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LES CLOCHERS-MURS BRETONS

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LES CLOCHERS-MURS BRETONS ET LEUR ÉVOLUTION AU XVème ET AU XVIème SIÈCLE.

Les clochers-murs  [Note : Ces clochers sont aussi désignés sous les noms de clochers-arcades et de clochers-pignons] de l'époque romane, dont il existe encore de nombreux exemplaires dans le Centre et le Midi de la France, ont presque complètement disparu en Bretagne. Il est probable qu'ils y ont été très rares et peu importants. Ceux qui subsistent méritent à peine une mention. Le plus ancien, d'après M. le chanoine Abgrall, daterait du XIème siècle. Il s'élève sur la façade occidentale de l'église ensablée de l’île de Batz, près de Roscoff. C'est un petit clocheton, percé d'une baie rectangulaire, amorti par un pignon assez aigu dont la base fait une faible saillie sur les piliers.

Pendant plusieurs siècles, ce type s'est conservé Presque sans changement. Nous le trouvons à Saint-Jean-de-Locquéran, près d'Audierne, sur une arcade en tiers-point de la chapelle ruinée des Hospitaliers de Saint-Jean-de-Jérusalem. La baie s'est allongée et se termine en arc brisé ; mais l'influence gothique ne s'est pas fait autrement, sentir sur ce clocheton, que l'on peut dater du XIIIème siècle.

Un clocher-mur breton (Bretagne).

Celui qui surmonte l'élégante façade de la chapelle Notre-Dame-du-Murier (en ruine), à Bourg-de-Batz, contraste par sa simplicité avec les gâbles flamboyants du portail [Note : Les chapelles du Crucifix au Croisic et de Saint-Aubin à Guérande avaient des clochetons du même genre ; ils ont été reconstruits.

Un clocher-mur breton (Bretagne).

Il ne faudrait pas induire de la persistance du clocheton à une seule baie que la Bretagne n'a pas eu de véritables clochers-murs pendant la période romane. Les églises de la Madeleine à Clisson et de Sainte-Radegonde à Monnières (Loire-Inférieure) présentent sur leurs façades des clochers-murs à pignon, percés de deux baies, qui rappellent par leur ordonnance les édifices du même genre si communs dans le centre de la France : rétrécissement de la façade au-dessous de l'étage des baies, rampants pour racheter la différence de largeur entre les deux étages, emploi de contreforts perpendiculaires et latéraux, simplicité de lignes et absence de tous motifs de décoration. La première de ces églises date de la fin du XIIIème ou du commencement du XIVème siècle ; la seconde est encore plus jeune ; mais leurs clochers n'ont rien emprunté à l'art gothique. Il est probable qu'ils sont la reproduction fidèle des clochers-murs romans de la Bretagne [Note : Comme étant du même type, mais plus jeunes, je peux signaler les clochers de la chapelle de Notre-Dame-de-Toutes-Joies, près de Clisson, aujourd'hui détruite, et de l'église de Trégastel. Je n'ose pas citer le clocher-mur moderne de l'église Sainte-Croix de Quimperlé, ne sachant pas s'il est une reproduction fidèle du clocher primitif].

Leur dessin ne s'est pas brusquement modifié au XVème siècle. Les églises de Lanloup (Côtes-du-Nord, aujourd'hui Côtes-d'Armor), de Broualan (IIIe-et-Vilaine), de Notre-Dame du Folgoët (Finistère), nous montrent des clochers-murs complètement plats, avec pignons aigus, percés de deux étages de baies. Celui de Lanloup, sur façade, a le rétrécissement caractéristique au-dessus du niveau de la toiture de la nef ; les autres reposent sur un arc-doubleau. Mais s'ils se découpent comme des clochers-murs romans, ils portent une forte empreinte de l’art gothique. Les baies sont larges et hautes ; le pilier qui les sépare s'amincit ; des moulures encadrent les ouvertures. A Lanloup et à Broualan, les pentes du pignon se couvrent de crochets et de fleurons ; des pinacles se dressent à sa base ; les archivoltes des baies, à Broualan et au Folgoët, sont richement ornées. Si la tourelle d'escalier qui flanque le clocher de Lanloup est encore toute simple, celle du Folgoët prend une grande importance décorative, avec ses six pans moulurés et sa haute flèche sur laquelle s'appliquent des sortes de gâbles à fleuron terminal ; une galerie, dont la balustrade s'ajoure de quatre-feuilles, règne au pied du clocher, au niveau du faîte de la nef.

Un clocher-mur breton (Bretagne).

Dans les exemples que je viens de citer, le clocher-mur a conservé ses éléments constitutifs : le simple mur et le pignon triangulaire ; mais ce pignon et ce mur ont été revêtus d'une parure gothique.

Une transformation beaucoup plus importante s'est produite à la même époque. Pendant que certains constructeurs, restant fidèles aux anciennes traditions, maintenaient les formes romanes et se contentaient de les décorer, d'autres concevaient la fusion de l'ancien clocher-mur et du nouveau clocher breton, dont la vogue fut si grande et dont la tour de Notre-Dame du Kreisker est le plus célèbre exemple.

Ce clocher hybride, clocher-mur par le bas et clocher sur plan barlong par le haut, fait son apparition dans le courant du XVème siècle. M. Georges Ferronnière croit que celui de Kérinec, près de Douarnenez, est le plus ancien. Le clocher de Kernascléden, près Guéméné, ne lui est guère postérieur ; Anthyne Saint-Paul le date de la seconde moitié du XVème siècle. Sur le mur de façade, épaissi au moyen d'un arc de décharge et appuyé par des contreforts perpendiculaires, une plate-forme est établie au-dessus du niveau du faîte de la nef ; elle repose sur le mur et, en encorbellement, sur une arcature très saillante. Une balustrade ajourée en fait le tour. Du milieu de la plate-forme s'élève le clocher rectangulaire à deux baies, qui porte une élégante flèche, dont les arêtes sont garnies de crochets ; des pinacles et des gâbles en ornent la base. Une tourelle d'escalier permet d'accéder à la plate-forme.

Un dispositif identique se rencontre à la chapelle Saint-Fiacre du Faouët (Morbihan). Dans ce monument, de la fin du XVème siècle, le clocher s'élève entre deux tourelles coiffées de flèches aiguës. L'encorbellement très accentué a permis de donner une plus grande épaisseur au clocher. Comme à Kernascléden, la flèche principale est encadrée à sa base par des gâbles et des pinacles ornés de crochets.

La chapelle de la Joie, à Saint-Guénolé, est plus simple et sa flèche moins élevée ; à défaut d'encorbellement, la galerie du clocher a été supprimée.

Le XVIème siècle a vu construire quelques clochers pareils à ceux de Kernascléden et du Faouët. Je peux citer, entre autres, celui de Guimiliau (Finistère), où l'influence de la Renaissance ne se fait guère sentir que dans la forme des contreforts, dans l'encorbellement et dans la balustrade de la plate-forme. La flèche ressemble à celle des clochers du XVème siècle. Une seule tourelle d'escalier la flanque. Des pinacles, posés aux angles de la galerie, du côté opposé à la tourelle, sont extrêmement grêles et rejoints au clocher par des étrésillons de pierre qui ont la courbe d'arcs-boutants.

Un clocher-mur breton (Bretagne).

A Locquénolé, à Plouézoc’h (Finistère), nous sommes en pleine Renaissance. Au-dessus de la galerie en encorbellement, deux étages, avec deux et une baies, vont en se rétrécissant, et la différence de largeur est rachetée par des courbes. Les pinacles de la galerie sont reliés au clocher, comme à Guimiliau. La chapelle Sainte-Anne de Daoulas date de la fin du XVIème siècle. La flèche, qui persistait à Locquénolé et à Plouezoc'h, est remplacée par un petit clocheton couvert d'un dôme. Le clocher de Daoulas est peu profond et se rapproche, par cela, des clochers-murs, mais il n'a plus aucun rapport avec le clocher breton du type de La Roche-Maurice et du Kreisker.

Les églises de Lézardrieux et de Pleubian (Côtes-du-Nord, aujourd'hui Côtes-d'Armor) vont nous ramener au clocher-mur sans épaisseur. Nous n'y trouverons ni les rampants qui rejoignent, à Lanloup, à Clisson et à Monnières, l'étage rétréci des baies, ni le pignon triangulaire. Ces deux clochers de la Renaissance sont du type rectangulaire [Note : Les clochers-murs sont de deux types différents : 1° le type à pignon triangulaire, qui est le plus commun ; 2° le type rectangulaire dont le mur se termine par une ligne horizontale. Cette crête horizontale, couverte dans le Centre et le Midi de la France par un glacis ou une toiture, est surmontée, en Bretagne, par une flèche très aiguë] ; mais leur étage supérieur porte une flèche fine comme une aiguille. Ils sont construits sur le même modèle ; celui de Pleubian est plus large, plus haut, plus élégant. Jusqu'au niveau de l'étroite galerie en encorbellement, il n'y a entre eux qu'une différence de largeur. Deux tourelles rondes, accolées à leurs flancs, s'élèvent jusqu'au premier étage des cloches et donnent accès à la galerie que supporte une rangée de corbeaux entre deux contreforts. Le garde-fou de la galerie se compose d'une simple main-courante posée sur des balustres. Au-dessus de la galerie s'élèvent les deux étages des cloches et la flèche aiguë. Les deux étages sont rectangulaires. Celui du bas a deux baies, surmontées d'un entablement ; ses piliers sont si minces qu'ils ont perdu leur aplomb, malgré les tirants en pierre qui les contrebutent et les lient aux tourelles. La baie de l'étage supérieur est plus petite. La disposition des étages des baies est la même à Pleubian, mais de chaque côté des deux étages se dresse un pinacle rectangulaire, indépendant de la tourelle et relié au clocher par deux étrésillons de pierre à l'étage inférieur, et par un seul étrésillon à l'étage du haut. Ces pinacles remplissent les fonctions de culées ; les étrésillons, placés obliquement, font l’office d'arcs-boutants. L'agencement est si heureux et les matériaux sont de si bonne qualité que cette construction, toute à jour, n'a rien perdu de sa stabilité.

Un clocher-mur breton (Bretagne).

Les clochers-murs bretons ont donc subi, au cours des XVème siècle et XVIème siècles, deux évolutions divergentes. Tandis que les uns cessaient, dans la partie qui domine la toiture de la nef, d'être de simples murs percés de baies et se transformaient en clochers rectangulaires barlongs, les autres restaient des clochers plats, mais s'ajouraient au point que la maçonnerie se réduisait à un léger encadrement des baies. Le pignon triangulaire disparaissant était remplacé, dans les premiers, par une flèche aiguë ; dans les seconds, par une aiguille effilée.

Un clocher-mur breton (Bretagne).

Nous ne trouverions, dans aucune autre province de la France, une transformation aussi caractérisée du clocher-mur. Partout ailleurs, il a conservé ses éléments constitutifs, et sa physionomie a peu changé à l'époque gothique et au temps de la Renaissance. L'Angleterre, par contre, nous fournit un exemple d'évolution assez remarquable, mais qui diffère du système breton. L'encorbellement est obtenu au moyen de deux puissantes consoles, de largeur restreinte, établies l'une sur la façade, l'autre sur le revers du mur ; le clocher reste plat jusqu'au seuil des baies ; une colonne ou un pilastre s'élève sur la console entre les deux baies et permet de donner à l'amortissement du clocher un plan hexagone ou octogone. La flèche se présente par un angle sur la façade de l'église. C'est le cas notamment des clochers de Leigh-Delamere (XIIIème siècle), de Shipton-Olliffe (XIV siècle) et de Corston (XVème siècle).

Malgré une certaine ressemblance d'aspect, on ne doit pas assimiler à ces clochers anglais certains petits clochers de Bretagne, comme celui qui est bâti sur la façade de la chapelle du Kreisker et celui qui s'élève sûr un arc du transept de l'ancienne cathédrale de Saint-Pol-de-Léon. Les uns et les autres, il est vrai, ont pour assiette soit le mur de la façade, soit un arc-doubleau ; mais, tandis que les premiers n'ont que l'épaisseur d'un mur jusqu'au niveau de leurs baies et peuvent être compris, par conséquent, dans la catégorie des clochers-murs, les clochetons du type de celui de la chapelle du Kreisker, au contraire, ont pu, grâce à un puissant et large encorbellement, être construits, dès leur base, sur un plan octogone. Ce sont de petits clochers greffés sur un mur, le plus souvent sur le pignon de la façade ; c'est pourquoi certains archéologues les désignent sous le nom de clochers de pignon. Comme, dans aucune de leurs parties, ils ne sont ni plats ni barlongs, on ne saurait les faire dériver des clochers-murs. Celui de la chapelle du Kreisker date de la fin du XIVème ou du début du XVème siècle ; il a servi de modèle à un assez grand nombre de clochetons de la Bretagne.

(M. René FAGE).

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