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LES CAHIERS DE L'ÉTAT PAROISSIAL DE CLÉDER SOUS LA TERREUR.

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C'est avec admiration et vénération qu'il convient de compulser ces registres si pauvres d'apparence, si riches de substance surnaturelle. Surtout les premiers, ceux de la grande persécution, ceux dont la découverte pouvait mener à l'échafaud les prêtres héroïques cachés à Cléder, à la prison et à la déportation leurs recéleurs et leurs « complices », c'est-à-dire les vrais catholiques qui malgré le danger ont voulu le ministère des prêtres fidèles.

Que des vicaires traqués aient eu le courage de tenir en ordre les registres de catholicité, — que les persécuteurs n'aient jamais pu s'en emparer, — que nul délateur ne se soit trouvé pour trahir les domiciles secrets des hors-la-loi dont le dévouement était connu dans vingt paroisses, — cette merveille à la fois réconforte et humilie. Nos ancêtres nous ont légué des exemples très grands : sommes-nous toujours dignes de leurs vertus ?

M. Marzin, vicaire à Cléder, a parafé et coté deux registres le 15 mai 1793 ; l'un va du 17 juin 1793 au 19 janvier 1795, l'autre du 1er juillet 1793 au 16 juillet 1794. Les inscriptions n'y sont pas absolument identiques. Sur un cahier il manque 3 baptêmes et 2 mariages pour 1793 ; pour 1794, 3 baptêmes et 5 mariages manquent sur l'un, 5 baptêmes sur l'autre ; pour 1795, c'est 3 baptêmes et 1 mariage qui manquent sur un cahier.

De M. Baron, prêtre de Loc-Eguiner-Ploudiry, il reste un registre commencé en janvier 1793, terminé le 13 avril 1794. Nous ignorons s'il fut tenu en double exemplaire.

Ainsi nous apprenons qu'en 1793 M. Marzin fit 25 baptêmes (en juin, juillet, août, octobre et novembre) et 11 mariages (en juin, juillet, septembre, octobre et novembre) et qu'en 1794 il fit 21 baptêmes (dont aucun en janvier, février, avril, septembre et novembre) et 8 mariages (en juillet, août et septembre). Beaucoup des enfants attendaient quinze jours, un mois et davantage la venue du prêtre « à la maison ».

De son côté, M. Baron fait 131 baptêmes (dont 6 le 8 octobre) et 55 mariages en 1793 ; 60 baptêmes et 35 mariages en 1794, — et son cahier nous apprend qu'en outre MM. Kérébel, en 1794, firent 3 baptêmes et 2 mariages.

Pourquoi ces différences de nombres ? Pourquoi des mois sans sacrements ? M. Marzin fut-il malade ? obligé à des courses plus lointaines ? réduit à se cacher plus strictement ? Peut-être aussi en 1794 d'autres prêtres arrivèrent dans les paroisses voisines et soulagèrent ainsi le ministère de leurs confrères clédérois...

Car ce n'est pas Cléder seul qui réclama le secours de MM. Marzin et Baron. Si le premier ne baptise guère en 93-94 qu'un enfant de Plouescat et s'il ne marie qu'une jeune fille de Plougoulm et une de Plouescat, au second l'on apporte 11 enfants de Tréflaouénan, 10 de Plounévez, 33 de Plouescat, 4 de Landivisiau, 2 de Bodilis, 2 de Saint-Vougay, 1 de « Guiner » (Loc-Eguiner ?), et s'il marie 18 fiancées de Cléder, voici 25 mariages de Plouescat, 7 de Plounévez, 2 de Tréflez, 1 de Plouvorn, 1 de Goulven, 1 de Saint-Pol; cela pour 1793. Et en 1794, M. Baron baptise 19 enfants de Plouescat, 1 de Tréflaouénan, 1 de Saint-Vougay, 4 de Plounévez, et il bénit 7 mariages de Plounévez, 1 de Plouider, 7 de Plouescat, 1 de Saint-Pol, 3 de Goulven, 2 de Landivisiau, 2 de Santec, 1 de Plouvorn.

Et cela au moment de la pire Terreur, après que Bréard a ordonné à Hériez (18 novembre 1793) : « Tâchez surtout d'attraper les prêtres ».

Au registre de M. Baron est épinglé un fragment de feuille de papier bleu, rongée par le temps, ni datée ni signée, mais de l'écriture du bon prêtre. Peut-être il y faut voir une lettre adressée à M. Marzin qui lui aurait demandé communication de son registre... peut-être. Voici le texte paisible et si pénétré de la politesse du clergé d'alors :

Monsieur et cher confrère,
Mes infirmités ne me permettent pas de vous délivrer des extraits, je vous fais passer mes cahiers que vous pourrois... ne regardent que Cléder... Plounévez.
Mes respects à...

Après 1794, nous ne croyons pas M. Baron à Cléder. Mais le 6 juillet 1795, il viendra signer avec M. Marzin au mariage d'Yves Person et Anne Le Gall, de Cléder. A ce moment, la persécution s'était un peu relâchée, pour reprendre bientôt, après le soulèvement de Quiberon (20 juillet).

En février 1794, un baptême, et en mars deux mariages, au cahier Baron, sont signés « K-ebel curé de K-nilis », deux baptêmes « Y. K-ebel curé du Minihy », un baptême « Y. K-ebel prêtre catholique » [Note : Au sujet de MM. Kérébel, M. Mazéas recteur actuel de Kernilis, veut bien nous adresser la note suivante : « Le journal historique de la paroisse de Kernilis, écrit par M. Picard, recteur, cite le nom de Y. Kérébel, vicaire à Kernilis (1788-1789). Mais dans les registres de baptême et décès de l'époque, nulle trace d'un Y. Kérébel. Toujours c'est un C. Kérébel, curé (vicaire) de Kernilis, qui signe. En aucune des signatures, je n'ai pu lire Y au lieu de C. Il semble donc que le vicaire de Kernilis ne s'appelait pas Yves. Le sieur C. Kérébel signe aux registres en 1788-1789-1792. Une remarque : à partir du 20 août 1789 la signature « C. Kérébel, curé de Kernilis », est suivie à plusieurs reprises de la contresignature (du contreseing) du recteur J.-M. Allain de Roussiliau qui rature les mots curé de Kernilis, tandis qu'il respecte la signature de C. Le Goualc'h, curé de Lanarvily. Ce détail semble indiquer que c'est malgré le recteur (futur assermenté), que C. Kérébel exerçait son ministère... Petits drames d'autrefois... ». D'autre part le Docteur Dujardin, de Saint-Renan, à qui rien n'échappe de l'histoire de la Petite Patrie, veut bien nous faire part de la note suivante, qu'il a trouvée dans les archives de feus maîtres Mevel et Bougaran, notaires à Saint-Renan : « 24 décembre 1785. — Marguerite Kérébell, jeune fille majeure demeurante au bourg paroissial de Plourin, faisant pour son frère Claude Kérébell, prêtre, curé de Kernilis, titulaire de la chapellenie appelée vulgairement Merl-douric-ar-Siliou en Milizac, fondée par vénérable et discret messire Gabriel Le Gleau, en son vivant sieur recteur de Lanrivoaré... ». Le Docteur Dujardin ajoute : — M. de Rosiliau, recteur de Kernilis, était apparenté à César Mazé-Launay, prêtre assermenté de Saint-Renan, cousin germain de Le Gonidec le fameux celtisant].

Le premier M. Kérébel avait refusé le serment. Le « sieur Jacolot » dénonça ses « propos incendiaires » et « les manœuvres insidieuses par lui employées pour détourner le peuple d'assister à l'office divin célébré par un curé vraiment patriote et Constitutionnel » (Rossiliau, jureur qui se rétracta en 1797 et fit 40 jours de pénitence avant de rentrer à Kernilis). Le Jacolot qualifiait le bon prêtre « perturbateur, réfractaire, criminel, profanateur », porteur de « l'étendard de la révolte », prêcheur (au confessionnal) de « la résistance et de l'insurrection ». M. Kérébel fut décrété d'arrestation le 9 juillet 1791, par le Directoire du District de Lesneven (le Conseil d'arrondissement, dirions-nous). Il ne fut pas pris. Pas plus qu'à la fin de l'année avec les prêtres qui allaient être déportés en Espagne.

Le 6 décembre, le Département ayant intimé au District de Lesneven l'ordre de poursuivre les prêtres dits « réfractaires » (les prêtres fidèles), Lesneven obéit à contre-cœur et ordonna que la garde nationale de la ville se rendît à Kernilis saisir M. « Kerhebel, encore dénoncé pour tenir des propos séditieux » ; à Cléder saisir M. Laurent ; à Plouguerneau, M. Abhamon, vicaire ; à Trégarantec, le recteur M. Favé ; à Sibiril, le recteur M. Le Breton ; à Plouescat, le recteur M. de Puyferré, tous ecclésiastiques « dont vous connaissez l'incivisme », disait-il, et qu'il était urgent d'enfermer au Château de Brest !

La délibération resta lettre morte. Aucun des prêtres ne fut arrêté. Et aucun des administrateurs de Lesneven n'en fut fâché.

M. Yves Kérébel, de Guicquelleau, vicaire du Minihy (Saint-Pol), avait comme le vicaire de Kernilis signé le 22 octobre 1790 la protestation générale du clergé léonard contre la suppression du diocèse de Léon et contre la création sacrilège d'un « évêché du Finistère ». Avec 13 chanoines, 80 recteurs, 267 vicaires, professeurs, etc..., soit 360 ecclésiastiques, dont les six prêtres de Cléder (MM. Laurent, Le Got, Le Borgne, Marzin, Bloch, Postec) et M. Baron, « prêtre de la Martyre », lequel paraît être le Baron « prêtre de Loc-Eguiner-Ploudiry » qui aida M. Marzin en 1793-1794 ; avec son recteur M. Corre et ses collègues, il avait, en 1791, refusé le serment schismatique. Il erra à Kernilis et à Cléder jusqu'en 1795. Alors son collègue M. Moal, insermenté comme lui (et comme M. Corre, recteur, M. Grall, vicaire, et M. Branellec, vicaire, guillotiné à Brest le Jeudi-Saint 1794) vint déclarer à la mairie de Cléder qu'il avait l'intention de se fixer désormais à Saint-Pol, et que M. Yves Kérébel en ferait autant, quand il serait guéri.

Il faut mentionner la mort, survenue le 18 nivôse an II (7 janvier 1794), du « citoyen Paul-Marie Bloch, curé de Cléder ». Cet ancien « confesseur », auxiliaire de M. Laurent, comme M. Postec, avait signé la protestation des prêtres du Léon (22 octobre 1790) « contre l'élection qui pourrait se faire à Quimper d'un évêque du Finistère ». Mais Bloch prêta le serment peu après et fut nommé curé sur place. Ses registres d'état paroissial ne nous sont pas parvenus ; nous ignorons ainsi combien de Clédérois recoururent à son ministère.

L'acte de décès donne les détails suivants. C'est le 9 janvier seulement que « l'accesseur du Juge de paix de Cléder », François-Marie Grou, fut averti que M. Bloch était mort subitement le 7, sur son foyer. Il se rendit au presbytère. Le cadavre était étendu sur un lit, au premier étage. Rien n'indiquait la cause de la mort. Le magistrat requit M. Souffes-Desprès, ancien médecin de la marine à Brest, pour lors domicilié à Lesneven, paroisse Saint-Michel, « de se transporter au dit Cléder afin de [lui] donner la cause de la mort précitée du dit Bloch » : ce médecin était-il le Souffes, membre de la Société populaire de Lesneven, qui, le 20 mai 1795, ne craignit pas de se montrer favorable aux prêtres réfractaires ? [Note : « Jean-Marie Souffez, père de famille domicilié en cette ville [de Lesneven], ancien chirurgien-major de la Marine, chirurgien juré au rapport, chirurgien de l'hôpital de cette ville, né le 6 juin 1753, chirurgien de la Marine de 1774 à 1787, a deux brevets de chirurgien de la Marine. » (Arch. munic. de Lesneven, au 16 septembre 1793)].

Le citoyen Souffes-Desprès se fit accompagner de deux notables de la commune, François Quillévéré et Quiviger. Il fit « la visite du dit cadavre ». Il déclara « avoir remarqué aucune marque extérieure de violence sur le dit cadavre, et... dit que la cause de la mort était une apoplexie séreuse ». Les quatre hommes signèrent l'acte ; le malheureux fut inhumé, par les soins de son beau-frère François Madec, de Guimiliau... et quel a été sur lui le jugement de Dieu ?...

(René Cardaliaguet).

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