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BOURGEOIS ET GENS DE MÉTIERS A CARHAIX (1670-1700)

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La Confrérie de Saint-Crépin. Corps de métiers et Artisans : Leur part d'honneurs et de charges dans l'église et dans la répartition de l'impôt.

Nous ne voyons pas officiellement agrégés à la fraire de Saint-Eloi les quincailliers, comme Jacques Eslier, de la rue Neuve, Estienne Davagne, maistre pimtier, ni les cloutiers passés maistres ou marchands comme René Pierre, Adrian Milon, Jean Le Scoul, Gilles Godin.

Nous comptons au moins quatre maîtres armuriers Me Louis Le Dain, Gildas Le Postec, Julien Le Conte et Yves Le Conte. Les marchands poiliers sont au nombre respectable, d'une dizaine. Ils résident près de la porte de Motreff, comme Martin Baudry et Richard Jourdren, ou à la porte de Rennes comme Julien Mauviel et Guillaume Guern. Jean Jourdren se qualifie de poilier « vendant les poilons, bassines et autres marchandises normandes ».

***

En revanche, tanneurs et cordonniers forment une frairie qui offre assez de surface et de vitalité, bien qu'elle ne nous fournisse pas autant de documents et de faits notables que la frairie de Saint-Éloi. En effet, nous n'avons pas les statuts de la confrérie à Carhaix ; nous ne possédons pour tout document que douze comptes : ils nous permettent toutefois de dresser une liste des fabriques et abbés de la frairie de Saint-Crépin (saint Cripin, Crespin et Crespinien, Crépain et Crépiniain ou Crespiguant), érigée en l'église de Plouguer.

1696-97, Nicolas Yézéquel et Nicolas Gaultier, cordonniers ; — 1698-99, Guillaume Lohou, tanneur ; — 1699-1700, Louis Pré et Gildas Jaffré ; — 1700, Charles Brionne et Louis Savin, tanneurs ; — 1701, François Dalbé, maître-cordonnier ; — 1702, Jacques Féno, maître-cordonnier ; — 1703, Pierre Jézéquel, cordonnier ; …… — 1710, Olivier Le Gros ; — 1711, René Le Floch ; — 1712, Maurice Le Floch ; — 1713, Maurice Le Goff ; — 1714, Joseph Carré; ....... — 1719-20, Laurant Coze ; 1720-21, Philippe Jouan, remplacé par Claude Kermarec en 1722. Maurice Le Goff s'intitule fabrique et abbé de la « fabrice érigée dans la chapelle du Grand-Frout, joignant la vieille église ».

De 1670 à 1700, outre ceux dont nous écrivons les noms plus haut d'après les registres paroissiaux, nous relevons, pour Carhaix, un chiffre d'une trentaine de cordonniers et de quinze tanneurs, ce qui donnerait pour la confrérie de Saint-Crépin un recrutement d'une quarantaine d'associés.

Les cordonniers vivent sur un bon pied de fraternité et acceptent volontiers le parrainage chez voisin du même métier ; mais la franche concorde scellée par cette alliance spirituelle de famille à famille, semble-t-il, n'est pas éternelle.

Le 21 mars 1670 [Note : Registres des baptêmes de Saint-Trémeur, 1670], Gilles Glezran nomme un enfant chez Alain Le Cam, autre cordonnier. Hélas ! quatre ans exactement après, le 20 mars 1674, la femme de Glezran, Michelle Lhermite, passait près du père du filleul de son mari, Alain Le Cam. Celui-ci, ombrageux, interprète à mal un sourire de l'épouse Glezran : « Pourquoi riez-vous ?.... » Echange de gros mots, bagarre et blessures, et Glezran de faire consigner avec soin, sur sa plainte à la justice « la haine que leur porte de longue main ledit Le Cam ». Il est à présumer que cette haine n'avait pas quatre ans accomplis et n'était pas plus vieille que le filleul que Glezran tint sur les fonts en mars 1670.

Les tanneurs ont leur quartier à Tronglévian et se trouvent naturellement, par suite de relations quotidiennes appelés à être parrains chez les cordonniers, leurs confrères en Saint-Crépin, à l'instar d'autre confrère de l'évesché de Léon [Note : Registres paroissiaux, 1672] comme Jean Kernaon, tanneur, intervenant pour un baptême chez Louis Duault, cordonnier.

Le fabrique et Abbé de la frairie de Saint-Crépin érigée en l'église paroissiale de Plouguer, énumère ainsi pour 1696, les ressources de l'association :

Le reliquat de ses prédecesseurs : soit 13 livres.

Offrandes, 17 liv. 10 s, — vente de planches, 6 sols, — des maistres de la frérie, 15 liv. 1 s — pour l'octave de Claude Guillou, 30 sols, — de la veuve de Claude Guillou, 30 sols, — pour les droits de la frérie, 3 liv. 13 s, — pour le testament de Jean Jaffray, 15 sols. Il consigne un autre détail concernant les enterrements où l'on envoie la torche, en ville : 1 liv . 2 s. 6 deniers, et pour avoir envoyé la torche à l'enterrement du défunt curé : 15 sols.

En 1698, les oblations « dans les foires et marchés, de ceux du dehors, se montent à 10 liv. 9 s. ».

En 1701, le comptable accuse une recette de 23 livres pour offrandes plus « d'une partye des confrères de la confrérie 7 liv 10 s, pour raisons de queste faite parmi eux ». — En 1702, l'abbé a reçu des confréries la somme de 25 liv. 15 s., et pour la torche, 1 liv. 2 s. 6 d.

Les offrandes ont été de 8 liv. 12 s.

Le compte de 1712, précise mieux le détail de la charge : « des maitres taneurs et cordonniers dit avoir reçu la somme de 6 liv. 10 s. ».

Des marchands tanneurs tant pour leur livre de cire que pour leur frérie : scavoir à la foire de la Toussaincts : 8 liv. 5 s., plus pour trois livres de cire, receu de trois particuliers 3 liv. 15 s.

A la foire de la My Caresme, aussy de marchands tanneurs, receu 6 l. 5 s.

En 1719, le comptable se charge de la somme de 40 livres, reliquat de son prédécesseur.

17 liv. 16 s. de différants particulliers pour leur frérie.

11 liv. 9 s. pour la quette de différants particuniers.

3 liv. 5 s. pour la torche et la croix.

Produit du tronc, 31 liv. 13 s. 9 d.

« Trouvé dans le tronc de la plasse au Cherbon, 1 liv. 2 s. Plus resu pour logmentation de l'argent, 6 livres ».

D'après ces comptes, nous voyons donc qu'il y avait au profit de saint Crepin un tronc sur la place au Charbon, et que les deux foires de la Mi-Carême et de la Toussaint étaient une occasion de profit pour alimenter la confrérie, et que l'on célébrait deux services funèbres par an et une messe tous les lundis.

En 1696, le compte lu et publié au prône de la grand'-messe de Plouguer, le 21 avril 1697, signé Le Drogo, prêtre, v. p. de Carhaix, enregistre 15 livres paye au chapelain.

3 liv. 10 s. pour l'allumage ; 5 sols pour le pied d'un chandellier ; 6 livres pour les deux services.

« Pour avoir donné à disner aux prêtres le jour de Saint-Crépin, 3 livres ».

10 livres pour avoir fait peindre saint Crépin.

12 livres pour avoir fait accommoder la presse [Note : Ou armoire] de saint Crépin.

1698. — En pain à champ, 10 sols.

Au sonneur de cloches, 10 sols.

1700. — 18 livres données au sieur curé de la paroisse pour avoir desservi la masse de ladite frérie tous les lundys de l'année.

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Si nous nous en référons aux registres paroissiaux de Carhaix et Plouguer pour faire un relevé des principaux corps de métiers, nous trouvons au fameux « Chapitre des chapeaux » attribué à Aristote, deux Pourcelet : Morice Pourcelet, chappelier de la ruë des Augustins, et Jean Pourcelet ; François Le Dain, Jean Le Tourin et Jean Jégou, tous maîtres en cette profession.

La section de l'habillement se trouve représentée par une légion de cousturiers et de maîtres tailleurs ; de ces derniers, citons les plus notables : Jean Costic, Yves Caro, Ollivier Perceval, Germain Floc’h, Guillaume Le Meur, marchand tailleur, Guillaume Le Ny, René Le Goff, Jean Le Roux, Claude Le Teste ; à la porte de Motreff, un Jégou ; à la rue Neuve, Jean Mazé et Yves Rivoal.

Au « bâtiment », nous trouvons comme menuisiers et charpentiers, Mes Jacques Lamoureux, Jean Le Guen, Charles François, Martin Rivoal, Alain Rivoal, et Michel Le Madicq, — alias Michel Madec.

Les couvreurs d'ardoises sont Mes Henry Jaffray, Henry Herviou, Guillaume Hervo, Jean Le Seach et Hervé Fraval.

Les notables marchands et reconnus tels sont : Mes Jacques Marion, Jacques Addès, Nouel Beauregard, Joseph Thépault, Jacques Eslier, Guillaume Foucher, Yves Le Cocq, Olivier Maheu (alias Mahé) Claude Du Val, Joseph Chevet, et « honorable marchand Thomas d'Hépault, fabricque de lad. église de Saint-Trémeur (31 janvier 1672), et honorable marchand Guillaume Le Moing, fabrique du Rozaire » (1691) [Note : Reg. paroissiaux de Saint-Trémeur].

Nous ne pouvons passer sous silence un corps de métier considérable en lui-même parce qu'on le trouve à la ligne de démarcation établie entre l'artisan et l'artiste, entre le manœuvre plus ou moins avisé et celui qui, d'intuition, conçoit ce qui est beau et noble.

Les peintres et sculpteurs qui ont travaillé dans la région de Carhaix, dans ses églises et oratoires, de 1670 à 1700, étaient maîtres Charles Henry, Laurent L'Olivier, Pierre Le Guern, Thomas du Pays, Anthoine Lagarde, Michel Quérin, Charles et René Le Pouliquart, tous peintres et sculpteurs : chose frappante, nous ne trouvons qu'un seul menuisier qui fut en même temps sculpteur : Sébastien Morice.

Ces artistes du crû et du terroir arrivaient à une époque où notre art religieux était frappé des premières atteintes d'une décadence qui devait s'accentuer rapidement.

A la fin du XVIIème siècle, commence à dominer le mauvais goût qui fera badigeonner sottement nos sanctuaires, aveugler ou éborgner les fenêtres, draper et orner à foison et sans compter nos autels de festons et d'astragales...

Hélas ! le règne de Louis XIII avait été fécond en constructions d'un sens catholique et il semble en revanche que l'époque de la Déclaration du Clergé, de 1682 soit le point de départ d'une influence nouvelle et funeste à l'art religieux, du moins en Basse-Bretagne.

Un nombre indéfini de petits métiers représentaient l'industrie linière et chanvrière dans les différents quartiers du pays. Ces modestes artisans qui faisaient souche d'autres modestes artisans semblaient avoir élu domicile à Plouguer, à la Magdelaine, au Petit-Carhaix.

Les registres paroissiaux de Saint-Trémeur nous fournissent le nom de quelques uns des principaux de cette « vocation » : Yves Le Lay, Jean Cuchuen dict Yan Vras, de la Magdelaine ; Augustin Le Borgne, de Plouguer, Bernard Le Roux, Jean Aubry, Mathieu Le Guyader (un nom prédestiné) [Note : On sait qu'en breton Guyader signifie tisserand], Jean Rebours, et Ollivier Laurans, qualifié du titre de Maistre tessier, etc. Nous trouvons notables marchands de toile comme Marguerite Troher (ou Troc’her), — de famille cossue et fort bien dans ses affaires et qui donna un chanoine à la collégiale, devenu plus tard recteur de Plovan ; Alain Le Brognec, Yves Fraval, Morice Le Louarn....

Travaillant sur le vieux, il y avait bien encore d'autres personnages industrieux, comme Jean Le Roux pillotier (pillaouer) (1671) et Jean Badin, le peletier (1670) qui spéculait sur les peaux de lapins, de renards et des fauves de la région.

Une plainte adressée aux juges de Carhaix, 27 avril 1675, par dame Geneviève Morin épouse de Pierre Viller Sr de Kergidigen, maître particulier des bois et forêts de Cornouaille, nous informe des conditions ordinaires admises entre le tisserand et son client, et les prix courants d'exécution d'une bonne pièce de toile.

La digne dame, au commencement du carême, fournit du fil par lui ourdi à « l'appelé Morvan, tissier du pays de Léon, reffugié à Trouglévian, » pour lui tisser deux pièces de toile de lin, l'une de « cinquante et deux aulnes à demi aulne de laise, et l'autre de douze aulnes à une aulne de laisse », à raison de 3 sols et demi pour la façon de celle à petite laise et unze solz six deniers pour celle à grande laise. Le fil fourni en grande quantité finit par manquer. Morvan le gaspille et fait traîner son travail. La dame, fatiguée d'attendre, réclame ce qui a été tissé. Morvan se fache, blasphême, veut frapper la dame « d'un gros os dont il se sert ordinairement pour polir la toile », puis prend un bâton, lorsque la dame de Kerguidigen put sortir et prendre la fuite. Elle avait déjà envoyé pour faire cette réclamation « dom Jean Martin », prêtre, et Jean Leguyader, marchand, rue du Pavé, qui entendirent le tisserand réclamer douze sols pour la grande pièce et quatre pour la petite, et jurant « qu'il lauroit plus tôt coupper avec une hasche en mille morceaux que de la donner sans argent ». A Gilles Le Louarn, cordonnier, demeurant à Troglouvian, rue Couvé, il fait observer que la dame avait fait arrêter son métier depuis deux ou trois jours, faute d'avoir fourni du fil.

Dans sa plainte, dame Geneviève Morin insiste d'autant plus qu'il y a à tenir compte de « l'insolvabilité dudit Morvan et qu'il menace de se retirer en son païs et emporter les dictes toilles en fraude de la suppliante ».

Dom Jean Martin nous fournit le nom de cet artisan de complexion irascible « l'appelé Morvan est en réalité Morice Larheur ». Il est à croire que les autres tisserands de Carhaix réalisaient les conditions de leur marché d'une façon plus
pacifique.

Si cet incident arriva, près des esprits mal faits, à compromettre le bon renom des Léonards, il s'en fallait que ce bon renom ne fut à l'occasion maintenu et prôné par des témoignages fort estimables, comme le montre l'épisode ci-des-sous exposé.

Un laboureur, François Philippe, demeurant au manoir de Kermerc'hidy, en la paroisse de Cléder, au diocèse de Léon, a été victime du vol d'une jument de cinq ans, « poil baye noir ayant une longue marque au front », lui appartenant et saisie par les larrons pendant qu'elle pâturait à quelques pas de son logis. La bête chevaline et ses ravisseurs ont pris la route de Carhaix, où Philippe vient leur donner la chasse afin de reprendre son bien. Nous ne savons l’issue de ses démarches, mais lui et ses compagnons étaient munis de fort bons témoignages :

1° ils possédaient une attestation du « procureur fiscal et d'office de la juridiction des baronyes de Kerouzéré et de Tronjoly exercée au bourg de Plouescat et s'extendent aux paroisses dudit Plouescat, Cléder, Sibiril et plusieurs autres » ;

2° Le certificat suivant : « En qualité de recteur de la paroisse de Cléder, en Léon, j'atteste que François Philippe est habitan de ma paroisse et honneste homme, auquel on a volé une jument pour prouver laquelle il a prié Mathieu Le Ru, Louys Nédélec et Jean Le Ber, toutz habitantz de ladite paroisse et personnes irréprochables, en tesmoin de quoy.

Je signe ce douxiesme juin mil six cents scoissante quatre. P. de Kersainctgily, vicaire général et recteur de Cléder ».

3° Ils étaient chargés de plus de remettre à « Monsieur du Boas en sa maison de Carahay », la lettre suivante : « Monsieur, je suis bien aise de trouver cest oquasionpour meinformer de vos nouvelles et vous prier en mesme temps d'une grace qui est de vouloir bien aider le porteur de cette lettre, le nommé Le Philip, qui est natif de cette paroisse de Cléder, qui a suivi une beste chevalinne que lon luy a vollé. M. le procureur du Roy la faict arrester, il porte avec luy un sertificat de M. le recteur de Cléder pour assurer qu'il est honnette homme et nous nan envons pas d'autre en Léon. Je vous prie de protéger ce pauvre homme. A la parille si je trouve locasion de vous randre quelque service, non pas à la parille, car on Ira pas de ce pais voler des chevaux en vostre pais : nous some honnette jans Pardon des painnes que je vous cause et vous pris de me croare que ce vous suis, de tout mon cœur, Monsieur, votre très humble et très obéissant serviteur. De Saint-Gilles Kersainct Gily. A Kergournadech, le 12e juin 1694 ».

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S'il était difficile d'aspirer à la charge de marguillier de Saint-Trémeur [Note : Nous ne citons que, pour mémoire l'importante Confrérie du Rosaire, instituée en 1627], honneur réservé surtout à MM. les officiers de justice ou autres robins, il était une fonction accessible à l'homme du commun, à l'artisan et au petit marchand. En dehors des confréries corporatives de Saint- Eloi et de Saint-Crépin, on pouvait devenir marguillier de La Magdeleine, ou bien de la chapelle de Saint-Thomas.

La Magdeleine n'est plus qu'un souvenir, un nom et un emplacement marqué par quelques restes de murs. Les rares comptes que nous possédons de cette chapelle nous fournissent les noms de quelques marguilliers.

1698-99, Charles Henry. — 1700-1703, René Le Poulicart, remplacé par Yves. Lohou. — Puis les comptes manquent jusqu'en 1713 ; René Le Bihan, remplacé par son beau-frère, Paul Chuchuen, maintenu encore en 1720.

Ces deux derniers étaient tisserands, et probablement leurs prédécesseurs étaient de la même profession.

La chapelle de La Magdeleine avait comme ressource principale et assurée « la ferme de la petite prée de Lamagdeleine joignant d'un costé la rivière de La Magdeleine ».

En 1698, cette prairie valait 9 livres de revenu annuel, puis elle fut affermée aux Révérands Pères Carmes Deschaux, de la ville de Carhaix, moyennant la somme de 10 livres 10 sols, puis en 1713, de 11 livres, de rente foncière.

Ce sanctuaire avait de plus comme occasion de rapport : le petit pardon de Saint-Germain, en mai, le pardon du même saint, en juillet, et le grand pardon de La Magdeleine. Le produit des offrandes des pardons et des troncs semble donner une moyenne annuelle de 10 l. 10 ou 5 s. La procession du Saint-Sacrement s'y rendait, le jour du Sacre, et les offrandes des fidèles ce jour s'élèvent à une somme quelconque variant de 8 à 20 sols. Le marguillier enregistrait d'autres modiques recettes 1720 — « Reçu de Magdeleine Derien 30 sols donnés par Nicolas Dérien, par testament » ;

« Receu pour vente des Emondures des arbres du cimetière la somme de trente sept livres ».

Pour cette opération, c'est-à-dire « pour couper et émonder les arbres », le comptable avait dû débourser 3 livres.

Les dépenses ordinaires qu'il avait à payer comprennent le tiers du vicaire perpétuel, les décimes et la capitation montant à environ 2 livres 10 sols, plus une consommation de cierges et bougies de 2 livres, et 3 ou 4 sols de blanchissage.

Le marguillier a toutefois des dépenses plus notables à enregistrer.

En 1698, « pour avoir doré les deux chandeliers quy sont sur le balustre et la carrée au-dessus de l'autel : 8 livres. Pour la journée de deux couvreurs et des lattes : 18 sols. Pour la figure de saint Anthoine de Pade. (sic) : 15 livres ».

En 1700, « payé pour un millier d'ardoises pour couvrir l'esglise, 30 sols. Pour le charoy, 25 sols. Au couvreur, 4 livres. Pour des clous, 25 sols ».

En 1713, « pour faire faire une barière sur le cimetière, 2 liv. 9 s. ».

En 1717, autres soucis pris de la couverture de la chapelle, 4 livres pour ardoises et 7 liv. 4 s. aux couvreurs, et 1. liv. 12 s. aux darbareurs et 4 liv. 7 s. de clous.

En 1718, la toiture exige encore de nouveaux soins : « 3 milliers d'ardoises 6 livres, chevrons et lattes 6 livres ».

On retrouvera avec plaisir le prix des journées d'ouvriers exactement spécifié :
« Donné aux couvreurs pour 44 journées, à raison de douze sols par jour, 26 liv. 12 s. Pour une journée de charpentier, 12 sols ».

En 1720, le comptable eut à se préoccuper de dépenses plus artistiques et demande « décharge de la somme de vingt et quatre livres donné au sieur Laporte pour les peintures qu'il a fait en ladicte chapelle ».

Les marguilliers de Saint-Thomas, au petit Carhaix, paroisse de Plouguer, avaient une comptabilité moins compliqué. Nous possédons cinq comptes concernant cette chapelle et, sur les cinq comptables, nous trouvons Jean Le Berre et Guillaume Lohou, marchands tanneurs, nous ignorons la profession des autres.

En 1697, les comptes des quatre dernières années se montent en bloc à 42 livres. Le vicaire perpétuel semble faire parfois remise de son tiers. Dans les testaments, on n'oublie pas la petite chapelle :

1697. — Marie Didel lui laisse 2 liv. 5 s., et Jean Jaffray 15 sols ; en 1700, Marguerite Gautier, 30 sols.

De ce côté, il y avait d'autres ressources, à en juger par la décharge demandée par le marguillier de 1697 d'une somme de 6 livres « payée pour frais d'un testament ».

D'autre part, celui de 1700, se charge des ornements, du calice d'argent et du reliquat touché d'Yves Quéméneur, soit : 63 livres.

La messe était célébrée dans la chapelle trois fois l’an : « le jour du pardon, le dimanche dans l'octave du sacre et le jour de Saint-Thomas ».

Les offrandes, le jour du pardon, peuvent s'élever à 8 liv., comme en 1702, où un mouton offert au saint, fut vendu 2 liv. 7 s. 6 d.

Les comptables paraissent s'être préoccupés du soin de la propreté avec un scrupule digne des ménagères de Hollande.

Dépense de « 2 liv. 5 s. en chaux pour blanchir l'Eglise ».

Dépense de « 6 sols en savon pour blanchir et en vin pour la messe ».

1718. — « Blanchissage pour l'année 9 liv. 6 d. ».

En 1711, outre les articles portés ci-dessus, on voit « au sieur vicaire pour droit de tiers fixé de temps immémorial, suivant sa quittance, 6 livres ».

« Aux jeunes gents qui ont portés les torches et la croix le jour du sacre suivant la coustanze o donné un pot de scidre et pour ce huict sols. ».

1713. — Le comptable demande « décharge de la somme de 13 livres 10 sols pour dorer le calice à Morlaix ».

1718. — « Pour des fleurs, 6 livres ». « A Jean Thomas pour une trille de fer pour maistre la bougie, 5 sols ».

1720. — « A Monsieur Raoul, chapelain de ladite frairie, pour une année de servir la messe la somme de 24 livres ». « Plus payé pour les deux services à Monsieur le vicquaire et à Messieurs les prestres la somme de 30 livres 16 sols.

***

Passe encore d'être marguillier si l'on aime les distinctions honoriques ou si on a profondément ancrée dans le cœur la noble volonté de se dévouer au bien public. Passe encore, quoique la responsabilité du fabrique soit grande et se fasse sentir lourde et inspirative, lorsque les débiteurs étaient mauvais payeurs et que le malheureux comptable devait faire les avances ou risquer sa tranquillité dans un tas de procès.

C'est autre paire de manches que d'être égailleur ou asséeur et collecteur, servitude encore plus pénible que le service dans l'ancienne garde nationale.

La monarchie pour répartir l'impôt entre les contribuables avait dû faire appel à ces derniers. Par l'ordonnance du 21 novembre 1379, Charles V fit élire les asséeurs et les collecteurs des aides par « les habitants mêmes des villes et paroisses ou par la plus saine et greigeure partie, tel et tant comme bon leur semblera, en leur périlz ».

Albert Babean (Le village sous l'ancien régime, p. 240 et suiv.) nous renvoie à l'ouvrage de Boisguilbert : (Le détail de la France sous le règne de Louis XIV) pour nous rendre compte de la partialité, de la vénalité, de l'incapacité que montraient souvent ces collecteurs et asséeurs. Boisguilbert les montre déchargeant les parents et fermiers des seigneurs, se laissant corrompre par les riches, se réunissant au cabaret, pendant trois mois, sans rien terminer et soulevant des haines et des récriminations.

Lorsque le rôle, ou mandement était achevé et vérifié, il était publié un dimanche à l'issue de la grand'messe, afin que nul n'en ignorât le contenu : publicité nécessaire pour empêcher les injustices trop graves qui auraient pu résulter de taxes fixées sur l'apparence plutôt que d'après la réalité. L'égail était la répartition de la somme portée au mandement sur chaque contribuable, à proportion des terres roturières qu'il possède dans une paroisse : c'est cette proportion qui doit être la mesure de chaque imposition.

La répartition de la taille nécessitait quatre opérations successives :

1° Le brevet, arrêté au conseil du Roi fixe le montant de l'impôt à percevoir dans chaque généralité ;

2° Les commissions distribuent cet impôt par élection, suivant la force contributive de chacun ;

3° Les Mandements indiquent à quel chiffre il s'élève par chaque paroisse ;

4° Enfin, les rôles déterminent ce que doit payer chaque contribuable. Les asséeurs et collecteurs chargés de la confection des rôles sont choisis et nommés par la communauté.

C'est le système de l'impôt renouvelé de l'empire romain, et on doit se rappeler que les curiales ou décurions, c'est-à-dire les membres du conseil de la cité étaient forcés de fournir de leur fortune et deniers propres ce qui manquait à la réalisation de l'impôt. Le résultat de ces mesures fut qu'on ne trouvait plus de curiales, à moins qu'ils n'y fussent condamnés par une sentence impitoyable.

A ce sujet, ce n'est pas Me Guillaume Le Ménez, sieur de Kerdelleau, syndic de la ville de Carhaix, qui eut affirmé que sa situation de magistrat municipal était dépourvue de désagréments.

Comme il le remontre à l'assemblée du 14 mars 1690 [Note : Registre des délibérations de la Communauté de Carhaix], le 8 précédent, il voyait arriver chez lui Me Alain Horellou, huissier à Quimper, pour le contraindre, en tant que syndic au paiement de la somme de 95 liv. 16 s. 9 d. pour la levée extraordinaire des fouages du mois de janvier dernier. Le syndic dût le supplier de suspendre la contrainte et se résigner à lui payer ses vacations.

Son fils François Trémeur, son successeur à la charge de miseur de la communauté de Carhaix, six ans plus tard, devait en faire la dure expérience ; et au souvenir d'autres séditions, demander avec supplication aide et assistance « contre une cédition popullaire », comme on le voit par sa plainte du 11 septembre 1696. — François-Trémeur Le Ménez, sieur de Kerdelleau, conseiller du Roy, miseur de la communauté de Carhaix, demande au siège d'informer sur le sujet de sa plainte. Il dit « qu'il fait la recepte de la taxe de la capitation de cette ville, et comme le nommé Guillaume Jourdren, cabaretier, ne voulloit pas payer trois livres pour le second terme de sa capitation avecq les cinq deniers pour livre, ledit Jourdren se serait randu chez luy esmeu de collère jurant excécrablement le sainct nom de Dieu, l'auroit menacé de casser sa teste ayant une grosse pierre en main, et qu'à la première rencontre il aurait sa vie, et qu'il auroit aussi menassé la damoiselle de Kerdelleau sa mère de luy casser les dentz. Ce qui fait quil a lieu de porter sa plainte y ayant beaucoup à craindre que sy on tollerent ces sortes d'insultes que cela viendroit à une céditton popullaire mare le supliant qui ne fait que suivre les ordres de Sa Maiesté ».

Si tel ne voulait pas être le bouc émissaire sacrifié aux nécessités des levées des deniers royaux, quelles ne devaient pas être les répugnances d'un simple artisan chargé, par ordre, de taxer l'artisan, son voisin ?

L'ordonnance du 21 novembre 1379 disait fort bien que les asséeurs et collecteurs avaient été élus « en leur périlz » ; ces élus de la communauté en savaient quelque chose et on comprend leur répugnance à accepter cette corvée qui, s'ils étaient droits et loyaux, pouvait donner occasion de soupçonner leur droiture et loyauté dans la répartition qu'ils avaient à faire de la levée des deniers, c'était encore plus vrai dans une petite ville où les rancunes et les rivalités ont une acuité plus grande que partout ailleurs.

Jean Laouénan, de Carhaix, en 1674, aurait abondé dans ce sens. En effet, cet « honorable homme » venait d'être proclamé, en compagnie de Gildas Bocher et Pierre Raoul, asséeur des Taillées pour le terme de janvier 1675. Ils avaient dressé leur liste pour être lue comme d'ordinaire, à l'issue de la grand'messe « en l'église cathédrale de M. Sainct-Trémeur ». Laouénan vient pour se resaisir de cette pièce afin de l'envoyer au sieur de Kerdelleau, syndic, lorsqu'il se voit suivi jusqu'à la porte de sa maison, rue au Fil, par Jean.et Richard Jourdren, père et fils, et Catherine Thépaut, femme de Jean Petit ; ceux-ci le traitent « en plein pavé » de voleur, coquin, larron « Ta as eu du vin d'Espaigne pour un cheval qui a esté dérobé.... Et sy tu sors mes huîct nous te traicterons sy bien à coups de pierres et autrement que tu auras bonne souvenance que si tu Mets jamais Taillée comme celle que tu as mis tu te souviendras ! ». La scène se continue dans un langage poissard et avec des imprécations que le latin lui-même aurait peine à reproduire.

Dans les informations d'offices, 24 décembre 1674, le bailli messire Jan Hervé recueille ces propos d'une manière plus précise. Jean Jourdren explique sa mauvaise humeur, en disant, au rapport de Jacques Biron, menuisier : « Tu es un volleur de mavoir mis quarante et huict sols dans la taillée avecq mon, fils ». Les autres témoins déposent dans le même sens : « lesdicts Jourdren, Thépaut et fille faisoient cette querelle parce que ils disoient ils avoient esté trop taxés... ».

Da reste, il y a certaines époques plus difficiles que d'autres ou ceux qui s'occupent de la chose publique ressentent les secousses d'une fermentation populaire, d'un mécontentement qui révèle un travail mystérieux de l'opinion. La corvée devient plus insupportable, les charges se font sentir plus onéreuses, ce qui fait qu'un beau jour, en attendant des manifestations générales comme la révolte du papier timbré, on voit des incidents particuliers comme celui que signale Jean Donval, facteur du messager de la ville de Rennes à Carhaix et autres villes de ta province. (Plainte du 27 juin 1673). La veille, se rendant de Carhaix à Rostrenen, « le nommé Jean Guéguen, assisté de nombre d'autres personnes travaillant à réparer le chemin par desça une lieu de Rostrenen, l'aurait attaqué, battu, à coups de tranches et palles de fer disant ces mots : Comment b....., tu es la cause que nous sommes obligés de réparer les chemins, pourquoy il faut que tu en goustes et nous te baillions centz coups ! ».

Les documents de la Cour de Carhaix (Arch. du Finistère) révèlent un état d'esprit révolutionnaire, une poussée de révolte qu'enregistrent des dossiers de « rébellion », au jour le jour : une répression intelligente, vigilante, pouvait seule empêcher la Révolution qui existait dans les esprits de se traduire dans les faits.

M. J. Lemoine l'a fort bien montré dans son beau travail sur la Révolte du papier timbré.

Sources consultées : 1° Registres paroissiaux de Saint-Trémeur et de Plouguer ; — 2° Délibérations de la communauté de ville (du 1er juillet 1687 au 30 mai 1694, composées de 81 rollets), et archives de la Fabrique. — 3°. Série B (non classée), Cour royale de Carhaix. Archives départementales.

(Abbé Antoine Favé).

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