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L'ABBAYE DE REDON |
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Redon doit son importance au développement d'une abbaye bénédictine jadis très influente, fondée par le moine Conwoïon en 832. Au confluent des deux rivières les plus importantes de Bretagne (l'Oust et la Vilaine), le site constitue une position remarquable sur le plan stratégique et économique, ces grandes vallées étant lieux de passage et voies commerciales.
A cette époque, Louis Le Débonnaire, Empereur des Francs, a chargé Nominoë, Comte de Vannes, d'assurer la paix en Bretagne. A la mort de l'Empereur, l'ouest armoricain revient à son fils, Charles Le Chauve. Refusant de se soumettre à ce dernier, Nominoë affronte les troupes franques à Ballon en Bains sur Oust, près de Redon, en 845. Défait, l'Empereur Franc s'enfuit. La Bretagne est indépendante.
Note : " L'Abbaye ducale de Saint-Sauveur fut fondée aux environs de l'an 840, par Saint Conwoïon, archidiacre de Vannes, avec l'appui du roi breton Nominoë, le fameux vainqueur de Charles le Chauve, à Ballon, et créateur de l'indépendance bretonne. Elle devait, suivant l'idée géniale de Nominoë, servir de bastion avancé au Broërec, ou Est Vannetais, contre les incursions des Franks. La Vilaine qui l'encerclait formait en effet une défense redoutable que son affluent, l'Oust, renforçait considérablement, grâce aux hauteurs qui la dominaient. Les Religieux Bénédictins en firent avec le temps l'un des monastères les plus célèbres et les plus fréquentés du Moyen Age. Le voisinage immédiat de la forteresse - château de lieux, résidence préférée des vieux rois de Bretagne, et de leurs successeurs, les ducs, lui fut aussi une source incomparable de gloire et de richesse. Rois, ducs, puissants seigneurs bretons et français la visitaient à l'envi et y venaient en pèlerinage. Plus près de nous, aux XVIIème et XVIIIème siècles, c'est à l'Abbaye de Redon que se forma la grande école de l'Histoire de Bretagne où devaient laisser leurs noms les Dom Audren, Dom Morice, Dom Lobineau et tant d'autres historiens réputés. Quand survint la Révolution, en 1790, les Bénédictins furent expulsés et leurs biens mis à la disposition de la Nation. Les bâtiments de leur Abbaye sont occupés aujourd'hui par l'Institution libre Saint-Sauveur, l'un des collèges, les plus justement renommés et heureusement florissants de Bretagne. L'église abbatiale, devenue en 1793 église paroissiale, est un monument de toute beauté. Malgré l'incendie qui l'a séparée de son clocher ; malgré les badigeonnages qui lui ont été infligés et que l'on fait disparaître peu à peu, Dieu merci ; malgré la disparition de ses vitraux ; malgré les restaurations de l'Administration des Beaux-Arts qui, il y a peu de, temps encore, n'a pas craint d'entourer de ciment les bases romanes des piliers de la nef et laissé ses ouvriers blanchir à la chaux les chapiteaux restés intacts jusqu'ici et les sculptures de la porte Renaissance qui faisait communiquer le choeur avec le cloître, elle a vraiment grand air et mérite de figurer parmi les plus beaux monuments que nous ait laissés le Moyen Age breton " (R. de Laigue, 1935).
Le rayonnement de l'Abbaye.
L'abbaye va alors croître et jouer un rôle à la fois culturel, spirituel, mais aussi politique puis économique : le trafic se développe sur la Vilaine, autour du port de Redon.
L'abbaye accueille d'importants pèlerinages : on y vénère les reliques de Saint Apothème, Saint Marcellin (confiées par le Pape), puis de Saint Conwoïon.
Redon est aussi une étape sur la route de Saint Jacques de Compostelle : on y embarque à destination de l'estuaire de la Gironde.
REDON, ville d'Etat.
A la fin du Moyen Age, les Etats de Bretagne se réunissent à Redon ; la ville connaît une certaine aisance grâce au développement du commerce du sel, des vins, des épices? des étoffes, du poisson, du fer d'Espagne... La construction navale se développe.
Au XVème siècle, le système de la Commende (l'abbé n'est plus élu par les moines mais désigné par le pouvoir central), va entraîner progressivement le déclin de l'abbaye et sa perte d'influence au profit d'une riche bourgeoisie qui dirige désormais la cité.
Au XVIIème siècle, Richelieu, Abbé commendataire de Redon, installe la congrégation de Saint Maur dont l'abbaye devient désormais le séminaire pour la Bretagne. Il en fait reconstruire les bâtiments et le cloître, fait édifier le retable de l'église.
En 1780, un incendie ravage l'abbatiale, isolant le clocher gothique. La révolution en fait le Temple de la Déesse Raison. Puis elle devient église paroissiale.
En 1817, le monastère devient un établissement d'enseignement qui sera dirigé par les Eudistes à partir de 1836.
C'est aujourd'hui le Lycée Privé Saint Sauveur, qui accueille près de 1.000 élèves de la seconde au BTS.
Le tour de l'Eglise.
Pour se faire une bonne idée de l'extérieur de l'église de Redon, il n'y a rien de mieux que de se rendre au bout du Cours Clemenceau et de se placer près du Monument aux Morts de la guerre. De là on jouit d'une vue d'ensemble incomparable sur le chevet de l'édifice et ses cinq chapelles gothiques, sur la multitude des contreforts saillants à larmiers et leurs arcs-boutants, sur les hautes fenêtres et sur le toit aigu que masque à sa naissance une jolie balustrade en quatre-feuilles. Revenir sur ses pas en jetant un coup d'oeil sur la chapelle Notre-Dame de Bonne Nouvelle appelée aussi Chapelle des Ducs, laquelle sert aujourd'hui de sacristie. Construite vers 1440 par l'abbé Le Sénechal, la crête de son mur est garnie de machicoulis soutenus de meurtrières, et les ogives de ses fenêtres sont elles-mêmes encadrées dans une arcature de même forme, destinée également à servir de défense contre des assaillants. La chapelle des Ducs est assise sur les murs d'enceinte de la ville et elle participait avec eux à la protection de la cité. Ensuite vient la chapelle Saint-Roch, reconnaissable à son grand oeil de boeuf et qui renferme l'enfeu, saillant à l'extérieur, de l'abbé Paul-Hector Scotti (1575-1596), réformateur de son Abbaye et auteur du fameux Aveu de 1580.
Continuons notre visite extérieure en passant derrière l'Hôtel de Ville. Les murs du collatéral Nord de la nef et ceux du croisillon du transept sont, dit M. Roger Grand (professeur à l'Ecole Nationale des Chartes et membre de la Commission des Monuments Historiques), les restes d'une époque archaïque assez difficile à déterminer mais qu'il ne paraît pas impossible de faire remonter à l'époque carolingienne et d'attribuer peut-être au restaurateur de l'Abbaye après les ravages des Normands, Ritcandus (868-871) contemporain et successeur immédiat du fondateur de Saint-Sauveur, Saint Conwoïon. On y voit un petit appareil cubique à la romaine mélangé de chaînes en épi ou de feuilles de fougère et de rangs de pierres : plates comme des briques romaines. (L'Eglise Saint-Sauveur de Redon, par Roger Grand, professeur à l'Ecole des Chartes).
Au-dessus du transept, voici la fameuse tour romane quadrangulaire, surmontée de son toit pyramidal et qui offre de curieux détails d'ornementation. Elle présente trois étages en retrait les uns sur les autres : le premier, quadrangulaire, percé sur chaque face d'arcades en plein cintre sur simples piédroits ; le second, flanqué sur ses angles d'un lanternon cylindrique et percé de baies plus petites ; le troisième enfin, quadrangulaire à angles épannelés et fenêtres à plusieurs rangs d'archivoltes retombant sur colonnes engagées, trapues, à chapiteaux ornementés et finement fouillés, et surmontées d'arcatures pleines avec billettes. Cette tour, d'une hauteur totale de 27 m. 30, est due, comme les autres parties romanes de l'église, au duc Alain Fergent, mort en 1119 sous l'habit monastique et enterré à Redon, ainsi que sa femme, la sainte duchesse Ermengarde d'Anjou, qui, depuis son veuvage, habitait la Béguine de Redon. (dont il sera question plus par ailleurs).
Avant de quitter l'endroit où nous sommes arrêtés, observons les contours des fenêtres romanes qui éclairaient la nef avant l'incendie de 1780 et ont été aveuglées lors de la restauration de l'église. Notons aussi les restes des contreforts qui soutenaient les murs beaucoup plus hauts qu'aujourd'hui, et une grande porte de la même époque aujourd'hui condamnée, et qui donnait accès dans le logis de la Béguine, lieu, solitaire où la duchesse Ermengarde s'était retiree pour y suivre d'esprit la règle Bénédictine. L'Hôtel de Ville de Redon a été construit à l'endroit même où s'élevait la Béguine. Enfin ajoutons, que le mur du collatéral méridional, qui sépare l'Abbatiale du Cloître, cache, sous son enduit et son badigeon, les fenêtres romanes qui donnaient sur les bâtiments claustraux, et le même petit appareil de pierres cubiques à la façon romaine. C'est une constatation qu'il nous a été donné de faire nous-même lors de réparations opérées il y a une trentaine d'années.
Notre visite extérieure se terminera par la tour-clocher que l'incendie a séparée de son église et sur le côté méridional de laquelle on aperçoit les points d'attache de la nef, dont les trois premières travées soutenant les orgues qui, paraît-il, étaient monumentales, affectaient le style gothique. Elle date de la fin du XIIIème siècle ou du début du XIVème, et doit être l'oeuvre, comme le choeur de l'église, de l'abbé, Jean de Guipry, inhumé en 1310 dans une des chapelles orientales de l'abside. Quadrangulaire à sa base, elle est flanquée d'une tourelle carrée pour l'escalier et d'épais contreforts, un de chaque côté des angles. Et elle se termine en flèche hexagonale hérissée sur chaque côté d'ornements en crosse et entourée à sa naissance d'élégants clochetons. Sa hauteur totale est de 57 mètres. Elle présente cette particularité curieuse qu'elle correspond au collatéral Nord et n'est pas par conséquent dans l'axe de la nef principale. Cette disposition résulterait-elle d'un obstacle antérieur à sa construction ; d'anciens bâtiments par exemple, occupant la place qu'elle eût du prendre régulièrement ; ou indique-t-elle dans le plan primitif le projet d'établissement d'une seconde tour symétrique au Sud et reliée à la première, comme dans les grandes églises de la même époque, par un riche portail à voussures ornementées ? Telles sont les questions que se pose J. Desmars dans son livre sur Redon et ses environs (ouvrage aujourd'hui épuisé) .
Avant d'entrer dans l'église, jetons un coup d'oeil historique sur la Place Saint-Sauveur où nous sommes arrêtés.
On a peine à se figurer maintenant la disposition qu'affectait jadis le terrain occupé de nos jours par cette place ; alors que les murs d'enceinte de la ville étaient encore debout. La Rue ou Faubourg Notre-Dame s'avançait jusqu'à la voie ferrée actuelle. Quant aux murs fortifiés, ils suivaient à peu près la Rue Richelieu où s'élevait une grosse tour ; longeaient l'église sans la toucher, sauf à la chapelle des Ducs ; passaient sous l'Hôtel de Ville ; se dirigeaient vers le passage à niveau où se trouvait la Porte Neuve ou Porte Notre Dame que défendait une autre tour ; formaient un coin en éperon dirigé vers le Nord, puis tournaient brusquement à l'Ouest en suivant parallèlement le remblai de la voie ferrée et gagnaient le bas de la Place de Bretagne et la Rue des Douves.
Le voyageur arrivant à Redon par le Faubourg. Notre-Dame, c'est-à-dire venant des directions de Rennes ou de Ploërmel, pénétrait dans la ville proprement dite, la ville close, par la Porte Neuve et par un pont jeté sur les fossés, en avant de cette porte, pont et porte situés un peu au Sud du passage à niveau ; au commencement du pont, il dépassait la loge du sergent de ville. La porte franchie, il ne se trouvait pas sur une place, mais dans une rue qui s'ouvrait devant lui et qui menait à la Tour Saint-Sauveur et au portail de l'église, puis à la Grande-Rue. C'est cette vieille rue qui, élargie et dégagée, a fini par devenir la Place Saint-Sauveur. Elle porta primitivement le nom de Rue du Pilori, puis celui de Rue Saint-Sauveur. Le pilori de la Justice Abbatiale s'y dressait : poteau auquel on attachait les criminels pour les exposer à la vue, du peuple avec son appareil de ceps (liens) et de collier (carcan en fer).
Voyons par le détail la Rue du Pilori. Elle commençait, on vient de le voir, à la Porte Neuve. A droite, une maison dite la Maison Neuve, construite vers 1580 par sire Jean Lorier, bourgeois de Redon, touchait les murs d'enceinte. Puis venait une rue qui conduisait de la Rue du Pilori à la Rue aux Febvres (Place du Parlement) ; elle existe encore, et c'est le commencement de la Rue des Etats. Une maison séparait cette rue de « hostellerie où pendait pour enseigne Ste-Barbe », hôtel placé en face du pilori. Ensuite c'était l'additoire (tribunal) des justices seigneuriales de l'Abbaye et de Beaumont. Enfin, au coin de la Rue du Pilori et d'une autre rue menant à la Rue aux Febvres, coin occupé aujourd'hui par la maison Nédelec, on voyait un hôtel particulier appartenant aux seigneurs du Parc Anger.
A gauche, c'est-à-dire tout à côté de la Porte Neuve, un escalier montait sur les murs d'enceinte, et, sous cet escalier, une porte voûtée servait d'entrée à la garde de la ville et dirigeait les canons vers les meurtrières qui existaient encore en 1651. L'espace compris entre cet escalier et la Tour St-Sauveur était celui de la Béguine, dont nous avons parlé plus haut, et où l'on finit, par loger les intendants de l'Abbaye. A noter qu'en 1650 dom Nouel de la Regneraye, l'un des bienfaiteurs de St-Sauveur et fondateur du Couvent des Dames Calvairiennes, prieur de Pléchâtel, y habitait. Elle consistait en un logis bâti en appentis et « appuyé contre le mur Nord de l'église, vis-à-vis l'autel St-Joseph et St-Samson, et comprenant rez-de-chaussée, chambre haute et grenier avec porte donnant dans l'église ». Ses limites étaient l'église au Sud, les murs d'enceinte au Nord, la Rue du Pilori à l'Ouest et le Logis St-Roch, devant la chapelle St-Roch, à l'Est. Vers 1650, on construisit, sur les dépendances de la Béguine, entre la maison proprement dite et la Tour St-Sauveur, l'hôtel abbatial qui devait devenir plus tard un Hôtel, aujourd'hui disparu.
Après la Béguine, on voyait successivement deux maisons dont la seconde touchait la Tour St-Sauveur. Enfin, appuyée contre la Tour, la Chapellenie de la Fumerie, tout contre la porte d'entrée de l'église : on peut, encore voir la ligne du toit de la Fumerie se dessinant en creux dans les pierres de la Tour.
Devant l'entrée de l'église et face à celle-ci, se dressait une croix appelée Croix St-Sauveur. A droite, en regardant le portail, se trouvaient les deux portes de l'Abbaye, une grande et une petite, que l'on distingue encore très bien, quoiqu'elles soient masquées, au moins l'une d'entre elles, par des devantures de Magasins.
Du côté de l'Abbaye, l'église Saint-Sauveur était limitée par les bâtiments conventuels : la procure, le dépôt des archives monacales (qu'a remplacé la Rue Nominoë), le cloître du XVIème siècle (qui existe encore) et la belle sacristie qui sert de chapelle de congrégation au Collège.
Quant au choeur ogival, il s'avance superbement vers l'Orient sur un terrain qui a été complètement remanié et qui, pour cette raison, mérite une description plus soignée. Il y a des raisons de croire que la primitive abbaye aurait été installée là, entre l'église actuelle et la Vilaine, et ces raisons reposent surtout sur la dénomination de grand cloître et de petit cloître qu'avait jadis un bâtiment situé à l'Est du choeur, et sur la présence au même endroit d'une chapelle dédiée à saint Etienne, chapelle démolie seulement en 1640 et qui portait le premier vocable donné à son monastère par saint Conwoïon. Encore plus à l'Est, entre le grand cloître et les murs d'enceinte, remparts de la ville, s'élevaient deux autres bâtiments : le Logis des Ducs et le Logis Abbatial. Le Logis des Ducs, que décorait l'écusson de Bretagne surmonté de la couronne ducale, contenait 97 pieds sur 29 de large ; il donnait, au Nord et à l'Est, sur les murs de la ville (communs du Collège St-Sauveur), au Sud, sur le Logis Abbatial, et à l'Ouest, sur un petit jardin qui le séparait de la Chapelle Saint-Etienne laquelle se trouvait donc placée entre le choeur de l'église et le Logis des Ducs. Le Logis Abbatial, Hôtel de l'abbé commendataire de Redon, quand il venait visiter son Abbaye, celui où descendit le Cardinal de Richelieu, abbé de Redon, avait été bâti vers 1618 et consistait en une grande maison carrée avec deux pavillons, le tout donnant au Nord sur le Logis des Ducs, avec lequel il communiquait par une porte, à l'Est sur les murs d'enceinte et la Vilaine, au Sud, sur le moulin à eau de Port-Nihan et sur une cour qui le séparait de la Rue de Pornihan, à l'Ouest, sur le Grand Cloître qui le séparait du choeur de l'église. Il possédait trois portes d'entrée dont la principale donnait sur le Grand Cloître et portait un fronton de tuffeau. On le démolit en 1651 pour le remplacer par le nouvel hôtel qu'on construisit à la Béguine.
Achevons de faire le tour de l'église en mentionnant qu'au Nord de celle-ci on trouvait une cour située entre elle et les murs d'enceinte et qui longeait la chapelle Notre-Dame de Bonne Nouvelle et la Chapelle Saint-Roch. Une maison s'y trouvait, appelée Logis de St-Roch, ou l'Enfermerie, avec petite salle en bas et chambre au-dessus, à l'usage des religieux malades qui n'avaient pas d'autre infirmerie. Le Logis de St-Roch était contigu à la Béguine (R. de Laigue).
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VISITE DE L'ABBAYE.
Depuis l'incendie de 1780, le clocher est séparé de l'église.
Alors démunis, les moines avaient choisi de réduire la nef de cinq travées et d'en rabaisser le toit. Remplaçant un toit en trois parties et occultant les fenêtres hautes de la nef centrale, ce qui réduit considérablement l'éclairage naturel de l'église.
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L'intérieur de l'église abbatiale :
LA
NEF.
Dès qu'on entre dans l'église Saint-Sauveur, on est frappé de
constater le manque d'homogénéité qui règne dans les principales parties de
l'édifice. Il semble que les siècles, chacun pour sa part, aient tenu à apporter
leur contingent à l'oeuvre de saint Conwoïon. C'est ainsi que les piliers de la
nef et les murs du transept, à l'appareil fruste et grossier, accusent la
première époque romane ; que la coupole et les bras du transept sont du début du
XIIème siècle ; que le choeur est gothique et que le maître autel, avec son
gigantesque retable, est Renaissance.
La nef est donc romane, et, dans son ensemble, elle remonte au temps de saint Conwoïon. Mais, après l'incendie de 1780 qui avait anéanti les grandes fenêtres supérieures, « on ouvrit dans le mur du collatéral Nord d'affreuses baies en demi-lune qui déshonorent et devraient bien disparaître. La déformation de la nef sera tout à fait achevée quand des décorateurs postérieurs s'aviseront d'en cacher tous les murs et les arcades sous une épaisse couche de stuc et d'enduit imposant partout la régularité rigide, de l'ordre dorique ». (R. Grand, loc. cit.) Quant aux fenêtres romanes basses, épargnées par le feu, les restaurateurs en ont détruit quelques-unes et aveuglé quelques autres au collatéral Nord. Toutes celles du collatéral Sud existent encore, mais elles sont cachées par des enduits.
Ainsi déguisée, ses piliers cachés par le plâtre, ses chapiteau « noyés dans la pâtisserie », la nef, transportée en style classique, cachait son secret, et tout le XIXème siècle on la déclara gothique. « Heureusement, un homme d'initiative et de goût s'est rencontré qui, amoureux de son église, a commencé les travaux de décapage tant désirés. M. le chanoine Hus, curé-doyen de Redon, a mérité la reconnaissance des archéologues et de tous ceux qui s'intéressent au passé ou à l'évolution des formes. Sans attendre les secours officiels, souvent trop lents, mais avec un souci de bien faire et un respect du document dignes du service des Monuments Historiques, il a débarrassé de leur gangue de pâtissserie les quatre grandes arcades de la croisée du transept, celles du choeur avec leurs piliers, puis enfin celles de la nef. Les pierres ont été nettoyées et les joints soigneusement refaits. Ainsi ont été mises au jour une série de piles rectangulaires avec colonnes engagées à l'intérieur des arcades ; colonnes surmontées seulement de tailloirs profilés d'une bande au-dessus d'un biseau et faisant une forte, une anormale saillie sur le fût de la colonne parce que les chapiteaux romans ont été bûchés quand on a voulu établir avec du plâtre les colonnes tout unies d'ordre dorique que l'on vient de détruire. On perçoit nettement à l'oeil et encore mieux sur les photographies la preuve de ce bûchage dans la couleur de l'assise supérieure des colonnes engagées. Le granit, piqué par la masse du tailleur, y est plus blanc qu'aux assises inférieures. Celles-ci ne pénètrent que de deux en deux dans la masse de la pile à laquelle les intercalaires sont seulement adossées. Les assises pénétrantes sont toutes formées de deux pierres jumelées comme si l'on aurait craint de franger d'un seul coup une trop grande largeur de la pile pour y introduire la queue d'une seule forte pierre. Les joints parfois ne correspondent pas. Le gros bloc de la corbeille bûchée fait pénétration et assure la liaison. L'arcade est formee d'un simple rouleau de claveaux. Le cintre est légèrement surhaussé. Les claveaux, très réguliers, sont tous de même longueur et aucune de leurs queues ne pénètre dans le cintre de l'arcade. Enfin les bases des colonnes engagées sont seulement collées à la pile sans y pénétrer. Toute cette construction donne l'impression de ne pas faire corps avec le mur de la baie à l'intérieur de laquelle elle s'élève.
Il en est de même des quatre grandes arcades au carré du transept qui font l'effet d'avoir été bandées après coup sous une construction antérieure plus fruste, et pour la renforcer tout en l'embellissant. Malheureusement les piédroits des grosses piles d'angle et le pourtour de la coupole, ainsi que ses trompes, n'ont pas été décapés.
L'impression est confirmée encore dans la nef par l'examen comparé des appareils. Celui des colonnes engagées est l'appareil régulier et normal du XIIème siècle en Bretagne. Celui des piles rectangulaires est d'aspect sensiblement plus archaïque, formé de gros morceaux de granit, irréguliers, reliés par des joints très épais, dont plusieurs ont trois ou quatre centimètres. De temps en temps, entre deux blocs, est intercalée une mince plaque sur champ, jouant le rôle d'une grosse brique » (R. Grand loc. cit).
Ces détails techniques paraîtront peut-être superflus à certains touristes. En revanche, ils intéresseront certainement ceux pour qui la visite d'une église comme celle de Redon peut se doubler d'une leçon d'archéologie.
LE TRANSEPT.
Les arcades de l'intertransept, en magnifique plein
cintre à double archivolte, retombent sur des colonnes engagées à chapiteaux
d'une ornementation simple, mais tout à fait caractérisée : ce sont des filets,
des têtes humaines, des imitations de volutes antiques. Les massifs prismatiques
auxquels s'adossent ces colonnes, portent la voûte hémisphérique sur pendentifs
qui soutient la belle tour romane dont nous avons déjà parlé. Les croisillons
sont à pignon carré. Le tout est incontestablement l'oeuvre de l'abbé Hervé et
le produit des libéralités du duc Alain Fergent et de son fils, le duc Conan le
Gros, ce qui autorise à dater cette partie de l'église des premières années du
XIIème siècle. C'est dire qu'une vaste et belle église fut bâtie alors dans le
style roman le plus pur et le plus riche, église dont le choeur fut reconstruit,
cent cinquante ans plus tard, dans le style ogival et dont la nef subsiste, on
vient de le voir, encore en partie. Il nous reste un témoin du choeur roman
d'Alain Fergent : c'est ce magnifique chapiteau qui sert de bénitier près de la
petite porte de l'église, sous la statue de Saint-Yves.
Rappelons pour mémoire que le duc Alain Fergent (1084-1112), contemporain de Guillaume le Conquérant, roi d'Angleterre, et de Philippe Ier, roi de France, assista à la première croisade avec plusieurs de ses seigneurs bretons. En 1112, ceci est à remarquer, il résidait à Redon dans la maison d'un bourgeois nommé Barbotin Blanche-Goule. Là, tout à coup, il tomba gravement malade et ne recouvra la santé qu'après une longue convalescence passée chez Barbotin qu'il ne voulut quitter que pour se retirer à l'Abbaye Saint-Sauveur où il vécut sept ans dans une entière retraite. Il y mourut le 13 octobre 1119 et fut enterré dans l'église abbatiale en présence de tous les évêques bretons, de tous les abbés, de presque tous les barons, entre autres le Vicomte Alain de Porhoët, tige de la maison de Rohan, Hervé Vte de Léon, André de Vitré, Roland de Retz, Judicaël de Malestroit, etc,. Sa veuve, la sainte duchesse Ermengarde d'Anjou, se retira, on l'a vu, à la Béguine, dont la maison donnait, par urne vaste porte et une fenêtre, dans l'église, et y mourut le 17 septembre 1148.
La nouvelle église était à peine achevée, que plusieurs seigneurs du Comté Nantais ; entre autres Olivier, baron de Pontchâteau et Savari, Vicomte de Donge, envahirent la ville de Redon, saccagèrent l'abbaye dont ils firent une vraie forteresse et soutinrent dans le saint lieu un véritable siège. Ces événements datent de l'année 1120 ou environ. Ces bandits furent forcés de se rendre, et le nouveau duc, Conan le Gros, fils d'Alain Fergent, les fit enfermer dans de noirs cachots. La purification du nouveau maître-autel de l'abbatiale, l'autel Saint-Sauveur, eut lieu le 23 octobre, jour anniversaire de sa première dédicace, avec la plus grande solennité : elle fut faite par Gérard, évêque d'Angoulême, légat du Pape, et par Hildebert, archevêque de Tours, assistés de quatre évêques et de quatre abbés de Bretagne, en présence du duc, de la duchesse Ermengarde et des sires d'Elven, de Malestroit, de Rieux, de Bain, etc... En même temps l'autel de la chapelle de l'infirmerie était dédié à Sainte Marie Madeleine. (R. de Laigue).
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En entrant, l'amplitude de la nef romane nous saisit ! Imaginez la taille impressionnante de la nef d'origine! Aujourd'hui, la pierre est apparente. Malheureusement, les chapiteaux ont été bûchés ; seuls ceux du transept et les deux premiers de la nef subsistent.
Les quatre piliers du transept supportent la tour romane. Partant du carré, l'architecte parvient à la coupole en passant par l'octogone grâce à la construction de « trompes » aux angles.
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LE
CHŒUR.
Au milieu du XIIIème siècle, disent les annales latines de
l'Abbaye de Redon, l'église Sant-Sauveur eut beaucoup à souffrir du fait des
guerres. Mais il semble bien que le duc Pierre Mauclerc et son fils, le duc Jean
le Roux, doivent prendre leur part de responsabilité des cataclysmes qui
désolèrent alors le monastère. L'abbé Daniel prit avec ses moines le chemin de
l'exil ; on croit qu'ils se retirèrent en Lorraine. Mais Rome prit leur défense
et le Pape Innocent IV envoya, en 1243, une lettre à plusieurs abbés de France
pour les exhorter à contribuer à la réédification du monastère ; en 1248 il
accorda même des indulgences aux pèlerins qui viendraient honorer les reliques
déposées à Saint-Sauveur. Enfin, grâce à l'intervention du Souverain Pontife
Alexandre IV, les religieux purent rentrer à Redon en 1256. Un de leurs premiers
soins fut de relever le chœur de l'église qui devait être en ruines. Ils le
firent avec l'aide des fidèles et notamment celui de la Comtesse Agnès, femme du
Vicomte Louis de Beaumont. Le choeur ogival de l'église de Redon est donc
contemporain du duc Jean le Roux et du roi Saint Louis qui se croisèrent
ensemble en 1270.
Ce choeur, dit Desmars, est d'un fort bel effet. Comme dans toutes les églises importantes, on retrouve les trois étages superposés : les grandes arcades en ogive lancéolée, sur colonnes groupées, n'ayant pour chapiteau qu'un simple tore sans ornements ; le triforium, galerie à jour formée, sur les murs latéraux, dans chaque travée, de trois baies trilobées correspondant à un égal nombre de fenêtres extérieures, et, dans la courbure du fond, de deux baies ; au-dessus du triforium, le clerestory, avec ses grandes fenêtres à meneaux n'offrant, dans quelques-unes, que des lancettes géminées. Le choeur est formé de onze travées. Il est entouré d'un déambulatoire donnant accès aux chapelles absidiales, voûté comme elles, en pierres avec nervures saillantes agencées avec beaucoup d'art.
Construit au XIIIème siècle sur
l'emplacement de l'ancienne abside romane, le choeur actuel abrite un retable baroque commandé
par Richelieu. Depuis juin 2000, un tableau, copie du magnificat de Rouen,
remplace un christ en bois. Cinq chapelles rayonnantes bordent le déambulatoire
ornées de belles céramiques « Art-déco », travail d'Odorico. au début
du XXème siècle.
LES AUTELS.
Comme toutes les églises
abbatiales, Saint-Sauveur de Redon possédait de très nombreux autels, de sorte
que tous les religieux pouvaient dire leurs messes en même temps. Les archives
de l'Abbaye nous ont conservé les vocables de ces autels qui, pour la plupart,
ont disparu. C'étaient les autels Saint-Antoine, Saint-Pierre, Saint-Paul,
Saint-Roch (dans la petite sacristie actuelle), Saint-Gildas, Saint-Blaise,
Sainte-Agathe, Sainte-Apolline, N.-D. du Puits (autel actuel du Sacré-Coeur),
Saint-Michel (contre le gros pilier N.-O. de la tour romane), Saint-Vincent
Ferrier, Saint-Yves (contre le gros pilier S.-0. de la tour romane),
Saint-Marcellin (dans la nef), Saint-André, Saint-Avertin, Saint-Eutrope,
Saints-Philippe et Jacques, Saint-Jean, patron d'une des frairies de Redon,
Saint-Mathurin, Saint-Salomon, Saint-Gilles, patron d'une autre frairie de Redon
(dans une chapelle du tour du choeur), Sainte-Marguerite (à côté de celui de
Notre-Dame du Puits), Sainte-Magdeleine (dans la chapelle de Tous les Saints
autour du choeur), Saint-Etienne (autel actuel du Rosaire), Sainte-Anne (autour
du choeur), Saint-Louis, Saint-Julien, Saint-Fiacre (dans la chapelle
Saint-Gilles), Saints-Côme et Damien, Saint-François d'Assise, Saint-Denys,
Saint-Clair, Saint-Front, Saint-Martin, Sainte Catherine, Saint-Eloi,
Sainte-Barbe, Saint-Nicolas, Saint-Jean l'Evangéliste, Notre-Dame de la Serche
(autour du choeur), Notre-Dame de Pitié (autel actuel de la Sainte-Vierge
derrière le choeur), Saint-Samson (à l'autel Saint-Joseph), Saint-Joseph (dans
la nef), la Trinité, Saint-Maur, Tous les Saints (autour du choeur). Il sera
traité plus loin du Maître-autel (R. de Laigue)
Nous sommes mieux renseignés en ce qui concerne les chapelles, car elles existent encore, desservies, restaurées ou désaffectées. Les voici, en commençant par le côté de l'Epître :
Chapelle du Rosaire :
Chapelle du Rosaire, appelée aussi Chapelle Sainte-Philomène. C'était autrefois la Chapelle Saint-Etienne. Le retable de son autel date de la même époque que celui du maître-autel. Il est très remarquable et de fait très remarqué. On y voit les statues de Sainte-Cécile avec son orgue et de Sainte-Philomène, avec son ancre. Cette chapelle était la plus fréquentée et la plus populaire de l'Abbaye et c'était là seulement que les moines distribuaient la sainte Communion aux fidèles. Quand on démolit la vieille chapelle Saint-Etienne dont nous avons parlé déjà et qui s'élevait extérieurement entre le chevet de l'église et la Vilaine, on transporta le culte du Saint, le premier vocable de l'Abbaye, dans la nouvelle Chapelle de son nom. Le cérémonial de Saint-Sauveur nous apprend qu'à la fête de la Trinité, fête principale de l'Abbaye, le Saint Sacrement était retiré du Maître Autel et transporté à l'autel Saint-Etienne tandis que le grand tabernacle restait ouvert et vide, encadré de deux religieux qui s'y tenaient pour maintenir l'ordre et inscrire les messes, le tout pour un motif de décence ; « la foule étant innombrable et les processions étrangères excessivement nombrenses ». On exposait devant l'autel Saint-Etienne une tour de reliques sur une table, près de la balustrade, mais du côté de l'Evangile, pour ne pas gêner messes et communions. Il était d'ailleurs interdit de dire plus d'une messe le même jour à la chapelle Saint-Etienne pour que le passage de la sacristie (actuellement chapelle de la Congrégation du Collège) restât libre et non encombré. Le 26 décembre, on célébrait solennellement la fête de Saint-Etienne, de seconde classe « parce que la première chapelle de ce saint avait été la première église du monastère ». Une foule de fidèles ne cessait de venir y prier et l'on y exposait les reliques de six heures du matin à midi, sur une table placée assez près pour qu'on pût aller facilement les baiser, un cierge restant allumé et un religieux avec un serviteur étant toujours présents (R. de Laigue).
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Chapelle Saint Conwoïon :
Chapelle Saint-Conwoïon, autrefois Chapelle Notre-Dame de la Serche. La grande et très importante chapellenie de la Serche, ou Cerche (en latin de circuitu, c'est-à-dire du tour du chœur), était, selon un ancien document, desservie à Saint-Sauveur « en une chapelle autour du grand autel, du côté de la sacristie, la deuxième dudit côté, le tableau de laquelle représente la Nativité de N. S. J.-C. et dans laquelle il y a un mausolée et plusieurs tombeaux qui sont ceux des anciens seigneurs qui ont aumôné et fait donation des fonds attachés à cette chapellenie ». A l'aide de cette description, il est aisé de retrouver la chapelle de la Serche. C'est celle actuelle de Saint-Conwoïon. Le mausolée est toujours là.
La chapellenie de la Serche fut fondée par Raoul d'Aspremont et Julienne Soual, son épouse, seigneur et dame de Renac, près de Redon, en 1364, ainsi qu'en fait foi l'acte suivant découvert par nous à la Bibliothèque Nationale. « Du mercredi avant la fête de St-Michel en Montgargant, 8 mai 1364, frère Jehan, humble abbé du Moustier St-Sauveur de Redon rapporte que nobles personnes Monsieur Raoul d'Aspremont, chevalier, et dame Julienne Soual, son épouse, le requièrent leurs sépultures être faites dans son église et, pour en être participants aux prières des Religieux du Couvent, fonder une chapellenie au lieu de leur sépulture d'une messe chaque jour pour eux, leurs parents et amis et particulièrement pour le repos de l'âme des parents de ladite Julienne dont elle est héresse, et deux anniversaires solennels ; et., pour ce, asseoir 35 livres de rente assise ès fiefs que tiennent dudit abbé les dits chevalier et dame en son terroir de Redon ; et, pour amortir !a rente et être quitte de rachat, donner 37 sols de rente à l'abbé. — Ce qui leur fut accordé par l'abbé et les religieux tenant chapitre ; et que lesdits chevalier et dame présenteraient le premier chapelain de ladite chapellenie qui serait un religieux frère cloitier dudit moustier, et, par après, à l'abbé et à ses successeurs. Et ledit abbé assigna aux dits chevalier et dame le lieu étant entre la chapelle de Toussaints, Notre-Dame de Pitié et St-Louis. Auquel lieu, dudit consentement, les dits chevalier et dame fondèrent ladite chapellenie. Témoins les sceaux de l'Abbaye et couvent et ceux des dits chevalier et dame, etc... ».
Mais il convient d'insister encore sur cette chapellenie qui figurait parmi les bénéfices les plus considérables de l'Abbaye. Son chapelain possédait un rôle féodal avec juridiction en Redon et Bains s'exerçant en l'auditoire de Redon avec sénéchal et autres officiers, droit de moyenne et basse justice, droit de dime et droit d'établir tous les ans un sergent baillagé de ses sujets pour recouvrer ses rentes et ce sergent étant exempt de fouage. En retour, ce chapelain était tenu de dire une messe par jour à l'autel le la Serche. Au XVIIème siècle, le temporel de la Serche pouvait rapporter 200 livres par an. Il était situé aux villages de Codilo, Beaurepaire, Lanruas, à la Barre et au Faubourg Notre-Dame.
Un mot pour finir. Il résulte de toutes ces explications que la chapelle de la Serche n'était pas celle du chevet de l'église, contrairement à ce qu'on peut lire dans l'Histoire de Redon, par Dom Jausions, et le Pouillé de l'Archevêché de Rennes, par l'abbé Guillotin de Corson. Quant au mausolée que l'on voit au fond de la chapelle de la Serche, monument très pur du XIVème ou du XVème siècle, il mérite d'être signalé. Placé sous une arcature surbaissée au-dessus de laquelle règne une espèce de balustrade gothique ornée de choux frisés et de fleurons très riches, tous ses écussons ont été soigneusement grattés, ainsi que les inscriptions s'il y en a jamais eu ; car on n'en voit aucune trace. Quoi qu'on en ait dit, cet enfeu ne fut jamais celui du duc François Ier, puisque ce prince est inhumé, au milieu du choeur de l'église.
Les dalles tumulaires de la chapelle n'existent plus. Elles n'auraient pu d'ailleurs nous renseigner. Mais, il y a soixante ans, Bizeul, écrivait ceci : « Devant le grand tombeau sont trois pierres tombales formant une partie du parvis de la chapelle. Celle qui est la plus rapprochée du tombeau a 8 pieds de long sur 3 pieds 9 pouces de largeur et est fort chargée d'ornements et entourée d'une inscription en lettres gothiques illisible en majeure partie. J'y ai lu : jour d'avril. On y remarque un écusson écartelé dont le 1 et le 4 portent un lambel et le 2 et le 3 des billettes 3, 2, 3, 2. Les deux pierres tombales qui sont placées à la suite de la précédente sont en granit et portent des écussons effacés » (R. de Laigue).
Chapelle Saint Joseph :
Chapelle de Saint-Joseph, autrefois Chapelle de Toussaints, de la Magdeleine et de Saint-Barthélemy. Ce dernier vocable lui venait de ce que, le 25 février 1707, l'évêque de Vannes autorisa les religieux à y dire les messes qui primitivement se disaient en la chapelle du Prieuré de Saint Barthélemy, à une demi-lieue de Redon, sur la route de La Gacilly. Chaque année, le lundi des Rogations, la procession de l'Abbaye et celle de la Paroisse réunies se rendaient ensemble au Prieuré en chantant les sept psaumes de la Pénitence ; on y célébrait la grand'messe et on revenait en chantant les Litanies des Saints. Mais, on vient de le voir, en 1707, le service des messes du Prieuré fut transféré à Saint-Sauveur (sauf les jours de St-Barthélemy et de St-Marc) « l'éloignement, et le peu de revenu de la chapellenie ne permettant pas de trouver un prêtre chargé de les dire ». En conséquence, on choisit la chapelle du tour du choeur, qui suivait celle de la Serche.
Le 25 septembre 1713 parut une nouvelle ordonnance de l'évêque, rendue sur la réclamation des seigneurs de Bocudon et de la Diacrais. Elle ordonnait contrairement à celle de 1707, de reprendre le service des messes en la chapelle du Prieuré. L'évêque autorisait Louis Tayart, seigneur de Bocudon et Pierre Primaignier, seigneur de la Diacrais, à jouir du revenu du Prieuré à condition par eux de faire faire le service de la chapelle par un prêtre de leur choix et de donner 30 livres par an à l'Abbaye.
Le 29 septembre 1773, l'évêque de Vannes rendit une troisième ordonnance ; elle contredisait la seconde, et faisait droit à une demande de M. Dumoustier l'aîné, seigneur de la Diacrais. En cette même année, 1773, le revenu du Prieuré de Saint-Barthélemy consistait en un tonneau de seigle, 20 livres de beurre, 6 livres en argent, 6 forts poulets, 12 journées de harnois et le droit de foire. Au total, 198 livres 6 sols. La foire de Saint Barthélemy qui se tenait près du Prieuré, le 14 septembre, jour de la fête de Sainte-Croix, avait été transférée à Redon avant 1573.
La chapelle Saint-Joseph, que nous sommes en train d'étudier, renferme le
tombeau de l'abbé Jean de Guipry, mort le 12 février 1307, qui construisit le
choeur et la tour gothiques de l'église. Ce tombeau n'était couvert que d'une
simple dalle placée à plate terre au milieu de la chapelle. On y voyait encore,
au début du XXème siècle, la figure d'un abbé en chasuble antique, coiffé de la
mitre, les mains jointes et portant la croix sous son bras gauche. Cette figure
était dessinée avec une remarquable pureté de trait, mais elle s'était effacée
sous les pieds des passants. L'inscription qui régnait autour du cadre du
portrait était en vers latins ; elle a été rapportée par Dom Morice, et
autrefois je l'ai lue encore assez bien. Voici, en quels termes elle était
conçue :
Mille datis annis centum ter et epta Joannis
Funere patroni plebe doluit
Rotoni
Simplex, pacificus, humilis, facundus, honestus
Justus, munifficus,
mitis, honorificus.
Autrefois les vitraux de la chapelle possédaient les armees de vair à un lambel de gueules. Ce sont celles des Guipry, ramage de Lohéac (R. de Laigue).
Chapelle Sainte Thérèse :
Chapelle Sainte-Thérèse de l'Enfant-Jésus, autrefois Chapelle de Tréal. La chapelle suivante était celle de la famille de Tréal qui y avait son enfeu. Les de Tréal, originaires du pays de Carentoir, se sont fondus en 1500 dans les Sévigné, et leur chapelle portait des vitraux anciens représentant des seigneurs et des dames de Tréal avec les armes de gueules au croissant burelé d'argent et d'azur. Là fut enterré l'abbé Jean de Tréal, élu en 1339, mort le 5 mars 1370 et qui présida aux destinées de l'Abbaye pendant le cours de la guerre de succession de Bretagne. Dès le commencement de son administration, il eut le chagrin de voir mourir le duc Jean III qui ne laissa point d'enfants. Le duché de Bretagne devint la proie de Charles de Blois et de Jean de Montfort qui se firent la guerre pendant plus de vingt ans. Jean de Tréal, comme tout le pays de Redon, prit le parti de Charles de Blois qui lui parut avoir le meilleur droit. Cette décision fut la source des maux qu'il eut à souffrir pendant cette guerre : toutes ses terres furent ravagées, lui-même fut fait prisonnier. Mis en liberté, grâce au paiement d'une somme considérable, il fit fortifier sa ville de Redon par des murs et des fossés et la tint jusqu'à la bataille d'Auray. Après cette journée, Jean de Montfort, vainqueur, se présenta devant les places qui avaient tenu le parti de Charles de Blois. L'Abbé Jean de Tréal n'attendit pas l'arrivée de Jean de Montfort. Il sortit à sa rencontre avec les principaux habitants de la ville, et ils conclurent ensemble un traité par lequel le duc s'engagea à maintenir les droits de l'Abbaye, consentit à l'élargissement des otages que l'Abbé avait donnés pour sa rançon et lui laissa la nomination du capitaine de la ville, droit dont les abbés ont joui jusqu'à l'établissement des commendes.
Après ce traité conclu en 1364, le duc entra victorieux à Redon. L'abbé se trouva l'année suivante à Guérande, où il signa le traité de paix entre le duc et les procureurs de la comtesse de Penthièvre.
Au milieu de la chapelle, une grande dalle tumulaire représentait un seigneur, le chevalier Guillaume de Tréal, frère de l'abbé, recouvert d'une armure à l'écusson des Tréal, avec, tout autour, une inscription en lettres gothiques nous apprenant que ce « chevalier bon, prouz et léal » mourut en 1341 (R. de Laigue).
Chapelle de Jeanne d'Arc :
Chapelle Sainte-Jeanne-d'Arc. Autrefois, Chapelle Saint-Laurent, ou de La Rouardais. Nous voici arrivés à la dernière chapelle du tour du choeur, celle qui contient dans sa crypte la sépulture de l'un des personnages les plus marquants de l'Histoire de Bretagne, Pierre de l'Hospital, seigneur de la Rouardais, en Bains, Président et Juge Universel de Bretagne sous le duc Jean V, mort le 14 septembre 1441. On voyait encore, au XVIIème siècle, sur ses vitraux, les armes primitives des l'Hospital d'argent à la bande de gueules cantonnée en chef d'une merlette de sable et leurs armes modernes de gueules au coq d'argent barbé, crété et membré d'or. Les pierres portaient les noms des seigneurs de la Rouardais. Le tout pour rappeler que le Président Pierre de l'Hospital avait fondé en cette chapelle une chapellenie avec obligation de quatre messes par semaine et deux anniversaires à y célébrer et qu'il y était enterré. Ajoutons que son portrait « en effigie et priant » figurait sur une des verrières.
Il était fils d'Eliot de l'Hospital, seigneur de la Rouardais en 1360, et qui ratifia le traité de Guérande le 14 juin 1381, à Redon, avec ses voisins Raoul Le Gac, seigneur de Lanruas (Buard) et Raoullin Pollo, seigneur de la Diacrais. Il naquit vers 1360 : il avait donc environ 40 ans en 1404, époque à laquelle il faisait partie du grand Conseil du Duc et occupait la charge de Procureur Général de Bretagne, en remplacement d'Eon de Kermelec. Son enfance et sa jeunesse sont restées dans l'obscurité, mais sa vie nous est connue, année par année, à partir du commencement du XVème siècle. Il semble avoir résigné de bonne heure sa charge et s'être attaché complètement au service de Jean V. Jusqu'en 1420, nous le trouvons constamment aux côtés de son prince qui le tenait en haute affection et en avait fait le compagnon de ses voyages. Et quels voyages ! Tantôt ici, tantôt là, le Duc ne tenait pas en place.
Successivement, Pierre le suivit en 1405 à Tinteniac, à Montmuran et à Rennes ; en 1406, à Vannes ; en 1407, à Rennes ; en 1408, à Moncontour ; en 1409, à Nantes ; en 1410, à Vannes ; en 1412, à Redon ; un 1417, à Angers ; en 1420, à Nantes, etc...
Entre temps, l'Hospital fut chargé de plusieurs missions importantes. Jean V, qui avait déjà récompensé ses services en lui accordant une pension de 260 livres, le désigna, à la mort d'Henri IV roi d'Angleterre, pour régler avec les Anglais les infractions aux trèves avec pouvoir de les renouveler. Cette mission le mit tout à fait en vue et personne ne fut surpris lorsqu'en 1419, la double charge de sénéchal de Rennes et de Broërec devenant vacante, le Duc le nomma à ces deux fonctions, et quand, en 1438, il atteignit le plus haut poste de la magistrature bretonne et reçut le titre de Juge Universel et de Président de Bretagne.
Le procès le plus célèbre qu'eut à juger Pierre de l'Hospital fut celui de Gilles de Retz, le 14 octobre 1440. Il y mit toute sa profonde habileté, sa science juridique et sa présence d'esprit. On a trop souvent parlé des crimes du fameux maréchal, connu du vulgaire sous le nom de Barbe Bleue, pour qu'il soit nécessaire d'en reparler dans une simple monographie dont les limites sont forcément très restreintes. On sait qu'il fut déféré à l'autorité ecclésiastique pour sortilèges, évocations de démons et sacrifice au Diable, et aux juges civils pour assassinats. En somme, Gilles de Retz, dévoyé et jeté tout jeune dans le vice, avait fini, pour ainsi dire, par perdre la raison. Il la retrouva seulement dans sa prison, au château de Nantes, en présence de Pierre de l'Hospital. Son procès commença le 14 octobre 1440. Huit jours après, le malheureux offrit de faire des aveux complets et désigna, pour les recevoir, l'évêque de Saint-Brieuc et Pierre de l'Hospital. L'évêque de Nantes, président, et le vice-inquisiteur, accédèrent à sa demande, et le 20 octobre, à deux heures de l'après-midi les deux personnages désignés par Gilles, ce malheureux ancien compagnon de Jeanne d'Arc, pénétrèrent dans la chambre du château de Nantes qui avait été transformée en prison.
L'exécution du maréchal Gilles de Retz eut lieu sur la rive gauche de la Loire, en face du château de Nantes. Pierre de l'Hospital se montra jusqu'à la fin plein de pitié pour le condamné qui lui en témoigna plusieurs fois sa reconnaissance. Aussi, la demande de revision du procès, où l'on essaya, quelques années plus tard de mettre en cause le Duc de Bretagne et son Président, n'avait-elle aucune chance d'aboutir et tomba-t-elle d'elles-même dans l'indifférence générale (R. de Laigue).
Chapelle Notre-Dame :
Chapelle de l'Immaculée Conception. Cette chapelle située à l'extrémité orientale du choeur de l'église, au fond de l'abside, sur le prolongement de l'axe de l'édifice, est celle qu'on appelait jadis Notre-Dame de Pitié. Ici nous devons à nos lecteurs une explication. A l'endroit où l'on voit maintenant les Cours Bertrand et Clemenceau (année 1938), une butte s'élevait, qui portait une chapelle dédiée à N.-D. de Pitié. Quand cette chapelle, fut tombée en ruines, il est probable que les Religieux en transportèrent le service dans leur église, comme ils l'avaient fait pour Saint-Etienne et qu'ils choisirent pour ce service précisément la chapelle dont nous nous occupons.
On remarque dans le mur Nord une arcade surbaissée en beau gothique flamboyant, style du XVème siècle. Elle recouvre le tombeau de l'abbé Raoul de Pontbriand, mort en 1423. On n'y voit aucune statue ou figure gravée, mais seulement l'inscription suivante : Cy gist frère Raoul de Ponbriand, humble abbé de Redon, qui décéda le XVIIIe jour de décembre, l'an mil IIII c. XXIII. Dieu luy pardoint. Amen.
La statue couchée de l'abbé devait primitivement reposer sous l'arcade de cette belle tombe ; elle a malheureusement disparu, ainsi que, les écussons de la maison de Pontbriand ornant le sarcophage et qui portaient, ainsi que les anciens vitraux de la chapelle, d'azur au pont de trois arches d'argent et les alliances de cette illustre maison fondue dans du Breil.
Raoul de Pontbriand fut nominé abbé de Redon, le 17 novembre 1395, succédant à Guillaume de Trebiquet. Il fit serment de fidélité au Duc, en 1396, et reçut une sauvegarde pour son Abbaye. En 1421 il obtint du duc que la fabrique des monnaies établie à Redon, rue des Monnaies, ne porterait aucun préjudice à son Monastère. Cet Hôtel des Monnaies disparut d'ailleurs sous le gouvernement de son successeur, l'abbé Guillaume Bodart qui obtint la sortie de tous les monnayeurs de Redon.
Sur la muraille de la chapelle, au fond de l'arcade qui recouvre le tombeau, figuraient les symboles des quatre Evangélistes sculptés dans des médaillons gothiques. Douze écussons l'ornaient dont les armoiries ont été soigneusement effacées : six décorent le devant du tombeau qui a un peu plus de deux pieds de haut ; les six autres sont placés au couronnement de l'arcade supérieure. Tous sont semblables de forme et surmontés de deux crosses, ce qui était un privilège des abbés de Redon.
Du côté opposé, auprès de l'autel, on voit une niche creusée dans le mur et servant de crédence ; une peinture ancienne la décorait, d'un ton grisâtre et dessinant des enroulements capricieux. Ce petit reste a pu donner une idée du genre de décoration employé autrefois dans ces chapelles. Mais il est regrettable que le nouveau carrelage de marbre ait fait disparaître, vers le milieu du XIXème siècle, les dernières traces de l'ancien pavé en terre cuite émaillée qui se voyaient alors dans cette chapelle et dont les fragments ont été jetés sur la rue. (R. de Laigue).
Chapelle du Sacré-Coeur :
Chapelle du Sacré-Coeur, autrefois, chapelle Notre-Dame du Puits. La décoration de son autel rappelle celle de l'autel du Rosaire.
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Chapelle Notre-Dame de Bonne-Nouvelle ou des Ducs. Elle a été désaffectée et elle sert aujourd'hui de sacristie. Construite vers le milieu du XVème siècle, et dédiée à Notre-Dame par l'abbé Yves Le Sénéchal, dont elle porte les armes sur une clé de voûte en pendentif. Elle est éclairée par quatre grandes baies ogivales à meneaux flamboyants. L'une d'elles, la plus occidentale, porte — comme la fenêtre du transept nord de l'église de Béganne — sur l'intrados de l'arc intérieur, une guirlande de vigne fort bien fouillée ; comme les deux autres baies du même côté, elle s'encadre, on l'a vu, à l'extérieur, dans une grande arcade ogive, destinée, ainsi que le cordon de machicoulis qui relie cette partie de l'église au mur de rempart de l'abbé Jean de Tréal, à compléter le système de défense de la ville.
C'est dans cette chapelle qu'est inhumé l'abbé Yves Le Sénéchal, qui mourut en 1467. Sur la vitre principale, il était représenté agenouillé aux pieds du Pape et portant une chappe armoriée.
Il y a lieu de remarquer que la chapelle des Ducs n'était pas séparée, comme elle l'est maintenant, de l'église par un mur. Elle constituait alors un second bas-côté.
Chapelle Saint-Roch, actuellement Petite Sacristie. Voici un sujet complètement ignoré des Redonnais. il s'agit de la Petite Sacristie, actuelle, laquelle n'est autre que l'ancienne chapelle Saint-Roch qui communiquait avec le transept de l'église par une vaste baie en plein cintre, pratiquée dans le mur septentrional de ce transept et dont on voit encore parfaitement le contour au-dessous du grand tableau représentant la donation de Redon à Saint Conwoïon par le tiern de Lesfau Ratuili.
Nous avons dit plus haut que jadis, entre l'église Saint-Sauveur et les murs d'enceinte de la ville, à peu près à la place de la petite cour fermée servant aujourd'hui aux services de la sacristie, se trouvait le Logis de Saint-Roch, autrement dit l' « Enfermerie », avec petite salle en bas et chambre au-dessus, destiné aux religieux malades. Tout naturellement, le vocable de Saint-Roch fut donné à la chapelle voisine, dont nous parlons, chapelle construite ou embellie au XVIème siècle, par l'abbé Dom Scotti, celui-là même qui rendit au Roi de France Henri III, le célèbres aveu de 1580, et vint, contre l'habitude des abbés commendataires, résider au pays de Redon (sa résidence préférée étant le manoir de Brain).
Le seigneur comte Paul Hector Scotti, dit un mémoire du temps resté inédit et que nous avons eu la bonne fortune de trouver aux Archives d'Ille-et-Vilaine, fut pourveu de l'Abbaye de Sainct-Sauveur de Redon en Bretaigne dépendant immédiatement du Sainct-Siège, par la résignation de Monseigneur l'Eminentissime Cardinal Salviati du titre de Sainct Prise, son oncle, et en obtint les bulles le dixiesme décembre 1566, soubz le règne du Roy très chestien Charles neufiesmes du nom. L'acte d'investiture et mise de possession ne se trouve point dans les archives de ladite abbaye. En laquelle, toutes fois, ledict seigneur comte demeura vingt ans entiers jusques à son déceds qui arriva le 26 janvier 1596. Il est enterré dans la chapelle Saint-Roch, qui est une des plus belles de l'église de ladicte abbaye, et qu'il avait choisie pour sa sépulture. Et avoit faict tracer un crayon de peinture pour embellir ladicte chapelle dans laquelle paroissent encore les armes de sa maison et de ses alliez dans la voutte. On avoit commencé d'entailler dans la muraille de ladicte chapelle une arcade pour eslever son tombeau, mais cela n'a point esté parachevé non plus que la décoration de ladite chapelle au milieu de laquelle son corps lut inhumé. Ledict seigneur fonda un anniversaire qui célébre tous les ans, au jour de son déceds, avec l'office des morts, la messe solennelle et, à la fin d'icelle, la procession sur la fosse où on faict les prières ordinaires de l'Eglise. Et donna, pour cet effet, la somme de 600 livres, l'intérêt de laquelle fut assigné sur certains héritages. Il estoit beaucoup aimé et estimé de tous ceux de Bretaigne pour son mérite et singulière vertu. Deffendit et conserva les droicts et privilèges de l'Abbaye qui furent lors contestez par Monsieur le Procureur Général du Roy, en la Chambre des Comptes. Et fut maintenu en la possession d'iceux par un arrest confirmatif d'un aveu rendu au Roy en l'an 1581, qui contient 200 feuilles de velin.
L'enfeu de Dom Scotti est fort bien conservé ; il fait saillie, on l'a vu, dans la petite cour de la sacristie, et a intrigué bien des chercheurs et des architectes. Quant à l'arcade inachevée dont parle le mémoire, on peut toujours la voir dans le mur, à l'intérieur de la petite sacristie. Le plancher recouvre la fosse du célèbre Abbé. On l'a fouillée récemment et on n'y a rien trouvé (R. de Laigue).
Autel du Saint-Sacrement (Maître-autel) :
Le Cardinal de Richelieu fut abbé de Redon de 1622 à 1642. On lui attribue le maître-autel de l'église, le grand retable Renaissance du choeur [Note : oeuvre de Tugal Caris (maître de l'école lavalloise), en 1634-1636, 18 mètres de haut sur 13 de large. Le prix affiché est de 6.600 livres (sans tableaux ni statues)] et les petits autels des chapelles du Rosaire et du Sacré-Coeur. Le fait est-il exact ? Nous ne le croyons pas. En effet, il existe aux archives d'Ille-et-Vilaine, une requête adressée au Cardinal par les Religieux, le 6 octobre 1640, par laquelle ils lui déclarent que depuis quinze ans, ils ont réparé leur église qui s'en allait ruinée, qu'ils ont fait rebâtir les autels démolis, entre autres le grand autel, avec une splendeur et majesté répondante en quelque façon à la dignité du lieu ; qu'ils ont construit dernièrement un autel dédié à la Sainte Vïerge, conformément au voeu de Sa Majesté Louis XIII, avec portraits, appension et armes de Richelieu ; ont acheté plusieurs ornements, etc... Ils concluaient en priant leur Abbé, Richelieu, de désigner quelqu'un pour visiter les lieux réguliers et de rebâtir les bâtiments qui étaient en ruine. Le cardinal désigna pour faire cette visite, le sénéchal de Redon, Jean Mahé, seigneur du Landa, et passa avec ses religieux, le 18 mai 1641, un concordat réglant la question des réparations à opérer aux bâtiments de l'Abbaye. La mort le surprit alors que les travaux n'étaient pas encore terminés, et il s'en suivit une longue procédure entre les Bénédictins et dame Marie de Vignerot, duchesse d'Aiguillon, agissant au nom d'Armand-Jean du Plessis, duc de Richelieu, légataire universel du ministre.
Il paraît donc prouvé que les Religieux de Redon élevèrent seuls et à leurs frais les autels et les retables du XVIIème siècle qui décorent actuellement l'église Saint-Sauveur. Le fait semble d'autant plus certain qu'en 1634 Dom Noël de la Regneraye, ancien prieur de l'Abbaye, fondateur du Couvent des Dames Calvairiennes de Redon, fit don à son abbaye de 1.200 livres pour aider ses frères à faire un contretable au grand autel de Saint-Sauveur, et à l'augmentation de l'Abbaye. On pourra s'assurer incidemment que le grand retable de l'église de Redon et celui des Calvairiennes sont de la même époque, de la même main et le résultat des mêmes libéralités.
Le maître-autel de l'église Saint-Sauveur et l'immense rétable qui l'écrase ne sont donc pas, nous tenons à le répéter, l'œuvre du Cardinal de Richelieu, abbé de Redon. Les religieux de Saint-Sauveur les élevèrent eux-mêmes avec l'aide de Dom Noël de la Regneraye. Malgré son ordonnance majestueuse et l'ampleur de ses formes, le rétable de l'église de Redon est parfaitement déplacé dans l'abside gothique de cette église. Nous savons, dit Dom Jausions dans son Histoire de Redon, qu'il a été question plusieurs fois d'enlever cette masse gigantesque, cet édifice construit à l'intérieur de l'Abbatiale pour le remplacer par un autel de proportions raisonnables qui laisserait voir le rond-point du choeur dans son entier et permettrait de rouvrir toutes les arcades obstruées par une masse de moellons. Cette restauration qui s'est faite avec avantage dans beaucoup de grandes églises, s'accomplira peut-être un jour à Redon.
Les armoiries de l'Abbaye, d'azur à deux crosses d'or, s'élèvent au sommet. Quant aux trois grandes statues allégoriques que l'on voit au-dessous, leur style est assez mauvais, mais l'exécution est très passable. La statue du milieu soutenait de sa main droite un encensoir au-dessus du Saint-Sacrement.
La statue qui domine le tout est celle de la Sainte-Vierge. Celles des côtés du rétable sont celles du vieillard Siméon et de la prophétesse Anne, cette dernière portant dans ses mains le nid d'oiseaux de l'offrande ou peut-être celles de Saint-Joachim et de Sainte-Anne.
Le magnifique Crucifix [Note : qui ne s'y trouve plus, remplacé par une peinture représentant la Visitation en 2000 (inauguration le 20 juin 2000)], qui occupe encore le milieu du rétable à la fin du XXème siècle, est l'oeuvre d'un Breton, M. Julien Dubois, artiste-sculpteur, né à Rennes et auteur de beaucoup d'autres oeuvres remarquées, entre autres un Christ semblable qui se trouve à Paris dans l'église Saint-Merri, une notable partie de la frise de l'Arc de Triomphe de Paris, le Joueur d'Onchets sujet en marbre au musée de Rennes, etc. Il était le frère de M. Dubois, libraire à Redon.
Malheureusement les vitraux peints du choeur qui adoucissaient le jour et lui donnaient une teinte mystérieuse et sombre ont disparu. Les derniers moines remplacèrent par des vitres blanches les verrières historiées qui faisaient l'admiration de tous.
Ceux des touristes qui ont le culte des choses du passé, seront sans doute contents de savoir comment se présentait le maître autel de l'église Saint-Sauveur avant la Révolution. Voici d'abord une légende racontée en 1633 par le Marquis de Molac, gouverneur de Nantes. « Le grand et principal autel de l'église, rapporte-t-il, est enrichi d'une figure de Crucifix, laquelle est d'argent et d'une excessive grandeur et attachée à une croix aussi couverte d'argent. Elle est accompagnée de dieux images de la Vierge et de Saint-Jean aussi d'argent, lesquelles on trouve bien avoir été données à l'église ; mais pour le Crucifix, on ne le trouve pas ; et tient-on par une ancienne tradition qu'elle aborda par un bateau couvert au havre de Redon sans aucune conduite d'honneur. Le bateau a été conservé longtemps dans l'église, mais enfin la dévotion du peuple l'a emporté pièce par pièce ».
Plus tard, le 14 mars 1670, deux notaires royaux de Redon, Julien Menand et Julien Janvresse dressaient un procès-verbal et constataient que « devant le grand autel, du côté de l'Evangile il y a en lieu éminent élevé deux figures de bosse à genoux et priant, l'une desquelles on tient par tradition être la figure du Roi de France Louis XI qui fit voyage à Saint-Sauveur-de-Redon l'an 1464, et l'autre de François, duc de Bretagne qui reçut avec magnificence dans sa ville de Redon, ledit roi Louis XI, comme il est rapporté dans l'Histoire de Bretagne. Plus deux grands et anciens tableaux (reproduits dans l'Histoire de Bretagne par Dom Morice), au devant dudit grand autel, l'un du côté de l'Epitre représentant un duc de Bretagne au bas duquel est écrit : " A Allain Fergent, duc de Bretagne, fut couronné à Rennes en l'an 1084, au mois d'avril, et mourut en l'an 1119 au monastère de Redon où il s'était retiré pour vaquer à l'oraison, abandonnant le royaume terrien et temporel pour le céleste et éternel, et fut ensépulturé audit monastère en grande pompe et solennité et combien qu'en son vivant il l'eût fuie, car en ce lieu s'assemblèrent B. archevêque de Dol, M. évêque de Rennes, B. évêque de Nantes, J. évêque de Vannes, M. évêque de Léon et autres évêques, abbés et prélats de la région, et des séculiers, le comte Conan son fils, Ollivier, prince de Dinan, Hervé comte de Léon, Robert et André de Vitré, Rolland de Razé, Juquel de Malestroit et moult d'autres barons et seigneurs ". L'autre tableau, du côté de l'Evangile, représentant la duchesse de Bretagne Hermengarde, au bas duquel est écrit : " Hermengarde d'Anjou, épouse d'Allain Fergent, princesse d'une rare humilité, piété et dévotion, ensépulturée pareillement céans, à laquelle le bienheureux saint Bernard a écrit plusieurs épîtres ainsi qu'il est plus au long rapporté dans l'Histoire de la Bretagne " ».
« Les vitres et les pierres de l'église, ajoute le Marquis de Molac, portent les marques de plusieurs bienfaiteurs de l'Abbaye, entre autres Jean Ier et Jean II ducs de Bretagne peints en priant en une haute vitre du choeur ; au-desscus desquelles il y en a d'autres, deux desquelles sont les peintures et armes des seigneurs et dames de Malestroit, une de ceux de Rieux et une autre de ceux de Rochefort. En une autre verrière, les seigneurs de Méjusseaume, de la Gaudinaye portant en surnom de Coetlogon, ont les mêmes marques et leurs armes " de gueules à trois écussons d'hermines, au lionceau d'or, écartelé d'azur au lion d'argent chappé de gueules " qui est de Méjusseaume en surnom Hattes ; et deux abbés l'un de Saint-Méen portant les armes de Coetlogon, l'autre de Paimpont et un de Redon nommé Macé Le Bar et portant armes " de gueules à trois besants d'hermines ". Sur le grand autel est un tabernacle doré des plus beaux et des plus grands qu'il y ait en France ». (R. de Laigue).
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La toiture de la nef romane.
En sortant, prendre le passage Saint-Benoît, entre la Mairie (1908) et l'abbatiale. Remarquer la toiture de la nef, en forme de carène de navire renversée, rappelant que Redon est un port de mer, la charpente du toit est l'oeuvre de charpentiers de marine.
Le clocher roman est majestueux !
C'est le plus beau monument roman du XIIème siècle breton.
Construit sur les ordres du duc breton Alain Fergent, il se caractérise par ses trois niveaux, ses grandes ouvertures, ses jeux de pierres de couleur.
Le clocher gothique.
Le clocher gothique est aujourd'hui séparé du reste de l'église. Au XIVème siècle, l'édifice présente en façade une tour-clocher romaine. Un projet ambitieux prévoit une façade gothique de 40 mètres encadrées de deux grandes tours. Une seule sort de terre. La guerre de Succession ravage la Bretagne et Redon n'échappe pas au conflit. Le projet est alors abandonné au profit des remparts.
Le 31 mai 1780, un incendie accidentel ravage une partie de l'église. Le feu se propage dans la nef et brûle toute la charpente. Lors de la reconstruction, cinq travées sont supprimées, isolant ainsi le clocher gothique.
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Pour plus de détails :
Voir aussi "L'abbaye Saint-Sauveur de Redon : fondation, bâtiments, reconstruction et galerie souterraine"
Voir aussi "Les biens de l'abbaye Saint-Sauveur de Redon durant la période féodale"
Voir aussi "Les revenus de l'abbaye Saint-Sauveur de Redon durant la période féodale"
Voir aussi "La juridiction de l'abbaye Saint-Sauveur de Redon durant la période féodale"
Voir aussi "Les privilèges de l'abbaye Saint-Sauveur de Redon durant la période féodale"
Voir aussi "Le transfert du service paroissial de Redon à l'église Saint-Sauveur durant la période révolutionnaire"
Voir aussi "Histoire de l'église abbatiale de Redon"
Voir aussi "L'abside de l'église abbatiale de Redon"
Voir aussi "Le transept et la tour romane de l'église abbatiale de Redon"
Voir aussi "La nef de l'église abbatiale de Redon"
Voir aussi "La tour gothique de l'église abbatiale de Redon"
Voir aussi "Le maître-autel de l'église abbatiale de Redon"
Voir aussi "Les chapelles de l'église abbatiale de Redon"
Voir aussi "Les autels de l'église abbatiale de Redon"
Voir aussi "Les chapellenies de l'église abbatiale de Redon"
Voir aussi "Les anciennes cérémonies dans l'église abbatiale de Redon"
Voir aussi "Le trésor de l'église abbatiale de Redon"
Voir aussi "Les reliques de l'église abbatiale de Redon"
Voir aussi "Les orgues de l'église abbatiale de Redon"
Nota : les photos réalisées par Roger Frey sont la propriété du site infobretagne.com.
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