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CAHIER DE DOLÉANCES DE BOURG-DES-COMPTES EN 1789

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Subdélégation de Rennes. — Département d'Ille-et-Vilaine, arrondissement de Redon, canton de Guichen.
POPULATION. — En 1789, environ 300 feux ou ménages (Procès-verbal) ; — en 1793, 1.442 habitants (Arch. d'Ille-et-Vilaine, série L).
CAPITATION. — Total en 1789, 1.487 l. 1 s. 2 d., se décomposant ainsi : capitation, 975 l. 5 s. ; 21 d. p. l. de la capitation, 85 l. 6 s. 7 d. ; milice, 124 l. 12 s. ; casernement, 301 l. 17 s. 7 d. (Ibid., C 3981).
VINGTIÈMES. — 1.372 l. 15 s.
FOUAGES. — 25 feux. — Fouages ordinaires, 274 l. 8 s. 7 d. ; garnisons, 81 l. 17 s. ; fouages extraordinaires, 481 l. 11 s. 10 d.
OGÉE. — A 5 lieues au S. de Rennes. — 1.100 communiants. — Ce territoire, baigné à l'Ouest par la rivière de Vilaine, au Nord par celle de Creven, au Sud par celle de Bruc ou de Semnon, est fertile et abondant en grains de toutes espèces, en foin et en fruits dont on fait du cidre. Les landes y sont rares.

PROCÈS-VERBAL. — Assemblée électorale, le 1er avril, au lieu ordinaire des délibérations, sous la présidence de Pierre-Jean Lefeuvre de la Hunelais, procureur fiscal de la juridiction du Boschet, « attendu l'absence de Monsieur le sénéchal ordinaire » ; adjoint, Me Pierre-Armel Garnier, greffier. — Comparants : Coppale de la Borgnière ; Lefeuvre Delamare Desnoës ; Joseph Artur ; François Bouget ; Julien Bonjour ; Jean Robert ; Pierre Allaire ; Joseph Piolin ; Jean Rillet ; Jacques Pontais ; Pierre Rouessard ; Pierre Legaud ; Barthélemy Bouchard ; Pierre Greffier ; Joseph Tirel ; Julien Poirier ; Pierre Rillet ; Julien Clermont ; Julien Fallaise ; Joseph Blouet ; François Feuvis ; Jean Boignard ; Jacques Ramasseul ; Joseph Fallaise ; Pierre Potier ; Jean Tournerie ; Jean Lépinay ; Joseph Fresnel ; Jean Tirel ; Pierre Tascher ; Julien Rillet ; Pierre Artur ; Julien Rillet Guisonnière ; François Garçon ; René Bourge ; Pierre Godet ; Yves Gérard ; Pierre Tirel ; Joseph Tirel ; Jean Fresnel ; Pierre Gesnis ; Pierre Fallaise ; Louis Rillet ; Jean Richard ; Pierre Letrot père ; Pierre Letrot fils ; François Guillard ; Jean Richard ; Julien Lépinay ; J. Guillemin ; Jean Frenel ; Joseph Lorant ; François Trochu ; Thomas Hurel ; Jean Trochu ; Joseph Gesnouin ; Pierre Bouget ; Louis Leveil ; Luc Leveil ; Jean Godet ; Jean Soulatre ; Julien Clermont ; Louis Trochu ; Jean Deniar ; Jean Huet ; Jean-François Bourge ; Joseph Deniel ; Jacques Tirel ; Joseph Jouin ; Jean Danrée ; Michel Lenormand ; Pierre Péron ; Donatien Lecote ; Louis Farcheur (?) ; Thomas Lessage ; Jean-Louis Massé ; Pierre Garçon ; Jean Het ; J. Rochery. — Députés : Pierre Artur ; Joseph Tirel d'Epineu ; Jean Robert ; René Bourge.

 

Remontrances, plaintes et doléances des habitants de la paroisse de Bourg-des-Comptes, évêché de Rennes.

Note : Les parties imprimées en italique sont tirées des Charges d'un bon citoyen de campagne.

SIRE,
Par votre règlement du vingt-quatre janvier et par votre lettre et règlement du seize mars dernier, nous avons eu la satisfaction d'apprendre votre résolution juste et bienfaisante d'entendre tous vos sujets, sans distinction de rang et de fortune. Vous voulez que nous concourions à nommer nos représentants ou députés aux Etats généraux, que vous avez fixés au vingt-sept de ce mois, et que nous ayons la faculté de vous faire connaître nos souhaits et nos doléances. Votre bonté paternelle nous y invite ; ainsi rien ne peut nous détourner de répondre à la sagesse de vos vues, ainsi nous vous disons avec confiance :

SIRE,

[1] Nous nous plaignons de l'inégalité de la répartition des impôts.

[2-3]. — §§ 6-7 des Charges d'un bon citoyen de campagne.

[4] D'être seuls assujettis à la corvée des grandes routes, qui a dépeuplé nos campagnes de gens à l'aise et augmenté notre misère (voir la note qui suit).

Note : La corvée de cette paroisse s'effectuait, en 1788, sur la route de Rennes à Nantes ; elle était longue de 1.096 toises et avait son centre à 2 lieues du clocher (Arch. d’Ille-et-Vilaine., C 4883).

[5] Du sort de la milice, qui nous enlève des enfants utiles et souvent nécessaires au labourage et sans aucun talent pour les armes (voir la note qui suit).

Note : De 1781 à 1786, la paroisse de Bourg-des-Comptes fournit 4 miliciens, savoir : 1 en 1781, 1 en 1784 et 2 en 1786. En 1781, sur 124 jeunes gens présents au tirage, 74 furent exemptés ou réformés ; en 1784, il y en eut 63 sur 97 et, en 1786, 66 sur 123 (Ibid., C 4704).

[6] Des corvées et servitudes féodales, trop étendues et trop onéreuses, et d'autant plus odieuses que, par la mauvaise rédaction d'un aveu, elles se multiplient souvent et deviennent ruineuses pour le vassal (voir la note qui suit).

Note : Sur les seigneuries qui avaient leur siège dans la paroisse de Bourg-des-Comptes, voy. GUILLOTIN DE CORSON, Statistique historique et monumentale du canton de Guichen, dans les Mém. de la Soc. archéol. d'Ille-et-Vilaine, t. IX (1875), pp. 49-55 ; sur la principale de ces seigneuries, celle du Boschet, voy . ID., Grandes seigneuries de Haute-Bretagne, 2ème série, pp 68-74. — D’après un état dressé en 1773, les redevances féodales dues à la seigneurie du Boschet rapportaient : celles en avoine grosse, estimée 2 l. 5 s. le boisseau, 11 l. 5 ; celles en avoine menue estimée 2 l. le boisseau, 1.752 l. 5 s. ; celles en argent 255 l. 18 s. ; celles en froment, estimé 5 l. le boisseau, 60 l. ; celles en chapons estimés 8 s. la pièce, 5 l. ; celles en poules, estimées 4 s. la pièce, 15 l. 17 s. ; celles des corvées, estimées 4 s. l’une, 8 l. 11 s. 8 d. ; celles en poulets, estimés 2 s. 6 d., 7 s. 6 d. ; les éperons dorés que devait chaque année, le 24 juin, le propriétaire de la Maison Blanche au bourg de Bourg-des-Comptes étaient estimés 1 l. Du mois de janvier 1768 au mois d’avril 1773, les lods et ventes ont produit 4.496 l. 12 s 11 d. ; les droits de recette, 284 l. 4 s. (Arch. d’Ille-et-Vilaine, série E, titres de la seigneurie du Boschet).

[7] — §§ 4 et 8 des Charges...

1° — Nous souhaitons conserver les droits de citoyen et être admis à l'avenir à nous faire représenter à toutes assemblées nationales, et que le nombre des représentants soit au moins égal à celui des deux premiers ordres, et que les voix y soient comptées par tête et non par ordre.

2° — Que nos représentants ne soient ni nobles, ni anoblis, ni choisis parmi les officiers de juridictions seigneuriales.

3° — Que, dans toutes nos assemblées, nul ne puisse nous présider qu'il ne soit élu à la pluralité des suffrages.

4° — Que la liberté du Tiers soit aussi sacrée que celle de tous autres citoyens ; que tous enrôlements forcés soient supprimés, sauf à les remplacer par les enrôlements à prix d'argent.

5° — Nous supplions très humblement le Roi qu'à l'avenir il ne puisse être établi aucun impôt que du consentement unanime de la Nation assemblée ; que tous impôts, de quelques espèces qu'ils puissent être, soient supportés d'une manière égale et par les trois ordres sans distinction, et que la répartition en soit faite en chaque paroisse par des gens notables nommés égailleurs à cet effet, lesquels imposeront chacun suivant et relativement à ses propriétés, même à même à leurs aisances dans leur ménage, et ce dans un seul et même rôle.

6° — Que l'ouverture et entretien des grands chemins soient à la charge de tous les habitants des paroisses sans distinction, tant nobles qu'ecclésiastiques et roturiers, et qu'il soit assigné par les députés de chaque paroisse à chacun une tâche au marc la livre de son imposition.

7° — Que les franc-alleu soit de droit public ; c’est le seul moyen de nous attacher à nos propriétés.

8° — § 14 des Charges...

9° — Que le Tiers Etat soit admis à posséder charges au Parlement en nombre égal aux deux autres ordres, et que le seul mérite décide en faveur des aspirants.

10° — Que la justice ne puisse être rendue à l'avenir qu'au nom de Votre Majesté ; que nous ne puissions être traduits que dans les tribunaux ordinaires établis par elle, même pour les contestations d'entre le seigneur et le vassal.

11° — Que les seigneurs possédant fiefs soient tenus de faire recevoir à leurs frais à l'hôpital les bâtards abandonnés à la charge des paroisses, comme ayant seuls dans notre Coutume le droit de recueillir leurs successions.

12° — Que tous seigneurs et autres propriétaires soient tenus de clore de fossés leurs bois, de manière à être garantis de l'entrée des bestiaux ; cela évitera les saisies journalières que font souvent frauduleusement les gardes et qui sont absolument ruineuses pour les riverains.

13° — Que toutes pensions accordées à la noblesse, ainsi que tout établissement de maisons pour son éducation, soient fournies et défrayées par le seul ordre de la noblesse, sans aucune contribution de la part du Tiers.

14° — Que la marine soit à l'avenir composée distinctement de la Noblesse et du Tiers pour exciter l'émulation et que, pour parvenir à l'éducation de l'un et l'autre ordre en cette partie, il soit établi deux écoles séparées.

15° — Que toutes servitudes et prestations féodales soient franchissables au denier vingt, sur la vue des titres primordiaux et sans considération du contenu aux aveux inféodés.

16° — Que les droits de fuies, garennes et colombiers soient supprimés, à raison des torts et dommages qu'ils causent aux cultivateurs des campagnes, et qu'à l'avenir la noblesse n'ait plus seule le droit privatif et prohibitif de chasser et détruire le gibier, qui ravage les moissons de l'agriculteur.

17° — Que les corvées féodales soient absolument supprimées, faute de salaire de la part des seigneurs.

18° — Que les seigneurs ne puissent forcer que dans l'année à payer leurs rentes, passé duquel temps elles seront prescrites.

19° — Qu'il plaise à Votre Majesté assujettir à la rétention des vingtièmes les rentes féodales et seigneuriales, tout ainsi que le sont les rentes foncières et constituées, et que cette loi ait un effet rétroactif à l'époque de ces vingtièmes (voir la note qui suit).

Note : Les règlements qui régissaient l'imposition des vingtièmes, soit dans l'ensemble du royaume, soit particulièrement dans la province de Bretagne, ne prévoient nullement une exemption en faveur des rentes féodales, et les déclarations faites à l'époque de l'établissement de cet impôt par les assujettis mentionnent les revenus féodaux à côté des revenus fonciers. Les Etats de Bretagne, ayant obtenu l'abonnement de cet impôt, le transformèrent en un véritable impôt de répartition, assis comme la capitation, mais des plaintes s'élevèrent de toutes parts sur l'inégalité avec laquelle fut effectuée cette répartition, au profit de la noblesse et au détriment du Tiers : de là peut-être la pensée est-elle venue à quelques-uns que les revenus féodaux étaient exempts de cet impôt. Pour ce qui est des rentes constituées, les débiteurs de ces rentes retenaient le vingtième de leur montant, car, payant eux-mêmes le vingtième de tous leurs revenus, il semblait équitable qu'ils en déduisissent la partie afférente aux sommes qu'ils avaient empruntées : les prêteurs étaient en réalité les véritables bénéficiaires du revenu de la somme prêtée. Pour les rentes féodales, l'Instruction de Machault, du 19 juillet 1754, prévoyait seulement qu'elles seraient déduites du revenu des tenanciers. Voy. Ant. DUPUY, Administration municipale de la Bretagne, pp. 184-189 ; H. SÉE, Classes rurales en Bretagne du XVIème siècle à la Révolution, pp. 329-335 ; la question sera complètement étudiée par M. RÉBILLON dans le travail qu'il prépare sur l'administration financière de la Bretagne au XVIIIème siècle.

20° — Que chaque particulier soit, sans finance et sans inquiétude de la part des seigneurs, autorisé dans la liberté d'avoir chez soi une meule à bras pour moudre les blés noirs ; l'usage de ce petit moulin est de temps immémorial et un très grand préservatif contre la famine dans les campagnes.

21° — Que les obligations résultantes des afféagements des landes et communs soient déclarées nulles et de nul effet (voir la note qui suit).

Note : L'état de la seigneurie du Boschet, déjà cité, mentionne un revenu annuel de 24 l. pour l « afféagement du Bois des Isles » (Arch. d’Ille-et-Vilaine, série E. fonds du Boschet).

22° — Qu'un certain droit féodal, appelé recepte et connu dans un très petit nombre de seigneuries, soit supprimé ou au moins qu'il soit défendu aux seigneurs de percevoir plus d'un droit par chaque succession directe et collatérale.

23° — Que la dîme, ce droit odieux qui prive le cultivateur de la plus belle portion de sa récolte et qui est si bizarrement perçu, soit supprimée (voir la note qui suit).

Note : La dîme se percevait à la dixième gerbe (GUILLOTIN DE CORSON, Pouillé, t. IV, p. 200). L'abbaye de Redon, qui l'avait autrefois possédée (Ibid.), n'en avait plus, depuis le XVIème siècle, que trois traits (Arch. d'Ille-et-Vilaine, H 145). La seigneurie du Boschet percevait la dîme dans les traits suivants, qui ne se trouvaient peut-être pas tous sur le territoire de Bourg-des-Comptes : la Roche, 350 l. ; Nachebout et Traviguet, 40 l. ; Sainte-Anne, 30 l. ; le Poret, 24 l. ; le Pont, 9 l. ; la Marche, 4 l. 10 s. (Ibid., série E, fonds du Boschet).

24° — Qu'aucun privilège pécuniaire ne soit plus particulier et privatif à un ordre qu'à l'autre, et que le Tiers Etat soit exempt, comme le Clergé et la Noblesse, des casernements, milices, francs-fiefs, droits sur les eaux-de-vie et autres liqueurs.

25° — Que tous les biens ecclésiastiques quelconques soient calculés pour, d'après, être à chaque propriétaire, communautés, abbayes et paroisses assigné un fonds ou rente annuelle raisonnable, et le surplus rentrer au profit de l'Etat et des pauvres.

26° — § 19 des Charges..., avec addition des mots « dans notre paroisse », après « autorisés ».

27° — § 22 des Charges...

Arrêté dans la sacristie de cette paroisse de Bourg-des-Comptes, en présence et du consentement des soussignants et de beaucoup d'autres qui ne savent signer, ce premier avril 1789.

Par addition (voir la note qui suit) : les habitants de Bourg-des-Comptes supplient très humblement Sa Majesté de promulguer une loi qui fixe un court délai, par exemple un an tout au plus, dans lequel les procès soient finis et jugés.

Note : Toute cette addition est d'une écriture différente et de la main du président Lefeuvre de la Hunelais.

Que les droits attribués aux officiers dans les justices, ainsi que ceux accordés aux prêtres, soient réformés et qu'il soit défendu aux uns et aux autres de percevoir des vacations plus considérables qu'avant ce jour.

Que les seigneurs ne puissent se faire rendre aveux qu'à leurs frais, et que la perception de leurs rentes soit absolument aussi à leurs frais.

Arrêté comme devant.

[Suivent 60 signatures, plus celles du président Lefeuvre et du greffier Garnier].

(H. E. Sée).

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