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Jacques CARTIER, homme de mer

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Pour commencer par les hommes de mer, le plus ancien officier de marque que nous citerons, depuis la fin du quinzième siècle (et nous en omettrons certainement beaucoup), c'est le fameux Jacques Cartier, ce hardi navigateur dont la postérité s'est éteinte parmi nous le 9 janvier 1665, dans la personne de Hervée Cartier ; mais dont la gloire ne s'éteindra jamais [Note : Le premier de son nom que nous ayons trouvé sur nos registres de naissance, était probablement son père : nous disons probablement, car l'acte, très-laconique, ne porte autre chose que ces paroles : 4 déc. 1458., baptisatus extitit Cartier. Quant aux descendans collatéraux de cette ancienne famille, on en trouve encore aujourd'hui en Pleurtuit et en Saint-Coulomb ; et M. Aubault, en particulier, receveur actuel de nos hospices, originaire de la dernière de ces deux paroisses, peut se glorifier d'être issu d'une Julienne Cartier, mariée en 1725 à un Jean Aubault de la Haute Chambre].

L'explorateur français Jacques Cartier

Jusqu'à lui, on s'était borné dans nos contrées à la pêche du merlus, du congre et de la pélamide ou sardine, qu'on prenait en, abondance tant sur les côtes de toute la Basse-Bretagne, que sur un banc qui se trouve à l'entrée de la Manche, et que les Anglais, qui l'ont fait reconnaître en 1802, appellent the Nymphe Bank. Alors au contraire on tourna presque toutes ses spéculations vers l'île et le banc de Terre-Neuve, qui, selon que nous l'avons dit plus haut, venaient d'être découverts par quelques-uns de nos compatriotes ; et où la pêche de la morue offrait des avantages infiniment plus marquans.

Notre intrépide Malouin, encore au jeune âge, fut un des premiers qui osèrent s'aventurer, sur de faibles barques, dans ces parages presque encore inconnus. Il y alla pendant plusieurs années consécutives ; et s'il n'eut pas les honneurs de la découverte, il eut du moins le bonheur d'en rapporter une manne qui a continué depuis d'alimenter non seulement la province, mais le royaume même et l'Europe.

Quelque temps après ces premiers essais de la science nautique de notre héros, le roi François Ier, « lassé (comme il le disait lui-même) de se voir deshérité du testament d'Adam par les monarques d'Espagne et de Portugal, qui se partageaient entre eux le Nouveau‑Monde » , se décida enfin, sur les représentations de l'amiral Philippe Chabot à former un établissement dans cette partie de l'Amérique septentrionale où Jean Verazzani, Florentin au service de la France, avait fait quelques découvertes dix ans auparavant ; et Cartier fut chargé de l'expédition.

Muni de ses instructions, l'habile marin partit de Saint-Malo le 20 avril 1534, avec deux bâtimens de soixante tonneaux et de cent vingt-deux hommes d'équipage, accompagné des sieurs Olivier Du Breil, Jacques Maingard et plusieurs autres de ses amis.

Il prit sa route à l'ouest, tirant un peu vers le nord ; et il eut les vents si favorables, que, le 10 mai, il aborda au cap de Bona-Vista, en l'île de Terre-Neuve.

Comme la terre y était encore couverte de neige, et le rivage bordé de glace, il ne put ou il n'osa s'y arrêter. Il descendit six degrés au sud - sud-est, et entra dans, un port auquel il donna le nom de Sainte-Catherine.

De là il retourna au nord, et gagna l'île aux Oiseaux, distante de Terre-Neuve d'une dizaine de lieues, où il fut fort étonné de voir, un ours blanc de la grosseur d'une vache, lequel avait fait ce trajet à la nage. Dès que cet animal eut aperçu les chaloupes qui, allaient à terre, il se jeta à la mer pour leur échapper mais le lendemain il fut retrouvé, et pris auprès de la grande île.

Cartier continua de côtoyer toute la partie septentrionale de Terre-Neuve, où il dit que, parmi des rochers affreux, couverts seulement d'un peu de mousse, il trouva des hommes qui avaient les cheveux liés au-dessus de la tête comme un paquet de foin (c'est son expression), avec quelques plumes d'oiseaux entrelacées sans ordre, ce qui faisait un effet assez bizarre. Après avoir fait ainsi presque tout le tour de cette grande île, il traversa le golfe, s'approcha du continent, et entra dans une baie fort profonde où il souffrit beaucoup du chaud, ce qui la lui fit nommer la Baie des Chaleurs. Il fut fort content des habitans qu'il y rencontra, et avec lesquels il troqua quelques marchandises pour des pelleteries.

Une ancienne tradition porte que le Castillan Velasco y avait abordé avant notre Malouin ; et que n'y ayant aperçu aucune apparence de mines, qu'il cherchait de préférence à tout, il dit à ses camarades, aca nada (ici rien), mots que les sauvages répétèrent souvent à nos gens : ce qui leur fit croire que canada était le nom de cette contrée. D'autres au contraire, avec plus de vraisemblance, dérivent ce terme du mot iroquois kannata, qui se prononce canada, et signifie un amas de cabanes : ce sentiment est appuyé en particulier par le Vocabulaire canadien annexé à l'édition originale du Second voyage de Jacques Cartier, Paris, 1545 ; d'où nos Français s'imaginèrent sans doute que le nom commun aux diverses bourgades qu'on leur montrait était celui de toute la région même.

Au sortir de cette baie, où il avait trouvé un grand nombre de phoques, Cartier visita une bonne partie des côtes qui environnent le golfe, et prit possession du pays au nom du roi très-chrétien.

Il remit après cela à la voile, le 15 août de la même année, pour revenir en France ; et le 5 septembre suivant, il rentra heureusement au port de Saint-Malo, d'où il était parti.

Sur le rapport qu'il fit de son voyage, la cour jugea que l'établissement projeté dans ces vastes régions était de nature à procurer un jour au royaume des avantages très-précieux. Le vice-amiral Charles de Mouy, sieur de la Meilleraye, prit surtout beaucoup à coeur cette affaire ; et comme il ne connaissait personne plus capable que Cartier de la bien conduire, il obtint pour lui une nouvelle commission plus ample que la première ; en voici le texte : « Philippes Chabot, etc., admiral de France, etc., au cappitaine et pillote maistre Jacques Cartier, de Sainct-Malo, salut ! Nous vous avons commins et depputé, commetons et depputons, du voulloir et commandement du roy, pour conduire, mener, et employer, troys navyres équippés et advitaillés chaincun pour quinze moys, au parachevement de la navigation par vous jà commancée à descouvrir oultre les Terres-Neufves ; et en icelluy voyaige essayer de faire et accomplir ce qu'il a pleu à mondit seigneur, vous commander, et ordonner : pour l'équippaige duquel vous achapterez ou freterez à tel prix raisonnable que adviserez, etc. , et selon que vous congnoistrez estre bon pour le bien de ladicte navigation, lesdicts troys navyres ; prandrez et louerez le nombre des pilotes, maistres, et compaignons, etc., qu'il vous semblera estre requis et nécessaire pour l'acomplissement d'icelle navigation. Desquelles choses faire, équipper, dresser, mettre sus, vous avons donné et donnons pouvoir, commission, et mandement espécial ; avec la charge et superintendance d'iceulx navyres, voyaige et navigation, tant à l'aller que retourner. Mandons et commandons à tous lesdicts pillotes, maistres, etc., vous obeyr et suyvre pour le service du roy, en ce que dessus, comme ils feroient à nous-mêmes, etc. Donné soubz noz seing et scel d'armes, le pénultiesme jour d'octobre l'an 1534, etc. ».

L'armement dont il est question dans cette pièce, fut prêt vers la mi-mai 1535. Cartier, qui avait beaucoup de religion, fit avertir tout son monde de se trouver le 16, jour de la Pentecôte, dans l'église cathédrale, pour y faire ses dévotions. Personne n'y manqua ; et au sortir de l'autel, le capitaine, suivi de toute sa troupe, entra dans le choeur, où l'évêque François Bohier les attendait, revêtu de ses habits pontificaux, et leur donna sa, bénédiction.

Le mercredi 19, ils s'embarquèrent. Cartier montait un navire de cent vingt tonneaux, nommé la Grande-Hermine ; et avait avec lui plusieurs gentils hommes qui avaient voulu le suivre en qualité de volontaires, notamment Jean Garnier, sieur de Chambraux, son compatriote. Macé Jallobert commandait la Petite-Hermine ; et plusieurs autres Malouins formaient l'équipage de ces braves aventuriers.

Tous mirent à la voile par un très beau temps : mais dès le lendemain le vent devint contraire au point que pendant plus d'un mois l'habileté des pilotes fut presque toujours à bout.

Les trois navires, qui s'étaient d'abord perdus de vue, essuyèrent chacun de leur côté les plus violentes tempêtes ; et ne pouvant plus gouverner, ils se virent enfin forcés de s'abandonner au gré des flots. La Grande-Hermine fut portée au nord de Terre-Neuve ; et le 19 juillet, Cartier fit voile pour le golfe, où il avait marqué le rendez-vous un cas de séparation. Il y arriva le 25 ; et le jour suivant, les deux autres bâtimens le rejoignirent.

Le 1er d'août, un gros temps le contraignit de se réfugier dans le port Saint-Nicolas, situé à l'entrée du fleuve, du côté du nord. Il y planta une croix où il mit les armes de France ; et il y demeura jusqu'au 7.

Le 10, les trois vaisseaux rentrèrent dans le golfe ; et en l'honneur du saint dont on célèbre la fête en ce jour, Cartier donna à ce golfe, et au vaste fleuve qui s'y décharge, le nom de Saint-Laurent.

Le 15, notre Malouin s'approcha d'une assez grande île que les sauvages appelaient Natiscotec, et qui est presque sous la côte des Eskimaux. En mémoire du jour où il en fit la reconnaissance, il la nomma l'île de l'Assomption : mais elle n'est plus guères connue aujourd'hui que sous le nom d'Anticosti, que les Anglais lui ont donné.

Les trois navires remontèrent ensuite le fleuve ; et le 1er de septembre, ils entrèrent dans le Saguenay. Cartier ne fit que reconnaître l'embouchure de cette rivière ; et après avoir encore rangé la côte pendant quinze lieues, il mouilla auprès d'une île qu'il appela l'île aux Coudres, parce qu'il y trouva beaucoup de coudriers ou noisettiers.

Notre illustre aventurier se voyant alors engagé bien avant dans un pays inconnu, se hâta de chercher un port où ses navires pussent être en sûreté pendant l'hiver. Huit lieues plus loin que l'île aux Coudres, il en trouva une beaucoup plus belle et plus grande, toute couverte de bois et de vignes. Il l'appela, à cause de cela, l'île de Bacchus : mais ce nom a depuis été changé en celui d'île d'Orléans.

De l'île de Bacchus, Cartier se rendit dans une petite rivière qui en est éloignée de dix lieues, et qui vient du nord. Il la nomma la rivière de Sainte-Croix, parce qu'il y entra le 14 septembre : on l'appelle communément aujourd'hui la rivière de Jacques Cartier. Le lendemain de son arrivée, il y reçut la visite d'un chef du pais, appelé Donnacona, avec lequel il traita par le moyen de deux sauvages qu'il avait menés en France l'année précédente, et qui savaient un peu de Français.

Le 19, il laissa deux de ses vaisseaux à Sainte-Croix ; et en partit avec la Grande-Hermine seule, et deux chaloupes.

Le 29, il fut arrêté au lac Saint-Pierre, que son navire ne put passer, soit qu'il tirât trop d'eau, soit plutôt qu'il eût mal enfilé le canal. Le parti qu'il prit, fut d'armer ses deux chaloupes, et de s'y embarquer. Par ce moyen, il arriva, le 2 octobre, à Hochelaga, aujourd'hui Montréal, la première place du Canada après Québec, accompagné de MM. de Pontbriand, de La Pommeraye et de Goyelle, trois de ses volontaires.

Jacques Cartier, navigateur et explorateur breton.

Les habitans de la principale bourgade de cette île reçurent assez bien les Français, et leur donnèrent des fêtes à leur manière. L'étonnement de ces sauvages fut surtout extrême à la vue des armes à feu, des trompettes, des instrumens de guerre, des longues barbes et de l'habillement de nos gens. On fit en particulier l'honneur à Cartier de le prendre pour un nouvel Esculape capable de guérir tous les maux ; et lui, de son côté, armé d'une foi vive, se crut autorisés réciter sur eux, le plus dévotement qu'il put, le commencement de l'Evangile selon saint Jean. Il fit après cela le signe de la croix sur les malades ; leur distribua des chapelets et des Agnus Dei ; lut avec beaucoup de respect en leur présence la passion de Jésus-Christ, dont il invoqua ensuite, par une fervente prière, la miséricorde sur ce peuple idolâtre ; et finit cette pieuse cérémonie, si digne, à mon avis, du pinceau de la poésie et de la peinture, par une fanfare de trompettes, qui mit tous les assistans hors d'eux-mêmes de joie et d'admiration.

Quelques-uns ont cru que notre hardi navigateur s'était avancé jusqu'à la grande cataracte du Niagara ; mais c'est une grossière erreur. Convaincu qu'il était presque impossible de trouver un lieu plus propre que Montréal à former l'établissement projeté, partit d'Hochelaga le 5 octobre, pour retourner à Sainte-Croix, où il arriva le 11.

Il y trouva l'un de ses navires brisé contre un rocher qui en a retenu jusqu'à présent le nom de roche de Jacques Cartier, et presque tous ses équipages tourmentés du scorbut. Il avait déjà perdu vingt-cinq hommes par l'effet de cette cruelle maladie ; et probablement il les eut tous perdus jusqu'au dernier, si les sauvages ne lui eussent enseigné un remède souverain, qui opéra sur-le-champ. C'était une tisane faite avec la feuille et l'écorce intérieure de l'épinette blanche, pilées ensemble. Huit à dix jours après qu'il eut commencé à faire usage de ce secret, tout son monde fut sur pied. Quelques-uns même, dit-on, qui avaient eu le mal de Naples, et qui n'en étaient pas bien guéris, recouvrèrent en peu de temps une santé parfaite. C'est ce même arbre, à ce qu'on assure, qui produit le beaume blanc du Canada.

Dès que la navigation fut libre, Cartier partit de Sainte-Croix pour revenir en Europe, emmenant avec lui, malheureusement par stratagème, Donnacona ; et aborda à Saint-Malo le 16 juillet 1536, après avoir donné le nom de Nouvelle-France à l'immense région qu'il venait de visiter.

Il est vrai que quelques pêcheurs malouins, dieppois et basques, avaient, dès les années 1495 et 1504, selon que nous l'avons dit ci-dessus, découvert quelques-uns des parages que notre célèbre compatriote venait de parcourir ; que Jean Cabot et ses trois fils, en 1497 ; Gaspard Cortéréal, en 1500 ; quelques marchands de Bristol, en 1502 ; Jean Denys et Velasco, en 1506 ; et Thomas Aubert, en 1508, y avaient fait de courtes apparitions ; que le baron de Levy avait voulu, en 1518, établir une colonie dans l'île de Sable ou plutôt de Saddle, proche l'Acadie ; que les frères Parmentier, en 1520, avaient découvert l'île Royale ou du cap Breton ; enfin, que Jean Verazzani, déjà cité plus haut, avait fait dans ce pays-là, en 1524, quelques reconnaissances fort utiles : mais, dit le père Charlevoix, notre Malouin, né observateur, indépendamment de la gloire qu'on ne peut lui refuser d'avoir le premier remonté le fleuve Saint-Laurent, fit à lui seul plus que tous ces personnages ensemble ; et abstraction faite des contes et du merveilleux dont il s'avisa, à l'exemple de presque tous les voyageurs, d'embellir sa relation, ses mémoires méritèrent longtemps de servir de guides à tous ceux qui entreprirent de naviguer dans ces régions glacées.

Quelques auteurs, et Champlain entre autres, ont prétendu que Cartier, après son retour, en présentant Donnacona au roi, essaya de dégoûter le monarque du Canada, et de le dissuader d'y penser davantage : mais ce sentiment ne s'accorde en aucune sorte avec la manière dont Cartier lui-même s'exprime dans ses écrits, ni avec ce qu'on en lit dans les autres relations de ses aventures. Les lettres elles-mêmes de François Ier, du 20 octobre 1540, dont nous avons vu l'original, portent textuellement : « Nostre cher et bien amé Jacques Cartier a trouvé ces pays, ainsy qu'il nous a rapporté, garnis de plusieurs bonnes commodittez, les peuples d'iceulx bien formez de corps et de membres, et bien disposez d'esprit et entendement ; desquelz il nous a amené aucun nombre, que nous avons par longtems faict instruire en nostre saincte foi, etc. ». La véritable cause pour laquelle la cour de France différa pendant quatre années encore à y établir une colonie, fut qu'on n'avait trouvé en cette contrée aucune apparence de mines ; et qu'alors, plus encore qu'aujourd'hui, une terre étrangère qui ne produisait ni or ni argent, n'était comptée pour rien.

Quoi qu'il en soit, les préventions tombèrent peu à peu. Il se trouva quelques personnes, même auprès du prince, qui se formèrent de plus justes idées sur cet objet. Un gentilhomme de Picardie surtout, nommé Jean-François de la Roque, seigneur de Roberval, que François Ier  avait coutume d'appeler le Petit roi du Vimeu, à cause de la grande considération dont il jouissait dans sa province, alla jusqu'à demander pour lui la faculté de poursuivre les découvertes de Cartier ; et il l'obtint. Mais une simple commission était trop peu de chose pour un personnage de sa considération : de sorte que le souverain, par ses lettres-patentes du 15 janvier 1540, l'établit son vice-roi et son lieutenant-général en Canada, Terre-Neuve, Labrador, et autres lieux circonvoisins.

Le 23 mai de cette année-là, M. de Roberval n'ayant pas encore achevé d'équiper les deux vaisseaux qu'il armait à ses dépens, fit toujours partir d'avance, comme capitaine-général et grand-pilote, Jacques Cartier, à la tête de cinq navires. Celui-ci, dont les lettres ne furent toutefois signées par le roi que le 17 octobre suivant, après avoir essuyé plusieurs tempêtes, débarqua enfin à Terre-Neuve, dans le voisinage du Quirpon, sur la pointe nord de l'île ; d'où il alla ensuite droit à la rivière de Sainte-Croix, sur les rives de laquelle il eut une entrevue avec Agona, successeur de Donnacona, qui était mort en France.

Quatre lieues plus loin, il entra dans une petite rivière qui parut mieux lui convenir que celle de Sainte-Croix. Il y bâtit une citadelle, qu'il nomma Charlesbourg ; et y arma deux canots, dans le dessein de passer par les cataractes à Saguenay : mais il trouva d'autant plus de difficultés à ce projet, que les naturels du pays commençaient à ne pas montrer à nos gens des dispositions trop favorables.

Cependant l'on était déjà dans les premiers mois de l'an 1542 ; et le vice-roi, ardemment attendu depuis longtemps, n'arrivait point. Pour surcroît de contrariétés, les provisions achevaient de se consommer, le froid de se faire sentir de la manière la plus incommode, et les mauvais traitemens des sauvages de prendre de jour en jour un caractère plus sérieux.

Dans cette extrémité, la patience des Français se trouva poussée à bout. Ils se mutinèrent, et contraignirent Cartier à se rembarquer avec eux pour repasser en Europe. Mais à la hauteur de Terre-Neuve, ils furent rencontrés, vers le mois de mai, par le lieutenant-général, qui leur amenait enfin un grand convoi ; et qui, partie par ses bonnes manières, partie par menaces, les obligea de retourner avec lui sur leurs pas.

Dès que ce chef eut rétabli toutes choses dans son fort, il y laissa de nouveau Jacques Cartier, avec une certaine quantité de ses gens : mais il envoya l'un de ses pilotes, nommé Jean-Alphonse de Xaintoigne, dans le nord de Terre-Neuve, pour chercher un passage aux Indes.

Ce dernier s'éleva jusqu'au cinquante-deuxième degré de latitude, et n'alla pas plus loin. On ne dit point combien de temps il employa dans ce voyage : mais il y a bien de l'apparence qu'il ne retrouva plus M. de Roberval en Canada, puisque ce fut à Jacques Cartier qu'il rendit compte de ses découvertes.

On ne dit point non plus combien d'années encore notre illustre compatriote passa dans ces contrées sauvages : mais on est forcé de convenir qu'il n'y demeura pas au-delà de l'année 1549, où M. de Roberval ayant tenté un dernier voyage en ce pays, y fit une fin malheureuse , et vit tomber avec lui toutes les espérances que l'on avait conçues d'un établissement solide dans cette partie de l'Amérique. Ce qui met le sceau à cette preuve, c'est un titre du chapitre de Saint-Malo, par lequel on voit que, le 29 novembre de ladite année 1549, « Jacques Cartier, sieur de Limoilou, présent en nos murs, et Catherine Desgranges, sa femme, fondèrent dans la cathédrale un obit, moyennant une somme de 4 livres forte monnaie de rente, sur l'hypothèque de leur maison et jardin situés jouxte l’hôpital de Saint-Thomas » [Note : Qui était alors attenant à la chapelle de ce nom, proche le château].

Du reste on ne sait si ce fut dans sa terre natale que Cartier finit ses jours. Ce qu'il y a de certain, c'est que nos registres ne font aucune mention de sa mort.

On trouve dans l'Abrégé de ses Voyages, par l'Escarbot, le récit de ses entrevues et de ses conférences avec les sauvages. Cette pièce prouve qu'il avait un plan bien conçu, dont il suivit l'exécution avec courage, habileté et persévérance.

On voit aussi dans nos archives municipales, sous la date du 14 janvier 1588, des lettres de Henri III ; en vertu desquelles, pour reconnaître les services rendus à l'Etat par Jacques Cartier, leur oncle, sa majesté daigna accorder aux sieurs Etienne Chatton de la Jannais, et Jacques Nouël, cappitaines de navires et maistres pillotes de Sainct-Malo, le commerce exclusif du Canada pendant douze ans, avec faculté à eux de transporter chaque année dans ce pays, pour l'exploitation des mines découvertes ou à découvrir, soixante criminels tant hommes que femmes, condamnés à mort ou à quelque autre peine corporelle : mais cette faveur honorable ne dura que jusqu'au 5 mai suivant, où les Malouins obtinrent du même prince la rétractation de ce privilège. (F. G. P. Manet).

Voir aussi Ville de Saint-Malo (Bretagne) "La statue de Jacques Cartier

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