Web Internet de Voyage Vacances Rencontre Patrimoine Immobilier Hôtel Commerce en Bretagne

Bienvenue !

Les Salines et son Commerce en Bretagne

  Retour page d'accueil       Retour page "Histoire de Bretagne"  

Boutique de Voyage Vacances Rencontre Immobilier Hôtel Commerce en Bretagne

Boutique de Voyage Vacances Rencontre Immobilier Hôtel Commerce en Bretagne

Le Croisic, en l'isle de Batz, au territoire de Guérande, est une presqu'ile séparée de la Grandeterre, qui est d'un très difficile accès. Les charrettes et voitures de charge, qui y apportent les provisions, n'y sauraient venir que par une grève qui seiche une fois chaque jour, la mer étant basse, et encore avec beaucoup de peine, pendant l'hiver les approches en étant presque impraticables.

Le terrain en est dénué de toutes les commodités de la vie. Il y croit si peu de grains qu'ils ne suffisent pas à la vingtième partie de la subsistance des habitants. Il n'y sauroit croitre ny vin ny bois, il ne s'y élève aucuns bestiaux ; en un mot cet endroit manque généralement de tout ce qui est nécessaire pour vivre, et les habitants ne subsistent qu'à l'abry de ce que les pays circonvoisins leur fournissent en le payant fort chèrement.

Cette disette générale a été dans tous les temps si reconnue par les anciens ducs de Bretagne, et depuis par les roys de France, que les premiers ont accordé aux habitants certains privilèges pour leur faciliter les moyens de subsister, dans lesquels les roys les ont jusqu'à ce jour maintenus. Parmi ces privilèges, le plus essentiel, et qui montre le plus la disette du pays, est la permission qui de temps immémorial a été accordée, et l'est encore aujourd'hui auxdits habitants, de transporter, sans payer aucun droit, les sels du cru de leur territoire dans les autres endroits de la province, pour les y troquer contre les bleds dont ils ont un pressant besoin pour leurs provisions.

Leur unique ressource pour leur subsistance et le paiement des taxes que le roy exige d'eux, consiste dans un médiocre revenu en sel qu'ils tirent de leurs marais salants et qui leur procure un peu de commerce avec les gens de la province et les étrangers, leur fournit, et avec peine et à l'abri de leur travail les moyens de s'acquitter vers S. M., et subvenir aux nécessités de leur famille.

Cette ressource est faible, par la qualité défectueuse de leurs sels creux, léger et sujets à un déchet considérable, qui, dès la première année qu'ils sont gardés se monte à leur cinquième partie et même plus, suivant l'humidité de l'air et les pluies. Sa Majesté en a été informée, par M. de Ré..., conseiller d'Etat et autres commissaires, récemment descendus pour en faire l'épreuve ; et en conséquence défend à ses fermiers généraux de s'en servir pour l'usage de ses gabelles. Elle est faible par la triste situation où se trouvent souvent leurs marais attaqués et brisés par les vimers, et sujets à des réparations au-dessus du montant de leur produit. Elle est faible enfin, par les dépenses que les propriétaires sont, chaque année, obligés de faire pour préparer ces marais à travailler, et pour le transport des sels de leurs emplacements aux bateaux qui les viennent enlever, lesquelles excèdent souvent le tiers de leurs produits.

Avec cette qualité défectueuse, si ces sels étaient encore chargés de nouveaux droits, le débouchement en serait impossible par la nulle ressource aux habitants de ce pays et territoire au nombre de plus de 25,000 ; par la ils seraient obligés de l'abandonner pour aller chercher leur subsistance en quelque autre endroit.

C'est sans doute pour cela que jusqu'ici les princes, informés de la stérilité de ce pays, et pour donner à ses habitants le moyen d'y vivre par la faculté de vendre leurs denrées, n'ont jamais exigé pour leurs droits que le vingtième du prix que les sels de ce territoire seraient vendus. C'est pour cela que Jean, duc de Bretagne, du temps duquel on avait levé pendant un certain temps, sur les étrangers, pour la construction d'une forteresse en l'isle de Batz, le dixième du prix du sel qu'ils en enlevoient, touché de ce que ce droit en avait fait retirer les étrangers, et en considération de la fidélité et des services des habitants dudit territoire, accorda, à leur requête, ses Lettres Patentes en date du sixième jour d'octobre 1420, qui sont gardées dans les archives du Croisic, par lesquelles il fait défense, tant pour lui que pour ses successeurs de prendre à l'avenir desdits étrangers plus du vingtième du prix des sels qu'ils enlèveront.

C'est pour cela que la Pancarte de la Prévoté de Nantes, en date du 25 jour de juin 1565, formée sur de plus anciennes, dans laquelle il n'a, jusqu'à ce jour, rien été innové, a toujours maintenu lesdits habitants dans cette possession.

Ce sont ces privilèges, c'est cette possession que les propriétaires des marais salants des côtes de Xaintonge, Aunis et Poitou, non contents d'avoir eu le bonheur d'être né dans une terre abondante en tout, et d'y jouir d'un commerce plus étendu que celui du pays qu'ils attaquent, sous un prétexte sans aucun fondement, tentent aujourd'hui de troubler ; c'est cette unique ressource d'un peuple privé de tous les secours de la nature qu'ils veulent lui enlever, en sollicitant l'imposition d'un droit sur le seul produit de leur pays, qui joint à sa mauvaise qualité, détournant les étrangers de l'enlever, en réduirait les habitants à une extrême indigence.

 

Parallèle des marais de Xaintonge et de ce territoire.

Quant même ces privilèges n'existeraient pas, et que les marais et sels du territoire de Guérande égaleraient en qualité ceux de Xaintonge, Aunis et Poitou, ces propriétaires n'auraient encore pas lieu de solliciter l'égalité dans les droits. Les marais de Guérande et Croisic ne produisent uniquement que du sel en petite quantité, et qui, en peu de temps, diminue encore considérablement ; ceux de Xaintonge, Aunis et Poitou, produisent non seulement une quantité de bons sels, qui n'est point sujette à un déchet pareil à celui des autres, mais encore des bleds en abondance, qui croissant sur leurs Boussis, peuvent sans le secours du sel fournir à leur subsistance. La différence en est bien sensible en ce jour, que cent trente livres pesant de froment qui se vendent dans la ville du Croisic, vingt-deux à vingt-trois livres ne valent chez eux que dix francs. On ne parle point de toutes les autres choses nécessaires à la vie qu'ils cueillent dans leur pays, avec une pareille abondance, pendant que ce territoire en est entièrement dépourvu. On ne dit rien de la facilité qu'ils ont pour l'enlèvement de leur sel, par celle qu'ont les vaisseaux étrangers de se ranger plus près de leurs Boussis, ce qui leur épargne entièrement les grosses dépenses auxquelles ceux-ci sont sujets, par l'obligation qu'il y a de les tirer par chevaux et bateaux de près d'une lieue. Ou ne parle point enfin de la facilité que la nature leur a accordé de trouver dans leur propre terrain les matières nécessaires aux couvertures et conservation de leurs sels, pendant que ceux du territoire de Guérande restent par la stérilité du pays exposés aux injures de l'air, couverts seulement d'un peu de terre au travers de laquelle filtrent les eaux des pluies qui tombent.

 

Injustice de ce qu'avancent les propriétaires des marais de Xaintonge.

Ces propriétaires accusent injustement ceux de ce territoire d'y attirer leur commerce, puisque de tous les vaisseaux étrangers qui enlèvent les sels de France, il n'y a que les plus petits qui puissent entrer dans le port peu profond et de très difficile accès du Croisic, pendant que tous les gros vont à leurs côtes ; et lorsque par hasard quelqu'un de ces gros a voulu charger des sels de ce territoire, on a été obligé de les lui envoyer en la rivière de Nantes, à plus de cent sols à 6 francs par muid de frais.

Ce n'est pas le premier coup d'essai de ces propriétaires pour cette affaire, ils ont déjà plusieurs fois tenté la même chose ; mais les Roys, aussi justes qu'éclairés, voulant conserver une égale proportion entre leurs sujets, n'ont voulu imposer à chacun d'eux que le fardeau qu'ils pouvoient supporter. C'est pour cela qu'ils n'ont jamais chargé les sels du territoire de Guérande, extrêmement inférieurs en qualité à ceux de Xaintonge, Aunis et Poitou, que d'un droit aussy inférieure celui qui se lève sur ces derniers.

 

Intérêts de Sa Majesté compliqué dans l'imposition d'un plus grand droit que le vingtième.

Si le droit de vingtième établi de tout temps sur les sels de ce territoire enlevés par les étrangers étoit augmenté, outre l'extrémité ou en seroient réduits les habitants par la retraite des dits étrangers, on ose dire que l'intérêt de Sa Majesté s'y trouveroit compliqué parce que par la disette du commerce causée par cette difficulté, le sel dont on ne pourroit se deffaire ne seroit d'aucun prix, le fond des marais de nulle valeur, et même abandonné par les habitants qui n'en pourroient subsister. De là suivroit sa destruction ; par les rachats lods et ventes et autres revenus de Sa Majesté qui lui en produisent un au moins de cinquante mille écus par an, se réduiroient à rien. Outre cela cette interruption du commerce des étrangers, qui, sans doute, préféreroient d'aller enlever des sels meilleurs que ceux de ce territoire, lorsqu'ils ne trouveroient plus la même facilité pour l'enlèvement de ces derniers, produiroit un effet tout contraire à celui qu'on pourroit attendre ; puisque les étrangers n'enlevant pas de ces sels, le Roi n'en retireroit aucun avantage ; au lieu que habitués à payer le droit ordinaire de vingtième à Sa Majesté, qui lui produit une partie considérable de son revenu en ce pais, ne trouvant aucun chargement, continueront comme ils ont fait jusqu'à présent.

 

Dépenses faites pour la conservation des marais de ce territoire.

C'est cette unique affaire, je dis ressource dans les marais qui a engagé, dans les dernières années, ces habitants à la veille de voir leur pais inondé par les tempêtes et vimers à tirer la plus grande partie de leur propre substance pour fournir à la dépense d'une digue, que par la permission de Sa Majesté, pleins de confiance en sa clémence, et espérant qu'elle aura la bonté de les maintenir comme les Roys ses prédécesseurs dans leurs anciens privilèges et possession, ils ont fait construire pour tacher de prévenir la destruction entière de leurs marais. Ils s'y sont si fort épuisés, que ne pouvant y subvenir, les Etats de cette province, sensibles à leur misère, leur ont accordé quarante-trois mille livres. Et, ce qu'il y a de plus fâcheux, est qu'ils sont encore à la veille de leur ruine, par des dégradations causés par les fréquents vimers des dernières années, à la réparation desquelles, quoique d'une nécessité indispensable, ils se trouvent hors d'état de subvenir.

M. de Brou termine ses observations du 1er avril 1725, « il paroit que le Poitou, l'Aunis et la Xaintonge n'ont pas un si grand intérêt qu'on se l'imagine à faire établir un droit sur les sels de Bretagne, qui serait peu de chose en comparaison du dommage qu'il causerait dans cette province par la cessation du commerce des Anglais et des Hollandais et les négociants du pais du nord, et par conséquent il ne semble pas qu'il y ait lieu de faire droit sur la demande portée par le mémoire en question ; une telle imposition ruinerait absolument le comté nantais sans aucun profit pour les propriétaires des marais salants de Xaintonge, puisque les étrangers se pourvoiront en Portugal ou en Espagne, où ils en auront à meilleur compte.

Le sel du Croisic n'est guère destiné qu'au commerce du comté Nantais avec les Anglais.

Le sel de Bourgneuf considéré comme le noeud le plus étroit qui lie le commerce des Hollandais et des négociants du Nord  » (Archives communales du Croisic, Série HH, marine).

Le tableau n'est pas flatté, et il inspire un sentiment de profonde sympathie pour ces honnêtes paludiers si laborieux, et si peu récompensés. Mais pour qui connaît la compétence et la réputation de l'intendant Feydeau de Brou, le document à une haute valeur, et fournit sur le commerce du sel des données qui ne sont point à dédaigner.

(Stéphane de La Nicollière-Teijeiro, 1824-1900).

 © Copyright - Tous droits réservés.