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PRISE DE CARHAIX EN 1590

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Les archives départementales du Finistère se sont enrichies d'un certain nombre de documents concernant la ville de Carhaix, le papegaut, l'entretien de l'horloge et des fontaines municipales, le payement des gages du maitre d'école, la nomination des députés aux Etats, etc. (XVIIème - XVIIIème siècles). Parmi ces titres se trouvait la pièce que nous publions et qui semble être sortie — probablement à l'époque de la Révolution — du chartrier des représentants de la famille Olymant de Kernegues.

En 1737, Charles-Joseph Olymant, maître des eaux et forêts de Bretagne, époux de Renée-Catherine des Cognets, voulut faire admettre son fils Toussaint parmi les pages du Roi ; mais il se trouva fort embarassé quand il fallut produire des titres justificatifs de sa noblesse antérieurs à la fin du XVIIème siècle [Note : Olymant, sieur de la Ville Jaffrez — de Kernegues, Kernor, Kerourio, par. de Plouguer — Carhaix — Kerdudal — Botivez, par. du Faouet — Goullo, par. de Plouray — Kerdaniel. Maintenu au conseil de 1717, ressort de Carhaix. D'argent à 2 fasces de gueules au chef de sable qui est Kernegues. Guillaume, greffier de Carhaix, marié en 1577 à Catherine dame de Kernegues. Charles Joseph, maître des eaux et forêts de Bretagne confirmé ou anobli en 1698 et Renée-Catherine des Cognets dont Toussaint, page du Roi en 1737. La Branche de Goullo, fondue en 1613 dans Hervé René, sieur de Launay, débouté à l'intendance en 1701 (Potier de Courcy. Nob. de Bretagne, 3ème édition). Des lettres patentes de janvier 1676 autorisèrent cette famille à abandonner son nom Olymant pour prendre celui de Kernegues. (Archives du Finistère. E. 664, 38)]. A cette époque en effet les Olymant tenaient un rang relativement considérable à Carhaix, mais n'étaient pas considérés comme nobles. Dans les nombreux actes concernant Guillaume Olymant, greffier de Carhaix, René Olymant, bailli des juridictions de Landeleau et de Châteauneuf, Yves Olymant, recteur de Plouguer, on ne trouve nulle part leur nom accompagné du titre d'écuyer ni même de la banale qualification de noble homme. On ne pouvait l'avouer à d'Hozier ; au contraire on voulut lui faire croire que les anciens parchemins de la famille avaient disparu dans l'incendie de Carhaix en 1590. Dans ce but deux notaires royaux copièrent des passages bien choisis d'un vieux manuscrit conservé au couvent des Augustins de Carhaix qui relatait les malheurs supportés par les habitants de cette malheureuse ville pendant les guerres de religion. Ces extraits faits dans un but intéressé ne sont malheureusement ni très considérables, ni peut-être très fidèles. Les notaires durent faire subire certaines modifications au texte qu'ils copiaient ; nulle part ils ne mentionnèrent la qualité de Guillaume Olymant qui était « greffier de la ville » [Note : Le chanoine Moreau. Histoire de ce qui s'est passé en Bretagne. Ed. Le Bastard de Mesmeur, p. 85]. Cette situation modeste cadrait mal avec les prétentions de ses descendants. Ce premier travail demeura probablement dans les papiers de la famille ; une nouvelle transcription fut faite, d'une façon tout à fait fantaisiste et envoyée à Paris ; elle est aujourd'hui conservée dans l'ancien cabinet des titres à la Bibliothèque nationale [Note : L'existence de cette copie nous a été révélée par la mention qu'en a faite Mme la comtesse du Laz dans son très intéressant travail sur Carhaix, ses monastères et ses châteaux (Revue de Bretagne et Vendée, 1898)]. On nous montre G. Olymant bataillant sur la brèche et coupant la main droite de Liscouet, l'un des chefs des assaillants [Note : Le chanoine Moreau attribue ce fait d'arme au prêtre Linlouet. Il ne semble pas que Guillaume Olymant ait pris une part active aux combats de Carhaix], on ajoute que « ne voulant point se rendre il fut fait prisonnier » (?) ; son parent René Olymant à la tête de 400 cavaliers combat jusqu'à la nuit [Note : D'Hozier se laisse sans doute convaincre puisque le jeune Olymant fut admis en 1737 au nombre des pages (Potier de Courcy, op. cit.)]. Ce n'est pas en ce qui concerne la famille Olyrnant que le manuscrit de Quimper et encore moins le manuscrit de Paris méritent grande confiance, mais ils permettent d'ajouter de précieux détails au récit cependant si détaillé de la prise de Carhaix, que nous a laissé le chanoine Moreau.

Le manuscrit sur lequel furent faites ces copies est probablement perdu. En 1737, il était déjà dans le plus pitoyable état « la couverture usée mangée de vers, mites, usée, rompue.... les premières pages usées de vieillesse, rongées et effacées par la poussière.... ». On ne pouvait lire le contenu des douze premiers feuillets. Ensuite commençait une sorte de chronique de Carhaix ; au folio 23 on trouvait la transcription de l'enquête faite en mai 1591 par Maurice Bahezre, conseiller du Roi et son lieutenant juge ordinaire en la juridiction de Carhaix, en vertu d'une commission du Conseil d'Etat et des finances établi à Nantes ; le récit des faits concernant l'histoire de Carhaix reprenait au folio 53 par la mention des fêtes célébrées en cette ville, le 12 octobre 1895, à l'occasion de l'absolution donnée par le pape à Henri IV. Ce manuscrit ne semble avoir été consulté par aucun historien à moins qu'on ne doive le reconnaître dans ce mémoire manuscrit cité par D. Taillandier [Note : Histoire de Bretagne. Tome II, page 398] comme l'une des sources de son récit de la prise de Carhaix.

Dés l'annéé 1588 les habitants de Carhaix, tous bons catholiques et engagés dans l'Union, avaient dû prendre quelques mesures pour préserver leur ville contre les attaques des garnisons protestantes ou royalistes des châteaux voisins ; Toussaint de Beaumanoir, baron du Pont et de Rostrenen, était un voisin particulièrement dangereux [Note : Toussaint de Beaurnanoir ne fut pas l'instigateur de la surprise de Carhaix du 5 septembre 1590 ; il était mort à Rennes le 17 mars précédent et ses derniers jours avaient été consacrés au siège d'Ancenis (Comtesse du Laz, La Baronnie de Rostrenen. Vannes, 1892)].

Les Carhaisiens « firent à grand frais faire quelques clôtures en la dite ville et prirent les armes et appellèrent à leur service des gens de guerre qu'ils soudoièrent à leurs frais et dépens » [Note : Ces précautions n'étaient pas inutiles. « Il se faisoit toujours quelques charges sur les paysans de Basse-Bretagne qui estoient en grand nombre en armes et le sieur du Liscoet en deffit plusieurs comme aussi les sieurs Kergomar, Bastenay, La Tremblaye et Sarrouette ; la guerre était fort agréable en ce pays là pour être riche, de sorte que les gens de guerre s'y enrichirent et le nommèrent le Petit Pérou » Journal de Jean du Matz de Montmartin, Histoire de Bretagne, II, 292] mais une pièce de mars 1591 nous apprend de quelle façon bizarre et imprudente était organisée la défense « Les délibérations concernant les affaires de ladite ville estoient faites en prosne de messe ou autres lieux publicqs où mesme les étrangers assistoient et en avoient la congnoissance de quoy a procédé le moien et subject de la prinse de ladite ville, joinct le mespris et refus que fesoient aucuns des particuliers et gens de justice de participer et assister auxdictes délibérations et assurer l'exécution d'icelles.... » [Note : Requête présentée aux Etats de la Ligne en mars 1591 par les habitants de Carhaix, publiée par A. de Barthélemy. Choix de documents inédits sur l'histoire de la Ligue en Bretagne, Nantes 1889]. Ces gens de justice étaient d'ailleurs fort suspects aux ligueurs : le 20 février 1590, Jérôme d'Aradon écrivait en son journal : « Mon frère de Camor retourna de Kerahèz où il y avoit esté pour prendre le séneschal et procureur de Kerahèz qui étaient du party des Huguenots, nonobstant qu'ils avoient signé l'acte d'Union.... le jendy XXII dudit mois mondit frère de Camors s'en alla à Vennes et mena avec lui ledit séneschal de Kerahèz à Vennes ».

Les royaux connaissaient le mauvais état des défenses de Carhaix, ils savaient aussi que le 4 septembre 1590, la fille de Guillaume Olymant, greffier de la ville, devait épouser Antoine Silly, de Quimper. Pour cette fête tous les parents, tous les amis de Carhaix, de Quimper et des châteaux voisins devaient apporter leurs « plus beaux ameubements », leurs plus précieux bijoux soigneusement cachés depuis le commencement des troubles [Note : Le chanoine Moreau]. Il y avait un riche butin à faire. Le lendemain des noces au point du jour alors que les habitants sans doute quelque peu fatigués des fêtes de la veille dormaient encore, l'ennemi assaillit le mur de l'enclos des Augustins et pénétra dans le couvent et de là dans la ville sans rencontrer semble-t-il de résistance. Il faut lire dans le chanoine Moreau et dans la relation anonyme que nous publions le récit de tous les excès qu'ils commirent. En vain les habitants des paroisses voisines s'armaient ; les bandes indisciplinées des paysans de Pleyben, Plounévez-du-Faou, Collorec, Cléden, Landeleau, Plouyé, Huelgoat, Châteauneuf, Lennon, Loqueffret, Spézet, Braspart vinrent se briser contre les troupes bien aguerries des vainqueurs [Note : Il semble quand on lit le chanoine Moreau que la prise de Carhaix, le massacre des paysans et l'incendie de la ville se passèrent à très peu de jours d'intervalles. Notre document, au contraire, établit que la défaite des habitants de Pleyben, etc, et l'incendie de Carhaix, eurent lieu vers la mi-novembre, c'est-à-dire deux mois après la prise de la ville (5 septembre)]. Les royaux cependant ne s'établirent pas à demeure à Carhaix. En 1591, Maurice Bahezre, lieutenant du Roi en la cour de Carhaix [Note : Le 30 août 1590, Maurice Bahezre avait fait une enquête du même genre sur le pillage par du Liscouet du château de Tymeur appartenant à Vincent de Ploeuc], put faire une enquête et dresser un procès-verbal constatant les ravages causés par l'invasion. De nombreux témoins furent convoqués et racontèrent longuement les maux qu'ils avaient soufferts. Remarquons qu'un trait semble avoir frappé tout spécialement ces déposants : le malheur de cette pauvre ville devenue déserte et inhabitée au point de se trouver dénuée de tavernes et hôtelleries !

En 1592, La Fontenelle vint se fixer à Carhaix dans la collégiale Saint-Trémeur transformée en forteresse. Le séjour de ce soi-disant catholique ne fut sans doute pas moins dommageable à ses coréligionnaires que le passage de leurs ennemis déclarés. La ville se releva très lentement de ses ruines : en 1593 les habitants demandèrent aux Etats de la Ligue des exemptions de fouages qu'ils ne purent obtenir [Note : A. de Barthélémy, Choix de documents. etc., page 92] et jusqu'au milieu du XVIIème siécle on les vit, écrasés de dettes et d'impôts, indiquer l'incendie de 1590 comme la cause de la décadence de leur ville. Au nombre des maisons brûlées se trouvait le presbytère ; les recteurs durent pendant longtemps attendre la construction d'un nouveau logis : les paroissiens reconnaissaient le bien fondé des réclamamations, mais arguaient toujours de leur pauvreté pour demander des délais qui se prolongèrent au moins pendant cinquante ans. En 1610, le recteur Yves Olymant voulut se faire donner quelques meubles « 3 charlitz bois de chêne, un buffet pareil bois, ungne paire d'armoires, 2 coffres, 2 tables avec leurs escabeaux, 2 charniers ». Ces prétentions étaient modestes ; les paroissiens cependant s'étonnèrent qu'il leur demandât « sy grande quantité de meubles » et offrirent « 2 charlitz, un buffet, un coffre, une table pour servir à la cuisine et une petite table pour son estudde, un charnier ». Force fut au recteur de se contenter de ce mobilier d'anachorète [Note : Archives du Finistère, série E, Carhaix].

Un siècle plus tard cependant Carhaix était redevenu la cité commerçante d'autrefois. L'union au siège de Carhaix de plusieurs juridictions, les foires importantes et très fréquentées lui avaient redonné une véritable prospérité qu'atteste le nombre de ces tavernes et hostelleries [Note : M. l'abbé Favé : Bourgeois et gens de métier à Carhaix (1670-1700)] tant regrettées des déposants de 1590 et redevenues plus nombreuses que jamais.

Relation de la prise de Carhaix.

Extrait fidellement collationné et tiré d'un vieux manuscrit en forme de registre anciennement relié, réglé et millésimé, dont la couverture, où il ne reste qu'un petit titre de parchemin, se trouve mangée de vers, mittes, usée, rompue et en partie déchirée et les premières pages se trouvent percées mangées de vers et usées de vieillesse et par la poussière, lequel manuscrit a été présenté et communiqué à nous soussignés notaires royaux de la sénéchaussée de Carhaix par le révérend Père Buriot actuellement supérieur du couvent des Augustins de cette ville et le seul religieux y restant à présent où nous n'avons veu dans tout ledit manuscrit qu'une écriture ancienne, que celle des premiers feuillets est tellement usée, rongée et effacée par la poussière et moisissure que l'on ne peut en distinguer les caractères et ce qu'ils portent, qu'il s'y trouve des feuilles déchirées et enlevées et après avoir lu et examiné ledit manuscrit avons veu et leu ce qui suit :

Scavoir qu'au 13ème feuillet verso et au 14ème recto et verso, il est expressément inséré et écrit [Note : Mme la Comtesse du Laz n'a donné que quelques extraits du manuscrit conservé à Paris (Bibliothèque Nationale, Fonds français, 22.311, fol. 107 et suivants). Nous reproduisons en note les passages qui se trouvent en contradiction avec le manuscrit de Quimper tel que celui-ci : « il est expresément marqué que ledit sieur du Liscouet ayant monté à la brèche y perdit la main droite qui fut coupée par le sieur G. Olymant de Launay, ce qui mit tellement en fureur ledit sieur du Liscoët qu'il mit le feu aux quatre coins de la ville et surtout dans la maison dudit sieur Olymant de Launay... »] que Guillaume Olymant, sieur de Launay, fut fait prisonnier de guerre lors de la prise de la ville de Carhaix par les troupes des sieurs de la Tremblay, Liscoat, Coatanroch, et autres le mercredy 5 septembre 1590 par ce que ledit Guillaume Olymant et les habitants de la ville de Carhaix soustenoient le Party du Roy Henry IV et qu'ils avoient juré et protesté la Sainte Union des catholiques par le commandement et suivant l'édit du deffunt Roy de bonne mémoire Henry tiers de ce nom sur ce fait au mois de juillet 1588, et parce qu'ils n'avoient voulu révoquer ledit serment et à icelle renoncer après le décès du seigneur Roy auroient été mal voulus par ceux qui tenoient le parti contraire à ladite Sainte Union (ce sont les propres termes rapportés dans ledit manuscrit) et après plusieurs menaces et entreprises faites contre ladite ville de Carhaix par le party contraire, enfin ledit mercredy 5 septembre 1590 environ le point du jour et un peu auparavant Me Gilles du Drésit et Laurans le Goff, corporaux, etant en charge depuis le soir précédent fut ladite ville surprise par lesdites troupes au nombre de quatre à cinq cents hommes de guerre sans compter les laquais et goujats et après avoir pillé et ravagé tous les meubles de plusieurs de ladite ville et entre autres ceux de Guillaume Olymant comme apparent de ladite ville, qui fut conduit au château de Quintin et la rançon dudit Guillaume Olymant fut taxée et arrêtée à quinze cens écus de principal et trois écus par jour pour sa dépense durant son emprisonnement (ce sont les propres termes rapportés dans ledit manuscrit) où il est rapporté ensuite que la rançon de Guillaume Olymant montant à la somme de quinze cens quatre vingt huit écus fut payée à toute rigueur le dimanche 23ème jour du même mois de septembre et par ce moyen ledit Guillaume Olymant sortit de son emprisonnement et au folio 15 recto et verso il est raporté que les de Plœuc, Blerrin, Euzennou, Lohou, Cabornais, Kerampuil, Baherre et autres anciennes maisons et familles des environs de Carhaix se cotisèrent et firent des emprunts pour lever la rançon dudit Olymant.

Dans ledit manuscrit, au folio 23 recto et verso, il est rapporté au procès-verbal fait par Maurice Bahere, conseiller du roy et son lieutenant juge ordinaire en la juridiction de Carhaix, en vertu de commission de messieurs du Conseil d'Etat et des Finances établis en la ville de Nantes en datte du 14 may 1591, luy adressée, signé Préchin, pour informer des ravagements, brulements rançonnemente, emports de lettres de la trésorerie de ladite ville et des maisons des particuliers, des greffiers et autres dégats et ruines faites en ladite ville de Carhaix et sur les habitants dudit Carhaix par les troupes des gens de guerre depuis le commencement des présents troubles et principalement depuis la prise de ladite ville qui fut le 5 septembre 1590, dans lequel procès-verbal il est rapporté que visitant le greffe dudit Carhaix, les registres estant les uns en déal, les autres en feuillets séparés ont été gastés par la fange, rompus et déchirés (ce sont les propres termes insérés dans ledit manuscrit) jusqu'à la déclaration du Roy sur l'observation de l'édit d'union donné eu janvier 1589 ;

Au folio 25, verso, il est fait mention d'une lettre escrite par M. de la Villejaffrez, par laquelle il menace de faire la guerre aux habitans de Carhaix à deffaut de faire rendre le sieur de Launay qui étoit Guillaume Olymant, et ses deux laquais lors prisonniers ; [Note : Il y a certainement ici une erreur : La Villejaffrez ne pouvait réclamer aux habitants de Carhaix G. Olymant qu'il avait fait prisonnier. La version du manuscrit de Paris est au contraire très compréhensible : « Ensuite il est marqué que le sieur de la Ville Jaffré menaça les habitants de Carhaix, à défaut de la cottize peur ladite rançon dudit sieur Olymant et de ses deux laquais prisonniers de guerre... » Résumé de Mme du Laz].

Au folio 26, verso, du même manuscrit, il est rapporté que la nuit du 4 septembre 1590, la ville de Carhaix fut surprise, que les troupes en nombre de 500 ou environ entrèrent par les jardins du couvent des Augustins, pillèrent et ravagèrent ladite ville, rompirent et brisèrent les armoires et coffres des particuliers qu'ils trouvèrent fermés même ceux de l'auditoire et chambre civile de ladite ville où estoient gardés les lettres des privilèges, les comptes des procureurs syndics de ladite ville et autres garants et enseignements qui servoient pour les franchises, libertés, privilèges de joyaux d'armes et droit de papegault, desquels les habitants de Carhaix jouissent, ont été jetées sur les rues et frangés (ce sont les propres termes insérés dans ledit manuscrit) ;

Après quoy il est rapporté au folio 27 recto dudit manuscrit que les troupes qui entrèrent dans ladite ville tuèrent et pendirent même jusqu'à des prestres, embrasèrent et ruinèrent la ville qui devint pauvre et presque inhabitée ;

Et au folio 28, il est rapporté que le sieur du Liscoat ayant eu la main droite coupée les troupes mirent le feu au milieu et aux quatre cornières de ladite ville et brûlèrent grand nombre de maisons et tous les biens y estant, enfoncèrent et brisèrent les coffres de l'auditoire de la cour de Carhaix, pillèrent les papiers qui y étoient. « Et pour servir d'information de tout ce que dessus, Nous susdit Bahère avons été conduit aux quatre portes de ladite ville, et premièrement à la porte de Rennes près d'une maison appartenant à Guillaume Olymant, sieur de Launay, et avons ensuite continué à visiter les autres portes et tour de ladite ville pour en examiner les dégats ».

Et au folio 34, 35, 36 recto et verso dudit manuscrit est rapporté la déposition de Guillaume Blaës, notaire royal de la juridiction de Carhaix, âgé de 57 ans, qui dépose qu'incontinent après le commencement des présents troubles commencés en France en l'an 1588, le sieur baron du Pont qui demeuroit en son château de Rostrenen à quatre lieues de Carhaix fut un des premiers qui prit les armes et leva plusieurs compagnies pour faire la guerre au pays et voulant réduire à sa dévotion les habitants de Carhaix qui ne voulaient se soumettre audit sieur baron du Pont firent à grands frais faire quelques clôtures en ladite ville et prirent les armes et appellèrent à leur service des gens de guerre qu'ils soudoièrent à leurs frais et dépens jusqu'au commencement du mois de septembre 1590 que ladite ville fut prise par les troupes des garnisons de Quintin, Moncontour, Rostrenen, conduites par les sieurs de la Tremblaye, Liscoat, Villejaffrez et autres chefs, où la ville de Carhaix fut prise le 5 septembre 1590 et entièrement ravagée par environ 500 hommes qui y entrèrent et y beurent tous les vins qu'ils y trouvèrent, mangèrent les provisions, bruslèrent et emportèrent tout ce qu'ils peurent : les dites troupes étant de rechef venues à Carhaix au mois de novembre suivant firent ravage de tout ce qu'elles trouvèrent de reste et mirent encore le feu dans la ville et ont entr'autres brulé deux maisons audit Guillaume Olymant avec tout ce qui y étoit et où il fut commis tant de meurtres, brulementz et ravagements et autres actes d'hostilités qu'il est impossible de les particulariser.

Au folio 37 verso, 39, 40 recto et verso se trouvent rapportée la déposition de Jean Henry, sergent royal de la juridiction de Carhaix, âgé de 27 ans, qui dépose qu'au commencement de ces guerres civiles il a veu les habitants de Carhaix baricader et clore de murailles leur ville n'y laissant que quatre portes et entrées et faire la garde ordinaire dans leur ville et gager à leurs frais des gens de guerre jusqu'au commencement de septembre 1590 que la ville fut surprise par grand nombre de gens de guerre conduits par les sieurs de la Tremblaye, Liscoat, Villejaffrez et autres, où les troupes commirent de grandes cruautés, pendirent, tuèrent et massacrèrent partie des habitants jusqu'à des prestres et mirent le feu dans plusieurs maisons, dit de plus que les mêmes troupes environ la my-novembre suivant 1590 retournèrent audit Carhaix, tuèrent et firent mourir plus de 400 hommes tant gentils-hommes qu'autres qui se présentèrent pour les combattre, à l'issue duquel combat le sieur du Liscoat ayant perdu la main droite, en colère, fit allumer le feut et bruler les meilleures et plus apparentes maisons de la ville, entre autres deux audit Guillaume Olymant, avec tout ce qui y étoit, ce qui étonna et intimida de telle façon lesdits habitants qu'ils abandonnèrent ladite ville et se retirèrent pour faire leurs demeures et conserver leurs personnes ailleurs, partie à Quimper, les autres à Morlaix, Concarneau et d'autres dans les campagnes et forêts d'Huelgoat, de manière que ladite ville est devenue pauvre et déserte, inhabitée et même sans tavernes ny hotelleries n'ayant aucune asseurance pour personne spécialement pour les gens de justice, qui n'osoient l'exercer parce qu'on rompit deux coffres qui étoient dans la chambre criminelle et en l'auditoire de la ville où estoient les lettres, actes concernant la communauté de ladite ville et ses privilèges qui y étoient enfermez et firent de grands dégats tant en ladite ville que dans le terroir de son voisinné. Ainsy signé : J. Henry.

Au folio 41, 42 et 43 verso et recto du même manuscrit, il est rapporté la déposition d'Hervé Guillaume, notaire royal de la juridiction de Carhaix, âgé de 28 ans, qui dépoze qu'en l'an 1590 au mois de septembre les gens de guerre conduits par le Srs du Liscoat, Tremblaye, Villejaffrez et autres surprirent la ville de Carhaix, la pillèrent, ravagèrent et brulèrent 22 maisons de ses fauxbourgs, firent prisonniers les plus riches et notables de la ville qu'ils transportèrent les uns aux châteaux de Moncontour et les autres à Quintin où ils furent contraints de payer rançon, dit de plus qu'environ la Toussaint dudit an 1590 les mêmes gens de guerre, au nombre de cinq à six cent, retournèrent de rechef en ladite ville de Carhaix où ils ravagèrent et pillèrent de rechef ladite ville et, lorsque lesdites gens de guerre sortirent de Carhaix, ils mirent le feu aux quatre cornières de la ville où entre autres fut bruslée la maison dudit Guillaume Olymant, ce qui obligea les habitants qui purent se sauver de se retirer à Quimper, Morlaix, Concarneau et aux champs, n'ayant aucune sûreté ny tranquillité, en ladite ville qui est à prézent abandonnée aux gens de guerre qui, en passant et repassant, beuvoient et mangeoient à discrétion sans rien payer, ce qui obligea les principaux de ladite ville jusques aux hôtelliers et taverniers d'abandonner leurs maisons, de façon que ladite ville est à présent tellement dépourvu de tout et de vin que l'on est obligé d'en aller chercher à plus de trois lieues pour célébrer les messes. Ainsy signé H. Guillaume.

Au folio 44, 45, 46, 47 et 48 recto et verso dudit monuscrit se trouve rapportée la déposition de Me Louis Le Boulch, prestre, âgé d'environ 52 ans, qui dépose que Carhaix est une des villes les plus fréquentée et renommée de la Basse-Bretagne à cause de ses grandes foires, des marchands qui y abondent de toutes parts avec toutes sortes de marchandises, pour quoi il y a eu un grand nombre de taverniers et hosteliers ; que le sieur baron du Pont, qui demeuroit en son chateau de Rostrenen, ayant pris les armes, levé plusieurs compagnies de gens de guerre et voulant réduire à sa dévotion la ville de Carhaix, les habitants appellèrent à leur secours des gens de guerre qu'ils entretenoient à leurs frais et dépens et fortifièrent ladite ville, mais dit qu'au 5 septembre 1590 les garnisons de Montcontour, Corlay, Quintin, Corlay et Rostrenen, conduites et commandées par les sieurs de la Tremblaye, Liscoat, Villejaffrez et quelques autres, surprirent la ville de Carhaix et la ravagèrent entièrement, prirent prisonniers de guerre les plus notables et plus riches qu'ils conduisirent à Moncontour et Quintin, massacrèrent et tuèrent plusieurs habitans, beurent et mangèrent toutes les provisions et emportèrent tous les meubles qu'ils purent, brulèrent grand nombre de maisons, intimidèrent et effrayèrent en telle façon le surplus des habitants qui avoient quelques biens, qu'ils se sauvèrent, les riches dans les villes et les pauvres dans les champs et forêts, les gens de guerre vivant à discrétion et sans rien payer ce qui obligea jusques aux hotelliers et taverniers de cesser et quitter leurs professions et ce qui rendit la ville si pauvre et si déserte qu'il n'y restait plus une goutte de vin et qu'on estoit obligé d'en aller chercher ailleurs pour dire la messe, — dépose de plus qu'au mois de novembre suivant, les mêmes troupes entrèrent dans la ville de Carhaix, ravagèrent, abbatirent et ruinèrent toutes les portes et deffenses que les habitans de Carhaix avoient fait en ladite ville, mirent le feu en un grand nombre des plus apparentes et plus belles maisons et entre autres a été brulée la maison dudit Olymant de façon qu'il ny avoit assseurance ny seureté pour personne ny officiers de justice qui ne l'administrèrent que rarement et lorsqu'on tenoit l'audiance l’on faisoit tenir une sentinelle au guet pour découvrir la venue des gens de guerre qui se réndoient lorsqu'on pensoit le moins à Carhaix pour y faire des prisonniers et enlever les provisions qu'ils y trouvoient sans rien payer et pour piller lesdits habitants — dit de plus que les gens de guerre ont rompu, déchiré et emporté les archives où étoient les privilèges anciens et garents concernant les joyaux et papegaultz et la police de ladite ville et ont bruslé jusques aux boisages, buffets, tables et autres meubles qu'ils trouvèrent et qu'ils ne pouvoient emporter. Ainsi signé : Boulch.

Au folio 48, 49, 50, 51, 52 et 53 sont aussy rapportées les dépositions d'Antoine de Rozcaere, notaire royal de la juridiction de Carhaix, âgé de 37 ans, de Jean de Cabornais, âgé de 38 ans, qui déposent unanimement que les troupes des sieurs du Liscoat, Tremblay, Villejaffrez et autres ayant surpris la ville de Carhaix le 5 septembre 1590 la pillèrent, la ravagèrent et firent des prisonniers de guerre qu'ils conduisirent aux châteaux de Montcontour et Quintin auxquels ils firent payer rançon pour avoir leurs libertés, brûlèrent partie de la ville, et qu'au mois de novembre suivant 1590 les mêmes troupes retournèrent à Carhaix finirent de la piller et ravagèrent jusque aux archives et privilèges qui estoient tant dans l'auditoire que dans la chambre, beurent et mangèrent les provisions sans rien payer, enlevèrent tous les meubles qu'ils peurent et brûlèrent le reste ayant mis le feu aux quatre cornières de la ville qui devint pauvre, déserte, inhabitée et où il ne se trouvait pas une goutte de vin pour célébrer la messe n'y estant restés que de pauvres gens — disent aussy que l'église collégiale de Saint-Tremeur fut pillée ainsy que les croix d'argent, les calices et autres ornements d'église jusqu'à la Sainte Hostie qui fut jetée de la custode, pour quoy noble et vénérable Jean de la Gareine, chanoine de Cornoaille, fut commis par Mgr l'évêque de Cornoaille pour reconcilier les églises de Carhaix qui avoient été polluées.

Ce sont les propres termes portés par ledit manuscrit où il est parlé ensuite des différentes reliques qui sont dans ladite église, de la bulle du Saint-Père pour les confrères du Saint-Sacrement en l'autel nouveau fondé et octroyé en l'église collégiale de Saint-Tremeur en la ville de Carhaix avec les indulgences y attachées [Note : L'église de Saint-Tremeur fut pillée avec ses ornements, et la sainte hostie jetée de sa custode, où furent tuées et prises prisonnières plus de 900 personnes, tant gentishommes qu'autres et, où René Olymant, bailli des juridictions de Châteauneut et de Landeleau, fut fait prisonnier de guerre et il lui coûta pour sa rançon 1200 écus et une haquenée blanche. « Et ledit Olymant s'estant sauvé à la tête de 400 chevaux par le Moustoir fut attaqué par les troupes dudit sieur du Liscoët, et se battirent jusqu'à la nuit. Ensuite ledit sieur Olymant se retira au château qui y estoit (?) » Résumé et extrait du manuscrit de Paris publiés par Mme du Laz], — où il est encore rapporté les différentes cérémonies qui eurent lieu à Rome au mois de septembre 1595 pour l'absolution accordée par le Pape à Henry IV à la prière de M. du Perron comme procureur du Roy de France et de Navarre avec M. d'Ossat, laquelle absolution fut adressée à M. de Saint-Luc, lieutenant du Roy en son armée de Bretagne étant avec ladite armée en la ville de Carhaix, le jeudy 12 octobre 1595 jour auquel on fit un feu de joye à Carhaix.

Et plus avons vu d'attache audit manuscrit deux actes par originaux passés au rapport des nottaires royaux de Carhaix l’un en datte du 16 mars 1600 et l'autre 3 novembre 1601 par lesquels Louis Cochennec, seigneur du Lescoat, héritier de Mre René Euzennou et dlle Gilette Cabornais déclarent quitter Guillaume Olymant, sieur de Launay, demeurant au manoir de Kernegues, des sommes qu'ils leur avoient prétéés en 1590 pour payer sa rançon lorsqu'il fut fait prisonnier de guerre ; les deux actes ainsi signés : Cochennec, Cabornes.

Je, soussigné, F. Guillaume Benriot, actuellement supérieur du couvent et seul religieux y étant dans le couvent des Augustins de cette ville de Carhaix déclare que la présente copie a été fidellement collationnée et tirée par extrait d'un ancien manuscrit que j'ay communiqué à Mr Kernégues En foy de quoy j'ay soussigné à Carhaix, le 24 mai 1737. Signé F. Benriot.

La présente copie par extrait a été par nous notaires royaux à la sénéchaussée de Carhaix fidellement tirée et collationnée sur un vieux manuscrit ainsi et tel qu'il est raporté dans son intitullé après l'avoir leu, confronté et examiné ledit encien manuscrit avec les deux actes par originaux mentionnés à la fin du présent extrait et qui se trouvent d'attache audit manuscrit l'un en datte du 16 mars 1600 et l'autre acte du 3 novembre 1601, les deux passés au rapport de G. Morin et de J. Ausfres, notaires royaux, lesdits deux actes d'eux signés et de Cochennec et Cabornes, lequel entier manuscrit nous a été présenté par le Révérend Père Beuriot...... etc..... 27 may 1737... Signé C. Parault, notaire royal, Le Bouedec, notaire royal. Controllé à Carhaix le 29 may 1737. Receus dix huit sols. Signé : Fausseaux.

Nous Messire Pierre-Alexandre Uzille de Kervelers, conseiller du Roy et son lieutenant civil et criminel en la sénéchaussée de Carhaix, certiffions à qui il appartiendra que les signes de l'autre part et cy dessus sont ceux dudit Père Beuriot, religieux augustin, des notaires royaux, etc... 29 mai 1737. Signé : P. A. de Kervelers Uzille.

Collationné par nous, escuyer, conseiller du Roy, maison, couronne de France et de ses finances. SAINSON.

A cette pièce est jointe une note non signée dans laquelle on prie M. d'Hozier « de vouloir bien faire ses observations et attentions que si M. Kernègues ne produit pas beaucoup de titres antérieurs à 1590 ce défault ne vient que » de l'incendie de sa maison attesté par la pièce produite.

(H. Bourde de la Rogerie).

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