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L'ASSEMBLÉE SAINT-ARMEL A BEAUCÉ MENTIONNÉE DANS UN AVEU DE 1434

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Un aveu de la terre du Boisfévrier en Fleurigné, de l'année 1434, rendu par Jehan Febvrier, contient le passage suivant : « Comme sergent de Flouriné lui appartient le havaige de la faire et assemblée de la Magdeleine près Fougières et du jour saint Armel, en Beauxé, tant de vans que d'autres choses ». — Plusieurs autres aveux postérieurs relatent le même fait. L'assemblée de Saint-Armel se tenait le jour de la fête de ce saint, 16 août.

Quelle était l'origine de cette assemblée ? C'est une question qu'on ne semble jamais s'être posée jusqu'à ce jour et qui pourrait cependant avoir un certain intérêt. Nous voudrions ici essayer d'y répondre et nous ne croyons pas inutile d'exposer quelques remarques peut-être assez curieuses que nous avons faites à ce sujet.

Un mot d'abord très court sur ce que l'on sait de la vie de saint Armel.

Ce saint personnage vivait au VIème siècle, de 482 à 552, d'après les Bollandistes. — Né en Grande-Bretagne, il passa dans notre péninsule et s'établit dans le pays de Léon où il fonda un premier monastère dans la paroisse de Plouarzel, qui garde son nom et où il obtint toute la confiance du comte Withur et de l'évêque saint Paul Aurélien. Il semble avoir été envoyé par eux, d'après M. de la Borderie (I, 350), vers le roi Childebert pour quelque mission relative à l'administration du diocèse de Léon. Il était, dit dom Lobineau, accompagné dans cette circonstance par tous ses compagnons. Mais ces derniers ne restèrent que peu de temps près du roi. Ils demandèrent la permission de se retirer et Childebert les congédia, accordant à chacun d'eux des terres pour y bâtir des ermitages, en sorte que peu retournèrent à Plouarzel. — Quant à saint Armel, il fut retenu six ans près du roi de Paris, et ce dernier lui donna, à quatre lieues au sud de Rennes, un domaine situé sur les bords de la rivière de Seiche, désirant le voir s'établir dans une région moins éloignée de lui que l'extrémité de l'Armorique. Le saint y fonda un nouveau monastère dont le nom de la paroisse Saint-Armel marque l'emplacement. Mais le zèle du pieux moine ne pouvait se renfermer dans l'étroite enceinte d'un couvent. L'auteur de sa vie nous le représente visitant fréquemment ses anciens disciples établis dans les ermitages qu'ils devaient aux libéralités de Childebert. Il allait partout, convertissant les payens et les idolâtres encore nombreux dans le pays. C'est ainsi que dans ses courses apostoliques il arriva jusqu'aux limites de la vieille forêt de Brecilien, sur les rives de la rivière d'Ivel, au lieu même où s'élève aujourd'hui la ville de Ploërmel, qui a gardé son nom.

En ce lieu se croisaient plusieurs voies romaines et leur rencontre avait pu, amener déjà un certain groupement de populations payennes. Ne serait-ce pas le souvenir de cette antique agglomération que l'on retrouve dans ce vieux quartier portant le nom de Guibourg, dont nous parle l'annotateur d'Ogée, comme existant longtemps avant saint Armel. Bien entendu, nous n'admettons aucunement les diverses étymologies qu'on a voulu donner de ce nom, pas plus celle de bourg du gui que celle de bourg de Guy, cette dernière venant d'un prétendu seigneur nommé Guy qui eût été le premier fondateur de Ploërmel. Comme le dit fort bien M. de la Borderie, le nom de Guy n'est ni breton ni armoricain, et tout cela est imaginaire. Nous croirions plutôt que ce mot de Guibourg pourrait venir plutôt de « vicus burgi » ou « vici burgus » et indiquerait la présence en ce lieu d'un ancien vicus gallo-romain dont l'existence nous semble assez vraisemblable, au point de jonction de plusieurs routes anciennes. Nous savons du reste que le saint missionnaire, dans ses voyages à travers les solitudes de l'Armorique, recherchait ces centres de payens pour les ramener à la lumière du christianisme.

« Timens ne populari favore vitam sanctam macularet, ad deserta loca Britanniœ erupit, et antiqua paganorum commenta idolorumque figmenta destruens, omnem viliorum labem extinguere conabatur » (Vie de saint Armel, cap. 5).

« Craignant, dit l'auteur latin, de voir la sainteté de sa vie mise en péril par la vénération qu'il inspirait à son entourage, il s'enfuit vers les régions les plus désertes de la Bretagne, détruisant les erreurs, renversant les idoles des payens, et s'efforçant de les arracher aux souillures de leurs vices honteux ».

L'apostolat du saint eut là, comme partout, un plein succès. Il se fit bientôt de nombreux disciples. Ils s'unirent à lui pour faire des défrichements et formèrent un plou qui a gardé son nom. Il paraît avoir séjourné tantôt dans ce lieu, tantôt à Saint-Armel, s'occupant toujours de convertir les idolâtres, visitant les nombreux ermites restés sous sa direction, et parcourant sans cesse les pays environnants pour y porter les lumières de la foi. Agriculteur intrépide, comme tous les moines bretons, il s'occupait non seulement de la conversion des âmes, mais du soin des animaux employés aux défrichements : — « Non salum homines a dœmonibus liberans, sed etiam animalia bruta, utpote Domini creaturas, diversis languoribus ad vitœ sanitatem revocabat. » — Il paraît être mort, le 16 août, Saint-Armel, près de Rennes.

Revenons maintenant à Beaucé et faisons quelques observations assez intéressantes.

On fait en ce moment, à deux cents mètres environ de ce bourg, au village de la Salle, la découverte fort curieuse d'un établissement gallo-romain important. Toutes les pièces de terre voisines de ce village sont littéralement couvertes de débris de tuiles à rebord, de poteries samiennes, de débris d'amphores, etc. On a signalé des murailles en petit appareil, on a constaté le passage d'une voie romaine faisant communiquer Jublains avec Aleth, etc. Des fouilles vont incessamment être entreprises par les soins de la Société archéologique d'Ille-et-Vilaine, et tout fait espérer qu'elles seront fructueuses.

Or, ce village de la Salle est situé sur une pièce de terre portant au cadastre le n° 191, section B, et cette pièce est appelée dans l'état de section, le Champ de Saint-Termel ; évidemment, il faut lire saint Armel. On se dira tout d'abord qu'elle porte ce nom parce que l'assemblée dont nous avons parlé se tenait en ce lieu chaque année, et nous ne demandons pas mieux que de le croire, mais ceci ne nous explique pas pourquoi cette assemblée avait été établie.

Tout contre la pièce de terre en question et l'enserrant presque du côté de l'Est, il en est une autre qui porte le n° 190 et s'appelle le Montlouis. La tradition locale veut que là ait été l'ancien cimetière de Beaucé, bien qu'à ma connaissance on n'y ait jamais trouvé de traces de sépultures. On se demandera peut-être si l'église primitive de Beaucé n'était pas située dans la pièce 191 et originairement mise sous l'invocation de saint Armel. Mais l'église actuelle, reconstruite au XVIIIème siècle, a conservé des parties fort anciennes, et M. Maupillé remarque qu'un vieux pan de muraille porte des traces de baies romanes, prouvant qu'elle remonte au XIème ou XIIème siècle. Or, cette église a toujours été sous l'invocation de saint Martin.

Y aurait-il eu là une chapelle dédiée à saint Armel ? Cela paraît assez vraisemblable ; mais le souvenir s'en est entièrement perdu et on n'a conservé dans le pays la mémoire d'aucun culte rendu à ce saint. Personne même ne se souvient de cette assemblée de Saint-Armel, mentionnée dans un aveu de 1434. La seule tradition qui se soit conservée est celle de ce prétendu cimetière.

N'oublions pas que ce mot de cimetière n'a pas toujours été synonyme de celui de lieu de sépulture. Au moyen-âge, beaucoup de chapelles et d'églises étaient devenues des lieux d'asile ou de refuge où pouvaient se retirer ceux que poursuivait la justice, la haine ou la violence, et cette immunité s'étendait à leur entourage. Ce fut là la première origine des cimetières. Ce nom était donné aux lieux d'asile formant généralement le pourpris d'une chapelle, d'un ermitage, où, comme l'on dit en breton, d'un Minihy. Comme, dans tous les temps, la piété des fidèles leur fit désirer que leur dépouille terrestre reposât près des lieux consacrés, on prit l'habitude d'enterrer les corps dans les cimetières. De là cette appellation donnée par extension à tous les lieux de sépulture. Des exemples de ce fait se rencontrent dans les environs mêmes de Fougères.

Nous voyons, au XIIème siècle, l'Evêque de Rennes consacrer à la chapelle Saint-Aubert un cimetière « quoddam cimeterium ad refugium tantum vivorum, non ad sepulturam mortuorum ». — « Non pas comme lieu de sépulture, mais comme lieu d'asile ; » et il y a des raisons très sérieuses de croire que ce cimetière était un enclos entourant la cabane d'un ermite.

De même la dame de Fougères, Adélaïde, et son fils Raoul Ier rebâtissent, au XIème siècle, l'église de Saint-Martin-des-Bois, jadis située dans la forêt, « in cimiterio quod Agnellus dicitur ». — « Dans le cimetière qui est appelé Laignelet ; » et nous avons des motifs encore plus sérieux, pour ne pas dire certains, de croire que ce cimetière de Laignelet était un lieu d'asile entourant la demeure où s'était retiré un des ermites de la forêt de Fougères au temps de saint Vital. Il y a sur ce dernier point une étude curieuse à faire.

On pourrait en trouver d'autres exemples.

Donc au XIème, et sans doute antérieurement, les cimetières étaient de simples lieux de refuge entourant un lieu consacré et fréquemment la cellule d'un pieux solitaire. Remarquons que, sur le bord même du champ appelé le Saint-Armel, se trouve l'antique village de la Salle, dont l'étymologie pourrait bien venir de Cellula.

Il y aurait donc quelques raisons de croire qu'il existait très anciennement en ce lieu un oratoire dédié à saint Armel, qui serait devenu un lieu d'asile, oratoire antérieur à la formation de la paroisse de Beaucé. Là, peut-être, serait venu s'établir un de ces compagnons du saint, doté par Childebert d'une petite portion de terre. Remarquons que tout auprès se trouve cet antique établissement gallo-romain dont on découvre aujourd'hui les restes. On dira que cet établissement avait dû, comme presque tous ceux de cette époque, être détruit par les invasions barbares. Alors, si ce centre de population n'existait plus, que venait faire un missionnaire dans cette région ? Nous répondrons que les habitants de cette localité avaient pu survivre au désastre et revenir, après le départ des barbares, se réfugier dans les environs, par exemple à Iné, cette bourgade que toutes les traditions représentent comme antérieure à Fougères.

Quoi de plus naturel alors qu'un disciple de saint Armel soit venu établir son ermitage, sa cellule, dans les ruines mêmes de l'ancien établissement gallo-romain, pour prêcher et convertir les payens du voisinage. Naturellement, le nom de leur chef eût été donné à ce petit monastère, en souvenir peut-être des visites qu'il avait pu y faire. Le vague souvenir de ces faits fût resté en ce lieu, et le pèlerinage que l'on faisait jadis à l'ermitage de Saint-Armel serait devenu plus tard la foire de Saint-Armel.

Remarquons qu’à cette foire de Saint-Armel on vendait principalement des objets de vannerie. Or, nous voyons dans la très curieuse histoire de l'abbaye de Savigny, que l'occupation des ermites de la forêt de Fougères, consistait surtout dans des ouvrages de ce genre. Est-ce que ce n'aurait pas été aussi celle de l'ermite ou des ermites du petit moustier de la Salle ? C'est encore une question que nous nous contentons de poser.

Tout cela n'est qu'hypothèse, nous le voulons bien et nous ne le donnons pas pour autre chose. Saint Armel du reste, nous l'avons dit, était habile dans l'art de soigner et de guérir les animaux, et les habitants de nos campagnes l'invoquaient sans doute à ce titre, comme nous les voyons encore aujourd'hui se presser en foule, le vendredi-saint, autour de la petite chapelle Saint-Eustache, en Saint-Étienne, pour obtenir la santé et la guérison de leurs bestiaux ; mais, pour que ce culte se soit établi spécialement à Beaucé, il n'en faut pas moins une raison particulière, et c'est ce qui nous a fait proposer une explication au sujet de laquelle nous nous gardons bien d'être trop affirmatif et que nous ne donnons que pour ce qu'elle vaut.

(Vte le Bouteiller).

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