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DÉLIBÉRATIONS DE BOURG-DES-COMPTES EN 1789

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DÉLIBÉRATION du 1er janvier 1789 à Bourg-des-Comptes.
(Arch. commun. de Rennes, Cart. des Aff. de Bretagne, E ; — publ. par E. DUPONT, La condition des paysans dans la sénéchaussée de Rennes, pp. 207-213).

Le jeudi 1er janvier 1789, nous soussignés, délibérants, formant le corps politique du général de la paroisse de Bourg-des-Comptes, nous étant assemblés suivant la convocation qui en fut faite dimanche dernier à la diligence de nos trésoriers en charge, et renouvelée ce jour, ayant avec nous plusieurs anciens marguilliers et propriétaires dans notre dite paroisse, après avoir pris lecture des arrêtés de la Maison de Ville de Rennes, des délibérations prises en conséquence par plusieurs généraux de paroisse et notamment de l'extrait commun des délibérations des dites paroisses de la ville de Rennes du dix-neuf décembre dernier ;

Considérant que, si nous n'avons pas autant de lumières et de connaissances que l'on en peut trouver parmi les habitants des villes, nous avons du moins comme eux le bon sens et la raison, un sentiment plus profond des maux qui nous affligent, et une connaissance plus complète des abus dont nous sommes journellement les victimes ; que, si jusqu'à présent nous avons langui dans le silence, sans oser faire éclater nos justes plaintes, c'est que jusqu'à présent nous ne savions à qui les adresser ; que nous avions toujours été oubliés et comptés pour rien dans l'administration de la chose publique, ou que, si l'on songeait à nous, ce n'était jamais que pour nous faire payer des impôts et noue accabler de corvées de toutes espèces, que l'on nous traitait comme des esclaves, et que tous les riches propriétaires qui n'étaient pas nobles, et qui auraient pu nous aider et faire entendre nos réclamations, étaient obligés de fuir le séjour des campagnes et de se retirer dans les villes pour se soustraire à l'oppression sous laquelle nous gémissons.

Aujourd'hui que les villes songent enfin à rendre la liberté aux campagnes qui les nourrissent, aujourd'hui que l'espoir d'une liberté prochaine nous rend toute l'énergie que nous portons au fond du cœur et que nos maux n'ont pu parvenir à éteindre, nous ne crain drons point d'élever la voix contre les fléaux qui nous accablent et de dire notre avis sur les grandes questions qui doivent s'agiter aux Etats et qui nous paraissent pouvoir se résoudre par le simple bon sens et la droite raison.

(1°) Nous bénissons les hommes humains et bienfaisants qui songent à nous délivrer du terrible fléau de la corvée. Ces grands chemins qui nous ont coûté tant de sueurs et de larmes, nous pourrons donc désormais les voir sans murmurer et nous oublierons les maux qu'ils nous ont causés, en songeant que nous en sommes délivrés pour toujours. Il nous avait toujours paru injuste que les seigneurs et les riches bourgeois, qui profitent plus que nous des grands chemins, ne contribuassent en rien à les réparer.

(2°) Nous prions MM. les députés aux Etats de la province de songer que la corvée des grands chemins n'est pas la seule dont nous avons à nous plaindre. Nos seigneurs ont beaucoup de moulins, qui ont souvent besoin de réparations, soit pour les chaussées, soit pour les bâtiments. On nous oblige non seulement à aller chercher tous les matériaux, mais encore à curer tous les biés avant que les maçons travaillent et après qu'ils ont travaillé, et tout cela sans nous payer, et même sans nous nourrir. Ces corvées, qui sont fréquentes et qui se renouvellent plusieurs fois l'an, nous grèvent infiniment. Nous avons demandé à des avocats si la Coutume nous obligeait à ces corvées ; ils nous ont répondu que non, mais que le Parlement avait rendu un arrêt pour nous y contraindre. Nous avons demandé pourquoi le Parlement avait rendu un arrêt si injuste et contraire à la Coutume ; on nous a répondu que c'était parce qu'il n'y a dans le Parlement que des nobles et des seigneurs qui ont des moulins (voir la note qui suit).

Note : L'article 88 de la Coutume de Bretagne, qui régissait les corvées féodales, ne mentionnait pas celles des moulins, mais l'on voit, dans la riche annotation de l'édition donnée en 1745 par POULLAIN DU PARC. t. I, pp. 345-348, que cette question était alors un objet de discussion parmi les jurisconsultes ; de fait, un arrêt rendu par le Parlement le 22 août 1744, au profit de Charles-Marie de La Bourdonnaye, président aux Enquêtes, contre plusieurs vassaux de la seigneurie de la Juliennaye, en Saint-Etienne de Montluc, étendit cet article aux réparations de moulins (aux Archives d'Ille-et-Vilaine, série B, fonds du Parlement, les arrêts de Grand'Chambre de 1744 sont en déficit ; voy. le commentaire de cet arrêt dans le Journal du Parlement, de POULLAIN-DUPARC, t. III, pp. 507-514. Voy. aussi POULLAIN-DUPARC, La coutume et le jurisprudence coutumière de Bretagne dans leur ordre naturel, 3ème éd., 1778, p. 51).
Nous savons que le fief de Pléchâtel, appartenant à l'abbaye de Redon, comprenait deux moulins situés sur la rivière du Samnon, au territoire de Bourg-des-Comptes, l'un à blé et l'autre à foulon (Arch. d’Ille-et-Vilaine H 145). Le seigneur du Boschet possédait le moulin de la Bouëxière, loué 1.000 l., celui de la Chalouzais, loué 360 l., et le petit moulin du Samnon, loué 240 l. (Etat de 1773, déjà cité ; Ibid., série E, fonds du Boschet).

(3°) N'ayant pas le moyen de manger du pain, nous mangeons de la galette de blé noir. Nous avions toujours fait moudre nos blés noirs à de petits moulins et à des meules à bras. Notre seigneur a voulu faire casser nos meules et nous obliger à moudre ces blés noirs à ses moulins ; nous lui avons dit que nos meules à bras nous étaient nécessaires, parce que ses meuniers ne voulaient point moudre de blé noir et parce que ses moulins sont en chômage pendant plus d'un quart de l'année ; il nous a répondu que nous n'avions pas droit de nous servir de meules à bras, même pendant le chômage de ses moulins.

Nous lui avons dit qu'il voulait donc nous réduire à mourir de faim, car, si nous n'avions point de meules à bras, nous ne pourrions pas avoir de farine.

Il nous a répondu que c'était l'injurier, et il a fait appeler plus de soixante de ses vassaux au Présidial. On nous a dit que nous y gagnerions notre procès, mais que nous le perdrions au Parlement, parce qu'il n'y a que des seigneurs nobles, qui ont tous des moulins. Nous prions donc MM. les députés de demander aux Etats qu'il y ait aussi des bourgeois dans le Parlement, afin que nous puissions y obtenir justice.

(4°) Nous prions MM. les députés de demander la réformation des lois relatives à la reddition des aveux. C'est un des fléaux les plus ruineux pour nous, par les abus et les vexations horribles auxquelles il sert de prétexte. Nous ne voulons pas priver les seigneurs de leurs droits légitimes, mais le bon sens nous dit qu'ils n'en doivent pas abuser pour opérer notre ruine ; il nous paraît donc qu'il serait nécessaire de réformer les lois féodales de manière à concilier l'intérêt des seigneurs avec la tranquillité des vassaux. On nous a dit qu'un ministre avait eu ce projet-là. Dieu bénisse la mémoire de ce bon ministre ! Puissent tous les ministres lui ressembler ! Puissent notre bon Roi et les Etats généraux mettre à exécution un projet si salutaire !

(5°) Le franc-fief est encore un des fléaux les plus ruineux pour nous tant par les vexations et les recherches odieuses des contrôleurs, qu'à cause que cet impôt est par lui-même exorbitant. Nous sommes ruinés quand nous possédons des terres nobles et les contrôleurs veulent absolument que toutes les terres soient nobles.

C'est avec la plus vive reconnaissance que nous voyons les villes demander la suppression d'un impôt qui nous fait tant de mal. On nous a dit que les pairs de France, le Parlement de Paris et beaucoup de seigneurs et princes de la cour demandent la suppression de tous les impôts qui ne sont supportés que par le peuple (voir la note qui suit). Ces bons seigneurs ont raison. Est-ce qu'il n'est pas injuste de faire payer plus le pauvre que le riche, le bourgeois que le noble ou ecclésiastique ? Quand nous comparons notre capitation avec celle de nos seigneurs, nous voyons bien qu'ils ne payent pas autant que nous.

Note : Allusion à la motion de la deuxième assemblée des notables (6 novembre - 12 décembre 1788) en faveur de l’égalité de l’impôt ; les membres de cette assemblée déclarèrent renoncer à leurs exemptions et à leurs privilèges pécuniaires. Voy. CHÉREST, La Chute de l’Ancien Régime, t. II, pp. 200-201.

(6°) Il est aussi certain que, les seigneurs ne payant point de vingtième pour leurs rentes féodales, nous croyons qu'il serait juste de nous autoriser à retenir le vingtième sur ces rentes, comme on le fait sur les rentes constituées.

(7°) Nous prions MM. les députés de demander que les lois barbares sur la chasse soient modérées. Si nous avons le malheur de tuer un des lapins qui dévastent nos champs ou nos jardins, nos seigneurs et leurs gardes-chasses nous font des procès qui nous ruinent en frais et nous font en outre payer de grosses amendes ; encore ils nous menacent de nous faire bannir et fouetter par la main du bourreau. Il nous semble bien injuste de ruiner un homme, de le bannir et de le faire fouetter pour avoir tué un lièvre ou une perdrix.

(8°) On a bien fait de demander que nos recteurs aient des députés aux Etats. Ce sont eux qui connaissent à fond la misère des campagnes ; ils sont nos consolateurs et nos soutiens. Ils soutiendront nos droits dans l'assemblée de la nation. Un bon recteur fait tant de bien dans sa paroisse, il en fera aussi aux Etats.

(9°) Nous croyons aussi qu'il serait bien utile que nous eussions des députés que nous choisirions et qui feraient valoir nos droits, mais il faut nous défendre d'élire des nobles, des anoblis ou des procureurs fiscaux, car l'influence et le pouvoir qu'ils ont sur nous nous les feraient choisir contre notre gré. Lorsqu'on nous aura délivrés de l'oppression sous laquelle nous gémissons, il viendra demeurer parmi nous de bons bourgeois qui, n'ayant pas plus de protégés que nous, seront nos amis et nos conseils. Nous pourrons les choisir pour députés ; il faudrait aussi nous laisser la liberté de nommer pour députés des gens de la ville dans lesquels nous aurions confiance et que nous connaîtrions pour honnêtes gens et bien affectionnés aux droits du peuple.

(10°) Nous n'entendons pas trop bien ce que c'est que voter par ordre ou voter par tête ; on nous a dit qu'en votant par ordre, la Noblesse a une voix, le Clergé a une voix et le Tiers Etat une voix. Or, nous savons bien que tous les évêques et les abbés sont nobles ; cela fait donc deux voix à la Noblesse contre le Tiers Etat ; cela ne nous paraît pas juste ; nous sommes plus de cent paysans contre un noble ; il y [a] aussi à la ville plus de cent bourgeois contre un noble. Pourquoi donc donner plus de voix à la noblesse qu'aux bourgeois et à nous, puisqu'elle ne fait pas la centième partie de la nation ? Il nous semble que cela est contraire au bon sens et à la raison ; et, tandis que cela sera de même, nous serons toujours écrasés.

(11°) On nous a dit qu'il y a de grands seigneurs et des gens bien riches qui ont de grosses pensions ; nous ne saurions croire qu'il soit juste de payer des pensions à des gens riches, tandis qu’il y a tant de pauvres qui manquent de pain. Nous prins donc MM. les députés de faire retrancher toutes ces pensions-là.

(12°) On nous a dit encore qu'il y a des maisons et des écoles où on élève gratuitement les enfants de la noblesse, tandis qu'on ne reçoit pas les nôtres à l'hôpital sans payer ; nous croyons donc que c'est à la noblesse seule à payer ces écoles et ces maisons.

(13°) Nous prions bien instamment MM. les députés de solliciter une loi claire et juste sur les landes et communs. Les seigneurs s'emparent de tous ceux qui nous appartiennent, et, quand nous allons consulter des avocats, ils ne savent que nous dire parce qu'ils prétendent que le Parlement juge tantôt d'une façon et tantôt d'une autre ; il serait bien à propos de savoir une fois à quoi s'en tenir, d'ordonner au Parlement de suivre la loi qui serait faite. Si on n'avait point tant gêné la liberté des paysans et qu'on les eût laissé faire, il y a longtemps que nous n'aurions plus de landes.

Nous nous sommes adressés à plusieurs procureurs fiscaux pour faire rédiger notre présente délibération, et ils n'ont pas voulu nous aider, les uns parce que leurs seigneurs le leur avaient défendu, les autres par d'autres raisons ; nous avons eu recours à un bon bourgeois, qui a bien voulu nous expliquer les délibérations de la ville de Rennes, après quoi nous lui avons dit nos raisons, qu'il a écrites presque comme nous les avons dictées et en les mettant en meilleur français que nous n'aurions pu faire ; et après avoir écouté attentivement lecture de tout ce que dessus, nous déclarons que c'est notre volonté à tous et nous avons arrêté d'adresser la présente délibération à MM. de la Communauté de la ville de Rennes, à Monsieur le Premier député de Rennes, en le priant d'avoir la bonté d'en faire part aux autres députés et d'avoir soin de prendre les intérêts du pauvre peuple des campagnes qui est bien misérable. Fait et arrêté au lieu ordinaire de nos assemblées, dans la sacristie de Bourg-des-Comptes, le jour et an que devant.

Luc Leveil, Jan Tirel.

 

DÉLIBÉRATION du 1er février 1789 à Bourg-des-Comptes.
(Arch. commun. de Rennes, Cart. des Aff. de Bretagne, E).

L'assemblée déclare persister dans sa délibération du 1er janvier et adhère à l'arrêté des dix paroisses de Rennes du 19 janvier.

(H. E. Sée).

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