|
Bienvenue ! |
Saint-Yves en Bubry : de l'origine à la révolution |
Retour page d'accueil Retour page "Ville de Bubry"
Et maintenant, une double question se pose : Quel aspect présentait St-Yves, à ces différentes époques et quelle serait l'origine, en ce lieu, du culte du Saint Avocat ?
Pour la résoudre, il importe, compte tenu des précisions acquises par l'étude des monuments témoins du vieux temps, de pénétrer dans le domaine du passé, d'en inventorier les faits, afin d'échaffauder, aussi solidement que possible, à leur lumière, la véritable histoire.
Nous prendrons, comme point de départ, les événements qui marquèrent la moitié du 14ème siècle. En 1341, Jean III Le Bon, duc de Bretagne, décédait à Caen, emportant les regrets de ses sujets « qu'il avait, durant son règne, gardés d'oppressions et maintenus en paix, en union et justice ; et qui le pleurèrent et regrettèrent quand ils virent les guerres, les destructions et désolations qui, après sa mort, leur advinrent, lesquelles il avait prévues et auxquelles il avait voulu pourvoir » (P. Le Baud).
Dès lors, s'ouvrit, en effet, en Bretagne, une série d'événements graves dont l'enjeu était l'avenir même du pays. Ce fut la période de la « Guerre de Succession », qui, commencée en 1341, ne devait se terminer, après quelques courtes trêves, qu'en 1364. La lutte, dont les nombreux épisodes constituent un véritable poème héroique, fut engagée entre Charles de Blois et Jean de Montfort, tous deux prétendants, après la mort de Jean Le Bon, à la couronne de Bretagne. Cette rivalité aurait pu trouver son dénouement dans les limites du Duché, mais, le Roi d'Angleterre, ayant pris parti pour Montfort, le conflit en franchit les frontières et prit les proportions d'une véritable lutte entre la France et l'Angleterre.
Envahie par les Anglais, défendue par les armées françaises, la Bretagne devint un champ de bataille, le théâtre de continuelles escarmouches et, pour finir, un terrain d'exploitation pour les Anglais et les brigands. Ces derniers, en bandes, attaquaient les châtaux, pillaient, rançonnaient, vouant le pays tout entier au désordre et à l'anarchie.
La bataille d'Auray, le 23 Septembre 1364, au cours de laquelle Charles de Blois trouva une mort glorieuse et où fut fait prisonnier son vaillant capitaine, Bertrand Duguesclin, ne mit pas fin à cette période de luttes, de discordes, de bouleversements, qui devait se prolonger sous le règne du duc Jean IV, jusqu'à l'avènement, en 1399, de Jean V Le Sage.
Au début de ces temps troublés, Saint-Yves offrait le spectacle d'une lande déserte et sauvage. Rien de ce que l'on y voit aujourd'hui n'existait, à part, peut-être, quelques modestes habitations de paysans, éparpillés dans le voisinage.
La route d'Hennebont à Bubry y passait comme à notre époque mais suivant un itinéraire quelque peu différent. Aux environs de Koët-er-Roche, elle prenait la direction de Bodconan, interprêtait le chemin rocailleux jusqu'au grand portail, ouvrant à l'ouest, sur la propriété Keraly, puis suivait l'étang actuel du château pour emprunter l'avenue. Elle passait devant le presbytère, comme de nos jours, et, de là, rejoignait la Lande pour bifurquer, par le chemin de Kervach, en direction de Bubry, en passant par Kéleshouarn.
A l'emplacement de ce dernier village s'élevait alors un château-fort, du même nom, dont les ruines permettent de mesurer l'importance. Çà et là, des pans de mur d'enceinte limitent encore la surface de l'ouvrage. Les restes d'une ouverture cintrée indiquent l'une des portes extérieures et, dans un amoncellement disparâtre, s'entassent des pierres dont l'architecture ne laissent aucun doute sur l'existence et l'emplacement d'une chapelle.
Dans une niche en bois, fixée au mur de la ferme, est toujours exposée une vieille statue qui pourrait bien provenir de cet oratoire. A défaut d'identification, les paysans, qui, dans le domaine des canonisations, ne s'embarrassent guère des garanties d'origine ni des règles de l'authencité, mais, en gens pratiques, sont prompts, en retour d'avantages tangibles, à peupler le ciel de nouvelles auréoles de leur choix, l'ont tout simplement baptisée St-Keleshouarn.
On raconte, dans le pays, le fait que voici : Un cultivateur menait son attelage auxenvirons de ce hameau, quand, soudain, le cheval, pris de peur, s'emballa et partit à l'aventure. Un grave accident était à craindre. Ne sachant à quel saint se vouer, le pauvre paysan fit appel, sans le spécifier, à la protection du plus proche, comme étant le plus apte à lui porter secours. Ce fut, dans la circonstance, St Keleshouarn qui récompensa sa confiance en le sauvant d'un malheur humainement inévitable.
Pour remercier son bienfaiteur dont l'accoutrement vieilli ne lui paraissait réellement pas en rapport avec la puissance qu'il détenait et les indubitables prérogatives dont il jouissait au paradis, le brave homme fit le voeu. de l'habiller à neuf. Pieds nus et le chapelet en main, il porta, dans cette intention, l'effigie vénérée jusqu'à St-Yves, où il confia à son pinceau le soin de consacrer l'accomplissement de sa promesse par des couleurs aussi vives que sa reconnaissance...
Le plus important témoin de l'ancien château-fort est, à coup sûr, l'immense puits, situé au centre de la cour et dont le revêtement intérieur ainsi que la superstructure en énormes moellons sont demeurés intacts. C'était la citerne prévue, dans les ouvrages fortifiés, à l'usage d'un personnel très nombreux et pour le service d'importantes écuries. Ses grandes réserves d'eau permettaient, en outre, en cas de siège prolongé, de subvenir aux besoins des paysans et de leur bétail qui, en temps de guerre, se réfugiaient dans les châteaux.
Ce fief de Keleshouarn appartenait à l'un des trois grands chefs régnant, à cette époque, auprès des ducs de Bretagne, auxquels ils suscitèrent, du reste, bien des difficultés, leur imposant parfois jusqu'à la rébellion et la guerre : les sires de Clisson, de Laval, de Rohan, lesquels possédaient partout châteaux et seigneuries. Il fut, vraisemblablement, désaffecté et abandonné à la suite de ces années de bouleversement qui amenèrent, entre autres conséquences, l'effacement de la haute féodalité devant le pouvoir ducal « dont l'autorité, dit du Cleuziou, fut partout acceptée comme étant seule capable d'assurer les bienfaits de la paix ».
Cette époque dut voir, également, les derniers jours d'un bastion féodal, situé non loin de Keleshouarn et à environ 4 kilomètres du bourg de St-Yves, près du village appelé le « Vieux St-Yves ». « On y voit encore les traces d'une ancienne fortification : une butte conique de 8 m. de haut, entourée de douves de 16 m. de large sur 6 m. de profondeur. C'était une motte féodale sur laquelle s'élevait un donjon ». Le marais qui se trouve à proximité est un vestige de l'ancien étang qui assurait une défense naturelle en alimentant, de ses eaux, les douves ceinturant le fortin.
L'appellation de « Vieux-St-Yves », en breton « Goh-St-Youan », lui vient du fait qu'il fut, probablement, occupé, en dernier lieu, par la famille s'intitulant « de Saint-Nouan », déformation possible de « St-Youan » nom sous lequel les Bretons désignent St-Yves dans la région. Si l'on tient compte, en effet, de la quasi-similitude des orthographes et surtout de la prononciation populaire celtique de St-Youan, laquelle substitue, dans le parler courant, le N à l'Y, il semble bien que ce soit un seul et même terme.
Comme « le siège de la mouvance, dont le « Vieux-St-Yves » était d'abord le chef-lieu, fut porté plus tard au châTeau de Kerniniven ». Comme, d'autre part, « en 1400, ce dernier château appartenait à Henri de St Nouan ou St Youan, que l'Histoire nous montre en faveur auprès des ducs, ainsi que ses descendants », on est amené à penser que, c'est au temps de ce Seigneur, de 1350 à 1400, que s'opéra le transfert à Kerniniven , de ce fief qui devint alors « l'ancienne » résidence de M. de St-Youan, ou « Goh St-Youan ».
C'est également de cette époque que date la fondation de la première chapelle de St-Yves.
Un événement, sensationnel, qui avait rempli de sainte joie le coeur de tous les Bretons, venait, en effet, de se produire dans les premières années de la guerre de Succession : la canonisation d'Yves Hélori de Kermartin.
Les Bretons avaient tous entendu parler de ce saint prêtre, « Avocat des pauvres », dont l'excellence des vertus et la renommée de sainteté s'étaient partout répandues, et qui venait de mourir en 1303, à l'âge de 40 ans. A la supplique de Charles de Blois, qui, pour appuyer ses démarches, apportait un certain nombre de faits miraculeux, le pape Clément VI, résidant à Avignon, inscrivit le prêtre breton, le 19 mai 1347, au catalogue des saints.
Quoi d'étonnant à ce que le Seigneur du « Vieux-St-Yves », puis de Kerniniven, qui s'identifie avec ce membre de la famille de St-Yves, auquel, d'après Cayot-Deslandres, une tradition locale attribue la fondation de la première chapelle, ait alors troqué son véritable titre que nous ignorons, à moins qu'il n'y ait fait une adduction, contre celui de « St-Nouan » ou « St-Youan », qui projetait sur le blason de la famille la gloire nouvelle de l'auréole ? Quoi d'étonnant encore qu'il ait voulu édifier un sanctuaire en l'honneur de son illustre parent, tout près de son domaine de Kerniniven ?
Le château de Kerniniven n'offrait pas, évidemment en ce temps, l'aspect qu'il présente aujourdhui. Bâti un peu plus en retrait, à l'endroit où se trouve la ferme actuelle, il affectait la forme quadrangulaire des manoirs bretons, avec une vaste cour au centre et, aux angles, des superstructures dont une subsiste encore sous forme d'un pavillon destiné au logement du jardinier. Peut-être le bâtiment de l'orangerie est-il un souvenir de la chapelle qui, avec l'aumônerie et le pigeonnier, étaient, à cette époque, les privilèges des demeures seigneuriales. En tout cas, le traditionnel puits, creusé dans la cour intérieure, demeure toujours, ainsi qu'une partie du mur d'enceinte que terminent les ruines assez curieuses d'un petit bastion d'angle. « C'était le chef-lieu d'un fief relevant de Pontcallec et sa juridiction s'exerçait sur le pays de St-Yves ».
Après avoir appartenu aux St-Nouan, le manoir de Kerniniven devint, dans le courant du 15ème siècle, propriété des de Baud. On y voit ensuite les Rosmar-Cancoët qui y résidaient certainement à l'époque où fut agrandie la chapelle, fin du 16ème siècle et début du 17ème siècle ; puis, des La Pierre La Forêt « qui eurent aussi des propriétés à Quistinic et à Lanvaudan et qui le possédaient encore en 1790 ». Ces derniers y furent remplacés par les « Du Couédic », sans doute en 1803. On trouve, en effet, le 12 Mai de cette année, un membre de chacune de ces familles comme parrain et marraine de la cloche prénommée Thomas. Le fait qu'ils se firent suppléer dans cette fonction laisse à penser que leur absence du pays était motivée par des obligations d'ordre matériel, afférentes à la transmission des biens.
Monsieur de St-Nouan aurait pu se contenter d'édifier, en l'honneur de St-Yves, pour satisfaire sa dévotion personnelle, un simple oratoire privé à l'intérieur ou dans les dépendances de sa demeure. Il n'hésita pas à construire une véritable chapelle, aux abords mais en dehors de sa résidence, ce qui dénote son intention d'en faire un lieu de culte public, pour la plus grande gloire du nouveau saint. Cette intention se trouva pleinement réalisée.
La canonisation de St Yves, en 1347, n'avait fait que couronner des vertus et des mérites universellement connus dans tout le pays. Elle n'en devait pas moins, en donnant un lustre nouveau à sa gloire, imprimer un élan particulier à la dévotion populaire, intensifier les requêtes de protection, augmenter les demandes de secours, multiplier les supplications. « Le culte du Saint Avocat se répandit avec une grande rapidité dans tout l'univers, dit Raison du Cleuziou, et, en Bretagne surtout, où il n'y eut pas une paroisse où son image, une statue, un vitrail ne rappelât sa mémoire et le souvenir de ses vertus. Sans faire oublier les vieux saints du pays, il prit, dans leur cortège, un rang spécial ; il fut plus spécialement qualifié patron ou protecteur ».
Aussi, la petite chapelle de St Yves fut-elle bien vite fréquentée. Aux gens du voisinage se joignirent bientôt les pélerins accourus de régions plus éloignées. Nos pères, on le sait, aimaient les pélerinages et, pour contenter leur piété, ne craignaient pas de faire, à pied, de longs et souvent périlleux voyages qui les menaient parfois jusqu'à St-Jacques de Compostelle ou jusqu'à Rome.
De loin à la ronde, on vint aussi à St-Yves, en particulier des Côtes-du-Nord (aujourd'hui Côtes-d'Armor), où, jusqu'à nos jours, grande est demeurée la renommée du petit sanctuaire. Chaque année, encore, des gens de la région de Gouarec, de Rostrenen, de Maël-Carhaix, viennent y prier, accomplir un voeu, ou demander une grâce particulière.
Cela peut paraître surprenant de la part des compatriotes du grand saint qui peuvent trouver à Tréguier, auprès de son tombeau, de quoi satisfaire leur dévotion. Il faut tenir compte de la part de l'humain qui entre dans la piété populaire et incline à réclamer du ciel surtout des faveurs temporelles.
Les besoins de cet ordre sont nombreux et variés d'où cette tendance, providentiellement approuvée d'ailleurs, à multiplier les intercesseurs et à diriger les requêtes vers tel ou tel d'entre eux, suivant la particularité qui lui est reconnue. A part St Diboen, prudemment délégué pour toutes les causes imprévues, et sans titulaire, chaque saint, en Bretagne, possède des attributions propres, bien définies qui lui confèrent son patronat et lui assurent comme l'exercice d'une spécialité.
Il arrive, aussi, que les prérogatives d'un même saint varient suivant les régions et les sanctuaires, mais elles en sortent pas, pour autant, du domaine dans lequel il a été reconnu compétent et ne sont qu'un aspect particulier du privilège dont il est le détenteur.
Tréguier est le grand centre de la dévotion à St-Yves qui y est vénéré, tout à la fois, comme le modèle des magistrats, des avocats, des administrateurs, des étudiants. Il est sollicité à tous ces titres et invoqué, tout autant pour obtenir la grâce d'une sainte vocation, les lumières de la science, le don de sagement conduire les affaires, la réussite aux examens, que pour lui demander d'assurer le succès d'une cause devant le tribunal.
Dans la chapelle de Kernivinen, St-Yves fut et reste honoré plus spécialement comme avocat, comme avocat des pauvres et c'est toujours à lui que l'on s'adresse pour faire aboutir, au profit du requérant, une action en justice, pour relever une réputation compromise par la calomnie, pour découvrir le véritable auteur d'une escroquerie ou d'un larcin, pour réhabiliter la victime d'une fausse dénonciation, en un mot, pour rétablir partout la « Vérité ».
On comprend combien ce caractère spécial de la dévotion à St-Yves, encouragé, peut-être au début, par l'obtention de faveurs retentissantes, fit valoir le renom de la petite chapelle auprès du peuple des campagnes qui possède, naturellement, un sens développé de la justice, est très attaché à la sauvegarde de ses intérêts et dont les droits, comme les devoirs, sont codifiés avec une invraisemblable accumulation de détails lesquels sont, entre voisins, des sources de continuels différends.
On ignore comment, et par qui, était organisé, à cette époque, le service du culte dans la chapelle, mais ce que l'on n'ignore pas, c'est que devant l'indéniable succès de la dévotion à St-Yves en ce lieu, il fallut, un jour, songer à l'agrandissement et à l'embellissement du sanctuaire. On le voulut plus vaste, mais aussi plus beau, plus digne de son saint titulaire.
C'est à la fin du 16ème siècle que cette oeuvre fut entreprise. Durant la période qui avait précédé et avait été marquée par les guerres civiles et les invasions anglaises, l'art n'avait été que l'image de la société déséquilibrée par les désastres de tout genre. Il allait, désormais prendre un essor nouveau dont les bienfaits ne furent pas réservés aux seules grandes villes ou à des régions privilégiées, mais se répandirent partout, jusque dans les contrées les plus modestes du royaume. On doit à cette époque de posséder en Bretagne, quantité de petits chefs-d'oeuvre au nombre desquels il convient de compter l'église de St-Yves.
Inutile de rappeler les travaux, exécutés ici, en ces temps de la beauté et que nous avons étudiés en détail. Il suffit de mentionner qu'ils furent menés à bien au temps et avec l'aide financière des Rosmar-Cancoët, dont les armoiries figurent en plusieurs endroits de l'édifice. On ne connaîtra jamais, malheureusement, l'histoire complète de leur exécution, pas plus que l'on ne connaîtra le nom de ces hardis bâtisseurs qui, du granit, savaient faire de la dentelle et seraient, à notre époque, d'incontestables maîtres en architecture.
Bâtisseurs vagabonds, l'outil sans cesse en main,
Ils ont semé partout calvaires et chapelles,
Ciselant le granit,
y taillant des dentelles,
Œuvrant un jour ici, ailleurs le lendemain.
Chacun portait au coeur l'amour de son métier
Et, maniant son marteau, son ciseau, sa truelle,
Dans l'ensemble imprimait sa marque personnelle.
On ne séparait point l'artiste et l'ouvrier.
Saint-Yves, vieux témoin de cette architecture
Où la solidité se joint à la parure
Compte quatre cents ans et
verra tout autant.
Le vent n'emporte pas comme fêtu de paille
L'oeuvre des
compagnons de ce siècle étonnant
Car ceux qui l'ont bâti ont construit à leur
taille.
Commencé vers 1585, l'agrandissement de l'église devait être achevé pour 1600. Aussitôt après, en 1601, on aménageait la fontaine, complément indispensable de tout sanctuaire. Le village allait naître à son tour. Les églises ont toujours été à l'origine des agglomérations. Centre d'attraction, la maison de Dieu groupe les foyers autour de ses murs bénis et tutélaires, comme autour d'elle la mère poule réunit ses poussins.
Le presbytère fut, sinon la première, du moins l'une des premières habitations construites. L'importance grandissante du pèlerinage, qui avait commandé l'élargissement de la chapelle, obligeait également à pourvoir à son service d'une façon régulière. Jusque là on s'était contenté de la présence de quelque prêtre de passage ou de l'aide complaisante des desservants des paroisses voisines. St-Yves avait, désormais, besoin d'un prêtre à demeure chargé de la garde des lieux saints, de l'organisation du culte et des cérémonies, du soin continuel des pélerins.
Or, dans ces temps-là, on ne s'arrêtait ni à la médiocrité, ni à l'à-peu près et quand on voulait une chose, on la voulait bien. S'il n'était pas question d'édifier un somptueux château, il ne paraissait pas davantage convenable de construire, à proximité de la magnifique chapelle et de sa belle fontaine, une bâtisse quelconque. Par souci du beau autant que par déférence pour celui qui devait y résider, le choix fut fixé entre l'imposant manoir du riche seigneur et l'humble habitation du paysan ; on bâtit une demeure de gentilhomme.
Dès 1629, sur le chemin menant à Quistinic, s'élevèrent quelques maisons. Il en reste un souvenir dans un petit appenti, encore en usage, sur lequel est inscrite cette date et qui est connu dans le pays sous le nom de « Cave Bido ». De cette même époque est l'habitation appartenant vers 1945 à la famille Jéhanno.
Si l'on considère l'aspect général de cette dernière construction, son appareil de pierre, son étage, sa disposition intérieure, il semble bien que ce fut d'abord, une « hostellerie ». Il fallait pourvoir, en effet, à la subsistance, au logement des pélerins, venus souvent de très loin et, comme le commerce ne perd jamais ses droits, c'était là de bonnes affaires en prévision. Et puis, ce n'était pas seulement le voyageur qu'il fallait héberger mais, souvent encore, sa monture, car c'est à cheval qu'on se déplaçait généralement à cette époque. Bêtes et gens y étaient les bienvenus, ces derniers dans l'auberge, les animaux dans les dépendances prévues pour eux et dont une partie demeure encore, qui fut construite face à « l'hostellerie », en 1662.
Il n'y a pas, à St-Yves, d'autres maisons, existant actuellement et datant de cette période. Il faut remonter au siècle suivant pour trouver, au voisinage de l'église, quelques fermes ou tenues. Ce sont les petites bâtisses, recouvertes de chaume et situées en un coin de la place. L'une date de 1735 et l'autre, occupée vers 1945 par la famille Le Coze, fut construite par un certain Louis Guyader, en 1755.
Y eut-il, en ces débuts, d'autres édifices ? C'est probable, puisque St-Yves comptait alors une vingtaine de ménages : des Le Roy, Le Duc, Jégousse, Fouillen, Méchec, des Colo, Rouzic, Badéet, Nezet, Caro, Le Dal, des Jégouzo, des Rivallan, des Cavil, des Guyader..., pour en citer quelques-uns. Tous vivaient du travail des champs ou de leur commerce et coulaient des jours paisibles et heureux à l'ombre de leur sanctuaire vénéré, quand arriva la Révolution. La tourmente, dont une vague violente déferla sur le pays, vint troubler cette tranquillité et porter un coup malheureux au culte, florissant jusque là, de St-Yves-La-Vérité.
(Louis le Brazidec).
© Copyright - Tous droits réservés.