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CLÉDER ET LE RETOUR D'EXIL DE M. LE BORGNE EN 1801. |
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Fin 1794, à la nouvelle que Robespierre était mort sur l'échafaud, — puis au début de 1795 après les promesses des députés en mission Brue, Guermeur, Guezno, etc., ratifiées par la Convention, un certain nombre de prêtres étaient revenus de l'exil. Le 24 août 1797, le Conseil des Anciens autorisa la rentrée; mais le Directoire (cinq membres chefs du pouvoir exécutif) exigea dès le 5 septembre, pour autoriser les prêtres à séjourner en France, qu'ils eussent prêté serment à la Constitution schismatique en 1791-1792, juré de défendre la liberté et l'égalité en 1792, juré haine à la royauté en 1795-1796... Quatorze cents, parmi ceux qui avaient refusé les serments, furent arrêtés et conduits à Cayenne ou dans les prisons de l'île de Ré, etc.
En janvier 1800, il restait à peu près 5.000 prêtres français en Angleterre. Mais chaque mois un certain nombre se risqua dès lors à passer en France.
Après le décret de Bonaparte Premier Consul (19 octobre 1800), qui autorisait formellement à rentrer ceux qui en émigrant n'avaient fait qu'obéir à la loi de 1792, trois ou quatre cents prêtres revinrent en Finistère.
Puisque le Gouvernement leur ouvrait enfin les portes de la Patrie, ils estimaient que leur devoir était de travailler de nouveau dans leurs paroisses : le Concordat était annoncé.
Au mois d'avril 1801, trente et un prêtres léonards décidèrent de revenir ensemble : plusieurs étaient exilés depuis neuf ans !
Avaient pris leurs passeports à Roscoff, le 24 septembre 1792 : M. Olivier Bonnemetz, 64 ans, de Lesneven, vicaire de Plounévez-Lochrist.
Le 28 septembre :
MM. Maurice Breton, 61
ans, né et vicaire à Lampaul-Guimiliau ; Yves Rolland, 55 ans, né et vicaire à
Saint-Thégonnec.
Le 29 septembre 1792, MM. :
François Le Borgne, 48 ans, de
Saint-Pol, vicaire à Cléder ;
Julien-François de Kerguvelen, 49 ans, né et vicaire à Plouescat ;
Tanguy-Julien Tabou, 41 ans, de Lesneven, vicaire de Sizun ;
Etienne-Olivier Tabou, 35 ans, de Lesneven (ce dernier s'était embarqué à Roscoff, le 27 octobre 1791, à bord de la Providence, avec 13 autres séminaristes ; ils furent ordonnés prêtres à Saint-Hélier de Jersey par Mgr Le Mintier, évêque de Tréguier ; rentrés aussitôt en Léon, ils refusèrent le serment sacrilège, et ils durent s'expatrier ou se cacher sous peine d'être déportés) ;
François Branellec, 65 ans, de Plouzévédé, recteur de Plougar ;
Etienne Berthou, 47 ans, de Guimiliau, vicaire de Plougar ;
Jean-Marie Perrot, 44 ans, de Plouzané, vicaire de Plounévez ;
Jacques-Marie Bleunven, 53 ans, de Guissény, directeur des Retraites à Saint-Pol, (plus treize autres qui ne revinrent pas avec ces huit).
Le 2 octobre, par Roscoff, comme tous les autres :
MM. Goulven Le Fur, 53 ans, de Ploudaniel, recteur de Plougourvest ;
Joseph Pouliquen, 65 ans, de Locmélar, vicaire à Plougourvest ;
Jean Bléas, 38 ans, de Plougourvest ;
René Arzel, 37 ans, de Recouvrance. (Ces deux derniers, ordonnés avec E.-O. Tabou par Mgr Le Mintier à Jersey, refusèrent comme lui le serment. — Trois autres prêtres de Plougourvest partirent avec eux, mais revinrent à part).
Louis-François Rolland, 58 ans, de Plourin-Ploudalmézeau, recteur de Languengar, parti le 3 octobre. — M. le chanoine Calvez, curé de Lesneven, a raconté « La vie et la mort d'une petite paroisse : Languengar » dans des pages aussi émouvantes que documentées.
Partis le 4 :
MM. Hervé Riou, 72 ans, de Bodilis, vicaire de Bohars ;
Jacques Boulic, 57 ans, de Kersaint-Plabennec ;
François Pastézeur, 52 ans, de Guipavas ;
Jacques Bernicot, 40 ans, de Lambézellec ;
Michel Jézéquel, 57 ans, de Guipavas ; (ces quatre, vicaires ou prêtres approuvés à Guipavas).
Le 7 novembre partit :
M. Croguennec, 43 ans, de Guiclan, vicaire de Pleyber-Christ. (Dans son beau livre, « Saint-Thégonnec », M. l'abbé Quiniou affirme que M. Croguennec ne partit que le 27, avec son recteur, M. Jean Grall).
Les neuf autres étaient MM. Auguste Hamelin, 65 ans, de Rennes, recteur de Trébabu ; Constantin Picrel, 40 ans, de Roscoff, recteur de Guipavas ; J.-M. Roulouin, 52 ans, de Saint-Pol, recteur de Landunvez ; Guillaume Richou, 47 ans, de Ploudaniel, recteur de Guimiliau ; Hervé Riou, 72 ans, de Bodilis, recteur de Bohars ; Goulven Lannou, 48 ans, de Kernouès, vicaire de Goulven ; René Cadiou, 57 ans, né et vicaire à Plouescat; Olivier Le Moal, de Plouvorn, vicaire à Plounévez-Lochrist ; François Loscun, 51 ans, de Guiclan, vicaire à Guipronvel.
Plusieurs avaient subi la prison à Brest ou à Morlaix en 1791. Où s'étaient-ils réfugiés en Angleterre, nous ne savons, sauf pour M. de Kerguvelen, qui demeurait à Exeter, près de Londres, d'après une tradition de famille, avec MM. Laurent, Le Got et Postec.
Quand les trente et un eurent décidé de rentrer en
France, le Comité de secours présidé par Mgr de la Marche leur avança l'argent
nécessaire pour acheter un bateau et passer à Roscoff. Pour le capitaine, ils
n'eurent pas à le choisir : les Anglais s'en chargèrent. Ils gardaient
prisonnier à Plymouth Nicolas Le Lay, qui ne demandait qu'à rentrer en France,
évidemment. Le commissaire de la prison le fut trouver au commencement du mois
d'avril :
— Voulez-vous être échangé contre un prisonnier anglais ?
—
Certes !
— Une trentaine de prêtres veulent rentrer aussi. Vous aurez à leur
procurer un bateau, qu'ils payeront. Dès maintenant, vous êtes libre.
Le Lay mit quinze jours à trouver un bateau à voiles carrées. Les prêtres payèrent. Le comte Otto, commissaire français à Londres, donna son visa au cartel d'échange du capitaine. Mais il avait reçu de Fouché, ministre de la Police, l'ordre de n'accorder de passeports qu'aux émigrés qui feraient devant lui la promesse de soumission et de fidélité aux lois de la République. Or, Mgr de la Marche ne s'opposait pas au retour des prêtres ; il y avait même aidé ; mais il n'admettait pas qu'ils pussent prêter sans réserves formelles les serments exigés par la République (haine à la royauté, soumission à toutes les lois); il avait approuvé une formule de promesse moins stricte (que le préfet n'admettra pas, comme nous verrons).
En effet, au mois d'avril 1801, MM. Péron et Henry, vicaires généraux de Mgr de la Marche, autorisèrent avec son agrément les prêtres du diocèse de Léon à faire la promesse de fidélité à la Constitution de la République, en se servant de la formule suivante :
« S'est présenté N..., ministre du culte catholique, lequel a dit qu'étranger à toute question politique, il vient donner à la puissance temporelle une garantie de sa soumission, sauf néanmoins la religion catholique, dont la loi garantit le libre exercice. A cette condition, je promets fidélité à la Constitution de l'an VIII ».
M. Tresvaux du Fraval, qui rapporte ce texte (t. II, p. 419) ajoute que nos 31 rapatriés firent connaître l'opinion de l'évêque à ceux qui hésitaient encore [Note : Le Préfet Rudler cependant transmet à Fouché une formule un peu différente, employée le 2 janvier 1801 par sept prêtres du Léon débarqués d'Angleterre à Morlaix, identique à celle des 31 précédents, dit-il : « Etranger à toutes les dissenssions civiles et politiques, comme le lui impose la Religion qu'il professe, il donne à la puissance temporelle une garantie de sa soumision, sauf néanmoins la religion catholique dont la loi assure le libre exercice à cette condition ; en conséquence il promet fidélité à la Constitution ». C'est le texte accepté par MM. Laurent, Marzin et Le Roux].
Sans donc avoir obtenu le visa du comte Otto, le 6 mai 1801, ils s'embarquèrent sur un sloop de Jersey, devant rejoindre Le Lay à Plymouth. Le 7, en effet, le sloop quitta le port anglais, ayant à la traîne le bateau acheté... et cap sur la France !
A une lieue au large, le sloop mit en travers, selon les conventions faites. Le 8, au soleil couchant, plusieurs prêtres passèrent du sloop sur le bateau, qui ne pouvait les contenir tous. Le lendemain, à 8 heures du matin, ils débarquèrent sous le fort de Bloscon, près de Batz.
— On a voulu nous tirer dessus, dirent les prêtres au capitaine.
— Ah! dit Le Lay, vous avez vu ?
— Du fort on a brûlé deux amorces.
— Je n'ai pas vu. Je ramais, le dos tourné au fort.
Quoi qu'il en soit, les prêtres et Le Lay n'avaient qu'à se rendre aux autorités locales. Pour le capitaine, ses papiers étaient en règle, tout alla bien. Les prêtres n'avaient pas leurs passeports visés ; il fallait attendre la décision de l'autorité supérieure, en l'espèce, le citoyen Denis Trobriand, chef des mouvements maritimes à Morlaix, qui se rendit à l'île de Batz et tint à escorter le groupe pitoyable, partagé entre les deux chaloupes, jusqu'au chef-lieu.
Ce n'est pas sans appréhension que le citoyen Rousseau, capitaine, adjudant de place au Château du Taureau, laissa passer le convoi.
— « Je nait pas crut devoir moposer à leur libre entré, écrit-il le 11 mai au Ministre de la Police, vu qu'ils était escorté par cet officier major. Je vous prie citoyen ministre de me donner quelques instructions à ce sujet, commant je dois me conduire si par cas il s'en presentait sans etre formellement autauriser à rentré par le Gouvernement français... Journellement il embarque dans cet ville [Plymouth] des émigré sur des corvette anglaise qui ont leur croisière sur les côte du finistère... Leur but est de les débarqué à la première terre de France... ».
Débarqués sous le fort de Bloscon, les prêtres furent invités à se rendre à Roscoff et de là à Morlaix, par le citoyen Boucault, sous-commissaire de la Marine en ce dernier port. Un gendarme maritime les conduisit à la sous-préfecture où le citoyen Duquesne, sous-préfet, les interrogea le 9 mai [Note : Nous transférons le rapport en style direct, littéralement].
— Qui êtes-vous ?
— Des prêtres français.
— D'où êtes-vous ?
— Tous nous habitions le territoire du Finistère, avant de passer en Angleterre.
— Pourquoi rentrez-vous ?
— Voulant jouir de la clémence du Gouvernement et de ses bienfaits, nous nous sommes empressés de rentrer dans notre patrie.
Ils déclinèrent ensuite leurs noms et qualités. Puis :
— Pour quel motif aviez-vous quitté le territoire français et vous étiez-vous retirés en pays étranger ?
— Appelés en 1791 à prêter serment à la Constitution civile du Clergé, nous avons refusé. Passibles par là même de la déportation volontaire ou forcée, nous y avons obtempéré.
— Pourquoi rentrez-vous, dans le moment actuel ?
— Ayant toujours les yeux tournés vers notre patrie, que nous n'avions quittée qu'à regret, nous avons eu connaissance de l'arrêté bienfaisant des consuls de la République, en date du 28 vendémiaire (20 octobre), qui exprime que seront éliminés de la liste des émigrés et par conséquent habiles à rentrer sur le territoire de la République, les ecclésiastiques qui, étant assujettis à la déportation, sont sortis du territoire pour obéir à la loi. Nous avons donc cru devoir nous rendre au sein de la République.
— Mais dans quelles intentions ?
— Jamais nous n'avons cessé de faire des vœux pour le repos et la prospérité de la France. Nous venons dans les mêmes sentiments. Nous voulons en donner une nouvelle garantie dans la promesse que nous faisons, et sommes prêts à signer, de prêcher l'ordre, la paix, la tranquillité et l'union générale, et de vivre soumis au Gouvernement.
— Voici ma décision, conclut le sous-préfet : retirez-vous chacun à son domicile. Vous y demeurerez sous la surveillance du maire. Vous vous représenterez à la première réquisition qui vous serait transmise par l'autorité.
Tous s'y engagèrent, signèrent, et s'en allèrent. Somme toute, le premier contact ne les avait pas meurtris.
Ils allaient vite déchanter !...
Aussitôt deux lettres particulières avaient informé de l'aventure le préfet Rudler, ancien avocat d'Alsace, peu sentimental et alors dans les eaux de Fouché. Le sous-préfet ne tarda pas à envoyer le rapport officiel à son supérieur hiérarchique, qui répondit le 13 mai :
— ... « Comme il appartient au ministre de la police seul d'accorder la rentrée dans l'intérieur de la République des prêtres condamnés à la déportation, et que pour obtenir cette faculté de rentrer, il est nécessaire qu'ils aient justifié d'avance de la promesse de fidélité à la Constitution, je vous invite à réunir, sous le plus bref délai, ces ecclésiastiques au chef-lieu de votre sous-préfecture et d'y recevoir d'eux l'acte de cette soumission au Gouvernement...
Il faut les termes sacramentaux : Je promets fidélité à la Constitution. Ceux qui refuseraient de signer cette promesse seront conduits à la maison d'arrêt pour être, de suite, conduits à l'Ile de Ré... Les autres resteront sous la surveillance de la municipalité de Morlaix jusqu'à la réponse du ministre ».
Le lendemain Rudler écrivit aux sous-préfets du département une circulaire assez jacobine, qui a du moins le mérite de prouver combien le peuple réclamait les prêtres fidèles et méprisait les jureurs, et comment le pouvoir central et certains fonctionnaires s'acharnaient à poursuivre les bons prêtres, et à les accuser des troubles dont les intrus étaient les fauteurs.
« Je suis instruit, citoyen, que la loi du 7 vendémiaire an IV reçoit journellement des infractions dans la majorité des communes de votre arrondissement.
« Il y en a, où les Maires, peu contents de donner aux Ministres du culte, qui refusent la promesse de fidélité à la Constitution, la permission illimitée d'exercer leur culte, ont souffert qu'on chassât les prêtres, soumis aux lois, des temples dont ils étaient en possession, pour y installer les premiers en leur place.
Il est temps de faire cesser ce scandale ; la continuation d'une protection déjà trop prolongée, accordée à ces ennemis déclarés du Gouvernement, de la part des fonctionnaires publics, deviendrait coupable. Quels résultats peut-on raisonnablement attendre des menées de personnes qui se font honneur de s'annoncer publiquement opposants aux lois de la République ? Ces hypocrites, profitant de l'influence que leur donne cette protection des hommes en place, sous prétexte d'enseigner les maximes de leur culte, distilent artificieusement le fiel de leurs opinions politiques. Ici ils refusent l'absolution aux acquéreurs de biens nationaux, là le baptême aux enfants de ces propriétaires ; partout ils prêchent la désobéissance aux lois et tourmentent de mille manières les consciences timorées des habitans des campagnes. De là la décroissance de l'esprit public, le découragement des amis de la révolution, les troubles dans les communes, la zizanie dans les familles ; enfin la continuation du système de brigandage et des assassinats.
Voilà les manœuvres de ces hommes se disant les ministres d'une religion de paix. Leur but n'est pas un mistère pour l'observateur le plus ordinaire. Contens, pour le moment d'avoir soufflé le feu de la discorde et de la haine parmi tous les partis, ils cherchent l'occasion favorable de rallumer la guerre civile qui a trop longtemps désolés les Départements de l'Ouest.
Le devoir des administrateurs est de déjouer leurs projets ; les lois leur fournissent tous les moyens ; si celle du 7 Vendémiaire an 4 avait reçu son exécution, ces ministres n'auraient jamais obtenu l'influence que la conduite trop indulgente des hommes en place leur a procurée.
Je vous rappelle donc l'exécution de cette loi ; je vous invite à faire réintégrer, de suite, dans leurs temples tous les ornemens sans exception, de faire fermer tous les temples qui auraient été concédés, au mépris de la loi, aux Ministres qui n'auraient pas fait la promesse de fidélité à la constitution, dans les endroits où les prêtres soumis exercent le culte, en concurrence avec les premiers. Cette concurrence excite des luttes scandaleuses que la tranquillité publique exige que l'on réprime à l'instant.
Quant aux Ministres non-soumis, qui, de tout temps, et sans concurrence, auraient exercé le culte, la position du Département paraît exiger de ne rien innover à leur égard, quant à présent, si toutefois par leurs discours et leur conduite ils ne troublent pas la tranquillité publique. Je vous prie de me faire passer la liste de ces prêtres avec vos observations sur chacun d'eux : je la transmettrai au Gouvernement, en demandant des ordres à leur égard.
Vous me dénoncerez tous les maires qui ne mettraient pas toute l'activité et tout le zèle nécessaire à l'exécution de ces dispositions, et me désignerez d'autres connus par leur attachement à la révolution pour les remplacer... ».
Après quoi Rudler écrivit au ministre. Il rendait compte des mesures prises, et il ajoutait (15 mai) :
... « Je désire, citoyen ministre, que vous approuviez cette mesure. La connaissance que j'ai acquise de l'esprit des cultivateurs de ce département, qui se livrent facilement aux inspirations du fanatisme, la position malheureuse où ils se trouvent aujourd'hui, me font craindre que ces ennemis déclarés de notre gouvernement ne profitent de leur influence sur les esprits faibles et crédules pour troubler le repos public et ranimer des haines presque éteintes ».
Les « haines presque éteintes » ne finiront guère qu'avec les prêtres jureurs, comme l'histoire l'a montré, mais passons...
Le ministre approuva tout, en ajoutant une mesure de suspicion :
... « Avant néanmoins de recevoir la déclaration des prêtres qui seraient disposés à la souscrire, vous aurez soin de vous assurer s'ils étoient réellement soumis aux lois sur la déportation et si d'après leur caractère connu, il n'est pas à craindre que leur présence soit dangereuse pour le maintien de la tranquillité publique ».
Or, entre temps, le sous-préfet de Morlaix avait fait observer à Rudler que transférer les insoumis à l'île de Ré serait dangereux : il y a loin de Morlaix à La Rochelle, et le pays n'est pas tranquille ! Il serait plus sûr, moins dispendieux, quoique peut-être moins rapide, de les rembarquer pour l'Angleterre, par le premier parlementaire qui viendrait de ce pays.
Rudler répondit : — J'en réfère au ministre. Mettez les insoumis en prison, jusqu'à sa réponse.
Ce que le ministre approuva.
Nos 31 prêtres furent donc obligés de s'éloigner de nouveau de leurs paroisses et de leurs familles, de se rendre à Morlaix, d'opter entre le serment de fidélité à la Constitution et l'emprisonnement jusqu'à la déportation, et de sentir peser sur eux la défiance officielle... Celle-ci s'exprima nettement du reste, le 8 novembre 1801, à l'égard d'un d'entre eux, M. Breton, vicaire de Lampaul-Guimiliau. Le préfet le fit enfermer à Quimper, en prison, parce qu'il refusait de traiter l'intrus Mat en recteur légitime, et l'y garda jusqu'à la réponse du ministre, à qui il demandait de le mettre en surveillance à Landivisiau : et le Concordat était signé depuis quatre mois !
Un autre des 31 rentrés, M. de Kerguvelen, vicaire à Plouescat, mourut cette année même à Saint-Pol-de-Léon, « en rentrant d'émigration », dit un document de famille.
(René Cardaliaguet).
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