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DÉLIBÉRATIONS DE CHÂTEAUGIRON EN 1788 ET 1789

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DÉLIBÉRATION du 23 novembre 1788.
(Arch. commun. de Rennes, Cart. des Affaires de Bretagne, E ; impr., Bibl. Nat., L.b39 702).

Nous soussignés délibérants, formant le corps politique du général de la ville et paroisse de Châteaugiron, ecclésiastiques, bourgeois, marchands, fabricants, artisans [Note : Le mot artisans manque dans l'imprimé] et autres habitants de la même ville, instruits, par la voix publique, des louables efforts que font, en ce moment, les différentes municipalités de la province pour parvenir à la régénération si nécessaire de l'ordre du Tiers, nous nous sommes assemblés extraordinairement, pour nous occuper, à leur exemple, de cet important objet ; et convaincus, par une longue et triste expérience, que la prépondérance démesurée de l'ordre de la noblesse a totalement rompu l'équilibre qui, dans toute société réglée, doit balancer les différentes classes qui la composent, et a fait dégénérer la Constitution de la province en une aristocratie oppressive pour le peuple ;

Que l'ordre de l'Eglise, sans intérêt direct aux charges de la province et n'assistant aux Etats que par des représentants nobles, rentre naturellement dans l'ordre de la noblesse et forme, avec lui, une coalition funeste à l'ordre du Tiers, dont l'asservissement est d'ailleurs une conséquence nécessaire du vice de sa constitution ;

Que les campagnes, ce premier objet des soins de toute administration éclairée, y sont sans représentants ; qu'aussi le laboureur, accablé sous le poids de la corvée et de toutes les autres charges, loin de prendre confiance dans une assemblée qui ne l'a jamais protégé efficacement, ne l'envisage qu'avec inquiétude et n’en parle que dans des termes qui peignent avec énergie l'excès de son découragement [Note : C'est Jean Guestré qui paiera tout…. (note du texte)].

Que plusieurs villes et grosses bourgades telles que celle-ci, plus peuplées du double et même du triple que d'autres villes qui députent aux Etat, et singulièrement intéressante par sa fabrique de toiles à voiles, n’y sont point représentées ;

Que, parmi le petit nombre de représentants auxquels les intérêts du peuple sont confiés, les uns et souvent le président même sont nobles et intéressés à le trahir ; que plusieurs autres, aspirant à la noblesse, se ménagent, par un servile dévouement, l'agrégation à l'ordre privilégié ;

Qu'à peine reste-t-il, pour le peuple, quelques membres isolés, sans énergie et sans force, pour réclamer et faire valoir ses droits ;

Qu'enfin la représentation du Tiers est inefficace et nulle ;

Que, par une suite déplorable de ce malheur, les charges de l'Etat ont été entassées sur la tête du peuple, et sa condition tellement dégradée, que toute famille plébéienne, qui parvient à une fortune médiocre, s'empresse d'en sortir, en passant dans la classe noble, soit par la voie des anoblissements mis à l'encan, soit par des alliances aussi fréquentes qu'elles sont ordinairement malheureuses ; de sorte qu'une classe qui, dans le dix-huitième siècle, professe encore la maxime barbare du mépris du travail et de l'industrie, n'en parvient pas moins à pomper et à concentrer chez elle toutes les richesses de la province, et, ce qu'il y a de plus injuste, à les posséder presque sans contribution aux charges publiques, ne laissant au peuple que l'humiliation, la misère et les impôts ;

Que c'est sous ce régime destructeur que le peuple, en Bretagne, est tombé, sous tous les rapports, dans cet état d'abâtardissement et d'inertie, qui frappe toujours les yeux des étrangers qui voyagent parmi nous ;

Que cependant la noblesse, ne formant plus, comme autrefois, la caste de guerriers, puisque, comme le simple soldat plébéien, qu'elle a su exclure de tous les grades avantageux, elle ne porte les armes qu'aux gages et à la solde de la Nation ; elle a perdu son ancien titre à l'exemption des subsides ; et ses vastes et riches possessions n'ayant, dans le principe, été énervées du domaine de l'Etat qu'à la charge du service militaire, cette obligation, aujourd'hui modifiée et non pas éteinte [Note : L'Imprimé dit : « n'étant éteinte »], en réclame impérieusement l'assujettissement aux charges publiques ;

Que, dans une province surchargée de noblesse, on ne peut, sans accabler le peuple, en étendre les privilèges au delà du simple honorifique, seule distinction, d'ailleurs, conforme à l'esprit de son institution ;

Que, si la noblesse, retenue dans de justes bornes, fait l'ornement de la Nation, c'est essentiellement la masse du peuple qui constitue l’Etat, et sa prospérité qui en fait la force et la gloire ; que par conséquent le peuple ne peut jamais être valablement sacrifié à une clase accessoire, qui n’a pu être légitimement instituée que pour son avantage ;

Qu'enfin cette régénération est devenue si nécessaire, et le besoin en est si profondément senti qu'à son défaut, sans patrie sur son sol natal, il ne reste plus au peuple que la ressource extrême de passer les mers pour en chercher une sous un ciel plus propice, qui appelle tous les hommes au bienfait d'une constitution fraternelle ;

Qu'il y a d'autant plus lieu d'attendre de la noblesse bretonne ce juste retour aux principes du pacte social, qu'elle ne peut être soupçonnée de le céder en justice et en générosité à la noblesse des autres provinces, qui a vu, sans envie, le peuple s'associer au partage naturel et juste de tous les avantages de la restauration commune ;

Qu'enfin son intérêt le plus sensible l'y convie, étant évident que ce qu'elle perdra dans une juste contribution aux impôts, elle le regagnera au centuple dans l'amélioration de l'agriculture et des arts, qui fera valoir ses domaines ;

Par ces considérations et plusieurs autres, qu'il serait trop long de déduire ici, nous avons unanimement arrêté, tant en notre nom qu'au nom de tous les autres habitants de cette ville, et même des habitants des paroisses circonvoisines, dont le voeu est public et déclaré, de témoigner aux municipalités de la province notre juste reconnaissance de leur zèle et de leurs efforts pour la cause sacrée du peuple breton ; de leur offrir notre accession pleine et entière, et sans réserve, aux mesures par elles prises et à prendre pour parvenir au redressement des griefs du Tiers Etat, et à lui procurer, à l'exemple de plusieurs autres provinces du royaume, une Constitution capable de relever sa condition, d'améliorer son sort et de le garantir à jamais de l'oppression ; de les exhorter à poursuivre cette grande entreprise avec tout le courage et la fermeté qu'elle demande ; à la porter spécialement au pied du Trône, élevé spécialement pour protéger le peuple, et heureusement rempli dans ce moment par un prince qui vient de signifier à la Nation sa résolution décidée de faire le bien, et enfin de profiter de la circonstance précieuse et unique où l'administration de l'Etat est dirigée par un ministre ami de l'humanité et protecteur éclairé des droits du peuple.

Arrêté, en l’auditoire, à Châteaugiron, ce 23 novembre 1788, et ordonné que des expéditions du présent, signées des trésoriers en charge et du syndic, seront adressées aux municipalités des villes de Rennes et de Nantes, à la diligence du sieur Jouin, avocat, qui s'est chargé de suivre la correspondance de cette affaire.

[Sur le registre, 92 signatures, dont celles du recteur Tual, de Bertin, avocat, procureur-fiscal de la baronnie de Châteaugiron et annexes, et de Jouin, avocat].

 

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DÉLIBÉRATION du 14 décembre 1788.
(Arch. commun. de Rennes, Cartons des Aff. de Bretagne, E ; — impr., s. l. n. d., 8 p. in-8°, Arch. dép. d'Ille-et-Viliane, C 3899).

Du dimanche 14 décembre 1788, le général et autres bourgeois et habitants de la ville et paroisse de Châteaugiron, assemblés et ordinairement sur la convocation de M. Jouin, avocat, chargé de la correspondance de l'affaire publique du Tiers Etat, ledit sieur Jouin a donné lecture d'une lettre de MM. les municipaux de la ville de Nantes du 6 de ce mois, portant invitation à nommer des députés à l'assemblée préliminaire du Tiers qui doit commencer en la ville de Rennes dix jours avant l'ouverture des Etats, et la matière mise en délibération, lesdits général et habitants ont unanimement arrêté de députer à ladite assemblée MM. Jouin, Lelièvre, procureur, et Valleray, chirurgien, pour conférer avec MM. les députés des municipalités de la province et autres qui pourront s'y trouver et concerter les mesures à prendre pour le succès de cette grande affaire.

Pleins de confiance dans le zèle, la prudence et la fermeté de ses députés, la commune de Châteaugiron ne leur prescrit point d'autres charges que celles de poursuivre le bien du peuple dans une crise qui va lui rendre ses droits naturels ou mettre le sceau à son affaissement.

Ils ne perdront pas de vue que le Tiers Etat breton sent dans ce moment avec énergie le besoin d'une existence supportable.

Que, réunissant deux millions d'individus occupés des fonctions et des travaux sans lesquels ils n'existe point de société, il peut céder à quelques milliers d'ecclésiastiques et de nobles des titres, des honneurs, des rangs, des respects, mais non sa liberté, sa dignité, sa prospérité, droits inaliénables dont il n'a jamais pu être dépouillé légitimement.

Qu'eu égard à ses deux millions d'individus et à l'importance des services qu'ils rendent à l'Etat, il n'est pas possible de lui refuser un nombre de représentants au moins égal au nombre des représentants des deux autres ordres réunis : balance bien peu capable encore de fonder sa sécurité, quand il songe au poids qu'y mettront toujours contre lui le crédit et la puissance des deux premiers ordres.

Que, pour restreindre autant que possible l'effet, d'ailleurs inevitable, de cette influence, il est indispensable d'exclure de la représentation du Tiers tous sujets attachés par leur état aux deux premiers ordres ou dans leur dépendance, juges, procureurs fiscaux, agents, receveurs ; et que, pour opérer une sorte de contrepoids en faveur du Tiers, il importe que MM. les recteurs de condition roturière, organe le plus pur d'ailleurs pour transmettre à l'assemblée le cri des besoins du peuple, soient appelés dans la représentation de l'Eglise en nombre au moins égal à celui de ses représentants nobles.

Que parmi les représentants du Tiers les campagnes aient les leurs, et spécialement la ville de Châteaugiron, pour laquelle réclame entre autres son importante fabrique de toiles à voiles.

Tous lesquels représentants seront élus dans une forme qui sera réglée.

Qu'essentiellement les suffrages soient comptés par têtes et non par ordres, sans quoi la régénération du Tiers est manquée.

Que toute carrière qui appelle la vertu et les talents soit ouverte au Tiers concuremment avec les deux autres ordres, et que l'exclusion du premier est une injure.

Que l'impôt n'étant que le prix dont chaque citoyen paie la sûreté de sa personne et de ses choses, il implique que celui qui a moins paie plus et que celui qui a plus paie moins, que le noble est fait pour être honoré, mais non pas défrayé par le peuple ; qu'en conséquence les impôts doivent être répartis sur tous les sujets indistinctement, dans la proportion de leurs facultés, et que tout impôt qui frappe sur ce peuple exclusivement est une injustice.

Qu'à ce titre se présente d'abord la réprobation du franc-fief, cette trace gothique de la barbarie féodale, renouvelée par la cupidité des temps modernes, où, pendant que le seigneur perçoit une année de revenu pour son rachat, le traitant vient en demander une année et demie, en signifiant au laboureur effrayé que ce n'est qu'à ce prix qu'il lui sera permis de jouir du petit héritage qu'il tient de son père : de sorte que pendant trois ans il sème sans récolter à son profit.

Que le peuple des campagnes, condamné depuis 50 ans à la corvée des grands chemins comme les Indiens aux travaux des mines, accuse la nation et surtout les hautes classes qui profitent de ses sueurs sans les partager, et que la justice demande que les citoyens riches de toutes les classes, qui ont seuls des denrées à faire circuler, paient l'entretien des chemins.

Qu'il est injuste que les petites propriétés du peuple soient grevées par la taxe des fouages, tandis que les riches possessions de la noblesse en sont exemptes.

Que, dans les vingtièmes, la disproportion de contribution entre les deux ordres est frappante ; qu'elle est plus excessive dans la capitation, où cette commune peut citer l'exemple récent d'une famille noble payant quatre livres de capitation, tandis que ses seuls domestique dans l’ordre du Tiers auraient payé plus d’une pistole.

Ladite communauté recommandant au surplus à ses députés tous les intérêts du peuple et déclarant approuver tout ce qu'ils feront.

[Signé sur le registre : 31 signatures, dont celles du recteur Tual, du procureur fiscal Bertin et de l'avocat Jouin].

 

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DÉLIBÉRATION du 11 janvier 1789.
(Impr., s. l. n. d., 18 p. in-8°, Arch. dép. d’Ille-et-Vilaine, C 3899 ; — publ. dans le Héraut de la Nation [n° 18, p 281-286], qui la declare rédigés par Bertin).

[Les habitants de Châteaugiron ne veulent pas attaquer les droits de la noblesse ; ils se bornent à revendiquer « ces droits de l'homme et du citoyen », déjà reconquis en Dauphiné et en Béarn]. Le partage actuel des impôts n'offre pour nous qu'un faible palliatif. Il nous faut un remède qui frappe sur le germe du mal et un régime qui nous réponde de l'avenir. Nos fonds sont perdus dans une administration peu éclairée ; les gratifications, les dons, les pensions prodigués à la noblesse sans mesure et sans pudeur, des établissements dispendieux pour élever ses enfants aux dépens du peuple, une noblesse enfin reprenant à titre gratuit dans notre état de fonds au delà de ce qu'elle y verse par sa contribution ; le luxe insensé des sépultures et des baptêmes, le luxe non moins odieux de ces tables multipliées, où, pour cent nobles qui travaillent aux affaires de la province, nous en nourrissons mille qui y sont à charge ou inutiles ; l'affaissement du peuple sous le poids de toutes les charges et son avilissement plus insupportable encore ; la dégradation, la nullité de tout ce qui est plébéien, dégradation, nullité consacrée par son exclusion humiliante du tribunal souverain de la province, tribunal appartenant primitivement à l'ordre du Tiers et fait pour juger deux millions de plébéiens, qui y trouvent des juges intègres sans doute, mais jamais des pairs, qui seuls peuvent captiver la confiance ; cette même confiance, au contraire, inspirée au plus haut degré au noble contre le plébéien et donnant tant de force à quelques seigneurs pour réduire ce qu'ils appellent le paysan ; nos curés, seuls dans le royaume, réduits encore à partager avec des multitudes de malheureux une pension de 500 l. sur des paroisses dont les dîmes, dévorées par des moines ou des commendataires oisifs, excèdent souvent dix à douze mille ; une province faite par la nature pour prospérer, mais où l'on ne sait qu'être noble ; restée sous tous les rapports à une distance immense au-dessous des provinces voisines, sans esprit public, sans énergie, sans manufactures, sans industrie, sans arts, sans agriculture ; partout l'anéantissement de l'Espagne avec son esprit, partout cet état d'engourdissement, de langueur et de mort, dont le régime aristocratique marqua toujours son influence sur la surface de ce globe ; voila nos maux, cherchons le remède…

[Il ne faut pas que la noblesse ait « une existence politique séparée de celle du peuple » ; il faut qu'elle soit] tellement liée avec nous, ses intérêts tellement fondus dans les nôtres, les nôtres tellement fondus dans les siens, qu'elle ne puisse plus former avec nous qu'un seul être moral et politique. Alors seulement le peuple, guidé et fortifié par sa noblesse sans être subjugué, pourra s'y livrer avec confiance. En un mot, le peuple ne peut être bien gardé que par le peuple, et ce n'est qu'à titre d'auxiliaires qu'il peut compter sur des troupes étrangères qu'anime un esprit qui n'est pas le sien...

(H. E. Sée).

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