre monde, aux petits, aux faibles, célestes intercesseurs parfaitement accommodés au tempérament d'une race tour à tour fière et timide, soumise et rétive, toujours farouchement égalitaire ! »
(H. WAQUET, L'Art Breton, I, pp. 13-14).

Le nom même de Langonnet doit se rattacher à un lann ou ermitage primitif fondé par quelque pieux solitaire du nom de Connec ou Conoc [Note : Gonet ou Gonec est assurément un nom d'homme ; toutefois, on ne connait pas de saint Gonet, mais bien saint Conec ou Conoc. (J. LOTH : Les noms des saints bretons, pp. 25, 26 et 117) — En fin de compte, un certain Gonet serait le fondateur du lann. A supposer qu'on puisse établir l'identité entre Gonet et Gonec, ou Gonoc, le nom de Conogan pourrait être mis en avant : mais de quel Conogan s'agirait-il ?] d'où le lann de Saint Conec, car d'ordinaire le nom propre est toujours celui du fondateur du lann.

Les moines de Landévennec ont certainement parcouru toute cette contrée, où ils ont implanté le culte des saints Brandan, Ratian, Herbault et Conogan, ainsi que des saints Guénolé, Péran (Pezron, Béron), Béver (Bezuer, Bèr), Kénan, Hervé, Bého, Ivinet, qui sont également vénérés aux alentours. Il est même assez probable qu'ils y établirent un monastère de quelque importance. Aujourd'hui encore tout le quartier avoisinant le chevet de l'église de Langonnet porte le nom de l'Abbaye Noire, ou abbati zu ; et c'est apparemment de cette résidence que partit l'abbé Matmonoc, pour rencontrer Louis-le-Débonnaire au camp de Priziac.

Une tradition locale veut que le centre paroissial fût primitivement l'agglomération qui a pris plus tard le nom de Saint-Maur. La situation de ce village sur l'ancienne voie, son importance relative et le pont rustique d'une remarquable antiquité, jeté sur le ruisseau, semblent confirmer cette tradition populaire. St-Maur compte aujourd'hui une dizaine de maisons habitables et nombre de ruines. Plusieurs de ces habitations, édifiées en belles pierres de taille, avec leur portes à anse de panier, leurs fenêtres au linteau et aux pieds-droits chanfreinés, leur tourelle avec escalier en colimaçon, rappellent les vieilles gentilhommières d'autrefois. L'enclos qui entoure la chapelle porte toujours le nom de « cimetière » ; on parle encore de la maison du prêtre, et la petite voie qui va rejoindre St-Germain (Mouster Oualc'h) conserve le nom de chemin du Saint Sacrament.

Le bourg de Langonnet n'aurait été construit qu'après les invasions normandes et l'église du monastère restaurée serait devenue l'église paroissiale.

En tout cas l'immense étendue de cette paroisse prouve son antiquité. A ce premier indice s'ajoute un texte du Cartulaire de Landévennec qui nous reporterait au début du VIème siècle, si la pièce était authentique. Sans doute le Cartulaire actuel ne remonte pas au temps du roi Grallon, mais, bien que rédigé au XIème siècle, il résume une situation très ancienne et la mention de Langonnet — Lann Chunnett est de ce fait très intéressante, puisqu'elle indique clairement que, dès l'origine, les religieux de Landévennec y possédaient une villa, Les Radennec [Note : Cartulaire de Landévennec, publié par A. de La Borderie. Rennes. 1888. (XIX, p. 151). « De tribu Winwiri — Ego Gradlonus do Sancto Wingualoœo quamdam tribum Winguiri in plebe Niuliac ; in Gurureœn Lan Sent; in Lan Chunnett Les Radennec ; in Rioc Lan Reden V villas, etc... — On voit par ce texte que le nom ancien était Lan-Chunnett, qui s'est adouci graduellement jusqu'à devenir Langonnet. On connaît la signification du mot Lann qui désigne ordinairement un terrain à destination religieuse : ermitage ou cella, par extension, chapelle, église, monastère ; le second terme, Chunnett, paraît être un nom propre. Quant à la propriété de Les Radennec, ou Cour des Fougères, elle est parfaitement inconnue. (LE MENÉ : Paroisses du Diocèse de Vannes, I, p. 403). « L'identification de Lann-Chunnett avec Langonnet a été faite par l'éditeur même du Cartulaire, A. de La Borderie (Histoire de Bretagne, I, p. 322, n. 4). Quant à la valeur de ces chartes, La Borderie avoue que leur rédaction remonte au XIème siècle seulement (Annales de Bretagne, IV, p. 296), qu'elles sont apocryphes, comme actes, mais il reconnaît que les indications topographiques, qu'elles contiennent, sont bonnes, et les biens marqués pour avoir appartenu au roi Gradlon, peuvent être considérés comme ayant fait, aux temps les plus anciens, partie de la Cornouaille ». La question demeure très controversée. (Cfr. Bulletin Critique, 1890. Tome XI, p. 180.) — Le Rév. Chan. Doble nous signale un Langunnet dans la Cornouaille anglaise. Cette petite localité se trouve dans la paroisse de St-Vech et possédait autrefois une chapelle, (St-Veep en Cornwall, près Lostwithiel)].

L'église paroissiale présente une partie romane : les quatre travées de la grande nef qui précèdent le carré du transept et dont les arcades en plein cintre reposent sur huit piliers, dont sept appartiennent au style roman bien caractérisé et de style nettement poitevin. Chacun de ces piliers est composé des quatre petites colonnes tangentes, à part les deux du côté gauche vers l'abside, qui sont formées d'un faisceau de huit colonnettes. Les chapiteaux sont faits de trois pièces juxtaposées sur le sommet du fût, sans la moindre astragale ; au centre, un dé rectangulaire dont les quatre faces sont arrondies à la partie inférieure par l'abbattement des angles et des arêtes ; contre les faces latérales, une pierre plate placée sur champ, aux angles inférieurs également arasés, repose par son milieu sur la colonnette intérieure ou extérieure du pilier ; sur le tout, un tailloir de grande dimension.

Au-dessus de chaque chapiteau s'élance une colonnette beaucoup plus svelte, engagée dans la muraille.

Décorés presque uniquement de combinaisons linéaires, les chapiteaux présentent des palmettes, feuillages, lignes contournées et figures d'une exécution très rudimentaire ; quelques animaux fantastiques, une main tenant des lumières enroulées et une face humaine large et quasi monstrueuse. Cette fruste ornementation, qui se rapproche plus du dessin que de la sculpture proprement dite, est sans aucun relief ; seuls les contours des sujets sont creusés à vif dans le bloc.

Sur l'un des chapiteaux, troisième pilier à gauche, se lit l'inscription : Jesus Nazarenus rex Judoeorum, où certains ont prétendu reconnaître des caractères carolingiens.

Un peu au-dessus de cette inscription, un personnage barbu, agenouillé, de forme très fruste, semble supporter la colonnette qui s'élève contre le mur. Comme vis-à-vis, de l'autre côté de la nef, un second personnage de même facture, mais sans barbe, placé au sommet de la colonnette engagée, A l'extra-dos des arcades, s'ouvrent sur la nef de petites fenêtres très ébrasées, qui n'ont rien de commun avec l'art du Poitou, mais rappellent bien plutôt les églises de la Loire ou de l'Ile-de-France.

Cet ensemble architectural paraît bien appartenir au XIème siècle, époque des grandes restaurations postérieures à l'invasion normande. A la vérité, la rudesse des bas-reliefs, la forme très primitive des chapiteaux et la bizarrerie de leur ornementation, ainsi que plusieurs caractères de l'inscription portent à croire que certains des matériaux ont une origine plus ancienne et seraient peut-être les vestiges de l'édifice primitif, réemployés dans la nouvelle construction.

En tout cas, l'église romane de Langonnet est certainement antérieure à la fondation de l'abbaye par les cisterciens. Ogée prétend la reporter jusqu'au IXème siècle ; d'après Duhem elle serait du XIème ou du début du XIIème siècle [Note : Pour toute cette partie de son travail, l'auteur est grandement redevable aux recherches de son confrère, le R. P. H. GUIRIEC Bulletin diocésain d'histoire et d'archéologie, Quimper. 1934. 1er trimestre. — Voir également : — A. LEROUX : Recherches archéologiques dans le Haut-Ellé, Nantes, A. Dugas, 1912.— CAYOT DELANDRE : Monuments du Morbihan. — BOSENSZWEIGH : Répertoire archéologique du Morbihan, pp. 95-96. — DUHEM : Les églises du Morbihan. L'église de Langonnet a été restaurée aux XVIème et XVIIème siècles. Sur la façade, on voit une Pietà de granit, une inscription en caractères gothiques et plusieurs écussons en relief, dont l'un est écartelé aux 1 et 4 de Bouteville. A remarquer, parmi les décombres, un lec'h quadrangulaire, une cuve baptismale à huit pans ; les débris intéressants d'un ancien calvaire de granit, sur lequel figure un abbé].

Tout proche de l'Abbaye — à 1500 mètres au Nord — s'étend le Minez-Morvan, antique résidence du héros breton Lez-Breiz [Note : Morvan, machtiern ou vicomte de Léon, fut surnommé Lez-Breiz, hanche ou soutien de la Bretagne. La poésie populaire lui fait dire : Morvan, ap-Konan, ev va hano, Ha Lez-Breiz, va c'hoar, va lez-hano.
« Morvan, fils du roi Conan, est mon nom, et Lez-Breiz, ma sœur, mon surnom »], qui lutta pour l'indépendance de son pays, contre Louis-le-Débonnaire, en 818. En réalité, il n'y eut point de combat. Morvan, livré à ses seules forces, succomba dans une escarmouche, victime de sa bravoure téméraire. Il eut le mérite de se sacrifier volontairement pour la gloire de sa petite patrie et la défense du sol natal : Pro Patriae laude proque salute soli [Note : Du pays breton Lez-Breiz est l'appui, Que Dieu le soutienne et marche avec lui ! ......... Que ton nom, Lez-Breiz, partout soit chanté ! (BRIZEUX). O mère, il était bien le fils de tes entrailles Morvan roi du Léon et de la Cornouailles, C'était bien un breton dans l'âme ! (F. LE GUYADER : L'Ere Bretonne)].

La Chronique de Landévennec (p. 75), dit que l'empereur vint camper non loin de l'Ellé, en bordure de la forêt de Priziac : « castra fixerat super fluvium Elegium, juxta silvam quae dicitur Brisiaci » très probablement au bord de l'étang de Beler, car on a découvert, en 1860, 2000 monnaies caroligiennes entre le village de Kervenah et Castel-Beler, sur la route qui vient de Priziac.

Morvan occupait, sur la rive opposée, le plateau qui domine l'abbaye et paraît assez conforme à la description du chroniqueur Ermold-le-Noir, qui parle d'une résidence « au milieu des forêts
, entourée d'un fleuve, retranchée derrière les haies, les fossés, les marécages »
.

Est locus hinc silvis, hinc flumine cinctus amœno,
Sepibus et sulcis atque palude situs ;
Infus opima domus, hinc inde refulserat armis,
Forte repletus erat milite seu varia.
Hœc loca prœcipue semper Murmanus amabat,
Illi certa quies, et locus aptes erat

[Note : Ermoldi Nigelli. III. vv. 93-98. (1346-1351). Ermold-le-Noir. Poême sur Louis-le-Pieux, et Epitres au roi Pépin, édités et traduits par Edmond Faral. — Paris, Hon. Champion, 1932. Les données topographiques du moine Ermold sont assez vagues. Il avoue lut-même qu'il n'a point dépassé Rennes, et il n'hésite pas à placer Vannes à l'embouchure de la Loire ! : Est urbs fixa maris Ligeris quo fluminis unda - Aequor arat late ingrediturque rapax, - Veneda cui nomen Galli dixere priores, - Pisce repleta, salis est quoque dives ope. III, 251-254 (1504-1507). Il n'avait d'ailleurs rien de guerrier : « Moi-même j'ai porté le bouclier sur mon épaule et l'épée à mon côté ; mais personne n'a eu à se plaindre de mes coups. Pépin, à ce spectacle, s'amusait et me disait : Frère, laisse les armes : la lecture est mieux ton affaire ». Cede armis, frater litteram amato magis ! (V. 2019)].

Ainsi, trois siècles plus tard, un petit groupe de moines venait chercher le calme aux lieux mêmes que le valeureux guerrier avait choisi comme séjour, alors que la Bretagne jouissait de sa fière indépendance. Ils vinrent à leur tour se fixer

Sur les bords de l'Ellé....
Là, c'est un lieu de paix, de calme, de mystère,
Rafraîchi par les eaux d'une gente rivière,
Qui roule et qui serpente, en chantant, à travers
Des landiers odorants et des prés toujours verts.
...........
Tout près c'est le Menez-Morvan, colline austère
Où, par le roi français, Louis-le-Débonnaire,
Notre héros Morvan, faiblement soutenu,
En l'an huit cent dix-huit fut aisément battu
.
ABBÉ LE BAYON.

Note : Sur le Minez-Morvan, cfr. : LA BORDERIE Histoire de Bretagne, Tome II, pages 11-13. — AUDREN DE KERDREE : L'Expédition de Louis-le-Débonnaire contre la Bretagne, en 818. (Congrès de l'Association Bretonne, Redon. 1881, p. 18.) Le tumulus, qui se dresse non loin de Karven, marque peut-être la tombe de Morvan].

(Albert David).

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