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CLÉDER ET LA PAIX RELIGIEUSE DURANT L'ÉPOQUE RÉVOLUTIONNAIRE. |
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L'année 1796, le total des baptêmes est de 137 : 76 par M. Marzin (dont 19 de Plouescat), 61 de M. Le Roux (dont 8 de Plouescat) ; le total des mariages est de 23 : 22 par M. Marzin (dont 1 de Plouescat), 1 par M. Le Roux. Mais il semble bien que la première feuille du registre manque, puisque nulle mention n'est faite du nombre de « rolles » ou feuilles.
Aucun enterrement n'est marqué. C'est que le culte, déclaré libre en 1795, est de nouveau interdit par le Directoire (12 avril 1796), qui ordonne d'arrêter tous les prêtres dits « réfractaires », c'est-à-dire les non-jureurs, — et qui rend les municipalités responsables, au cas où lesdits réfractaires seraient pris sur le territoire des communes.
Les administrateurs du canton de Cléder, réunis le 28 pour en délibérer, déclarèrent paisiblement : Il n'est pas à notre connaissance :
« 1° qu'il existe dans l'arrondissement du canton de Cléder des prêtres qui, ayant été ou dû être déportés... et qui soyent rentrés, ou restés en France.
2° qu'il existe des prêtres qui ayant mis des restrictions au serment prescrit (Constitution civile du clergé) ou qui après l'avoir prêté, se soyent rétractés.
3° qu'il existe des ecclésiastiques, soit séculiers, soit réguliers, frères lais ou convers, qui
n'ayent point prêté le serment de liberté et d'égalité... ou qui, après l'avoir
prêté se soyent rétractés.
4°
..................................................................
5° qu'il existe des prêtres ou ministres qui exercent les fonctions d'un culte quelconque sans avoir fait la déclaration exigée par la loi... ».
Signé : Denis Rosec, Jacques Le Saint, Louis Moysan, Kerguvelen... qui tous connaissent les retraites de leurs bons prêtres !...
M. Marzin ne signe aucun acte, du 20 juin au 28 juillet; c'est M. Le Roux qui fait tout le service.
Le juge de paix s'appelait Perrot ; Jean Postec était redevenu secrétaire-greffier. Le président de l'Administration cantonale est Paul Tanné (10 mai 1796).
L'année 1797 paraît marquée d'un semblant de liberté : trois prêtres non clédérois signent à l'état paroissial : M. Mingam, curé de Plouénan, fait un baptême ; M. Jean Floc'h, curé de Saint-Frégant, célèbre le mariage de François Méar et d'Anne Soubigou, et M. Crenn, prêtre de Plounévez, signe au même mariage, avec M. Marzin, « curé d'office ».
MM. Marzin et Le Roux font chacun 58 baptêmes, soit en tout 116, dont 5 de Plouescat. En juillet-août, 5 baptêmes ne sont pas signés, bien que la formule ordinaire soit libellée en toutes lettres « a été baptisé par le prêtre soussigné ». Un de ces actes cependant porte la signature de M. Marzin ; mais elle est biffée... Le total général des baptêmes est donc de 122. Mais le cahier finit au 29 novembre : la feuille ou les feuilles de décembre ont disparu.
Des 47 mariages, 44 sont bénis par M. Marzin (dont 4 de Plouescat et 2 de Tréflaouénan), 2 par M. Le Roux (dont 1 de Plouescat), 1 par M. Floc'h.
Du 4 au 23 octobre, M. Marzin ne fait aucun acte.
Deux détails, pris au Registre municipal.
D'abord, la déclaration de résidence faite et signée par M. Paul Mingam, prêtre de Plouénan (43 ans, taille de 5 pieds); il atteste, le 1er février 1797, qu'il a résidé chez Vincent Le Saint, à Gorrebloué, en Plouescat, du 1er juillet 1791 au 1er mai 1792.
Puis l'incident du serment. Le 19 février 1797, les fonctionnaires du canton furent convoqués à Cléder pour prêter publiquement le serment de haine à la royauté et à l'anarchie, attachement et fidélité à la République et à la Constitution de l'an III (qui instituait le Directoire, le Conseil des Cinq-Cents, le Conseil des Anciens, etc.). Des agents municipaux de Plouescat, avec la douane et l'armée de cette commune, jurèrent comme le Commissaire du Directoire, J.-M.-A. de Kerguvelen, et l'on cria : « Mort aux tirans et aux anarchistes » ; mais le président de l'Administration cantonale (Paul Tanné) et les officiers municipaux de Cléder et de Sibiril s'abstinrent de paraître à la cérémonie.
Aucune remarque spéciale pour 1798, sauf pour le nombre imposant des baptêmes : 150, tous de Cléder ; 93 par M. Marzin, 56 par M. Le Roux, 1 non signé. Les 31 mariages (dont 1 de Plouescat) sont bénis par M. Marzin.
Le Directoire accentua son sectarisme cette année-là. Une loi du 6 juillet 1798 assimila les prêtres fidèles aux égorgeurs et aux traîtres ! Pour lui obéir, les Administrateurs du canton de Cléder nommèrent sept commissaires (Jean Riou, Antoine Prigent et René Moal, de Cléder ; Gabriel Bodénès et de Pardeau, de Plouescat ; Jean Kérangueven et Henri Quiviger, de Sibiril) pour faire des visites domiciliaires dans ces trois communes : « à l'effet de faire arrêter tous les agents de l'Angleterre, les émigrés, les prêtres déportés ou sujets à la déportation, les brigands, les égorgeurs et les chefs de chouans qui n'auraient déposé leurs armes ou les auraient reprises après l'armistice, et enfin tous les étrangers qui ne seraient munis de bons passe-ports... ».
Ils connaissaient les domiciles des prêtres. Ils n'en trouvèrent aucun !
Deux mois plus tard, MM. Marzin et Le Roux allaient bénéficier d'une quête paroissiale. Mais un nouveau commissaire, Cahel, qui paraît avoir été animé du zèle républicain le plus ardent et le plus pur, apprit que Jean Rohou se proposait de faire « le tour de Cléder » en faveur de deux prêtres réfractaires le 10 septembre. Possible qu'elle ait été annoncée sans secret : les Administrateurs du canton en avaient déjà toléré d'autres. Cahel s'insurge, requiert interdiction et dénonciations, pour « purger notre sol de ces ennemis invétérés de la République et du repos de nos concitoyens ».
L'Administration cantonale ne paraît pas très émue. Elle interdit en trois lignes toute quête non autorisée et elle ajoute : « L'existence de deux prêtres réfractaires dans l'arrondissement de ce canton, nous déclarons n'en avoir aucune connaissance, et promettons de nous servir de tous les moyens que la loi nous a mis entre les mains pour les faire capturer, si toutes-fois il parvient à notre connaissance qu'il en existe ».
Ah ! la République n'avait-elle pas des gardiens sans reproche ? ! Comment les dignes « fonctionnaires » auraient-ils pu connaître des prêtres réfractaires, qui n'avaient administré cette année-là que 150 baptêmes et 30 mariages de Clédérois !
L'année 1799 voit 122 baptêmes, dont 76 par M. Marzin (1 de Plouescat) et 46 par M. Le Roux. Celui-ci ne paraît pas, du 29 octobre au 23 novembre ; mais le 25 novembre, il célèbre 5 baptêmes.
C'est M. Marzin qui bénit les 41 mariages, dont 3 de Plouescat et 1 de Sibiril.
Une mention à part, vraiment touchânte : le 3 août, « missire César-Louis-Marie Marzin » baptise son filleul Louis-Marie Priser, de Toulran, né ce jour, Yves-Marie Priser le représente. La marraine est Marie Dalidec, qui ne signe. — On sait qu'en 1799 des prêtres étaient encore condamnés à la déportation et à la prison, et leurs « complices » à l'amende et même à la prison !
Le 30 mars 1799, François Guillerm de Kerduoc'h en Cléder et Joachim Poulzot de Pratper en Sibiril, déclarent vouloir ouvrir des écoles particulières « et mettre entre les mains de leurs élèves les livres élémentaires adoptés par le Gouvernement ». Ces livres étaient « les droits de l'homme, la Constitution » et les livres classiques.
On se doute que l'abbé Poulzot allait vivement s'occuper, selon l'arrêté municipal, de « faire fleurir et prospérer l'instruction républicaine » ! En réalité, son collège de Kerouzéré deviendra comme « le vestibule du Séminaire » [Note : M. Peyron affirme que M. Poulzot tenait école en 1807 au château de Penmarc'h, en Saint-Frégant. Sur le registre de Cléder on lit que M. J.-M. Poulzot, prêtre-instituteur à Kérouzéré, baptise Jeanne Milin, du bourg, le 11 octobre 1807, — et le 3 mai 1808, Ambroise-Anne Guillerm, fils de François adjoint et instituteur, le parrain étant Ambroise-Toussaint-Marie de Parcevaux, maire de Cléder, et la marraine Anne Moysan de Kerduoc'h, qui ne signe. M. Poulzot, lui, signe « prêtre, principal du pensionnat de Kerouzéré » en Sibiril. Est-ce à ses classes qu'il faut attribuer les beaux succès remportés au Séminaire, le 11 août 1809, par François Caer, sous-diacre, et François Postec, acolyte, qui soutinrent avec succès des thèses latines sur la Pénitence ? Ils comptaient parmi les sept meilleurs élèves. Un François Postec, né à Cléder, le 30 octobre 1791, prêtre en 1815, fut le quatrième supérieur du Séminaire après le Concordat (1827-1837). La fermeté catholique des Clédérois et le courage de leurs prêtres purent trouver là une récompense].
(René Cardaliaguet).
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