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UNE QUESTION D'ORIENT AU XVème SIÈCLE

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Cette question d'Orient-là, hâtons-nous de le dire, bien qu'elle eût son importance, était cependant moins grave que celle d'à présent. Il s'agissait simplement de savoir si les Bretons pourraient en sûreté de conscience trafiquer avec les Turcs.

Les Turcs en effet, qui invoquent si haut à cette heure le droit contre la force, ont fondé sur la force, il y a plusieurs siècles, le droit dont ils se couvrent aujourd'hui. La conquête de Byzance et de l'Empire Grec par ces barbares sectaires, les cruautés atroces et les sinistres menaces auxquelles ils se livrèrent contre les chrétiens, remplirent d'horreur toute l'Europe, et firent des mahométans un véritable épouvantail pour la chrétienté. C'est bien, ou jamais, le cas de dire : « Que les temps sont changés !... ». Cette horreur, aux premiers moments, monta même à un tel point que les princes chrétiens eussent cru engager leur conscience en trafiquant ou permettant à leurs sujets de trafiquer avec les Turcs. Notre histoire provinciale en offre une preuve.

La Bretagne jouissait alors (au XVème siècle) d'une richesse intérieure et d'une prospérité commerciale à quoi rien dans ses annales, ni avant ni depuis, ne peut se comparer. Les navires de ses marchands, sillonnant de tous côtés l'Atlantique, visitaient incessamment l'Angleterre, les Flandres, les villes de la Hanse d'Allemagne, l'Espagne et le Portugal, tout prêts à pousser leur course jusqu'aux ports du Levant. Mais quoi ! de bons catholiques comme les Bretons entrer en commerce avec les Turcs, ces terribles ennemis du nom chrétien ? La chose était impossible, et pour vaincre leurs scrupules il ne fallait rien moins que la parole même de Rome.

Le duc François II, qui favorisa beaucoup pendant tout son règne les arts et le commerce, ce chargea de lever cette difficulté et fit demander au pape Sixte IV, en 1479, la permission de trafiquer avec les Turcs. La réponse du Saint-Père fut favorable ; elle est contenue dans une bulle, conservée au Trésor des chartes de Bretagne, et dont la traduction suit :

« SIXTE, évêque, serviteur des serviteurs de Dieu, à notre cher fils et noble personne François, duc de Bretagne, salut et bénédiction apostolique. Nous repassons souvent en notre esprit la pureté de foi, la parfaite obéissance et l'excellent dévouement que vos ancêtres ont si constamment montrés jusqu'à ce Jour au Saint-Siége apostolique, et que vous-même continuez encore aujourd'hui de lui témoigner publiquement. D'où il nous semble juste que, ayant pour votre personne une affection toute spéciale, nous soyons prêt à vous accorder favorablement ce qui doit tourner à votre soulagement et délectation. Or ainsi est-il, comme vous nous l'avez fait récemment savoir par votre requête, que vous êtes grand amateur de faucons, de chiens de chasse et de beaux chevaux (goût assez ordinaire aux princes du siècle), et que ces faucons, chiens et chevaux se trouvent principalement chez les Turcs et autres peuples infidèles, tandis qu'il existe dans les pays de votre domination grand foison de denrées en retour desquelles, si on les expédiait chez les infidèles, vous auriez facilement faucons, chiens, chevaux, et autres marchandises fort utiles à votre duché et à vos sujets. En conséquence, vous nous avez humblement fait supplier de vous donner, de notre bienveillance apostolique, congé d'envoyer au pays des Turcs et autres infidèles navires, carvelles, caraques (carinas), galères ou autres bâtiments chargés de marchandises, et aux hommes qui monteront ces bâtiments congé aussi de trafiquer, pratiquer, converser et communiquer avec lesdits Turcs et infidèles. Nous donc, voulant envers votre personne user de grâce spéciale et enclin à votre supplication, vous donnons, de notre autorité apostolique, par la teneur de ces présentes, pleine et entière licence d'envoyer auxdits pays, autant et si souvent qu'il vous plaira, navires, cervelles, caraques, galères ou autres bâtiments chargés de marchandises quelconques, pourvu qu'ils n'y portent ni armes ni autres choses prohibées qui pourraient servir à l'oppression du peuple chrétien. Nous donnons aussi licence à ceux qui monteront ces bâtiments de trafiquer, pratiquer, converser et communiquer avec lesdits Turcs et autres infidèles, en leur défendant seulement toute action qui tournerait au détriment de la foi catholique ; et nous leur permettons de tirer desdits pays faucons, chiens, chevaux, ou toutes autres marchandises à leur convenance, et de les transporter, vendre ou échanger là où il leur plaira, sans encourir aucune peine, sentence ni censure ecclésiastique, nonobstant toutes constitutions, ordonnances et prohibitions apostoliques, ou toutes autres choses à ce contraires.... Donné à Rome, à Saint-Pierre, l’an de l'Incarnation de N. S. 1479, le XII des calendes d'avril (21 mars), de notre pontificat l'an neuvième ». Signé sur le repli G. BONATTUS, et scellé d'une bulle de plomb sur lacs de soie jaunes et rouges. (A. L. B.).

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