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ÉTUDES SUR LES MINES BRETONNES
AU XVIIIème SIÈCLE

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I. — Les mines de charbon au XVIIIème siècle.

La question du déboisement, au XVIIIème siècle, se posait pour la Bretagne comme pour le reste de la France [Note : Voy. mon étude sur Les forêts et la question du déboisement en Bretagne à la fin de l'ancien régime (Annales de Bretagne, t. XXXVI). Cf. Marcel BOUFF, Les mines de charbon en France au XVIIIème siècle, Paris, 1922]. On comprit que le vrai remède, ce serait, pour certaines industries et notamment pour les fonderies, d'user d'un nouveau combustible, le charbon de terre. Malheureusement, les usines du nord sont éloignées et le charbon de terre anglais est grevé de droits fort élevés, à la sortie d'Angleterre et à l'entrée en France. On s'efforça de trouver en Bretagne même des mines de charbon et de les exploiter. Mais les seuls gisements qui donnèrent quelques résultats, ce furent ceux qui étaient situés à l'extrémité orientale de la province, à Nort (Arrondissement de Châteaubriant, en Loire-Inférieure) et à Montrelais (Cant. de Varades, arr. d'Ancenis, en Loire-Inférieure).

I.

Dès la fin du XVIIème siècle, des tentatives ont été faites pour mettre en valeur les mines de Nort et de Montrelais, surtout les premières.

Des Observations sur les mémoires de la Faculté de médecine de Nantes sur les mines de charbon et de fer de l'évêché, datées de 1715 (Arch. de la Loire-Inférieure, C 773), nous apprennent que vingt ans plus tôt, c'est-à-dire en 1695, on avait ouvert des mines de charbon dans la paroisse de Nort, mais qu'on avait dû en abandonner l'exploitation, par suite des dépenses excessives auxquelles cette exploitation donna lieu. En 1715. on fit une nouvelle tentative :

« Il y a trois ans, disent les Observations, plusieurs particuliers se sont associés pour en reprendre la culture. Ils ont à peine retiré deux fournitures de charbon, après avoir fait une dépense de 7.000 à 8.000 livres, que l'abondance des eaux tombées dans ces mines a rendue presque inutile. Ils sont sur le point d'abandonner ces mines. Le charbon qu'on a autrefois retiré était vendu aux marchands 150 livres la fourniture (la fourniture contient 84 barils de 250 livres chacun) et quelquefois jusqu'à 200 livres. Ils en faisaient le débit à Nantes, où il était consommé en partie ; l'excédent était envoyé à Belle-Ile, La Rochelle, Brest et Vannes ».

Au commencement des travaux, tant qu'on n'a pas dépassé une profondeur de 20 pieds, il ne fallut employer que 5 à 6 ouvriers ; lorsqu'on a atteint une plus grande profondeur, il fallut augmenter le nombre des travailleurs.

Les Observations notent encore que « l'on tire aussi quelques quantités de charbon de terre dans les paroisses de Mouzeil (Cant. de Ligné, arr. d'Ancenis), Varades et Montrelais ». Mais ces petites exploitations sont insuffisantes pour la consommation du pays :

« Toutes ces mines étant stériles par défaut de culture, on est contraint d'avoir recours au charbon qu'on fait venir d'Auvergne et d'Angleterre, dont le prix est de 300 livres la fourniture, ce qui est excessif ».

Les Observations demandent qu'on fasse examiner par des experts habiles le terrain de Nort. Elles indiquent bien la raison pour laquelle toutes ces tentatives d'exploitation ont échoué ; c'est que « les gens du lieu ne sont ni assez riches, ni assez entendus pour favoriser et soutenir de pareils travaux » [Note : Les Observations rappellent encore qu'en 1608 le Roi a révoqué le don des mines de charbon au due d'Uzès, qui avait été accordé par des arrêts de juillet 1680 et d'avril 1692]. On comprend alors la portée de l'arrêt de 1744, qui permettra la concession de mines à de puissantes sociétés capitalistes, seules capables de les mettre en valeur.

II.

La première mine exploitée d'une façon un peu rationnelle et fructueuse a été celle de Nort. Le sieur Jarry, négociant à Nantes, dès 1738, se proposa de reprendre les travaux qui avaient été abandonnés. De 1738 à 1740, il fit entreprendre des fouilles; on découvrit les premiers sillons. En 1741, on vit que ces sillons augmentaient. En 1742 et 1743, on approfondit les puits ; on poussa plus loin les galeries, on les fit se croiser afin de connaître la largeur des sillons de charbon ; on est parvenu ainsi à foncer huit puits, de 120 à 130 pieds et d'une superficie de 120 toises ; on fit communiquer les galeries d'un puits à l'autre. Enfin, on étaya tous ces puits et galeries par des bois, établis de quatre pieds en quatre pieds, en forme de carrés.

La grande difficulté, déclare Jarry, a consisté à « former des ouvriers capables de conduire le travail ; le peu d'intelligence des gens du lieu a exercé pendant longtemps la patience du sieur Jarry, qui est enfin parvenu à en dresser quelques-uns, dont il a fait des maîtres mineurs, qui, par ses soins assidus et à l'aide de l'expérience, se perfectionnent de jour en jour ». On emploie à la mine de 30 à 40 hommes. Jarry, craignant que d'autres personnes n'ouvrent des puits sur leur propre terrain, demande le privilège exclusif de l'exploitation [Note : Mémoire de Jarry (Arch. d'Ille-et-Vilaine, C 1494)].

La requête de Jarry est appuyée par M. du Rocher, subdélégué de Nantes, qui déclare que Jarry a dépensé plus de 40.000 écus jusqu'à présent. La mine est déjà en pleine activité ; le prix du charbon, vendu à Nantes, a pu beaucoup baisser : il se vendait 400 à 500 l. la barrique ; maintenant, le prix du charbon de Nort n'est plus que de 220 l. On en expédie beaucoup à Nantes, en plusieurs ports de Bretagne, en Anjou, en Poitou, à Rochefort ; on en demande à Bordeaux et à Bayonne, et Jarry a pu même en expédier « aux îles d'Amérique ». La mine de Nort, déclare M. du Rocher, et d'autant plus précieuse que le bois se fait de plus en plus rare dans le pays nantais. Mais il faudrait rendre l'Erdre navigable de Nort à Nantes [Note : Lettre de M. du Bocher, d'avril 1744 (Arch. d'Ille-et-Vilaine. C. 1494)].

La concession exclusive de l'exploitation du charbon à Nort dans un rayon de trois lieues est accordée à Jarry par un arrêt du Conseil de 1746. C'est en vain qu'en 1747, M. de Marcé, seigneur de la terre de Nort, prétend se substituer au privilège de Jarry ; l'intendant déclare que la concession de ce dernier doit rester en vigueur et que l'arrêt de 1744 donne au Roi le droit de concéder en toute souveraineté les exploitations minières [Note : Lettre de M. du Bocher, d'avril 1744 (Arch. d'Ille-et-Vilaine. C. 1494)].

La mine de Nort semble ne s'être développée qu'assez lentement. König, inspecteur général des mines, dans un mémoire d'octobre 1758, oppose à l'activité de la compagnie de Montrelais, qui exploite sa mine à une profondeur de 600 pieds, l'inertie de l'exploitation de Nort : « Jarry, déclare-t-il, ne suivant que l'ancienne routine, n'a guère mieux fait que ces sortes d'anciens entrepreneurs ; il a abandonné des fonds dont une société entendue tirerait encore vraisemblablement les mêmes avantages que celle de M. le duc de Chaulnes ». Toutefois, il reconnaît, dans une note, que Jarry « commence à mieux faire » ; « il imite, dit-il, et profite des lumières de la Compagnie de Montrelais ; MM. Ses fils surtout paraissent s'occuper beaucoup » [Note : Mémoire de König (Ibid., C 1493)] — En fait, l'enquête sur les mines, de 1765, fait l'éloge de la mine de Nort ; Jarry a dépensé plus de 10.000 écus pour une nouvelle machine, — sans doute une pompe à feu [Note : Mémoire de König (Ibid., C. 1474). — D'après HUET (Recherches économiques et statistiques sur la Loire-Inférieure, p. 121), c'est en 1778 que la Compagnie aurait acheté une pompe à feu en Angleterre ; il a commis sans doute une erreur de date], — et, en 1764, lorsqu'il a demandé que sa concession fût prolongée de trente ans (depuis 1776), le Conseil du Roi, considérant l'importance des travaux, lui accorde cette faveur (Arch. d'Ille-et-Vilaine, C 1494).

Jarry a dû engager, à plusieurs reprises, des procès contre des propriétaires ou contre des personnes qui veulent se livrer à l'exploitation du charbon. En 1752, il se propose d'exploiter un gisement à Mouzeil (situé à deux lieues de Nort) ; il se heurte à huit particuliers qui se sont fait concéder des terrains par les propriétaires. Mais l'intendant conclut que Jarry a la concession exclusive de tout le territoire situé dans un rayon de trois lieues. En 1775, Jarry a installé un dépôt de charbon au Port-Mulon ; le propriétaire du terrain, le sieur Goupil, proteste contre cette occupation abusive et un long procès s'engage.

III.

La mine de Montrelais a été plus prospère que la mine de Nort. — Dans la région d'Ancenis, dès la première moitié du XVIIIème siècle, et même dès le XVIIème siècle, quelques gisements ont été exploités (Voy. plus haut). A Saint-Herblon, M. Foyneau du Tertre a fait ouvrir une mine sur un terrain qui lui appartenait, mais l'exploitation en a été abandonnée au bout de deux ou trois ans (Arch. d’Ille-et-Vilaine, C 1474). Un sieur Fleuriot, dont la fille aura à soutenir un long procès contre la compagnie de Montrelais, avait exploité une mine sur sa propriété, d'une étendue de 19 arpents.

Mais la seule entreprise vraiment importante, ce fut celle dont le duc de Chaulnes et M. d'Hérouville obtinrent la concession en 1754. — Dès 1750, ils avaient demandé la permission de faire des fouilles sur le bord de la Loire et jusqu'à cinq lieues au nord. Après une enquête de l'intendant, le contrôleur général accorde cette permission, le 8 mars 1751. Le duc de Chaulnes et M. d'Hérouville chargent des travaux de recherches Mathieu, le célèbre entrepreneur de mines de charbon, qui a tant fait pour l'industrie houillère [Note : Sur l'activité de Mathieu, voy. M. Rouff, op. cit., pp. 21 et sqq. — Les Mathieu ont été, au XVIIIème siècle, de grands entrepreneurs de l'industrie houillère. Pierre Mathieu avait découvert la houille à Anzin, en 1734]. Celui-ci arrive le 25 mars 1751 et se met au travail. A sa prière, en mars 1752, le subdélégué d'Ancenis vient à Montrelais, prélève des échantillons de charbon, qui sont examinés à Nantes, sous la présidence du subdélégué de cette ville ; l'expertise, qui a lieu, en septembre, est très favorable, et, en octobre, Trudaine se fait envoyer les échantillons de charbon [Note : Mémoire sur la demande du duc de Chaulnes et de M. d'Herouville (Arch. d'Ille-et-Vilaine, C 1493)].

Dans sa requête de 1754, le duc de Chaulnes déclarait qu'il avait fait déjà des dépenses très considérables, non seulement pour les « fouilles des mines », mais pour la construction des bâtiments, l'établissement, des ports, la réparation des chemins, l'acquisition de « machines hydrauliques » ; il déclarait aussi qu'il avait fait venir de Liége, « à de très forts appointements, un des maîtres les plus expérimentés dans la fouille et la conduite de travaux de cette espèce ».

L'arrêt du Conseil, du 8 janvier 1754, accorde donc à la compagnie du duc de Chaulnes la concession exclusive pendant trente ans des mines de charbon dans le territoire ainsi délimité : « depuis Chanteaucé en descendant la rivière de Loire jusqu'à Oudon et de Oudon en remontant dans le nord, en suivant les limites de la concession accordée au sieur Jarry pour la paroisse de Nort, jusqu'à la rivière d'Erdre et en suivant, le cours de cette rivière et le ruisseau de Chanteaucé jusqu'à la paroisse du même nom » [Note : Arrêt du Conseil, du 8 janvier 1754 (Ibid., C 1491)] . C'est, on le voit, un territoire assez étendu.

Parmi les actionnaires de la Compagnie, en 1771, on compte des personnages importants, tels que Mme de Souvigny, première présidente au Parlement de Paris, M. de Marolles, premier président des Enquêtes au même Parlement, M. de Bothé, ancien commandant du port de Lorient, le chevalier de Borda [Note : Voy. un mémoire à l'intendant, de 1771 (Ibid., C 1491)].

Les travaux préparatoires ont été poussés avec activité par Mathieu, mais, dès 1754, il a pour successeur le sieur Bury ; en 1755, il est qualifié d' « ancien directeur », mais il réside encore à Montrelais.

Dès la fin de 1754, comme le montre l'enquête du subdélégué d'Ancenis, Erondelle, du 25 septembre 1754, on a foré six puits, d'une étendue totale de 122 toises (environ 240 mètres). Sur le premier, profond de 21 toises, fonctionne une machine à deux chevaux (dite amoulette), qui sert à élever les eaux de ce puits. Le deuxième, qui a la même profondeur, sert à aérer le troisième, nommé Peltier. Sur celui-ci, profond de 45 toises, se trouve une autre machine amoulette, à 4 chevaux, qui, le jour, « tire » le charbon, et, la nuit, les eaux dans des tonnes de 20 pieds cubes. Par le quatrième (24 toises), on tire le charbon « à force de bras » ; le cinquième (24 toises) est utilisé pour l'aération des fonds ; le sixième sert « à tirer les eaux par la force des bras ». La production est déjà notable, d'environ 90 pipes par jour, et il y a un stock de 3.000 pipes. Le directeur, M. Bury, fait voir à Erondelle des travaux entrepris près d'Ingrandes où l'on a commencé à y forer un puits (Arch. d'Ille-et-Vilaine, C 1493).

De 1754 à 1764, l'exploitation s'est perfectionnée, comme le montre le duc de Chaulnes, dans sa requête en vue d'obtenir la prolongation de la concession [Note : Arrêt du Conseil d'avril 1765 (Ibid., C 1491)]. Tandis que les entrepreneurs précédents n'avaient foré aucun puits à plus de 100 pieds de profondeur, criblant le terrain de puits « sans ordre et sans art », au point qu'ils ont dû ensuite les combler, la Compagnie a établi « différentes machines, et notamment celle à feu qui agit avec succès depuis plus de quatre ans » ; il s'agit d'une « pompe à feu », qui a coûté plus de 100.000 l. On a pu forer ainsi des puits à plus de 700 pieds ; on a construit des galeries profondes ; on a fait aussi de nouveaux chemins de Montrelais à Ingrandes-sur-Loire, où se trouve le dépôt de charbon, et grâce auxquels on a pu « baisser considérablement le prix du charbon, à l'avantage du commerce, par la diminution des frais de transport ». D'autres documents nous montrent les difficultés de l'exploitation : il se trouve dans les fonds des rochers, qu'il faut couper pour suivre les veines du charbon. Pour « relever les terres des puits », pour les étayer, on a besoin de beaucoup de bois et de fer. De nombreux chevaux sont occupés à tirer des fonds les tonnes de charbon. Le subdélégué d'Ancenis, on 1777, estime que les dépenses absorbent les deux tiers du produit.

Un personnel nombreux est employé par la mine : au moins 300 ouvriers, sans compter le directeur, le receveur, les « commis de fonds » et les gardes-magasins [Note : Lettre du subdélégué d'Ancenis, Erondelle, du 15 mai 1777 (Arch. d'Ille-et-Vilaine, C 1491)]. La plupart de ces ouvriers sont originaires du pays. Cependant, on emploie des étrangers, surtout dans les premiers temps. C'est ainsi qu'en 1755, un mineur liégeois est venu offrir ses services à la mine ; on a refusé de le prendre, parce qu'il était connu « pour un meurtrier et un mauvais sujet » ; en fait, il menace Mathieu et tue son domestique. Les enfants des mineurs travaillent à la mine : « dès l'âge le plus tendre, ils y trouvent à gagner leur subsistance, parce qu'on les emploie à éplucher le minéral porté au jour ». Le pouvoir royal, en 1765, se montra assez satisfait des résultats de l'entreprise pour prolonger de trente ans la concession de la compagnie.

Le charbon de la mine de Montrelais semble de bonne qualité. Dès 1754, on l'a soumis à une expertise, qu'a dirigée le subdélégué de Nantes, Gellée de Prémion, qui a appelé pour la faire des gens de métier (forgerons, serruriers, taillandiers). On l'a comparé à diverses sortes de charbons anglais ; le procès-verbal de l'expertise (du 7 octobre 1754) relate les résultats des huit expériences qui ont été faites, montre qu'au premier rang, à égalité, se classent les charbons de Newcastle et de Montrelais ; au deuxième, le charbon de Swansey ; au dernier, le charbon du Nivernais (Arch. C 1493). Et le subdélégué, dans sa lettre du 10 octobre 1754, conclut : « les résultats sont assez favorables au charbon de Montrelais pour que les propriétaires ne doivent plus craindre la concurrence du charbon d'Angleterre » (Ibid., C 1493).

En fait, dès 1754, la compagnie se préoccupa de cette concurrence. Toutes les entreprises houillières, depuis longtemps, demandaient des droits de traite protecteurs.

C'est qu'en effet, de 1714 à 1730, le charbon anglais n'avait plus été soumis qu'à un droit de 8 sous par baril de 250 livres [Note : En vertu d'un arrêt du Conseil du 4 septembre 1714, plusieurs fois renouvelé (Arch. de la Loire-Inférieure, 773)], porté, en 1730, à. 12 sous. Dès 1718, Raguenet de Vaujour, entrepreneur des houillères de Decize, dans le Nivernais, protestait contre cette réduction, qu'il déclarait funeste à toutes les entreprises françaises (Voy. l'Appendice). Les entrepreneurs de mines du Bourbonnais et d'Auvergne réclamèrent aussi, à plusieurs reprises, contre l'abaissement des droits, notamment, en 1737, année où ils demandèrent que le droit fût haussé de plus de 50 %.

Les industriels et négociants des régions maritimes, et en particulier de Nantes, se montraient, au contraire, favorables à la réduction des droits sur les charbons anglais. Laurencin avait déjà, en 1718, répondu en ce sens à Raguenet de Vaujour. En 1737, les juges et consuls de Nantes rédigent une réponse à la requête des entrepreneurs du Bourbonnais, qui est tout fait caractéristique [Note : Observations des juges et consuls de Nantes sur un mémoire au Contrôleur Général des entrepreneurs de l'exploitation des mines de charbon d'Auvergne et du Bourbonnais, du 10 déc. 1737 (Arch. de la Loire-Inférieure, C 773)]. Chaque année, disent-ils, il vient d'Angleterre 3.000 barriques de charbon (c'est-à-dire 1.200 voies de Paris et 12.000 barils de Rouen), qui se consomment à Nantes, dans l'Anjou et le Poitou. Les Nantais ne peuvent se procurer que très peu de charbon d'Auvergne, qu'ils ne reçoivent qu'au bout de quatre ou six mois. On ne saurait le comparer au charbon anglais, « plus abondant, moins cher et de meilleure qualité », et que l'on paie toujours « en sel du Croisic et en eau-de-vie de Nantes ». Le charbon d'Auvergne ne peut servir aux raffineries comme celui d'Angleterre, qui soutient le feu une fois plus longtemps ; à demi-consumé, il passe à travers les grilles, tandis que le charbon anglais « se gonfle en brûlant et fait une masse solide sur les grilles des fourneaux ». Le directeur de la verrerie de Nantes, Leclerc, déclare qu'il devrait cesser son exploitation, « si un droit excessif l'empêchait d'user du charbon de Newcastle » ; seul le charbon de Decize pourrait en tenir lieu [Note : « Il a acheté, le 11 juin 1725, quatre fournitures et 14 barriques, contenant le poids de 98 milliers de charbon d'Auvergne...; il dut laisser éteindre ses fourneaux, n'ayant pu en faire usage »]. Si l'on augmentait les droits, on paierait la barrique de Nantes (soit 2.500 livres de charbon) 30 l. au lieu de 21. Déjà le droit de 12 sous est trop fort : « le trop haut prix du charbon, monté en 1730 de 8 à 12 sous, porta, en cette même année, les maîtres cloutiers à renchérir leurs clous et à les façonner moins que par le passé », de telle sorte que les négociants et armateurs ont dû faire venir leurs clous de Liége ou de Suède.

Pour donner satisfaction aux entrepreneurs de houillères, des arrêts du Conseil du 6 juin et du 15 août 1741, remettant en vigueur un arrêt de 1701, ordonnaient la perception d'un droit de 30 sous par baril de charbon d'Angleterre entrant par les ports de la Picardie, par la Flandre et la Normandie. Le 18 juillet 1742, les intéressés des mines du Bourbonnais demandèrent que la mesure fût étendue aux ports de Bretagne. Le subdélégué de Nantes, M. du Rocher, s'y montra hostile ; il se rangeait à l'opinion des juges et consuls de Nantes, qui déclaraient que ces droits seraient très désavantageux pour le public et pour le commerce, car les Anglais, qui importaient du charbon, remportaient des eaux-de-vie et des vins [Note : Arch. d'Ille-et-Vilaine, C. 1494. — Le charbon anglais était si indispensable à l'industrie nantaise que le pouvoir royal, en 1744, n'est-à-dire en pleine guerre, donna toute facilité aux navires anglais d'en introduire dans le port et de le vendre librement (lettre de L.-J.-M. de Bourbon, du 10 avril 1744, Arch. de la Loire-Inférieure. C 755)].

En juin 1754, les concessionnaires de Montrelais demandent, à leur tour que le droit sur les charbons anglais, qui avait été modéré à 12 s. par baril de 250 livres, soit rétabli à 30 sous, comme il l'avait été en vertu de l'arrêt du Conseil du 6 septembre 1701. Leur grand argument, c'est que « les ouvriers, qui consomment ce charbon, sont tellement prévenus en faveur de celui d'Angleterre qu'ils lui donnent la préférence, quoique celui du royaume soit moins cher et aussi bon » [Note : Lettre de M. de Trudaine, de juin 1754 (Arch. d'Ille-et-Vilaine, C 1493)]. Trudaine demande des renseignements à l'intendant de Bretagne, qui fait faire une enquête par un certain nombre de subdélégués. Ceux de Derval, Châteaubriant et Plélan déclarent que, dans leur circonscription, on n'use que de bois pour les forges et fourneaux ; celui d'Ancenis assure que les ouvriers consomment du charbon de Montrelais, qui est « presque aussi bon que celui d'Angleterre ». Le subdélégué de Carhaix affirme que M. Köning, directeur de la mine de Poullaouen, a déclaré que le charbon de Montrelais est aussi bon que celui d'Angleterre et que sa mine en ferait usage [Note : Lettres des subdélégués (Ibid., C 1493)].

Par contre, le subdélégué de Nantes, Gellée de Prémion, que consulte l'intendant, et qui exprime l'avis du commerce nantais, se montre très hostile à la requête de la compagnie de Montrelais [Note : Lettre de M. de Prémion, du 5 août 1754 (Ibid., C 1493)] ; il affirme la supériorité du charbon anglais :

« Le charbon anglais, beaucoup plus pesant et gras que le nôtre, fait un feu plus âpre et plus continu. Ces qualités le rendent presque absolument nécessaire pour forger le gros fer. La prohibition, —car le droit qu'on demande équivaudrait à la prohibition —, renchérirait beaucoup ces sortes d'ouvrages... Il faut beaucoup plus de temps avec celui de France et l'ouvrage n'a jamais la perfection que donne celui d'Angleterre ».

On ne peut accuser les ouvriers de marquer de la prévention contre les charbons français ; ils les emploient en même temps que les charbons anglais. Déjà, par les droits et les frais de transport, ceux-ci coûtent 150 à 200 % « au delà de ce que coûtent les premiers achats ». D'ailleurs, on emploiera toujours le charbon français pour « la serrurerie, les menus ouvrages de fer, les raffineries et les verreries ». — M. de Prémion ajoute que l'importation du charbon anglais favorise le commerce avec l'Angleterre, « permet une défaite considérable de nos denrées ». Les Anglais emportent vingt fois le montant de leur charbon en vins, sels, eaux-de-vie, sirops, thés, sucres, miels, toiles, batistes, et parviennent à tromper la vigilance de leurs gardes-côtes. Le « défaut d'un traité de commerce avec l'Angleterre » fait que ce pays se procure au Portugal toutes les denrées que la France pourrait lui fournir :

« Il est donc important de ménager les petites relations de commerce qui nous restent avec ces voisins, et il serait peut-être fort dangereux de leur donner encore le prétexte d'une augmentation de droits ».

M. de Prémion conclut qu'il faut laisser les choses en l'état. Si on augmentait les droits, « peut-être les propriétaires [de mines], qui ne sont pas nombreux, mettraient-ils le charbon à un prix ruineux pour les consommateurs ».

La Compagnie de Montrelais revient à la charge : dans une lettre du 5 septembre 1754 (Arch. d'Ille-et-Vilaine, C 1493), M. d'Hérouville insiste à nouveau pour obtenir l'augmentation des droits perçus sur les charbons anglais à l'entrée des ports bretons. C'est, dit-il, grâce au charbon vendu par la compagnie à Angers, à Saumur et à Nantes que le charbon anglais a beaucoup baissé de prix : de 400 l., qu'il coûtait il y a trois ans, il est tombé à 320 ou 330 l. le baril, tandis que le nôtre se vend 221 l. Les commissionnaires anglais imposent leur charbon en ne consentant à vendre leurs fers aux forgerons que s'ils en acquièrent. En outre, les bateaux ne déclarent, en général, que la moitié des marchandises qu'ils importent, ce qui réduit le droit à 6 sous le baril. Et, comme ce sont là des manœuvres qui se pratiquent sur toutes les côtes de l'Océan, tous les entrepreneurs de mines (de l'Albigeois, du Quercy, du Limousin, du Bourbonnais, du Forez, de l'Auvergne, comme de l'Anjou) demandent l'augmentation des droits en Bretagne et, de fait, à Nantes, il vient beaucoup de charbon, non seulement de l'Anjou, mais du Forez, de l'Auvergne et du Bourbonnais.

Le gouvernement a-tril donné, à cet égard, satisfaction aux compagnies houillères ? M. Rouff cite un arrêt, non daté, mais qui semble avoir été promulgué entre 1759 et 1763, d'après lequel le droit de 30 sols aurait été étendu à tous les ports français (M. ROUFF, op. cit., pp. 433-434 ; l'arrêt est conservé aux Arch. Nat., F14 bis 7.760). Nous ne possédons pas à cet égard de renseignements plus précis.

Cependant, l'augmentation des droits avait bien été édictée au plus tard en 1763, puisqu'à cette date les juges consuls de Nantes réclament la réduction des droits sur les charbons étrangers, et que, la même année, la Chambre de commerce de la Rochelle demande qu'on revienne au droit de 8 sous par baril de 250 livres, déclarant qu'on a intérêt à avoir du bon charbon et que les bateaux anglais rapportent trois et quatre fois leur chargement en denrées françaises (Arch. de la Loire-Inférieure, C 773). Plus tard, en 1788, les Malouins se plaignent des droits d'entrée trop élevés qui pèsent sur les charbons anglais et qui s'ajoutent aux droits perçus à la sortie d'Angleterre [Note : Enquête de 1788 sur les usines et forges (Arch. d'Ille-et-Vilaine. C 1474)].

Quoi qu'il en soit, à la fin de l'ancien régime, le charbon de Montrelais coûtait toujours cher. Le Mémoire sur la fonderie d'Indret, publié par M. G. Bourgin, déclare que le quintal de charbon, employé sur place, revient à 14 sols 3 deniers le quintal, et rendu à Nantes, 20 sols, tandis que le charbon, employé en Angleterre pour la fonte au coke, ne coûte que 8 sols. Le prix de transport est aussi fort onéreux, surtout de Montrelais à Ingrande (1 l. 10 s. le millier), car d'Ingrande à Nantes, il ne s'élève qu'à 15 sols. Le mémoire conclut qu'il y aurait un grand intérêt à établir, à proximité de la mine, des hauts fourneaux qui pourraient alimenter la fonderie [Note : G. BOURGIN, Documents sur Indret (Bull. d'histoire économique de la Révolution, an. 1919-1921, p. 485-486].

Cependant, le charbon de Montrelais se vendait, non seulement à Nantes, mais à Lorient, pour la Compagnie des Indes, à Brest et à Rochefort, pour les arsenaux royaux, dans d'autres ports encore (Arrêt du Conseil du 2 avril 1765). Mais, sur les côtes de Bretagne, comme le montre l'enquête de 1788, on se sert presque exclusivement de charbon anglais malgré son prix élevé, et l'usage du charbon de terre s'y développe beaucoup à la fin de l'Ancien Régime. Dans la région nantaise, l'usine métallurgique de Saint-Sébastien et l'important établissement d'Indret, qui usaient beaucoup de charbon de terre, — ce dernier exclusivement —, s'approvisionnaient sans doute, en partie du moins, à la mine de Montrelais [Note : Voy. H. SÉE, Les forêts et la question du déboisement, tirage à parti, pp. 49 et sqq.].

La Compagnie s'efforce aussi d'employer le charbon sur place. Elle demande l'autorisation de créer, sur la Loire, une verrerie, où l'on fabriquerait « des verres à vitres et gobletteries, et même des verres blancs et cristaux façon de Bohême » que l'on ne trouvait, ni en Bretagne, ni en Anjou, ni en Poitou ; elle fait valoir qu'il n'existait de verreries qu'à Ingrande (à 5 lieues) et à Nantes (à 8 lieues). L'autorisation lui est accordée par arrêt du Conseil, du 12 mars 1782 (Arch. d'Ille-et-Vilaine, C 1492).

IV.

La compagnie minière de Montrelais, comme toutes les autres sociétés de même nature, — créations nouvelles, en avance sur leur temps, — entra forcément en conflit avec les formes sociales plus anciennes, avec les seigneurs hauts justiciers, avec la masse des paysans voisins, et surtout avec les propriétaires et les anciens concessionnaires.

Les seigneurs étaient, semble-t-il, en droit d'exiger un droit de dîme au douzième sur les charbons extraits des mines. Telle est la prétention que manifestent, dès 1754, MM. du Dresnay et du Lattay et ils produisent des titres remontant jusqu'aux années 1681, 1679 et 1670. La Compagnie se refuse à payer cette dîme. L'intendant, auquel s'adressent les parties, déclare, dans une lettre du 20 janvier 1755, qu'il n'a pas la connaissance de contestations de cet ordre, qu'il ne doit s'occuper que de ce qui concerne « la bonne exploitation des mines ». Cependant, comme le gouvernement lui demande son opinion, il rédige, en mai de 1759, un mémoire, qui conclut que les seigneurs ont le droit de percevoir une dîme au douzième (Arch. d'Ille-et-Vilaine, C 1493). En 1776, l'affaire n'est pas encore réglée, puisqu'à cette date, M. et Mme de Cornulier réclament, à leur tour, la dîme, « demandant de reprendre l'instance pendante au Conseil sur cette affaire entre les sieurs du Dresnay et du Lattay et les entrepreneurs des mines de Montrelais ». Le subdélégué d'Ancenis, Erondelle, déclare que le droit des postulants est incontestable, mais que, s'ils l'exigeaient au douzième, ce serait la ruine de la Compagnie. L'intendant émet l'avis que M. et Mme de Cornulier doivent se contenter du 40ème ou du 30ème du produit du charbon [Note : Lettres du 15 et du 29 mai 1777 (ibid., C 1491].

Avec l'ensemble des habitants de Montrelais, le conflit roule sur la question des chemins. Tout d'abord, la Compagnie obtient, dès 1753, — c'est-à-dire avant même l'arrêt de concession, — que les mineurs soient exemptés de la corvée des grands chemins, et le duc de Chaulnes insinue, dans une lettre du 28 mai 1753, que les riverains des chemins qui mènent de Montrelais à Ingrandes, devraient contribuer à la réparation de ces chemins en apportant des matériaux et en y donnant leur travail (Ibid., C 1493). — Les chemins sont refaits, au grand mécontentement des habitants, qui se prétendent lésés, comme le montre leur requête aux Etats, du 30 novembre 1764 [Note : Arch. de la Loire-Inférieure, C 138. — Tous nos remerciements à M. Gabory, archiviste de la Loire-Inférieure, qui a eu l'amabilité de faire copier pour nous ce document]. Ils se plaignent des associés des mines, qui « ont ruiné et rompu par leurs chariots, charettes et autres voitures les chemins qui conduisent de leurs mines à Ingrandes-sur-Loire, où se trouve leur dépôt, mais même sur les terres adjacentes. Ils se proposent aujourd'hui d'en tenir un du Conseil en directe ligne pour leur utilité particulière, à partir de ladite mine jusqu'au dit lieu d'Ingrandes à travers les terres labourables, prés, vignes et jardins dans l'étendue de plus d'une grande Lieue ». Les Habitants auront à souffrir de la perte du terrain et à supporter la charge de l'entretien, qui s'ajoutera à celui de la route d'Angers à Nantes. L'un des « intéressés dans la mine », le chevalier Darcy, a envoyé une requête au Conseil et il l'appuie d'une prétendue requête de quelques habitants, « Nous ignorons, déclarent les riverains, quels peuvent être ces habitants ; ce ne peut être que des gens dévoués à la mine par des fournissements et autres relations d'intérêts ».

Les travaux de la mine s'effectuent parfois sur des terrains qui ne lui appartiennent pas ; de là, des conflits avec les propriétaires de ces terrains ; dès 1753, le duc de Chaulnes déclare que ses ouvriers appréhendent d'être inquiétés à ce sujet et réclame les bons offices de l'intendant, qui se refuse d'ailleurs à intervenir. En 1753, M. d'Hérouville veut faire faire « un aqueduc pour empêcher l'invasion de l'eau dans les mines pour l'hiver » ; cet aqueduc doit passer sur les terres de M. de la Jalière, qui fait des difficultés ; l'intendant se refuse également à intervenir [Note : Lettres de M. le duc de Chaulnes, du 28 mai 1753, et de M. d'Hérouville, du 31 juillet 1753 (Arch. d'Ille-et-Vilaine, C 1493)].

Mais bien plus vive est la lutte qui s'engage entre la Compagnie et d'anciens exploitants, évincés par la concession gouvernementale [Note : Partout, les mines de charbon se heurtent à l'hostilité des propriétaires et des petits exploitants. Voy. M. ROUFF, op. cit., pp. 21 et sqq.]. Il lui a fallu engager un long procès contre la dame Louis, fille du sieur Fleuriot, sieur de la Sorrerie, qui prétend continuer à exploiter une mine de charbon proche de la mine de Montrelais. C'est qu'en effet ses travaux peuvent être compromis par l'exploitation voisine. Les concessionnaires affirment que la femme Louis et. ses parents leur ont vendu des terrains, sur lesquels se trouvent aujourd'hui leurs travaux. La dame Louis, au contraire, déclare que, bien avant la concession de 1754, son père, Fleuriot de la Sorrerie, exploitait une mine de charbon, et des témoins produits par elle confirment son assertion.

Les concessionnaires font valoir encore un autre argument : leur supériorité sociale :

« Louis, disent-ils dans leur mémoire de 1771, est un particulier isolé, qui n'a ni fortune, ni crédit, qui a pour protecteurs quelques particuliers d'Ingrande, qui paient ses ouvriers en pain, à mesure qu'on leur livre du charbon... Les concessionnaires, au contraire, sont des citoyens de la première classe, qui n'ont exposé une fortune considérable que sur la foi d'un traité respectable ».

L'affaire, en vertu d'un arrêt du Conseil, devait être jugée par l'intendant. Mais le Parlement intervient par son arrêt du 25 juillet 1770 : « la Cour fait très expresses inhibitions et défenses aux concessionnaires des mines de charbon de Montrelais de mettre à exécution l'arrêt du Conseil du 8 janvier 1754 qu'au préalable il n'ait été revêtu de lettres-patentes, expédiées sur icelui et dûment enregistrées par ladite Cour, à peine de 3.000 l. d'amende » — Le jugement de l'affaire, par arrêt du Conseil de décembre 1770, est confié à Varin du Colombier, lieutenant civil et criminel au présidial de Rennes. Celui-ci, le 14 avril 1771, ordonne que les puits de Louis soient comblés ; et, Louis s'étant refusé à le faire, c'est la Compagnie qui les fait combler. Mme Louis présente alors une requête au Parlement, dans laquelle elle demande que les concessionnaires soient condamnés à rétablir les puits ou bien à lui payer 15.000 l., sans compter 100.000 l. « pour profits cessants » (Arch. d'Ille-et-Vilaine, C 1491).

L'affaire n'est pas terminée. Une lettre du directeur de la mine de Montrelais, Misset, du 24 juin 1776, nous apprend que le sieur Louis a fait faire, de nouveau, des fouilles et des recherches sur le terrain, qui lui appartient [Note : « Les deux mineurs, attachés ou associés avec le sieur Louis, n'ont pas cessé de travailler depuis que j'ai eu l'honneur de vous informer qu'ils ont recommencé à fouiller dans une pièce de terre de ce particulier : ils ont, fait différentes tentatives ou recherches ; à l'endroit où ils paraissent fixés, il y a, dit on, un bel affleurement » (Ibid., C 1491)], et qui ne comprend (nous le savons par ailleurs) que 19 arpents. L'intendant ordonne de combler les nouveaux puits.

Cependant, la Compagnie adresse une nouvelle requête au gouvernement, en juin 1777, demandant que Louis soit tenu de lui rembourser toutes les dépenses du procès et de lui allouer « 300.000 fr, d'indemnité » [Note : Voy. son mémoire du 15 juin 1777 Arch. d'Ille-et-Vilaine, C 1491)]. — L'intendant fait faire une nouvelle enquête par le subdélégué d'Ancenis. Les dépositions des témoins montrent que le père de la dame Louis, Fleuriot de la Sorrerie, et ses enfants exploitent leur mine de charbon depuis plus de trente ans sur le terrain qui leur appartient. Louis a bien été boucher, mais pas depuis son mariage [Note : Acte du 3 juillet 1777 (Ibid., C 1491)]. L'intendant, d'ailleurs, avait déjà reconnu le bon droit de Mme Louis, dans sa lettre du 19 mai 1777 (Ibid., C 1491) :

« Cette femme observe, elle prouve même par des actes de notoriété qu'avant et lors de la concession faite à M. le duc de Chaulnes du droit d'exploiter les mines de Montrelais, elle faisait extraire des charbons dans ses terres et en retirait annuellement une somme considérable ».

Comme la Compagnie fait de gros bénéfices, l'intendant estime qu'elle doit indemniser la dame Louis « en lui donnant un intérêt dans son exploitation ». Enfin, en 1778, le gouvernement tranche définitivement la question. Le Roi, déclare le ministre Bertin, dans une lettre à l'intendant du 2 novembre 1778, veut que la concession de 1754 soit maintenue dans son intégrité, qu'elle ait un droit exclusif à l'extraction du charbon dans le territoire qui lui a été attribué. Mais à la demoiselle Fleuriot elle donnera un dédommagement de 12.000 l. et une pension viagère de 400 l. « sur sa tête et celle de son mari » : c'était une compensation plus forte que celle que demandait l'intendant dans sa lettre du 30 avril 1778.

Cependant, la Compagnie ne semble pas avoir pu établir définitivement son monopole ; le directeur de la mine se plaint de particuliers qui « débauchent ses ouvriers », et dont « les travaux touchent immédiatement les siens [Note : GERBAUX et SCHMIDT, Procès-Verbaux des comités d'agriculture et de commerce de la Constituante, t. II, p. 263] ; un mémoire de 1791 nous apprend aussi qu'à Saint-Herblon, un certain Mathurin Gaubert exploite une mine de charbon sur son propre terrain (GERBAUX et SCHMIDT, op. cit., t. II, p. 175). — Ainsi, nous retrouvons ici la lutte, qui s'est manifestée partout, entre les grandes compagnies concessionnaires et les propriétaires ou les petits exploitants, dépossédés par l'effet de l'arrêt de 1744, qui établissait pour le Roi le droit de concéder souverainement les exploitations minières (M. ROUFF, op. cit., pp. 112 et. sqq., 125 et sqq.).

V.

Au début de la Révolution, en 1790, la mine de Montrelais était en pleine prospérité : elle occupait 800 ouvriers et produisait 27.000 pipes de charbon (135.000 hectolitres). Mais, sous la Convention, plusieurs actionnaires avaient émigré et, au début de l'an II, les entrepreneurs de la mine étaient en conflit avec le Département, que le Comité de Salut Public avait chargé d'accélérer les travaux. Puis, les chouans ne cessent de menacer la mine. Cependant, grâce à l'énergie du Comité de Salut Public, l'exploitation se poursuivit : on en avait besoin pour l'alimentation des ports, arsenaux et fonderies de la Basse-Loire (Camille RICHARD, Le Comité de Salut Public et les fabrications de guerre sous la Terreur, Paris, 1921, pp. 411-412).

Au début du XIXème siècle, l'exploitation de la mine est encore active. En l'an XI, nous dit Huet, les ateliers de Montrelais comprenaient trois établissements (le Boislong, le Brûlon et les Chauvelières) et un « chef établissement », les Herpinières. Sept anciens puits ont été abandonnés (la mine se déplace vers l'ouest) ; mais cinq sont exploités, dont le Boislong, ouvert depuis 1786, a 366 mètres de profondeur. Le charbon se transporte toujours en sacs, par des chevaux, jusqu'à Ingrandes-sur-Loire et s'entrepose à Nantes. Le charbon est considéré comme d'une excellente qualité, aussi apprécié que le charbon anglais, beaucoup plus que le charbon du Nivernais.

La mine de Nort, au contraire, a été très éprouvée par la guerre civile ; les héritiers Jarry, faute de fonds, ont dû interrompre l'exploitation ; cependant, elle ne cessa pas complètement, semble-t-il, car le Comité de Salut Public, en germinal an II, autorisa Gaudin et Cie à reprendre l'entreprise (Camille RICHARD, op. cit. pp. 412-413). En l'an XI, on n'exploite plus que deux puits. La mine de Nort, à cette date, n'occupe que 120 ouvriers, tandis que celle de Montrelais en emploie 360 et vend pour 350.000 fr. de charbon, alors que ses frais d'exploitation s'élèvent, à 300.000 fr. Les deux mines réunies ont produit 108.000 hectolitres de charbon. - Il apparaît, dès ce moment, que les mines de houille de la Loire-Inférieure n'ont pas grand avenir ; elles peuvent à peine suffire à la consommation locale ; c'est au charbon anglais que la Bretagne doit surtout avoir recours [Note : Voy. HUET, Recherches économiques et statistiques sur le département de la Loire-Inférieure, an XII, pp. 117 et sqq. — Sur la décadence des industries de la Loire-Inférieure, à l'époque de la Révolution, voy. mon article, L'état économique de la Haute-Bretagne sous le Consulat d'après les statistiques de Borie et de Huet (Annales historiques de la Révolution française, mars 1925)] ; et, pour le chauffage domestique, on utilise toujours beaucoup la tourbe de la Brière.

VI.

Dans d'autres parties de la Bretagne, il y eut aussi des recherches et même quelques tentatives d'exploitation. Ainsi, sur une terre qu'il possédait dans la paroisse de Rezé (Canton de Bouaye, arr. de Nantes), M. de la Roche Brandesière crut trouver un gisement houiller ; il dépensa 18 à 20.000 l. en travaux de premier établissement, mais sans succès ; il n'y avait réellement un peu de charbon qu'à la surface de la terre [Note : Enquête de 1765 (Arch. C 1474)]. — En 1704, les médiocres gisements de Pordic et de Plérin furent concédés au duc d'Humières et à Henri de Fourquerolles. Ce dernier promettait d'approvisionner les arsenaux de Port-Louis, Brest et Rochefort « à meilleur marché d'un quart que ne revient le charbon d'Ecosse » ; quelques travaux furent entrepris, mais ne donnèrent aucun résultat [Note : Voy. H. BOURDE DE LA ROGERIE, Inventaire des Archives du Finistère, série B, Introd., p. CCVI].

En 1744, les compagnies de Poullaouen et de Pontpéan firent des recherches, près de Quimper : les travaux furent poursuivis de 1748 à 1751, puis de 1758 à 1765, mais on ne parvint pas à trouver « le corps de la mine ». En 1759, König, inspecteur général des mines, directeur de la compagnie de Poullaouen, désireux de trouver du charbon pour sa mine, se transporta au Cap-Sizun avec des ouvriers, « fouilla environ 60 à 80 pieds de profondeur et y trouva une mine de charbon de terre de la plus belle qualité », mais, cette veine n'ayant pas annoncé devoir être abondante, les opérations furent suspendues [Note : Arch. d'Ille-et-Vilaine, C 1487, et C. VALLAUX, La Basse-Bretagne, pp. 198 et sqq. — Dans la première moitié du XIXème siècle, on essaya aussi, mais sans succès, d'exploiter les bassins de Quimper et de Cap-Sizun]. Cependant, on n'abandonna pas le bassin de Quimper ; une société semble avoir été formée, puisqu'en 1774, les entrepreneurs des mines de charbon de Quimper demandent « qu'on ajoute à leur arrondissement les mines de Châteaulin ». En 1769, un certain Théodore Canon avait déjà fait une demande analogue, qui n'avait pas abouti. Le subdélégué ne croit pas qu'il y ait réellement du charbon près de Châteaulin (Arch. d'Ille-et-Vilaine, C 1494). On a encore reconnu des traces de charbon à Ploudiry et à Commanna, dans la région de Landerneau. M. Le Brigant, avocat à Pontrieux, a aussi découvert, avant 1765, du charbon près de cette ville, mais il n'a trouvé encore personne « pour faire les frais de cette exploitation » [Note : Enquête de 1765 (Ibid., C 1474)]. En 1766, Mme Danycan, qui faisait partie de la compagnie de Pontpéan et exploitait une mine de plomb argentifère près de Châtelaudren, demande l'autorisation d'exploiter une mine à Quimperguezennec, près de Tréguier ; M. de Trogoff fait une demande analogue pour un gisement situé à Pennelan (Ibid., C 1494). Aucun de ces projets n'aboutit.

En fait, Nort et Montrelais restèrent les seules mines de charbon exploitées en Bretagne. C'est que les mines de houille sont des entreprises coûteuses ; personne ne risquera de capitaux considérables que pour l'exploitation de riches gisements.

Si la mine de Nort est exploitée par Jarry, un négociant nantais, la mine de Montrelais, beaucoup plus importante, ne prend vraiment de l'extension que lorsqu'elle est concédée à une compagnie, à la tête de laquelle se trouve le duc de Chaulnes, et qui compte parmi ses actionnaires des personnes riches, appartenant pour la plupart à la noblesse de robe ou d'épée. Cette société est vraiment une société capitaliste, comme toutes celles qui se forment, au XVIIIème siècle, pour l'entreprise des exploitations minières [Note : Voy. M. ROUFF, op. cit. ; H. SÉE, Les origines de la société minière de Pontpéan (Mémoires de la Société d'histoire de Bretagne, 1924)].

 

APPENDICE.

Mémoire de Raguenet de Vaujour concernant le commerce de charbon de terre des minières de France (Arch. de la Loire-Inférieure. C 773).

(1718).

... Plusieurs particuliers se sont attachés à faire travailler les minières de charbon de terre du royaume, qui ont été découvertes en différentes provinces, et qui sont beaucoup plus que suffisantes pour la consommation, tant desdites provinces que des autres du royaume, par le transport qui s'en peut faire des unes aux autres par la communication des rivières, ce qui fait un bien infini aux habitants des lieux où ces minières sont découvertes.
François Raguenet de Vaujour s'est attaché à l'exploitation de celles qui sont situées près la ville de Decize, dans le duché de Nevers, qu'il fait travailler sous le nom de Nicolas Martin, en execution des arrêts du Conseil des 19 avril 1689 et 11 août 1716, dont copies sont ci-jointes avec celle du bail passé avec M. le duc de Nevers.
Ces mines sont très abondantes et peuvent fournir seules tout le charbon de terre qui peut se consommer dans le royaume, par les soins que ledit sieur Raguenet prend de les faire bien cultiver.
Le charbon qui en sort est de la meilleure qualité, même supérieure à toutes les minières de France. La bonne qualité de ce charbon est connue dès l'année 1689 que le Roy en ordonna la fouille par l'arrêt susdit.
Les premières épreuves de ces charbons furent faites à la machine de Marly, ensuite aux forges d'Imphy, près la ville de Nevers, paur la fabrique des ancres de la marine. Sa Majesté en fut si contente qu'elle voulut bien faire un marché avec les entrepreneurs pour la fourniture des arsenaux de la marine établis à Brest, Lorient, Rochefort et Bayonne, qui a eu son exécution, au contentement et à la satisfaction de tous les ouvriers qui l'ont employé.
Et, comme il ne peut soutenir les frais immenses de son exploitation que par le moyen du débit de ses charbons, qui est extrêmement diminué, quoiqu'il en ait baissé le prix, il serait à la veille, faute de débit et de consommation, d'être obligé d'abandonner une entreprise aussi considérable et si utile à l'Etat, et à laquelle il a employé tout son bien et celui de ses amis.
Ce qui cause depuis deux ans le manque de débit des charbons de terre de France est la diminution faite des droits d'entrée de ceux de la Grande-Bretagne dans ce royaume.
Ce droit d'entrée des charbons de terre d'Angleterre était fixé à 30 sous par baril par les arrêts du Conseil des 3 juillet 1692 et 6 septembre 1701 ; et, sur des exposés favorables aux étrangers et très pré-judiciables aux sujets du roi et aux minières du royaume, on a surpris l'arrêt du 28 septembre 1715, qui ordonne que, sans tirer à conséquence, les droits de 30 sous par baril de charbon de terre ou autres droits qui se lèvent, tant à l'entrée des cinq grosses fermes que dans les bureaux des provinces du royaume réputées étrangères, demeureront réduits à 8 sous pour tous droits d'entrée jusqu'au 30 septembre 1716. Ce délai a été prorogé par deux différents arrêts jusqu'au dernier septembre 1718.
A la faveur de ces arrêts, les Anglais ont chargé pour servir de lest à leurs vaisseaux une prodigieuse quantité de charbons de terre, qu'ils ont passé en France, et qu'ils débitent à bas prix, parce qu'ils sont exempts de frais de voiture d'Angleterre en France, et qu'ils ne payent que 8 sous par baril de droits d'entrée, au lieu de 30 sous qu'ils payaient auparavant.

Cela cause un notable préjudice à l'Etat :

Primo. — Parce que les retours s'en font en espèces d'argent monnayé et même en vieilles espèces, qui resteraient dans le royaume, si on empêchait l'entrée desdits charbons étrangers, ou si S. M. révoquait l'exécution de l'arrêt du 21 juillet 1717 et ordonnait l'exécution de ceux des 3 juillet 1692 et 6 septembre 1701.

Secundo. — Parce qu'il est plus naturel de faire valoir les manufactures du Royaume et de faire gagner les sujets du Roi que les étrangers ; et il est certain que le débit de cette marchandise étrangère en France donne lieu de faire sortir considérablement de nos espèces d'or et d'argent, et dégoûte une infinité de sujets du Roi de cultiver et faire valoir les minières de France. On peut donner ici pour exemple différents particuliers qui faisaient exploiter des minières de charbon de terre dans la même province où celles du sieur Raguenet de Vaujour sont situées, qui ont été obligés depuis un an ou deux d'abandonner leur entreprise, pour n'avoir pu soutenir la dépense par le manque de débit, parce que plusieurs villes de France, qui en faisaient grande consommation, tant pour l'usage des forgerons que pour les raffineries des sucres, se servent depuis trois ans de ceux d'Angleterre, qui arrivent à Rouen et viennent jusqu'à Paris, à cause du bas prix et de la modicité des droits d'entrée.

Les marchands d'Orléans, Tours, Nantes et Saumur, qui se servent depuis plus de 20 ans des charbons des mines du sieur Raguenet, trouvent la cuisson, raffinage et blancheur de leurs sucres beaucoup plus parfaits que celle des sucres de Rouen.

Les hôpitaux de Lyon font depuis un an une épargne considérable en brûlant, au lieu de bois, des charbons de terre de Saint-Etienne-en-Forez.

Les hôpitaux de Paris pourraient faire la même chose et en retireraient les mêmes avantages. On peut s'en servir également pour la cuisson des plâtres et salpêtres ; de même, les brasseurs de bière et beaucoup d'autres manufactures, qui brûlent du bois ; ce serait le moyen de parvenir à la conservation des bois, dont on appréhendait si fort la disette, il y a trois ans.

Le sieur Raguenet de Vau jour a cru qu'il était de son devoir de faire à nos seigneurs du Conseil du commerce les observations contenues dans ce mémoire, pour le bien de l'Etat, l'utilité du commerce et la conservation des minières de charbon de terre.

C'est pourquoi il supplie très humblement le Conseil de ne plus proroger à l'avenir la réduction ci-devant accordée des droits d'entrée sur le charbon de terre, venant des Etats de la Grande-Bretagne, sur le pied de 8 sous par baril du poids de 250 livres, poids à marc, tant dans l'étendue des cinq grosses fermes que dans les bureaux des provinces réputées étrangères, laquelle prorogation, portée par l'arrêt du 17 août 1717, doit expirer au 17 août prochain 1718 ; et, en conséquence, que les précédents arrêts, qui avaient fixé ce droit à 30 sous par baril, seront exécutés, et enjoindre à MM. les intendants d'y tenir la main.

RÉPONSE DE LAURENCIN [Note : Subdélégué de Nantes. Laurencin était un important négociant de Nantes. Voy. H. SÉE, Le commerce de Saint-Malo dans la première moitié du XVIIIème siècle (Mémoires et documents pour servir à l'histoire du commerce et de l'industrie, 9ème série, 1925, pp. 4-5)].
Nantes, le 23 juin 1718.
MONSIEUR,

J'ai l'honneur de vous renvoyer votre mémoire au sujet du charbon de terre. Le principe général de l’utilité de se servir des mines du royaume préférablement à en tirer de l'étranger est bon, s'il est praticable. C'est ce qu'il s'agit d'examiner. Dans le temps de la guerre, si l'on s'est passé de charbon d'Angleterre, c'est par nécessité. Celui de Decize valait pour lors 300 livres la fourniture, qui est un prix excessif, qui obligeait d'employer à beaucoup d'usages du charbon de bois, dont la dépense était forte, mais inévitable.

Si on rétablit le droit de 30 sous par baril de 250 livres de charbon étranger, c'est un droit absolument exclusif, qui va à 126 livres par fourniture, qui ne vaut que 180 à 200 livres. Celui de 8 sous est suffisant, puisqu'il montera à 33 livres par fourniture. D'ailleurs, le mouvement arrivé à l'argent fera encore une augmentation sur ce charbon étranger de 30 livres par fourniture.

Si avec ces avantages le charbon de Decize ne peut pas avoir de la faveur avec l'étranger, il faut convenir qu'il serait désavantageux au commerce et au bien de l'Etat de le favoriser davantage, parce que cela n'opérerait que le bien et le profit de quelques particuliers, au préjudice du général. J'ai l'honneur d'être avec mon attachement ordinaire.

G. LAURENCIN.

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II. — Les origines de la Société minière de Poullaouen.

Un certain nombre de documents des Archives d'Ille-et-Vilaine (C 1487) nous renseignent sur les origines de cette importante exploitation. Les mines de plomb argentifère de Poullaouen et Plusquellec ont été concédées par le duc de Bourbon au sieur Guillotou de Keréver [Note : On lit sur le document Kervéou, mais c'est une erreur pour Keréver. Il s'agit bien du négociant de Morlaix, dont les Archives d'Ille-et-Vilaine possèdent la correspondance d'affaires. Voy mon étude, Le commerce de Morlaix dans la première moitié du XVIIIème siècle, d'après les papiers de Guillotou de Keréver (Mémoires et documents pour servir et l'histoire du commerce et de l'industrie en France, publ. par J. Hayem, 9ème série, 1925)] et à ses associés, par acte du 1er avril 1732 [Note : En 1741, les intéressés aux mines de Basse-Bretagne sont : Sébire des Saudrais, Lachaud, Arnaud, Favre, Hernoncour, Remaigny]. Ceux-ci ont fait immédiatement exploiter les mines de plomb qu'ils ont découvertes à Poullaouen et à Plusquellec. Ils ont fait le fonds de 30.000 l. ordonné par les lettres de concession et ils ont, en outre, avancé des sommes considérables, car ils ont « fait construire tous les bâtiments, fourneaux et bois nécessaires » [Note : Mémoire sur les mines de Basse-Bretagne (Arch. d'Ille-et-Vilaine, C 1487)].

Dès 1734, les travaux paraissent assez avancés [Note : Cependant, il y a eu de longs tâtonnements en 1733, si l'on en croit une lettre de Guillotou à Fr. Tronchin, de Paris, du 27 mars 1733 (Reg. de correspondance de Guillotou, Arch. d'Ille-et-Vilaine, série E). Chastelain, le directeur de la mine, s'est acharné à construire un canal à Poullaouen, tandis qu'il fallait s'en tenir, déclare Guillotou, aux mines de Plusquellec et Carnot, « desquelles les Anglais retirèrent des matières, dont ils firent l'essai », et qui furent trouvées parfaites. M. Chastelain a défendu aux ouvriers, même à M. Hanne, d'informer Guillotou de ce qui se passe à la mine : « il veut se rendre souverain distributeur des deniers de la société » — Guillotou a obtenu satisfaction, car, en mai 1733, Chastelain a été remercié et on a nommé un nouveau directeur (lettre du 18 mai 1733). Dès juin 1733, on a de sérieuses espérances : « celui qui a vendu son sol d'intérêt pour 3.000 l. doit être présentement au repentir, attendu que l'on est bien près de trouver quelque chose » (lettre de Guillotou fils, du 22 juin)]. On a fait un canal souterrain pour l'écoulement des eaux, qui a 150 toises de long, et un autre à ciel découvert. On a ouvert trois puisards, de 50 pieds de profondeur chacun, dans le premier se trouve la pompe à chaîne, qui reçoit les eaux d'une autre pompe à bras, posée dans le second puisard, et qui les jette dans le canal souterrain. Le troisième puisard sert à « tirer les mineurs et les attraits ». — Les bois sont préparés pour plusieurs mois : plus de 400 pieds de chênes ont été achetés sur pied ; les bois pour les moulins, laveries et bâtiments sont abattus depuis quatre mois, et les pierres « sont tirées ».

D'avril à août 1734, on a posé une nouvelle pompe à chaîne (il a fallu trois semaines pour ce travail), ce qui permet aux mineurs de travailler facilement. Ces deux pompes marchent jour et nuit : quatre hommes, se relevant d'heure en heure, les font fonctionner. — On s'occupe aussi de la fonderie. Un fondeur suisse, gagé 1.200 l. par an, « va travailler à la construction d'un fourneau à réverbère, qui sera renfermé dans un petit bâtiment de 24 pieds en carré ; les grilleries seront faites près ledit bâtiment et ce fondeur ne se servira que de bois pour fondre, ce qui sera bien moins coûtageux (sic) que le charbon de terre ».

Les progrès de l'exploitation sont marqués par le nombre des ouvriers qui travaillent à la mine. En 1734, on en compte 46 (23 de jour et 23 de nuit) ; en 1740, on en emploie 150, « tous du pays » ; cependant, en 1734, on signale l'existence de deux mineurs étrangers : un Allemand et un Anglais.

La mine, dès le début de l'exploitation, a paru abondante. La veine, de 7 pieds de large dès 1734, comporte « plusieurs branches et rameaux ». En 1740, on note qu'en dehors de la grosse veine. « il a paru des filons en d'autres endroits, que nous suivrons sous peu sans abandonner cette veine ». — Le minerai (« minéral ») est très bon ; il se présente, soit en « grenaille », soit « en grosses pierres, que l'on fait boccarder [concasser] par mains d'hommes pour être le premier fondu, en attendant que le moulin, les laveries et le boccard soient faits ».

Le plomb produit est de bonne qualité : « il est très liant et doux ; la Compagnie n'a rien épargné pour le perfectionner, en sorte qu'aujourd'hui [1741], il est autant estimé que celui d'Angleterre et même préféré dans quelques endroits ». Le minerai fourni est d'environ « 20 milliers » par semaine. En 1740, un « état des fontes au Poullaouen » donne les chiffres suivants :
MINERAL MIS AUX FOURNEAUX : 206 000 livres.
CRASSES AUX FOURNEAUX : 62.580 livres.
PLOMB : 113.550 livres.

Nous possédons aussi quelques renseignements intéressants sur les salaires des ouvriers. Ils sont moins élevés que ceux qui seront payés, vingt-cinq ans plus tard, par la société de Pontpéan [Note : Voy. mon étude. Les origines de la société minière de Pontpéan (Mém. de la Société d'histoire de Bretagne, 1924).]. Les ouvriers de jour, reçoivent 12 sous ; les ouvriers de nuit, 15 sous ; les manœuvres, qui charrient le minéral, 8 sous. Un charpentier ne reçoit que 15 sous par jour, un garde, 200 l. par an. Les ouvriers les mieux rétribués sont : un forgeron, qui louche 30 l. par mois ; un mineur anglais et un mineur allemand, 11 l. 15 s. et 9 l. par semaine. Quant au fondeur suisse, gagé 1.200 par an, c'est un ingénieur plutôt qu'un ouvrier [Note : Sur tout ce qui précède, voy deux lettres de Delestang, directeur de la mine de Poullaouen, de 1734, et un Mémoire des intéressés aux mines de Basse-Bretagne, de 1741 (Arch. d'Ille-et-Vilaine, C 1487)].

Cependant, l'entreprise de Poullaouen connaît encore des difficultés financières. On construit une nouvelle machine, qui coûte cher. Guillotou de Keréver fils, de Morlaix, à la fin de 1735, donne une caution de 600 livres et déclare que, sans lui, « les associés n'auraient pas grand crédit ici » [à Morlaix]. Il affirme que les travaux de la mine n'avancent guère [Note : Lettre à Favre, de Paris, du 2 décembre 1735 (Correspondance de Guillotou de Keréver, Arch. d'Ille-et-Vilaine, série E)]. Il se préoccupe très vivement du succès de l'exploitation, car son père « y est intéressé pour trois sous », c'est-à-dire pour près d'un sixième du capital (le capital entier étant représenté par une livre). — En 1736, le succès de l'entreprise parait assuré pour l'avenir. Le 21 mai, Guillotou écrit, en effet, à Delaunay Montaudouin, l'un de ses clients de Nantes (Ibid) :

« La mine de Poulaouen est très bonne, quant au minéral [minerai] que l'on retire, et je suis persuadé que l'on en retirera beaucoup. L'on en retire présentement assez de matières pour faire aller un fourneau pour la fonte. On prétend qu'il y a plus d'argent qu'à la mine de Pontpéan, et les ouvriers qui y travaillent prétendent qu'elle sera plus abondante » (Voy. aussi H. BOURDE DE LA ROGERIE, op. cit., loc. cit., pp. 286 et sqq., et Bibl. Mazarine, msc, 3723, fol. 41-80).

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III. — Ingénieurs et ouvriers étrangers dans les mines bretonnes.

On a constaté bien souvent qu'au XVIIIème siècle les exploitations minières ne trouvaient pas toujours en France tous les ingénieurs et les ouvriers qualifiés dont elles avaient besoin ; on l'a remarqué pour les mines de houille (Voy. Marcel ROUFF, Les mines de charbon au XVIIIème siècle, pp. 289 et sqq.) ; à Poullaouen, on l'a vu, figurent, au début, un fondeur suisse et un mineur allemand (Voy. plus haut). En voici une nouvelle preuve : lorsque l'on prépare la mise en exploitation de la mine de Pontpéan, on cherche à se procurer des ouvriers et un chimiste anglais. C'est ce que montre clairement la lettre suivante, adressée, le 29 décembre 1732, par M. Guillotou de Keréver, négociant de Morlaix, au chevalier Danycan, qui habite à Paris, au Marais [Note : Registre de correspondance de Guillotou (1732-1736) (Arch. d'Ille-et-Vilaine, série E)] :

« Monsieur, j'ai reçu la lettre que vous m'avez fait l'honneur de m'écrire du 16 du courant, par laquelle vous me marquez d'écrire à mon correspondant de vous envoyer un chimiste pour la séparation des métaux, 4 fondeurs, un capitaine de mines et 4 mineurs, en tout 10 ouvriers pour votre mine de Pontpéan. Je ne puis vous assurer de la réussite ; mon ami est à Londres, d'où il m'a écrit depuis peu, pour des affaires particulières qu'il a de conséquence, et il ne me donne pas son adresse. Cest un embarras de faire passer ces gens en France ; je ne sais si mon ami voudra s'en charger. Tout ce que je pourrai faire, je le ferai, mais je vous préviens que ces gens n'aiment guère à entrer si avant en terre. D'ailleurs, il faudrait, en cas que cela se puisse, que vous écriviez à votre ami de Saint-Malo de faire en sorte de les faire passer par quelque bâtiment de Guernesey à Saint-Malo, et de là les faire conduire de Saint-Malo à Pontpéan ; ce sera le seul secret que vous pourrez avoir pour les faire passer, comme si la destination fût pour Guernesey. Je souhaite que cela puisse réussir.

« Les fondeurs et chimistes d'Angleterre fondent ordinairement à fourneau de réverbère sans eaux. Celui que le nôtre a fait à Ty-Gal est à réverbère, ce qui me fait croire que c'est ainsi qu'ils les construisent. Je souhaiterais de tout mon cœur vous être bon à quelque chose. J'ai parlé à M. Hanne, notre chimiste, qui m'a dit qu'il écrirait à M. son fils pour tacher de vous avoir des ouvriers.
Souhaité la bonne année »
.

Cette lettre est intéressante à bien des égards. Elle nous montre que Noël Danycan, le grand armateur malouin, qui avait obtenu, en 1730, la concession de la mine de plomb argentifère de Pontpéan [Note : Voy. H. SÉE, Les origines de la société minière de Pontpéan (Mémoires de la Société d'histoire de Bretagne, an. 1924, pp. 51 et sqq.)], se préoccupe, dès 1732, d'en entreprendre l'exploitation. S'il demande à Guillotou de lui procurer un chimiste et des ouvriers anglais, c'est que celui-ci venait d'obtenir du duc de Bourbon la concession de la mine de Poullaouen [Note : Voy. ci-dessus. — Cf. une lettre, du 31 décembre, de Guillotou à M. Kermeno, de Paris : « Nos mines vont bien, mais jusqu'à ce que le canal ne soit parfait, nous ne pouvons tirer davantage ; je vous y réserve une petite portion ... »]. Danycan put-il faire venir d'Angleterre les ouvriers dont il avait besoin ? C'est ce que nous ne savons pas. On voit, en tout cas, que ce n'était pas chose facile : les lois anglaises punissaient très sévèrement les ouvriers « déserteurs », et c'est secrètement, par la voie de Guernesey, qu'ils pourraient débarquer à Saint-Malo. D'ailleurs, la première société constituée par Noël Danycan ne réussit guère, car elle fut dissoute en 1740 et l'exploitation de la mine ne commence effectivement qu'avec la seconde société, créée par la veuve de Danycan, en 1746. Remarquons encore que l'état des ouvriers de la mine de Pontpéan, que nous possédons pour l'année 1762, ne mentionne pas d'ouvriers étrangers (H. SÉE, op. cit., loc. cit., pp. 160-162). A la mine de Poullaouen, au contraire, on compte de nombreux ouvriers étrangers (anglais, allemands, lorrains, etc.) ; les directeurs eux-mêmes sont des étrangers : Denmann (1740), König (depuis 1750), Brollmann (depuis 1780) (Voy. BOURDE DE LA ROUERIE, Inventaire de la série B des Archives du Finistère, Introd., pp. CCIII et sqq.). Les Anglais, employés dès le début de l'exploitation, et parmi lesquels il y avait un chimiste, Hanne, prétendaient ne pas travailler le samedi après midi [Note : Lettre de Guillotou fils à son père (3 août 1733)]. On dut d'ailleurs renvoyer quelques-uns d'entre eux, les Gribles, en août 1733 [Note : Lettre de Guillotou fils (26 août 1733)], puis le chimiste Hanne lui-même, en octobre. Avec d'autres ouvriers anglais, les Couth, le nouveau directeur, Delestang, eut de nombreux démêlés (Lettre du 23 déc. 1733).

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IV. — La police de l'intendant sur les mines.

INTRODUCTION

Au XVIIIème siècle, les intendants ont encore vu s'accroître leurs attributions ; le pouvoir royal leur a reconnu formellement le droit de juger les contestations auxquelles peuvent donner lieu les exploitations minières, et notamment en ce qui concerne la police des ouvriers, employés par ces sociétés.

Le cas se présenta pour la première fois en Bretagne ; en 1758. Il s'agissait d'un maître maçon, Georges Tallemont, employé par la compagnie minière de Poullaouen aux réparations des fourneaux et qui avait abandonné son travail, au grand dommage de l'exploitation. Le caissier lui a retenu ses gages de janvier, soit 36 livres. Le subdélégué de Carhaix fait une enquête, ordonne de faire parachever les travaux par un autre maçon, Le Page; puis il soumet l'affaire à l'intendant.

Celui-ci ne semble pas avoir une idée précise de ses attributions en ce qui concerne les mines ; il ne sait pas s'il a la connaissance « des contestations nées ou à naître à l'occasion des entreprises des intéressés aux mines de Bretagne ». Le subdélégué, dans sa lettre du 3 mars 1758, déclare que l'arrêt du Conseil du 30 décembre 1741, confirmant des arrêts du 10 août 1737 et de mai 1731, « renvoie toutes les contestations, procès et différends devant. M. l'intendant de Bretagne, pour être par lui jugés ». En conséquence, le 13 mars 1758, l'intendant rend une ordonnance, déclarant que Guillaume Tallemont sera arrêté et gardé en prison pendant huit jours ; après quoi « il sera tenu » de retourner à la mine pour achever son travail, pendant un mois et plus, si c'est nécessaire. La compagnie, sur la prière du subdélégué, a consenti à pardonner à l'ouvrier, a réduit le temps de la prison à 24 heures, mais, ayant eu de nouveau à s'en plaindre, le congédie définitivement.

En 1766, une affaire analogue se présente. La compagnie de Poullaouen, qui, depuis quelques années, a à se plaindre de ses gardes ou piqueurs, demande à l'intendant de faire justice de l'un d'eux, Jean Hervé, qui a commis des prévarications dans l'un de ses taillis. Le subdélégué fait l'enquête et demande pour le délinquant un mois de prison. L'intendant, dans son ordonnance, le condamne à 15 jours et aux frais de geôlage.

L'intendant possède le même droit de police sur les ouvriers des forges. L'arrêt du Conseil, du 27 décembre 1729, a défendu « à tous voituriers et ouvriers d'abandonner le service des forges et fourneaux à peine de 300 l. d'amende, et aux maîtres de forges, de recevoir les dits ouvriers et voituriers, à moins qu'ils ne justifiassent avoir averti trois mois d'avance leurs anciens maîtres, à peine de 500 l. d'amende ». Les intendants ont à veiller à l'exécution de l'arrêt. Cependant, les intendants ne croient pas leur compétence suffisamment fondée par l'arrêt. C'est pourquoi l'arrêt du Conseil du 4 août 1786 déclare que toutes les causes de cette sorte seront jugées par les intendants, « sauf l'appel au Conseil » (Arch. d’Ille-et-Vilaine, C 1490).

Par ce qui précède, on voit quelle est la condition des ouvriers des mines et forges. Les sociétés minières les tiennent dans une étroite dépendance ; elles considèrent que l'abandon du travail doit être puni de la prison, et le pouvoir royal ne fait que sanctionner leurs décisions.

L'intendant a aussi la connaissance des contestations relatives aux salaires, qui s'élèvent entre les sociétés minières et les personnes qu'elles emploient. En voici un exemple intéressant. Le 9 mai 1777, M. Piou, sous-ingénieur des Ponts et Chaussées, réclame à la Compagnie de Poullaouen une somme de 1.125 l. d'honoraires pour les plans et devis d'un hôpital, qu'il leur a fournis et il saisit l'intendant de sa réclamation. Les propriétaires des mines se refusent à payer cette somme, en déclarant que Piou « avait augmenté l'importance de ce projet, afin que l'estimation des dépenses à faire pour son exécution s'élevât à une somme dont le quarantième, qui devait lui revenir pour ses honoraires, fût d'une certaine importance ». Il a prévu la construction d'une chapelle, de logements pour le chirurgien et l'aumônier, de deux appartements pour les députés de la société, qui tous sont parfaitement inutiles. L'intendant, par son ordonnance du 1er août 1777, ordonne au directeur de la compagnie de payer 600 l. à Piou, qui remettra ses plans et devis (Arch. d'Ille-et-Vilaine, C 1488).

Enfin l'intendant doit, sinon juger, tout au moins instruire les contestations qui peuvent s'élever entre les compagnies minières et des particuliers. Le 14 août 1776, les entrepreneurs des mines de Poullaouen ont envoyé au gouvernement un mémoire relatif à plusieurs questions importantes :

1° C'est la question de savoir s'ils ont le droit « de conduire leurs eaux dans les rivières qui les avoisinent et qui sont les égouts naturels dont tout particulier a droit de faire usage » [Note : La mine a eu à soutenir de nombreux procès contre des propriétaires de domaines congéables au sujet de la pollution des eaux ; on reproche aussi à la compagnie d'abattre beaucoup de bois. Cf. BOURDE DE LA ROGERIE, op. cit., p. CCIII et sqq.].
2° Les seigneurs, « qui se sont arrogé un droit de quarantième sur les mines, à la charge de les protéger, peuvent-ils encore l'exiger depuis que les mines sont sous la protection du Roi, alors que le roi s'est démis de son droit de dixième en faveur des mines ?
3° Ils demandent que les indemnités, réclamées par des voisins, soient réglées, non par des gens du pays, « de l'impartialité desquels on ne peut être assuré », mais par des commissaires du Conseil.

Le ministre Bertin renvoie ce mémoire à l'intendant, qui fait faire une enquête, et qui répond par une lettre du 22 janvier 1777. L'intendant déclare que la première demande ne peut être accueillie. D'abord la compagnie ne peut invoquer la situation difficile dans laquelle elle se trouve :

« Je suis informé que l'exploitation des mines dont il s'agit est très avantageuse pour les entrepreneurs ; le minéral y est fort abondant et tous les intéressés en retirent un bénéfice considérable ».

Sans doute, la compagnie a le droit de conduire ses eaux dans les rivières, mais à condition que ce ne soit pas au détriment des riverains :

« Or, il est certain que les matières, qui proviennent des mines de Poullaouen et Huelgoat, et qui sont conduites dans la rivière d'Aulne, communiquent une telle malignité aux eaux de cette rivière qu'elles causent dans leurs débordements les plus grands dégâts ».

Le minerai est entouré d'une pierre brune et de terre remplie de quartz. L'eau qui sert à le laver forme une lessive épaisse et fort nuisible aux cultures. L'intendant envoie sur la question un rapport rédigé par le sieur Bernard, ingénieur des Ponts et Chaussées, sur la plainte de la comtesse de Coigny. Les rapports des autres experts concluent dans le même sens.

Quant au droit de quarantième, déclare l'intendant, il est si ancien « que la longue possession l'a rendu légitime ». On ne peut le supprimer en Basse-Bretagne s'il n'y a pas une loi s'appliquant à tout le royaume (Arch. d’Ille-et-Vilaine, C 1498).

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DOCUMENTS

I. — Rapport du subdélégué de Carhaix (Arch. d'Ille-et-Vilaine, C 1488).
(6 février 1758).

« Nous, Maurice-Yves Pourcelet de Trévéret, baillif et subdélégué de l'intendance de Bretagne au département de Carhaix, scavoir faisons que, sur les réquisitions de MM. les officiers aux mines de Basse-Bretagne, nous serions ce jour descendu sur les travaux desdites mines, où ils nous auraient représenté que le lundi 30 du mois de janvier, le nommé Guillaume Tallemont, dit Noyal, l'un des maîtres maçons gagé pour les ouvrages des mêmes mines, aurait comparu devant M. König, inspecteur général, et lui aurait demandé la permission de quitter les mines pour aller travailler ailleurs. Que sur cette demande le sieur König lui aurait observé qu'il ne lui accorderait son congé qu'après qu'il aurait achevé certains ouvrages qu'il pouvait seul rétablir et parachever : singulièrement deux fourneaux à manche qui sont dans la vieille mine et qui servent à la fonte des terres de monnoye. Que les ouvrages finis (et quoique par ses engagements et les règlements des officiers des mines, tous les gagistes fussent tenus d'avertir un mois par avance avant de pouvoir quitter), ledit sieur König lui donnerait son congé pour se retirer où bon lui semblerait. Que, le mardi 31 du même mois de janvier, ledit Tallemont, aurait, sur les trois à quatre heures de l'après-midi, abandonné tous ses ouvrages, aurait refusé de les continuer et se serait rendu au bourg de Poulaouen sans s'être depuis représenté sur lesdits travaux. Que, le deuxième du présent mois de février, le sieur König, inspecteur, étant tenu de s'absenter pour les affaires de sa compagnie, il dit au sieur Patot, caissier, de ne pas payer ledit Tallemont de ce qui lui revenait pour ses gages du mois de janvier, qu'au jour de son arrivée qu'il fit le quatre. Que, le vendredi trois, ledit Tallemont, profitant de l'absence du dit sieur König, fit faire sommation au sieur Patot, caissier, de lui payer 36 l. pour ses gages du mois de janvier, sous peine, en cas de refus, de le traduire devant Monseigneur l'intendant de la province et de lui faire supporter tous retardemens, dépens, dommages et intérêts. Que les mêmes officiers des mines de Basse-Bretagne nous auraient encore représenté que le dit Tallemont, fertile en invectives et plein d'arrogance, aurait traité le sieur Patot de dureté et avec les expressions les plus deshonnêtes dans son bureau et en sa présence, ce qui est constaté par la réponse dudit sieur Patot du 3 de ce mois. Que, bien loin de refuser, son salaire à cet ouvrier qui est aux gages de MM. les intéressés aux mines de Basse-Bretagne depuis le 27 avril 1750, et dont ils ont augmenté les appointements qui sont aujourd'hui fixés à 36 l. par mois, il lui a toujours été payé régulièrement, à l'exception du mois de janvier dernier, qu'il est bien juste de lui retenir pour un temps, puisque ce même ouvrier a tout laissé à l'abandon. Que les fondeurs occupés aux fourneaux à manche sont sans occupation et qu'il est impossible, par le défaut de la réparation entière de ces fourneaux que le même Tallemont avait commencé à réédifier, d'employer aucune des cendres de monnoye et autres matières de plomb dont la fonte et l'affinage sont d'une grande conséquence, et d'autant plus grande que, depuis la guerre, ils ne trouvent point à vendre leur plomb, et qu'ils ne peuvent faire face à partie des dépenses qu'occasionnent les travaux de leurs mines que par l'argent qu'ils retirent d'une partie de leurs plombs et desdites cendres des monnoyes. Et qu'enfin leur compagnie souffre une perte réelle qui ne saurait qu'augmenter de jour en jour, par ne pouvoir user de leurs fourneaux à manche et en voir renaître la production. Ce que, vérifiant sur les lieux en présence de personnes notables, et après avoir mandé les ouvriers qui travaillent et qui ont la direction desdits fourneaux, ils nous auraient fait voir et aurions vu que la tuyère, pièce principale d'un desdits fourneaux, aurait été enlevée à l'effet de réparer ce même fourneau, dont on aurait précédemment entrepris la réédification que l'on aurait abandonnée imparfaite, et que l'autre fourneau, dont il est essentiel de relever la maçonne, n'aurait point encore été entrepris. Et sur les interpellations que nous aurions faites aux ouvriers qui travaillent, et à ceux qui dirigent lesdits fourneaux de nous déclarer si Guillaume Tallemont avait été et était toujours chargé de l'entretien des mêmes fourneaux, ils nous auraient répondu qu'il l'avait toujours fait et qu'il était le seul qui le pût faire, ce que nous aurions pris pour constant et avoué. Certifions de plus avoir vu sur les registres des officiers des mines, à la date du 28 février 1751, que, par un règlement du même jour, il est expressément dit que tous les ouvriers gagés, habitants du royaume, ne pourront abandonner leurs travaux qu'après les avoir prévenus un mois auparavant. Donnons également pour reconnu l'acte du 27 du mois d'avril 1750 portant l'engagement souscrit de Guillaume Tallemont au service de la mine, pour y demeurer aussi longtemps que l'on aurait besoin de lui. Et, comme il est important de reprendre les ouvrages abandonnés par ledit Tallemont, et sur ce qui nous aurait été représenté que le nommé Jean Le Page, travaillant actuellement au bourg de Poulaouen, pourrait les continuer et les parachever aux périls et fortunes dudit Tallemont, nous dit subdélégué avons, pour le bien du service et les intérêts de la compagnie aux mines de Basse-Bretagne, ordonné que ledit Le Page sera mandé pour y satisfaire et avons rapporté le présent notre procès-verbal sur les lieux pour être adressé à Monseigneur l'intendant et être par lui ordonné ce qui sera de sa justice contre ledit Tallemont en punition de ses invectives et de sa désobéissance, du préjudice causé par son évasion, de l'infraction à ses engagements et de cet esprit d'indépendance qui ne peut être toléré, eu égard à quatre ou cinq cents ouvriers grossiers, qu'un pareil exemple pourrait un jour porter à mal faire et peut-être à se révolter.

Fait aux mines de Poulaouen, le 6ème jour du mois de février 1758, sur les six heures du soir ». TRÉVÉRET POURCELET.

 

II — Ordonnance de l'intendant.
(13 mars 1758).

« ... Ledit Guillaume Tallemont, dit Noyal, sera arrêté et conduit dans les prisons les plus prochaines du lieu de sa capture pour y rester pendant huit jours, après lequel temps il sera tenu de retourner aux dites mines, à l'effet d'y continuer son travail, sous les ordres des officiers des mines, l'espace d'un mois, et plus, s'il est nécessaire, sans qu'il puisse s'en dispenser que pour cause légitime, duquel travail il sera payé selon que les dits officiers auront lieu d'en être satisfaits ; avons condamné ledit Tallemont aux frais de sa capture et de gîte et de geôlage, et lui faisons défense de retomber en pareille faute, ni d'insulter les officiers desdites mines, sous plus grandes peines... ».

 

III. — Lettre des intéressés aux mines.
(30 mars 1758).

« Nous ne pouvons que vous témoigner notre juste reconnaissance de la bonté que vous avez eue de nous rendre justice au sujet de la désobéissance du nommé Tallemont, un de nos ouvriers. Nous en avons été si satisfaits que M. votre subdélégué de Carhaix n'a trouvé en nous nulle difficulté de pardonner à cet ouvrier et de réduire sa prison de huit jours à 24 heures seulement. Après quoi, nous l'avons remis à son travail ordinaire, mais, quoique, Monseigneur, nous aurions de nouveau à nous plaindre du peu de cas que ce même ouvrier a fait de votre bonté et de notre modération, nous aimons mieux, en le payant et le congédiant, l'abandonner pour jamais à son mauvais caractère, d'autant plus que nous en avons trouvé un autre en sa place qui nous donne infiniment plus de satisfaction ». KÖNIG, FAVRE, BINET.

 

IV. — Lettre des intéressés des mines de Basse-Bretagne à l'intendant (Arch. d'Ille-et-Vilaine, C 1488).
(20 août 1766).

Nous avons l'honneur de vous adresser ci-jointe notre requête par laquelle nous réclamons votre protection pour réprimer l'esprit de pillage qui s'est glissé depuis quelques années dans le corps des gardes ou piqueurs, dont nous nous servons dans les diverses parties des travaux et dépendances des mines, et tâcher de les corriger, s'il est possible. Nous avons jusqu'ici épuisé tous les moyens, qui sont de notre compétence, inutilement ; il nous reste celui que nous avons l'honneur de vous présenter dans notre requête, qui nous fera perdre toute espérance s'il ne réussit pas. Nous comptons cependant qu'il produira de bons effets, parce qu'outre l'impression qu'il fera par lui-même, on pourra craindre, d'après cet exemple, que nous allassions plus loin s'il n'y avait pas de changement, ce qui ne peut que déterminer nos gardes à se contenir dans les bornes de leur devoir ou à faire moins de mal. Nous osons donc espérer, Monseigneur, que votre justice se portera à nous accorder ce que nous croyons nécessaire pour le bien de l'entreprise confiée à nos soins, et qu'en nous rendant bonne et briève justice, nous n'aurons pas moins lieu de louer votre équité, que lorsque vous avez bien voulu écouter favorablement nos représentations, lors du dernier tirement du sort (Il s'agit évidemment de la milice).

C'est dans ces sentiments de vénération et de reconnaissance que nous sommes le plus respectueusement, Monseigneur, vos très humbles et obéissants serviteurs.

Aux mines de Poulaouen, ce 20 avril 1766. GERARD, GRÉVIN, LECOURSONNOIS, HUGUET.

 

V. — Lettre de M. Trévéret à l'intendant (Arch. d'Ille-et-Vilaine, C 1488).
(4 juin 1776).

J'ai fait les informations des faits portés en la requête des officiers aux mines de Poulaouen, que j'ai l'honneur de vous renvoyer. Je tiens de sept à huit personnes que j'ai entendues sur les lieux, que le nommé Jean Hervé, qu'ils avaient établi pour leur garde et leur homme de confiance, pendant l'exploitation du taillis du Brunault, leur a fait des torts considérables, qu'il en a également fait aux ouvriers qui travaillaient sous ses ordres et qu'à l'égard des uns et des autres, il a été un concussionnaire et un prévaricateur. Cet homme, Monseigneur, mérite d'être puni pour contenir tous les autres ouvriers et préposés aux travaux des mines, et je crois, d'après ce que je vous rapporte, que vous ordonnerez que, par deux cavaliers de la maréchaussée, il sera constitué prisonnier à Carhaix pendant un mois et à ses propres frais.
Je suis avec un profond respect, Monseigneur, votre très humble et très obéissant serviteur, TRÉVÉRET.

 

VI. — Ordonnance de l'intendant.

Vu par nous, intendant en Bretagne, la présente requête, ensemble le compte qui nous en a été rendu par le sieur de Trévéret, notre subdélégué à Carhaix.

Nous, pour les concussions et prévarications commises par le nommé Jean Hervé dans ses fonctions de garde pour l'exploitation du taillis de Brunault, en la paroisse de Trebrivant, ordonnons qu'il sera pris et conduit par les cavaliers de maréchaussée sur ce requis dans les prisons de Carhaix pour y rester pendant quinze jours et n'en sortir néanmoins qu'après avoir payé les frais de sa capture, conduite, gîte et geôlage. Fait à Rennes, le 4 juin 1766.

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V. — Mémoires sur les mines de Montrelais et de Poulaouen (1756 et 1753).

Nos premières études étaient, déjà imprimées lorsque nous avons eu connaissance de deux mémoires contenus dans deux manuscrits de la Bibliothèque Mazarine (n° 2.840 et 3.723).

Ils présentent un intérêt assez grand pour mériter une analyse détaillée. En effet, émanant de spécialistes comme le chevalier de Jars [Note : Jars a écrit un mémoire sur l'usage de la houille dans l'industrie métallurgique, mémoire qui fut présenté à l'Académie des Sciences, en 1770, et qui a été récemment publié par M. L. Gueneau (Mémoires et documents sur l'histoire du commerce et de l'industrie, de Julien HAYEM, 8ème série, 1924, pp. 321 et sqq.], ils décrivent avec une grande précision la technique employée dans les mines de charbon et de plomb argentifère, vers le milieu du XVIIIème siècle. Cette technique, surtout en ce qui concerne la mine de Montrelais, semble encore assez primitive. Cependant, mentionnons l'emploi de machines (à moulette, hydrauliques) et aussi de machines à vapeur, à partir de 1756 à Montrelais, et, dès 1748, à Poulaouen : essais encore timides, d'ailleurs, et qui, dans cette dernière entreprise, ne semble pas avoir donné de résultats satisfaisants.

Les deux mémoires fournissent aussi des renseignements précis sur les diverses catégories d'ouvriers, et sur les salaires qu'ils reçoivent. Remarquons que les contremaîtres. (maîtres mineurs, maîtres charpentiers, etc.) sont payés au mois et reçoivent en général 30 ou 40 l. Les salaires des ouvriers qualifiés s'échelonnent entre 15 et 20 sous. Les manœuvres sont payés, en général, 10 et 12 sous, quelquefois moins. Enfin, ces deux entreprises ont déjà une quantité considérable d'ouvriers : 136 à Montrelais, où l'exploitation en est encore à ses débuts, et 471 à Poulaouen, où l'on travaille depuis vingt ans. Toutes deux, npus le savons, exigent une mise de fonds considérable ; ce sont déjà des sociétés à base capitaliste [Note : Le Voyage en Bretagne de Mignot de Montigny (publié par H. BOURDE DE LA ROGERIE, dans les Mémoires de la Soc. d'histoire de Bretagne, t.VI, 1925) estime (p. 290) les dépenses de l'exploitation de Poulaouen à 450.000 l.].

Mémoire sur l'exploitation en général des mines de charbon de Montrelais, situées à une lieue au couchant d'Ingrande-sur-Loire, avec l'explication des plans ci-joints qui ne se trouvent pas dans le manuscrit. [Note : Bibl. Mazarine, man. n° 2840, relié à la suite du voyage de Mignot de Montigny. Dans le Voyage en Bretagne, de Mignot de Montigny, de 1752 (publié par H. BOURDE DE LA ROGERIE, dans les Mémoires de la Société d'histoire de Bretagne, t. VI, 1925, pp. 246-248), on trouve une description sommaire de la mine].

« Les mines de charbon de Montrelais ont été exploitées depuis un temps immémorial par les habitants dudit lieu, qui n'ont jamais passé la profondeur de 20 toises ; il y a apparence que ce sont les eaux qui les arrêtaient. Le travail de ces mines a été interrompu pendant 10 à 12 ans jusqu'en 1750 qu'un nommé Pouperon fit ouvrir quelques fosses sans permission, en payant toutefois le dixième à chaque propriétaire du terrain dans lequel il faisait ouvrir. En 1751, la Compagnie actuelle les entreprit de nouveau en commençant par la petite veine (CD) ; l'année suivante, on reconnut la grande veine (AB) par l'approfondissement du puits Pelletier (L), dont la profondeur est aujourd'hui de 59 toises. Tous les autres puits et galeries se sont faits à mesure que les travaux l'ont exigé. Le manque d'économie du directeur qui régissait pour lors les travaux [Note : Il s'agit sans doute de Mathieu] a occasionné bien des dépenses inutiles à la Compagnie qui a bien de la peine aujourd'hui à établir le bon ordre, surtout parmi les ouvriers qui, ne faisant sous ce directeur que ce qu'ils voulaient, ne subissent aujourd'hui qu'avec peine le joug de la subordination. On travaille néanmoins chaque jour à établir une bonne règle, si nécessaire pour le soutien de l'exploitation d'une mine.

Le grand filon, ou la grande veine, est le seul des cinq... que la Compagnie fasse exploiter. Sur le puits L est une machine, nommée à moulette que quatre chevaux font mouvoir : ils sont attelés circulairement à quatre bras de levier de 21 pieds chacun. Le tambour autour duquel s'enveloppe la chaîne est un cône tronqué, dont le diamètre est de 7 pieds 4 pouces ; il est fixé à l'arbre vertical mobile, de 2 pieds de diamètre, auquel sont attachés les bras de levier horizontaux. A 42 pieds du point d'attouchement de la chaine, au cercle du tambour, sont placées deux poulies mobiles perpendiculairement au milieu du puits L, qui dirige la chaîne, qui soutient deux tonnes de 4 pieds 6 pouces de hauteur et 6 pieds 5 pouces pour le diamètre commun, chacune de 20 pieds cubes, dont l'une monte, pendant que l'autre descend ; elles servent à élever l'eau...

Il y a 16 chevaux employés à cette machine par 24 heures ; on change chaque couple de 4 chevaux de trois en trois heures... Ainsi chaque cheval travaille 6 heures dans les 24 ; ils élèvent dans les 3 heures 25 tonnes.

Les tonnes dont on se sert pour élever le charbon par cette même machine ont 3 pieds 4 pouces de hauteur et 3 pieds 4 lignes pour le diamètre, soit 25 pieds cubes (chaque pied pesant 55 livres). Chaque tonne contient, donc 1.375 livres en charbon.

Il y a une autre petite machine à moulette sur le puits M, fait sur le toit de la petite veine C D..., mais il n'est utile qu'autant que les eaux que l'on en retire diminuent le volume de celles des travaux de la grande veine. Un seul cheval fait mouvoir cette petite machine, dont le bras de levier est de 16 pieds et le tambour de 5 pieds pour le diamètre moyen.... Les tonnes qu'elle élève ont 10 pieds cubes. Il faut 4 chevaux pour les 24 heures, chacun travaillant 6 heures...

Comme les eaux sont le plus grand inconvénient qu'il y ait dans l'exploitation de ces mines-ci, la Compagnie fait travailler journellement à la construction d'une machine à feu, qui sera placée dans le bâtiment N, pour élever les eaux par le puits O, qui est déjà approfondi de 44 toises et demie... et que l'on continuera jusqu'à la profondeur du puits L, dès que les eaux seront assez basses pour y travailler. Cette machine ne sera en état d'agir qu'en août ou septembre prochain.

La pente de la grande veine est de 63° 30, sa largeur de quatre pieds. Le charbon qu'on en extrait est de nature plus friable, et plus encore quand il est exposé à l'air; il se détache par feuillets, comme l'ardoise ; un pied cube pèse 55 livres ».

— Le mémoire distingue du charbon la houille, qui est plus dure, et s'extrait en plus gros morceaux. On trouve aussi dans la veine des pierres plates (caillettes), recouvertes d'une feuille de pyrites fort minces ; « c'est un charbon moins parfait », et qui, à la combustion, donne « des pierres blanches ». Les veines de glaise sont rares au fond, mais le sont moins près de la surface.

Les filons sont quelquefois détournés par un avancement du toit ou du mur (relais), ou coupés par des rochers (crains). « On commence à voir que le charbon se bonifie et se durcit dans la profondeur. Par des expériences faites à Nantes, par ordre du Roy, on a reconnu qu'il égalait en qualité celui de Newcastle, le meilleur de l'Angleterre ».

Suit le détail technique de ces expériences.

On rencontre parfois dans la veine des toises d'un charbon, qui est beaucoup plus vif au feu, mais qui se consomme aussi plus rapidement.

« L'expérience a prouvé dans le pays de Liége que les veines, soit obliques ou approchant de la perpendiculaire, ne continuaient leur inclinaison que jusqu'à une certaine profondeur, après laquelle elles remontaient et venaient ressortir au jour dans un éloignement plus ou moins considérable, de sorte que les veines forment deux plans inclinés venant de la surface de la terre, et qui se réunissent dans une certaine profondeur, proportionnée à leurs inclinaisons ».

A Montrelais, on ne s'en est pas encore aperçu, sans doute parce que l'approfondissement n'est pas encore assez considérable.

Le charbon s'extrait du puits Z de la manière suivante :

Ayant fait un puits sur le toit des filons, afin d'en avoir une partie perpendiculaire, et se procurer par là plus d'aisance, on suit le filon en continuant l'approfondissement sur sa pente. Lorsqu'on est à une certaine profondeur, on pousse une galerie à droite et à gauche, dans le charbon, de 5 pieds de hauteur sur toute l'épaisseur de la veine. Après trois toises d'excavation, on prend une taille de 24 pieds de hauteur (suivant les circonstances, on ne la fait quelquefois que de 15) sur 3 de largeur.

La hauteur de la veine, c'est ce qu'on appelle la taille, et on l'extrait ainsi : un des mineurs commence la taille par en bas et excave trois pieds en avant sur six de haut ; le second travaille au-dessus et extrait le charbon de la même longueur sur neuf pieds de haut, ainsi que le troisième mineur. Chacune de ces tâches s'appelle havée. Le premier mineur extrait un tiers de moins de charbon, mais il doit « faire l'entrée dans le charbon », le couper dessus et dessous, marquer la pente de la galerie, tandis que les deux autres n'ont qu'à abattre le charbon.

Chaque mineur doit boiser sa havée (moyennant, 20 sous). On laisse au-dessus une épaisseur d'une toise et demie, puis on recommence une taille de la même manière. De temps en temps, on ménage de petites ouvertures dans l'épaisseur (cheminées) pour donner de l'air. On n'excave dans le haut qu'autant que l'on a besoin de charbon, « en approfondissant toujours » ; on assure ainsi la continuité de la veine, et l'on a toujours « la ressource du charbon des hauteurs » ; c'est ainsi que l'on fait dans le pays de Liége ; les Flamands emploient le procédé inverse.

Une fois le charbon extrait, on le charge dans des petites tonnes de 2 pieds 1/2 cubes ; c'est l'office des hercheux, qui conduisent un petit train et sont placés de 9 en 9 toises, le long de la galerie, afin d'accélérer le transport. Lorsqu'on arrive au puits, on attache les tonnes à une corde, qui correspond au treuil de la surface (qui a un pied de diamètre). Ce sont les tourteux (dont le nombre n'est pas fixé), qui l'élèvent à l'aide de deux manivelles.

Les hercheux travaillent continuellement et sont relevés de 8 en 8 heures. Comme l'extraction se fait rapidement, « les ouvrages sont presque aussitôt abandonnés ; aussi on les étançonne fort légèrement, à l'exception des principaux puits et des galeries. On laisse, d'ailleurs, des piliers de charbon, plus solides que le bois et moins chers » [Note : Le mémoire ajoute : « Il paraît, par les fosses qui ont été faites sur les différentes veines, qu'elles ont été travaillées par les anciens, ce qui donne des espérances pour l'avenir »].

On aurait intérêt à faire tirer le charbon par une machine à moulette, plutôt que par les bras d'hommes [Note : En effet, elle pourraît élever par heure 12 tonnes de 7 pieds cubes 1/2, et d'une profondeur de 200 pieds. Les quatre chevaux en élèveraient 288 en 24 heures, soit 2.260 pieds cubes. — L'entretien des quatre chevaux (y compris les frais des palefreniers et chasseurs, de 3 chargeurs dans le fond et des 4 videurs à la surface) serait de 11 l. 12 sous, car la nourriture des chevaux serait de 5 l. 8 s., les salaires des 2 chasseurs, 2 l., des 3 chargeurs (à 12 s.), 1 l. 16 s., des 4 videurs (à. 12 s.), 2 l. 8 s.].

Le puits Z (de la Cilardière) a une profondeur de 159 pieds et occupe 18 tourteux en 24 heures. On en extrait chaque semaine 2.300 portoirées (la portoirée = 2 pieds cubes 1/2), c'est-à-dire 5.750 pieds cubes. Quand on aura élevé toutes les eaux et établi la machine, on pourra en tirer 8.000 portoirées. La portoirée se vend, sur la mine, 1 l. 8 s. [Note : Trente sous, déclare Mignot de Montigny (BOURDE DE LA ROGERIE, op. cit., toc. cit., p. 248)], mais la plus grande partie du charbon est transportée à Ingrande, dans un magasin situé au bord de la Loire. Le transport à Ingrande coûte 4 s. par portoirée en été, et 5 en hiver; car les chemins sont mauvais et on ne peut se servir que de chevaux.
Il y a, à Montrelais, quatre « officiers » ou employés : un inspecteur, un caissier, un conducteur de travaux, un employé préposé aux achats. Les travailleurs du fond, excepté les tourteux, font 8 heures, pendant lesquelles ils ne prennent aucun repas ; il y a 3 postes par jour, et l'interruption n'a lieu que les dimanches. Les « travailleurs au jour », la surface, ont des postes de 12 heures ; on leur donne 2 heures pour leurs repas. Ils sont éclairés par des chandelles, mais on se propose d'établir des lampes, sur le mbdèle de celles qui existent aux mines de Sainte-Marie et de Saint-Bel [Note : Chaque ouvrier use 1 livre 1/2 de chandelles par semaine, soit 13 sous 1/2 tandis que 11 onces d'huile de noix ne coûtent que 4 s. 6 den.].

La mine emploie les catégories suivantes d'ouvriers :

2 maîtres mineurs, faisant chacun 12 heures ; salaire de ……… 40 l. par mois.
19 mineurs ou haveurs ……………… 30 l. par mois.
100 hercheux, tourteux, etc…… 12 s. par jour.
4 chasseurs de chevaux :
dont 2……………………… 30 l. par mois.
et 2……………………… 12 s. par jour.
4 palefreniers……………… 24 l. par mois.
1 maréchal………………………… 30 l. par mois.
2 maréchaux……………… 26 l. par mois.
1 maître charpentier…… 26 l. par mois.
1 bourrelier…………. 24 l. par mois.
3 charpentiers………… 18 s. par jour.
Au total : 137 ouvriers.

Le mémoire conclut qu'on peut avoir confiance en l'avenir de la mine. Il est signé par Jars [Note : Le chevalier de Jars, un spécialiste des industries houillère et métallurgique], Duham et Grimot.

 

Mémoire sur les mines de Basse-Bretagne

[Note : Bibl. Mazarine, man. n° 3723, pp. 41-79. — Le Voyage en Bretagne, de Mignot de Montigny (H. BOURDE DE LA ROGERIE, op. cit., loc. cit., pp. 286-291) donne une description fort intéressante de la mine de Poulaouen].

En 1733, la Compagnie a commencé par l'ancienne mine (T). Le travail, pendant quelques années, a eu assez de succès ; on a creusé plusieurs galeries et puits jusqu'à 97 pieds de profondeur. Mais, en 1740, « les eaux prirent tellement le dessus » qu'on dut l'abandonner.

On découvrit alors une nouvelle mine. Le minerai se détachait très facilement du rocher. A la surface, il n'y avait pas d'eau, mais, en approfondissant., on en trouva. On pratiqua alors une petite galerie d'écoulement, à 45 pieds plus bas que le niveau du puits. On se servit d'abord des pompes à bras pour l'épuisement de l'eau ; mais, comme les eaux augmentaient, on recourut à une machine hydraulique. En 1747, « le peu de succès de cette machine détermina la Compagnie à construire une machine à feu, qui fut achevée en juin 1748 ». On put alors mettre à sec les travaux souterrains ; mais cette machine était très dispendieuse, à cause du charbon de terre qu'elle consommait et de l'approfondissement perpendiculaire [Note : Voy. le Voyage en Bretagne (loc. cit., p. 286)]. En 1749, on fit donc construire de nouvelles machines hydrauliques, et l'on exécuta une nouvelle galerie d'écoulement, qui rejoignit l'ancienne mine. Celle-ci put donc être utilisée à nouveau.

« Le filon de la nouvelle mine, que l'on suit à 186 pieds de profondeur sur une longueur de 23 toises, a une toise de large, entre laquelle il se trouve 6, 8, 10, 12 pouces de minéral massif, qui est de la même nature que celle de l'ancienne mine ».

Le mémoire explique ensuite comment on parvient à recueillir le minerai et à le traiter avant la fonte. — On détache le minerai, soit par la poudre, soit par le pic d'acier. On le place dans un seau, puis, au moyen d'une corde ou chaîne, répondant à un treuil, qui est tourné par un manœuvre, on le conduit dans une brouette au pied du puits, qui a 120 pieds de profondeur ; puis, on l'élève au moyen d'une machine à moulette.

A la surface, les ouvriers trient le minéral. Les gros morceaux sont portés sur des tables, où garçons et filles les cassent. Les petits morceaux sont traînés dans un petit chariot aux laveries anglaises, où on les nettoie au moyen de l'eau courante. Quant aux morceaux cassés, ils sont lavés aux cribles (tonneaux). — Enfin, les matières les moins riches sont portées au bocard, composé de 9 pilons, qui agissent par un arbre, qu'une roue fait mouvoir. Les pilons réduisent le minerai en poudre ; pulvérisé, il est porté à des filles qui le lavent sur des tables, de 8 pouces et demi de pente sur le devant.

Puis, le mémoire décrit les opérations de la fonte. — Elle s'opère dans un fourneau, « ce reverbère à l'anglaise », dont le sol est formé, avec de la terre ordinaire qu'on a broyée et humectée. — La première coulée demande 9 heures, les autres se font de 3 en 3 heures ; pour la charge totale, il faut 15 heures. On jette alors un peu de résine, « afin de rendre au plomb le privilège inflammable ou phlogistique ». Ce minéral rend dans une fonte 56 à 58 % en plomb, le quart de son poids en crasses, qui rendent 25% ce qui fait encore le 16ème du total.

On moule le plomb dans des lingotières ; le lingot pèse de 50 à 70 livres. — La première coulée est plus riche en argent que les suivantes (une once à une once 1/2 %) ; aussi la met-on à part pour l'affiner. On fond 22.000 livres par semaine. La consommation est évaluée :

En bois, à 15 ou 16 cordes (contenant 87 pieds cubes 1/2) [Note : Mignot de Montigny dit que la mine emploie beaucoup de bois et que celui-ci finira par manquer, ce qui fera qu'on devra « abandonner la mine »] ;
En charbon de terre, à 2 barriques (chacune de 7 pieds cubes) ;
En chaux, à une demi-barrique.
Quant aux crasses du fourneau précédent, elles sont fondues dans un fourneau à manche, dont la tuyère est posée à 9 pouces an-dessus du niveau de la casse ou catin. La catin est composée de 2/3 de charbon de bois pulvérisé et d'un 1/3 de terre séchée et pulvérisée. Les terres de monnaie sont fondues dans un fourneau à manche semblable au précédent « et s'accommodant de la même façon ». Ce fourneau fond par semaine environ 4.000 livres de terre.

Enfin, ce sont les opérations d'affinage. — Elles se font, soit dans un « fourneau à l'anglaise », soit dans la « coupelle allemande ». Le premier est un « reverbère, derrière lequel est placé un soufflet de cuir à deux âmes de huit pieds ». Le mémoire décrit le détail de l'opération. « Cette méthode d'affiner est plus expéditive que l'allemande, mais elle n'est bonne qu'autant que le plomb est pauvre en argent », c'est-à-dire n'en contient qu'une once ou une once 1/2 par quintal. La coupelle allemande est « un reverbère dont un chapeau de fer sert de vente » ; derrière, se trouvent deux « soufflets de bois ».

Puis, on opère le raffinage de l'argent affiné, car celui-ci contient encore quelques portions de plomb. On l'opère : 1° par le fourneau à vent ; 2° devant un soufflet sous une mouffle. « Cette méthode, déclare le mémoire, incommode beaucoup plus l'artiste que la précédente, par la grande chaleur qui n'est point renfermée. Sa consommation est au moins d'une barrique de charbon » [Note : On trouve aussi dans le Voyage en Bretagne (loc. cit., pp. 287 et sqq.) une bonne description de toute cette technique].

Suit une description précise du personnel employé par l'entreprise minière.

Ce sont d'abord les 5 « officiers » : un inspecteur général [Note : C'est l'ingénieur saxon König] ; un caissier, un inspecteur des fonderies [Note : En 1752, c'était le sieur Caponet (Voyage en Bretagne, loc. cit., p. 290)], un garde-magasin, un inspecteur pour les bois. — Les ouvriers travaillant dans les souterrains se relèvent de 12 heures en 12 heures, excepté le dimanche ; ceux qui travaillent à la nouvelle mine, toutes les 24 heures.

Ouvriers de la nouvelle mine.
2 maîtres mineurs… au salaire de 43 l. par mois.
2 sous-maîtres……………….. 30 l. par mois.
76 mineurs………………….. 15 s. par jour.
et les apprentis ………………….. 12 s. par jour.
6 boiseurs………………………… 16 à 18 s. par jour.
68 manœuvres……………. 9 à 12 s. par jour.
1 machiniste……………… 40 l. par mois.
7 aides…………………………. 15 à 20 s. par jour.
3 ouvriers employés à la pompe…… 12 à 15 s. par jour.
3 scieurs de long……………… 15 à 18 s. par jour.
3 manœuvres………………….. 10 s. par jour.
1 charron………………………. 15 s. par jour.
3 forgerons…………………… 14 à 20 s. par jour.
9 aides ………………………….. 10 à 12 s. par jour.

Laveries.
2 maîtres laveurs… au salaire de 26 l. par mois.
16 laveurs…………………. 8 à 12 s. par jour.
6 brouetteurs……………… 10 s. par jour.

Bocard.
1 maître de bocard…………. au salaire de 35 l. par mois.
39 casseurs et casseuses…………… 5 à 8 s. par jour.
2 aides du bocard…………………… 10 à 12 s. par jour.
14 laveurs et laveuses……………… 6 à 8 s. par jour.
10 maœuvres…………………………. 7 à 10 s. par jour.

Au total : 276 ouvriers.

A l'ancienne mine.
1 maître mineur………… au salaire de 40 l. par mois.
1 sous-maître……………………………. 30 l. par mois.
1 maître laveur………………………… 30 l. par mois.
30 mineurs…………………………… 15 s. par jour.
43 manœuvres…………………… comme à la nouvelle mine.
4 boiseurs………………………… comme à la nouvelle mine.
2 aides machinistes……………… comme à la nouvelle mine.
16 laveurs………………… comme à la nouvelle mine.
6 brouetteurs…………… comme à la nouvelle mine.
12 casseurs et casseuses… comme à la nouvelle mine.

Fonderies.
Il y a 30 ouvriers à chaque fourneau ; ils se relèvent toutes les 12 heures et ont un jour de repos sur trois.
1 maître fondeur……. au salaire de 40 l. par mois.
15 aides……………………….. 12 à 21 s. par jour.

Fourneaux à manches
(Qui s'arrêtent du vendredi au dimanche; relève, toutes les 12 heures).
4 maîtres fondeurs………. au salaire de 20-24 l. par mois.
4 autres…………………………. 20 s. par jour.
10 aides………………………… 12 et 15 s. par jour.

Coupelle anglaise.
2 affineurs au salaire de 20 s. par jour.
4 aides servant à souffler………. 12 et 13 s. par jour.

Coupelle allemande.
2 affineurs… au salaire de 36 l. par mois.
2 aides………………… 12 à 14 s. par jour.
1 laveur pour cendres……… 33 l. par mois.
19 manœuvres employés à fendre le bois
ou passer le charbon, au salaire de 10 s. par jour.
1 maître charpentier et constructeur de machines……………… 60 l. par mois.
« 3 charpentiers sous lui » …… 12 à 18 s. par jour.
1 maître serrurier…… 36 l. par mois.
2 aides …………… 12 et 14 s. par jour.
4 gardes et piqueurs, « pour faire travailler les ouvriers et marquer les
journées »
……………………… 20 l. par mois.

« En tout, 471 ouvriers employés aux milles de Poulaouen, presque tous bretons, à l'exception des principaux chefs [Note : Le Voyage en Bretagne dit que les mines de Poulaouen et Huelgoat ont occupé jusqu'à 850 ouvriers en 1751, et qu'on emploie 60 mineurs allemands]. On accorde de temps en temps des gratifications aux gagés suivant leurs mérites.

La nouvelle mine produit toutes les semaines de 20 à 25.000 livres de minéral lavé, le bocard, de 4 à 5.000 livres de schlich (minerai pulvérisé), et l'ancienne mine, de 10 à 12.000 ; dont il en provient 24.000 livres de plomb et. environ 10 marcs d'argent » [Note : Cf. le Voyage en Bretagne, de 1752 (loc. cit., p. 291) : « Ces mines, qui sont exploitées avec profit depuis cinq ans, ont rendu 12 à 1.800 milliers de plomb chaque année et, jusqu'à 120 marcs d'argent. Ce plomb rendu à Rouen est payé 17 à 18 l. le quintal par les entrepreneurs de la manufacture de plombs laminés »].

(Par Henri SÉE).

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