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LA BATAILLE DE CARHAIX (1197 vs ou 1198 ns).

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LA BATAILLE CONTRE LES ANGLAIS AUPRÈS DE CARHAIX (1198).

Ogée a écrit [Note : Ogée. Dictionnaire de Bretagne, I, p. 155. — Carnoët, commune limitrophe du canton de Carhaix (Finistère), mais comprise au canton de Callac, arrondissement de Guingamp], parlant de Carnoët : « On y voit aussi la chapelle de Saint-Gildas auprès de laquelle fut donnée en 911 entre les païens et Richard accompagné de Robert une bataille qui coûta la vie à 6.800 des premiers ».

Ainsi des païens ont été massacrés en grand nombre dans une bataille à Saint-Gildas par Richard et Robert. Quels sont ces païens ? Quels sont Richard et Robert ?

Une note insérée par les annotateurs d'Ogée (p. 156) et signée de l'érudit comte de Blois, porte :
« La bataille dont parle Ogée est sans doute celle qui fut livrée en ces environs, l'an 1197 [Note : Je garde provisoirement la date 1197, généralement admise, mais qui doit être, je crois, changée en 1198], entre Richard Ier, roi d'Angleterre, et les barons de Bretagne armés pour défendre le jeune duc Arthur. De l'an 908 à l'an 937, c'étaient les Normands qui ravageaient la Bretagne ». Ajoutons, hélas ! et qui étaient partout vainqueurs.

Sur la note qui précède quelques observations :

1° les rôles sont intervertis. En 1197, ce sont les adversaires des Anglais qui sont vainqueurs. Richard dont il est question au texte d'Ogée ne peut être Richard Ier Coeur de Lion.

2° Les adversaires du roi Richard étaient les barons bretons : ce n'est pas eux que le chroniqueur inconnu mis à contribution par Ogée a pu qualifier de païens. Au contraire les soldats du roi d'Angleterre en 1197 étaient dignes de ce titre.

3° Ajoutons que plus haut (p. 143) Ogée mentionnait « auprès de Carhaix » la bataille « où Richard roi d'Angleterre fut complétement battu par les barons Bretons en 1197 ». Est-il sûr que cette indication « auprès de Carhaix » puisse être interprétée par « à Saint-Gildas en Carnoët ».

Il est permis de douter de l'identité entre le combat de Saint-Gildas où un Richard qui n'est pas dit roi d'Angleterre et un Robert non autrement désigné sont vainqueurs des païens, — et la bataille « auprès de Carhaix, » où les Anglais sont vaincus par les Bretons.

Jollivet, l'auteur des Côtes-du-Nord, ne doute pas de l'identité. Il conte les ravages exercés par le roi Richard en Bretagne ; puis il montre « les vicomtes de Rohan, Léon, Vitré, Fougères, Dol, Montfort, Lohéac et Le Faou, » combattant près de la chapelle de Saint-Gildas le roi Richard en personne ; et celui-ci « ne devant son salut qu'à la nuit qui cacha sa fuite ». Tous ces faits sont compris dans une seule campagne (1197) [Note : Jollivet. III. 358. Il semble qu'il y avait en Bretagne au XIIIème siècle autant de vicomtes qu'aujourd'hui ! Des huit seigneuries dont nous venons de lire les noms, les deux premières seulement et la dernière ont eu titre de vicomté. — Quelle est cette liste ? Les six premiers seigneurs sont nommés par D. Morice Hist. I (p. 422.) Les deux autres noms sont empruntés à une liste que nous donnerons plus loin].

L'auteur de l'Essai sur Carnoët a imprimé ces phrases (p. 92-93) ; et aussitôt après il emprunte au vénéré chanoine Onfroy-Kermoalquin un récit absolument différent.

Le chanoine montre Alain, comte de Penthièvre et de Guingamp commandant les Guingampais [Note : Inexactitude : Alain de Penthièvre, fils aîné de Henri Ier, de la branche cadette des Penthièvre, avait hérité des comtés de Tréguier et de Guingamp. En ce moment (1180-1202) il en était dépouillé et réduit au Goello. Il les recouvra et devint même comte de Penthièvre (1206) en vertu du legs du comte Geffroy III, son neveu à la mode de Bretagne], non contre Richard en personne mais « contre les Cottereaux, brigands atroces, déchaînés par le roi d'Angleterre (Richard) contre l'Armorique » ; et il ajoute : « La ligue des Bretons mit ces cruels ennemis en fuite, près de Carhaix ».

Voilà deux récits inconciliables. Selon le premier, les Bretons ont en face le roi Richard; selon le second, Richard n'est pas là. Le fait se passe-t-il à Saint-Gildas ? Oui, dit le premier auteur. Le second plus prudent sinon mieux informé, comme nous verrons plus loin, dit « près de Carhaix ».

Il faut choisir entre ces deux récits. Or l'auteur de l'Essai sur Carnoët, quand il cite les deux récits, n'a pas pris garde que le second contredit le premier, auquel pourtant il accorde foi entière. En preuve lisez le titre du chapitre X : « Bataille de Saint-Gildas. — Défaite de Richard, roi d'Angleterre, par les Bretons. » p. 122. C'est le récit de Jollivet ; mais ce n'est pas celui de l'abbé Kermoalquin.

Le choix du P. Jouan pour le récit de Jollivet a-t-il été déterminé par les renseignements qu'il a recueillis sur les lieux ?

Plus heureux que nous, le P. Jouan a visité Saint-Gildas. Il y a même trouvé « un brave homme » qui a fait ou reçu à propos de Saint-Gildas des observations très judicieuses. — Mais il ne s'en est pas tenu là : cet homme est la tradition vivante : il sait l'histoire des anciens temps ; il raconte une ou même plusieurs batailles de Saint-Gildas, comme s'il en avait lui-même cueilli les lauriers ; il mentionne « les sorties, les attaques, les défenses qui ont illustré Monten-San-Veltas ». Il fait « parler la poudre et tonner le canon. ».  Le P. Jouan rit de ses anachronismes ; mais il admet le fonds de son récit avec cette restriction « qu'il s'agit plutôt de la bataille des Bretons contre Richard et ses Anglais » (p. 23 note 1).

A la place du P. Jouan je me serais défié de tant de science.

Je me serais demandé si ce brave homme parlant si savamment n'aurait pas reçu les instructions de quelque visiteur peu ou point informé de nos vieux chroniqueurs.

Une fois le fonds du récit admis, l'inspection des lieux a corroboré la conviction de l'auteur : « Quand on cannait bien le terrain, il est facile de se représenter cette terrible bataille » ; et le P. Jouan la décrit : « Richard devait occuper Carhaix et ses environs jusqu'à Saint-Gildas..., où il avait dû prendre position ». Les Bretons arrivant de toutes les directions se réunirent aux landes de Landerc. Et l'auteur décrit la manoeuvre qui précipita les Anglais dans les fondrières contournant la colline depuis la fontaine de Saint-Gildas (p. 93-94).

L'auteur ajoute que, à défaut de tradition populaire, deux noms de lieux gardent le souvenir du combat. C'est d'abord le nom du village de Guersauzic ou Kersauzic qui signifie le village du petit Saxon. « Les Anglais devaient l'occuper ». C'est ensuite un champ, aux environs de l'Hébridou, nommé, dit-on, Parc-ar-Veret, le champ du cimetière, « nom que ne peut se justifier qu'en admettant que là furent inhumés les corps de ceux qui périrent dans cette sanglante bataille ».

N'attachez pas trop d'importance à cette étymologie de Kersauzic (p. 94). Un peu plus loin l'auteur en donne une toute différente [Note : P. 99. « Kersauzic semble annoncer la résidence d'un anglais quelconque qui habita ce lieu du temps des occupations anglaises »]. Quant au nom de Parc-ar-Veret, existe-t-il ? L'auteur n'a pu, dit-il, vérifier ce renseignement. J'ai vainement cherché le nom de Parc-ar-Veret aux registres cadastraux [Note : J'ai demandé à la mairie de Carnoët si l'usage donnait ce nom à quelque champ des environs. Je n'ai pas eu de réponse. La vérification dont le P. Jouan s'est dispensé était pour lui une obligation, du moment qu'il invoquait le nom de Parc-ar-Veret comme preuve d'un combat aux environs. Mais comment a-t-il pu dire que l'inhumation des morts de cette sanglante bataille peut seule justifier le nom de Pare-ar-Veret ? En combien de lieux ce nom révèle une tout autre origine ! Citons comme exemples : 1° Les champs consacrés comme suppléments aux cimetières lors des pestes qui ont désolé la Bretagne jusqu'au milieu du XVIIème siècle ; 2° Les cimetières dépendants des chapelles rurales, très communs jusqu'à 1790. Dans la seule paroisse de Plélo (commune du canton de Châtelaudren, arrondissement de Saint-Brieuc), sur six chapelles, cinq avaient un cimetière ; 3° Les cimetières des anciennes léproseries. Beaucoup de ces cimetières, en perdant leur destination primitive, ont gardé leur nom, même au cadastre].

Tout bien considéré, ne peut-on pas dire que, pour affirmer la bataille à Saint-Gildas, le P. Jouan n'a pas d'autre autorité que Jollivet ? Or celui-ci s'autorise uniquement de la phrase d'Ogée reconnue inexacte et fautive. Quelle fut l'autorité d'Ogée ?. Enigme.

J'ai cherché le mot de l'énigme dans les chroniques imprimées par les D. Lobineau et Morice, et dans nos vieux historiens. Je ne l'ai pas trouvé ; mais je n'ai pas perdu mon temps. J'ai pu me convaincre que, avant la révélation de Jollivet, personne n'avait placé le champ de bataille de 1197 à Carnoët.

Deux chroniqueurs seulement disent un mot de cette bataille, sans en marquer le lieu. Alain Bouchard la passe sous silence. Lobineau mentionne l'expédition de Richard en Bretagne ; mais non sa défaite. Morice place la défaite de Richard « auprès de Carhaix » ; tous les deux mentionnent l'expédition des Cottereaux sans rappeler un combat. Le Baud venu le premier et travaillant sur des documents que ses successeurs n'avaient pas, semble le mieux informé. Il mentionne seulement un combat « auprès de Carhaix » et contre les Cottereaux, Richard n'y étant pas. D'Argentré sur ce point copie Le Baud [Note : Le Baud, p. 204, et d'Argentré, f° 202, r° B, Ed. de 1588].

Au milieu de ces divergences, qu'il soit permis de reprendre brièvement l'étude de cet épisode de notre antique histoire.

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Le 19 août 1186, la duchesse Constance devenait veuve de Geoffroy, second fils du roi Henri II ; le 30 mars 1187, elle mettait au monde un fils, qui, malgré son aïeul le roi d'Angleterre, fut nommé Arthur. Furieux, Henri II vint en Bretagne, et, pour mieux s'assujettir la duchesse, la contraignit d'épouser un de ses favoris, le comte de Chester.

Henri II mourut le 6 juillet 1189. Son fils aîné Richard monta sur le trône : il partit bientôt pour la croisade et les Bretons chassant Chester rendirent la liberté à la duchesse. Le 13 mars 1194, Richard rentrait enfin en Angleterre. Bientôt il réclama la tutelle sinon la personne de son neveu Arthur.

Pour ôter à Richard tout prétexte de se mêler des affaires de Bretagne, la duchesse s'empressa de faire reconnaître son fils comme duc dans une assemblée d'évêques et de barons convoquée à Saint-Malo de Baignon au mois d'août 1194, ou plus probablement 1195 [Note : Il y a ici quelques difficultés chronologiques : il faut tenir compte de la différence entre le vieux style employé par Le Baud et le nouveau. Le Baud compte les années de Pâques à Pâques, donc pour lui, 1195 commença le 2 avril 1195 et finit le 20 avril 1196, 1196 commença le 21 avril 1196 et finit le 5 avril 1197, 1197 commença le 6 avril 1197 et finit le 28 mars 1198, 1198 commença le 29 mars 1198 et finit le 18 avril 1199, 1199 commença seulement le 19 avril. Le Baud assigne aux événements l'ordre suivant : Débuts de 1196 (après notre 21 avril 1196) arrestation de Constance ; et postérieurement assemblée de Saint-Malo ordonnée par elle. Mais l'historien donne aussitôt la preuve que l'assemblée a précédé l'arrestation de la duchesse. En effet il montre à l'assemblée Alain le jeune de Rohan, c'est-à-dire Alain, héritier de Rohan, fils de Alain III. Or celui-ci est mort en 1195, avant notre 21 avril 1196. C'est donc avant cette date que se tint l'assemblée. Autrement Le Baud aurait appelé Alain vicomte de Rohan, comme il fait à la page suivante, en 1196. Ecrivant d'après Le Baud, l'abbé Kermoalquin a daté l'assemblée de Saint-Malo d'août 1196. M. de la Borderie a établi l'ordre des faits que nous suivons (Hist. de Bret., t. III. p. 287). Mais un peu plus loin, je ne suis pas d'accord avec lui. Parlant le nouveau style, il montre Richard en Bretagne en 1196, c'est-à-dire entre le 21 avril 1196 et le 5 avril 1197. Je crois que Richard est venu en Bretagne au commencement de 1197. Voici mes raisons : Le Baud et autres sont d'accord que Constance a été arrêtée en 1196, et que Richard promit de la rendre à la liberté le 15 août suivant. Il ravagea la Bretagne pendant la semaine sainte suivante (1196, vieux style, 1197 nouveau style). Or la seconde invasion anglaise est d'un an plus tard, après la mort d'Alain de Dinan le sénéchal, que les chroniqueurs datent de 1198, année qui pour eux commençait le 29 mars de notre année 1198, nouveau style. D'Argentré date aussi la bataille de 1198, f° 202, r° et v°, Ed. de 1588. Voilà la chronologie que je vais suivre].

D'après d'anciens documents, Le Baud a pu nommer, outre quatre évêques, treize seigneurs rendant hommage au jeune duc ; et il ne les nomme pas tous, comme nous allons voir. Voici les noms qu'il donne : « Alain, comte de Penthièvre, Guyomar et Hervé de Léon, André de Vitré, Geffroy de Fougères, Alain de Rohan le jeune, Juhel de Mayenne, seigneur de Dinan, Guillaume de Lohéac, Geffroy de Châteaubriant, Péan de Malestroit, Amaury ou Raoul de Montfort, Alain et Philippe de Châteaugiron, Guillaume de La Guerche, et plusieurs autres ».

Cette liste ne comprend pas le nom d'un vaillant chevalier, Alain de Vitré, frère puiné d'André, mais dit Alain de Dinan, parce que adopté (avant 1173) par son oncle maternel Roland, seigneur de Dinan-Bécherel, il a hérité la seigneurie (1189).

Alain est sénéchal de Bretagne, c'est-à-dire le premier personnage du duché. Il est investi des pouvoirs militaires et judiciaires qui vont bientôt se partager entre le maréchal et le juge universel (plus tard président) de Bretagne. Il est le conseil écouté et le ferme appui de la duchesse et de son fils, en même temps que l'ennemi personnel du roi d'Angleterre dont il a reçu des affronts qu'il ne pardonne pas ; grâce à lui Arthur voit en son oncle Richard son plus dangereux ennemi (Lobineau, p. 176. 177).

Il est représenté à l'assemblée de Saint-Malo par son gendre Juhel de Mayenne, dit par anticipation seigneur de Dinan (Bécherel), dont sa femme Gervaise est présomptive héritière.

Alain, que Le Baud nomme comte de Penthièvre, est bien de Penthièvre ; mais il fut comte de Tréguier, Guingamp et Goello. Le duc Geffroy l'a dépouillé des deux premières seigneuries et réduit au Goello. Son dévoûment à la duchesse, sa nièce à la mode de Bretagne, n'en est que plus méritoire.

Guyomar et Hervé de Léon sont les dignes fils de Guyomar IV, ce patriote indomptable, deux fois révolté contre Henri II, deux fois vaincu par lui, enfin écrasé par le duc Geffroy (1179), et mort au moment de partir pour la Palestine [Note : A propos des luttes de Guyomar contre Henri II, M. de la Borderie a écrit T. III, p. 279 : « Robert du Mont Saint-Michel s'en indigne et s'écrie : Ce Guyomar ne craignait ni Dieu ni les hommes ! ». D. Morice de son côté déclare gravement que « rien ne pouvait le retenir dans le devoir » (p. 164). « Comme si, ajoute M. de la Borderie, le premier devoir n'était pas de défendre la patrie contre l'étranger ». Pour être tout à fait juste, disons que le mot reproché à Morice a été par lui emprunté à Lobineau (Hist. p. 164). Il explique son jugement : « Guyomar avait juré fidélité au roi d'Angleterre deux fois et il avait toujours violé son serment ». Ce n'est pas le patriotisme de Guyomar, c'est la violation de serments qu'incriminent le moine Robert et les bénédictins.]. Après sa mort le duc Geffroy n'a retenu de sa dépouille que la châtellenie de Morlaix — Lanmeur, et il a rendu aux deux frères le reste des domaines paternels ; mais il en a fait deux parts inégales dont la moindre gardant le titre de comté est donnée à Guyomar ; la grosse part attribuée à Hervé sera la vicomté [Note : Le comté ne comprit que les seigneuries de Lesneven et Saint-Renan, séparées l'une de l'autre par les deux qui vont suivre. — La vicomté comprit les seigneuries de Daoudour et Landerneau, plus Coetmeal distrait de Saint-Renan, plus encore tous les fiefs de Léon en Cornouaille : Daoulas, Crozon, Porzay et Quéménet entre la baie d'Audierne et la rivière de Quimper. Le comté de Léon ainsi appauvri allait, au siècle suivant, s'abîmer dans une ruine définitive entre les mains de Henri-le-prodigue, qui vendit ses dernières épaves au duc Jean-Le-Roux. (Lobineau. Hist. p. 164. — La Borderie, III. p. 280)]. Guyomar n'est pas moins dévoué à la duchesse que son frère devenu cousin-germain de celle-ci par son mariage avec Marie, fille de Alain III, vicomte de Rohan.

André, baron de Vitré, frère aîné du sénéchal Alain de Dinan, va recevoir de Constance la marque d'une intime confiance : elle lui remettra la garde de son fils.

Geffroy, baron de Fougères, est l'héritier de Raoul III de Fougères, sénéchal avant Alain de Dinan, adversaire obstiné de Henri II, qui est venu l'assiéger dans la tour de Dol (1173) [Note : On l'a dit fils de Raoul ; mais il semble qu'il était son petit fils, fils de Guillaume. Il était sans doute très jeune en 1196, puisque vers 1208, il épousa Mathilde de Porhoët, qui lui apporta cette grande seigneurie].

Alain le jeune de Rohan, est le fils et héritier d'Alain III, vicomte de Rohan et de Constance de Bretagne, tante paternelle de la duchesse. Il a pour femme, Mabille de Fougères, fille de Raoul II, tante de Geffroy qui précéde. Alain va succéder à son père qui, le premier de sa maison, sera enseveli dans l'abbaye de Bonrepos qu'il a fondée (1184) [Note : Revenant de Terre-Sainte (en 1180), Alain III avait ramené des chevaux arabes. Il les mit en liberté dans sa forêt de Quénécan, voisine de Bonrepos. Son petit-fils Olivier, troisième fils de Alain IV, devenu vicomte par la mort de ses deux frères aînés (1221), partagea les chevaux avec son frère Alain (V), qui allait lui succéder (1228). En 1226, Olivier donna sa moitié aux moines de Bonrepos (dimidietatem (sic) jumentorum indomitorum). Morice, Pr., I, 856. — On lit dans le mémoire du vicomte de Rohan contre le comte de Laval, à propos de la préséance aux Etats, 1479 (Morice, Hist. II, p. CLXV), art. XLVIII… « Ces bestes sauvages chevalines sont comme environ cinq ou six cents qui, par chacun an, font un grand revenu par leurs poulains... » — Voilà les ancêtres des chevaux de Corlay].

Voilà des preux sur lesquels la duchesse peut compter : les uns lui sont unis par le sang ou l'alliance [Note : Ainsi Alain de Penthièvre est son oncle à la mode de Bretagne, Alain de Rohan est son cousin-germain, Hervé de Léon, cousin-germain par alliance] ; la plupart sont entr'eux parents ou alliés [Note : Ainsi Amaury ou Raoul de Monfort et Guillaume de la Guerche, maris des deux soeurs, Alain de Rohan, marié à Mabille de Fougères et en même temps beau-frère d'Hervé de Léon] ; enfin plusieurs furent compromis par eux-mêmes ou leurs pères dans les prises d'armes contre Henri II [Note : Les deux Châteaugiron, fils de Giron assiégé avec Raoul de Fougères à Dol] ; et ils ont vu saisir leurs terres de Bretagne, et à plus forte raison les biens qu'ils possédaient en Angleterre [Note : « La plupart des Bretons et Normands avaient des terres et possessions en Angleterre, et les Anglais en Normandie. Les abbayes même de Bretagne, comme Saint-Sulpice, près de Rennes, avaient des revenus, prieurés et présentations de bénéfices en Angleterre ». Hévin, Questions féodales, p. 178, n° 5… La première abbesse de Saint-Sulpice (Liffré, près de Rennes) fut Marie, fille d'Etienne de Blois et petite fille de Guillaume le Conquérant, morte en 1159. — L'origine de beaucoup de ces possessions remontait a la conquête normande].

En recevant leurs serments de fidélité, Arthur, dit Le Baud, promit et jura qu'il ne ferait sans eux paix ni traité avec son oncle Richard.

Le roi d'Angleterre ainsi écarté par la sage et prévoyante duchesse n'allait pas lui pardonner.

A la fin de 1195, une trêve de quelques mois avait été conclue entre Philippe Auguste et Richard ; et celui-ci libre du côté de la France allait exercer sa vengeance en Bretagne.

Chevalier félon, Richard appelle Constance à une entrevue en Normandie. Quand elle arrive à Pontorson, il la fait arrêter prisonnière ; et la donne à garder à son odieux époux, le comte de Chester. (Commencement de 1196).

A cette nouvelle, Philippe-Auguste éclate en reproches et réclame impérieusement la liberté de Constance ; les Bretons envoient une ambassade la demander au roi ; Richard promet par serment la liberté pour le jour de l'Assomption 1196, mais à une condition : « La duchesse se gouvernera par ses conseils ». « Chose forte à passer et tyrannique » [Note : D'Argentré, f° 201, r° c, Ed. 1588.A propos de ce qui va suivre il conclut : « Il n'y avoit foy ni convention en l'Anglais ». F° 206, V° D], mais que les Bretons acceptent, et ils donnent des otages en garantie de son exécution. André de Vitré livre Anne, alors sa fille unique. Il est convenu que si la duchesse n'est pas rendue, les otages seront renvoyés en Bretagne.

Le terme du 16 août passe ; et Richard retient et la duchesse et les otages.

Mais la duchesse a prévu que Richard tentera d'enlever Arthur ; et elle en a remis la garde à André de Vitré. Celui-ci a pourvu à la sécurité du jeune duc : il l'a secrètement conduit le plus loin possible de la frontière normande, au fond du Léon ; il l'a remis aux mains du comte Guyomar et de son frère ; et ceux-ci l'ont caché derrière les épaisses murailles du château de Brest.

En traitant, Richard n'avait voulu que gagner du temps. Au début de 1197 (n.-s.), il est prêt et il fait entrer en Bretagne Robert Tournehan, sénéchal d'Anjou, avec une puissante armée d'Anglais, Normands, Angevins, Poitevins et Manceaux. Lui-même passe le Couesnon. Il cherche Arthur dans les châteaux d'André de Vitré et de son voisin Geffroy de Fougères, et ne le trouvant pas, il brûle ou rase ces châteaux. Il va ravager et saisir les domaines d'Alain de Dinan ; puis s'avançant dans le duché, il brûle et rase les places qui osent lui résister. Quelques-unes frappées de terreur ouvrent leurs portes ; entre autres Montfort dont le seigneur Raoul (IV) est si dévoué à la duchesse. Les incendies et les massacres ne s'arrêtent pas même aux jours de la semaine sainte [Note : Pâques était cette année le 6 avril. Voilà une date certaine. — V. Guillaume le Breton publié avec Rigord, moine de Saint-Denis, 2 vol. 1885. La Chronique de Guillaume est au tome Ier, la Philippide au tome II. Les détails ci-dessus sont de la Philippide, V, vers 147 et suivants, t. II, p. 130-131. Guillaume ne mentionne pas l'expédition de l'année suivante ni dans sa Chronique ni dans la Philippide].

Il ne paraît pas que les Anglais aient éprouvé une sérieuse résistance. Les Bretons ont été surpris de cette attaque si brusque, et en présence de l'envahisseur, ils sont divisés sur une question de droit ! « Quelques uns disaient que la garde d'Arthur appartenait plutôt à son oncle Richard qu'au roi de France ». Les uns tenaient pour le roi Philippe, les autres pour le roi d'Angleterre [Note : On lit à ce propos dans les Chroniques annaux (Morice. Pr. I. 105.) « Quidam quidem erant pro Arturo, quidam cum Rege Angliæ ». La chronique de Paimpont ou de Saint-Jacques de Monfort (Morice. Pr. I. 153) dit : « Quidam enim consentiebant Arturo et Regi Franciæ, quidam vero Regi Angliæ »].

Après quelques semaines, la résistance s'organise : ainsi Alain de Dinan, trouve le château de son compagnon d'armes Amaury de Montfort occupé par les Anglais : il ne peut le garder : il y met le feu, et le détruit de fond en comble ; Amaury n'en trouvera que les ruines ; mais, comme d'autres, nous le verrons, il approuve en la déplorant cette nécessité de guerre [Note : C'est sans doute de la ruine du château de Montfort que Le Baud s'autorise pour dire : « Alain de Dinan et plusieurs autres se tinrent avec le roi Richard et furent contraires à Arthur ». P. 202. — D'Argentré enchérissant, dit même : « Alain se portait lieutenant du roi (Richard) et, pour sa querelle, prit, pilla et ruina la ville de Montfort » f° 201, V° F — Voici des objections : D'Argentré rejette le furieux duel d'Aumale, parce que, dit-il, Alain était du parti de Richard (f° 202, r° A). C'est résoudre la question par la question. Le fait est attesté par Guillaume le Breton et est trop significatif. Laissons-le de côté. Si Alain est dévoué à Richard, il est traître à la duchesse. Comment ne lui a-t-elle pas enlevé ses pouvoirs de sénéchal ? D'autre part, comment Richard a-t-il attendu la mort de son lieutenant pour faire sa seconde expédition de Bretagne ? Etc., etc. La méprise de Le Baud (dont Lobineau et M. de la Borderie se sont bien gardés) est certaine. La vérité est que (toutes proportions gardées) Alain de Dinan fit à Montfort ce que Rostopchin a fait à Moscou, à supposer que, malgré ses dénégations, il ait ordonné l'incendie].

Richard Coeur de Lion a compris qu'il ne s'emparera pas d'Arthur ; à ce moment même, il est brusquement rappelé en France ; et il part en hâte.

Telle fut l'expédition de Richard à la recherche d'Arthur en 1197 : une série de massacres, d'incendies, de violences et de cruautés ; mais pas une bataille ! Les chroniqueurs témoins des maux du pays ont écrit : « Toute la Bretagne fut mise à feu et à sang, (destructa) ». Mais nous ne voyons les Anglais que dans la Haute-Bretagne ; et il y a toute apparence que Richard n'a pas pénétré dans les évêchés Bretons. Du moins est-il certain qu'il n'a pas eu de rencontre avec une armée bretonne et qu'il n'a pas quitté la Bretagne en vaincu et en fugitif.

Philippe-Auguste sauva la Bretagne. Le jour où expire la trève, il met le siège devant Aumale ; et Richard court au secours. Devant Aumale, il va rencontrer Alain de Dinan ; et tous deux se mesureront ensemble. C'est sous les murs d'Aumale que s'engagea ce combat qu'Ogée a mal à propos transporté sur le champ de bataille auprès de Carhaix.

Alain de Dinan sorti des lignes rajustait son casque. Le roi le reconnaissant courut sur lui la lance baissée : la lance se brisa sur le bouclier d'Alain. Au même moment, la lance d'Alain passant entre les cuisses de Richard frappa le derrière de la selle et si rudement que cheval et roi furent poussés à terre. Bientôt Richard abandonna le siège d'Aumale [Note : Philippide, V, vers 225 et suiv., t. II, p. 134. (.... Rex - Quadrupedes que cadunt : sed mirâ rex levitate - Surgit…)].

Quelques mois après, en 1198 (vieux style), c'est-à-dire après le 29 mars 1198, Alain de Dinan mourait. En mentionnant sa mort, le chroniqueur, un moine de Paimpont ou de Saint-Jacques de Montfort, le salue du titre de « le plus vaillant des Bretons ». Or le chroniqueur vient de dire la destruction de Montfort. Les seigneurs de Montfort sont fondateurs de l'abbaye de Saint-Jacques qui garda leurs restes, ils sont bienfaiteurs de l'abbaye de Paimpont ; et leurs chroniqueurs célèbrent la destruction du château de Montfort. Voilà des moines bien ingrats ! — Non, ils sont patriotes.

La mort d'Alain de Dinan rendait vacante la charge de sénéchal ; la duchesse prisonnière ne pouvait y pourvoir. L'occasion était favorable pour envahir la Bretagne. Richard la saisit, et revint à son projet de s'emparer d'Arthur. Mais les hostilités qui continuaient aux confins de la Normandie et de l'Ile de France ne lui permettaient pas de retourner en Bretagne.

Henri II et après lui Richard tenaient à leur solde une armée de gens sans aveu de toute classe et de tout pays réunis en armes par l'espoir du pillage. Ces pillards étaient, au XIIème siècle, nommés Brigands, Brabançons, Ruptuaires ou Cottheraulx [Note : Le Baud, p. 203, il Cite. Guillaume Le Breton qui donne aussi aux Brabançons le nom de Ruptuaires]. Au XIVème siècle, ils devinrent les Grandes compagnies, au XVème, les routiers. Leurs services étaient au plus offrant. Leurs brigandages, le pillage des lieux saints, les violences sur les gens d'église les faisaient prendre pour des païens.

La Bretagne les avait déjà vus en 1173. Raoul de Fougères ayant pris les armes, Henri II appela les Cottereaux : Raoul écrasé par leur nombre s'enferma dans la tour de Dol où les Cottereaux l'investirent et que le roi Henri vint assiéger.

Dix ans plus tard, cette armée de brigands obéissait à un chef nommé Marchadet, qui prenait le titre de prince des Cottereaux. A cette époque, Richard, alors comte de Poitiers, avait envoyé Marchadet ravager le Berry. Philippe-Auguste avec ses chevaliers les avait défaits et en avait tué sept mille et plus [Note : C'était en 1183. Le Baud, p. 203. II dit 7.000 morts, d'après Guillaume le Breton. Ducange dit 7.000 et plus]. Mais Marchadet eut bientôt reformé une autre armée aussi nombreuse, paraît-il, que la première.

Le roi Richard savait par expérience les services qu'il en pouvait attendre, à la condition de leur accorder la liberté du pillage. Retenu sur la frontière de France, il envoya « en son lieu » (C'est-à-dire à sa place. Le Baud, Hist., p. 203) en Bretagne, le sénéchal d'Anjou, qui connaissait le duché pour l'avoir parcouru l'année précédente, et le terrible Marchadet avec son armée de Cottereaux.

Il n'y avait plus de doute sur la retraite d'Arthur. Le château de Brest était l'objectif désigné. L'expédition était bien hasardeuse. Que l'armée traversant toute la Bretagne arrive devant Brest, il lui faudra faire un siège. Qu'elle emporte le château et s'empare d'Arthur, comment opérera-t-elle sa retraite, à travers toute la Bretagne accourue au secours de son duc ?

Tournehan et Marchadet se mirent en marche pillant et ravageant. Ils s'avançaient droit devant eux sans s'inquiéter, semble-t-il, de savoir si les Bretons s'armant de proche en proche ne suivaient pas leurs traces. Ils arrivèrent ainsi auprès de Carhaix, à moins de vingt lieues de Brest.

Là ils trouvèrent Alain IV, vicomte de Rohan [Note : Le même que Le Baud nomme Alain de Rohan le jeune à l'assemblée de Saint-Malo de Baignon], le vicomte du Faou, et sans doute Guyomar le comte de Léon, avec les chevaliers et les hommes de Vannes, Cornouaille, Léon et Tréguier, qui leur barraient la route. Essayèrent-ils de battre en retraite ? La voie du retour leur était fermée par les Hauts-Bretons commandés par Alain de Vitré, Geffroy de Fougères, Jean de Dol, Raoul de Montfort, Guillaume de Lohéac, Alain de Châteaugiron. Eviter le choc ne leur était pas permis. « Les Bretons assaillirent par grand force ; et il y eut dure bataille ». Bientôt, « leurs gens de cheval, » c'est-à-dire sans doute les compagnies commandées par le sénéchal d'Anjou « se déconfirent » (Le Baud, p. 204) ;  ils se retirèrent abandonnant les Cottereaux, et le massacre commença. Les Bretons auront sans doute frappé sans faire de quartier comme sur des bêtes fauves. Toutefois, est-il permis de dire que le chef de l'armée « ne dut son salut qu'à la nuit qui déroba sa fuite aux Bretons ? » (Jollivet).

On a mal à propos nommé Richard qui n'était pas là ; mais ce qu'on a dit de lui, on ne peut le dire des chefs de l'expédition. Ceux que la nuit sauva et qui furent recueillis par le sénéchal d'Anjou et Marchadet étaient en grand nombre. Le Baud dit même que « la plupart » se sauvèrent (Lebaud, p. 203), et ce que suit pourrait lui donner raison.

Marchadet avait envahi la Bretagne dans l'été. Pendant ce temps les hostilités continuaient en France entre les deux rois. Dès le mois de septembre ou d'octobre, Marchadet avait rejoint Richard avec une armée nombreuse ; et ensemble ils mirent en déroute Philippe-Auguste à Gisors [Note : « … cum infinita cotarellorum et aliorum multitudine... » Guillaume le Breton, Chronique, n° 98, t. I, p. 201. Il rapporte le fait au mois de juillet, date qu'il, a prise dans Rigord (Chronique, n° 122, t. I, p. 141), mais qui se rapporte à un autre fait. L'annotateur dit 28 septembre ; et Lingard (Histoire d'Angleterre, I, p. 391) dit 23 octobre]. Six ou sept mois plus tard, en mars 1199 (nouveau style), les Cottereaux assiégeaient Chalus avec l'armée anglaise ; Marchadet était auprès de Richard, lorsque la flèche d'un archer nommé Gordon frappa mortellement le roi (26 mars). La place prise, Richard ordonna la mort de tous ses défenseurs, à l'exception du seul Gordon. Il fit plus : mourant repentant, il donna la liberté à son meurtrier et une somme d'argent pour se retirer. Mais, de son autorité, Marchadet retint le prisonnier ; et, après la mort du roi (6 avril), il le fit écorcher vif [Note : Lingard, I. p, 334. — Dès la semaine de Pâques, 20 au 27 avril, Marchadet, sur l'ordre de Jean-sans-Terre, ravageait l'Anjou (Lobineau, Hist., p. 179)].

Telle était au milieu de l'armée anglaise l'autorité du prince des Cottereaux, quelques mois après sa défaite à Carhaix.

Il est permis de dire que les chefs Bretons ne surent pas profiter de leur victoire. Au lieu de se lancer à la poursuite des Cottereaux, il les laissèrent reprendre leur route, pillant ainsi qu'à leur premier passage, comme s'ils avaient été vainqueurs.

Tel fut le premier résultat qu'eut l'absence du sénéchal. Elle en eut un autre : la paix hâtivement faite et sans garantie suffisante avec Richard [Note : Lobineau écrit à ce propos : « Arthur qui craignait tout depuis qu'il n'avait plus Alain de Vitré, » fit la paix. (Hist., p. 177)]. Celui-ci promit la mise en liberté de la duchesse ; la restitution aux Bretons des terres saisies sur eux en Bretagne, et même en Angteterre ; enfin le renvoi des otages. Mais, en exécutant les deux premières conditions du traité, le roi félon retint les otages, et notamment Anne de Vitré (D'Argentré, f° 202, V° D).

Ainsi, quoique disent D. Lobineau et D. Morice qui le copie, l'expédition de Marchadet ne fut pas interrompue par un traité de paix, elle finit par une bataille et une grande perte d'hommes que suivit un traité.

On ne voit pas pourquoi l'un et l'autre n'ont pas suivi les deux chroniques qu'ils ont imprimées et qui sont très explicites. Je traduis mot à mot :

« MCXCVIII (1198). La duchesse Constance fut faite prisonnière par le roi Richard. De là une affreuse querelle entre Richard et Philippe roi de France ; et toute la Bretagne fut mise à feu et à sang (destructa), car quelques-uns tenaient pour le roi d'Angleterre, les autres pour le roi de France [Note : Cf. Chronicon britannicum (Les Annaux) Morice, Pr. I, col 105, et Chronique (de Paimpont ou Montfort). Morice, Pr. I, col. 153. Les deux chroniques dont l'une reproduit à peu près textuellement l'autre sont d'accord jusqu'ici. La chronique de Paimpont ou de Saint-Jacques de Montfort seule donne ce qui suit]. Alors Montfort fut détruit par Alain de Dinan et ses compagnons. En ce temps, mourut Alain de Dinan le plus vaillant des Bretons. Après sa mort, Marchadet vint en Bretagne à la tête d'une grande armée : en ces temps fut en Bretagne grande guerre et mortalité d'hommes ».

Tous ces faits, depuis l'arrestation de Constance jusqu'à la défaite des Cottereaux, sont compris sous une date unique : 1198 ; ils se rapportent en réalité aux trois années 1196, 1197, 1198.

Mais, cette observation faite, ces quelques phrases apprennent tout ce que nous savons de ces faits et rectifient les récits de Lobineau et Morice :

(1197). 1ère expédition de Richard. La Bretagne est mise à feu et à sang ; mais il n'y a pas de combat.

(1198). 2ème expédition de Marchadet. « Grande guerre et mort de beaucoup d'hommes ».

Rapprochons de ces deux chroniques la phrase d'Ogée, supposée extraite de quelque autre chronique non imprimée, et mal lue ou mal écrite.

Au lieu des sept lettres DCCCCXI formant la date 911, si on écrit les huit lettres MIXCVIII, on a 1198 date du combat livre dans ces parages aux Cottereaux.

Pour le chroniqueur breton comme pour Guillaume l'historien de Philippe-Auguste, les Cottereaux étaient des païens ; il y a donc toute apparence que c'est d'eux qu'a parlé le chroniqueur copié par Ogée.

Le Richard dont il parle ne peut être le roi d'Angleterre. Le Robert qui l'accompagne est inconnu : au contraire Guyomar, comte de Léon, et son frère Hervé, qui avaient résisté à Henri II et avaient des premiers fait hommage à Saint-Malo de Baignon vivaient en 1198 [Note : La généalogie de D. Morice (Hist. I.) fixe à 1208 la mort de Guyomar (p. XV) et celle de Hervé, son frère, seigneur de Châteauneuf et Noyon sur Andelle (p. XVI)]. Comment n'auraient-ils pas eu un rôle dans la résistance opposée à l'armée d'Angleterre, eux surtout commis à la garde d'Arthur dans le château de Brest ? Comment le comte n'aurait-il pas été chef du contingent léonais ? Quelque chroniqueur de Basse-Bretagne n'aura-t-il pas été tenté de voir dans Guyomar et Hervé les chefs de l'armée victorieuse ?

La phrase serait donc ainsi rectifiée : « En 1198, fut livrée entre les païens et Guyomar (de Léon) accompagné de Hervé (son frère) une bataille qui coûta la vie à 6.800 des premiers ».

Si la source non indiquée par Ogée était retrouvée et si la phrase était lue ainsi, deux points resteraient douteux : le chiffre des morts qui, pour les raisons dites plus haut, peut sembler exagéré et que nous n'avons aucun moyen de vérifier [Note : On peut remarquer combien ce chiffre de Ogée, 6.800, se rapproche de celui de 7.000 donné pour le nombre des Cottereaux massacrés (1183) dans le Berry par Philippe-Auguste] ; 2° le lieu du combat, à propos duquel voici une observation qui n'a pas été faite.

Les Cottereaux étaient entrés en Bretagne en venant de Normandie. Ayant à traverser tout le duché ils devaient aller au plus vite suivre la route la plus courte sans pourtant se heurter à une place forte. Ils se dirigèrent vers Carhaix.

Venus d'Avranches à Dol, ils avaient deux voies romaines à choisir : 1° celle de Corseul, 2° l'autre passant près de Dinan, Lehon, Trédias, et rejoignant au delà de Saint-Jean du Menez la grande voie centrale de Rennes à Carhaix ; le voisinage de Dinan et de Lehon devait, semble-t-il, les déterminer à prendre par Corseul.

Arrivés là, ils avaient encore à choisir entre deux voies. La première par Lamballe était plus courte, mais elle avait l'inconvénient de traverser le Penthièvre. La seconde descendant au sud rencontrait la voie de Rennes à Carhaix entre Merdrignac et Loudéac. La première voie (par Lamballe et Quintin) abordait Carhaix par la commune actuelle de Treffrin, la seconde par la commune de Moustoir.

Si c'est avant d'arriver à Carhaix que les Cottereaux se sont heurtés aux Bretons, c'est sur un de ces deux points, à huit ou dix kilomètres de Saint-Gildas.

Avaient-ils passé Carhaix ? Ce qui se peut. La voie de Carhaix à Landerneau et Brest passait au Nord-Ouest de Carhaix par la commune de Plouguer en celle de Kergloff. — Elle est en cet endroit distante de Saint-Gildas de onze ou douze kilomètres.

Ainsi, à Saint-Gildas, les Cottereaux n'auraient pas été sur la route qui les conduisait à Brest. Pour placer le champ de bataille à Saint-Gildas, il faut supposer que rencontrant les Bretons avant ou après Carhaix (il importe peu), les, Cottereaux ont essayé de les éviter en se jetant sur la droite, et qu'ils ont été poursuivis et atteints à Saint-Gildas.

L'hypothèse n'est pas impossible ; mais en l'absence d'un document ancien et même d'une tradition bien établie sur ce point, comment trouver une preuve dans la phrase citée par Ogée sans indication d'origine et avec tant d'inexactitudes ?

Conclusion :

Le plus sûr est assurément de dire, après Le Baud et à l'exemple de d'Argentré, que le combat fut livré « auprès de Carhaix ». Mais ce qui n'est pas permis, c'est de dire, en démentant les chroniqueurs et Le Baud, qui les reproduit fidèlement, que les Bretons ont eu auprès de Carhaix à combattre le roi Richard en personne, quand il n'était pas en Bretagne à cette époque.

(J. Trévédy).

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