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LE CLERGE DE BROONS

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CLERGÉ. — CHARLES RATHIER, recteur, naquit à Broons le 3 novembre 1747 du mariage d'Yves et de Julie Lemarchand. Il fit de bonnes études au collège de Dinan, où nous le voyons soutenir une thèse de philosophie en 1765 il reçut la tonsure et les mineurs le 27 septembre de cette année, puis il s'en fut chez les Eudistes qui l'employèrent comme professeur, et lui firent conférer la prêtrise, puis il vint chez M. de Boishue, seigneur d’Yvignac et de Broons, lequel le présenta pour la cure de cette dernière paroisse dont il fut pourvu le 16 août 1779.

Elu député aux Etats Généraux par le clergé du diocèse de Saint-Malo, M. Rathier abandonna des premiers son ordre pour faire vérifier ses pouvoirs par le Tiers et vota jusqu'à 1791 avec la majorité.

Tous les mois, il adressait à la comtesse de Boishue à Yvignac des lettres dont on conserve encore le recueil dans cette famille. Il y cherche surtout à rendre compte de la physionomie de l'Assemblée : il y parle des débats qui s'élèvent et se glorifie d'avoir obtenu le district pour Broons de préférence à Merdrignac... Dans la dernière, il insiste tout spécialement sur ses perplexités au sujet du serment qui va être demandé pour la Constitution Civile : « La réponse de Rome n'arrive pas, écrit-il ; le courrier est, dit-on, arrêté par les neiges. Et pourtant, d'un jour à l'autre, le clergé peut être appelé à prêter le serment. Que faire ? — Après tout, ajoute-t-il, il ne s'agit dans cette constitution ni de dogme, ni de morale, mais uniquement d'une mesure de discipline. En face des conséquences qu'entraînerait un refus, Rome ne peut hésiter à donner son assentiment ».

Malgré cette confiance prématurée dans l'approbation du Saint-Siège, M. Rathier, qui n'était vraisemblablement pas trop convaincu de l'orthodoxie de la nouvelle Constitution, ne prêta serment le 31 décembre 1790 qu'avec restrictions : « bien rassuré, déclara-t-il, selon que vous l'avez tant de fois répété, qu'il n'avait jamais été, et qu'il ne sera jamais de l'intention de l'Assemblée de toucher en rien au spirituel en réglant la Constitution Civile du Clergé » [Note : Journal des Municipalités, districts et départements, tome III, année 1790, p. 435. M. Ruelle, recteur de Loudéac prêta serment à la même séance et dans les mêmes conditions que M. Rathier (Arch. des C.-du-N., série Lv)]. Mais le recteur de Broons n'en était pas quitte à si bon compte avec la loi. Le décret du 27 novembre 1790 portait que « chaque ecclésiastique, fonctionnaire public et membre de l'Assemblée, serait tenu de retirer du procès-verbal et d'adresser à sa municipalité le certificat de son serment, à peine de déchéance de son office ».
La conscience de M. Rathier se refusa à cet acte qui rendait vaines ses restrictions précédentes. Dans une lettre qu'il adressait de Paris le 23 février 1791 au procureur-syndic de Broons, il lui déclarait sans ambages que « plus il réfléchit et plus il persiste à ne point lui envoyer de certificat de prestation de serment » [Note : Bertrand Robidou, Histoire et Panorama d'un beau pays, 2ème édit., p. 310].

Le temps affermit encore les sentiments de l'abbé. A la fin de l'Exposition des principes sur la Constitution Civile signée par les prêtres fidèles du diocèse de Saint-Malo, se lit la déclaration suivante de M. Rathier : « Voyant que l'Assemblée nationale n'admettait point les serments faits avec restrictions et ne recevait point de rétractation, (j'ai) écrit au procureur-syndic de (mon) district que le serment que (j'ai) prêté devait être regardé comme non avenu et qu'on devait (me) regarder au nombre des curés qui ont refusé le serment. (J)'adhère de cœur et d'esprit à l'Exposition des Principes ».

M. Rathier revint dans sa paroisse à l'expiration des travaux de l'Assemblée. Il mourut dans son presbytère, âgé de 44 ans et 5 jours, le 16 novembre 1791. « Il était, dit l'abbé Tresvaux, estimé et aimé de ses paroissiens ».

BIBLIOGRAPHIE. Tresvaux du Fraval : Histoire de la Persécution révolutionnaire en Bretagne, t. II, p. 508. — Kerviler : Revue Historique de l'Ouest, Vème année, p. 345, Les députés de la Bretagne aux Etats Généraux. — Souchet : Essai sur la piété bretonne, in-18, Saint-Brieuc, 1858, p. 203-205.

JOSEPH CHARTIER, vicaire. était né à Ploërmel le 10 juillet 1756 du mariage de Joseph et de Suzanne Lancien. Après de bonnes études théologiques, il fut ordonné prêtre le 22 septembre 1785 et nous le trouvons vicaire à Broons depuis 1785. Durant tout le temps que son recteur siégea aux Etats Généraux, puis à l'Assemblée nationale constituante, M. Chartier, qui remplissait à Broons les fonctions de curé d'office, fit preuve du plus indéfectible attachement à la Foi catholique et le premier de tous, il s'éleva dans les Côtes-du-Nord (aujourd'hui Côtes-d'Armor) contre la Constitution Civile.

Le municipal François Frouget, de Kermelin, assistant le 31 octobre 1790 à la grand'messe paroissiale de Broons, va nous dire la scène qui s'y passa à cette occasion :

« Le sieur Chartier, curé de Broons, raconte-t-il, est monté en chaire après la post-communion et avant de commencer la lecture des décrets sur la Constitution Civile du Clergé, a déclaré publiquement que la lecture qu'il en faisait n'était point censée approbation. Nous lui avons représenté que les décrets de l'Assemblée Nationale, sanctionnés ou acceptés par le Roi, nous étoient envoyés pour les faire lire et publier et qu'il était enjoint aux curés ou recteurs de les lire purement et simplement sans aucune protestation.

Le dit sieur Chartier a répondu que sa religion l'empêchait, de pouvoir le lire sans protester contre, parce qu'il y avait des articles contraires à la religion, qu'il déclaroit protester contre, et que la publication qu'il allait en faire, ainsi que celles de tous ceux qu'il pourroit faire dans la suite, ne devoit point être censée approbation.

De tout quoi, nous lui avons déclaré que nous allions rapporter notre procès-verbal. Après lecture publiquement faite par nous du présent procès-verbal, nous avons interpellé le dit sieur Chartier de le signer, ce à quoi il a déclaré obtempérer.

Fait et arrêté dans l'église paroissiale de Broons, le dit jour et an. Et au moment de la signature, le dit sieur Chartier a déclaré que sa conscience l'empêchait de pouvoir le lire, parce qu'il y avoit des articles contraires à la discipline de l'Eglise et, relativement aux décrets qui concerneroient la Religion ou l'Eglise et qui y seraient apposés par erreur, il déclaré protester contre.

Fait et arrêté au dit lieu, le dit jour et an que devant ».

Signé : Chartier, curé de Broons ; Béchu, maire ; François Frouget ; François Le Breton ; Gilbert, procureur de la commune.

La protestation de M. Chartier eut d'autant plus de retentissement qu'elle était alors chose nouvelle. Elle troubla la quiétude des magistrats broonnais. Les administrateurs du district en rendirent compte à ceux du Département. Ceux-ci tout émus en avisèrent le ministre Guignard, le président de l'Assemblée Nationale et le Comité des Recherches : « Les suites dangereuses, écrivirent-ils, que les opinions énoncées de ce curé pourraient avoir, son manque de respect pour les décrets de l'Assemblée Nationale, et la publicité qu'il a affecté de donner à son incivisme, nous ont déterminés à le livrer à la rigueur des lois ». Ce fut le 14 décembre 1790 que parvint au tribunal du district de Broons l'ordre d'informer contre l'abbé Chartier. C'est de son dossier, conservé aux Archives des C.-du-N. dans le fonds du tribunal de Broons, que nous avons extrait la déposition du municipal Frouget, à la date du 10 janvier 1791, mais nous n'avons pas retrouvé l'arrêt qui fut rendu à cette occasion.

Naturellement, le vicaire de Broons refusa de s'assermenter (Arch. Nat., DXIX, carton 21), et signa l'Exposition des principes sur la Doctrine catholique.

Une autre scène à laquelle M. Chartier prit part au moins comme témoin, eut lieu au presbytère de Broons le 15 mai 1791, à l'occasion de lecture faite en chaire par M. Picouays, vicaire auxiliaire, d'un bref du Pape condamnant la Constitution Civile. (Cf. Archives C.-du-N., Lm 5, 12).

Finalement le Directoire des C.-du-N. ayant appris que M. Chartier avait publié des bans de mariage dont les dispenses avaient été accordées par l'évêque de Saint-Malo, ordonna aux administrateurs de Broons de poursuivre cette affaire (Archives C.-du-N., L 282, f° 67). A la suite de l'enquête qui fut alors menée, l'abbé Chartier fut décrété d'arrestation par le Directoire des C.-du-N. le 30 mars 1792, « pour s'être fait connaître par un esprit d'opposition des plus marqués à l'affermissement de la Constitution, semer partout les divisions, détourner les citoyens de travailler à l'assise des contributions nouvelles, et abuser de la voie de la confession pour inspirer sur la religion des alarmes aussi fausses que dangereuses » (Archives C.-du-N., reg. L 161 f° 39). Saisi à Broons le 2 avril de cette année, ce prêtre fut interné au château de Dinan (Archives C.-du-N., Lm 5, 28). Déporté d'office à Jersey le 18 septembre suivant, M. Chartier passa ensuite en Angleterre et se trouvait à Porstmouth le 1er avril 1793 dans la plus grande indigence et implorait alors des secours pour subsister.

D'après un registre paroissial rédigé à Broons peu après la Révolution, M. Chartier décéda en Angleterre, victime de sa charité pour les prisonniers de guerre rassemblés à Normann-Cross et que décimait une épidémie.

FRANÇOIS-JEAN-BAPTISTE-MICHEL PICOUAYS, vicaire auxiliaire, naquit à Saint-Juvat le 16 mai 1765 du mariage de Joseph et de Marie Delourme. Après avoir fait son cours au collège de Dinan où il obtenait un accessit de prix de thème et de vers latins à la fin de sa seconde en 1782, ses parents lui assurèrent son titre clérical le 31 août 1786. Ordonné prêtre le 6 juin 1789 après avoir subi de bons examens, Picouays s'en fut comme vicaire auxiliaire à Broons en 1790, remplacer M. Rathier alors aux Etats Généraux. Il refusa comme tel de s'assermenter, signa l'Exposition des Principes, et adhéra des premiers à la Société dite « du Cœur de Jésus » que venait de fonder le P. Picot de Closrivière.

Le 15 mai 1791, Guillaume Bouvier, maire de Broons, Louis Potier et Yves Miriel, officiers municipaux ainsi qu'Olivier Biou, procureur de cette commune, firent une descente à la cure de cette localité pour s'informer de quel droit M. Picouays avait lu à la grand'messe un bref du pape Pie VI, ainsi qu'un mandement du ci-devant évêque de Saint-Malo. Les réponses qu'obtinrent ces excellents patriotes méritent d'être reproduites. Nous les avons prises dans le fonds du tribunal du district de Broons aux Archives des C.-du-N. (aujourd'hui Côtes-d'Armor). Les voici :

Sommé de déclarer s'il ne s'était point rendu coupable des faits énoncés plus haut ? — « A répondu qu'effectivement, il avoit publié au prône de la grand'messe de ce jour un mandement de l'évêque de Saint-Malo avec une bulle du Souverain Pontife ».

Ensuite de quoi, nous lui avons demandé de quel ordre il avoir donné lecture de ces prétendus mandement et bulle ? — « A quoi, il nous a répondu qu'il n'y pouvait répondre qu'au tribunal du district, devant lequel il déduirait ses raisons et qu'à ce sujet, il n'avait aucune réponse à nous donner ».

Sommé aussi le dit sieur Picouays de nous représenter ces prétendues bulles et mandements ? — « Nous a répondu à nous maire, qu'il voulait bien nous les faire voir en particulier et non autrement ».

Nous maire, lui ayant demandé « pourquoi en particulier ? » — A répondu : « pour le salut de ton âme ».

Interpellé derechef de nous faire voir ces prétendues bulles et mandements ? — Nous a répondu par ces mots latins « Nemo dot quod non habet ».

Sommé de plus de nous dire qui en était saisi ? — A quoi il nous a répondu d'un air de plaisanterie et avec de grands éclats de rire, de concert avec le sieur Chartier, « la première fois qu'il ne nous dirait pas » ; la seconde et les autres qu'il ne répondait rien et toujours d'un air de dérision.

Sommé encore le sieur Chartier et Picouays de nous donner ouverture des divers appartements et fermeture du presbytère, pour voir s'ils n'étaient pas saisi d'autres exemplaires du même ouvrage, nous l'ont formellement refusé.

Représenté au dit sieur Picouays qu'il était en faute d'avoir publié au prône de la grand'messe la prétendue bulle du Pape et mandement du ci-devant évêque de Saint-Malo, qui n'avaient ni l'approbation du corps législatif, ni du pouvoir exécutif et qui ne lui étaient point envoyés officiellement puisqu'il ne les tenoit pas de la municipalité. — « A quoi nous a répondu que le Pape comme chef de l'Eglise n'était pas censé devoir donner connaissance ni au pouvoir législatif, ni au pouvoir exécutif des différents mandats qu'il envoyait à son clergé pour les faire publier ».
Nous trouvons l'abbé Picouays inculpé pour ces faits devant le tribunal du district de Broons le 27 juin 1791 et son frère, le prêtre Jean-Marie Picouays, résidant à Saint-Juvat chez son père, venait à cette date à Broons « pour prendre des instructions relatives au procès criminel que l'on instruisait à Broons contre son frère ». Nous ignorons ce qu'il en advint.

Le nom de M. Picouays figure d'après l'abbé Gofvry sur la liste des prêtres qui s'exilèrent à Jersey après la loi du 26 août 1792. Du reste le 26 octobre de cette année, les administrateurs de Broons faisaient savoir au Département « que le sieur François Picouays était fugitif en Angleterre » (Archives C.-du-N., Lm 5, 34). L'enquête de Boullé ne mentionne pas ce prêtre, preuve évidente qu'il ne revint qu'assez tard de l'exil. Du reste, il ne fit sa soumission au gouvernement consulaire que le 15 octobre 1802 et c'est le 18 mai 1803, seulement, qu'il obtint un certificat d'amnistie. On l'y désigne comme prêtre de Saint-Juvat. Après avoir été durant quelques jours proposé pour le rectorat de Léhon, Picouays fut nommé par Mgr Caffarelli, recteur de Lancieux le 6 mars 1806. Il démissionna le 28 octobre 1812. Le ministre des Cultes demandait des renseignements sur cet ecclésiastique le 2 mars 1813. Nous ignorons ce qu'il devint ensuite.

LOUIS-MATHURIN BERNARD DU HAUTCILLY, vicaire suppléant, était né croyons-nous à Saint-Brieuc, le 22 octobre 1754 de noble maître Robert-François, sieur du Hautcilly, lieutenant général et criminel en la sénéchaussée royale de Saint-Brieuc et demoiselle Jeanne-Charlotte Le Clerc. Il était étudiant en Sorbonne lorsque son père lui assura son titre clérical à Saint-Brieuc le 23 juin 1775. Il reçut la prêtrise le 19 novembre 1778 et obtint un canonicat à la cathédrale de Saint-Malo le 30 août 1787.

Contraint de quitter cette ville à la suppression de son chapitre, ainsi qu'à la suite de son refus de s'assermenter, M. du Hautcilly se réfugia à Broons où il signe les premiers mois de l'année 1792, les registres paroissiaux d'état-civil avec le titre de « vicaire provisoire ».

Estropié dès son enfance, ce prêtre ne se déporta point après la loi du 26 août 1792 et des 20-21 avril 1793 et demeura caché à Saint-Malo depuis le mois d'octobre 1792 jusqu'à septembre-octobre 1796, rue du Placitre, dans une maison appartenant à la citoyenne Guesnel (Arch. Nat., F 7, 5149). Le 2 prairial an III (21 mai 1795), il se présenta devant l'agent national du district de cette ville et déclara « vouloir vivre paisible et soumis aux lois de la République, pourvu toutefois que l'on n'exige rien qui puisse blesser sa conscience et les principes religieux ». Le 9 octobre 1796, on perquisitionne vainement chez sa mère, à Saint-Malo, pour le découvrir.

Le 7 mai 1800, le général Brune accorda à M. du Hautcilly une carte de sûreté et peu après le préfet Borie obtint sa radiation de la liste des émigrés, où la mauvaise foi des Jacobins l'avait fait inscrire.

Il mourut recteur de la Ville-ès-Nonains le 8 octobre 1826, après avoir été recteur de Saint-Lunaire-de-Pontual de 1803 à 1806.

Après la Révolution. M. PHÉNICE, de Saint-Briac, recteur de Plouasne, devint le premier curé concordataire de Broons, le 8 avril 1803. Voir sa notice à l'article Plouasne. Lui furent adjoints comme vicaires : MM. PIERRE BRIAND et TOUSSAINT SAUDRAIS dont nous avons déjà parlé à propos de Plouasne.

Firent du ministère à Broons durant la Révolution : l'abbé JEAN RICHARD, né à la Ville-Bougault en cette paroisse, le 21 juillet 1728, du mariage de Louis et de Jeanne Navicet. Après avoir été noté au séminaire comme « ayant de la voix et chantant passablement bien, mais un peu pésant et médiocre à ses examens », M. Richard fut ordonné prêtre le 18 septembre 1758 et résidait dans son pays natal lors de la Révolution. Cet ecclésiastique, bien qu'insermenté, assura comme matinalier, sur la demande du maire, la messe à Broons du 2 avril 1792 au 14 décembre de cette même année, date à laquelle il fut obligé d'abandonner ses fonctions pour s'en aller se renfermer au couvent des Filles-de-la-Croix à Saint-Brieuc, désigné comme maison de réunion pour les prêtres sexagénaires ou infirmes. Voici le signalement de ce prêtre tel qu'il figure sur le passeport qui lui fut délivré à cette occasion : « 5 pieds 5 pouces, cheveux et barbe gris, sourcils idem, visage carré et rempli, jouissant d'un grand embonpoint ».

Après avoir été transféré de Saint-Brieuc à Guingamp, M. Richard obtint sa liberté dans cette dernière ville le 3 avril 1715 et nous avons de fortes raisons de croire qu'il s'en fut alors habiter Sévignac avec l'abbé Huguet. Il y demeura paisiblement jusqu'à la promulgation de la loi du 7 vendémiaire an IV (29 septembre 1795), à laquelle il ne s'était pas soumis ; tant et si bien qu'après l'application de la loi du 3 brumaire an IV (25 octobre 1795), qui remettait en vigueur toutes les lois persécutrices édictées contre le clergé, M. Richard fut de rechef arrêté et conduit à Saint-Brieuc. Cependant, le 2 décembre suivant les autorités du Département ordonnèrent de le relaxer ainsi que son confrère Huguet, « vu qu'ils avaient souscrit l'un et l'autre reconnaître l'universalité des Français pour le souverain, et promettre obéissance et soumission aux lois de la République » (Archives. C.-du-N., reg. L 165, f° 47).

A leur retour, les deux prêtres séjournèrent huit jours à Sévignac chez l'abbé Huguet, puis chez Mathurin Le Mercier à Couvra en Sévignac, ensuite chez Jeanne Geffroy aux Alleux et enfin chez les Potier à la Ville Morice en Eréac, et de là ils s'en allèrent habiter le presbytère même d'Eréac. Mais dans l'intervalle, sur les conseils de M. Bellouard, recteur de Lanrelas, les abbés Richard et Huguet avaient rétracté, « pour obéir à la loi de l'Evangile », leur serment du 2 décembre ; d'autre part, la municipalité de Broons avait dénoncé M. Richard comme ayant déclaré que « plus on tuerait des Bleus, plus vite on gagnerait le Ciel » [Note : Cette dénonciation était calomnieuse : « On ne peut, écrit Gourlay, l’accusateur public, me désigner aucun témoin de ce propos séditieux » (Arch. C.du-N., Lm 5, 102)] (Archives C.-du-N., reg. L 165, f° 55). En conséquence, l'arrestation des deux vieillards fut décidée. Saisis l'un et l'autre par le détachement de Langouhèdre au presbytère d'Eréac, dans la nuit du 4 au 5 mai 1796, ils furent conduits à Broons et de là à Saint-Brieuc (Lm 5, 103).

A Saint-Brieuc, ils comparurent devant le tribunal des C.-du-N. (aujourd'hui Côtes-d'Armor) qui, le 21 mai 1796 les condamna à demeurer enfermés dans la maison de réclusion créée dans l'hôtel Picot-Chapedelaine (Archives C.-du-N., Lm 5, 109).

Remis en liberté le 22 décembre 1796 par suite de l'application du décret du 14 frimaire an V (4 décembre même année), M. Richard pour être plus en sécurité, s'en vint habiter Dinan sous les yeux des autorités et se logea « chez la Duval, près le port de Dinan », où il vécut en surveillance (Archives C.-du-N., Lm 5, III).

N'ayant pu faire autrement que de se rendre utile en accomplissant de temps à autre du ministère, ce prêtre fut une fois de plus dénoncé et le 8 mars 1799, il se vit confiné par ordre du Département dans sa maison d'habitation (Archives C.- du-N., L 166, f° 142).

L'enquête de Boullé signale M. Richard comme âgé de 74 ans et ayant toujours vécu simple prêtre. Cet ecclésiastique mourut retiré à Dinan, paroisse Saint-Sauveur, le 9 avril 1813, âgé de 85 ans.

JEAN-BAPTISTE BOUGAULT, né au village de Linée en Broons le 11 mars 1760, de François et d'Anne Blandin, fut noté durant son séminaire comme « ayant une bonne conduite, mais une mauvaise santé, et une science médiocre ». Il reçut la prêtrise le 29 mai 1790 et demeura ensuite dans sa paroisse natale, où il signa l'Exposition des Principes et ne s'assermenta pas.

Le 5 novembre 1792, il constatait des publications de mariage avec dispense de consanguinité du 4 au 4 accordée par l'évêque Jacob (Diocèse de Saint-Brieuc, op. cit., I, p. 29). Le 12 décembre de cette même année, l'abbé Bougault, en qualité d'insermenté, prenait un passeport pour se déporter à Jersey. Nous relevons sur cette pièce le signalement ci-contre : « 5 pieds 3 pouces, cheveux blonds, barbe idem, front oval, yeux enfoncés, figure plate ». Si ce prêtre passa réellement à l'étranger, ce ne fut que pour peu de temps, car il est certain qu'il vécut caché à Broons et aux environs quasi toute la Révolution Française. Nous le trouvons baptisant à Plouasne en pleine Terreur le 21 mars 1794. Il s'y trouvait encore pour le même office le 16 février 1795. Tant de dévouement rendait furieux les Jacobins, qui le dénonçaient le 27 octobre 1797 comme « très dangereux pour la chose publique » (Arch. C.-du-N., Lm 5, 114). On le connaissait alors sous le nom de Jean Deschamps (Arch. C.-du-N., Lm 5, 115). Le 6 avril de l'année suivante (17 germinal an VI), le ministre de la Police, sur une dénonciation du commissaire du Directoire Exécutif, prescrivait d'arrêter le prêtre Bougault « qui parcourait les campagnes et fanatisait impunément le peuple ». On n'en pouvait faire plus bel éloge ; aussi pour l'en récompenser, donnait-on l'ordre de le faire conduire aussitôt à Rochefort afin de l'embarquer pour la Guyane (Arch. C.-du-N., Lm 5, 115).

Heureusement pour ce bon prêtre que l'on ne put parvenir à le saisir. Epuisé par la vie exténuante qu'il avait menée huit ans durant, l'abbé Bougault décéda jeune encore dans son village natal le 28 fructidor an VIII (15 septembre 1800).

Etait encore originaire de Broons, ETIENNE-MARIE BAMEULE, né dans cette paroisse le 25 mars 1732 du mariage de Jean-Marie et de Françoise-Renée Chaumorel. Nommé grand chapelain ou chanoine semi-prebendé de la cathédrale de Rennes le 2 novembre 1775, ce qui lui valait 900 l. de revenu annuel, M. Bameule, à la suppression de son poste et sur son refus de s'assermenter, dut revenir à Dinan d'où il s'exila à Jersey en 1792. Ce piètre se retira dans cette même ville lors de la pacification religieuse et y décéda, rue de l'Apport, âgé de 75 ans le 11 décembre 1807.

Sur JOSEPH-PIERRE PICOT DE LIMOELAN DE CLOSRIVIÈRE, chouan, l'un des auteurs de la machine infernale, qui se réfugia en Amérique où il fut honoré du sacerdoce, lequel était né à Broons le 4 novembre 1768, lire l'article très documenté que lui consacre M. de la Roche-Héron au t. II, p. 348-355 de la Revue de Bretagne et Vendée, année 1860. — Le P. Terrien : Hist. du R. P. de Closrivière, in-8°, Paris, 1892, p. 436-477 et enfin Lenotre : Vieilles maisons, vieux papiers, IIIe série, p. 197-225, in-8°, Paris, 1914.

Séjourna six mois à Broons en 1792 et 1793, le prêtre insermenté J.-B. LE MERCIER DE MONTIGNY, né à Saint-Léonard de Fougères, de Christophe et d'Anne Marchy, qui fut ordonné prêtre à Angers en 1787, après avoir pris le grade de docteur en théologie. Dès le commencement de 1788, il était vicaire à Taillis où il accepte en 1790 le poste de secrétaire de la municipalité, mais s’il prêta comme tel le serment civique, il refusa comme vicaire celui de fidélité à la Constitution civile du clergé. Obligé par suite de quitter Taillis, il se retira dans sa ville natale, puis il alla passer quelques semailles à Chauvigné chez le maire Poinçon de la Blanchardière, son parent, qui, au mépris de la loi du sang, le dénonça pour propager près de ses domestiques des « doctrines fanatiques ».

Expulsé de Chauvigné, M. de Montigny s'en revint à Fougères d'où, le 2 mai 1792, on le conduisit sous escorte à Rennes, avec obligation d'y résider, en vertu de l'arrêté départemental du 15 avril précédent. Il habita dans cette ville chez M. Deminiac, son cousin, ainsi que chez un M. Poinçon, sans exercer aucune fonction ecclésiastique, puis il se réfugia à Paris, rue des Fédérés, jusqu'au 24 novembre de cette année. Il rentra alors en Bretagne, rencontra à Rennes Madame Cartel, épouse du maire de Broons, ancien commissaire du Roi, laquelle l'emmena avec elle et le présenta à son mari comme un de ses parents. Celui-ci utilisa ses services comme adjoint du secrétaire de la mairie. C'est là que M. Gambier de la Porte, avoué près le tribunal du District de Broons, fit sa connaissance, et, ignorant sa qualité, l'engagea comme scribe à son étude.

Arriva le mois de mars 1793, M. de Montigny qui ne voulait pas se trouver à Broons lors du tirage au sort « tant il craignait de le voir devenir orageux », crut prudent de quitter cette localité le 10 courant, et se mit en route, accompagné de son patron, pour aller passer une quinzaine à Janzé, près des beaux-parents de celui-ci.

L'arrivée de ces étrangers parut suspecte aux révolutionnaires Janzéens. Quatre jours seulement après leur arrivée, c'est-à-dire le 21 mars, une perquisition de la garde nationale de Janzé fit découvrir au fond d'une cachette « un particulier tenant un bonnet à la main, vêtu d'une redingote de drap gris, d'une veste pareille, avec des boutons à brillants, d'une culotte noire, de bas gris et chaussé de sabots, taille 5 pieds 2 pouces, cheveux et sourcils châtains, visage uni et vermeil, un bouton au côté droit du nez ».

Interrogé il déclara ses noms et prénoms : « Jean-Baptiste Le Mercier, avoua qu'il était prêtre, mais que M. Gambier l'ignorait complètement ». Le lendemain, il affirma au juge de paix qu'il n'était que de passage à Janzé et que son intention était d'aller à Vitré. — Non, lui fut-il répondu, ce n'est pas à Vitré, c'est à Rennes que vous irez et, le 23 mars 1793, l'abbé de Montigny entrait à la maison de la Trinité.

Du Mont-Saint-Michel où il avait été transféré le 13 octobre 1793, M. de Montigny fut mis en liberté par les Vendéens lors de leur passage à Dol, mais il fut arrêté  7 jours après à Beaumont en Combourg le 21 novembre avec M. Putod, médecin de Fougères, qui avait suivi les Vendéens lors de leur arrivée en cette ville. Conduits l'un et l'autre à Rennes, ils furent incarcérés le 22 à la prison de la Porte-Marat.

M. de Montigny comparut le 1er janvier 1794 devant la Commission Brutus-Magnier qui le condamna à mort sans désemparer. Il fut exécuté le lendemain. Nous devons les éléments de cette notice qui complète sur plusieurs points celle que lui a consacrée Guillotin de Corson à la p. 79 de ses Confesseurs de la Foi, op. cit., à MM. les abbés Arsène Leray et Julien Hervé.

 

CLERGÉ CONSTITUTIONNEL. — Broons a vraisemblablement donné le jour à un prêtre assermenté nommé JULIEN BÉCHU, dont un frère appelé Bertrand habitait cette localité l'an II. Cet abbé Bêchu qui résidait en dehors des C.-du-N. (aujourd'hui Côtes-d'Armor) avait pu conserver sa cure en entrant dans les rangs du clergé constitutionnel. Nous ignorons tout par ailleurs sur son compte.

La paroisse de Broons fut longtemps sans pouvoir obtenir un curé constitutionnel à poste fixe. Une élection qui avait eu lieu le 4 mars 1792 avait bien désigné le sieur Jean-Joseph-Ignace Corbel, vicaire-jureur à Lamballe, mais celui-ci refusa, bien que Jacob lui eût envoyé le 5 mars suivant l'institution canonique.

Le 19 décembre 1792, les administrateurs de ce district priaient l'évêque intrus Jacob de leur envoyer par préférence un prêtre en résidence à Broons, absolument dénué de prêtre et que le refus du citoyen Julien Bichemin, de Lamballe, pour lors vicaire épiscopal, a mis dans une « situation alarmante » (Arch. C.-du-N., Lm 5, 36).

Ce fut encore un de ses vicaires épiscopaux que Jacob leur envoya, mais l'ex-augustin Clément Desvignes ne consentit à demeurer à Broons que du 14 janvier au 5 février 1793. Aussi le 4 mars suivant, les « patriotes » des communes de Broons, Caulnes, Eréac et Plumaugat, « dépourvus de tout secours spirituel », demandaient-ils des pasteurs constitutionnels « plus vrais et plus constants que ceux qui les ont quittés ». (Arch. C -du-N., Lm 5, 41). Ils obtinrent satisfaction en élisant le 10 mars de la prédite année l'ecclésiastique dont le nom suit.

MATHURIN JALLU, curé, était né à Mauron, le 1er janvier 1763, du mariage d'Armel et d'Angélique Gouée. Il fit son séminaire à Saint-Méen. On l'y note comme « s'étant enivré le lendemain de son ordination au diaconat, ayant mal répondu à son dernier examen, il faut lui donner le temps de se préparer à sa prêtrise ». Il reçut celle-ci à Saint-Méen, le 2 juin 1787. D'après M. le chanoine Moisan, voici son curriculum vitœ dans le Morbihan : le 2 mai 1791, il administre le recteur de Tréhorenteuc et le remplace (Archives Morbihan., L 1208). Le 9 mai suivant, il n'était plus que prêtre habitué dans cette paroisse : désirant prêter serment, il s'en fut s'acquitter de cette cérémonie au District. Le 30 juillet 1791, il était vicaire constitutionnel à Campeneac (Arch. Morb., L 1192). Le 20 février 1792, il était fixé à Mohon et le 10 juin de cette même année, il remplissait les fonctions de deuxième vicaire à Josselin (Arch. Morb., L 76). Elu curé de Néant le 10 mars 1793 (Arch. Morb., L 858), il répondit : « J'apprends que je suis élu curé de Néant, je me prête aux circonstances, quoique je sois incapable de remplir un poste aussi difficile que celui-là ».

Jugea-t-il Broons plus facile à administrer ? Toujours est-il, que lorsqu'il fut appelé à cette cure, aux appointements de 1.800 l., le 10 mars de cette même année, il accepta avec empressement, et l'évêque Jacob lui ayant accordé l'institution canonique, il s'y installa le 7 avril 1793. Les prêtres catholiques étant tous exilés ou cachés, s'il n'y fit pas beaucoup de ministère, il n'y subit d'autres déboires que ceux que lui causèrent les mesures des Jacobins de la Convention.

Bien qu'estimé « bon patriote et républicain, ni turbulent, ni fanatique et toujours soumis aux lois », bien qu'ayant remis « ses lettres de prêtrise, et déposé ses lettres d'institution le 1er floréal an II (20 avril 1794), aussitôt qu'il eut connaissance de l'arrêté de déprêtrisation de Le Carpentier », Jallu fut quand même obligé de se rendre à Lamballe, où il fut mis en état d'arrestation. Quand Le Carpentier, deux mois plus tard, offrit la liberté à ceux qui voudraient se marier ou servir la République, Jallu eut encore assez d'honneur pour prendre ce dernier parti. Il s'en fut donc à Rennes pour s'engager au 4ème régiment d'infanterie. Malheureusement pour lui, il parut suspect au représentant Alquier, qui le fit enfermer dans la maison d'arrêt de la Trinité. Il s'y trouvait déjà le 11 juillet 1794 (Arch. C.-du-N., Lm 5, 68). Il y demeura jusqu'au 3 décembre suivant, date à laquelle on se décida à lui rendre la liberté, vraisemblablement sur une lettre qu'avaient adressée le 11 novembre précédent les administrateurs de Broons au Comité de Surveillance de Rennes et dans laquelle ils demandaient la fin de sa captivité (Arch. C.-du-N., Lm 5, 75).

Le 17 juin 1795, Jallu, de retour à Broons, prêtait la promesse de soumission aux lois de la République prescrite par la loi du 11 prairial précédent (Arch. C.-du-N., Lm 5, 91). Le 20 juin de cette même année, les autorités révolutionnaires récompensèrent son abdication par l'octroi d'une pension de retraite, et le 2 juillet suivant, ils lui rendirent ses lettres de prêtrise. Un état de pensions établi en 1800 et conservé aux Archives des C.-du-N., nous a appris qu'on le considérait à cette époque comme « décédé à l'armée », sans préciser davantage la date de son trépas.

Jusqu'au Concordat, les cérémonies du culte constitutionnel furent accomplies à Broons par l'ex-moine cistercien JEAN-GABRIEL HUET, ex-prieur de Bonrepos, ex-curé abdicataire de Merdrignac, lequel avait dû quitter cette paroisse, où sa situation était devenue impossible. Si jamais nous écrivons la monographie de Merdrignac, c'est à cet article que nous ferons sa biographie. Comme commissaire du Directoire Exécutif près la municipalité de Broons, il y joua en effet un rôle plus politique que religieux et s'y montra vaillant dénonciateur des prêtres fidèles à leurs devoirs. M. Huet mourut en 1823, curé de Saint-Martin-l'Auxigny dans le diocèse de Bourges, ville où il était né le 23 février 1745 de Jean et de Marie-Antoinette de Serrand.

(A. Lemasson).

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