Région Bretagne : Web Internet de Voyage, Vacances, Location, Séjour, Immobilier, Hôtel, Camping, Boutique en Bretagne

Bienvenue ! 

CHATEAUBRIAND

  Retour page d'accueil   

Boutique de Voyage Vacances Rencontre Immobilier Hôtel Commerce en Bretagne

Boutique de Voyage Vacances Rencontre Immobilier Hôtel Commerce en Bretagne

Chateaubriand     

François-René, vicomte de Chateaubriand, né à Saint-Malo le 4 septembre 1768 et mort à Paris le 4 juillet 1848, est un écrivain romantique et homme politique français. 

 

L'œuvre monumentale de Chateaubriand reste les Mémoires d'Outre-tombe (posthumes, 1849-1850) dont les premiers livres recréent son enfance et sa formation dans son milieu social de petite noblesse bretonne à Saint-Malo ou à Combourg (Bretagne). 

CHAPITRE I.

JEUNESSE DE CHATEAUBRIAND - VOYAGES - A L'ARMÉE DES PRINCES - MISÈRES, DEUIL ET CONVERSION

Note : Voici mon extrait de baptême : Extrait des registres de l’état civil de la commune de Saint-Malo pour l’année 1768. « François-René de Chateaubriand, fils de René de Chateaubriand et de Pauline Jeanne Suzanne de Bedée, son épouse, né le 4 septembre 1768, baptisé le jour suivant par nous, Pierre-Henry Nouail, grand-vicaire de l’évêque de Saint-Malo. A été parrain Jean-Baptiste de Chateaubriand, son frère, et marraine Françoise Gertrude de Contades, qui signent et le père. Ainsi signé au registre : Contades de Plouër, Jean-Baptiste de Chateaubriand, Brignon de Chateaubriand, de Chateaubriand et Nouail, vicaire-général ».

Au commencement de 1791, au moment où la noblesse française se réfugiait à l'étranger, fuyant devant les premiers excès de la Révolution, un jeune homme s'embarquait à Saint-Malo pour cette terre d'Amérique dont les luttes avec l'Angleterre avaient enflammé toutes les imaginations quelques années auparavant. Les idées nouvelles qui allaient pousser la jeunesse française dans des voies aventureuses, l'avaient décidé à quitter son pays, et cela pour suivre les traces de Mackensie qui venait de parcourir les mers polaires, y cherchant vainement le passage aux Indes par la baie d'Hudson (Note : Mackensie fit cette découverte quelques années plus tard). Ce jeune homme, qui devait illustrer plus tard son nom de Chateaubriand d'une manière si différente, rêvait alors de l'attacher à cette découverte.

L'amour de la nature, que le séjour au château paternel de Combourg avait développé en lui, lui faisait désirer une vie idéale, au milieu d'une nature vierge et grandiose ; or, il y avait des mers à traverser, des forêts immenses à parcourir, des montagnes de glace à franchir, des nuits mystérieuses à passer dans des régions inconnues, sous de nouveaux cieux, et surtout il y avait à contempler des scènes d'une vie sauvage que de brillants écrivains avaient représentée comme supérieure à la vie civilisée. C'est pourquoi Chateaubriand quittait sa terre natale, ce vieux manoir entouré d'un paysage d'une si haute poésie, de grands bois, de vastes bruyères, et l'infini de la mer dont les vagues bruissaient sans cesse au pied des rochers. Là s'était écoulée son enfance maladive et morose, là il avait fait ses premières études, qu'il continua aux collèges de Dol, de Rennes et de Dinan, et que la volonté de ses parents fit sérieuses et fortes, car sa qualité de cadet sans fortune leur faisait désirer pour lui la vocation ecclésiastique. Mais le poète qui était en lui s'emparait peu à peu de toutes ses facultés ; à quinze ans, lisons-nous dans un auteur de l'époque, il avait écrit déjà tant de vers qu'il en brûla de quoi tenir trois volumes. Cependant, il reçut la tonsure, comme le prouve le document suivant, récemment découvert par le chanoine Guillotin de Courson dans un ancien registre de l'évêché de Saint-Malo « Gabriel Courtois de Pressigny, par la miséricorde divine et la grâce du Saint-Siège Apostolique, évêque de Saint-Malo, etc. Nous faisons connoître que le jour de la date de ces présentes lettres, nous avons promu et nous promouvons à la première tonsure cléricale, dans la chapelle de notre palais, notre cher fils noble François-Auguste-René de Châteaubriand, fils de René-Auguste et dame Apostoline-Jeanne-Suzanne de Bédée, son épouse, laïque de la ville et paroisse de Saint-Malo, procréé de légitime mariage, examiné et trouvé capable et idoine. Donné à Saint-Malo, sous notre seing et notre sceau et sous la signature de notre secrétaire, l'an du Seigneur 1788, le 16ème jour de décembre. Signé : + GABRIEL, évêque de Saint-Malo. Par mandement : MET, Secrétaire ».

Chacun sait que cette cérémonie n'engage pas encore l'avenir des jeunes clercs. La famille ne tarda pas cependant à s'apercevoir qu'il montrait peu de dispositions pour le sacerdoce ; elle se décida donc à demander pour lui une sous-lieutenance qu'elle obtint : il entra dans le régiment de Navarre, et peu après, en 1789, il se rendit à Paris où il fut présenté à la cour : il avait alors vingt et un ans. Le mariage de son frère avec Mlle de Rosambeau, petite-fille de M. de Malesherbes, lui procurait les plus hautes relations, mais il préférait ses rêves à l'honneur de briller dans les salons, et on le voyait plus souvent avec les écrivains de cette époque, la Harpe, Fontanes, André Chénier, Parny, Chamfort, qu'avec les seigneurs de la cour. Le goût des aventures qui s'éveillait en lui lui fit dire un jour : « J'avoue que je ne saurais entendre de sang-froid parler de chevalerie, et quand il est question de tournois et de défis, je me mettrais volontiers à courir les champs comme le seigneur don Quichotte pour redresser les torts ». La lecture de Rousseau et de Bernardin de Saint-Pierre avait remué dans son cœur mille fibres secrètes, mais il est fort probable que les projets qu'il formait d'aller contempler la nature vierge et la vie primitive dans de lointains pays, n'auraient jamais eu de réalisation sans l'agitation qui envahissait la France à ce moment.

Nous l'avons vu s'embarquant à Saint-Malo pour Baltimore. Les vents contraires forcèrent son navire à relâcher trois semaines à Terre-Neuve, cette île désolée, où la nature est si sombre et qui, peut-être, lui inspira plus tard quelques-unes de ses lugubres peintures de l'enfer dans les Martyrs. Arrivé à Philadelphie, il se présenta au grand Washington, auprès duquel une lettre de M. de la Rouerie, qui avait pris part à la guerre de l'Indépendance, lui ménageait un accueil bienveillant. Comme il exposait son projet de découvrir le passage du Nord-Ouest, le président lui représenta l'impossibilité de tenter une pareille entreprise sans expérience et sans appui de la part de son gouvernement, à quoi Chateaubriand répondit « qu'il était plus facile de découvrir le passage que de créer un peuple ». Cette saillie amena un sourire sur la physionomie sérieuse de Washington.

Cependant, il ne paraît pas que Chateaubriand ait cherché à accomplir son projet, car on le voit bientôt visitant les champs de bataille de la guerre de l'Indépendance et les solitudes vierges des Etats-Unis, où il passa près d'un an au milieu de ces peuples sauvages, dont Fenimore Cooper a fait de si vivantes peintures, et qui devaient lui inspirer à lui-même tant de scènes merveilleuses.

Un fragment d'un journal anglais tomba sous ses yeux, un soir qu'il se reposait dans une ferme nouvellement bâtie dans les forêts ; et ce fut à la lueur du foyer qu'il put lire la nouvelle de la douloureuse arrestation de Louis XVI et de la famille royale à Varennes ; il y apprend encore que les émigrés forment une armée dont les cadres sont déjà organisés et qu'ils vont s'unir à l'Europe pour rétablir l'ordre en France. Aussitôt, il se met en route pour unir ses efforts à ceux de ses amis, débarque au Havre en 1792, passe à Paris où il s'arrête à peine quelques jours et rejoint, au mois de juillet, l'armée des princes à Coblentz. Il fait la campagne de 1792, mais il est blessé au siège de Thionville ; sa blessure est aggravée par une maladie contagieuse qui faisait de grands ravages dans l'armée, et il est obligé de se réfugier chez un de ses oncles maternels, à Jersey, qu'il quitta au mois de mai 1793 pour Londres, un des foyers de l'émigration. Une autre version le représente emmené mouront à fond de cale d'un navire contaminé d'Ostende, en Angleterre, « où on l'expose au coin d'une borne à la commisération publique. Les plaies dont il était couvert, son râle d'agonie ne firent pas reculer la charité d'une vieille femme dont les soins rallumèrent le flambeau de cette vie précieuse ».

Il n'échappe à la mort que pour tomber dans la plus affreuse misère, la misère en pays inconnu ; et, bien que sa santé fût loin d'être recouvrée, il dut chercher quelques leçons à donner et quelques traductions à faire, afin de subvenir à ses besoins les plus urgents. Son esprit avait, à ce moment, perdu toute boussole et, dans le désenchantement absolu de son existence, il écrivit un livre des plus sceptiques, Essai sur les Révolutions, qui le fit connaître en Angleterre. Voici le jugement porté par l'auteur lui-même sur ce livre, dans la préface de la deuxième édition : « Cet ouvrage, disait l'auteur, est un véritable chaos ; chaque mot y contredit le mot qui le suit. On pourrait faire de l'Essai deux analyses différentes : on prouverait par l'une que je suis un sceptique décidé, un disciple de Zénon et d'Epicure ; par l'autre, on me ferait connaître comme un chrétien bigot, un esprit superstitieux, un ennemi de la raison et des lumières. On trouve dans cette rêverie de jeune homme une profonde vénération pour Jésus-Christ et pour l'Evangile, l'éloge des évêques, des curés, et des déclamations contre la seconde Rome et contre les moines ; on y rencontre des passages qui sembleraient favoriser toutes les extravagances de l'esprit humain ; le suicide, le matérialisme, l'anarchie, et tout auprès de ces passages, on lit des chapitres entiers sur l'existence de Dieu, la beauté de l'Ordre, l'excellence des principes monarchiques ».

Un coup terrible et providentiel vint le frapper tout à coup dans ses plus chères affections . une lettre d'une de ses soeurs, Mme de Farcy, lui annonçait la mort de leur mère et lui disait, « que le souvenir des égarements de son fils avait répandu sur ses derniers moments une grande tristesse ». Et lorsqu'il reçut cette lettre, celle qui l'écrivait n'était plus ; toutes deux avaient succombé par suite des angoisses et des souffrances de leur emprisonnement. Ce double deuil le ramena brusquement à la foi qu'il avait délaissée ; suivant son expression, il pleura, et il crut.

Bretagne : Histoire, Voyage, Vacances, Location, Hôtel et Patrimoine Immobilier

CHAPITRE II

LE « GÉNIE DU CHRISTIANISME » — GLOIRE LITTÉRAIRE — AMBASSADEUR A ROME —DÉMISSION — VOYAGE EN TERRE SAINTE — « LES MARTYRS »

Depuis ce moment, une grande idée s'empara de son esprit ; il voulut réveiller l'admiration publique pour la beauté éternelle de la vérité de la religion, et conçut le plan de son Génie du christianisme. En 1801, il put rentrer en France, et pour préparer les esprits à l'apparition de l'ouvrage qu'il méditait, il publia, dans le Mercure de France, à la rédaction duquel M. de Fontanes l'avait associé, le roman d'Attala qui n'eut d'abord qu'un succès de ridicule. Mais les éditions ultérieures, qu'il corrigea en tenant compte des critiques, se succédèrent avec rapidité et, bientôt, Attala fut traduit dans toutes les langues de l'Europe. Chateaubriand rompait brusquement avec le genre classique qui ne répondait plus à aucun des sentiments de cette époque ; on signalait dans son oeuvre une intempérance de couleur, une affectation de sentiments qui ne devaient pas tarder à disparaître ; il était encore sous l'influence de l'agitation qui avait rempli sa vie jusque-là ; les paysages d'une végétation si luxuriante des Etats-Unis, la campagne qu'il avait faite dès son arrivée en Europe, sa conversion, son retour en France lui avaient donné une telle multitude de sensations diverses qu'il n'y a pas lieu de s'étonner de l'exubérance de vie que trahissent ses premières oeuvres.

L'opinion s'étant montrée favorable à cette tentative en faveur d'une religion qui venait d'être si persécutée, Chateaubriand se décida à publier, en 1802, le Génie du christianisme, ce livre enchanteur pour les esprits avides de foi et d'admiration, et dans lequel le premier Consul vit un secours fortuit pour son entreprise religieuse : « Il achève et couronne, disait-il, mon oeuvre avec le Pape ». Napoléon comprenait le rôle providentiel de Chateaubriand comme Chateaubriand comprenait le sien lorsqu'il mettait son livre « sous la protection de celui que la Providence avait marqué de loin pour l'accomplissement de ses desseins prodigieux ». Cependant, les philosophes, les classiques et les catholiques instruits ne ménagèrent pas les critiques à ce nouvel ouvrage ; toutes les armes furent employées contre lui : le persiflage, la caricature, le sarcasme, sans pouvoir l'empêcher de se répandre.

Sans doute, le vague qu'avait apporté dans l'esprit de Chateaubriand les doctrines de Rousseau persistait dans sa pensée lorsqu'il écrivait cet ouvrage sur la religion qu'il ne sut d'ailleurs jamais qu'admirer. Mais ce fut là son rôle au sortir de la révolution qui avait détruit toute croyance : admirer et faire admirer l'Eglise ; le Génie du christianisme, dont l'influence fut si étonnante, n'a pas d'autre but que de prouver la beauté de la religion qu'on avait délaissée, et son succès doit être attribué en grande partie à ce vide qui était dans toutes les âmes lorsque le culte de l'Être suprême et de la déesse Raison fut tombé sous le ridicule. « Ce livre, dit M. Léon Gautier, a été l'arc-en-ciel après le grand déluge ». A cette heure, il nous est facile de voir les nombreux défauts de cette œuvre où se coudoient l'ignorance de la religion et la puérilité des raisonnements. Et cependant, elle restera immortelle, car elle apportait avec elle quelque chose de nouveau ; la religion, jusque-là, avait été reléguée dans le sanctuaire et n'avait pas eu le droit d'en sortir ; même au XVIIème siècle, cette époque de foi, le paganisme encombrait les arts et la littérature, et Polyeucte, ce drame admirable, n'enfanta aucune oeuvre du même ordre. Le Génie du christianisme, au contraire, par ses défauts comme par ses qualités, est le précurseur de toutes les oeuvres du XIXème siècle où sont unis le sentiment religieux et l'amour de la nature ; c'est lui qui prépara le succès des Méditations de Lamartine que l'on voudrait plus religieuses encore, comme on voudrait le Génie du christianisme plus profondément chrétien. Ce fut lui pourtant qui ramena à Dieu des milliers d'âmes. Après s'être écrié avec Chateaubriand : Cette religion est d'une beauté surnaturelle, on ne tardait pas à s'écrier aussi. Elle est surnaturellement vraie !

Le Génie du christianisme eut encore un autre mérite : ce fut de faire revivre l'amour du beau dans toutes ses manifestations, qu'elles appartinssent au moyen âge, jusqu'alors si dédaigné, ou à l'antiquité grecque et latine, et nous verrons Chateaubriand persister dans cette double voie : l'enthousiasme de la religion et l'amour du beau.

Ce fut peu après le triomphe du Génie du christianisme que parut cet étrange roman de René, dont l'influence malsaine devait être comparée avec tant de vérité à celle de Werther, de Goethe, influence que l'on retrouve dans Lamartine, Sainte-Beuve, Benjamin Constant, de Musset, Victor Hugo et tant d'autres.

Chateaubriand, laissant derrière lui tous les mécontents qu'avaient faits ses oeuvres, quitta la France pour Rome où l'attirait le plan d'un nouvel ouvrage déjà ébauché dans son esprit. L'année suivante, en 1803, le premier consul, heureux du mouvement religieux qu'il avait suscité en France et qui avait facilité le Concordat, le nommait au poste de premier secrétaire à l'ambassade de France à Rome.

Mais la vie compassée d'une ambassade ne pouvait convenir à cet esprit si ardent ; il ne tarda pas à se brouiller avec le chef de la légation, le cardinal Foesch, et revint aussitôt à Paris. Cette aventure déplut à Bonaparte qui comprit sans doute que cet homme-là du moins ne se laisserait pas dominer facilement ; néanmoins, voulant lui prouver une fois de plus sa bienveillance, il l'envoya comme ministre de France en Valais. Ce fut là que Chateaubriand reçut la nouvelle déplorable de l'assassinat du duc d'Enghien ; saisi d'une légitime indignation, il envoya sur l'heure sa démission au Premier Consul. Ce fut une éclatante protestation, dont l'impression fut d'autant plus profonde qu'elle s'éleva seule au milieu d'un lâche et universel silence. Napoléon ne devait guère la lui pardonner, et cependant, si grande est l'estime qu'inspire un acte de courage, que, à la mort de Joseph Chénier, en 1811, ce fut lui qui indiqua aux membres de l'Académie française le nom de Chateaubriand comme étant celui qui devait réunir leurs suffrages. Mais, quand vint le moment de prononcer son discours de réception, ses collègues, sur l'ordre de l'empereur, refusèrent de l'entendre : il flétrissait le vote du 21 janvier et il osait parler des questions les plus brillantes au lieu des banales formules d'usage ; comme il refusa de son côté d'en modifier l'esprit pour une assemblée de conventionnels et de chambellans, il s'abstint de le prononcer et donna ainsi un nouvel exemple de dignité et d'indépendance.

Depuis sa démission de ministre de France, Chateaubriand ne cessa de faire entendre d'impitoyables vérités à ces hommes qui n'avaient su briser un joug que pour tomber sous un autre plus dur ; il les faisait entendre même à celui qui était alors le maître du monde. Le privilège du Mercure de France ne tarda pas à lui être enlevé, et, plus d'une fois, la liberté de l'écrivain fut même compromise.

Entraîné de nouveau par l'oeuvre qui remplissait son esprit depuis la publication du Génie du christianisme, il réalisa, en 1806, son projet d'un voyage en Orient. Il parcourut de nouveau l'Italie, s'embarqua à Venise pour la Grèce, qu'il s'efforça de visiter avec l'esprit d'un contemporain de Périclès ; puis, après avoir navigué à travers les Cyclades, il aborda à Smyrne, vint ensuite à Constantinople et quitta cette ville étrange pour aller en Palestine avec les sentiments et le but, disait-il, d'un ancien pèlerin. Ses Mémoires d'Outre-tombe nous apprennent que son esprit fut soumis malheureusement alors à de profanes pensées, sans lesquelles il nous eut décrit Jérusalem avec moins d'érudition peut-être, mais avec plus de religieuse émotion. « Il vit Rhodes et ses vieilles tours, Chypre et ses côtes vineuses, le Carmel et ses cèdres balancés dans les régions des tempêtes » ; ayant abordé à Jaffa, il traversa ce désert « qui semble respirer la grandeur de Jéhovah et les épouvantements de la mort », et contempla enfin les Lieux Saints, témoins des divins prodiges et de la Passion douloureuse.

Après avoir exploré la Palestine, plutôt en touriste qu'en pèlerin, il fut attiré par l'Egypte d'où il s'embarqua sur un navire qui, par deux fois, faillit être brisé sur les côtes des Etats barbaresques. Il aborda enfin en Espagne où un épisode romanesque de son voyage lui inspira le Dernier des Aben cérages qui ne parut qu'en 1826, ainsi que les Natchez, dans une édition complète de ses oeuvres ; l'un de ces livres est une oeuvre ennuyeuse et prétentieuse dont l'auteur avait eu l'idée avant de s'embarquer pour l'Amérique en 1791 ; l'autre est une ravissante fantaisie où l'on retrouve ses meilleures qualités d'écrivain.

De retour en France, Chateaubriand, que n'avaient point découragé les discussions dont ses premières oeuvres avaient été l'objet, publia, en 1809, les Martyrs, où il voulut prouver que la religion chrétienne est une source de beauté bien plus abondante que le paganisme et que sa beauté lui est, de plus, infiniment supérieure. Il choisit pour cela un moment où les deux religions étaient en présence et se disputaient encore l'empire du monde : la fin du IIIème siècle, la persécution de Dioclétien. Et, comme décor, il prit les deux pays où le culte païen avait eu le plus de splendeur, la Grèce et Rome. La trame du roman est très simple : « Deux nobles jeunes gens, Eudore et Cymodocée, sont fiancés l'un à l'autre : Eudore qui, rentré dans son pays après un long exil et de folles erreurs de jeunesse, s'est replacé sous le joug de la foi ; Cymodocée, la fille d'un prêtre de Jupiter, qui a appris à aimer Eudore en lui entendant raconter les traverses de sa destinée, et est toute prête à embrasser la religion de celui qui s'est rendu maître de son cœur. Mais voilà que la persécution se déchaîne plus furieuse que jamais contre les chrétiens. Les deux fiancés sont séparés. Après bien des malheurs, ils se retrouveront dans les cachots de Rome, et le Christ les unira dans l'arène où ils verseront ensemble leur sang. Le poète groupe tous les événements et concentre tout l'intérêt de son action épique autour de ces deux jeunes martyrs dont le sacrifice décide le triomphe de l'Eglise » (Histoire de la littérature française, Godefroy). Ce sujet si élevé fournit à Chateaubriand d'admirables scènes, la rencontre d'Eudore et de Cymodocée, le séjour de Démodocus et de sa fille chez le père d'Eudore, l'épisode de Velléda et de très belles descriptions de la Grèce et de l'Italie. Les peintures historiques dont ce livre abonde déterminèrent la vocation d'historien d'Augustin Thierry en excitant son enthousiasme. Quant au but que Chateaubriand se proposait, il l'aurait mieux atteint s'il n'avait voulu créer un merveilleux chrétien de convention pour l'opposer au merveilleux païen ; s'il se fût contenté du surnaturel que la foi nous enseigne, les Martyrs n'eussent pas été déparés par des pages ennuyeuses consacrées à la description d'un paradis où l'on voit « l'ange de l'amitié » et celui « des saintes amours »

Dès leur apparition, les Martyrs provoquèrent contre eux de si étourdissantes clameurs, malgré les pages admirables dont ce livre était rempli, que Chateaubriand en fut, cette fois, ébranlé dans sa foi d'auteur. A ces attaques vinrent s'ajouter les tracasseries de la police impériale, susceptibilisée par des allusions qu'on avait cru remarquer dans le portrait de Galerius et les peintures de la cour de Dioclétien et qu'un traducteur anglais s'était efforcé de mettre en relief.

Il se retira alors au Val-du-Loup près d'Aulnay, et c'est dans cette retraite, qu'il se décida à publier ses notes de voyage, comme étant le meilleur complément des Martyrs, sous le titre de l'Itinéraire de Paris à Jérusalem qui conquit enfin tous les suffrages. Ces Mémoires d'une année de sa vie, comme il se plaisait à appeler l'Itinéraire, sont celles de ses œuvres dont M. Léon Gautier recommande « le plus volontiers la lecture. Ou n'y pourrait peut-être pas signaler une seule périphrase : tout y est dit sans apprêt, bien dit. Un très noble enthousiasme s'y allie facilement à des descriptions savantes et naturelles. C'est une suite de beaux paysages et de dissertations érudites qui ne se font mutuellement aucun tort. Modèle qu'il faut placer sous les yeux des jeunes gens ; livre que Chateaubriand écrivit en se jouant et dont il voulait faire seulement une introduction à ses Martyrs ; cahier de notes qui est devenu un chef-d'œuvre »

Voici la description de Jérusalem, où la ruine de la cité déicide est si caractérisée : « Vue de la montagne des Oliviers, de l'autre côté de la vallée de Josaphat, Jérusalem présente un plan incliné sur un sol qui descend du couchant au levant. Une muraille crénelée, fortifiée par des tours et par un château gothique, enferme la ville dans son entier, laissant toutefois au dehors une partie de la montagne de Sion, qu'elle embrassait autrefois. Dans la région du couchant et au centre de la ville, vers le Calvaire, les maisons se serrent d'assez près ; mais au levant, le long de la vallée du Cédron, on aperçoit des espaces vides, entre autres l'enceinte qui règne autour de la mosquée bâtie sur les débris du temple, et le terrain presque abandonné où s'élevaient le château Antonia et le second palais d'Hérode. Les maisons de Jérusalem sont de lourdes masses carrées, fort basses, sans cheminées et sans fenêtres ; elles se terminent en terrasses aplaties ou en dômes, et elles ressemblent à des prisons ou à des sépulcres. Tout serait à l'oeil d'un niveau égal, si les clochers des églises, les minarets des mosquées, les cimes de quelques cyprès et les buissons de nopal ne rompaient l'uniformité du plan. A la vue de ces maisons de pierres, renfermées dans un paysage de pierres, on se demande si ce ne sont pas là les monuments confus d'un cimetière au milieu d'un désert. Entrez dans la ville, rien ne vous consolera de la tristesse extérieure ; vous vous égarez dans de petites rues non pavées, qui montent et descendent sur un sol inégal, et vous marchez dans des flots de poussière ou parmi des cailloux roulants. Des toiles jetées d'une maison à l'autre augmentent l'obscurité de ce labyrinthe ; des bazars voûtés et infects achèvent d'ôter la lumière à la ville désolée ; quelques chétives boutiques n'étalent aux yeux que la misère ; et souvent ces boutiques mêmes sont fermées dans la crainte du passage d'un cadi. Personne dans les rues, personne aux portes de la ville ; quelquefois seulement un paysan se glisse dans l'ombre, cachant sous ses habits les fruits de son labeur, dans la crainte d'être dépouillé par le soldat ; dans un coin, à l'écart, le boucher arabe égorge quelque bête suspendue par les pieds à un mur en ruines ; à l'air hagard et féroce de cet homme, à ses bras ensanglantés, vous croiriez qu'il vient plutôt de tuer son semblable que d'immoler un agneau. Pour tout bruit, dans la cité déicide, on entend par intervalle le galop de la cavale du désert : c'est le janissaire qui apporte la tête du Bédouin ou qui va piller le fellah ».

Le génie de Chateaubriand allait bientôt prendre une nouvelle direction ; c'est dans sa retraite du Val-du-Loup que vinrent le surprendre les événements de 1814 qui allaient changer si brusquement sa vie en faisant de l'écrivain un homme politique.

Bretagne : Histoire, Voyage, Vacances, Location, Hôtel et Patrimoine Immobilier


CHAPITRE III

VIE POLITIQUE — « LE CONSERVATEUR » — MINISTRE — AMBASSADEUR A LONDRES — NOUVELLES ŒUVRES LITTÉRAIRES


Nous avons vu que, pendant les dernières années de l'empire, Chateaubriand avait encouru la disgrâce de Napoléon par son attitude indépendante, et que, en retour, il ne cessait de faire entendre à ce maître absolu des vérités cruelles. Lorsque l'empereur eut abdiqué, il lança sa fameuse brochure Bonaparte et les Bourbons, dont l'effet fut extraordinaire ; Louis XVIII disait qu'elle valut pour lui une armée de cent mille hommes. Chateaubriand évoquait toutes les victimes de l'ambition d'un seul homme et changeait en horreur l'admiration inspirée jusqu'alors par cette gloire qu'il montrait si sanglante ; il lui comparait les Bourbons dont il célébrait la clémence et vantait l'ère de paix qui allait s'ouvrir enfin. Il est à regretter que le grand écrivain ait mêlé à une indignation légitime contre bien des abus, des sentiments de rancune personnelle et les mesquines jalousies de la vanité.

Louis XVIII, esprit formaliste et froid, n'eut jamais de sympathie pour Chateaubriand ; cependant, le service rendu était si éclatant qu'il lui confia la légation de Suède. Le nouvel ambassadeur n'était pas encore parti pour Stockholm lorsqu'on apprit le retour de l'île d'Elbe ; il suivit à Gand Louis XVIII, rentra en France avec lui après Waterloo et fut créé pair de France. Voulant apprendre ce que devait être une monarchie libérale et constitutionnelle à ceux qui, revenant d'émigration, songeaient à rétablir toutes choses selon l'ancien ordre, et qui voulaient une forte répression envers tous les hommes néfastes qui avaient contribué aux crimes de la Révolution, il publia Le Roi, la Charte et les honnêtes gens et le plus important de ses ouvrages politiques : La Monarchie selon la Charte.

Voici comment M. Duvergier de Hauranne résume les idées de Chateaubriand contenues dans ce livre : « De ce que la Charte déclarait le roi inviolable et les ministres responsables, M. de Chateaubriand concluait que rien ne procédait directement du roi dans les actes du gouvernement, et qu'au lieu d'être de simples exécuteurs de la volonté royale, les ministres devaient rester libres dans leurs jugements et maîtres de leurs actions. De ce que les ministres ne pouvaient rien faire d'important sans l'assentiment de la Chambre des députés, il concluait qu'ils devaient sortir de la majorité, se concerter avec elle, et lui rendre compte de tous leurs actes ; et, ces prémisses une fois posées, il en déduisait fortement toutes les conséquences : l'initiative abandonnée aux Chambres, ou du moins partagée avec elles, le droit d'amendement sans limites, la publicité des séances, même pour la Chambre des pairs, l'union et la solidarité du ministère, la liberté de la presse surtout, sans laquelle le gouvernement représentatif n'existe pas » (Histoire du gouvernement parlementaire, Tome II).

En un mot, Chateaubriand réclamait la Constitution à peu près telle qu'elle existe maintenant. Ces idées libérales lui avaient été inspirées par la constitution anglaise que l'Angleterre admira idéalisée dans ce livre dont le succès en Europe fut immense. Mais il contribua à accroître l'éloignement que Chateaubriand inspirait à Louis XVIII, et le duc de Berry ayant dit que ce livre « devrait être écrit en lettres d'or », on raconte que le roi s'écria qu'il demandait à Dieu « la force nécessaire peur pardonner à l'enfant égaré qui venait de prononcer ces cruelles paroles ».

A ce moment et pour vulgariser ces opinions, Chateaubriand fonda le journal le Conservateur qui remua l'opinion à ce point que la majorité fut déplacée à la Chambre, et que l'esprit des cabinets dut se transformer. La mort douloureuse du duc de Berry, en 1820, fit cesser cette campagne de presse, et, dans la première émotion qu'il éprouva de ce nouveau crime, Chateaubriand publia les Mémoires, lettres et pièces authentiques touchant la vie et la mort du duc de Berry.

C'est dans ce volume nouveau qu'il entrevit les conséquences fatales de l'état des choses et des esprits de son temps. « Il s'élève derrière nous une génération impatiente de tous les jougs, ennemie de tous les rois ; elle rêve la République, et est incapable, par ses moeurs, des vertus républicaines. Elle s'avance, elle nous presse, elle nous pousse : bientôt, elle va prendre notre place ». Depuis lors, Chateaubriand cessa peu à peu de craindre cette génération nouvelle qui entrait si bien dans ses idées libérales, et on le vit entraîné vers elle par les tendances de son esprit, tandis que ses affections l'attachaient de plus en plus à la famille royale ; c'est ce qui explique la contradiction de tant de ses actes.

En 1821, Louis XVIII, pour l'éloigner du pouvoir au moment où ses amis y arrivaient, le nomma ministre à Berlin ; puis, peu après, ambassadeur à Londres. Les plus grands esprits humains n'étant pas à l'abri de la vanité, on raconte qu'il disait alors pour se montrer supérieur à ses fonctions : « On nous croit fort occupés, nous ne faisons rien, nous engraissons tous à vue d'oeil, et nous sommes obligés de faire élargir nos ceintures ». Il était fort occupé cependant à empêcher une guerre avec l'Espagne, qui aurait pu nuire aux bons rapports de la France et de l'Angleterre. Au Congrès de Vérone, ses idées sur ce point étant d'accord avec celles de M. de Villèle, il fut appelé au ministère des Affaires étrangères ; malheureusement, il était trop tard pour empêcher la guerre qui était devenue imminente à la fin de 1822. Comme ministre, Chateaubriand se laissa trop aller aux circonstances, ne pesant pas suffisamment les résultats de la campagne afin qu'elle pût être profitable. Il n'avait pas non plus l'ambition qui donne tant de ténacité aux hommes politiques, car il avait connu la gloire dès sa jeunesse. Sans doute aussi, il se rendait compte que, par les divergences qui existaient entre son esprit et son coeur, il avait peu d'influence sur ses amis, alors même qu'il était le plus puissant contre ses ennemis.

En 1824, son ministère lui fut soudain enlevé et il s'en plaignit amèrement, disant qu'il avait été chassé « comme un laquais qui aurait volé la montre du roi sur sa cheminée ». Ce fut une grande faute qui sépara du gouvernement le Journal des Débats, l'un des principaux journaux périodiques que la jeunesse de cette époque lisait avidement. Chateaubriand commença alors, par les Lettres à un pair de France, une opposition plus violente encore que celle du Conservateur ; la polémique contre lui se faisant chaque jour plus amère, lui-même dépassait chaque jour le but qu'il s'était proposé la veille, et comme bientôt les réalités que dissimulait la Constitution allaient être plus fortes que la Constitution, le grand écrivain se vit entraîné à renverser ce qu'il avait aidé à édifier, alors qu'il voulait seulement reconquérir le pouvoir. Le ministère de M. de Villèle tomba sous ses coups et M. de Martignac, qui lui succéda, écarta Chateaubriand en lui donnant le poste d'ambassadeur à Rome ; à ce moment, il fut à l'apogée de sa renommée ; une édition complète de ses oeuvres avait paru en 1826 et renouvelé sa gloire littéraire, tandis que sa carrière politique devenait éclatante et sa popularité immense. Quand la monarchie, en créant le ministère du 8 août, alla au-devant de sa ruine, Chateaubriand, ne voulant pas s'associer à ce suicide, donna, sa démission.

En 1830, lorsque la révolution éclata, il était à Paris « en pleine possession de sa popularité d'homme d'opposition », dit Nettement. Comme il se rendait à la Chambre des pairs où l'on devait discuter des projets d'un nouveau gouvernement, des jeunes gens des écoles l'ayant rencontré le portèrent en triomphe. Les sentiments d'affection qui le liaient au roi et à sa famille et ses idées personnelles se manifestèrent à la fois dans son magnifique discours à la Chambre des pairs, où il foudroyait de son éloquence les ordonnances de Juillet, en même temps qu'il soutenait les droits du duc de Bordeaux. Il écrivait : « L'idée monarchique manque au moment même où manque le monarque ; on ne trouve plus autour de soi que l'idée démocratique. Mon jeune roi emportera dans ses bras la monarchie du monde ; c'est bien finir ». Il avait lui-même contribué à faire disparaître l'idée monarchique et triompher l'idée démocratique tout en ayant l'intention de soutenir la monarchie.

Nous lisons dans l'Histoire de la littérature française sous le gouvernement de Juillet, par Nettement : « Immédiatement après 1830, le grand écrivain polémique reparaît. Il retrouve la plume ardente, injurieuse, avec laquelle il a tracé, quinze ans plus tôt, son formidable pamphlet de Bonaparte et les Bourbons. Il est plein de confiance encore dans la puissance de son génie. Il prend l'offensive contre le gouvernement de Juillet, et l'attaque, avec une verve implacable, dans ses origines et dans ses actes, chaque fois qu'il en trouve l'occasion. Il frappe sans relâche, avec toute l'ardeur d'un soldat qui combat pour la victoire. Puis le temps s'écoule, ses espérances diminuent, et enfin, s'évanouissent. Alors, il cesse à peu près cette guerre inutile, et quand il reprend sa plume, c'est plutôt pour justifier le passé que pour attaquer le présent ».

Ailleurs. M. Nettement rappelle « ce pamphlétaire de génie, qui, dans un style tourmenté mais étincelant de métaphores, d'un tour chevaleresque et d'une haute couleur, ameutait contre, la politique mitoyenne où le nouveau régime était obligé de se maintenir, toutes les passions de son temps, la logique de tous les principes et tous les souvenirs de notre histoire ». Celles de ses brochures qui tirent le plus de bruit sont intitulées : De la Restauration et de la Monarchie élective et De la nouvelle proposition relative au bannissement de Charles X et de sa famille, publiées, l'une au commencement, l'autre à la fin de 1831.

Chateaubriand, sans avoir de journal à lui, devint cependant alors la plus haute personnification de la presse ; une seule de ses brochures suffisait à alimenter des discussions et des luttes passionnées entre les journaux des opinions les plus diverses. Il visait toujours, comme dans tous ses écrits politiques, à se créer un style absolument différent de celui de ses oeuvres littéraires, n'employant que les mots techniques lorsqu'il traitait de finances ou de législation ; il ne put cependant arriver à supprimer cette éloquence entraînante, cette puissante imagination qui étaient le fond même de son génie.

En même temps, il reprenait ses travaux d'histoire et publiait, en 1831, ses Etudes historiques en quatre volumes, où il montrait le grand rôle social joué dans le monde par l'Eglise et préparait son Essai sur la Littérature anglaise, qui parut en 1836.

Dans ce livre, il prédit les conséquences que devait amener forcément parmi nous une aveugle admiration de Shakespeare. On croirait vraiment qu'il lutte contre l'école réaliste actuelle lorsqu'il écrit : « Cette passion pour les bancroches, les culs-de-jatte, les borgnes, les moricauds, les édentés, et cette tendresse pour les verrues, les rides, les escarres, les formes triviales, sales, communes, sont une dépravation de l'esprit ; elle ne nous est pas donnée par cette nature dont on parle tant ! Nous préférons naturellement une rose à un chardon, la baie de Naples à la plaine de Montrouge, le Panthéon à un toit à porcs ; il en est de même au figuré et au moral. Arrière donc cette école animalisée et matérialisée qui nous mènerait dans l'effigie de l'objet à préférer notre visage moulé avec tous ses défauts par une machine, à notre ressemblance produite par le pinceau de Raphaël ! ». Les deux volumes des Essais annonçaient au public sa traduction du Paradis perdu de Milton, qu'il voulut trop littérale, ce qui lui coûta un travail énorme pour un résultat peu satisfaisant.

Le Voyage d'Amérique, publié en 1834, dont tout le monde connaît les pages poétiques consacrées au Meschacébé, est inférieur, par la vérité des descriptions, au Voyage en Italie, où il compare la Rome des Empereurs à la Rome des Papes.

En 1832, quand le choléra décimait la capitale, ce fut à Chateaubriand que la duchesse de Berry remit une somme de mille francs pour chacun des douze arrondissements de Paris, et comme les maires eurent l'impudence de les refuser, il écrivit une de ces brochures vengeresses qui agitèrent si fortement l'opinion. Puis, la duchesse ayant été arrêtée à Nantes, il se présenta devant le tribunal qui allait la juger, et dit à la mère du jeune duc de Bordeaux cette courageuse parole : « Madame, votre fils est mon roi ».

En 1833, il se rendit auprès du vieux roi Charles X, et le récit qu'il fait de son voyage est une de ses pages les plus touchantes : « La dernière fois que je vis les proscrits de Rambouillet, c'était à Buschtierad, en Bohême ; Charles X était couché, il avait la fièvre ; on me fit entrer de nuit dans sa chambre ; une petite lampe brûlait sur la cheminée ; je n'entendais, dans le silence des ténèbres que la respiration élevée du trente-cinquième successeur de Hugues-Capet. Mon vieux roi ! votre sommeil était pénible ; le temps et l'adversité, lourds cauchemars, étaient posés sur votre poitrine .... En marchant d'un pied furtif vers votre couche solitaire, du moins je n'étais pas un mauvais songe, comme celui qui vous éveilla pour aller voir expirer votre fils ! Je vous adressais intérieurement ces paroles, que je n'aurais pu prononcer tout haut sans fondre en larmes : Le ciel vous garde de tout mal à venir, dormez en paix cette nuit avoisinant votre dernier sommeil ! Assez longtemps, vos vigiles ont été celles de la douleur ; que ce lit de l'exil perde sa dureté en attendant la visite de Dieu ! Lui seul peut rendre légère à vos os la terre étrangère ».

Quelques années plus tard, en 1838, Chateaubriand publia le Congrès de Vérone, fragment de ses Mémoires qui ne devaient paraître qu'après sa mort. Ce livre était une justification des principaux actes de la politique extérieure de la Restauration ; il eut un retentissement immense dans toute l'Europe, étonnée qu'on mit au jour les secrets de sa diplomatie : on y trouve des portraits pris sur le vif, des scènes politiques très vivantes, enfin, une peinture tour à tour sobre et brillante des hommes et des choses de ce temps. Déjà, l'on entrevoit dans cet ouvrage l'amère désillusion qui envahit peu à peu l'âme de Chateaubriand, et qui se manifeste dans tant de pages des Mémoires d'outre-tombe.

Les dernières années de sa vie, pendant lesquelles il vit grandir la renommée de ses rivaux, s'écoulèrent pour lui dans la retraite, où il complétait ses souvenirs commencés à la Vallée-du-Loup, en 1811, et continués dans les lieux les plus divers. De temps en temps, il en lisait quelques pages dans les salons de Mme Récamier, à quelques amis dévoués et à quelques jeunes gens que son génie remplissait d'admiration.

Si, « dans ses Mémoires, dit Nettement, trop souvent retouchés et raturés pendant les années ingrates d'une vieillesse chagrine qui faisait entrer tout homme et toute chose dans ses ombres, ses amis les plus respectueux auraient voulu effacer de nombreuses pages, du moins, il n'hésita jamais, dans sa conduite, devant un devoir d'honneur clairement marqué ». Lorsque, dans les derniers mois de 1843, il reçut une lettre affectueuse de M. le comte de Chambord, qui le conviait à devenir son hôte à Londres, rien ne put le retenir, ni les objections des écrivains républicains, distributeurs redoutés de cet enivrant breuvage de la popularité dont il était si altéré, ni les insinuations bienveillantes de ses amis qui étaient dans le camp du gouvernement de Juillet, ni les rigueurs de la saison, ni les infirmités de l'âge. Après avoir lu la lettre du prince, il mit fin à toutes les observations en nous disant : « Après une pareille lettre, il suffit d'être en vie pour partir coûte que coûte, et si l'on était mort, il faudrait s'y faire porter dans son cercueil »

Puis, après ce voyage, après les paroles du prince, qui avait réuni dans la même formule les principes monarchiques et les libertés nationales, Chateaubriand, résumant les impressions de son séjour, adressait au petit-fils de saint Louis cette lettre de quelques lignes qui fut comme le testament de l'écrivain politique ; car, à partir de ce moment, il se renferma dans ses Mémoires d'outre-tombe et cessa d'agir sur les affaires de son temps : « Les marques de votre estime me consoleraient de toutes les disgrâces ; mais exprimées comme elles le sont, c'est plus que de la bienveillance pour moi, c'est un autre monde qu'elles découvrent, c'est un nouvel univers qui apparaît à la France. Je salue avec des larmes de joie l'avenir que vous annoncez. Vous, innocent de tout, à qui on ne peut rien opposer que d'être descendu de la race de saint Louis, seriez-vous donc le seul malheureux parmi la jeunesse qui tourne ses yeux vers vous ? Je vais revoir la France : plus heureux que vous ! c'est le seul reproche que vous ayez à adresser à votre patrie. Non, prince, je ne puis jamais être heureux tant que le bonheur vous manque. J'ai peu de temps à vivre, et c'est ma consolation. J'ose vous demander après moi un souvenir pour votre vieux serviteur ».

Bretagne : Histoire, Voyage, Vacances, Location, Hôtel et Patrimoine Immobilier

CHAPITRE IV

LA MORT


Nous empruntons encore à Nettement le récit des dernières années du grand écrivain: « A l'époque où la presse de droite de tous les départements de France tint des Congrès généraux à Paris, des députations venaient saluer l'illustre écrivain en qui se personnifiait la liberté de la presse. Puis, quand un événement surgissait, quand une situation nouvelle s'ouvrait, les écrivains qui soutenaient le poids de la bataille aimaient à aller consulter ce glorieux vétéran de la presse qu'ils regardaient toujours comme leur général. Ils s'exposaient ainsi à de pénibles mécomptes. Ils étaient allés chercher chez celui qu'ils regardaient comme le père de la littérature du XIXème siècle et comme le chef de la presse de droite, des encouragements, des avis, surtout des espérances, car l'espérance est nécessaire aux soldats de la pensée comme aux soldats de l'épée ; ils revenaient l'âme navrée par des paroles de découragement. M. de Chateaubriand, dans cette dernière phase de sa vie, ressemblait à un prophète de malheur qui, assis sur des ruines, prédisait que jamais elles ne se relèveraient. L'abaissement, la décadence, les cataclysmes de l'Europe, une période sans nom où l'on ne verrait plus ni grands talents, ni grands caractères : tel était le thème ordinaire de ses lugubres prophéties. Plus d'une fois, les écrivains de son parti furent obligés de supplier l'éloquent pessimiste de leur laisser le courage dont ils avaient besoin pour soutenir les luttes de la journée. C'est ainsi que, toujours inaccessible aux séductions de la fortune, " désabusé sans cesser d'être fidèle ", comme il nous l'écrivait, mais s'enveloppant de plus en plus dans les ombres de la tombe dont il aimait à parler, il descendit les dernières années de sa vie ».

Enfin, la mort vint le prendre en 1848, au milieu d'une révolution nouvelle, et passa presque inaperçue dans cette crise qui venait prouver la justesse de ses plus tristes prévisions.

Il laissait de sa piété et de celle de sa femme, morte un an avant lui, un souvenir plus précieux devant Dieu que tous les chefs-d'oeuvre littéraires : « l'infirmerie Marie-Thérèse, destinée à recueillir les prêtres vieux et infirmes ». Ce fut là qu'il rendit le dernier soupir.

Chateaubriand, après sa conversion, avait presque toujours été fidèle aux pratiques religieuses. On se souvient qu'un jour, à la tribune, il fut vivement interpellé par un de ses collègues. Le puissant orateur venait de parler avec feu de la beauté de la religion et de l'obéissance qu'on lui doit : « Pure théorie que tout cela ! cria quelqu'un à gauche. M. de Chateaubriand pourrait-il nous dire le nom de son confesseur ? ..... Mon confesseur, c'est M. le Curé de Saint-Sulpice, reprit sans se troubler l'auteur du Génie du Christianisme. C'est une bonne connaissance à faire et je la conseille à mon honorable contradicteur ».

Après sa mort, parurent les Mémoires d'outre-tombe. On y retrouve encore tous les dons de son génie, l'éloquence, la couleur, le pittoresque, le charme qui faisait dire à son ami Joubert : « Son rôle est d'enchanter ». Mais, parfois, voulant ajouter un ton nouveau à des tableaux achevés, il leur donnait une couleur un peu criarde qui dépare quelques pages ; d'autres sont bien amères et témoignent des blessures qu'il reçut lorsqu'il fut entré dans les luttes politiques.

Aujourd'hui, les Mémoires d'outre-tombe sont les plus lus des ouvrages de Chateaubriand. M. Faguet en donne ainsi la raison : « C'est à la tragédie de notre propre nature que nous nous intéressons dans le monologue tragique de Chateaubriand ». — « C'est aussi, ajoute M. de Vogüe, au plus beau des romans historiques, avec un héros central toujours en action, avec mille comparses toujours vivants. Les apprêts de style, qui nous laissent froids, quand Chateaubriand les plaque sur une oeuvre d'art pur, nous émeuvent dans les Mémoires, parce qu'ils sont ici des armes décrochées de la panoplie pour un combat sanglant. Qu'importe s'il y a un masque, et s'il est mal attaché, comme le dit Sainte-Beuve ? C'est un intérêt de plus, et le masque ne dissimule guère les véritables jeux de physionomie. Pour ma part, je verrai toujours la première moitié de notre siècle, les événements et les hommes, dans les arrangements majestueux de lignes et de couleurs où l'immortel peintre les a saisis. Ils étaient autres, dites-vous ? Ils avaient tort. Chateaubriand aura toujours une des premières places dans l'histoire de notre littérature, à cause des magnifiques dons de son intelligence, et de l'influence considérable qu'il exerça sur tous les esprits de son temps. Napoléon avait construit la maison sociale du siècle avec son Code ; Chateaubriand, la maison idéale, avec son Génie. Le monde nouveau ruinera de la même poussée les deux maisons. Le Génie du christianisme qu'on lui fera — et on le lui fera — sortira d'un laboratoire, il sera le contraire de l'autre. Un savant, un grand savant, peut seul s'en charger. Demander ce livre à un écrivain d'imagination, à un lettré, à un érudit même, c'est demander un pastiche ridicule et inutile ; Chateaubriand souffrira une éclipse, car sa grandeur et sa beauté n'ont pas de commune mesure avec la grandeur et la beauté qui s'élaborent présentement. Plus tard, les reflux historiques lui ramèneront sans doute des lecteurs. Mais ne dut-il rester de lui qu'un nom, une influence longuement subie, — et combien de grands écrivains n'ont pas laissé davantage ! — ce sera le nom et l'influence du père spirituel de ce siècle, de l'homme qui l'a le plus et le mieux pétri, après Napoléon » (E. M. de Vogüe - Heures d'histoire).

Bretagne : Histoire, Voyage, Vacances, Location, Hôtel et Patrimoine Immobilier

CHAPITRE V

CONCLUSION


Et maintenant, si l'en nous demande ce que fut comme homme ce grand écrivain, nous dirons qu'il lui manqua de faire passer sa foi dans ses actes. Il ne comprit pas peut-être pourquoi Joubert disait à Mme Récamier : « Dites-lui que nous comptons sur Chateaubriand pour nous faire aimer la religion et non sur la religion pour nous faire aimer Chateaubriand ». S'il avait voué sa vie d'une manière absolue à faire aimer la religion qui l'avait consolé dans une dure épreuve, il se fut peu à peu détaché de lui-même et aurait goûté la paix que son coeur ne connut jamais ; nous l'avons vu, en effet, rechercher dans sa vie toutes les jouissances, et, quand la jeunesse le quitte, le désir du pouvoir qui s'empare de lui, mais du pouvoir en tant que jouissance nouvelle, et non pour faire triompher de justes idées, car il était trop clairvoyant pour ignorer que le désaccord qui existait entre son esprit et son cœur le condamnait à l'impuissance.

Chateaubriand était au fond plus homme d'action qu'écrivain ; en d'autres temps, il fût entré dans la marine ou dans l'armée ; tandis qu'on ne se figure pas le plus grand nombre des écrivains occupés à d'autres choses qu'à leurs œuvres, pour lui, il semble que la période la plus naturelle de sa vie est celle où on le voit dans l'armée des émigrés. Il écrivit d'abord pressé par la misère, plus tard ce fut par besoin d'agir, pour faire triompher ses idées ; devenu homme politique, « il cesse d'écrire, autrement que pour porter des coups. Il ne revint dans la suite au métier que pour réparer ses finances ou pour préparer silencieusement son mausolée, les Mémoires ».

En politique, il est curieux de le comparer à Talleyrand, cet homme incomparable comme diplomate, mais qui « ne voyait pas à dix ans devant lui ». On se rend compte, en effet, par ses Mémoires récemment parus, que Talleyrand ne comprit rien à la Révolution, tandis que Chateaubriand, qui pouvait se tromper sur le moment où il vivait, ne s'est jamais mépris sur la direction nouvelle que prenait l'esprit des peuples. « Reconnaissons d'ailleurs qu'il était difficile à un gouvernement d'écouter la voix de ce conseiller quinteux, cette voix qui répétait chaque jour aux Bourbons : " Si vous êtes remontés sur le trône, c'est par ma grâce " ». Comme elle eût dit volontiers à Dieu : « Si vous êtes rétabli dans le ciel, c'est par mes soins »

Dans ses œuvres, sa personnalité domine et prend une extension sans cesse plus considérable, jusqu'au moment où dans ses Mémoires d'outre-tombe, elle prend définitivement la première place. « On conçoit que Rousseau s'absorbe dans sa vie qui, comme celle de son temps, fut peu féconde en grands événements ..., Mais Chateaubriand ! que n'a-t-il pas vu ! A combien de spectacles, d'événements formidables n'a-t-il pas assisté, devant lesquels toute personnalité ne peut se trouver que petite, chétive, misérable ! Qui oserait alors songer à soi ? qui ne se sentirait noyé, submergé ? Qui ? Chateaubriand lui-même. Il n'est pas loin de croire que tout cela a été disposé pour servir de cadre à M. de Chateaubriand. En tout cela, il n'a suivi avec intérêt qu'un seul acteur : lui, toujours lui. Il se met en parallèle avec Bonaparte ; il compare sa destinée à celle de ce colosse ; il croit que le monde a les yeux fixés sur eux .... Il oublie qu'il a glorifié le Cyrus, restaurateur des autels, son bienfaiteur ; il l'insulte quand il est tombé et le calomnie. Celui-ci, cependant, qui ne se doutait guère de ce rival, rendait justice à l'artiste et écrivait de Sainte-Hélène : " Chateaubriand a revu de la nature le feu sacré : ses ouvrages l'attestent. Son style n'est pas celui de Racine, c'est celui du prophète. Il n'y a que lui au monde qui ait pu dire impunément à la tribune des pairs que la redingote grise et le chapeau de Napoléon, placés au bout d'un bâton sur la côte de Brest, feraient courir l'Europe aux armes " (La littérature française au XIXème siècle, Paul Albert) ».

Chateaubriand n'a donc jamais poursuivi qu'un but : sa glorification personnelle ; la vanité, c'est bien, en effet, le côté inférieur de son intelligence, et il fut ainsi jusqu'à la fin. Sainte-Beuve raconte une visite de Lamartine à Mme Récamier à laquelle il assistait, ainsi que Chateaubriand, qui ne dit pas un mot, malgré les efforts de Mme Récamier pour l'amener à faire un banal compliment au jeune homme que les Méditations et Jocelyn venaient de rendre célèbre ; dès que Lamartine fut sorti, Chateaubriand s'écria : « Le grand dadais ! ». Sainte-Beuve disait aussi que vieillir fut le seul malheur dont Chateaubriand fut vraiment accablé et il rapporte l'anecdote suivante : « Vous me paraissez bien triste aujourd'hui, lui disait un matin Mme de Pastoret, en le rencontrant seul dans une allée du parc de Champlâtreux. — Ah ! madame, vous l'avouerai-je répondit-il ; il m'arrive aujourd'hui un grand malheur. — Et quoi donc ? — C'est que j'ai aujourd'hui quarante ans ». Et Sainte-Beuve ajoute malicieusement : « Il voulut du moins se donner ces malheureux quarante ans un peu plus tard que nature ». Son tombeau lui-même le distinguera de la foule avec laquelle il ne voulut point être confondu ; ce sera sur les côtes de Bretagne, sur un rocher isolé et battu par les vagues, qu'il dormira son dernier sommeil.

Mais, comme l'homme ne se recherche pas impunément lui-même, Dieu permettant qu'il ne trouve alors que lui-même, c'est-à-dire le vide et le dégoût, Chateaubriand porta sans cesse en lui un incommensurable ennui. Il ne pénétra jamais jusqu'au coeur de l'Eglise catholique, et un de nos grands critiques a pu dire : « Sur le recueil des œuvres qu'il consacra à la défense de la vérité et de l'Eglise, on pourrait écrire : Vues du dehors ».

Sa justification est dans le souvenir de ses années de jeunesse passées dans une cour où la légèreté et l'esprit philosophique avaient fait bien des ravages, puis errantes en Amérique, en Allemagne, en Angleterre, sans qu'il rencontrât sur sa route une âme dont la foi fût forte et éclairée. Son rôle fut providentiel ; sans doute, ce serait aller trop loin que de dire qu'il sauva l'Eglise de France, mais il lui rendit son prestige.

« On crut assister à une renaissance. Quelle merveilleuse galerie de tableaux il déroulait aux yeux ! Le moyen âge, ce grossier moyen âge tant décrié, ressuscitait et apparaissait étincelant de foi naïve et de poésie. Ses moeurs héroïques, ses amours chevaleresques, son art à la fois mystérieux, enfantin et profond, ce gothique si méprisé jusqu'alors, ces tournois, ces castels, ces palefrois, ces devises, tout ce qui brille, et miroite, et éblouit, était évoqué à la fois et créait l'enchantement. Puis, c'était le culte avec ses magnificences qui allait renaître, les cérémonies au sens profond ou naïf ; les longues et majestueuses processions dont le cortège blanc se déroulait par les rues, sur les places et jusque dans les champs, comme les ambarvales antiques ; l'appel sonore de la cloche, tantôt joyeuse et jetant à l'aurore ses volées carillonnantes, tantôt lente et lugubre comme un sanglot qui éclate ; ces hospices ouverts à la souffrance, ces cloîtres où venaient s'ensevelir les blessés de la vie ..... Que de merveilles oubliées et méconnues renfermait cette religion que la voix des sophistes avait flétrie, que la colère du peuple avait anéantie et que le génie d'un grand homme allait ressusciter ! » (Paul Albert).

Quels regrets n'éprouve-t-on pas en songeant à ce qu'eût été Chateaubriand profondément chrétien, et combien son influence eût pu transformer et vivifier l'esprit de notre siècle qu'il ne sut conduire que jusqu'à la porte du sanctuaire, où sa meilleure gloire maintenant, est d'avoir amené des âmes qui, elles, ne se refusèrent pas à entrer.

Henry Manayre. 

GENEALOGIE de CHATEAUBRIAND (J. Auffret).

Généalogie de François-René de Chateaubriand. Généalogie de François-René de Chateaubriand.

© Copyright - Tous droits réservés.