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Incendies dans le port de Brest |
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A travers les siècles, le Port de Brest connaîtra de nombreux incendies, soit par négligence, soit par malveillance. |
PRINCIPAUX INCENDIES DANS LE PORT DE BREST
Le plus ancien incendie connu au port de Brest est celui qui consuma, le 15 novembre 1703, un corps de bâtiments contenant 11 fours et 2 bluteries, dans l'anse du Moulin-à-Poudre. Ces édifices faisaient partie d'une boulangerie commencée depuis quelques années, mais non terminée. M. Robelin fit en 1707 le plan d'une nouvelle boulangerie de 24 fours qu'il proposait de construire sur l'emplacement de l'ancienne. La détresse du trésor, à cette époque, fit ajourner ce projet qui ne fut pas exécuté.
Le 25 octobre 1739, le feu prit à l'hôpital de la marine, par l'imprudence de deux ouvriers aliénés qu'on laissait se promener et fumer en toute liberté. L'incendie commença par une écurie attenant à la salle Sainte-Reine et contenant de la paille sur laquelle tombèrent des étincelles de leurs pipes. Ces deux bâtiments ne développaient qu'une longueur de 27 toises. Quoique le vent soufflât assez fortement du Nord, on se rendit promptement maître du feu.
Cet hôpital, commencé le 14 février 1684, avait été terminé le 29 novembre 1685. Il se composait d'un corps d'édifices avec deux ailes en retour renfermant les principaux bâtiments de servitude, complétés plus tard. Le corps d'édifices contenait 234 lits répartis dans trois étages ou salles : salle Saint-Jean (56 lits) ; salle Notre-Dame (58 lits) ; salle Saint-Joseph (120 lits). Derrière ce corps d'édifices était la chapelle, et au-devant, une cour, précédée elle-même d'une terrasse sur laquelle fut établi, en 1694, le jardin aux simples, consacré à la culture des plantes médicinales. Dès le mois de mai 1689, époque de grands armements, on éleva près des salles, des appentis pouvant contenir 250 lits, ce qui n'empêcha pas, au mois de novembre suivant, et en 1690, de transporter des malades dans les couvents de Landévennec, de Saint-Mathieu, et d'établir des ambulances dans la paroisse de Saint-Pierre-Quilbignon. Au mois d'août 1690, l'hôpital, les casernes, les hangars aux mâts et un grand magasin ne pouvant recevoir tous les malades, on en répartit encore un certain nombre (1200) dans la paroisse de Saint-Pierre-Quilbignon dont le presbytère fut même pris de force, sur un ordre exprès du roi, auquel le recteur Madec n'obéit qu'à la dernière extrémité. Devant un pareil état de choses, il fallut bien que le ministre se décidât à accueillir la demande, maintes fois renouvelée, d'ajouter de nouvelles salles à celles qui existaient déjà. On en fit six près des trois premières Saint-Hubert (58 lits), Saint-Louis (250), Saint-Nicolas (56), Sainte-Reine (128) ; plus deux salles dites Casernes, pour les scorbutiques. Ces constructions et celle de l'infirmerie des gardes-marines (15 lits), établie à l'extrémité de l'une des ailes en retour, eurent pour résultat de porter à 963 le nombre total des lits.
Un autre incendie, autrement grave que le précédent, fut celui du 25 décembre 1742 qui éclata sur plusieurs points en même temps, du côté de Recouvrance, à six heures du matin. En moins de deux heures, le feu dévora les édifices contenant les ateliers de la menuiserie, les bureaux et les magasins adjacents, remplis de planches et de gournables. Il se propagea avec tant de violence et de rapidité du côté de la prison de Pontaniou, que l'on fut obligé d'en faire sortir les détenus, dont deux s'évadèrent, et de couper un édifice récemment construit en retour d'un côté de la crique de Pontaniou, édifice contenant au rez-de-chaussée les manoeuvres dont on se servait pour caréner les vaisseaux, et à l'étage supérieur de grands approvisionnements de planches de toutes sortes. Là ne se borna pas le mal. Sur les chantiers se trouvaient deux vaisseaux, le Juste et le Royal-Louis. Projetées de leur côté, les flammes les gagnèrent. Le premier n'éprouva qu'un faible dommage ; il n'en fut pas de même du Royal-Louis, de 124 canons. Commencé le 14 mars 1740, il était achevé jusqu'à son troisième pont, et ses bancs de gaillards étaient placés. S'il ne fut pas entièrement détruit, ce fut grâce aux efforts des officiers, marins, soldats et ouvriers qui, jusqu'au lendemain matin, se relayèrent par escouades de 500 travailleurs. Malgré tout, la perte dut être considérable, puisque celle qui fut constatée au 1er février 1743, alors qu'on n'avait pas encore rassemblé tous les éléments d'appréciation, s'élevait à 785,650 francs, savoir : 364,184 francs pour les approvisionnements ; 207,400 francs pour la réparation qu'exigeait le Royal-Louis et 24,066 francs pour la reconstruction des édifices.
La simultanéité du feu qu'on avait cru reconnaître sur plusieurs points au début, avait conduit à porter les soupçons sur un individu. C'était un nommé Charles Polo, âgé de 35 ans, né à Londres. Son père, originaire de Metz, était mort au service de l'Angleterre. Venu à Brest, en 1741, sous prétexte de s'embarquer sur le vaisseau le Mars, il était en réalité soudoyé par un sieur Tompson, agent de l'ambassadeur d'Angleterre. Ce Tompson lui écrivait sous le nom de Rossel, et lui faisait d'assez fréquents envois de fonds, soit par la poste, soit par l'intermédiaire d'un sieur et d'une dame de Faverger. C'est à l'aide de ces subsides que Polo avait vécu jusqu'au mois de septembre 1741 chez la femme Colte, hôtesse du Grand-Monarque, ensuite chez une veuve Marzin, dont le beau-frère, M. Varsavaux, procureur fiscal à Coatméal et secrétaire greffier de la communauté de Brest, avait reçu un assez grand nombre de lettres adressées à Polo et deux envois de fonds destinés à ce dernier, l'un de 400 et quelques livres au mois d'août 1742, l'autre peu de jours avant l'incendie. L'intendant, M. Bigot de la Mothe, fit immédiatement saisir Polo, M. Varsavaux et la femme Marzin, ainsi qu'un pilote anglais nommé Hélary, grand ami du premier.
Ces deux derniers, malades, furent mis à l'hôpital de la marine, dans des chambres grillées et séparées, un fer aux pieds ; la femme Marzin et son beau-frère furent incarcérés au château. Une longue procédure fut instruite par l'intendant qu'avait commis un arrêt du conseil. Nous n'en connaissons que les interrogatoires subis au mois d'août 1743, par les trois premiers accusés ; mais de ces interrogatoires, comme des papiers saisis chez Polo, et de la correspondance administrative, il semble résulter que ce personnage, entièrement étranger à l'incendie, était un espion ou plutôt un escroc, peu intelligent du reste, qui ne transmettait à Tompson, que des nouvelles insignifiantes. Nous ignorons quelle fut l'issue du procès intenté à lui et à ses co-accusés, la correspondance ne la faisant pas connaître. Si elle est muette sur leur sort, elle ne l'est pas sur celui d'un nommé Auger, cuisinier, qui avait aussi été arrêté, à l'occasion de l'incendie. Au mois de juin 1746, on vint à s'apercevoir que, depuis trois ans et demi, on l'avait oublié en prison bien qu'aucune charge ne se fût élevée contre lui.
Le souvenir de l'incendie du 25 décembre 1742 était encore vivace lorsqu'eut lieu celui du 30 janvier 1744 qui anéantit le magasin général, occupant une partie de l'emplacement du magasin général actuel, le contrôle, situé là où se trouve la direction du port, et la corderie, à laquelle on parvenait par un escalier adossé au bâtiment du contrôle. Cette corderie était celle que Richelieu avait fait construire en 1635, et que M. l'intendant de Seuil avait augmentée (1667-1668), de 121 brasses, en y ajoutant cinq pavillons et deux corderies découvertes sur les côtés pour compléter la grande. Partant de l'escalier qui la séparait du contrôle, elle passait par-dessus la voûte, se prolongeait en ligne droite entre la Grand'Rue et la rue Kéravel, et aboutissait à l'angle nord de la place Médisance, là où est la maison portant le numéro 2 sur la rue Saint-Louis.
Les approvisionnements que renfermait le magasin général furent détruits, ce qui était d'autant plus regrettable, que la guerre déclarée à l'Angleterre au mois de mars, et à l'impératrice Marie-Thérèse au mois d'avril (1744), obligea à passer en toute hâte des marchés nouveaux et onéreux, et à retirer des munitions des autres ports. Quant à la comptabilité, elle éprouva le même sort que les approvisionnements. Les débris qu'on en put sauver n'ayant pas permis de la reconstituer, une ordonnance royale du 26 avril 1744, ordonna un recensement du matériel existant dans l'arsenal, matériel dont le garde-magasin fut seulement chargé.
L'intendant, M. Bigot de la Mothe, avait été très-bref dans le compte qu'il avait rendu au ministre de ce funeste événement, sur lequel les minutes de sa correspondance se taisent même complètement. Mais des lettres particulières avaient suppléé à ses réticences, en faisant connaître que le feu avait commencé par un appartement servant de salle à manger aux contrôleurs et séparé du magasin général par une cloison ou un faible mur fait après coup ; on était dans l'usage d'y faire un grand feu, et, circonstance aggravante, le soin de l'éteindre était confié à un gardien que l'on avait congédié peu de temps auparavant, parce que sa négligence avait causé un incendie antérieur à Pontaniou, celui très-vraisemblablement du 25 décembre 1742.
Le 24 octobre 1759, la partie de la boulangerie des vivres désignée sous le nom de Magasin-Neuf, fut en partie consumée. Cette partie, comprenant cinq fours, avait été bâtie en 1749 par M. Choquet de Lindu, qui avait proposé d'établir dix-huit fours en jetant bas la vieille boulangerie, dont les soutes étaient tellement surchargées de biscuits, en 1745, que les poutres se rompaient et les murs menaçaient de tomber, ce qui avait obligé à cesser de se servir des soutes. Les ouvriers qui avaient passé la nuit à chauffer les fours, au rez-de-chaussée, n'avaient pas veillé à l'étage supérieur où l'incendie se manifesta à la pointe du jour. Quand on l'aperçut, il était déjà si intense, que M. Du Guay, commandant de la marine, arrivé presque aussitôt que prévenu, dut sacrifier la partie de l'édifice qui brûlait et s'attacher à l'isoler du magasin de droite vers lequel portait le vent, et où était renfermée une grande quantité d'eau-de-vie. La faiblesse du vent permit de concentrer le feu ; à midi il s'arrêta à la hauteur des voûtes des soutes. Le dommage fut réparé en 1761 par la reconstruction de l'étage incendié.
Le 20 février 1763, un des magasins des vivres, attenant au précédent, fut encore la proie des flammes. Le feu avait pris dans des appartements occupés par des employés ou des ouvriers. Des piles de fagots s'élevaient de 30 à 35 pieds de hauteur sur le quai, laissant un espace très-restreint entre elles et les travailleurs, et si elles s'étaient embrasées, elles n'auraient pas permis de maîtriser l'incendie, qui se fût alors propagé. On parvint à prévenir ce désastre en dirigeant des pompes sur ces fagots que des pluies abondantes, tombées précédemment, avaient d'ailleurs rendus humides. Le magasin tombait en ruines et les fours du rez-de-chaussée se servaient plus depuis longtemps. Sous ce rapport donc on avait peu à regretter. La perte la plus sensible fut celle des 8,000 quintaux de biscuit. Deux officiers, MM. De Trémigon, capitaine de brûlot, et Fichet, officier bleu, furent blessés. Le premier eut le corps fortement contusionné et une jambe cassée par la chute d'une cabane accorée au pignon du magasin. Une pierre de taille qui se détacha d'une lucarne, laboura M. Fichet depuis les épaules jusqu'aux reins.
Le 20 novembre 1776, eut lieu l'incendie de la marine sur l'emplacement duquel a été avait été construit un hôpital. Le feu se déclara vers quatre heures de l'après-midi dans un grenier au-dessus de la salle affectée aux forçats malades, vers l'extrémité du bâtiment du côté 0.-N.-0. d'où venait le vent. Il était si violent, par rafales, et le feu se propageait avec une rapidité telle, qu'en moins de quatre heures tout fut consumé, à l'exception de la cuisine, du bureau des entrées et de la salle Sainte-Reine (celle des vénériens) qui fut peu endommagée. Les secours de tout genre n'avaient pourtant pas manqué. Les divers corps de la marine et les troupes de la garnison avaient rivalisé d'ardeur. M. Du Chaffault, accouru à la tête d'une partie des équipages de l'escadre qu'il commandait, avait été particulièrement chargé de préserver la corderie haute des atteintes du feu, et il y avait réussi. M. le comte d'Hector, alors major de la marine, s'était porté sur tous les points pour exécuter les ordres donnés. M. le capitaine de vaisseau Thévenard, voyant le progrès rapide des flammes et la force du vent, prit de promptes mesures pour haler les vaisseaux, partie en amont, partie en aval du chenal pour le cas où le feu se fût communiqué à la corderie. M. le comte de Langeron, commandant supérieur des troupes de terre, les stimula par son exemple. Comme eux, beaucoup d'officiers coururent de grands dangers. Un de ceux qui s'exposèrent le plus fut M. Marchais, commissaire général de la marine. Aussi M. le comte d'Orvilliers, commandant de la marine, se fit-il un devoir de le signaler tout spécialement au ministre, dans sa lettre du 21 novembre, où il s'exprimait ainsi à son sujet : « Je dois rendre justice à sa fermeté, à son sang-froid et à la netteté des ordres qu'il a donnés dans les objets soumis à son administration ; mais ce que j'ai le plus admiré en lui, c'est la ressource de son génie pour remédier aux accidents et procurer aux malades les secours nécessaires ».
Il y avait deux catégories de malades : les hommes libres et les forçats. Les premiers, au nombre de 71, furent envoyés, 51 à l'hôpital de la ville, et 20 autres (vénériens) dans un hôpital particulier servant aux soldats de terre. Peu de jours après, ils furent réintégrés dans la salle Sainte-Reine. Quant aux forçats, il en périt 31 moribonds qui ne purent se déferrer. Les autres furent immédiatement transportés dans un des greniers du bagne où les forçats valides commençaient déjà à se révolter parce que, disaient-ils, on voulait les y laisser brûler. Du consentement de M. de Langeron, ils furent conduits entre deux haies de soldats, au château, et quoique cette translation eût lieu à l'entrée de la nuit, elle se fit néanmoins sans confusion. Les portes de la ville avaient été fermées, et des sentinelles placées sur les remparts pour les empêcher de s'évader par les brèches qui existaient dans les murs d'enceinte. Néanmoins, quelques-uns parvinrent à franchir les haies et se répandirent dans la ville, mais ils furent bientôt repris grâce aux précautions qu'on avait prises de faire fermer les portes des maisons et de faire circuler des patrouilles continuelles.
La translation des malades, malgré tout l'ordre qu'on y apporta, fut fatale à un grand nombre d'entre eux qui furent victimes, ou des commotions qu'ils éprouvèrent, ou du froid dont on ne put suffisamment les préserver.
La vraie cause de cet incendie est toujours restée ignorée. La conjecture la plus vraisemblable, c'est que le feu aurait débuté par un grenier renfermant des bois de lits et des paillasses ; on n'y avait pas pénétré depuis plusieurs jours, mais il était contigu aux étuves de la gendarmerie. L'opinion qui finit par prévaloir ce fut que des étincelles sorties de la cheminée de ces étuves avaient été projetées dans le grenier.
Le 28 février 1779, vers minuit, de la Prévalaye, commandant de la marine, fut prévenu que le feu était au vaisseau de 64 le Roland, dans le port ; s'y étant rendu en toute hâte, il trouva ce vaisseau embrasé de l'avant à l'arrière ainsi que la frégate de 42 le Zéphir qui lui était amarrée. Comme il ne fallait pas songer à sauver ces deux bâtiments, mais empêcher d'en perdre d'autres, on conduisit les vaisseaux le Saint-Esprit et le Duc-de-Bourgogne vers le fond du port, et l'Amiral, où le feu prenait déjà, vers l'avant-garde. Après ces opérations, que favorisèrent l'absence du vent et la marée alors dans son plein, on parvint à s'approcher du Roland et du Zéphir dont les carcasses furent conduites et échouées sur le platin de Recouvrance. Ils faisaient partie de la flotte qui, réunie à l'armée navale espagnole, devait opérer sous les ordres du lieutenant-général d'Orvilliers. Leur perte fut d'autant plus déplorable qu'on était au début de notre coopération à la guerre de l'indépendance américaine et que nos chantiers ne suffisaient pas à construire les vaisseaux dont on s'attendait à avoir besoin. Aussi le ministre, M. de Sartine, témoigna-t-il un grand mécontentement de ce qu'on n'eût pas observé les articles 148 et 152 de l'ordonnance du 27 septembre 1776, d'après lesquels un officier devait coucher à bord de tout vaisseau en armement. Lorsqu'on avait aperçu l'incendie, il était déjà si avancé qu'il était impossible d'en connaître la cause.
Le 13 juillet 1779, à une heure de l'après-midi, le feu prit à des appentis, par l'imprudence de quatre chauffeurs qui, pendant l'heure du dîner, n'avaient pas suffisamment surveillé des pigoulières servant à chauffer le brai et adossées à ces appentis où était la petite clouterie, dont le quatrième bassin de Pontaniou occupe en 1877 une partie.
Le soleil était très-ardent et le vent fort vif. Le feu se communiqua rapidement de la clouterie à un magasin adjacent qui s'enflamma d'un bout à l'autre en 5 à 6 minutes. Ce magasin fut sacrifié ; on s'attacha à préserver les édifices entre lesquels il était placé. L'un d'eux était un petit pavillon qui n'avait aucune importance par lui-même, mais en acquérait une grande parce que, s'il avait brûlé, il aurait très vraisemblablement communiqué le feu à la charpente du bassin couvert où était alors le Royal-Louis, aux trois-quarts achevé. Il aurait infailliblement été consumé sans la promptitude, l'intelligence et l'intrépidité de l'enseigne de vaisseau Siochan de Kersabiec, à qui le directeur du port dut prescrire, à deux reprises, mais inutilement, de ne pas s'exposer davantage à une mort regardée comme certaine. Louis XVI, que le commandant de la marine informa de son courage, le fit complimenter et lui offrit une récompense qui, sur la demande de M. de Kersabiec, fut remplacée par l'admission d'un de ses frères à l'école militaire.
La fréquence des incendies dans le port éveilla la sollicitude des autorités locales qui adressèrent au ministre, le 28 juillet, un projet de règlement déterminant les mesures à prendre pour prévenir ou arrêter les incendies. M. de Sartine, en approuvant ce règlement, le 2 août, annonça la prochaine arrivée à Brest de M. Morat, directeur de l'établissement des pompes de Paris, qui avait mission de concerter avec le commandant et l'intendant de la marine les moyens d'assurer l'exécution du règlement. Cette mission eut vraisemblablement pour résultat l'envoi de pompiers de Paris, car deux ans plus tard, M. Morat adressa au ministre des représentations sur l'insuffisance du traitement des pompiers de Brest, dont le chef avait une solde de 800 francs et les simples pompiers celle de 600 francs. M. Morat abandonna sa réclamation lorsqu'on lui eut démontré que la solde des pompiers de Paris était dé 400 francs pour le chef et de 200 francs pour ses subordonnés.
Moins de trois mois après le précédent incendie (4 octobre 1779), la Madeleine ou Refuge-Royal, à l'extrémité des bassins de Pontaniou, aurait été consumée si l'on n'avait promptement éteint le feu qui s'était déclaré dans le grenier où couchaient les filles pénitentes. Le dégât fut presque nul, mais on eut à regretter les blessures graves que reçurent trois des travailleurs.
Le 1er avril 1781, pendant que M. le comte d'Hector, commandant de la marine, assistait au doublage de l'Actif, il entendit crier que le feu était dans le vaisseau la Couronne, peu éloigné. Lorsqu'il arriva près de ce vaisseau, MM. Buor de la Charoulière et de Kéréon, qui étaient à bord, se laissaient descendre par une corde attachée à la galerie ; les flammes sortaient déjà par tous les sabords. On commença par éloigner les vaisseaux voisins, et ensuite la Couronne fut échouée du côté de Recouvrance, au-dessus de l'atelier de la mâture, vis-à-vis le hangar n° 2. La mer montant, l'échouage fut difficile et le vaisseau ne commença à toucher qu'à onze heures et demie du soir à huit pieds du quai tout au plus. Quand la mer fut basse on l'ouvrit dans le fond, et le lendemain à huit heures et demie du matin le feu était complètement éteint. Ce vaisseau était sur son lest. Sa carène fut entièrement sauvée et par conséquent le cuivre de son doublage.
Le 10 février 1782 (c'était le dimanche gras), le pénitencier de la Madeleine et l'église y attenant furent entièrement consumés. Ces édifices n'étaient séparés du port que par une petite maison dont l'embrasement, si l'on n'avait réussi à le prévenir, se serait communiqué à des baraques voisines couvertes de toile goudronnée. Bien que l'incendie se fût déclaré dans la soirée, les secours de la rade se joignirent très-promptement à ceux du port et furent si bien dirigés, que malgré le peu de largeur de la rue, le feu ne se communiqua point aux maisons voisines des baraques. Le vent était heureusement faible et de la partie de l'E.-S.-E. il portait les flammes du côté opposé du port qui, sans cela, eut été fort difficilement garanti. A onze heures du soir, on était maître du feu. Plusieurs travailleurs furent blessés et il périt sept ou huit femmes. La correspondance se borne à dire que le feu avait pris dans la chambre d'une pensionnaire, mais le bruit courut dans le temps qu'il avait été mis par une détenue nommée la belle Tamisier, bru du tambour de ville, que sa famille avait obtenu d'y faire renfermer à cause de sa vie débauchée. Elle avait voulu, dit-on, faire ainsi son carnaval.
Un des magasins des vivres fut encore incendié le 6 avril 1783 ; c'était le plus voisin de la batterie royale. Le feu avait fait des progrès visibles lorsque M. le comte d'Hector fut prévenu, à 3 heures 1/2 du matin. A son arrivée, les flammes sortaient par les fenêtres des trois étages et par la toiture presque entièrement consumée déjà. On ne pouvait songer qu'à préserver la poudrière très-rapprochée et un magasin qui n'en était séparé que par un petit hangar. Déjà le feu le gagnait. M. de la Porte Vezins, directeur général du port, se chargea du salut de la poudrière, qui contenait quatre cents milliers de poudre, vers laquelle le vent portait les flammes ; sa toiture accusait déjà un embrasement que conjurèrent les pompes activement servies par les régiments d'Aunis et de Toul (artillerie). On ne fut pas aussi heureux pour un second magasin attenant à celui qui brûlait. Le feu prit à l'extrémité de la charpente et gagna rapidement la toiture. La terreur devint générale ; chacun redoutait de voir s'embraser trois millions de fagots "emmulonnés" en face, à très peu de distance des magasins ; on redouta d'efforts et l'on réussit à éteindre le feu. MM. De Rivière, Vidal, de Marigny, Le Large, et plusieurs autres officiers rendirent de grands services, surtout le premier qui fit jeter à la mer vingt barils de poudre placés dans un petit dépôt attenant au second magasin, et en retirant de ce dernier de huiles et des eaux-de-vie. A 5 heures 1/2 on était maître du feu, toutefois, il ne fut complètement éteint que le 18, les huiles que contenait le premier magasin l'ayant alimenté jusque-là.
En rendant compte de ce nouveau sinistre, M. le comte d'Hector s'exprimait ainsi : « J'ose vous assurer, Monseigneur, que si le second magasin, qui n'a été conservé qu'avec la plus grande peine et parce qu'il ne ventait pas, avait été incendié, je ne sais où cet événement eût pris fin. Brest ne peut être transporté nulle part, mais il est constant qu'on peut augmenter le local marin. Des approvisionnements de fagots, d'huile et d'eau-de-vie devraient occuper une autre partie qui ne gênerait en rien la célérité du service. Cet objet, Monseigneur, a été mis sous vos yeux lors de votre séjour ici. Vous avez plus de moyens que personne. Aussi ne m'appesantirai-je pas plus longtemps sur ce point, mais j'ajouterai qu'un commandant de la marine à Brest ne peut jamais se regarder comme en paix, mais toujours comme un homme qui doit s'occuper à sauver les débris de quelque funeste événement ».
Le 3 juillet 1784, à 7 heures du soir, le feu se déclara à la poulierie, occupant la partie du magasin général incendiée de nouveau dans la nuit du 6 au 7 novembre 1861.
C'était un jour de foire et conséquemment un jour de grande affluence en ville. Aussitôt qu'avis eut été donné de ce nouveau sinistre, on sonna la cloche d'alarme du port et l'on battit la générale dans tous les postes, aux casernes de la marine, dans la ville et au château. En moins d'une demi-heure la toiture de la poulierie fut complètement embrasée. Dans les premiers moments on eut beaucoup de peine à se procurer de l'eau, la mer étant basse, puis les manches des pompes se trouvèrent trop courtes. Une chaîne fut établie et des pompes placées sur la montagne de Kéravel dominant la poulierie. En même temps on sauvait une partie des toiles à voiles, des poulies et des bois de gayac, renfermés dans le magasin qui brûlait. Malgré l'activité des secours portés par plusieurs milliers de personnes qui se gênaient plus qu'elles ne s'aidaient, on reconnut bientôt qu'il n'était pas possible de sauver la charpente intérieure de la poulierie et l'on s'attacha à empêcher le feu de se communiquer au magasin général et à la voilerie. La faiblesse du vent fut d'un grand secours. On maçonna en toute hâte et l'on garnit de feuilles de cuivre les fenêtres et les portes du magasin général avoisinant la poulierie ; on fit de même à la voilerie où l'on coupa le pont au moyen duquel elle communiquait avec le magasin général. Un grand nombre d'officiers et de soldats de marine, postés sur les toits, dirigeaient les pompes sur les édifices voisins de la poulierie, et parvinrent ainsi à la soustraire à l'action du feu, de telle sorte que la perte se réduisit à celle de la charpente de ce dernier magasin et à celle d'une partie du matériel qu'il renfermait ; le tout fut évalué environ 150,000 francs.
Cet incendie fut regardé comme le résultat de l'explosion des mines qu'on faisait jouer depuis quelques mois pour excaver la montagne de Kéravel alors très-rapprochée de la poulierie et du magasin général. Ces mines ayant ébranlé la charpente et fait quelqu'ouverture au toit, un tampon de mine mal éteint avait dû s'introduire par cette ouverture, sans qu'on s'en fût aperçu, sans qu'on eût même imaginé qu'il en pût être ainsi. Ce qui confirma cette conjecture, ce fut l'apparition du feu en face de cette mine dans un grenier où personne n'allait.
Dans la soirée du 26 frimaire an VI (15 décembre 1797) le feu se manifesta du côté de Recouvrance dans le local, situé derrière la recette des bois et attenant à l'atelier de la menuiserie qui n'en était séparé que par un mur de refend. Les vents étaient au S.-S.-E. avec tourmente et la mer perdait au point, qu'il eût été impossible de déplacer les vaisseaux l'Indivisible et le Tonnerre amarrés en face ; si ces vaisseaux s'étaient enflammés ils auraient communiqué le feu aux vaisseaux à flot.
Les bureaux de la recette, et ceux des ingénieurs des constructions furent brûlés, à l'exception du pavillon du sud, appelé le grand bureau, qui fut préservé. Les murs ayant peu souffert, on crut, au premier moment, que le dommage ne devait pas être évalué à plus de 6,000 fr., mais la dépense de reconstruction fut plus élevée, car on eut la précaution d'établir des murs de refend saillants au-dessus du toit et séparant complètement chaque portion du bâtiment.
Le sinistre fut attribué à deux individus d'apparence étrangère que l'on avait vus à la porte de la caserne des apprentis canonniers (ancien couvent des Capucins) deux heures avant que le feu eût éclaté, mais que l'on ne put retrouver, bien que les gendarmes qui les avaient aperçus et des agents déguisés qui se faisaient forts de les reconnaître, eussent parcouru les cafés et les autres lieux où ils avaient l'espoir de les rencontrer.
Le 25 janvier 1832 il y avait bal à la préfecture maritime ; l'orchestre avait à peine fait entendre ses premiers accords, lorsque, vers neuf heures du soir, on vint prévenir M. le vice-amiral Roussin, préfet maritime, que le feu avait pris dans le port, aux bâtiments de la direction d'artillerie. L'incendie, comme le démontra l'enquête ordonnée le lendemain matin par le préfet, eut pour cause première l'imprudence d'un gardien. Il avait placé du bois de démolition dans un poêle éteint, mais conservant assez de chaleur pour que ce bois qui était humide, pût, pensait-il, y sécher sans prendre feu. Non loin de ce poêle était une armoire renfermant des papiers et du charbon. A ces causes d'incendie déjà suffisantes à elles seules, s'ajoutèrent d'autres, la vétusté et le mode de construction de l'édifice. Il avait été construit en 1672. Son rez-de-chaussée renfermait les forges d'une clouterie, celles de l'artillerie et un atelier de limerie ; le premier étage était occupé par la salle d'armes ; l'étage supérieur servait de magasin d'un matériel d'artillerie. Le bâtiment ne renfermait aucune matière explosible, mais beaucoup de graisses et autres combustibles. Enfin, chaque étage ne formait qu'une seule pièce divisée par des cloisons vermoulues.
Dès qu'il eût été prévenu, le préfet, suivi des divers chefs de service, se transporta sur le théâtre du sinistre. A son arrivée, il fit enfoncer la porte de l'édifice déjà presque embrasé et ouvrir toutes celles de l'arsenal. La garde nationale, les marins et les troupes tant de la marine que de la garnison concouraient à l'extinction du feu ou à un service de patrouilles dans l'arsenal et dans la ville. Le bagne, renfermant plus de trois mille condamnés qui à la faveur de l'incendie auraient pu tenter de s'évader, fut cerné par un cordon de piquets d'infanterie, et deux pièces de canon chargées à mitraille furent mises en batterie, de manière à prendre d'écharpe la porte principale. Les canonniers de la marine étaient à leurs pièces.
Le feu couvait depuis longtemps lorsqu'une sentinelle — elle n'appartenait pas à la marine — ignorante de l'état des lieux ainsi que des consignes, et persuadée que le feu servait à chauffer des personnes renfermées dans la salle d'armes, le laissa se propager sans donner l'éveil. Ce fut un calfat, chargé d'une ronde, qui entre huit et neuf heures du soir jeta le premier cri d'alarme. Il était trop tard. Quand on commença à porter secours, la salle d'armes était une fournaise et le matériel qu'elle contenait était en fusion. A dix heures, toute la partie de l'édifice occupée, par la Sainte-Barbe, l'atelier de l'armurerie et la salle d'armes était en feu ; à onze heures il n'en restait que les ruines. Les pompiers et les nombreux travailleurs accourus pour leur venir en aide tentèrent, à trois reprises, d'entrer dans le bâtiment embrasé, trois fois l'ardeur du feu les contraignit de reculer. Leurs efforts étaient d'autant plus méritoires que cette ardeur se communiquait aux canons bordant le quai, très-étroit en cet endroit, et que réduits à se placer sur ces canons, ils ne pouvaient supporter la double chaleur à laquelle ils étaient condamnés. Un fait suffirait à lui seul pour démontrer l'intensité de l'incendie. L'Amiral et le vaisseau le Diadème, placés sous le vent et presque en face du feu, avaient été reculés pour qu'ils fussent soustraits au danger que faisaient redouter les flammèches projetées sur leurs toitures. M. le capitaine d'artillerie Colas, qui s'était porté avec quelques hommes sur celle du Diadème pour l'arroser, périt de la rupture d'un anévrisme, causée par l'excès de la chaleur. Les flammes s'élevaient à une telle hauteur et en masse si compacte, que la lueur de l'incendie fut aperçue à Lesneven, à sept lieues de Brest. On y battit la générale parce qu'on crut que le feu était au Folgoat, dont les habitants, croyant à leur tour qu'une ferme éloignée brillait, se portèrent de ce côté. De Saint-Renan, situé à trois lieues de Brest, et des villages environnants, une foule considérable se porta vers Brest pour porter du secours. Malgré l'intrépidité des travailleurs, le désastre ne put être conjuré ; aucune puissance humaine n'y serait parvenue. Plusieurs d'entre eux furent blessés et l'on eut à regretter la mort d'un matelot qui fut noyé.
Le lendemain, le préfet maritime adressait au ministre de la marine le rapport suivant :
« Monsieur le Ministre,
J'ai le malheur d'avoir à vous annoncer que le feu s'est déclaré dans le port, hier au soir, à huit heures : c'est dans le bâtiment occupé par la direction d'artillerie. A peine a-t-il été aperçu dans les troisième et quatrième fenêtres, à gauche du pavillon du sous-directeur, que toutes les parties voisines ont été envahies ; à dix heures, tout le bâtiment était en feu, à onze heures il n'en restait que les ruines.
Non seulement la population maritime, avec les moyens immenses de secours, en pompes, seaux, échelles, etc., qu'elle possède, était sur les lieux au premier aperçu du feu, mais la population de la ville, toutes les troupes et leurs chefs s'y sont trouvés et ont travaillé à combattre ce fléau.
Tout a été inutile, et telle était la force du feu dans ce bâtiment, le plus vieux du port, qu'aucun mur de refend ne traverse et qui, servant de clouterie, de limerie et de salle d'armes, était emménagé de beaucoup de caissons, d'armoires et de râteliers d'armes, que, dans moins d'une heure, tout a été brûlé, et que je suis forcé de reconnaître qu'il est en quelque sorte miraculeux que le feu n'ait pas gagné les bâtiments contigus, au nord le reste des magasins de l'artillerie, et au sud son immense magasin de bois.
C'est donc vous dire, Monsieur le Ministre, que ces bâtiments ont été promptement coupés, et que si je n'ai pu réussir plus longtemps à sauver le port en danger qui le menace constamment, du moins tous les efforts humains ont été faits pour le diminuer autant qu'il était en mon pouvoir.
La fatalité l'a emporté. Une étendue de quatorze fenêtres a disparu.
Une enquête rigoureuse se fait sur les causes de ce désastre.
Je termine ce rapport sur un événement qui me désespère, en vous informant que l'incendie est entièrement dominé et sans danger pour les autres bâtiments et les vaisseaux, mais il faudra le jour entier pour l'éteindre sous les décombres. Baron Roussin ».
« P. S. — Des prodiges de courage et d'intrépédité ont été faits cette nuit ; ils méritaient plus de bonheur ».
Le même jour, une proclamation du préfet maritime témoignait en ces termes sa reconnaissance du concours spontané qu'il avait rencontré dans tons les rangs de la population :
«
Citoyens de Brest, marins et soldats,
Un grand malheur vient de nous frapper : un des édifices de ce port qui fait votre orgueil et votre richesse a pris feu cette nuit et se trouve détruit malgré les efforts inouïs que vous avez faits pour le sauver.
Supportons ce malheur avec courage ; il s'y mêle quelque adoucissement que vous apprécierez comme moi : il a fait éclater des dévouements héroïques dans la population entière. Il se borne à une perte faible en la comparant aux immenses richesses qu'il menaçait d'une destruction totale. Enfin rien jusqu'ici ne donne lieu de penser qu'il puisse être attribué à la malveillance ou qu'il soit le crime d'aucun parti.
La douleur que nous éprouvons est donc dans tous les cœurs. Souvenons-nous qu'aucune perte n'est irréparable pour une nation qu'un même sentiment anime. Baron ROUSSIN ».
Dès le 26 on commença à transporter dans la cour du magasin général les tristes débris de l'incendie ; et la population consternée y contemplait avec douleur ce qui restait des richesses accumulées la veille encore dans la salle d'armes. De ces fusils, de ces armes précieuses qui permettaient de suivre les progrès de l'artillerie depuis plusieurs siècles, il ne restait rien.
Le 4 février, le préfet Maritime adressa au ministre de la marine, la liste des personnes qui s'étaient plus particulièrement distinguées dans l'incendie, et, le 9 du même mois, le ministre la renvoya avec approbation des récompenses demandées.
Le 15 parut l'ordre du jour suivant :
ORDRE
DU JOUR
Dans l'impossibilité de citer tous les actes de courage que l'événement du 25 janvier a fait éclater, le préfet maritime a dû se borner à n'en mentionner qu'un très-petit nombre, mais il les a recueillis dans tous les rapports qui lui sont parvenus en ne s'arrêtant qu'à ceux sur lesquels les chefs de service ont unanimement appelé son attention.
Les récompenses qu'il a sollicitées et qui viennent d'être accordées ne s'adressent donc pas seulement aux auteurs de ces actes, mais encore à la totalité de chacun des corps auxquels ils appartiennent.
C'est ce que le ministre déclare formellement par sa dépêche du 9 de ce mois, en reconnaissant, ainsi que le préfet maritime lui en a rendu compte, que les secours prodigués dans la nuit du 25 janvier sont le fruit du patriotisme de la population tout entière.
Liste des
personnes qui ont été citées comme s'étant fait particulièrement remarquer
dans l'incendie du 25 janvier et auxquelles il a été accordé des récompenses
par dépêche du 9 février.
DIRECTION DU PORT
MM. Kermarec (Léonard), chef des pompiers (Note : Son fils, Claude-Théodore Kermarec, alors second maître à l'atelier de l'ajustage, se distingua aussi par son zèle et son intelligence à couper le feu entre la salle d'armes et la clouterie. Il reçut des éloges du Préfet) et Collet (Bernard-François-Robert), ouvrier voilier ; ce dernier avait été blessé. Une médaille d'argent portant leur nom (Note : Chaque médaille en argent portait le nom de celui à qui elle était décernée et la mention de l'événement) et l'époque de l'événement est accordée à chacun d'eux. — Une gratification de 200 francs est en outre accordée à la compagnie des pompiers et aux gardiens du port qui, arrivés les premiers au feu, ont rivalisé d'ardeur et d'intrépidité.
DIRECTION DES CONSTRUCTIONS
Le Moal (Guillaume-Marie), aide-contre-maître calfat ; il était sur la toiture de l'édifice enflammé. Cité particulièrement par son chef et par les autorités civiles. — Une médaille et une gratification de 30 francs.
Léostic (Joseph), ouvrier perceur, blessé. — Une gratification de 30 francs.
Quénéa (Dominique-Marie), ouvrier calfat, blessé. — Une gratification de 30 francs.
DIRECTION D'ARTILLERIE
Une gratification de 150 francs à partager entre les hommes de la compagnie d'ouvriers militaires.
DIRECTION DES TRAVAUX MARITIMES
Le Gloanec (Pierre-Louis), contre-maître couvreur ; il était sur la toiture de la limerie lorsqu'elle a été atteinte par les flammes ; a eu ses vêtements brûlés et a couru de grands dangers.
Poilleu (Pierre-Jean-Joseph), contre-maître des travaux à l'entreprise (Note : C'est M. Poilleu, artiste sculpteur, qui représentait alors la maison Michel frères et Le Pontois), a couru de grands dangers sur la toiture enflammée ; dans plusieurs autres circonstances de même nature et notamment à l'incendie de Recouvrance, il y a un an, il a montré le même dévouement.
Mazéas (René-Joseph), menuisier, a couru de grands dangers. Entraîné entre deux pignons par la chute d'un reste de charpente embrasée.
Une médaille à chacun d'eux.
ARTILLERIE DE MARINE
Royer (Paul-Félix), canonnier à la 12ème compagnie, blessé.
Audiffret (Jean), caporal à la même compagnie. Il était sur la toiture du vaisseau le Diadème ; cité particulièrement.
Une médaille
est décernée à chacun d'eux.
DEUXIÈME DIVISION DES EQUIPAGES DE LIGNE
Lambert (François), sergent à la compagnie, à la suite, n° 3135, très-particulièrement cité pour son dévouement ; a contribué à arrêter les progrès du feu, - Un avancement en grade, déjà demandé pour lui, lui est accordé.
Ingrand (François), matelot à la 307ME compagnie, n° 841, blessé. — Une médaille.
Floch (Jean-Marie), matelot à la même compagnie, blessé. — Une médaille.
Dumat (Augustin-Pierre), matelot à la compagnie, à la suite, blessé. — Une médaille.
Pollard (Yves), matelot de 2ème classe, cité particulièrement comme ayant couru de grands dangers. — Une médaille.
MILITAIRES DE LA GARNISON
Quénerdu (Yves), fusilier à la compagnie des vétérans, et Lavalle (Louis-Raoul), caporal au 6ème léger, particulièrement cités par M. le chef de bataillon Albert, qui rend témoignage de leur dévouement. — Une médaille à chacun d'eux.
PERSONNES CITEES PAR LES AUTORITES DE LA VILLE
Quiniou (Marie), calfat au commerce, a passé à la nage au lieu de l'incendie. Très-particulièrement cité par toutes les autorités civiles et maritimes. — Une médaille et une gratification de 30 francs.
Brochet (Jean-Marie), canotier de l'intendance sanitaire, blessé. — Gratification de 30 francs.
Berthold (Francisco-Gomez), officier portugais. Très-recommandé, a dirigé la pompe de la corvette portugaise (Note : Une corvette portugaise, alors sur rade, avait, au premier signal de l'incendie, envoyé une de ses pompes qui fut très utile). — Une médaille.
Guérin (Louis), caporal de la garde nationale, 1er bataillon, compagnie des grenadiers, signalé à M. le colonel de la garde nationale par le capitaine de sa compagnie. — Une médaille.
Monher, marin congédié, a sauvé un homme tombé à l'eau au lieu de l'incendie. — Une médaille.
Philippe (Alexis), sergent des sapeurs porte-hache de la garde nationale, a montré beaucoup d'intrépidité et a couru dangers. — Une médaille.
Une gratification de 200 francs à partager entre tous les hommes de la compagnie des sapeurs-pompiers qui ont montré un égal dévouement (Note : Le Préfet maritime, croyant que la compagnie des sapeurs-pompiers de la ville était soldée, avait demandé pour elle cette gratification qu'elle refusa).
Brest, le
15 février 1832.
Le
vice-amiral, préfet maritime, signé B. ROUSSIN.
Les pertes causées par l'incendie furent évaluées, d'abord, à un million de francs, dans lesquels les édifices consumés seraient entrés pour 200,000 fr. ; mais il fut constaté ensuite que le matériel d'artillerie avait, à lui seul, une valeur de 1,200,000 fr. Quant aux bâtiments incendiés, dont la vétusté et la mauvaise disposition avaient, depuis longtemps, fait arrêter le remplacement, il fut reconnu que leur valeur n'excédait pas 130,000 fr. Leur reconstruction a atteint un chiffre autrement élevé. Nous n'ayons d'autre élément pour l'apprécier que les valeurs qui leur sont assignées sur la matricule des édifices du port de Brest, tenue à la direction des travaux hydrauliques, valeurs qui, selon toute vraisemblance, doivent représenter les prix de reconstruction, lesquels auraient alors été les suivants :
2ème bâtiment (bâtiment central) : 317,033 fr. 41.
3ème bâtiment (salles d'armes) : 243,120 fr.
Total : 560,153 fr. 41.
La partie du magasin général qui avait été incendiée 3 juillet 1781, l'a été de nouveau dans la nuit du 6 au 7 novembre 1861. Cet incendie avait pris dans les combles du bâtiment et s'était développé dans un tas de bois de chauffage qu'en y avait approvisionné pour le service des bureaux. On fut d'accord au sein de la commission qui fut désignée pour en rechercher la cause, qu'elle résidait dans la faute qu'on avait commise, le 6 au soir, au moment de l'extinction des feux dans les cheminées des bureaux, de placer près de ce tas de bois quelque étouffoir renfermant des charbons encore en ignition, ou peut-être de mettre sur un tas de balayures et de sciures, un balai contenant quelque étincelle ou escarbille mal éteinte.
M. l'ingénieur
en chef Verrier, dont l'inépuisable obligeance nous est toujours venue en aide
lorsque nous l'avons invoquée, a bien voulu nous transmettre au sujet de cet
incendie, les détails suivants :
« Le lendemain de l'incendie, je dressai une évaluation approximative des dégâts. Cette évaluation, qui porte la date du 7 novembre 1861, s'élève à 45,000 francs pour l'édifice seulement ».
Un nota
qui la termine est ainsi conçu :
« NOTA. - Le mobilier n'est pas compté. Une partie est déjà sauvée (Note : "Au moment où je dressais cette évaluation, l'incendie, dont on était maître depuis quelques heures, n'était pourtant pas encore complètement éteint, et l'on continuait le sauvetage des papiers, du mobiliers et des marchandises"), et il y a lieu de croire que ce qui a été brûlé est d'assez peu de valeur.
Mon évaluation se rapportait à la valeur réelle de l'ancien édifice ; mais, comme on voulut profiter de cette circonstance pour le reconstruire dans des conditions plus satisfaisantes, et notamment le munir de couverture et planchers incombustibles, en même temps qu'on augmenterait le nombre des bureaux, etc., la dépense de reconstruction fut notablement plus élevée que la valeur des dégâts.
Le projet, dressé par M. l'ingénieur Reynes, sous la direction de M. Dehargne, fut scindé en deux parties.
Un premier projet, en date du 5 décembre 1861, comprenait exclusivement la couverture métallique et l'ossature en fer des nouveaux planchers. Ce travail, évalué à 23,000 fr., devait faire l'objet d'un marché spécial.
Un second projet, en date du 26 décembre 1861, se rapportait à l'installation des bureaux et à la construction des voûtes en poteries pour l'achèvement des planchers dont le projet précédent ne comprenait que la charpente. Ce projet s'élevait à 30,000 fr., et son exécution devait être confiée à nos entrepreneurs ordinaires d'entretien, chacun en ce qui le concernait.
En somme, l'ensemble des travaux était donc évalué à 53,000 francs.
Pour l'exécution des charpentes et couvertures métalliques on traita de gré-à-gré, le 22 janvier 1862, avec M. A. Guilloteaux, entrepreneur de ferronnerie et charpenterie en fer à Lorient, lequel venait de commencer un travail tout à fait analogue dans ce dernier port pour la construction des ateliers du grand ajustage des constructions navales. Les prix qu'il soumissionna ainsi en dehors de toute concurrence furent un peu supérieurs à ceux prévus au projet, mais l'administration de la marine les accepta en raison des garanties de célérité et de bonne exécution qu'offrait cet entrepreneur.
Tous les travaux furent terminés sous la direction de M. l'ingénieur Reynes dans le cours de l'année 1862.
Voici
le résultat des dépenses effectuées :
1°
Couverture métallique et charpente en fer des planchers.
Entreprise
Guilloteaux : . 32,264 fr. 52
Travaux
en régie : 665 fr. 28
Total
: 32,929 fr. 80.
2°
Installation des bureaux, voûtes pour planchers, etc.
Entreprises
diverses : 28,430 fr. 52
Travaux
en régie : 1,612 fr. 72
Total : 30,043 fr. 24.
TOTAL
DES DEPENSES :
62,973 fr. 04.
J'ajouterai que ce fut à l'occasion de cet incendie qu'on décida l'organisation des rondes nocturnes contre l'incendie, effectuées dans tous les édifices et établissements du port par les agents des services auxquelles ils ressortissent, rondes qui n'ont pas cessé d'avoir lieu à Brest depuis cette époque et qui, ainsi que quelques autres mesures préventives, en formant les corollaires, ont été étendues depuis quelques années, si je suis bien informé, aux autres ports militaires ».
Les hangars de la Tonnellerie dont la construction, commencée depuis longtemps, avait été achevée en 1730, et qui bordent au nord l'anse du Moulin-à-Poudre, ont été consumés dans la nuit du 25 au 26 juin 1866. Une demi-heure avant que le feu se fût manifesté, un gardien qui faisait sa ronde n'avait rien remarqué d'extraordinaire. A peine la sentinelle placée en face de l'édifice de l'autre côté de l'anse eut-elle aperçu de la fumée s'échappant de la toiture et donné le signal d'alarme, que la flamme s'élança en gerbes de l'atelier de l'avironnerie. Le feu se propagea avec une telle rapidité et une telle intensité, que malgré la promptitude des secours, ces immenses hangars furent détruits en moins de deux heures. Cette fois encore, nous ne pouvons mieux faire que de reproduire la note de M. Verrier.
« Cet incendie se déclara vers minuit ; la cause n'en fut jamais éclaircie ; on se borna à supposer qu'une étincelle sortie de la cheminée d'une pigoulière située dans la coursive régnant en arrière de ces hangars avait pu se loger sons la sablière en bois (très-consommée) qui environnait le mur dossier ; là le feu avait couvé plus ou moins longtemps, en se propageant lentement dans ce bois à moitié pourri, où dans les poussières végétales et charbonneuses accumulées depuis longues années à sa surface.
La valeur de la portion des bâtiments qui à été incendiée a été estimée à 180,000 francs.
Après plusieurs études successives, le projet définitif de reconstruction de ces hangars avec colonnes, charpentes et couvertures en fer et fonte, et murs en maçonnerie (les anciens étaient en bois et maçonnerie), fut dressé par M. l'ingénieur Mancel, à la date du 11 mars 1867, et approuvé par le Ministre de la marine le 12 août suivant. L'importance totale des travaux, d'après ce projet, était évaluée à 390,000 francs, dont 244,000 francs pour la partie métallique.
L'entreprise des travaux métalliques fut adjugée, le 20 novembre 1867, à M. Louis Pigé, constructeur-mécanicien à Haumont (Nord), moyennant un rabais de 26 % sur les prix de base. Aussi son décompte, après l'achèvement de la construction, ne s'éleva-t-il qu'à 180,091 francs 60 centimes.
Les travaux de maçonnerie, terrassement, menuiserie, charpente pour planchers, etc., furent exécutés par M. Sylvain Weiler, en vertu de son marché courant, pour travaux de cette nature à effectuer dans les établissements de la marine. Ils entraînèrent, y compris les faux-frais de surveillance, régie, etc., une dépense de 200,001 francs 43 centimes.
La dépense totale de reconstruction s'éleva donc, tous travaux et frais accessoires compris, à la somme de 380,093 fr. 03, chiffre peu différent de celui du projet.
La construction fut entièrement achevée dans le cours de l'année 1868. Elle fut dirigée, du commencement à la fin, par M. Chanson, ingénieur des travaux hydrauliques, avec le concours de M. le conducteur Fumeux, M. Dehargne étant directeur des travaux hydrauliques ».
Nous terminerons cette nomenclature par la mention d'un incendie qui se déclara dans le port, le 20 octobre 1875, vers deux heures du matin, à l'atelier du petit ajustage. Il fut promptement comprimé. Le dommage matériel était peu important. D'après les évaluations respectives des directeurs des travaux hydrauliques et des constructions navales, il fut ainsi apprécié :
Edifice :
15,000 fr.
Matériel
et outillage : 10,000 fr.
TOTAL
: 25,000 fr.
La perte la plus regrettable fut celle des plans et dessins faisant partie des archives de cet atelier.
P. LEVOT (1877)
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