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L'ANCIEN COLLÈGE D'ANCENIS

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Le collège d'Ancenis a pris naissance au milieu du XVIème siècle. Sa fondation est due à la bienveillante inspiration d'un prêtre, nommé Jean Davy, qui, le 19 janvier 1543, légua à la fabrique d'Ancenis une pièce de terre, sise au Perray et une maison entourée d'un jardin, sise à Ancenis, rue des Prêtres, en exprimant l'intention qu'elle servit « à loger le chapelain ou régent, prêtre ou non, qui tiendra les escolles au siège dudit Ancenis ». Le régent sera élu en assemblée paroissiale, sous la présidence des marguilliers, il sera homme de bien et instruit. Il célébrera, chaque samedi, une messe de Notre-Dame, pour le repos de l'âme du fondateur, dans la chapelle Saint-Barnabé, lieu de sa sépulture, avec le concours des écoliers qui chanteront, et tous les ans il conduira les enfants sur sa tombe, pour leur faire chanter le cantique Ave Maris Stella. Telles furent les conditions exprimées par l'abbé Davy dans son testament. Ces stipulations sont bien conformes aux moeurs du temps : on sacrifiait volontiers son bien aux oeuvres pieuses, mais on tenait beaucoup à la reconnaissance de la postérité (Mémoire de 1610 - Archives de la mairie).

Faut-il en conclure que la ville était dépourvue de tout enseignement avant cette fondation ? Nous n'y sommes pas autorisés. Il est possible que l'un des prêtres de la cure d'Ancenis, à l'exemple de beaucoup de ses confrères, se soit dévoué aux fonctions de maître d'école dans l'une des chapelles paroissiales ou dans une chambre louée. La charge d'instruire la jeunesse étant regardée alors comme un ministère sacré, il ne semblait pas inconvenant de l'exercer dans un édifice sacré. Jean Davy, en assurant un logement au maître des écoles d'Ancenis, nous indique seulement qu'il voulait relever sa dignité, stimuler son zèle et jeter les fondements d'une institution régulière et permanente.

Son exemple entraîna quelques imitateurs : en 1584, Isabeau Cotton légua 1.000 livres au prêtre régent en lui demandant une messe par semaine, le 5 juillet 1585, Jean Lebreton, recteur d'Ancenis, donna une somme égale aux mêmes conditions, et en 1586, Guillemine de Clermont en fit autant. Ces 3.000 livres, colloquées en rentes hypothécaires sur des maisons d'Ancenis, équivalaient à une dotation de 150 livres de rente pour le titulaire du collège ; c'en était assez pour le faire vivre au XVIème et au XVIIème siècle, en supposant qu'il ne reçut aucune autre rétribution des familles, ce qui n'est guère admissible [Note : Suivant une lettre de 1782, les régents auraient été autorisés à prélever 20 sous par mois sur chaque écolier. - Lettre du maire, série C, Archives départementales]. N'y a-t-il pas une induction très plausible à tirer de ces donations répétées dans une si courte période. L'empressement des bienfaiteurs semble attester que les siècles antérieurs n'avaient pas pourvu à l'entretien d'un maître, et qu'à Ancenis l'instruction des enfants dépendait de l'incertitude des entreprises particulières et du dévouement des vicaires de la paroisse.

Quels ont été les premiers régents qui ont dirigé l'école d'Ancenis, dans la seconde moitié du XVIème siècle ? Comment ont-ils rempli leurs fonctions ? L'absence des documents nous empêche de le dire, mais nous savons que les habitants ne cessèrent pas de s'intéresser au gouvernement du collège. Ils exercèrent sans trouble leurs prérogatives sur le personnel enseignant, ils firent acte de propriété sur la maison en construisant de nouveaux bâtiments à leurs frais et acquittèrent toutes les charges pendant 68 ans, sans rencontrer de difficulté.

« Il a plu à Dieu de tout temps, dit une requête à la baronne d'Ancenis, maintenir les habitants en concorde et union, sous l'authorité de deffunct monseigneur et la vôtre et auparavant, sans que jamais il y ait eu aucun discord ny division entre eulx... Ils ont fait bastir et construire ledit collège à leurs propres frais et despens et icelluy entretenu et payé les rentes depuis le don et fondation qu'en a fait à votre fabrique d'Ancenis et à eux, 68 ans sont et plus, deffunct Jean Davy, prêtre » (Requête de 1607 - Archives municipales, collège).

Cette heureuse paix fut troublée, en 1603, par l'esprit dominateur des officiers qui gouvernaient alors la baronnie d'Ancenis, notamment par le prévôt et le procureur fiscal. Leur autorité jalouse ne voulait pas que rien se fit en dehors de leur influence et de leur protection. Il ne leur suffisait pas que le candidat choisi par les habitants fût soumis à l'agrément du baron et de l'évêque ; il fallait que les écoles d'Ancenis fussent sous leur patronage exclusif, comme dans la plupart des seigneuries. Ils jugeaient, sans doute, que la nomination des régents était une prérogative souveraine que le fondateur Davy n'avait pas pu attribuer à la fabrique. Une occasion s'étant offerte, en 1603, de faire valoir leurs prétentions, ils la saisirent avec empressement. Le sieur Michel Yves, prêtre, qui habitait l'école en 1603, n'ayant pas le don de leur plaire, fut condamné par une sentence du prévôt d'Ancenis (1604) à abandonner la place de régent, et à renoncer à la nomination qu'il tenait des habitants, malgré les droits de la baronne et de l'évêque, dit l'acte. Son remplaçant, le sieur Godeau, qui avait été élu comme lui, ne leur fut pas plus agréable. Après l'avoir desservi à l'Evêché, ils présentèrent un autre régent, nommé Mocquet, qui fut approuvé en 1607, à la condition qu'il aurait un adjoint.

Au moment d'installer ce dernier, une opposition énergique se manifesta dans la ville. Le régent et son sous-maître, condamnés à déguerpir l'établissement, répondirent aux injonctions par un refus, disant que leur office dépendait uniquement de la volonté des habitants, et en appelèrent au Présidial de la sentence rendue par le siège d'Ancenis.

Sans tenir compte de cet appel, le procureur fiscal invita les récalcitrants à vider la place et n'obtint aucune soumission. Le baron d'Ancenis, averti de leur rébellion, ordonna de mettre leurs meubles dehors. Muni de cette autorisation, le procureur fiscal, accompagné de deux sergents, se rendit au collège et trouva la porte fermée. Après avoir inutilement sommé le sieur Godeau d'ouvrir son logement, en l'appelant de la rue par son nom, ils entrèrent dans la classe, située au rez-de-chaussée, et entendirent des bruits de pas au premier étage. Ils renouvellent alors leurs appels sans plus de succès. Godeau, qui était sorti, rentre sur ces entrefaites et répond aux assaillants qu'il a interjeté appel. Les sommations recommencent et se heurtent aux mêmes refus. C'est alors qu'on va requérir un serrurier pour forcer la serrure. Godeau, sans se déconcerter, rit de celle tentative, il plaisante en disant que le siège ne durerait pas moins que celui de la Rochelle, qu'autant vaudrait parler à des Suisses, car la porte est barricadée en dedans avec des coffres et des bancs.

Devant cette résistance opiniâtre, le procureur fiscal prend une résolution extrême : il fait enlever un panneau de la porte et constate qu'elle est appuyée par une traverse et un marchepied. Les sergents pénètrent par la brèche, enlèvent les obstacles, fraient un chemin aux officiers et se trouvent devant une nouvelle porte fermée. Cette serrure est forcée comme la première et on aperçoit le sieur Lelay, sous-maître, abrité par une seconde barricade. Celui-ci se voyant menacé dans ses derniers retranchements, se rendit et sortit avec René Viau, écolier, qui était enfermé avec lui.

L'interrogatoire du procureur fiscal ne l'intimida point. Quand il lui demanda pourquoi il était en état de rébellion, il répondit qu'il ne le reconnaissait pas pour juge, qu'il ignorait par qui les barricades avaient été construites, et qu'il était inutile de faire une déposition devant un simple particulier. Deux habitants de la ville, René Guibourg et Gauvain, se présentèrent au même moment pour protester contre l'expulsion dont les régents étaient victimes, et le firent inscrire au procès-verbal.

L'inventaire des meubles ayant été rédigé, Godeau et Lelay enlevèrent ce qui leur appartenait, et les trois clefs des chambres furent remises à Guillaume Mocquet qui s'installa de suite (Procès-verbal du 5 octobre).

La lutte, qu'on croyait finie, recommença sous une autre forme. L'assemblée paroissiale était composée de notables qui n'étaient pas disposés à abdiquer leurs droits. Deux jours après l'épopée que nous venons de raconter, c'est-à-dire le premier dimanche qui suivit l'expulsion, Gauvain et Guibourg remirent un mémoire au curé de la paroisse, à la fin du prône, en le priant d’en donner lecture. Celui-ci ne voulant pas se mêler au conflit, Dom Pierre Rince, religieux cordelier, prit en main la protestation et il l'aurait publiée, si les fidèles n'étaient partis en procession vers le couvent de Saint-François. A la sortie de l'église paroissiale et à l'entrée du couvent, les officiers aperçurent affichés sur le mur des libelles diffamatoires contre le régent établi. Après l'offertoire de la messe qui fut célébrée aux Cordeliers, Dom Pierre Rince lut un avis invitant les habitants à s'assembler dans l'une des salles du couvent pour l'élection d'un régent. L'appel fut entendu. Des groupes entrèrent en pourparlers sous les cloîtres, après la messe, et se réunirent ensuite dans une chapelle, afin de s'entendre définitivement sur le parti à prendre. Le prévôt et le procureur fiscal, qui observent toutes ces manoeuvres, représentent que la réunion est illicite : d'abord, parce qu'elle n'est pas autorisée par la dame d'Ancenis, ensuite, parce qu'on a négligé de les convoquer. A leurs protestations, l'un des assistants répond qu'ils sont assemblés en vue d'élire un procureur syndic, et que leur intention est de défendre les privilèges de la ville, et aussitôt ils désignent un procureur syndic et un greffier (Archives de la mairie, collège).

Les factieux avaient attiré aux Cordeliers 300 ou 400 artisans dont les voix grossissaient le tumulte ; les propos devenaient menaçants, les têtes s'échauffaient et le rassemblement allait dégénérer en sédition, quand les officiers s'éloignèrent. Dans l'après-midi, une assemblée se tint au presbytère, à propos de la nomination d'un délégué aux Etats de la province. Les séditieux, interrogés sur les faits de la matinée, répétèrent qu'ils n'entendaient pas se désister de leurs prétentions, qu'il leur appartenait de nommer les régents, et s'emportèrent jusqu'à dire qu'ils jetteraient par la fenêtre les meubles du titulaire installé.

Dans les rassemblements qui eurent lieu le lendemain, 8 octobre, le calme était si peu rétabli qu'on parlait de chasser le prévôt et le procureur fiscal de la baronnie et de gouverner avec le syndic. Des habitants furent envoyés au collège pour en prendre possession.

L'évêque informé de ces événements ne dissimula pas que sa volonté était de maintenir en charge le sieur Mocquet, néanmoins le parti de la rébellion tint encore une séance le dimanche 14, après convocation au son de la cloche, sans en avertir les officiers, et à la suite des résolutions arrêtées, on installa au collège Pierre Rince et un adjoint. Le procureur fiscal et le prévôt s'étaient trop avancés pour reculer, même devant cette opiniâtreté. Ils portèrent plainte d'abord au Présidial, puis au Parlement de Rennes, et obtinrent un décret de prise de corps contre les principaux meneurs.

Que faire contre cette rigueur ?. Invoquer l'intervention de la baronne fut le parti auquel on s'arrêta. Les opposants changeant de ton rédigèrent une humble supplique, dans laquelle ils rappelèrent leur fidélité à maintenir la fondation Davy, les causes de l'irritation générale, la déposition des régents, le mépris des officiers pour les droits des habitants, conclurent en demandant que le conflit fût déféré au conseil de  Mme la Baronne (Requête à la dame d'Ancenis, 1607). Obligés de fournir une réplique et de justifier leur conduite, les officiers soutinrent que les barons d'Ancenis jouissaient depuis 80 ans du droit d'établir et de destituer les maîtres du collège ; ils citèrent comme preuve les lettres par lesquelles Mme Suzanne de Bourbon avait établi Dom Jacques Didier et destitué Jean Rouauld. Leur mémoire ne dit pas un mot de l'origine du collège : ils ne nient pas que les habitants soient les protecteurs de cette institution et qu'ils soient les gardiens des volontés de Jean Davy ; ils n'essaient même pas de justifier les privilèges qu'ils revendiquent en rappelant des bienfaits ou des services rendus ; ils se contentent d'affirmer que les écoles sont sous le patronage du seigneur d'Ancenis. Adoptant cette doctrine, Mme la Baronne approuva les actes de ses officiers et fit rétablir le sieur Mocquet dans sa charge dès 1608.

Celui-ci conserva ses fonctions six ans et les résigna en 1614, en présentant pour lui succéder Macé Pétrau, ancien élève des Jésuites, qui avait fait toutes ses études littéraires, philosophiques et théologiques, et qui pouvait de suite se faire assister de deux régents. Sa recommandation s'adresse tout à la fois aux officiers de la baronnie et aux principaux habitants, on peut donc en conclure que le conflit de 1607 s'était terminé par une transaction favorable aux manifestants. La réception de Macé Pétrau eut lieu en présence du recteur, du capitaine gouverneur d'Ancenis, du sénéchal et du procureur fiscal (Archives de la ville, collège).

En 1680, le collège vivait dans les mêmes conditions.

Le baron atteste son existence dans la déclaration qu'il déposa devant les commissaires du Papier Terrier : « En ladite ville, il y a, dit-il, un collège dont le seigneur est fondateur et a droit de nommer une ou plusieurs personnes capables pour instruire la jeunesse, appelant à ladite élection quelques notables de ladite ville » (Papier Terrier de la réformation, vol. XVI, f° 11).

Il est surprenant d'abord que le baron d'Ancenis n'ait pas cité, en cette occasion solennelle, le nom de l'abbé Davy, véritable fondateur du collège, mais on sent bientôt à la réflexion d'où vient l'omission. Les officiers de la baronnie ont voulu, en rédigeant l'acte, flatter l'orgueil de leur maître et laisser croire que l'initiative de toutes les institutions locales émanait de la générosité de ses ancêtres. J'ai en vain cherché un acte de donation qui pût justifier cette complaisance. Le collège possédait deux maisons dont la provenance est connue : la première était celle de Davy, la seconde, située rue d'Enfer, lui venait d'un échange conclu avec René Lebeau, auquel on avait cédé la terre du Perray (1686). Quelle pouvait donc être cette maison qui aurait été donnée au collège par un seigneur, à la charge de célébrer 100 messes par an et dont la mention se rencontre pour la première fois dans des lettres patentes de 1782 ? Je crains bien que cette citation tardive ne soit encore le résultat d'une méprise ou d'une basse condescendance, car elle n'est rappelée dans aucun document antérieur. Voici la tradition que recueillit le maire Erondelle : « La maison où il était établi dans le principe était un bénéfice chargé de 100 messes, occupé par un prêtre qui mourut dans la détresse. Le besoin qu'on avait d'un collège, fit qu'on proposa au seigneur de disposer de ce bénéfice aux charges d'en acquitter la fondation, de le faire réparer et d'y établir le collège, ce qu'il fit. Voila ce que les propos publics annoncent sur ce collège » (Mémoire du maire Erondelle de 1782 - Archives de la ville, série CC).

Dans les transformations qui s'opérèrent au XVIIIème siècle, il est incontestable que la généreuse intervention du duc de Charost, baron d'Ancenis, eut une influence décisive sur la prospérité du collège. Jusqu'en 1771, cet établissement n'était qu'une petite école de rudiments, capable de contenir tout au plus une trentaine de places, et dans laquelle les étudiants pouvaient à peine dépasser la classe de cinquième. Ceux qui désiraient atteindre la rhétorique étaient obligés de chercher ailleurs des professeurs. L'abbé Lexcuziat, principal d'alors, conçut le projet de donner à son institution toute l'importance qu'elle méritait, et sut réunir autour de lui les éléments nécessaires à la réalisation de ses voeux. Cet homme, d'un esprit supérieur et d'une grande habileté, avait aussi le don de la persévérance qui fait triompher des obstacles. C'est lui qui commença les Négociations avec le baron d'Ancenis, avec le clergé, avec les notables de la ville, qui rédigea les remontrances, qui recueillit les adhésions et suscita les dévouements. Les anciens élèves qu'il avait préparés à la carrière ecclésiastique et qui le voyaient vieillir, n'eurent pas de peine à comprendre sa pensée. Le clergé était aussi intéressé que les familles à la conservation et au développement de cette maison, il en avait besoin pour assurer le recrutement de ses clercs. Quatre prêtres vinrent offrir leur concours à M. Lexcuziat et tombèrent d'accord avec lui sur la nécessité d'appeler à eux d'autres professeurs, dès qu'ils auraient assez d'élèves pour établir une série de classes jusqu'à la philosophie. Leur union en société commença le jour de la Toussaint 1771.

Au point de vue matériel, le collège d'Ancenis avait bien des imperfections ; l'unique maison dont il disposait était un bâtiment exigu qui ne se prêtait guère aux arrangements que réclame un établissement d'instruction, la cour des récréations manquait d'étendue. Comme les ressources de la Société ne permettaient pas de construire un nouvel édifice, on se contenta de quelques appropriations urgentes. Les quatre chambres du bas servirent de locaux pour les classes, et des chambres du haut on fit des dortoirs, dans lesquels on plaça 29 lits pour coucher autant de pensionnaires. Chacune des quatre chambres était surveillée par un régent. Nulle salle commune pour les études et pour les exercices publics. Quand on voulait convoquer les parents à une séance de déclamation, il fallait les réunir en plein air. Le dimanche et les jours de fête, les enfants étaient conduits à la chapelle de l'hôpital, où l'on trouvait ordinairement plus de liberté que dans l'église paroissiale.

Le principal, qui n'avait de revenus fixes que 1.500 livres de rente, chargées de fondations pieuses, et une rente de 100 livres qu'il tenait de la générosité de M. de Charost-Béthune, baron d'Ancenis, aurait voulu augmenter les locaux destinés aux internes, afin de réaliser des bénéfices sur le prix des pensions. La maison voisine du collège étant devenue vacante, il s'empressa de la prendre à loyer ; mais cette extension était encore loin d'être en rapport avec le nombre des écoliers qui, de toutes parts, venaient chercher l'instruction à Ancenis. Dès le jour où le collège avait été en mesure de fournir un cours complet d'humanités, on avait remarqué à chaque rentrée une affluence croissante. Beaucoup de familles, qui auparavant conduisaient leurs enfants à l'Oratoire de Nantes, ou au collège déjà célèbre de Beaupréau, trouvaient plus facile de se rendre à Ancenis. Cette préférence fut pour les habitants de la ville une source de gain dont beaucoup surent profiter.

Tout d'abord, les maisons ouvertes aux étudiants furent peu nombreuses, mais quand il fut avéré qu'ils apportaient avec eux l'aisance et même qu'ils enrichissaient leurs hôtes, chacun voulut se faire maître de pension. « L'avidité pour ce genre de commerce, dit un mémoire, est si grande depuis que le collège est devenu nombreux, que tout le monde veut y avoir part. On voit même des artisans quitter leur métier pour ne s'occuper plus que de cet objet, chacun intrigue, va mendier des pensionnaires et cherche à débaucher ceux qu'on destinait au collège ».

Les uns se contentaient d'offrir le vivre et le couvert, les autres se présentaient comme maîtres ès-arts, et prétendaient enseigner au moins les rudiments ou se faire répétiteurs des leçons. Cette concurrence prit une telle extension que l'abbé Lexcuziat en conçut de l'inquiétude pour l'avenir de son établissement ; aussi dans le mémoire qu'il adressa au Conseil pour obtenir des lettres patentes de confirmation, il eut soin de demander un privilège contre ses rivaux. Sa requête propose d'interdire à qui que ce soit, même aux maîtres ès-arts ou aux répétiteurs, d'établir aucune pension dans la ville, ou dans la banlieue, sans le consentement de la société des régents du collège.

Les raisons qu'il invoquait étaient celles-ci : si les étrangers affluent à Ancenis, les habitants doivent reconnaître qu'ils en sont redevables à la réputation des régents. La prospérité de la ville est liée à celle du collège ; or, le principal a pris à loyer des chambres, qui seront pour lui une cause de perte, si elles ne sont pas occupées.

Il faut que le collège réalise de grands bénéfices sur les pensionnaires aisés, si l'on veut qu'il rende des services à toutes les classes de la Société. « On ne peut pas donner l'instruction gratuite, ce qui serait pourtant bien à désirer, si la chose était possible. Ce que paient les écoliers externes ne peut jamais faire un fonds considérable, ceux de la ville paient peu de chose, il y en a d'ailleurs un grand nombre des uns et des autres hors d'état de payer, et qui, en effet, ne paient rien. C'est donc essentiellement et presque uniquement sur la pension que porte le collège d'Ancenis ».

Quand les officiers municipaux furent invités à communiquer leurs observations sur les articles à insérer dans les lettres patentes, ils en adoptèrent en partie les considérations. Aucun maître ès-arts ne devait enseigner en ville sans la permission du principal, mais le jour où le collège aurait un contingent de 60 pensionnaires, il n'y aurait pas d'inconvénient à permettre aux habitants de tenir pension chez eux pour les enfants fréquentant les classes. Quant aux différends qui s'élèveraient entre les professeurs et les élèves, ils étaient d'avis que le jugement en fût déféré au maire. Le principal fit remarquer avec raison que si cette clause était adoptée, elle serait une cause de désordre ; la jeunesse, disait-on, affecte l'indépendance dès qu'elle a des chances d'être soutenue, elle menacera sans cesse les maîtres de l'intervention du maire ; il est préférable de recourir au principal et à l'évêque.

Il existe un mémoire, adressé au baron d'Ancenis, qui contient des détails instructifs sur le cadre des études et la méthode d'enseignement. Vers 1776, le latin était enseigné au collège d'Ancenis depuis ses rudiments jusqu'à la rhétorique inclusivement. Pour donner aux enfants une connaissance sérieuse des temps passés, on fournissait à ceux qui étaient en état de lire, d'abord les meilleures histoires, puis des livres de littérature et des recueils de poésies épurées. En seconde et en rhétorique, les étudiants assistaient le jeudi et le dimanche à un cours de géographie dont ils rendaient compte, à la fin de l'année, dans un exercice public auquel on invitait les habitants de la ville et ceux des environs.

Les externes, comme les pensionnaires, entraient en classe à 7 heures 1/2 du matin, et n'en sortaient qu'à 10 heures 1/2. Chaque régent restait ensuite avec ses écoliers pour surveiller la rédaction des devoirs, de sorte qu'en arrivant chez eux ils n'avaient que des leçons à apprendre, et il en était de même pour l'étude du soir, qui se terminait à 6 heures 1/2. Dans l'après-midi, les classes recommençaient à une heure. Une distribution solennelle des prix avait lieu chaque année, mais elle n'était pas suivie, comme aujourd'hui, de deux longs mois de vacances. Les aînés, seuls autorisés à prendre du repos, sortaient le 29 septembre et rentraient le 18 octobre ; pour les autres il n'y'avait pas d'interruption dans les leçons. Les petits, disait le règlement, ont besoin de travailler, ils n'ont pas de vacances.

Sous un régime d'assiduité aussi rigoureux, il n'est pas étonnant que le collège d'Ancenis ait formé des élèves sérieux, tels que Volney, originaire de Craon en Anjou [Note : Mémoire de l'an IX, carton instruction. (Série L, Archives départementales). Guimar, l'auteur des Annales nantaises, était aussi un élève du collège d'Ancenis]. Une heureuse rencontre m'a mis entre les mains la composition du meilleur élève de rhétorique de l'année 1773, M. Soret ; elle accuse une connaissance approfondie des auteurs latins : c'est la traduction en vers latins d'un poème intitulé : le Printemps, dont l'impression forme une plaquette in-12 de 23 pages. En voici un extrait :

Vos non ulla quibus pertentant gaudia mentem,

Nox hiberna velut squatens nigrantibus umbris,

Pectora ne tristes insano rumpite planctu :

Vitœ summa brevis ; tristes deponite curas.

Ambitiosus humi repens, ferus ultor, avarus

Pervigil, et cujus cruciat prœcordia livor,

Pœnas expendant ultro, gemituque dolorem

Testentur : vestrum est felicem ducere vitam,

Nec decet innocuos dolor, et virtutis amicos.

Vivite felices : vobis nam gaudia nata.

Ce spécimen, en supposant même qu'il ne soit pas l'oeuvre exclusive de l'élève, a pour nous son prix : il prouve au moins que la classe de rhétorique était dirigée par un professeur très lettré et capable de former le goût des jeunes gens. L'année précédente, les élèves s'étaient exercés sur un autre poème intitulé : Les Cerises renversées, et le premier avait eu les honneurs de l'impression. Pour exciter l'émulation, il avait été décidé que l'on publierait chaque année la meilleure composition.

Après avoir exposé sur quelles bases reposait l'organisation du collège, l'auteur du mémoire cité plus haut concluait en demandant qu'on assurât son avenir en augmentant sa dotation. Il proposait notamment d'annexer au collège quelques bénéfices ecclésiastiques, dont les messes seraient célébrées par les régents : la chapellenie de Sainte-Anne fondée, en 1643, par la veuve Challe, et celle de René Brevet. Les patrons ayant donné leur assentiment à cette union, le patrimoine du collège s'accrut, en 1774, de deux maisons avec jardins, sises rue des Prêtres, de deux boisselées de vigne et de deux rentes montant ensemble à 55 livres. Malgré l'adjonction de ces nouveaux logements, le principal ne touchait pas au terme de ses désirs ; son ambition était de laisser après lui un établissement plus spacieux et composé de bâtiments groupés plus commodément pour la surveillance. Dans le même moment, une occasion unique s'offrait à lui de réaliser ses rêves généreux : la communauté des Hospitalières, attachées au service de l'hôpital d'Ancenis, venait de se disperser, faute de ressources, et les logements qu'elle occupait étaient vacants. L'emplacement, situé au sommet du coteau d'Ancenis, entouré de jardins nombreux, lui semblait réunir la plupart des conditions qu'il recherchait, mais il ne vécut pas assez longtemps pour en devenir l'acquéreur. Il ne mourut pas cependant, sans avoir parlé de ses projets à ses amis et sans avoir préparé les moyens d'exécution. Si le collège actuel d'Ancenis est sorti de cette petite ruelle, nommée la rue des Prêtres, et se trouve aujourd'hui dans une des meilleures situations de la ville, c'est à M. l'abbé Lexcuziat qu'il faut faire remonter la première pensée de la translation (Mémoire de 1790 - Archives de la mairie). C'est lui qui, par ses dispositions testamentaires, a donné l'exemple de la générosité et créé des ressources. En donnant 5.000 livres à l'hôpital, propriétaire de l'immeuble convoité, il fit bien entendre que cette somme était une avance sur le contrat d'acquisition dont il souhaitait la conclusion et, de plus, il remit à M. Thoinnet, négociant, une pareille somme de 5.000 livres, pour qu'il passât l'acte. Le collège n'ayant pas d'existence légale , il n'était pas possible d'agir autrement que par un fidéi-commis. Le 25 mars 1780, M. Thoinnet devint acquéreur de la maison des Hospitalières à la condition de payer 3.600 livres, de servir une rente foncière de 247 livres et de faire acquitter dans la chapelle de l'hôpital les fondations suivantes : une messe par dimanche, cinq messes par semaine et une messe le lendemain des quatre fêtes annuelles.

Le duc de Charost, qui avait toujours eu la pensée de coopérer à cette oeuvre, était demeuré d'abord hésitant en face des conditions onéreuses qu'exigeait l'hôpital (Délibérations de l'hôpital, f° 138-139). Certaines considérations mises en avant par les adversaires du déplacement lui semblaient mériter un examen attentif : on disait que les maisons de la rue des Prêtres étaient appropriées à leur destination, tandis que la communauté avait besoin de grandes réparations et que le voisinage de l'hôpital offrait des dangers pour la santé des enfants. Tout bien pesé, le duc de Charost reconnut qu'aucun changement n'était plus acceptable, et ne voulant pas qu'un établissement aussi utile qu'un collège fût transformé sans sa participation, il se décida à en assumer les principales charges. Le 10 avril 1780, en vertu du pouvoir que lui conférait le privilège du retrait féodal, il se fit adjuger la maison des Hospitalières. En témoignage de ses intentions bienveillantes, il annonça de suite qu'il allait reprendre les négociations entamées par M. Lexcuziat, en vue d'obtenir des lettres patentes du roi Louis XVI. La rédaction des articles entraîna une assez longue correspondance avec l'Intendance et le Ministère, car il s'agissait de mettre d'accord les prétentions rivales du baron et du maire. L'un et l'autre voulaient avoir la haute main sur la direction du collège. Il nous reste une lettre qui nous retrace parfaitement l'antagonisme du château et de la mairie, dans cette circonstance. Si la communauté d'Ancenis était humiliée au point d'être privée de sa prérogative, disait le maire Erondelle, il serait douteux qu'on pût trouver un maire. Dans toutes les parties du royaume, les maisons de ville sont à la tête de toutes les administrations publiques.

« Je m'aperçois que ce sont les officiers du seigneur qui sont les auteurs du mémoire et qui l'ont disposé de manière à acquérir la prépondérance, dans cette administration, la plus éclatante et la plus essentielle. Ils ont été de tous temps les rivaux de la maison de ville, et le dessous qu'ils ont eu par trois arrêts du Conseil des 1er septembre 1703, 9 avril 1748 et 22 janvier 1774, se confirmant les uns les autres, les réduit à chercher des prétextes pour ôter au maire la connaissance de leurs démarches » (Lettre du maire Erondelle - Archives municipales, C).

Malgré ses efforts, le maire n'obtint qu'une place dans le bureau d'administration ; le droit de nomination et de destitution fut attribué aux barons. Le préambule des lettres octroyées, sans viser aucun titre positif, mentionne les vieilles prétentions des barons à la fondation du collège et relate que le duc de Charost, alors seigneur d'Ancenis, promettait une rente perpétuelle de 200 livres, afin de subvenir aux frais des distributions de prix.

Ce bienfait n'était pas le dernier qu'on devait attendre de lui. Comme la vente de l'ancien immeuble ne suffisait pas à couvrir les dépenses qu'exigeait l'appropriation des bâtiments nouveaux [Note : La vente est du 12 décembre 1783 - Archives de la mairie], il donna une somme de 4.000 livres qui, réunie à quelques charités et à une autre somme de 3.000, offerte par l'Evêque du diocèse, permit d'entreprendre les réparations nécessaires et même de doubler l'étendue des locaux. Il est à présumer que les travaux furent promptement exécutés et que les classes nouvelles purent être ouvertes dès l'année 1784. Le jour de l'inauguration nous est inconnu, mais on sait parfaitement qu'en 1787 les régents se vantaient de leur installation commode et spacieuse. Une seule chose les inquiétait pour l'avenir : c'était la modicité des revenus fixes comparée aux nombreuses charges de la maison. Le service des messes transmises par les Hospitalières, et instituées par les barons, les mettait en grand embarras. On eut recours à l'expédient qui avait réussi en 1774 : une nouvelle annexion de bénéfices fut sollicitée. L'Evêque, avec le consentement du duc de Charost, réunit au collège le temporel de la chapellenie Sainte-Catherine du château d'Ancenis, qui valait 2.275 livres de revenus. Cette dotation entraînait encore un service de cinq messes par semaine ; cependant elle était avantageuse. Le décret épiscopal est du 31 octobre 1787, et les lettres patentes confirmatives du mois de décembre suivant.

L'établissement étant ainsi pourvu de toutes les consécrations et de tous les encouragements, paraissait avoir devant lui un long avenir de prospérité. Après l'abbé Lexcuziat, la direction fut confiée à des hommes formés aux meilleures écoles. Son successeur immédiat, Barthelemy Jolly se vit en butte aux tracasseries et aux soupçons, en sa qualité d'ancien élève des Jésuites. Il fut obligé de se justifier près du procureur général du Parlement de Rennes ; il démontra qu'il n'avait pas été profès dans l'ordre de Saint-Ignace, et que sa démission était antérieure au 27 mai 1763. Ce fait, mal interprété, a donné naissance a une légende ; on a dit à Ancenis que les Jésuites avaient dirigé le collège et l'erreur s'est glissée jusque dans les notices imprimées (Voir Guéraud, oeuvres diverses : Notice sur l'abbé Gaignard - Bibliothèque de Nantes).

L'abbé Charles Gaignard, qui devint principal en 1783, n'était pas un homme ordinaire. Il avait une passion pour la linguistique ; son plaisir était de rechercher la racine des mots et de faire des remarques sur les sons et les formes grammaticales. Versé dans la connaissance de cinq ou six langues, il s'adonnait de préférence au latin et à l'hébreu ; il aurait voulu que le latin devint la langue universelle. A ces études sérieuses, il joignait celles des sciences naturelles, du dessin, de la musique et cultivait volontiers la poésie. M. de la Ferronnays avait une telle confiance dans son habileté en architecture, qu'il le pria de dresser les plans de son château de Saint-Mars-la-Jaille. Je donne ici la liste de ses productions pour montrer qu'il ne craignait pas d'aborder tous les genres de littérature.

Voyage, en ballon autour du diocèse de Nantes, recueil de réflexions étymologiques, historiques, philosophiques et plaisantes sur tout ce qui se rencontre ;

Dictionnaire des synonymes latins. Quelques fragments manuscrits de cet ouvrage sont entre les mains de l'abbé Gaignard, son petit neveu ;

Une Chanson ;

Une Complainte du citoyen D..., sur le malheur des petits frères ;

Epithalame de Damis et Marie ;

Parodie de la pièce précédente ;

Poésies adressées à Mme de la Ferronnays à sa première entrée au château de Saint-Mars ;

Satires contre de mauvais auteurs ;

Dissertations sur des questions de liturgie et d'hagiographie ;

10° La Fable dévoilée, 3 vol. in-4° manuscrits. [Note : OEuvres diverses d'A. Guéraud. (Bibliothèque de Nantes). L'abbé Gaignard était né en 1735, à Bonnoeuvre. Il avait fait ses études ou collège de Châteaubriant].

L’abbé Gaignard cumulait avec les fonctions de principal celles de professeur de rhétorique. A la suite de difficultés que nous ignorons, il quitta le collège en 1785 et laissa la direction aux mains de l'abbé Jacques Binot, prêtre du diocèse de Luçon, qui ne manquait pas de mérite, puisqu'il fut envoyé comme député à l'Assemblée nationale, à la place de l'abbé Moyon, en octobre 1789.

L'abbé Binot avait pour collaborateurs Michel-Nicolas Darbefeuille, qualifié co-principal dans les actes, et cinq régents tous prêtres [Note : Voyez la notice de Darbefeuille dans la Biographie bretonne, de Levot. Binot donna sa démission de député le 1er novembre 1790, prêta le serment, devint receveur de l'arrondissement d'Ancenis et se suicida vers 1808. (Notes de M. A. Lallié)]. Donatien Bregeon, qui fut nommé principal le 27 août 1792, n'a laissé aux archives aucune trace de son passage.

La réputation du collège était bien établie dans toute la contrée, néanmoins, la société des professeurs jugea utile de répandre dans le public un prospectus, afin de bien affirmer les principes suivant lesquels ils entendaient gouverner la jeunesse. L'avis a pour titre : Plan d'éducation pour le collège d'Ancenis. Il eût été moins étendu que je l'eusse cité volontiers ; il contient plus d'un trait heureux contre les novateurs en matière d'éducation et critique les moeurs dominantes avec une grande indépendance. L'auteur du prospectus se plaint d'abord de l'apathie et de la frivolité de son siècle. « La toilette est devenue une affaire sérieuse pour les hommes qui, dans d'autres temps et avec d'autres moeurs, auraient pu faire revivre parmi nous les Corneille, les Lebrun, les Fénelon et les Turenne. Nous élevons des statues à ces grands génies, au lieu de travailler à en mériter nous mêmes ».

Plus loin, il reproche à la philosophie régnante de soustraire la jeunesse au joug de la religion et de lui prêcher des doctrines trop favorables au relâchement des moeurs. Puis, vient la réfutation des idées développées par Rousseau dans l'Emile et celles de d'Alembert, à l'égard du régime des collèges. L'éducation en famille, sous la direction d'un précepteur, dit-il, a des inconvénients graves, l'émulation manque à l'enfant, le professeur n'a pas toujours des connaissances assez variées, et le bruit des réceptions enlève le recueillement nécessaire ; tandis que dans les internats, les cours progressent avec l'âge des élèves. Autrefois, un seul professeur était chargé de plusieurs classes, mais il n'en est plus de même aujourd'hui, dit le prospectus, on compte maintenant autant de régents que de classes. Tout ce que la France a eu de grands écrivains s'est formé dans les collèges. Sur la question des humanités le plan d'éducation ne sacrifie rien au goût du jour. « On demande froidement à quoi sert le latin ? J'aimerais autant dire à quoi sert l'éducation ».

Sur les autres parties de l'enseignement, le principal ne se refuse pas à condescendre aux désirs des familles qui veulent faire de leurs enfants des militaires, des ingénieurs, des hommes du monde ou des littérateurs. Puisque les parents veulent des maîtres de tous genres, on leur enseignera outre le latin et le français, l'histoire, la géographie, les mathématiques, le dessin, l'arpentage, la levée des plans, la musique, la danse, l'escrime et même la langue grecque, s'il se trouve assez d'élèves pour faire un cours spécial. Chaque année, pour exercer les enfants au geste et à la déclamation, on offrira une séance publique dans laquelle ils joueront une tragédie ou se livreront à un exercice littéraire. Les vacances, dont la durée ne dépassera pas un mois, commenceront le 1er septembre et ne seront accordées en principe qu'aux élèves des hautes classes qui auront dépassé la quatrième (Archives de la mairie d'Ancenis).

La révolution de 1789 vint renverser au bout de quelques années les espérances qu'on fondait sur la sage ordonnance de ce programme. Le collège était en pleine prospérité, quand l'Assemblée constituante vint bouleverser indistinctement toutes les institutions de l'ancien régime. Voici, d'après les questionnaires de l'époque, quelle était la situation de cet établissement. Ordinairement, on ne comptait pas moins de 80 pensionnaires et de 200 élèves externes. Le rez-de-chaussée se composait d'une cuisine et de cinq magasins, le premier étage d'un grand réfectoire, capable de contenir 100 pensionnaires, et de quatre grandes chambres. Le deuxième étage était divisé en trois appartements de maîtres et en sept chambres dont une s'ouvrait sur la chapelle ; et au-dessus régnait le pensionnat dans toute la longueur du bâtiment. Au midi, la chapelle s'avançait en aile, puis venaient les sept classes bâties sur une ligne parallèle au corps principal, de manière que la cour se trouvait au milieu de tous les bâtiments (Lettre de l'an IX – Archives départementales, T). Les externes payaient 3 livres par mois, les pensionnaires 390 livres, quand ils se contentaient des leçons communes et 450 quand ils demandaient des maîtres d'agrément. Au nombre des pensionnaires, on voyait des enfants dont les familles habitaient l'Espagne, l'Angleterre et les colonies. Beaucoup de parents de Nantes donnaient aussi la préférence au collège d'Ancenis sur le collège de l'Oratoire de Nantes, non seulement parce que les études y étaient fortes, mais parce que cette petite ville offrait, dit le sous-préfet Luneau, peu d'occasions de libertinage (Mémoire de 1806 – Archives départementales, T).

Outre les revenus du bénéfice du château, qui valaient 2.500 livres, il avait 100 livres de rentes constituées, mais le principal était obligé de prélever sur cet actif une somme de 727 livres pour acquitter les honoraires des messes dues aux bienfaiteurs.

La chute du collège fut rapide. Le bénédictin François Monlien qui, en 1790, avait été appelé à la tête du collège, ne fit que passer [Note : Etats de traitement du district d'Ancenis. (Archives départementales, L, clergé). Le 22 mai 1791, il fut installé curé de Savenay. Il avait été moine à l'abbaye de Saint-Florent-de-Saumur]. Dès l'année 1792, on ne voit plus aucun prêtre dans la maison. Le personnel enseignant est réduit à deux personnes : le sieur Donatien Bregeon, laïque, remplit les fonctions de principal, il n'a pour le seconder qu'un seul régent.

Bientôt, ces derniers eux-mêmes furent dispersés par le bruit du canon qui retentissait sans cesse aux environs d'Ancenis. Les armées républicaines, envoyées pour combattre l'insurrection vendéenne, avaient besoin de nombreux locaux pour panser leurs blessés. L'hôpital et le couvent des Cordeliers ne suffisant pas à secourir la population des malades, on prit les salles du collège. La tourmente passée, on constata d'immenses dégâts à réparer, mais la ville n'hésita pas à s'imposer des sacrifices pour remettre les bâtiments en bon état, dès le jour où elle en obtint la restitution de l'empereur Napoléon., Le décret est du 11 mai 1807. Le collège du duc de Charost devint alors une école secondaire municipale. A partir de 1850, l'Evêché y entretient un pensionnat ecclésiastique.

 

PIÈCES JUSTIFICATIVES.

LISTE DES REGENTS DU COLLÈGE D'ANCENIS.

XVIème siècle : Didier (Jacques) et Rouault (Jean).

1603 : Yves (Michel).

1607 : Moquet.

1614 : Macé (Pétrau).

1639 : Paulard (François), prêtre, mort le 28 février 1639.

1658 : Bidon (Julien), prêtre de choeur, mort le 22 août 1660.

1664 : Gautier (François), prêtre, mort le 22 septembre 1668.

1674 : Trimoreau (Nicolas), prêtre, mort le 13 juillet 1674.

1688 : Lemercier (Guillaume), prêtre.

1695 : Trimoreau (François), prêtre, mort en 1714.

1715 : Moisson (Julien), prêtre, mort en 1733.

1724 : Ménard (Joseph), prêtre, mort en 1753.

1739 : Lebeau (Pierre), prêtre, mort en 1762.

1753 : Lexcuziat (Olivier), prêtre, mort le 17 septembre 1775.

1776 : Joly (Barthelemy), prêtre.

1783 : Gaignard (Charles), prêtre.

1785 : Binot (Jacques), prêtre, et Darbefeuille (Michel-Nicolas), prêtre.

1792 : Brégeon (Donatien).

 

COLLÈGE D'ANCENIS.

Louis, par la grâce de Dieu, roi de France et de Navarre, à tous présens et à venir, salut. Nos chers et bien amés les administrateurs du collège d'Ancenis, en Bretagne, nous ont fait représenter que les seigneurs de la baronnie d'Ancenis ont fondé anciennement dans lad. ville un collège auquel ils ont donné une maison à la charge de faire célébrer cent messes par an à leur intention, qu'on a d'abord enseigné dans ce collège les bonnes classes jusqu'à la rhétorique inclusivement … Ils nous ont fait en outre représenter que le duc de Charost se propose de faire don aud. collège d'une rente perpétuelle de 200 livres pour être employée à la distribution annuelle de différens prix d'émulation dont le premier serait délivré par l'un des officiers de la baronnie d'Ancenis .... nous ont fait très humblement supplier de leur accorder nos lettres patentes sur ce nécessaires. A ces causes, de l'avis de notre conseil et de notre certaine science, pleine puissance et autorité royale, nous avons dit, statué et ordonné, et par ces présentes signées de notre main, disons, statuons et ordonnons, voulons et nous plait ce qui suit :

ART. 1er. Nous avons confirmé et confirmons l'établissement dud. collège de la ville d'Ancenis pour y être enseigné depuis les basses classes jusqu'à la rhétorique inclusivement.

ART. II. Ledit collège sera composé d'un principal, d'un sous-principal, d'un professeur de rhétorique et de cinq régens pour les seconde, troisième, quatrième, cinquième et sixième classes. Le sous-principal pourra être en même temps professeur de rhétorique.

ART. III. Nous avons établi et établissons pour l'administration dudit collège un bureau, lequel sera composé du sénéchal ou du procureur fiscal de la baronnie d'Ancenis, au choix du baron d'Ancenis, du curé de lad. ville, d'un autre ecclésiastique de lad. ville qui sera nommé à cet effet par le sieur évêque de Nantes, du maire de la ville, du principal dud. collège et d'un notable de lad. ville, lequel sera élu par led. bureau. Ledit sénéchal ou le procureur fiscal présideront audit bureau.

ART. IV. Le bureau s'assemblera une fois par mois, et plus souvent s'il en est besoin, dans une salle dudit collège qui sera destinée à cet effet. Les délibérations y seront prises à la pluralité des suffrages, et en cas de partage, l'avis de celui qui présidera aura la prépondérance. Les délibérations seront écrites par celui qui aura été commis par ledit bureau pour faire les fonctions de secrétaire, sur un registre qui sera paraphé par l'officier de justice qui présidera ledit bureau et elles seront signées par tous ceux qui y auront assisté.

ART. V. Le principal dud. collège sera nommé par le baron d'Ancenis et approuvé par le sieur évêque de Nantes et il pourra être destitué par le baron d'Ancenis. Le sous-principal, le professeur de rhétorique et les régens des autres classes seront choisis et nommés par le bureau d'administration, après que chacun de ceux qui composent le bureau aura été averti par un billet de convocation, lequel indiquera l'objet de l'assemblée. Les sous-principal, professeur et régens ne pourront être destitués que par une délibération du bureau prise à la pluralité des voix dans une assemblée qui sera convoquée à cet effet, et après avoir été entendus ou dûment avertis de s'y trouver.

ART. VI. Tout ce qui concerne les heures et la durée des classes, les congés et vacances, les fonctions du principal, du sous-principal, du professeur et des régens et la discipline intérieure dudit collège, sera réglé par led. bureau.

ART. VII. Le principal sera chargé du maintien de la discipline intérieure dud. collège, conformément aux règlements qui seront faits par le bureau d'administration et il y sera en outre veillé par un des administrateurs qui sera nommé à cet effet par le bureau, pour, sur son rapport, être en cas de besoin, pourvu ce qu'il appartiendra et sera pareillement pourvu par délibération dud. bureau, sur les difficultés qui pourront survenir entre le principal, le sous-principal et les régens.

ART. VIII. Les honoraires du principal, etc.

ART. IX. La recette des revenus et deniers du collège sera faite par le principal, etc.

ART. X. En cas que les pensionnaires soient à la charge du principal, etc.

ART. XI. Il ne pourra être entrepris aucun procès, etc.

ART. XII. Il pourra être accordé par le bureau auxd. principal, sous-principal, professeur et régens, après vingt années de service, une pension émérite, etc.

ART. XIII. Les meubles et effets appartenant aud. collège, etc.

ART. XIV. Permettons à notre cousin le duc de Charost, de céder aud. collège et aud. collège de recevoir la maison qui avait été vendue par l'hôpital de la ville au sieur Thoinnet.

ART. XV. Permettons au collège d'échanger avec les religieux Cordeliers de la ville les portions du jardin des religieux, qui avancent sur le terrain de ladite maison, etc.

ART. XVI. Autorisons les administrateurs à vendre la maison où était cy-devant établi, etc.

ART. XVII. Permettons à notre cousin le duc de Charost, de donner et aud. collège de recevoir une rente annuelle et perpétuelle de 200 livres, etc. [Nota : Aucun article ne défend aux habitants de tenir pension].

Donné à Versailles, avril 1782. Signé : LOUIS, visa duc de Miromenil.

L. Maître

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