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LA BATAILLE DE NORT.

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PREMIER BATAILLON DÉPARTEMENTAIRE DE LA LOIRE-INFÉRIEURE

(15 MARS 1793 – 17 AOÛT 1793).

DES LÉGENDES QUI SE SONT CRÉÉES AUTOUR DU COMBAT DE NORT

(27-28 JUIN 1793).

Monographie de Meuris. — Meuris, qui commanda le premier bataillon départementaire, était né, si l'on en croit le livre de décès des sections de la commune de Nantes, à Tournay (Autriche) (sic) en 1758. Il fut tué en duel le 14 juillet 1793, âgé de 35 ans (Archives municipales de Nantes, enregistrement du 19 juillet). Ferblantier de son état, il habitait Haute-Grande-Rue, en face de la rue Beau-Soleil (requête du ferblantier Meuris faire peindre son enseigne, le 28 juin 1784. A. M. C. H.).

[Note : Les chiffres placés entre parenthèses renvoient comme référence à la série L des archives départementales de la Loire-Inférieure ; les indications A M C ou A M R, aux cartons ou aux registres des archives municipales de Nantes].

Dès les premiers jours de la Révolution on le trouve mêlé à l'agitation politique et membre du club des Amis de la Constitution. Il faisait partie de la célèbre société Vincent la Montagne. A l'organisation de la garde nationale de 1792, il fut élu commandant du bataition nantais dit « du département ».

Michelet raconte ainsi sa mort ; son récit semble avoir été emprunté à des sources certaines et concorde avec celui de la biographie Levot :
« L'origine première de ce malheur fut la rivalité de la Légion nantaise, corps girondin composé de jeunes bourgeois, et du bataillon Meuris, corps en grande partie montagnard, mêlé d'ouvriers et d'hommes de toutes classes.

M. Nourrit, capitaine à la Légion nantaise [Note : Nourrit ou Nourry était en réalité lieutenant à la deuxième compagnie de la Légion (contrôle de la Légion du 8 pluviôse an II. (A. M. C. H. volontaires et requisitionnaires)], qui eut le malheur de tuer Meuris, explique ainsi la chose : Le bataillon Meuris était contre Beysser ; la Légion nantaise était pour lui. La dispute du corps menaçant de devenir sanglante, il en fit une dispute particulière, et, s'en prit à Meuris et le défia. Meuris eut la simplicité de se battre avec un officier inférieur, qui de toute manière trouvait son compte à se battre avec un héros » (Histoire populaire de la Révolution, t. II, p. 1420).

Par un oubli incroyable, Michelet fait exister le bataillon Meuris à la page 1420 de son histoire populaire, quand à la page 1410 il l'a poétiquement fait disparaître dans une complète hécatombe.

La biographie Levot nous apprend que Nourrit devint intendant militaire ; elle ajoute : « Bien souvent il a témoigné du regret que lui causa la mort de Meuris ».

La veuve de Meuris continua sa profession et, au mois de février 1794, on la trouve réclamant une exemption de service pour son premier ouvrier (A D reg. du Comité central).

Organisation du bataillon. — Le 15 mars 1793, Meuris demanda au Directoire du département à constituer « un bataillon destiné à parcourir la contrée et à y rameney la paix ». Comme son collègue Martin, du deuxième départementaire, il enrôla, avec de nombreux citoyens, les engagés de la caserne Sainte-Elisabeth, et en quelque jours il put procéder à la constitution de ses cadres. Le 16, on décida de l'habillement et de la solde qui fut portée à trente sols par jour, surenchère sur la solde légale qui n'était que de quinze sols (88). Le même jour, six mille livres sont versées à Meuris pour ses premiers besoins (91). Le 18, le bataillon est caserné à l'Evêché (539). Le 23, il était divisé en 5 compagnies dont une de grenadiers ; on y adjoignit une section de trente canonniers (88-92). Le 24, on réclamait un drapeau (544) et l'on annonçait que l'effectif était complet (40) ; les volontaires qui, s'étaient habillés eux-mêmes, touchèrent une prime de 72 livres, les autres 36 livres seulement (533). Nous n'avons pu trouver ni la composition première des cadres du bataillon, ni la date de leur élection. A la fin du mois de mars une augmentation de solde fut demandée par le corps d'officiers et rejetée par le Comité central (40).

Le 30 mars, on annonce que le bataillon est prêt à entrer en campagne ; la hâte, nécessaire pourtant, avec laquelle furent organisés les bataillons nantais causa une partie de leur malheur. Mal équipés, sans instruction militaire, qu'allaient-ils pouvoir contre des bandes décidées et entraînées par leurs passions politiques et religieuses ?

Le bataillon ne partit complètement de Nantes que le 15 avril (Date donnée par la nomination d'un gardien de caserne). (A M. C. H. V. et R.).

On se souvient de la violence de la révolte sur les bords de la Loire, des communications coupées avec Paris, de l'effort combiné des Angevins et des Nantais pour les rouvrir, et des nombreuses sorties effectuées par la garde nationale dans le courant du mois de mars 1793. Du 20 au 24, une véritable expédition conduite par Deurbroucq alla jusqu'à Ingrandes ; le premier départementaire y fournit un contingent de 127 hommes. (Lettre de Poupart, quartier-maître du bataillon). (544).

Meuris reçut l'ordre de pourvoir de postes les communes du Cellier, de Clermont, d'Oudon et de Mauves ; on tendait ainsi la main aux gardes nationaux d'Ancenis (544) et aux Angevins qui tenaient les bords de la Loire jusqu'à Ingrandes. On parvint de la sorte à rétablir une sécurité relative dans les communications avec le pouvoir central.

Le bataillon départementaire devait également s'occuper de mesures répressives et diriger des patrouilles sur la forêt du Cellier où des rassemblements de révoltés étaient signalés ; il dut plus tard correspondre avec les compagnies de gardes nationales de Nantes casernées à Nort.

Affaire du Pont-Hue. — La première affaire sérieuse à laquelle le bataillon conconrut doit être placée avant son départ complet de Nantes; elle eut alors un grand retentissement.

Le château du Pont-Hue, appartenant à la famille de Goyon, situé sur les bords de l'Erdre, dans la commune de Petit-Mars, servait de lieu de rassemblement aux insurgés et était un sujet d'inquiétude pour la petite ville républicaine de Nort [Note : Au XIIIème siècle existait au même lieu un château-fort très important, dénommé de la « Muce Ponthus ; il iut démantelé par ordre du Parlement de Bretagne pour perpétuer la mémoire de la rébellion et de la félonie de David de la Muce, seigneur dudit lieu ». Il avait été reconstruit en 1777. (De Courson, Les grandes seigneuries de Bretagne)]. Le 29 mars, des volontaires de Laval et de La Guerche ramenaient 68 prisonniers de Châteaubriant à Nantes ; ils furent requis à leur passage à Nort d'avoir à chasser les royalistes installés au Pont-Hue. Les deux compagnies s'y rendirent; furent reçues à coups de fusils et répondirent à coups de canons ; mais leurs faibles pièces de campagne furent sans effet, et il fallut se retirer en ramenant trois blessés de la compagnie de Laval. Les capitaines Varin et Corbineau écrivent de suite à Nantes pour qu'il leur soit envoyé trois pièces de canon de 24, et des secours en hommes ; ils ajoutent que, commandés par Beysser, ils doivent se porter sur Nozay, mais que leur convoi de prisonniers est une cause de souci (543). [Note : Cet ordre du général Beysser est surprenant étant donnée la date de son arrivée à Nantes (16 avril). Il était pourtant à Blain le 4 ou 5 avril].

Le 30 mars, le Comité central leur répond que l'envoi de canons est impossible, mais que l'on fait partir trois cents hommes qui vont marcher directement sur Petit-Mars, qu'un coup de canon signalera l'arrivée du détachement, etc. Cette lettre se termine dans un style dithyrambique qui mérite être rapporté :

« Le Pont Hue, y lit-on, sera le monument comme il a été le théâtre de votre gloire et de votre bravoure ; et nos neveux ne parleront pas de ce lieu trop fameux dans l'histoire, sans un attendrissement mêlé d'amour pour nos braves libérateurs.

Nous voudrions essuyer et guérir de nos larmes les blessure reçues par nos fréres qui ont combattu à ce poste, et il nous tarde de vous tenir dans nos murs et serrés dans nos bras ! »
(Livre de correspondance du Comité central, R. 95 f° 14).

Le détachement de trois cents hommes se composait de la compagnie des grenadiers du premier départementaire, d'un détachement de votontaires de la Charente, et de gardes nationaux sous les ordres d'un général, lisons-nous. Lequel ? Ils étaient rares à Nantes.

Une lettre du capitaine Varin, de Laval, apprend que le château fut pris d'assaut ; mais ne nous dit pas comment il fut brûlé (542). On inaugurait là un système de destruction des propriétés, qui pendant plusieurs années irrita les esprits et fut sans effet sur la marche de l'insurrection. L'affaire n'avait pas été sans encombre, un garde national de Nantes fut tué et plusieurs furent blessés. (Livre de secours aux victimes de l'insurrection (851). La prise du château doit se placer au 5 ou au 6 avril [Note : Le citoyen Favereau, commandant un détachement de la garde nationale faisant une sortie sur le Pont-Hue, fit dix-sept prisonniers ; un détachement de Châteaubriant lui en remit soixante autres. (Note de Verger)].

La compagnie des grenadiers ne coopéra pas à cette affaire ; groupée avec les gardes nationaux de Nort et de Joué-sur-Erdre, elle se dirigea sur les bourgs de Ligné et de Petit-Mars qui avaient été abandonnés par leurs habitants, et à défaut d'autres prises on détruisit les cloches et les ornements sacerdotaux « de leur aumônier, soi-disant bon prêtre » (Lettre du capitaine Garnier, 544).

Deuxième lettre de Garnier au Comité central — lettre fort longue — il apprend que le Pont-Hue est en flammes qu'il envoie quarante grenadiers pour aider au sauvetage des objets mobiliers, qui seront, ainsi que les grains, transportés à Nantes sur deux bateaux (544).

Troisième lettre. Les commandants de Nantes et de Laval ont, paraît-il, promis que le produit du sauvetage serait partagé entre les volontaires. Garnier réclame sa part du butin (544).

Le Comité central lui répond, tout en le félicitant de son énergie, que le propriétaire du Pont-Hue n'ayant pas émigré, la loi défendait de disposer de son bien ; que, suivant l'estimation des objets sauvés, ledit propriétaire (dont on a brûlé la maison) serait tenu d'une indemnité ! (543).

Il se dégage de cette lettre du Comité central une psychologie de la propriété assez extraordinaire, et fort spéciale à l'époque troublée où le fait se passa.

Prise, abandon et combat de Champtoceaux. — Le 22 avril, Aubinet, commandant en second du premier départementaire, aunonçait au Comité central que Champtoceaux, alors révolté, était aux mains républicaines ; que deux compagnies avaient, sous les ordres de Meuris, traversé la Loire ; que la prise était bonne, que l'on s'est emparé de grains, et que quarante bateaux chargés précieusement, sous la conduite des bateaux patriotes le Républicain et l'Amiral, partent pour Nantes.

Le soir même, l'officier payeur (quartier-maître) Poupart écrivait qu'un combat très sérieux a été livré par Meuris, qu'il a plusieurs hommes tués et dix-sept blessés (546). Le même fait savoir à Boutiller, commandant de la garde nationale de Nantes, que « le danger est fort grand, qu’il faut des secours ».

Le Comité central faisait partir le soir même un officier d'artillerie ; quand il arriva, Champtoceaux était évacué, l'occupation avait duré quarante huit heures.

Voici comment, à travers les versions non concordantes, nous expliquons l'événement : Les troupes de Vauvilliers, de la division d'Angers, conjointement avec les gardes nationaux d'Ancenis, ayant chassé de Champtoceaux un officier royaliste nommé Barbot, avisèrent Meuris qui traversa la Loire avec deux compagnies et un canon. Les Angevins se retirèrent laissant aux Nantais la garde de la place ; le lendemain ceux-ci dirigèrent une expédition sur Saint-Sauveur de Landemont, laquelle, attaquée par Barbot, se replia précipitamment, jeta la confusion dans la petite troupe de Meuris laquelle au plus vite traversa la Loire et regagna Oudon.

Le Comité central écrit au département de Maine-et-Loire, le 22 avril : « ... Les troupes de Vauvilliers, qui ont concouru à la prise de Champtoceaux, l'ont évacué. Le Commandant du poste de Oudon, pour conserver cette place importante, y a jeté un détachement qui a été attaqué. Pour la conserver, il a pris du monde à ses autres postes ; il demande du secours… Nous sommes très inquiets ; nous avouons que toutes ces incohérences, ces marches sans but, tous ces événenements nous donnent des soupçons sur les généraux. Aidez-nous à percer le mystère ». (95).

Effectivement, cette expédition sur l'autre rive de la Loire, et l'occupation d'une localité sans point d'appui et difficile à garder, pouvait sembler inutile.

Voici sur ce combat une version donnée par Arraud, aide de camp, envoyé en mission auprès de Meuris, et datée du 23 avril (95).

« … La troupe d'Ancenis avait quatre-cents hommes, dont cinquante de la garde nationale. Fardeau, qui y commandait, désirant s'emparer de Champtoceaux, fit demander un canon et huit canonniers avec lesquels il s'empara du bourg, … mais il se retira laissant seuls les huits canonniers…. A deux heures du matin, un coup de canon signala le danger. Meuris traversa la Loire avec deux compagnies…. Il envoya cinquante hommes à Saint-Sauveur pour rechercher des grains ; n'en ayant pas de nouvelles, il sortit du bourg avec son canon, mais il fut attaqué et obligé de se retirer. Les patrouilles rentrèrent après un long combat, en ayant morts et blessés ».

Elles ramenaient quatre prisonniers qui furent fusillés ; mais le résultat direct de l'expédition avait été la perte de cinq hommes tués et de dix-sept blessés.

Enfin, aux archives municipales de Nantes existe une fort longue et très emphatique version donnée par le citoyen Marganne, commandant la force par mer sur les bateaux républicains venant d’Ancenis ( CH. V R). Sans savoir pourquoi, Marganne mêle le général Berruyer à l'affaire, il fait attaquer au port de la Palache (situé au bas du coteau de Champtoceaux) huit cents brigands que Meuris met en fuite.

Marganne dit avoir descendu la Loire avec cinquante-cinq bateaux chargés d'un riche butin, avoir été attaqué à la Chapelle-Basse-Mer, avoir eu quatre hommes blessés, et ajoute qu'il pense avoir tué cent brigands. Sa perte est signalée au livre des secours des victimes de l'insurrection (851).

Administration du bataillon. — Le mois de mai se passa sans qu'un événement sérieux vînt troubler la quiétude du bataillon ; ses compagnies occupent toujours les mêmes postes ; Meuris est attentif à son commandement ; une correspondance que l'on peut suivre au dossier 544 fait voir qu'il a des difficultés avec l'administration militaire. Voici une lettre de lui qui prouve que, s'il n'avait que de médiocres connaissances grammaticales, il ne manquait ni d'amour-propre, ni de dignité, ni de patriotisme :

« Aux Administrateurs du département :
Je sais que je nais pas Dami dans l'administration ; mais il m'en reste un, c'est ma contiance qui mepprise la calomnie. Je nais ni mandié ni solicité la place que jai, je lais accepté dans la seule aintention de me rendre utile. Si je ne le suis pas, vous pouvez me le faire savoir je rentrerai dans mes foyers. Le sacrifice que jai fait en abandonnant mes affaires est au desus de mes forces, mais le désir de cohopérer au maintien de l'ordre me fais tout oublier »
(544).

La discipline et l'amour du drapeau ne semblent pas avoir beaucoup tenu les volontaires ; les deux officiers supérieurs adressent souvent leurs doléances au Comité central. Le 27 avril, ils écrivent :

« Nous sommes en nombre insuffisant ; prenez des moyens de recruter le bataillon, sans cela, il va descendre à rien. Nous voyons tous les jours les hommes qui nous manquent sans savoir ce qu'ils deviennent. Faites punir ceux qui, sans permission, abandonnent le drapeau ».

Dans les premiers jours de juin se posa la question de l'amalgame des deux bataillons départementaires, et de leur passage au service de la guerre ; le bataillon Meuris seul coûte 976 livres par jour au département, il souhaite se décharger de la dépense (544). Cette modification entraînait le retour de la solde des hommes an taux légal :

« Attendu que le bataillon requis par le général Canclaux doit être payé par le ministre, prie le quartier maître Poupart de se pourvoir de la solde ordinaire auprès de l'Ordonnateur de guerre » (Arrêté du Conseil du Département R. 40, p. 39).

Cette diminution de quinze sols par jour met le bataillon en rumeur; on ne peut plus tenir les hommes, et une pétition couverte de signatures fait remarquer que la position des départementaires mariés ne peut être assimilée à celle des autres volontaires généralement libres (544). Nous ne savons dans quelles conditions le bataillon revint à Nantes dans les premiers jours de juin ; en tous cas, l'effervescence y est extrêm e; une lettre de l'adjudant général Dufeu (de la garde nationale) parle de mutinerie ; il écrit, le 10 juin :

« Je me suis rendu sur la place Egalité où étaient rassemblés les hommes de Meuris… j'ai parlé, on ne m'a pas écouté .... Enfin, la compagnie des grenadiers est partie, les autres ont suivi par peloton » (598).

Quoi qu'il en soit, le 12 juin, le Comité central arrêta que devant le danger couru par Nantes, le bataillon devait continuer son service.

Mesures repressives. — Le dossier 544 conserve le souvenir de nombreuses expéditions généralement dirigées sur la forêt du Cellier ; on arrête quelques paysans révoltés qui sont conduits à Nantes.

Aubinet signale que ses patrouilles sont attaquées souvent, que régulièrement, il dirige ses expéditions sur le château de Guillet de la Brosse dont les fermiers sont passés aux brigands. Ce propriétaire, suspecté de royalisme, finit par être arrêté.

Le Comité central trouve Aubinet trop ardent ; il lui écrit, le 11 mai :

.... « Nous vous invitons, au nom de l'humanité, à employer tous les moyens de douceur et de prudence contre les gens de campagne, à moins qu'ils ne soient contre révolutionnaires » (89).

Effectif et cadres du bataillon. — Un ordre, du général Gilibert envoya l'Ordonnateur des guerres relever l'effectif du bataillon. L'état de cette inspection s'est conservé ; nous le donnons, parce qu'il fait connaître le cadre d'officiers et l'importance numérique du bataillon au 9 mai, et parce qu'il servira de point d'appui à la thèse que va nous faire soutenir le combat de Nort.

Composition du premier bataillon départementaire.

Etat relevé au 9 may suivant l'ordre du général Gilibert, pour le commissaire de guerre Maignier (544).

Premier lieutenant-colonel : Meuris, à Oudon.
Deuxième lieutenant-colonel : Aubinet, à Mauves.
Adjudant : Boudrot.
Quartier-maître : Poupart.
Canonniers, Capitaine : Perdoux 40 hommes.
Compagnie de grenadiers Capitaine : Garnier, 92 hommes.
1ère Compagnie, Capitaine Archambault, 112 hommes.
2ème Compagnie, Capitaine Savoi, 84 hommes.
3ème Compagnie, Capitaine O'Sullivan, 108 hommes.
4ème Compagnie, Capitaine  Lacroix, 108 hommes.

Récapitulation :
Officiers : 28 hommes.
Sous les armes : 341 hommes.
De garde : 85 hommes.
En permission : 49 hommes.
Malades et blessés à l'hôpital : 27 hommes.
Malades à la chambre : 15 hommes.
En prison : 7 hommes.
A habiller : 13 hommes.
TOTAL : 565 hommes.

On peut remarquer que quatre cent cinquante hommes, au maximum, pouvaient assurer le service. L'effectif ne dut guère se modifier par la suite ; aucune pièce n'est venue nous l'apprendre.

Position alarmante des Nantais. — Le mois de juin avait amené dans la ville de Nantes les pires complications ; d'une part, ses girondines administrations résistaient hardiment à la Montagne ; de l'autre, le succès des Vendéens la mettait aux abois. Beysser, après une désastreuse campagne au pays de Retz, se repliait, laissant entièrement le sud de la Loire aux mains des insurgés. La grande armée catholique d'Anjou, à la suite de succès sans précédents, s'était emparée de Saumur (9 juin), d'Angers, d'où elle sommait la ville de Nantes d'avoir à se rendre. Elle allait se heurter à l'énergie du maire Baco, un des plus beaux types de patriotes de l'époque révolutionnaire. Cet homme, entouré d'un petit groupe d'amis, sut entraîner les volontés ; avec des moyens de défense insuffisants et une armée généralement pitoyable il sauva la ville où il ordonnait, et probablement la République. Canclaux n'igira plus que sous l'inspiration de Baco.

Les préludes du siège, dans lesquels le premier bataillon départementaire joue le grand rôle, doivent toujours être regardés à travers la question Montagne et Gironde. Un fait reste acquis, les Conventionnels, en mission dans la Loire-Inférieure, voulurent quitter Nantes, Baco et son groupe les contraignirent à une action défensive. Des ordres primitifs donnés à Canclaux pour une retraite prudente amenèrent l'abandon de la petite ville de Nort, poste stratégique de premier ordre. Une défense des coteaux de la Seilleraie, position avantageuse sur la route de Paris, préparée tout d'abord, fut délaissée et établie hâtivement aux portes de Nantes (camp de Saint-Georges). Puis, quand la vigoureuse impulsion de Baco eut modifié les intentions, Meuris, primitivement installé à la Seilleraie, va occuper Nort, et la Seilleraie reste sans défenseur. Tous ces mouvements, à la veille d'une action considérable, ressortaient absolument du désaccord existant entre la municipalité nantaise et les Conventionnels. Et Canclaux, qui sera si brillant le jour du 29 juin, ballotté par des inspirations contraires, après avoir hésité, commandé un jour, contre-commandé le lendemain, n'osera pas tenter la défense du camp de Saint-Georges, et fera sans raison rentrer ses troupes à l'abri de fortifications hâtivement élevées !

Erreurs historiques. — Les récits qui se sont perpétués sur le siège de Nantes et sur ses préludes ne tiennent pas devant les documents d'archives qui se sont conservés. La source de ces erreurs historiques doit être cherchée dans la position faite aux Girondins nantais succombant comme parti politique aux attaques des Jacobins. Depuis plus de six mois, Baco et sa suite, irrités des exactions de la Montagne, avaient, sans ménagements et courageusement, pris place dans le parti girondin, où ils espéraient trouver une direction plus calme et moins sanguinaire ; le triomphe du parti avancé découvrit les positions particulières et amena des responsabilités désastreuses. Il n'y avait guère d'excuses à tirer de la position politique dans laquelle on s'était aventuré ; mais le siège de Nantes, où l'on avait rendu un service signalé à la cause républicaine se trouva pour plaider les circonstances atténuantes. Devant la crainte d'une vengeance, on grossit la vérité et on exagéra l'importance d'actions fort louables ; la vaillance fut l'apanage de chaque citoyen, le courage devint de l'héroïsme, l'ennemi fut légion, et les victimes du siège décuplèrent. A Nort, Meuris perd jusqu'au dernier de ses hommes et devient un héros ! Comment punir des citoyens qui viennent de sauver la République ? Le système réussit et, au moins, Baco, après son fameux « Tu mens », ne dut la vie qu'au rayonnement qui entourait le siège.

Avec de pareils moyens, on fit naître une tradition qui s'est conservée ; depuis, les auteurs nantais du commencement du dix-neuvième siècle ont écrit sur la foi de renseignements oraux, sans recourir aux pièces qui eussent pu rétablir la réalité des faits, renseignemente exaltés par un chauvinisme local quelquefois inconsidéré. Les grands frères parisiens ont emprunté leurs relations, et l'un copiant l'autre, on en est arrivé à la plus fausse des traditions sur les évènements qui se déroulèrent avant, pendant et après la journée du 29 juin.

Préliminaires de la défense. — Quoi qu'il ait été écrit, un fait reste incontestable, c'est que, sous l'impulsion du groupe Baco, l'idée de se défendre fut celle qui domina ; on se porta en foule à la construction de défenses de fortune, on demanda des secours aux villes voisines, les unes envoyèrent des hommes, les autres des munitions. Le Comité central fait parvenir aux communes qui vont se trouver sur la route des royalistes des lettres pleines de patriotisme, les engageant à s'unir dans une défense commune.

« Ne craignez pas d'abandonner vos femmes et vos enfants, écrit-il ; votre présence ne les garantit plus. C'est une armée redoutable qui peut sauver ce que nous avons de plus cher, nos propriétés et nos vies » (95).

D'un autre côté, il mande à Canclaux, le 16 juin :

« Nort, Joué, Riaillé, les Touches, et d'autres communes s'organisent en bataillon et vont former une force de trois à quatre mille hommes » (95).

C'était un leurre ; sous le feu de l'ennemi une armée ne s'organise pas.

A Nort, il écrit : « Préparez-vous pour sauver la Patrie » (95).

A Meuris : « Obéissez aux ordres de Canclaux » (95).

Mais la grande armée catholique est à Ancenis, le bataillon départemeutaire, depuis son coup de tête du commencement du mois, a repris ses postes et probablement relevé le bataillon de Seine-et-Oise qui les occupait intérimairement [Note : Voir dans Chassin. V. P. tome II, page 251, le renvoi qui traite du bataillon de Seine-et-Oise ; il semblerait, d'après cette note, que cette troupe ait dû collaborer à l'action de Meuris ; nous ne le croyons pas. En tous cas, nous saisissons mal, par absence de documents, les marches de ce bataillon, et établissons difficilement une concordance de nos dates avec celles données par cet historien]. Meuris, à Oudon, se trouve le premier menacé, il prend des dispositions défensives, et écrit, le 16 juin, de Mauves, aux « citoyens administrateurs du département » :

« .... Sur les ordres du général Gilibert, j'ai relevé avec 240 hommes les 350 du bataillon de Seine-et-Oise (où?). Le 15, j'ai eu un combat avec les brigands qui veulent faire une traversée sur les bords de la rivière… Le combat n'a fini que sur les huit heures du soir ; je n'ai pas de blessés… Il me faudrait de la grosse artillerie ».

« Mon plan est de faire replier sur moi les postes du Cellier et de Clermont et de m'établir sur les hauteurs de l'arche Dagobert, de faire couper la route, d'établir des pièces de siège pour empêcher que l'on ne passe par les marais de la Seilleraie ..... Nous défendrons l'entrée de notre ville jusqu'à la dernière goutte de notre sang » (544).

La détermination de Meuris fut celle d'un sage et d'un stratégiste. Nous avons donné les motifs qui firent que ce poste important ne fut pas défendu.

A Nort. — Depuis la mi-avril, la petite ville de Nort était occupée par la garde nationale de Nantes qui, conjointement avec celle de la localité, s'occupait de mesures répressives ; jusqu'au 15 mai, Huart, commandant en second du bataillon la « Liberté », l'avait occupé ; le journal de route et des opérations de cet officier s'est même conservé au dossier 544 des archives départementales ; par lui nous savons qu'une correspondance militaire était établie entre Nort, Ancenis, Oudon et Mauves. Il nous a été impossible de savoir qui le remplaça dans son poste, mais ce dont nous sommes certains, c'est que les tergiversations de la défense avaient fait abandonner le projet de défendre Nort. A la date du 20 juin se trouve au livre de correspondance du Comité central la note suivante, envoyée aux adminstrateurs du département du Finistère :

« Le poste de Nort s'était replié ; mais le lendemain, le général l'a fait occuper. Il a actuellement une bonne garnison ».

Cette date du 20 juin doit donner celle de l'occupation de Nort par Meuris ; elle reporte également à celle où Canclaux forma le camp de Saint-Georges, entre Nantes et Saint-Joseph-de-Portric. Nous le répétons, ces mouvements de troupes étaient fâcheux à la veille d'un engagement, étant donné le peu d'entraînement des volontaires dont on disposait.

On sait que les royalistes se trouvant à Ancenis tinrent un conseil de guerre dans lequel les dispositions de l'attaque de Nantes furent concertées. Le manque d'union dans l'exécution fut une des principales causes de leur échec. Bonchamp, insuffisamment remis d'une blessure, dut défiler par la route directe, où l'absence de défenses à la Seilleraie et au camp de Saint-Georges lui laissa toute liberté d'action.

D'Elbée prit la route de Nantes par Nort ; le chemin était un peu plus long, mais, étant donné la coupure que produit l'Erdre à son entrée dans Nantes, cette route le conduisait à son poste d'attaque, c'est-à-dire la route de Rennes. Le plan des royalistes offrait l'inconvénient de laisser sans communications les diverses forces participant à l'attaque ; également, il semble probable que d'Elbée ne soupçonna pas la difficulté qu'allait présenter le passage de l'Erdre dont il eut avis à Ancenis où il était resté.

Topographie du lieu de combat. La petite ville de Nort se trouve située à l'intersection des routes de Nantes à Châteaubriant et d'Ancenis à Blain (32 kilomètres de Nantes, 27 kilomètres d'Ancenis). L'Erdre la sépare de son important faubourg de Saint-Georges, par lequel se présentèrent les royalistes. La rivière, fort large et sans passage dans sa partie sud (vers Nantes), prend l'aspect d'un ruisseau vers le Nord, et offre, à 3 kilomètres de Nort, un gué que, pour son malheur, Meuris ne soupçonna ou ne défendit pas.

Un pont fort étroit et facilement réparable sépare Nort de son faubourg. Meuris prit la précaution de le faire rompre, mettant ainsi la rivière entre lui et ses ennemis ; puis il établit sa troupe et ses deux canons derrière un énorme fossé existant alors sur le coteau de Nort, dans une direction qu'actuellement on peut déterminer en repérant la maison du Couvent et la ligne du chemin de fer [Note : Ce fossé a été détruit il y a une quarantaine d'années. Sa démolition amena la mise à jour d'ossements d'hommes et de femmes, et d'armes semblant remonter à l'époque révolutionnaire. A l'époque, le Phare de la Loire signala cette découverte. Etait-on en présence des restes des compagnons de Meuris ou de ceux des quelques victimes de l'armée vendéenne fusillées en décembre 1793 ?]. Sa position dominait ainsi le coteau de Saint-Georges d'où les royalistes pouvaient l'attaquer. Ces dispositions étaient bonnes mais insuffisantes. Il semble, étant donné la topographie des lieux, que son front de défense ne pouvait excéder cinq cents mètres. Meuris, placé en pointe, à sept lieues de Nantes, sans appui ni soutien, au moindre échec se trouvait perdu.

Les royalistes quittèrent Ancenis le 27 juin ; le temps était fort chaud, tout fait supposer qu'ils firent le trajet dès le matin, durent arriver, tous ou en partie, de bonne heure au faubourg Saint-Georges et éprouver une véritable déception en constatant la défense organisée par les républicains. La force totale des royalistes qui attaquèrent Nantes au 29 juin, fut à l'époque singulièrement exagérée ; on a été jusqu'à écrire cent mille hommes. M. de Beauvais, dans ses sincères mémoires, écrit que l'armée catholique comptait une vingtaine de mille hommes (forces réunies de Cathelineau, de d'Elbée et de Bonchamp). Mme de la Bouëre qui a dicté sur les notes de son mari, dénomme le corps de d'Elbée « la grande armée », ce qui fait supposer que le fort contingent royaliste défila par Nort. Enfin, M. René Blachez, dans sa Vie de Bonchamp, donne une note trouvée aux Archives de la guerre (Armée de Brest 5/12 17), dans laquelle les représentants Merlin et Gillet estiment à sept mille hommes les forces conduites par d'Elbée.

Meuris avait à lui opposer les quatre ou cinq cents hommes de son bataillon ; une ou plusieurs compagnies du 34ème de ligne ; les gardes nationaux de Nort (environ cent cinquante hommes, chiffre relevé sur divers états aux archives municipales de Nort) ; la sixième compagnie du deuxième bataillon départementaire, soit 78 hommes (un état du 6 juillet signale la disparition de plusieurs hommes restés à Nort (846) (AM. C. V. et R.) ; les gendarmes et un certain nombre de volontaires non encadrés. La composition de son armée s'établit en compulsant une affiche sortant des presses de la veuve Malassis et répandue dans Nantes postérieurement au 29 juin. C'est donc, au grand maximum, un millier d'hommes que Meuris avait à opposer aux royalistes.

Légendes qui se sont perpétuées sur le combat de Nort. Une légende perpétuée par tous les historiens veut que Meuris commanda à cinq ou six cents hommes et qu'il ne rentra à Nantes qu'avec dix-sept ou quarante combattants. Rien n'est plus inexact et les preuves du contraire sont surabondantes.

Malgré l'absence de documents certains, la composition que nous donnons plus haut prouve que sa petite armée avait plus de six cents hommes.

Quant à sa rentrée légendaire avec dix-sept survivants d'une héroïque hécatombe, il faut en chercher les sources :

1° Dans les raisons politiques et d'exaltation particulière sur lesquelles nous nous sommes étendus plus haut ;

2° Dans un récit de la Société populaire de Nantes : « Ils revinrent dix-sept, reste héroïque d'une jeunesse fidèle aux lois de la vaillance et de la patrie » (Bibliothèque de Nantes, Précis de la conduite patriotique des Nantais, Dugast-Matifeux).

3° Dans la déposition d'O'Sullivan, capitaine du premier départementaire, au procès de Carrier, procès dans lequel il se trouvait en assez mauvaise posture, et où il s'exprima ainsi :

« J'étais incorporé dans un bataillon qui a beaucoup souffert, qui a fait preuve de vaillance, qui n’a cessé d'être poursuivi et maltraité et qui a été réduit de six cents à quarante ».

O'Sullivan avait été btessé à Nort, il ne pouvait ignorer que la grande majorité des combattants s'étaient tirés indemnes de la déroute ; parlant ainsi il mentait effrontément. Un mot sublime qu'il aurait prononcé, tombant sous une balle royaliste, a été produit dans de nombreuses narrations ; espérons pour sa mémoire qu'il est plus sincère que sa déposition au procès Carrier.

4° Dans sa plaidoirie Villenave au même procès lui donne le chiffre de quarante deux survivants. Villenave se trouvait à Nantes lors du siège, ignora-t-il le résultat de l'affaire ? La chose est possible mais semble étonnante.

Lescadieu et Laurant, dans leur histoire de Nantes, gênés par les deux chiffres, écrivent : « Ils étaient quarante en partant de Nort, dix-sept arrivèrent à Nantes ! ».

Deux constatations qui.ne trouveraient pas leurs places plus loin : Canclaux, dans son rapport à la Convention sur le siège de Nantes, écrit que le premier départementaire « a sauvé son drapeau, mais non ses canons », et ne parle d'aucune perte sérieuse. D'un autre côté, le 28, Meuris de retour à Nantes, se présenta au Comité central, y annonça la déroute qu'il venait de subir et ne s'exprima pas sur les pertes qu'il avait pu faire (89).

A la recherche d'un passage. La rareté des documents royalistes et l'absence de renseignements du côté républicain laissent dans l'obscurité certains points de l'attaque et de la défense de Nort. Le nom du chef royaliste qui présida à cette affaire nous est inconnu ; était-ce Cathelineau qui, en tout état de choses, dut passer à Nort pour se rendre au poste de combat où il trouva la mort ? Toujours est-il que les royalistes occupèrent l'après-midi du 27 juin à chercher le moyen de combattre les patriotes, garantis par l'Erdre d'une attaque directe. Le passage du gué leur fut indiqué par une femme R... dont le nom s'est conservé.

Attaque des royalistes. La journée du 27 s'était passée sans faire œuvre de guerre ; le soir, usant d'une ruse, ils ouvrirent le feu sur les retranchements républicains [Note : Mellinet dit à huit heures du soir ; cette heure et même le combat de nuit ont été controversés. Ce qu'il est utile de savoir c'est que le combat commença le soir. Lire à ce sujet, dans Chassin, V. P. tome II, p. 252, la lettre d'Holdanger]. La nuit, ou tout au moins une partie de la nuit, se passa dans une tiraillerie qui trompa Meuris et sa troupe et qui dut être peu meutrière, comme toutes celles se produisant quand on est abrité et sans vue.

Au point du jour, le chef d'Autichamp franchissait le gué à la tête de la cavalerie, surprenait les républicains ou endormis et fatigués du combat de la nuit, ou mal gardés sur leurs flancs, avions nous cru tout d'abord.

Déroute des républicains. Mais voici un document de l'époque que nous n'avons vu reproduit nulle part ; c'est la seule version qui probablement nous soit parvenue, dictée par un témoin du combat. Le chirurgien du bataillon Duhoux, accompagnant des blessés, avait fait sa retraite de Nort sur Blain, et de Blain sur Redon.

Le général Avril, qui se trouvait dans cette dernière localité, lui demanda un rapport ; nous y lisons que :
« Les vendéens ont commencé leur attaque à six heures et demi du soir et ont continué leur canonnade et leur fusillade jusqu'à trois heures et demie du matin. Meuris, voyant qu'il n'avait plus de munitions et qu'il ne serait pas secouru, ordonna la retraite quand trois-cents cavaliers les attaquèrent ...... Meuris et ses hommes se conduisirent en braves gens ..... ». (285).

Duhoux, se retirant sur Blain, suivait également la route qu'à cette époque les habitants de Nort empruntaient pour se rendre à Nantes. Arrivé au hameau de Bout-de-Bois, il aperçut le citoyen Pinart qui portait le drapeau, et put parler à Meuris qui fuyait. Celui-ci lui dit que les brigands chargeaient toujours. Duhoux vit effectivement au loin quelques cavaliers « couverts de peau de bête », desquels il s'éloigna au plus vite [Note : « Une colonne vendéenne s'était avancée sur Blain mais elle se retourna vers Nantes, et dans la soirée attaqua Nort ». (Vendée patriotique t. II p. 237). L'occupation de Blain par les royalistes est restée une tradition ; il faut l'abandonner. La présence du chirurgien Duhoux dans cette petite ville est une preuve qu'elle n'était, ni n'avait été occupée. La note de Chassin ne tient pas devant le raisonnement. La route d'Ancenis à Blain, passant par Nort, occupée par Meuris, se trouvait défendue à une division royaliste. Ceux-ci, pour se rendre à Blain, pouvaient emprunter la route de Nozay ou de Saffré. C'était « un raid » de 65 à 70 kilomètres à courir qui ne se comprend pas ; l'objectif de la grande armée catholique étant Nantes où un rendez-vous à heure fixe la pressait. Nous expliquons ce racontar de la façon suivante : Les Vendéens, ayant franchi le gué de Nort, ne pouvaient faire autrement, pour tourner Meuris, que d'emprunter la route de Blain à Nort, mais à courte distance de cette dernière localité. Une insuffisante connaissance des lieux a créé une confusion. La petite garnison de Blain, effrayée de la présence des Vendéens à Bout-de-Bois, abandonna son poste et se retira vers Redon. De graves reproches furent adressés par le Comité central aux citoyens Sorreau et Chiron, qui avaient ordonné la retraite (95)]. Il fut poursuivi jusqu'à une lieue de Blain.

On peut donc affirmer que Meuris fut attaqué quand il battait en retraite. Dans cette position désastreuse et avec des soldats inexpérimentés qu'elle fut sa défense ? Nous l'ignorons.

Quels que purent être les incidents du combat, Meuris perdait ses canons, ses convois, avait des morts nombreux, des blessés, des prisonniers. La majeure partie de ses soldats regagnèrent Nantes, mais beaucoup avaient perdu leur sac et avaient été dépouillés de leurs vêtements vestes et pantalons.

Cent trente hommes restèrent aux mains des royalistes, dont quatre-vingt dix du bataillon départementaire ; leurs noms purent parvenir à Nantes et furent communiqués par voie d'affiches à la population nantaise, et sont conservés au dossier 544.

En arrivant à Nantes, les soldats de Meuris, assoiffés par une course précipitée du plus de huit lieues, entrèrent chez Grard, marchand de vins, où ils consommèrent une barrique de vin ; de là la note suivante trouvée aux archives départementales (ventes de récoltes).

« Il y a lieu de déduire (d'un compte de 1607 livres) quatre vingt treize livres, prix d'une barrique de vin adjugée au citoyen Grard, et qui a été consommée par la troupe de Meuris revenant de Nort, après la prise de ce poste ».

Victimes du combat de Nort. Les recherches que nous avons faites pour établir la réalité des pertes du premier bataillon départementaire ne sont pas assez concluantes pour lancer une aftirmation.

Aux livres de section de l'état-civil de Nantes une surprise nous attendait ; aucune mort applicable aux hommes de Meuris ne peut être relevée. A l'état-civil de Nort, et à la date du 28 juin sont enregistrés le décès de quatre hommes, appartenant à la garde nationale de cette localité. (La déclaration de mortalité est suivie de la mention : « Trouvés près du bourg »). Mais par une bizarrerie inexplicable nous voyons le sergent Belouard, l'une des victimes, figurant sur un état de la compagnie de Nort, au mois d'août (601). Des recherches faites dans diverses autres localités ne nous ont rien donné.

Un état du premier départementaire, daté du 3 août (544), signale dans la troisième compagnie la mort de quatre hommes, dans la deuxième celle de cinq hommes et l'existence de sept blessés. La quatrième compagnie explique dans une note, que l'on suppose tués le lieutenant Raffegeau et deux autres hommes. Enfin, par les livres de secours accordés aux victimes de l'insurrection (846-398 et 851), nous apprenons la mort d'Archambeau, capitaine de la première compagnie (sa veuve est dans la détresse) ; celle du sous-lieutenant Lalau et celle de huit volontaires. Peut-être ceux-ci font-ils répétition avec les décès signalés aux compagnies.

Sur ces renseignements une certitude ne peut s'établir parce que tous les états de décès peuvent ne pas s'être conservés, ou peuvent avoir échappé à nos recherches. Quoi qu'il en soit, et ajoutant à une vingtaine de morts le nombre relatif des blessés, on peut affirmer que le bataillon fut sérieusement touché.

Cet état du 3 août (544) (trente-cinq jours après le combat) était dressé en vue de l'amalgame du premier et du deuxième départementaire. Il porte pour titre : « Situation du premier bataillon départementaire depuis notre malheureuse affaire de Nort ».

La décomposition de cette pièce prouve l'existence de 297 hommes, y compris deux officiers titulaires, neuf hommes blessés et douze malades, D'un autre côté, le général Canclaux écrit, dans une lettre du 12 août, que les officiers du bataillon sont démissionnaires (524). Ce sont vingt unités ne figurant pas à l'état du 3 août. Nous avons donc pu établir le tableau ci-après :
Volontaires prisonniers à Saint-Florent : 90 hommes ; Officiers démissionnaires : 20 hommes ; Volontaires tués, environ : 20 hommes ; Volontaires sous les drapeaux au 8 août : 297 hommes.  Au total : 427 hommes.

L'effectif du corps de Meuris a toujours été donné pour quatre cents hommes, mais nous sommes sans confiance sur les affirmations lancées en l'air. Nous déclarons donc que notre tableau ne donnant qu'un contrôle d'approximation est plus que suffisant pour prouver que la grande majorité des soldats de Meuris survécurent au désastre de Nort.

Les prisonniers. Voici une lettre curieuse et touchante qui fut adressée par les prisonniers du 28 juin, qui, de Saint-Florent où d'abord ils avaient été internés, furent conduits plus tard à Beaupréau. Elle est adressée au Directeur du Département, et prouve qu'au mois de juillet 1793 l'humanité avait encore conservé les droits qu'elle devait perdre un peu plus tard.

« Copie d'une lettre des prisonniers faite dans l'affaire de Nord, en datte de Saint-Florent-le-Vieil, 3 juillet 1793,

Nantais,
Nous avons été fait prisonniers dans l'affaire de Nort ; nous n'avons éprouvé aucun mal ; nous avons été mené dans les prisons de Saint-Florent, avec tous les égards possibles, et Messieurs les combattants et soldats de l'armée catholique et royale nous ont traité en frères et amis, et ont employé tous leurs soins pour rendre notre captivité plus douce. Si le sort fait tomber dans vos mains des soldats de l'armée catholique et royale, traitez les comme ils nous traitent, comme des trançais. Si un échange peut quelque jour avoir lieu, songez que nous désirons ardemment revoir nos femmes, nos mères, nos enfants, et s'ils nous aiment qu'ils s'unissent à nos prières pour hâter cet heureux moment. Nous sommes, avec le désir de vous serrer dans nos bras, vos époux, vos frères, vos enfants  »
.  signé, « Les prisonniers de l'affaire du 28 juin ». (544).

Quelques prisonniers s'échappèrent et nous avons trouvé leur retour signalé à Nantes ; les autres durent, avec la quantité de Nantais pris à Legé et à Saint-Colombin, attendre pour être délivrés le grand et sublime geste de Bonchamp.

Licenciement du bataillon. Au mois d'août, le Conseil général de la commune de Nantes vota que des bas et des chaussures seraient accordés aux hommes du bataillon (A M. R 5 12 août). Au 16 août une suite de réclamations individuelles furent présentées au Conseil départemental ; il délibéra :

« .... Que le bataillon départementaire a eu tous les frais payés par le département .... Que ce bataillon n'a pas été reconnu comme faisant partie de l'armée .... Que dans ces conditions le département paierait les indemnités ».

A combien montèrent-elles ? Il est difficile de le savoir exactement. Le corps des officiers toucha une première et peut-être unique fois la somme de 4.824 livres (41, 12 août) ; un autre bordereau de 5.529 livres est affecté au règlement des volontaires (14 septembre) [Note : Les comptes du citoyen Fourmy, commissaire aux finances, certifient qu'une indemnité de 5.424 livres fut payée aux officiers et de 10.390 livres aux fusiliers (460)]. Ceux-ci touchèrent individuellement de soixante à quatre-vingt dix livres. Les états de réclamations sont suggestifs ; tous les hommes réclament pour la perte de leurs vestes et de leurs pantalons. Dans quel costume rentrèrent-ils à Nantes ? Certains demandent le remboursement de quatre vestes et de deux pantalons. Comment les portaient-ils ?

Le chiffre des indemnités avait au reste été fixé par arrêtés du Directoire départemental dans ses séances des 22 et 29 août ; les officiers touchèrent individuellement 450 livres, et 90 livres furent accordées pour le sac garni d'un volontaire. Les mêmes arrêtés signalent l'exagération de certaines demandes.

Le 3 juillet, le Comité central écrivit au général Canclaux :

« .... Vous savez que ce bataillon, créé quand nous n'avions pas d'autres troupes, a été licencié puis recréé et mis à votre disposition. Le voilà réduit à moitié comme nombre, sans canons, sans habits, sans fusils ; tout est tombé au pouvoir de l'ennemi. Faut-il faire des dépenses énormes pour une réorganisation ? » (95).

On se souvient que dès les premiers jours de juin le passage à la guerre et la fusion des deux unités départementaires s'agitaient. Le 31 juillet Canclaux reprend son idée et écrit :

« .... Les échecs qu'ils ont subis et divers obstacles empêchent qu'ils ne soient au complet ; il faut qu'ils passent au département de la guerre .... Le département n'a que deux bataillons sur pied, celui de la Martinique et des Pyrénées ; il peut fournir un troisième bataillon.

Le bataillon Martin (deuxième départementaire) a cinq cents hommes ; il lui en sera fourni cent qui sont à la caserne Sainte-Elisabeth ; les deux cents autres seront fournis par le bataillon Meuris. Il faut aviser les volontaires qui ne voudraient pas s'incorporer, d'avoir à se retirer après avoir rendu leurs armes et leur habillement » (542).

La liberté laissée aux volontaires allait prochainement être modifiée par les lois de la réquisition générale. Toujours est-il que l'ordre de Canclaux amena la dissolution du premier bataillon départementaire.

Le 17 août eut lieu la revue de licenciement, et sur l'avis exprimé par les volontaires, le drapeau fut solennellement déposé au club Vincent de la Montagne. « Comme dans le temple de la liberté, et pour célébrer la mémoire de Meuris qui était membre de la société ». (41).

Réflexions sur la défense de Meuris. A l'époque on sut gré à Meuris de sa défense du passage de Nort ; le 4 juillet le Comité central écrivait à Aubinet :

« Nous n'oublierons jamais le service que nous a rendu le bataillon Meuris ». (95).

Plusieurs autres preuves peuvent être rappelées ; dans les jours qui suivirent et en signe de reconnaissance on pensa même à la reconstitution de son bataillon, mais d'une part, sa mort survenue vers la mi-juillet, les ordres de Canclaux et les frais considérables auxquels ces milices avaient entraîné le département firent modifier les intentions.

Après avoir fait la part des exagérations, des mensonges et des légendes, mis sur le compte de troupes sans consistance la déroute des républicains, on juge comme autrefois du service que Meuris rendit aux Nantais, en pensant que le retard de d'Elbée à la journée du 29 juin est principalement dû à la perte de temps causée par la défense de Nort.

Meuris, avec des soldats fort mal entraînés, fit donc œuvre de vaillance et de patriotisme, il osa une action de guerre en campagne, quand Canclaux, aux portes de Nantes, y renonçait dans les mêmes conditions. Enfin il avait tenu sa promesse de Mauves, et fait ce qui lui était possible pour arrêter l'ennemi. Un souvenir de reconnaissance lui est justement dû.

Le citoyen qui par ses vertus, son patriotisme ou sa vaillance s'est distingué, honore son pays et sert d'exemple aux générations qui le suivent.

(A. Velasque).

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