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BROONS : La Révolution - L'Empire (1789-1815)

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L'Histoire est faite de continuité et d'évolution. Les institutions se transforment et s'adaptent aux moeurs nouvelles. Il nous paraît donc tout à fait inexact d'imaginer une coupure très nette, au niveau de l'an 1789, entre ce que l'on a appelé : « L'Ancien Régime » et l'état de choses issu de la Révolution. A vrai dire, la Révolution a commencé bien avant 1789 par des réformes telles que la suppression momentanée des Parlements (1771).

Chaque époque a ses racines dans celle qui la précède. La Révolution a certainement créé du nouveau, mais elle a aussi très largement profité des institutions anciennes qu'elle a mises au goût du jour. D'ailleurs, tout au moins jusqu'au 10 Août 1792, nous sommes toujours sous le régime légal de la Royauté. Jusque là, les révolutionnaires ne sont que des séditieux ; les lois et règlements sont ceux que sanctionne le roi ; les fonctionnaires sont ceux de l'« Ancien Régime » ; l'armée a pour cadres ceux de l'armée royale.

En ce qui nous concerne, nous considérerons que la Révolution a consisté dans trois grandes réformes :

1° La réforme de l'Etat qui débute officiellement par l'Assemblée Constituante, se poursuit par les Constitutions de 1791, 1793, le Directoire, le Consulat, l'Empire ;

2° L'abolition des privilèges et la conquête de l'égalité civile ;

3° La Constitution civile du Clergé.

Ces nouvelles institutions modifieront profondément l'état social... à Broons comme ailleurs.

RÉFORME DE L'ÉTAT.

La Constitution de 1791 créait un pouvoir législatif composé d'une Chambre unique. Tout citoyen était électeur, s'il payait en impôts la valeur de trois journées de travail.

L'ensemble du territoire avait été divisé, dès 1789, en 83 départements. C'est la disparition de la province et son annexion définitive, légale.

Chaque département avait à sa tête un directoire.

Le département était divisé en « districts » ; le district en communes.

Voilà donc les paroisses transformées en communes dont l'administration est entièrement civile.

Plusieurs communes réunies forment un « canton », groupement arbitraire n'ayant aucune vie propre. La commune, au contraire, était un organisme vivant. Elle possédait un « Conseil exécutif permanent », composé d'un « maire », « d'officiers municipaux », et d'un Conseil délibératif, composé de notables. A leur côté, siégeait un Procureur-syndic chargé de provoquer les actes administratifs et de veiller à l'application de la loi. C'était le Ministère public transplanté dans l'administration.

L'autorité municipale avait la charge de la répartition et de la levée des impôts, mais n'avait pas le maniement des fonds, ce qui est cependant le plus important. D'autre part, elle avait le droit de requérir la force armée.

Chaque agglomération d'importance eut sa « Garde nationale ». Elle fut formée de citoyens payés à la journée. Ce ne fut jamais qu'une caricature d'armée, sans cadres instruits, sans discipline, sans aptitude militaire. On l'employa à faire la police locale, fonction dans laquelle elle servit le plus souvent aux plus basses besognes dans les temps agités. Elle survécut longtemps et sombra dans le ridicule. On dit encore d'une troupe indisciplinée ou mal ordonnée : « C'est une garde nationale ». Son rôle devenu purement décoratif sera dévolu au corps placide des pompiers.

Cette Constitution de 1791 ne dura pas, remplacée qu'elle fut par celle de 1793 qui instituait le suffrage universel. Ces constitutions ne furent guère appliquées. Au nom de l'Égalité, ce fut fa tyrannie d'un parti, le plus souvent la tyrannie de quelques hommes décidés et violents qui pratiquèrent exactement l'opposé des doctrines qu'ils patronaient si furieusement.

Le pouvoir central supprima en fait la liberté communale dès sa naissance, et sous le régime de la Terreur, la commune fut beaucoup moins indépendante que l'ancienne paroisse.

Le Directoire fut le règne du désordre, comme la Convention, celui de la « Terreur ».

Au milieu du gâchis, Bonaparte apparut qui confisqua la Révolution à son profit. C'est le créateur de l'administration moderne, ce qu'on a trop oublié. Il conserva les départements ou « préfectures » qu'il divisa en « sous-préfectures » remplaçant les districts. La commune restait définitivement constituée.

En 1804, Bonaparte, premier Consul, fut acclamé Empereur der Français. Il obtint 512 voix dans le canton de Broons, à peu près l'unanimité des votants d'alors.

CONQUÊTE DE L'ÉGALITÉ CIVILE.

Dans la nuit du 4 Août 1789, les trois « Ordres » de la Nation réunis avaient aboli la féodalité. « En quelques heures, fut démoli un édifice social que huit siècles avaient créé ». L'élan était donné : ce fut une rage d'égalité ; on considéra comme féodaux des droits qui n'avaient jamais eu ce caractère. L'application du nouveau principe dépassa largement le but. En tant que ruine de la féodalité, la réforme doit être approuvée ; mais un historien impartial ne peut que flétrir l'expropriation des droits non féodaux.

Mais on avait ouvert la porte à la violence. Les paysans surexcités par des fauteurs de troubles se précipitèrent sur les châteaux et y mettent le feu. Bientôt les ci-devant nobles, constamment menacés de mort, prendront le parti de s'exiler. Ce sera l'émigration. Leurs biens seront saisis et vendus.

LA CONSTITUTION CIVILE DU CLERGÉ.

Les Rois de France furent souvent en lutte avec l'autorité ecclésiastique, spécialement avec la Papauté. On n'a entre eux que l'embarras du choix. Citons parmi les plus énergiques et même violents : Philippe le Bel, Charles VII et Louis XIV lui-même, le roi très chrétien. De tout temps, nos Rois avaient essayé de rendre le clergé « gallican », c'est-à-dire national français en s'interposant entre le Clergé et le pouvoir de Rome. En ce sens, les Rois de France furent anticléricaux bien avant M. Gambetta, mais leur anticléricalisme ne fut jamais antireligieux.

Les hommes de la Révolution reprirent cette idée pour leur compte avec leur violence coutumière, en l'exagérant.

La loi nouvelle ou Constitution civile du Clergé considère le culte comme un des services de l'Etat. Les ministres du culte furent fonctionnarisés et payés comme tels. Les biens de l'Eglise furent confisqués.

Les curés étaient élus par les Collèges électoraux, de sorte que protestants et indifférents concouraient à leur élection.

L'autorité ne pouvait correspondre avec Rome que par l'intermédiaire du gouvernement. Les prêtres étaient surveillés dans les rapports qu'ils avaient avec les fidèles, les sermons censurés, etc... etc...

C'était inadmissible, cela ne fut pas admis. Le Pape condamna officiellement la Constitution civile du Clergé. Les prêtres durent prêter serment à la loi nouvelle. Beaucoup s'y refusèrent, ce furent les « réfractaires » ; d'autres prêtèrent le serment requis, ce furent les assermentés, les « jureurs » ou « juroux » dans notre patois.

Mais bientôt, la Révolution, perdant toute mesure, voulut déchristianiser la France et prétendit instaurer le Culte de la Raison. Ce fut celui de la Folie. Les prêtres, même les assermentés, durent déposer leurs lettres de prêtrise pour obtenir un certificat de civisme ; ils furent invités à « former des noeuds », c'est-à-dire à se marier, dans le charabia de l'époque.

On organisa une véritable chasse aux prêtres. Beaucoup d'entre eux furent incarcérés, déportés, mis à mort avec ou sans jugement.

Depuis le 22 Septembre 1792, on avait adopté un nouveau calendrier. Tous les mois avaient uniformément trente Jours et comportaient trois jours de repos, un tous les dix jours, le « decadi ». C'était la suppression de la semaine et des dimanches.

Bien entendu, les biens du Clergé furent saisis et vendus.

Cette réforme, pour le moins imprudente et impolitique, divisa la France en deux camps. En Bretagne, ce fut une des causes de la Chouannerie.

Il devait appartenir à Bonaparte, premier Consul, de rétablir la religion. Ce fut l'oeuvre laborieusement conduite du Concordat, 1800-1801. Les Eglises furent rendues au culte en même temps qu'un accord général intervenait entre l'autorité civile et Rome. Les prêtres restaient fonctionnaires, les biens ecclésiastiques restaient confisqués, les ventes étant validées. Mais la surveillance était considérablement relâchée. Le culte était non seulement permis, il devenait un grand service de l'Etat. La paroisse reconstituée sur le plan purement religieux était administrée par un Conseil de Fabrique : le curé et le maire en étaient membres de droit.

Cet exposé très large de la période révolutionnaire était indispensable pour servir de cadre aux faits locaux que nous allons maintenant évoquer et qui forment l'Histoire particulière de la ville de Broons.

Et d'abord que devint la paroisse ?

Broons devint commune, chef-lieu de District.

Broons eut un Directoire de District, un tribunal. Il n'est pas facile de découvrir où siégea ce tribunal. Nous croyons qu'il n'eut pas de local bien fixe et qu'il siégea souvent dans les locaux de la municipalité.

Le District de Broons comprenait l'actuel canton de Broons, les cantons de Caulnes, de Plumaugat, de Plenée, de Collinée, de Mégrit et aussi celui de Merdrignac. C'est ce qui explique la présence à la mairie de Broons des premiers registres d'état civil des communes de Merdrignac et de Saint-Vran. 

Comme chef-lieu de canton, Broons réunit les communes actuelles du canton moins Mégrit érigé momentanément en canton. Le chef-lieu était le siège d'une justice de Paix. C'était, en outre, un lieu de vote. A certaine époque, on créa des municipalités cantonales. Cette création bizarre ne dura pas. Les deux mots jurent ensemble. La commune est un être vivant, le canton est une création arbitraire et artificielle, non viable.

Les districts furent supprimés par Bonaparte. Broons resta chef-lieu de canton. Dinan devint sous-préfecture.

LA COMMUNE.

Le Corps municipal eut bientôt sa maison de ville, car au début du moins, l'église fut laissée à l'exercice du culte. Ceux de notre génération se souviennent d'avoir vu, juste en face du grand portail de l'église ancienne, un chétif bâtiment adossé aux immeubles qui bordent la rue de la Croix-Plate. Là habitaient les demoiselles Thominiaux, grandes marchandes de bouillie d'avoine pendant le Carême. Ce fut la première maison de ville ou mairie. Mais sans doute par suite de l'exiguïté des locaux et aussi pour loger les bureaux du Directoire de District ou le tribunal, le Corps de Ville s'en alla siéger à la Chapelle de la Madeleine, le cimetière n'étant pas encore transféré à cet endroit.

Ce cimetière qui, jusque là, entourait l'église, fut, par un vote du Conseil municipal, déplacé en 1792.

Il est douteux que dans le courant de la Révolution, la commune ait eu une activité propre et indépendante comme l'avait voulue la Constitution de 1791. Il apparaît, au contraire, qu'elle fut très humblement subordonnée et soumise au Directoire de District. En ces temps terribles, il n'était pas prudent de manifester une opinion différente de l'opinion officielle !

Le premier élu de nos représentants fut Charles Rathier, recteur de Broons. Nous étions donc loin de la haine des curés ! Né à Broons le 3 Novembre 1747 de Yves et de Julie Lemarchand, il fut élu député du bas clergé aux Etats Généraux et l'un des premiers à se joindre au Tiers Etat. Il prêta d'abord serment à la Constitution civile du Clergé, mais avec cette réserve qu'il ne serait pas touché au « spirituel ». Lorsque le Pape eut condamné la Constitution civile, il se rétracta publiquement. Il mourut à Broons le 16 Mars 1791.

Un certain Goudelin, avocat à Broons, fut député à la Convention. Il ne vota pas la mort du Roi ; il fut remplacé par un nommé Couessurel, dont la personnalité est difficile à suivre. Il était originaire de Plenée, croyons-nous.

Guyomar, avocat à Sévignac, Goudelin, administrateur du district, furent membres de la Convention.

Couessurel fut aussi président du Directoire de district et juge au tribunal civil. Tout cela est bien confus dans les textes comme dans les fonctions.

Parmi les officiers municipaux, citons les noms de Béchu, maire en 1791 ; Bouvier, maire en 1792 ; Fr. Frouget, de Kermelin ; François Le Breton, de la Bondinais ; de Miriel ; Gilbert ; Petitbon ; Buart ; Potier ; officiers municipaux. 0llivier Biou est procureur de la commune en 1791 et Jacques Picquet occupe les mêmes fonctions en 1793. Un Buart est receveur de l'Enregistrement. Citons encore Touzé, homme de loi ; André Le Moine ; Charles Duval, notaire ; Picquet, notaire. En 1801, Huet, curé constitutionnel, est président du Conseil municipal.

De 1806 à 1807, le maire est un nommé Mahé. Il est noté comme tracassier et se plaignant à tort et à travers de ses administrés, des fonctionnaires locaux, du secrétaire de mairie, de l'instituteur, des employés des postes. Il avoue, lui-même, dans un de ses rapports, que sa commune était devenue une « véritable pétaudière ». Ce n'était pas pour plaire à l'autorité impériale. Sans doute, il n'avait pas la bonne manière. Aucune mesure de rigueur ne fut prise contre lui, mais on se débarrassa de sa personne.

De 1809 à 1815, le maire est François Maurice.

A cette époque, les maires sont nommés par le Gouvernement. En 1810, Haquin est juge de Paix, Petitbon, greffier de Paix, Gilbert, suppléant.

Voici un état des dépenses de la mairie pour l'An IX (1801) : - Appointements d'un secrétaire : 600 fr. - Bois, lumière, balais, pains à cacheter et autres dépenses, comme réparation de la fontaine (?) ; fête nationale : 300 fr. - Pour monter l'horloge ; tambour pour les publications de la mairie et faire le commissionnaire permanent : 120 fr. - Loyer de la maison de ville, à défaut de « localité » (sic) : 126 fr. Au TOTAL  1.146 fr.

La population restant calme et soumise du moins en apparence, la police eut peu à intervenir au moins dans la commune. Mais la force armée, garde nationale ou les troupes régulières cantonnées à Broons, furent souvent requises contre les bandes qui parcouraient le District ; et d'abord contre les révolutionnaires eux-mêmes, lorsqu'ils attaquèrent le château d'Yvignac en 1791 ; puis, au contraire, pour les appuyer contre les Chouans. Ainsi en 1795, la force publique est sollicitée d'intervenir contre les Chouans, maîtres d'Yvignac. Il semble que le Directoire mit peu d'empressement à satisfaire à la réquisition, mais il n'y eut pas d'engagement militaire.

Le geôlier et la geôle ne manquaient pas de clients. Le local était, parait-il, un réduit infect qui servait aussi de dépôt de mendicité. Le geôlier nourrit lui-même ses hôtes et se fait payer sur simple état. On ne dit pas si la cuisine était fameuse et le métier profitable.

On note à Broons une exécution capitale, sur la Place du Martray, en Mars 1793. Louis XVI a été guillotiné le 21 Janvier. La Chouannerie s'organise dans le pays. Le Directoire de Saint-Brieuc décida que les condamnés à mort seraient exécutés non à Saint-Brieuc, où ils étaient détenus, mais envoyés à l'échafaud dans les quatre coins du département pour terrifier la population. C'est bien le régime de la Terreur. L'exécution d'un de ces malheureux eut lieu à Broons. Nous n'avons pu savoir son nom.

En 1794, un passage du chef de Chouans, du Plessix de Grénédan, originaire d'Illifaut, est signalé dans les cantons de Merdrignac et de Plumaugat. Les autorités de Broons sont alertées, mais il n'y eut pas lieu d'intervenir.

En Juillet 1795, un rassemblement de Chouans est signalé à Yvignac. Ils doivent, dit-on, empêcher la concentration des Bleus qui se portent au secours de Saint-Brieuc. On ne signale aucun engagement ayant intéressé les troupes cantonnées à Broons.

D'ailleurs, ces troupes patrouillent continuellement dans le district, vers Collinée par exemple, car de ce côté, les Bleus ont un adversaire redoutable dans la personne de Boishardy.

Broons ne vit point se lever de chef de Chouans parmi ses habitants, mais on ne peut passer sous silence le joyeux Saint Régent, dit Pierrot, du village de ce nom en Lanrelas, et Limoëlan, de Sévignac, dit « Tape-à-mort ». Saint Régent travailla surtout dans le Mené et le Morbihan ; Limoëlan, dans la Haute-Bretagne. Tous les deux seront les auteurs principaux de l'attentat de la rue Saint-Nicaise contre le Premier Consul, le 24 Décembre 1800. Saint Régent fut arrêté et exécuté. Limoëan put s'enfuir en Amérique, où sous le nom du P. de Clorivière, il entra dans les ordres religieux. Il mena, jusqu'à sa mort, une vie édifiante, vouée toute entière aux oeuvres de charité.

Comme nous l'avons déjà dit, nous n'eûmes pas de scènes de pillage et d'incendie dans la commune de Broons. A part Le Lepvroux, les autres nobles n'habitaient pas la commune. Voici leurs noms en 1789 :

Sylvie de Bruc, dame de Guéhenneuc de Boishuë, héritière de la Seigneurie de Broons ; elle possédait en propre seulement 55 journaux de terre.

Gabriel-Louis du Rocher du Quengo qui possédait 121 journaux.

Guillaume-François-Marie de la Nouë de Bogar qui possédait 99 journaux. Celui-ci paraît avoir été un fort bon homme. Nous avons vu de lui plusieurs remises de dettes écrites de sa main.

Louis-Vincent Le Levroux, époux de Claire de Bénazé, qui possédait 160 journaux.

On peut ajouter la famille de Saint Pern qui possédait le quartier du Bois de Broons, les Halles.

Le Bois de Broons fut déclaré propriété domaniale et évalué à 1.400 francs de revenu.

LA VENTE DES BIENS NATIONAUX.

Comme suite à l'établissement de l'Egalité civile et à l'émigration, le Gouvernement fit saisir les biens du clergé et de la noblesse et poursuivre la vente aux enchères publiques.

Le mobilier du culte fut inventorié le 10 Mars 1794 : 18 chandeliers de cuivre, 3 croix de cuivre, 2 reliquaires de bois doré, 6 chandeliers de cuivre soufflés en argent, un bénitier de cuivre, 21 chasubles, 4 dalmatiques, une dizaine de chapes.

Les biens immeubles furent pareillement vendus. Très souvent la population s'abstint des enchères sur les propriétés ecclésiastiques. Les acquéreurs se recrutèrent parmi les personnalités les plus en vue, les gens en place, lancés dans le mouvement. Buart Jacques, Buart Julien, Couëssurel, juge au Tribunal, qui se rendit acquéreur de la Ville-ès-Sébille ; Pierre Hervard, juge au Tribunal ; Touzé, homme de loi ; André Lemoine, acquéreur du Bois Passemalet ; et d'autre part, des « étrangers » qui cherchaient la bonne affaire. Des associations se formèrent pour pratiquer la spéculation. On connut l'association Touzé-Julien Buart-Binart ou Jacques Buart-Louis Hervard. Il y a toujours des oiseaux de proie autour des cadavres !

Un sieur René Baudry acheta la Ville-Morel pour la revendre immédiatement à un notable de Saint-Malo, un nommé Hovius.

Dans le détail de ces opérations, il est très difficile de saisir le rôle véritable qu'ont joué les acquéreurs. On peut admettre que certains d'entre eux aient été les mandataires des expropriés eux-mêmes. Aussi lorsque la tourmente s'apaisa, les nobles furent mis à même de rentrer en possession de leurs biens. C'est ainsi que Claire de Bénazé, veuve de Vincent Le Levroux, rachète le Bois Passemalet de André Lemoine pour ses enfants mineurs. Elle le revendit d'ailleurs peu de temps après, volontairement cette fois.

Mais souvent les acquéreurs furent l'objet de menaces. Guy-Pierre Duval, trésorier du District, fut mis à mort par les Chouans.

Les Halles appartenaient à de Saint Pern qui percevait des droits de hallage. Ces droits furent supprimés comme féodaux : ils n'eurent probablement jamais ce caractère. Mais, chose curieuse, la propriété resta aux de Saint Pern qui les loua à la commune de Broons. En fin de compte, elles furent vendues en détail. Touzé en acheta une partie, la commune aussi. En 1810, il existait un mur de terre qui séparait la portion acquise par la Commune. L'aliénation ne sera complète que vers 1850. A cette époque, la Commune achète la dernière parcelle appartenant aux héritiers de Saint Pern. La Commune devint donc propriétaire de l'ensemble.

Entre temps, les Halles avaient servi au cantonnement des troupes. Le 18 Nivose An 8 — 1800 — l'administration faisait connaître que les Halles étaient le seul emplacement possible pour cantonner des troupes. On allait sans doute rendre l'église au culte à l'approche du Concordat. Les Halles ne furent rendues aux foires et marchés qu'en l'année 1809.

Ceux des biens « nationalisés » qui ne furent pas vendus, furent remis à la Commune qui en détient encore un certain nombre.

LA LUTTE RELIGIEUSE.

Contre les prêtres qui avaient refusé de prêter serment à la Constitution, et ensuite contre tout ce qui représentait la tradition religieuse, la Révolution engagea une lutte cruelle et sans merci. On organisa une véritable chasse à l'homme.

L'abbé Joseph Chartier, né à Ploërmel en 1756, est vicaire à Broons depuis 1785. Il eut à faire à la grand'messe la lecture des décrets sur la Constitution Civile du Clergé, mais il laissa entendre qu'il ne les approuvait pas. Le municipal François Frouget dressa de l'incident un procès-verbal qui est signé : Béchu, maire ; F. Frouget ; F. Le Breton, officiers municipaux ; Gilbert, procureur syndic de la Commune (31 Octobre 1790). La chose fut signalée à l'Assemblée Nationale. L'abbé Chartier refusa de s'assermenter et fut décrété d'arrestation le 30 Mars 1792. Déporté à Jersey, il mourut en Angleterre où il s'était dévoué aux prisonniers de guerre atteints de maladie épidémique.

François Picouays, vicaire auxiliaire en 1790, refusa le serment. Le 15 Mai 1791, Guillaume Bouvier, maire, Louis Potier, Yves Miriel, officiers municipaux, Olivier Biou, procureur syndic, firent une descente au presbytère. L'abbé Picouays avait lu en chaire un mandement qui n'avait pas obtenu l'agrément de l'autorité civile. Il passa en jugement devant le Tribunal et fut exilé à Jersey.

Jean Richard, né à la Ville-Bougault en 1728, de Louis et de Jeanne Navicet, résidait à Broons pendant la Révolution. Il refusa le serment, mais n'en assura pas moins courageusement le service du culte. Incarcéré, puis remis en liberté, il séjourna à Sévignac où il célébrait clandestinement la messe. Enfermé à nouveau, puis libéré encore une fois, il est gardé à vue. Il mourut à Dinan en 1813.

Jean-Baptiste Bougault, né à Linée en 1760, de François et de Anne Blandin, fit du ministère clandestin en pleine période de Terreur ; c'est dire qu'il risquait journellement sa vie. Il sut se rendre insaisissable, parcourant la campagne sous divers déguisements. Il mourut tranquillement chez lui à Linée en 1800.

Dans le ressort du canton, la poursuite des réfractaires donna lieu à de véritables assassinats. Le 20 Septembre 1792, l'abbé Bellouard, de Lanrelas, fut arrêté par le brigadier de gendarmerie Pinot, de Broons, et conduit à Broons, puis incarcéré à Guingamp ; il avait alors 66 ans. Remis en liberté en 1795, l'abbé Bellouard reprit courageusement son ministère à Lanrelas. Arrêté de nouveau le 6 Janvier 1796, par une troupe de républicains armés, il fut massacré sur place, sans jugement, par ces brutes sans mandat.

L'abbé Rabec, en résidence à Mégrit, fut arrêté en 1793. Rendu à la liberté le 3 Avril 1795, il revient à Mégrit. Le 28 Février 1796, une colonne mobile, partie de Broons, se présenta chez lui ; il fut lardé de coups de baïonnettes, puis fusillé à bout portant. Sa dalle funéraire subsiste au cimetière de Mégrit.

L'abbé Mercier de Montigny, prêtre réfugié à Broons, avait pris l'emploi de clerc chez M. Gambier de la Porte, avoué près du Tribunal civil. Ayant suivi son patron à Janzé, il y est arrêté le 21 Mars 1792. Transféré au Mont-Saint-Michel, il est délivré par les Chouans. Arrêté de nouveau, il est exécuté à Rennes le 17 Janvier 1794.

Le premier « juroux » qui ait été élu à Broons - 1792 - fut un sieur Corbel, mais il refusa l'emploi ; pareillement, les assermentés Julien Bichemin, de Lamballe, et l'ancien moine Desvignes refusèrent de résider.

Le premier acceptant fut Mathurin Jallu, de Mauron, aux appointements de 1.800 livres, 10 Mars 1793. Quoiqu'en situation régulière vis-à-vis de la loi, il n'en fut pas moins arrêté, car personne n'était en sûreté de sa vie. Rendu à la liberté, on le retrouve à Broons en 1795, puis il fut mis à la retraite.

L'ancien moine Huet occupa la cure jusqu'au Concordat. Personne de caractère équivoque, il est mêlé à la vie politique et très lancé dans les idées nouvelles. L'An VI, il rend compte au Commissaire du Directoire départemental de toutes les démarches qu'il a faites et même des patrouilles de nuit qu'il a dirigées en personne pour trouver des prêtres réfractaires qui se trouvaient cachés dans la région. Il fait aussi épier Picot-Limoëlan sans succès ; celui-ci se trouvait pourtant à Sévignac. Ce drôle de curé nous paraît s'être fait une bizarre conception de la charité chrétienne.

Des élections eurent lieu le 10 Mars 1793, sur convocation de Jacques Picquet, procureur syndic. La réunion eut lieu dans l'église. A cette séance furent pourvus les sièges d'Eréac, Le Gouray, Mégrit, Collinée, Broons (Jallu), Plénée, Saint-Vran, Trémorel.

Qu'est devenue notre église pendant ces mauvais jours ? Son histoire est lamentable. Son mobilier vendu, tout ce qui avait quelque valeur fut livré à la monnaie : ciboires, calices, patènes, croix d'argent, etc... La vente produisit la somme de 486 fr. 20.

De ses trois cloches, deux furent requises pour être fondues et employées aux besoins de la guerre. On brisa l'une d'elles pour faciliter la descente du clocher.

On dépava l'intérieur de l'église pour la recherche du salpêtre alors nécessaire à la fabrication de la poudre. Un atelier fut créé en 1794 pour l'épuration de la matière récupérée. Les dépaveurs mirent sans doute à jour des sépultures anciennes de prêtres et de seigneurs, mais nous n'avons aucun renseignement précis.

Entre temps, l'église servit de magasin à fourrages, de caserne pour les troupes, d'écurie pour la cavalerie. Comme on signalait qu'en 1789 elle était déjà en mauvais état, on peut imaginer que l'utilisation impie qu'on en fit, rendit urgentes les réparations qui ne furent exécutées qu'après le Concordat, lors du rétablissement du Culte.

Nous ne pouvons dire si l'on y célébra les cérémonies grotesques du culte de la Raison, mais il est certain que des cérémonies civiques s'y déroulèrent.

Les différentes chapelles du territoire furent profanées et fermées. Toutefois, dans les périodes d'accalmie, celle de Leslian fut réouverte au public, l'église restant occupée par la troupe. On conçoit que le sous-préfet Gagon signale « que ce local est trop petit pour le nombre de personnes qui s'y rassemblent ». La population n'était donc pas avec les Révolutionnaires !

Le premier curé concordataire fut l'abbé Phénice qui mourut en fonctions le 4 Juin 1814.

L'INSTRUCTION PUBLIQUE.

On a répété à satiété que la Révolution avait développé considérablement l'instruction publique. C'est vrai, mais entendons-nous bien ! Elle a créé les grandes Ecoles et aménagé les études dites secondaires. Quant à l'instruction dite primaire, elle ne s'en est guère occupée que dans les grandiloquents discours de Danton. Cette période est un temps de recul dans l'éducation et l'instruction du peuple. Au fait, la Révolution n'est pas d'origine populaire, mais d'essence bourgeoise. Elle a surtout profité à la bourgeoisie. Les prêtres étant traqués, ceux qui s'adonnaient à l'instruction du peuple furent dispersés et mis dans l'impossibilité d'exercer cette fonction éminemment éducatrice. En l'An III, 1795, Broons fut cependant doté de un instituteur, un nommé Mahieu qui fut logé au presbytère. Il n'est pas question de l'école de filles.

Cet état de choses ne s'améliora pas sous l'Empire. Il était réservé à la Restauration d'organiser l'essor de l'enseignement populaire qui débutera comme entreprise privée pour se hausser au niveau d'un des grands services de l'Etat.

COMMERCE ET INDUSTRIE.

Comment veut-on qu'en période aussi troublée, le commerce et l'industrie soient florissants ? Nos petites industries vivotent parce qu'elles s'alimentent des matières premières trouvées sur place. Cependant, Broons reste le centre commercial qu'il a toujours été. Les foires et marchés sont toujours suivis et l'on y subit cette fameuse loi « du maximum » qui réussit à merveille à raréfier la marchandise, tout comme la taxe de nos jours.

(Emile Le Giemble).

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