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LE CLERGÉ DE CLÉDER SOUS LA RÉVOLUTION. |
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En 1789, le clergé de Cléder avait à sa tête M. Bernard Laurent, né à Guissény, le 21 février 1747, nommé recteur en 1783.
Or, le 17 mars 1789, le « Clergé de second ordre » fut convoqué par le Roi à élire des députés aux États Généraux : 2 pour le diocèse de Léon. Les prieurs et bénéficiers, les recteurs-curés dans un rayon de deux lieues, devaient se rendre en personne à Saint-Pol, le 2 avril. Les collégiales et les communautés des deux sexes, les recteurs éloignés, voteraient par procureurs.
C'était la première fois que le bas-clergé se trouvait investi de pareil privilège, et quinze jours avant la noblesse, les évêques, les abbés et les chapitres des cathédrales ! En outre, « les formes anciennes et toujours observées depuis l'union de la Bretagne à la France » exigeaient que les députés bretons ne fussent nommés, légalement, que dans les cantons de Bretagne. La noblesse et le haut-clergé protestèrent contre cette violation manifeste de la Constitution du Pays, celle-ci ne pouvant être modifiée que par les États de la province : et ils refusèrent d'élire leurs députés.
Les 20 électeurs du clergé de Léon (dont M. Laurent, recteur de Cléder) se réunirent à Saint-Pol, le 20 et le 21 avril. A la majorité de 4 voix ils refusèrent de voter, « guidés par l'amour de l'ordre et de l'union qui doit toujours régner dans le clergé ».
Mais à l'instigation d'Expilly, recteur de Saint-Martin de Morlaix, futur évêque intrus du Finistère, ils revinrent sur leur décision. Réunis à Saint-Pol, au nombre de 15 (dont M. Laurent), le 3 août 1789, ils élurent dom Verguet, prieur du Relecq, et Expilly. On sait que dom Verguet vivra et mourra sans sacrements, et qu'Expilly, ayant persécuté ses anciens confrères restés fidèles, finira sur l'échafaud sans avoir manifesté aucun repentir.
En 1791, le procureur-syndic de Lesneven crut pouvoir annoncer que M. Laurent accepterait le serment schismatique exigé par la Constitution civile du clergé : M. Laurent refusa. Mais faute de lui trouver un remplaçant jureur (24 seulement sur 400, au diocèse de Léon, acceptèrent le serment), il fut maintenu à son poste jusqu'aux élections tronquées du 28 mai 1792. Alors fut élu par 5 voix l'intrus Demeuré, vicaire de Bohars, dont le nom ne paraît sur aucun des registres conservés et qui peut être le curé de Lanhouarneau de 1793.
M. Laurent partit de Roscoff pour l'Angleterre, le 28 septembre 1792, avec ses vicaires François Le Borgne (48 ans, né à Saint-Pol) et René Le Got (32 ans, de Plouguerneau) et un prêtre de Cléder, Yves Postec (appelé aussi Pierre), 32 ans.
M. Laurent vécut en émigration avec MM. Le Got et Postec, celui-ci frère du secrétaire-greffier de la Municipalité, qui avait lui-même « étudié pour être prêtre ». Ils logeaient avec 36 autres prêtres léonards à Exeter. Travaillaient-ils pour gagner leur pain ? Recevaient-ils des secours de Bretagne ? Étaient-ils des 400 prêtres (sur 1.200 réfugiés alors à Londres et aux environs) auxquels Mgr de la Marche procura 2 livres et demie par personne et par semaine, au début, et la moitié moins dans les années suivantes ? Nous ne savons.
M. Laurent rentra en France au début de 1801 ; M. Le Borgne, le 28 avril 1801, avec 31 confrères léonards ; M. Le Got, en 1802 : il était devenu aveugle et infirme ; M. Postec dès 1800.
Après le Concordat, en 1804, M. Laurent fut nommé recteur de Cléder, de nouveau. Jusqu'à sa mort arrivée en 1812, il célébra les offices dans une grange, si peu sûre et si peu décente qu'elle fut interdite en 1817, par Mgr Dombidau de Crouseilhes : M. Jean-Marie Le Got, de Plouguerneau, était alors recteur (1813-1836). Celui-ci célébra ensuite dans la chapelle du cimetière, ancien reliquaire, et il construisit l'église en 1830, sur des plans un peu meilleurs que ceux de 1789.
Le troisième vicaire de Cléder, M. César-Louis-Marie Marzin, de Creac'hpiguet en Cléder, né en avril 1765, refusa le serment, mais ne quitta pas la paroisse, malgré la loi de déportation du 6 août 1792. De Leslaou où il fixa sa résidence, il exerça le saint ministère jusqu'à la paix religieuse. Il fut d'abord aidé par M. Alain Baron qui signe « prêtre de Loc-Eguiner-Ploudiry » et qui pourrait bien être le « Baron Hervé, prêtre à Ploudiry en 1792 », inscrit sur la liste générale des émigrés en l'an VII ; il avait, en effet, servi dans cette trêve de 1788 à 1792, et refusé le serment avec le « curé trévial » M. Corcuff.
Après 1794 M. Baron [Note : M. Alain Baron signe aux registres de Loc-Eguiner jusqu'à juin 1792. Le corps politique écrit le 4 juin : « Ce jour... les fonds du coffre-fort des archives de Loguéginer ont été comptés en présence du sieur Jean-Marie Guiadeur, commissaire du district de Landerneau, et se sont trouvés monter à une somme de 625 livres 10 sols, dont il a été retiré, de l'avis du corps politique assemblé, 223 livres 15 sols qui ont été donné au sieur Corcuff, vicaire, tant pour lui que pour le sieur Baron, prêtre... ». Sur une armoire de la sacristie, on voit encore gravés ces mots : « M: A. Baron, prêtre ». (Note de M. Breton, recteur en 1939). Le Bulletin diocésain d'histoire ne nomme pas M. Alain Baron en Loc-Eguiner] fut remplacé par M. Joseph Le Roux, « prêtre de Cléder », qui se fixa au village de Mespaulyou ou Mespaul.
Nous croyons pouvoir le reconnaître dans deux citations de 1791. La première est d'un rapport du fonctionnaire Aubert, de Roscoff, qui dénonce « 14 émigrés d'une nouvelle espèce » au District de Morlaix, le 28 octobre ; 9 clercs et 5 prêtres qu'il croit mandés par Mgr de la Marche « pour les admettre à la prêtrise ». Un des prêtres est « Joseph Le Roux, de Taulé, 31 ans ». La deuxième a été fournie par les « cahiers catholiques » de Jersey, comme suit : « Roux, N. (Le). — Messire N. Le Roux, prêtre originaire de la paroisse de Taulé, au diocèse de Léon, et ordonné prêtre à Saint-Hélier de Jersey, pendant l'émigration » [Note : Il convient de remarquer que des 14 émigrés d'Aubert, 12 sont cités par M. de l'Estourbeillon comme « ordonnés à Saint-Hélier pendant l'émigration » ; les 2 non cités sont, pour Aubert, l'un clerc, l'autre prêtre. Ainsi au moins 4 des 5 qualifiés par lui « prêtres » ne l'étaient pas encore : notre hypothèse au sujet de M. Le Roux paraît donc justifiée, d'autant que les registres jersyais, il y a déjà plusieurs années, avaient perdu plus d'une feuille].
Dans un « État ecclésiastique des paroisses... » du 23 novembre 1805, qui porte la mention « très secret », M. Bernicot, curé de Saint-Louis de Brest, écrit pour l'évêque Mgr Dombidau de Crouseilhes : « M. Arzel, natif de Recouvrance, ordonné prêtre par M. Le Mintier à Jersey ». Or, le rapport précité du 28 octobre 1791 porte que M. « René Arzel, de Brest, clerc, 27 ans » s'embarqua le 27 à Roscoff pour Jersey avec notre M. Joseph Le Roux et 12 autres compagnons, à fin d'ordination. Si donc c'est Mgr Le Mintier, évêque de Tréguier, qui a ordonné M. Arzel, on peut conclure qu'il ordonna aussi les 13 autres. « Les auteurs » disent cependant : « ordonnés par Mgr de la Marche en Angleterre ». Il est certain que M. Bernicot précise que tel et tel furent ordonnés par Mgr de la Marche, tels autres par M. Expilly, un autre par M. Jacob de Saint-Brieuc ; admettre un lapsus dans le cas présent serait risqué. Nous croyons exacte sa version.
Quand les représentants du peuple (Brue, le 9 mars 1795 ; Guezno et Guermeur, le 26 mars) promirent la liberté aux prêtres fidèles restés cachés, à condition de déclarer la commune où ils voulaient résider, MM. Marzin et Baron se présentèrent et fixèrent leur domicile à Cléder.
D'autres prêtres trouvèrent des asiles momentanés dans la paroisse : M. Galès, curé de Plouzévédé, qui mourra en prison ; MM. Yves Kérébel de Guicquelleau [Note : M. Yves Kérébel obtint le 27 juillet 1791 un certificat d'élection de domicile, décerné par la municipalité de Guicquelleau (aujourd'hui Le Folgoët) et signé de Louis Falc'hun, Fr. Mao, Pierre Rucard, maire, Y. Abjean, Noël Kerjean étant greffier] et Moal, l'un et l'autre vicaires du Minihy, en Saint-Pol, qui déclareront, en 1795, à la mairie de Cléder, vouloir fixer leur résidence à Saint-Pol : M. Laot, curé d'Ouessant, M. Claude Kérébel, vicaire de Kernilis.
Un Kersauson faillit être pris par une colonne mobile en février-mars 1799, il exerçait tantôt à Cléder et Plouescat, tantôt à Bréles et Plourin, Était-ce François-Marie Kersauson, de Plounévez-Lochrist, recteur de Plourin, qui, le 11 avril 1795, avait déclaré vouloir fixer sa résidence à Plounévez où il s'était caché pendant la Terreur ?
Un prêtre de Cléder, Paul-Marie Bloc'h, prêta le serment et fut récompensé par le titre de curé constitutionnel. C'était un simple chapelain, assez ignorant. Cependant sa première signature au registre paroissial (20 janvier 1784) porte « Prêtre, curé de Cléder ». Il mourra le 7 janvier 1794.
M. Guillaume Héliez, prêtre à l'île de Batz, vint se cacher à Cléder, en avril 1793. Il ne réapparaîtra qu'en 1801, alors âgé de 66 ans.
Enfin, M. Le Breton, le militant recteur de Sibiril, libéré le 2 avril 1795 des prisons de la République, déclara en 1800 qu'il était resté en Cléder depuis lors.
Malgré la prime promise aux dénonciateurs de prêtres (72, puis 100 livres), aucun Cléderois ne dénonça aucun des confesseurs de la foi, même quand les garnisaires tenaient le bourg et la campagne !...
(René Cardaliaguet).
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