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QUELQUES ARTISTES BRETONS AU XVIème SIÈCLE

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Aux archives municipales de Rennes, j'ai trouvé, dans la liasse n° 6, de curieux documents relatifs aux entrées solennelles des rois, reines, princes, gouverneurs, etc., dans la capitale du duché. J'en extrais ce qui concerne les artistes employés par les bourgeois pour relever l'éclat des réceptions qu'ils préparaient aux grands personnages attendus.

En 1505, la reine Anne devait passer par Rennes en revenant d'un dévot pèlerinage à Saint-Jean-du-Doigt. Alain Bouchard nous apprend, dans sa chronique, que cet itinéraire fut modifié par suite de circonstances qui contrarièrent le plan d'abord arrêté. Il régnait, je crois, à Rennes, une maladie contagieuse.

Mais le capitaine de la ville et le corps des bourgeois, jaloux de bien accueillir leur souveraine, n'en avaient pas moins fait dans ce but de grands préparatifs ; et dans les délibérations municipales qui eurent lieu à ce sujet, aux mois de juillet et août 1505, comme dans les comptes des miseurs, on retrouve les noms de plusieurs artistes du temps, et une description assez piquante de la fête qui devait être donnée à la reine-duchesse.

Ainsi « à sa très joyeuse et très louable venue en sa bonne cité de Rennes », Anne de Bretagne devait rencontrer sur un des premiers carrefours « l'estoire figurée de la Conception de la Très Sacrée Vierge Mère de Dieu ».

De plus, à la porte par laquelle devait faire son entrée le cortège royal, « se presentera, continue le texte du devis passé par le conseil de ville, un chevalier armé de toutes pièces nommé Bon Désir, tenant en sa main un étendart, — et deux jeunes filles belles (notez ceci, c'était une condition de rigueur), l'une nommée Foy et l'autre Beaulté, lesquelles présenteront les clefs de la ville à notre dite souveraine Dame ».

Un peu plus loin c'était un Moyse au désert « garni d'une verge, dit encore la description qui me sert de guide, devant lequel aura grand congrégation de peuple judaïque le dépriant ; dont un seul parlera, et demandera à boire pour lui et ses compagnons ; et ce fait, ledit Moyse se mectra à genoulx, feignant de prier, et sa prière faite frapera o sa verge sur un perron par deux fois, et le derainier coup frapé, dudit perron sortira par art vin à grand abondance ou eaue, ainsi qu'on avisera ».

Pour disposer toutes ces belles choses, établir les machines nécessaires, faire les oeuvres de peinture, de sculpture, de menuiserie requises per le devis, le corps des bourgeois avait choisi plusieurs artistes dont les noms figurent dans les comptes de Pierre Robert et Gilles Brecel, receveurs et miseurs des deniers communs de la ville ; car si la fête avorta, les dépenses étaient faites : le quart-d'heure de Rabelais sonna pour la bourse municipale, et les bons bourgeois, tout attristés de n'avoir pas reçu dans leur cité leur bien-aimée duchesse, eurent encore, pour surcroît de chagrin, à payer tant de frais inutiles. Mais ils payèrent bravement ; et nous devons à ce règlement de comptes de connaître plusieurs noms d'artistes qui florissaient alors à Rennes et dans d'autres villes de Bretagne. Car s'ils n'avaient pas sous la main l'artiste qu'il leur fallait, nos pères savaient s'exécuter dans les grandes occasions. Ils appelaient de la ville ou de la contrée qu'il habitait l'artiste en renom dont ils avaient besoin et lui payaient son deffroy, c'est-à-dire ses frais de voyage.

Nous voyons donc d'abord figurer parmi les artistes bretons employés par les bourgeois de Rennes, en 1505 : Martin Thomas, « menusier, quel est homme scavant et expert ès dites choses et semblables ».

« Nicolas Deshourmes, ymaginier, painctre et menusier, lequel vint de Fougères en ceste ville par le comman­dement de Monsieur le cappitaine et bourgeois ».

Michel Jarnou, « painctre ».

Guillaume Guyomar « dict Vermeil », brodeur. (On sait que les broderies exécutées en or ou en argent sur velours ou soie étaient de véritables oeuvres d'art).

Adrien et Henri de Hollande, painctres.

En 1532, la première entrée solennelle du Dauphin François, fils du roi de France François Ier et de Claude, héritière de la reine Anne, dans la capitale de la Bretagne, fut l'occasion d'une fête magnifique. Le corps de ville n'y négligea rien pour recevoir dignement le jeune prince que la Bretagne, au moment où elle scellait à Vannes, par la voix de ses Etats assemblés, le pacte d'union à la France, aimait encore, par attachement à ses vieilles traditions d'indépendance, à nommer et à festonner duc et souverain seigneur du pays.

Cette fois-ci, du moins, la fête eut lieu avec tout son éclat, et Jehan Adrien, peintre, recevait au mois d'août son salaire pour les travaux d'art et d'ornements exécutés par lui sur l'ordre du Conseil de la ville. Or, entre autres choses, il avait peint des écussons en grand nombre, estimés 50 s. la pièce. — « Plus un grant tableau painct de fin azur et escrit en lettre d'or fin en LANGAGE TROYEN, » estimé 5 écus soleil.

Enfin, il avait imaginé et exécuté la feinte allégorique d'un dauphin nageant dans un grant bac entouré de rochers ; « ledit dauphin se réjouissant à la vue d'une ermine, laquelle sortait d'une vieille souche sur le bord de l'eau, entre les grants rochiers de Bretaigne ; » allusion qui semblait à tous fine et délicate, aux évènements qui venaient de se passer à Vannes.

Pierre Even, orfèvre ; Pierre Coquet, brodeur ; Jehan Mauger et- Jehan Chevalier, peintres, sont aussi mentionnés dans la même pièce.

Les comptes des dépenses pour les préparatifs de l'entrée à Rennes du Roi Charles IX en 1565 (entrée qui n'eut pas lieu, soit dit en passant), n'offrent pas des renseignements moins curieux sur les artistes contemporains.

J'y trouve : « Maître Jacques Baudriller, sculteur estranger, faict venir pour ladicte entrée ; Jehan Chameulx, Pierre de Sailly, Phelipes Langlois, Jehan Buchot, et, Jehan Adrian, painctres estrangers ; un autre peintre, Michel Tarot ; — Maistre Corneille et son serviteur, architeque ; — Jehan Boullain et Georges Brillet, peintres ; — Jehan Bedouesaie et Michel Bayonne, painctres ; — Guillaume Cargusel, Michel Talbot, Simon Le Roux, peintres et vitriers (ce sont des artistes verriers) ; — André de la Porte, Symon Collart, François Garison, Olivier Auléon, Guyon de la Lande, Jehan Le Breton et Jehan Lelièvre, Guyon Lalleman, 0llivier Guischer, Jaspers Vante, peintres et vitriers de Rennes ; — Maître Phelippe Eloy, paintre et maistre architecteur ; — Pierre Bouricart, sculpteur ; — Robert Bourgonnière, Jacques Even et Jehan Devaulx, orfèvres de la ville de Rennes [Note : A qui les bourgeois livrèrent 9 marcs 4 onces 1 gros et demi d'or fin, valant 1677 liv. 12 s. 8 d., « pour emploier à faire le présent du Roi, délibéré par Messieurs de la Communauté de ville présenter à Sa Majesté en cette ville y faisant son entrée », suivant l'usage usité en pareil cas] ; — Macé Amyot, Jacques Morcelles et Macé De Brays, brodeurs ; Robert Lair, autre brodeur ».

Enfin un compte de 1608, relatif aux dépenses de l'entrée à Rennes du Duc de Vendôme, en qualité de gouverneur de Bretagne, indique Robert Godivière, maître-peintre, comme directeur des travaux d'art qui furent exécutés à cette occasion, et notamment comme auteur d'un grand nombre de tableaux de grotesques pour orner la grand'salle de la Maison commune et la salle du Manoir où descendait Mgr. le Duc, « et où il prenait sa réfection pendant son séjour en la ville de Rennes ».

Sous les ordres de Godivière travaillaient Guillaume Allaire, René Boullay, Loujs Vallerien, peintres de Rennes.

Claude Baudeson, paintre de Chaallons (aujourd’hui Châlon) en Champagne.

Paul Marchais, brodeur.

Jan Hervé, Raoul Hervé, et Jan Duliepvre, maîtres verriers.

Il est bon de remarquer que ces tableaux de grotesques dont il est question ici ne signifient pas des représentations bouffonnes, des images ridicules. Il s'agit de peintures d'ornementation : on donnait, au XVIIème siècle, le nom de grotesques à des ornements de fantaisie, variés et entremêlés de figures d'animaux, de feuillages, de fleurs, de fruits, etc. Ce nom leur avait été appliqué, disent les auteurs qui ont écrit sur la peinture, parce qu'on s'en servait, dans l'antiquité, pour décorer l'intérieur des grottes sépulcrales, ou parce qu'on trouva de ces sortes de peintures en fouillant les grottes du palais de Titus, à Rome. Jean Nanni, surnommé d'Udine, peintre illustre du XVIème siècle, imita le premier ce genre de décoration. (P. D. V.).

Note 1 : ARTISTES BRETONS : GEFFELIN JULIN, orfèvre du duc François II. Parmi les titres du château de Nantes est un gros volume en parchemin renfermant le compte rendu par Guillaume Chauvin, chancelier de Bretagne et trésorier de l'épargne, en 1472, au moment où il quittait la seconde de ces charges. L'épargne des ducs de Bretagne, c'était le trésor de leurs joyaux, dont le compte présente une curieuse description. Au fol. 142 de ce volume, au chapitre des mises et décharges, on lit : « Et premier, par descharge du duc du 23ème jour de febvrier l'an 1469 (v. s.), signée Feillet, savoir : A Geffelin Julin, orfèvre, lequel piecza et dès le temps du duc Pierre, à qui Dieu pardoint, que Guillaume de Rogier estoit son tresorier d'espergne, avoit receu une veille croce d'argent qu'il disoit peser 24 marcs. Item seix gobeletz, par Bodéan, clerc dudit de Bogier, pesantz, selon que disoit ledit Geffelin, 5 marcs 7 onces ; somme, 29 marcs 7 onces ; pour en refaire une autre croce neufve ; quelle il a refaite et livrée audit chancelier (Guillaume Chauvin), et laquelle croce neufve poise, ovec sa doreure, 25 marcs 4 onces 6 gros. Ainsi deut celuy Julin, pour avoir plus [reçu] en argent cassé qu'il n'en a employé en ladite croce neufve, 4 mars 3 onces 2 gros, lesquels luy sont rabatuz sur le nombre de 8 marcs 3 onces 7 gros à cause de 12 escuelles neufves qu'il avoit refaites … ». Cette crosse neuve, faite par Julin, est décrite avec soin dans ce même compte de Guillaume Chauvin, au fol. 89 ; voici cet article : « La croce. — Une croce d'argent doré à vermoil, dont le baston est de trois piéces, riche et goderonnés à goderonners teurs [Note : « Teurs » c'est-à-dire « tors »] ; pour lesqueulx bastons fermer et tenir y a trois chevilles d'argent tenantes à trois chesnetes d'argent doré, savoir à checun une cheville et une chesnete ; et est checune joincture et fermure d'iceulx bastons en faczon de pommeau. — Au dessus et au prochain dudit baston, y a un autre pommeau, garni de seix bannières aux armes du duc, tenues de seix angeloz, et sur ledit pommeau y a seix petiz pilliers et seix petiz florons. — Et au dessus est la lanterne de ladite croce, au bas de laquelle lanterne sont les douze apoustres, et au dessus des apoustres seis prophètes, et autour ladite lanterne y a seis piliers d'une sorte à pinacles et seix piliers d'autre sorte sans pinacles : sur lesqueulx piliers est le bout de ladite lanterne, que on dit de maczonnerie. — Et le crosson d'icelle (crosse), dehors et en dedans d'iceluy, est garni de feillage enlevé, et de checun costé y a seix bannières des armes de Bretaigne et seix angloz en esmail, à checun un instrument ; et entre lesdites armes et lesdiz angeloz y a esmaux de bleu, semez d'estoilles d'or ; et sous le plet [Note : « Le plet » c'est-à-dire le pli ou enroulement du crosson] dudit crosson y a un ange à deux ailes, qui le soustient ; et dedans ledit plet d'iceluy crosson un imaige de Saint Pierre tenant une clef, et d'un costé dudit ymaige un Duc et d'autre costé une duchesse prians ledit ymaige, assiis sur un entablement. Pesant le tout 25 mars 3 onces 6 gros, argent doré ». On taillait alors onze livres dans un marc d'argent ; ainsi, par sa matière seule, cette crosse valait plus de 280 liv. d'alors ; mais elle valait presque le double comme oeuvre d'art, à en juger simplement sur le salaire donné à l'orfèvre pour la façon, suivant ce qu'on lit au fol. 143 de notre compte : « Audit Julin, pour la faczon et dorure à vermoil de ladite croce, le blason [Note : « Le blason » c'est-à-dire « la description »] de laquelle est bien au long rapporté cy devant à fol. 89... a esté poyé, par marché fait o ledit Julin 200 escuz neufs valants 229 livres 3 sols 4 deniers ». (A. L. B.).

Note 2 : ARTISTES BRETONS : THOMAS PIHOURT, ARCHITECTE DU XVIème siècle. — Encore un nom d'artiste rennais tombé dans l'oubli, et qui mériterait d'en sortir ; d'abord, pour avoir restauré le choeur de notre ancienne cathédrale, puis pour avoir donné lieu à un dicton populaire qui eut cours en notre pays jusqu'à la fin du XVIème siècle. C'était un rusé compère, maître Thomas Pihourt ; bien fin qui eût eu avec lui le dernier mot. Je ne sais ce que valait son architecture, car, quoiqu'il ait dû beaucoup bâtir dans notre ville de Rennes au commencement du XVIème siècle, en sa qualité de paroissien de Saint-Etienne, il n'existe aucune construction qu'on puisse lui attribuer avec certitude. La destruction de notre vieille cathédrale a fait disparaître son oeuvre capitale, la restauration du choeur de l'édifice opérée par ses soins en 1527 et années suivantes. Mais s'il avait autant de talent que de malice, ce n'était pas un médiocre artiste. J'ai pour garant de son esprit le bon tour qu'il joua à certains de ses confrères en l'art de maçonnerie, et qui longtemps après l'évènement divertissait encore assez le facétieux Noël Dufail, sieur de la Herissaye et conseiller au Parlement de Bretagne, pour qu'il n'ait pas négligé de nous en transmettre le souvenir. Voici quelle fut l'occasion de ce trait narquois de M. Pihourt. Le baron de Châteaubriand, Jean de Laval, en riche et puissant seigneur qu'il était, se trouvait fort à l'étroit et à l'ombre dans la vieille forteresse de ses pères. A l'imitation des gentilshommes de son temps qui démolissaient à l'envi les hautes courtines et les sombres tours du moyen âge pour bâtir de leurs débris des résidences plus riantes et plus commodes, il entreprit de faire construire le château qui existe encore de nos jours, et serait, au dire du P. Dupaz, « une des plus belles, plaisantes, agréables et salutaires demeures qui se puissent trouver ». C'était à ce moment d'indécision où les artistes prenaient parti, qui pour le style nouveau de la renaissance, qui pour la vieille architecture gothique arrivée à toutes les exagérations de la décadence et des formes flamboyantes. La Bretagne, en terre privilégiée de la tradition et de la routine, tenait toujours pour le gothique. A peine tout le génie de Michel Coulombe et toute l'ardeur de la jeune école de Tours avait-elle pu y faire pénétrer quelques spécimens du goût nouveau et du mouvement artistique qui s'agitait autour de la Cour de France. Mais Jean de Laval était plus initié que la plupart de ses compatriotes à la connaissance de cette nouvelle école. Il avait beaucoup vécu à la cour du roi François Ier, trop peut-être pour la réputation de la belle comtesse de Chateaubriand, avait suivi le roi dans ses guerres d'Italie, et parait en avoir rapporté, avec un parfait dédain pour notre architecture gothique, une grande estime pour les conceptions de la renaissance. Bref, il fit appel à tous les artistes de quelque renom, non-seulement de Bretagne, mais du dehors, et leur donna rendez-vous en sa ville de Châteaubriand, pour aviser aux meilleurs plans de reconstruction du château. Il vint bon nombre de concurrents des bords de la Loire, c'est-à-dire de la région qui était le plus franchement entrée dans ces voies nouvelles ouvertes à l'art ; ceux-là dissertaient sur l'article du bâtiment en fort doctes termes, et dans un langage aussi nouveau que l'était leur style d'architecture, car il avait bien fallu créer, ou translater du latin en français, mainte expression propre à désigner tant de parties nouvelles, tant d'ornements inconnus jusque-là, introduits récemment, à l'imitation des monuments antiques. Or, il advint qu'au bruit de cette réunion et des grands travaux qui se préparaient, maître Pihourt, qui venait d'être honoré de la confiance du vénérable chapitre de Rennes, crut l'occasion favorable pour donner une nouvelle marque de son savoir. Il monte sur sa jument, « botté de foin, ceint sur sa grand'robbe et le chapeau bridé » et chevauche vers Châteaubriand, roulant en sa cervelle quelque beau plan bien gothique, et tel qu'on eût pu l'exécuter au temps de la duchesse Anne. Mais qui fut bien ébahi en tombant au milieu de ces beaux discoureurs qui n'avaient à la bouche que les mots de frontispices, piédestals, obélisques, frises, corniches, amortissements, entablements et autres, ce fut maître Pihourt. C'étaient pour lui hiéroglyphes purs ; tels mots n'étaient encore inventés quand il faisait son apprentissage, et il n'y entendait non plus que ne l'eût pu faire maître Mathelin Rodier, maçon du feu duc François second. Tout ce qu'il comprit, c'est que sa place n'était point en tel lieu, et qu'il ne lui restait qu'à se tirer de son mieux de ce mauvais pas : enfourcher son bidet et tourner les talons de suite, lui sembla un procédé peu honorable ; il préfère demeurer, sauf à payer en monnaie de singe tous ces beaux diseurs de grimoire, et son rang venu de parler, se lève, et d'un ton grave déclare « estre d'advis que le bastiment fust fait en franche et bonne matière de piaison compétente, selon que l'oeuvre le requerroit ». Ce bel avis émis, maître Thomas salue l'auditoire et se retire. L'assemblée, très-surprise à son tour, juge le préopinant un fort grand personnage qu'il conviendrait d'ouïr plus amplement sur une si profonde résolution qu'elle ne pouvait assez bien comprendre. On députe vers l'artiste pour en obtenir l'explication et le développement de sa mystérieuse théorie. Mais pour le coup, Pihourt, reprenant sa jument, déclare « qu'il ne se pourroit achommer dadvantage et que les manches du grand bout de Cohue ne pourroient aller de droit fil sans luy, et selon l'équipolation de ses hétéroclites ». Voilà mes gens encore plus étonnés, et cherchant de plus belle quel sens donner à ces paroles. Cependant Pihourt regagnait Rennes, et son brusque départ nous a valu deux choses, d'abord le dicton : « Résolu comme Pihourt en ses hétéroclites » qui avait encore cours cent ans après pour désigner le victime d'une mystification, puis un château dans le plus pur style de la renaissance, élevé tout à loisir par les partisans de la corniche, de l'entablement, de la frise et de toutes les réminiscences antiques inconnues à nos architectes bretons. La déroute de notre artiste à Châteaubriand était le présage du sort réservé bientôt dans toute la Haute-Bretagne à l'école d'architecture dont il est un des derniers représentants. C'est au point de vue historique le côté intéressant de cette anecdote. Une page plus sérieuse de la vie de Thomas Pihourt a été retrouvée par M. P. Delabigne-Villeneuve dans les archives du chapitre de Rennes, je veux parler du contrat passé pour les travaux de restauration du choeur de la Cathédrale, le 1er juin 1527. En voici la copie : Du 1 Juign 1524. — Contract et convention a esté faicte entre vénérables srs les seigneurs Chapitre de Rennes, scavoir, venerables maîtres O. Baud, Ar. Leliepvre, P. Jouauld, P. Loheac, A. Nouvel, J. de la Piguelaye chapitre faisans et représentans d'une part, et Thomas Pihourt, paroissien de St. Estienne de Rennes de aultre part, par lequel contract celuy Pihourt a promis et c'est obligé faire, construire, réparer et à ses risques coustz et despans et de ses matieres ediffier les murailles du cueur de l'Eglise de Rennes où ont nécessité estre reffaictes et reparez, oultre l'édifice qu'il a promis faire par aultre foiz touchant la couverture de ladicte église. Premier la coustière de la muraille dudit cueur du cousté devers l'épistolle est sourplombée dehors de ung pied et ung doués dempuix le hault dudit cueur jucqu'au sourbassement des fenestres par l'endroict de troys passées de vitres, par lequel il est requis abaptre et démolir le tout de la muraille jucqu'au sourbassement desdites fenestres en l'endroict desdits deux arcs, et lesdits arcs pareillement, que fera ledit Pihourt bien et deubment de bonnes matières. Item fera aux troys fenestres les jambaiges par le dehors et coustez de pierre de grain et le dedans d'icelles fenestres de pierre de Fontenay ou aultre pierre compectante, dont le jambaige de la vitre devers la croisée de ladicte église demourera en son entier ainsin come il est, et entre les jambaiges et couyesons sera pierre froide, et y aura entre chaincun jambaige et couayson desdictes vitres de troys pieds en troys pieds une assiepte de pierres d'Orgères pour donner lyaison à la muraille et fenestres. Item ledit Pihourt preneur fera la charpanterie d'icelle coustière, fera estayer bien et deubment tellement que l'on puisse faire ladicte muraille bien et deubment pour faire ledict oupvraige. Item sur l'arrast de la massonnerie, au dessoubz des lermiers tout autour de la massonnerie du coeur, sera assis un rang de pierres de Orgeres taillée en la leisse de la muraille pour donner liaison à ladicte muraille et lermiers, et sortira ladicte pierre d'Orgères deux ou troys doibz hors oultre la muraille par dehors, et remplira de massonnerie sept oustraulx quielx sont autours du cueur sur les serches. Et ledit preneur herissonnera le tout de la massonnerie d'entours du cueur hors les couvertures desdites serches, et renjoinctera les jambaiges desdictes fenestres par le dehors. Plus réparera et raparaigera le prochain pillier du calicier et le fundera de pierre de grain en la haulteur de cinq pieds et à la hauteur desdits cinq pieds un lermier au davant dudit pillier sortant de demy pié pour garder de mouiller le bas dudict pilier. Item sera esligé et faict sur celuy lermier ung petit pilier de paraille leise quest le pillier a présent par le hault et par le dehors aparaigé de pierre de grain. Et sera ledict pillier conduict en amortissant dempuix ledit lermier cinq pieds au dessus des balletz de la serche. Item sera le hault du pillier abattu jusqu'à l'amortissement du petit pilier, et sera refaict en sa haulteur come à présent est, dont seront les couezons conduicts à la haulteur dudict pillier et la couverture et amortissemen dudict pillier de pierre de grain, et le tout faict en bonne et franche matiere, scavoir chaux et sablon, et refera les deux vieulx arcz de ladite coustière de pierre de grain. Oultre est dict et convenu que sil y a aultre brisure ou casmature en ladicte muraille dudict cueur que ledict Pihourt la fera à ses despans, et s'il y a aucun brisemens ou tort faictz ou lambrunt, chaires, painctures, serches dudict cueur et église, ledict Pihourt le réparera à ses despanz et rendra ledict oupvraige prest à asseoir painctures et vitres que feront lesdits srs et pour asseoir lesdictes vitres fournira iceluy Pihourt de eschauffaulx, quelles vitres ledict Pihourt descendera et rendra le tout prest de dans le 1er jour de janvier, et pour ce faire et bien fidelement et regnablement accomplir, lesdicts sgrs luy ont promis payer la some de seix cenz livres monnoye, et ledict Pihourt jouira des vieux actraiz. Et tout ce que dessur faire tenir et accomplir ont juré ; et ce faict à Rennes au revestiaire de ladicte église ; lesdits jour et an que dessuz. Agaice passe. (Alfred Ramé).

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