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LES COLLECTEURS DE LA LIEUE DE GREVE

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Bretagne : brigands, collecteurs

L'histoire des " collecteurs de la Lieue de Grève " occupe une place importante dans les traditions trégoroises. On appelait ainsi une bande de brigands qui, dès le moyen-âge et jusqu'au début du XIXème siècle, guetta les voyageurs le long de cette grève nue entre St Michel-en-Grève et St Efflam, où tout homme attaqué, pris entre la mer et des fourrés impénétrables, devait s’estimer heureux de sacrifier ses écus pour sauver sa vie. De temps à autre, quand les plaintes s'élevaient trop fort, intervenaient la maréchaussée, voire quelques seigneurs du voisinage.

On fouillait les bois de Lancarré et du Roscoat. On pendait et rouait les malheureux qui s’étaient laissé appréhender. La sécurité renaissait durant quelque temps. Puis une nouvelle bande se reformait des débris de l’ancienne, grossie de néophytes déterminés, et alors s’ouvrait une nouvelle série de pillages et d’assassinats.

Les voleurs de la " Lieue de Grève " avaient d’ailleurs un illustre précédent, celui d’Olivier de Clisson, lui-même, qui s’embusqua un jour derrière le Roc'h-Ar-Lez, afin de guetter les bagages du duc Jean IV, avec lequel il se trouvait en délicatesse, et qui, les voyant engagés dans les sables, se jeta sur eux pour rafler la précieuse vaisselle d’argent de son souverain.

Plus tard, à l’époque de la Ligue (au XVIème siècle), près de cette fière " brigandine " de large envergure qu’était Marguerite Charlès (dit la Charlezen), les Rannou, malgré leur force et leur vigueur brutale, font mine de pâles comparses. Privés de leur chef qu’était la Charlezen, ils continuèrent cependant à écumer la " Lieue de Grève " pour leur propre compte, aidé en cela par Maria de Charlès, fille de Marc'haït Charlès mais le sort se montrait décidément contraire. Ils avaient arrêté certain jour un marchand, et après l’avoir dévalisé, ils lui commandaient: "A genoux, ton chapeau à tes pieds, et penche la tête au-dessus que ton sang y coule! Dis ton In Manus quand tu voudras; c’est ici que tu dois mourir", lorsque la maréchaussée surgit. Après une résistance farouche, les deux Rannou durent se rendre et, un mois plus tard, leurs cadavres se balançaient au bout de deux brasses de chanvre, aux fourches patibulaires de Lannion.

Sous Louis XIV et sous Louis XV, les pirates de la grève continuèrent leurs tristes exploits. Vers 1720, un jeune voyageur de Rennes fut arrêté un soir, près de Saint Efflam, par deux hommes qui l’abandonnèrent après l’avoir détroussé. N’osant continuer son chemin, il alla demander asile au manoir voisin de Coatgaric, où une bonne famille paysanne lui fit le plus charitable accueil. Rassuré et restauré, il narrait son aventure, lorsque la porte s’ouvrit et donna passage à deux solides gars que le maître de la maison lui présenta comme étant ses fils. Il reconnut avec effroi ses agresseurs: eux aussi retrouvèrent en lui leur récente victime. Le père ne remarqua rien, mais la fille, qui soupçonnait depuis longtemps quelque terrible secret, fut frappée du trouble de l’étranger et de ses frères. Elle épia ceux-ci, surprit leur dessein d’égorger pendant la nuit celui qui pouvait les dénoncer, et malgré mille difficultés, fit évader son hôte.

L’histoire se termina selon la formule des meilleurs romans; les méchants furent punis; la vaillante jeune fille épousa l’aimable jeune homme et, en 1832, nous apprend l’auteur anonyme qui a rapporté cette aventure, leurs descendants tenaient à Rennes, sur la place Sainte-Anne, "un riche café très renommé et très fréquenté".

Dans la seconde moitié du XVIIIème siècle apparaît la sinistre figure de Potr Coat-Alan (le gars du Bois-Alain), qui avait commencé par écorcher vif un capucin pour avoir sa barbe et s’en faire une barbe postiche. Ses forfaits furent nombreux. On finit par le saisir et on le pendit au bord du grand chemin. Même supplicié, il trouva moyen, en interpellant deux paysans qui passaient, de leur faire une telle frayeur qu’ils en moururent.

Le dernier en date des bandits de la " Lieue de Grève " fut Jean Marec, surnommé Yan-ar-Moc’h (Jean-les-cochons), parce qu’il avait été tueur de porcs avant de devenir tueur d’hommes. Il affirmait que pour lui, saigner un chrétien ou un pourceau, c’était tout comme. Il épargnait pourtant les femmes, en souvenir d’une sienne fiancée, morte du chagrin que lui avait causé la mauvaise conduite de son promis. Ce redoutable coquin était de l’apparence la plus chétive, si mince et si long qu’il semblait toujours devoir se casser en deux, mais dans ce corps débile habitait une âme impitoyable. La route de Lannion à Morlaix, depuis Saint-Michel-en-Grève jusqu’au bois de la Roche, Yan-ar-Mor’h la considérait comme son fief exclusif, et il en avait organisé l’exploitation d’une façon méthodique. Cinq postes à lui veillaient jour et nuit, à Roch-ar-Laz, Saint-Efflam, Gwez-Avalou-Put près de Pont-Menou, Pont-ar-Vinihy, Boisson et Saint-Hubert.

Le voyageur qui, venant de Lannion ou de Morlaix, s’aventurait sur la grève, y rencontrait bientôt une casquette suspendue à un bâton fiché dans le sable; plus loin, sous Roch-Ar-Laz, deuxième casquette disposée de même; au bas de la montée de Saint-Efflam, troisième casquette. Il était prudent de faire une large offrande à cette collecte silencieuse, mais très significative; moyennant quoi, un brigand toujours aux aguets vous glissait le mot de passe ou un gage quelconque, pipe, blague, briquet, couteau. Si l’on était arrêté ensuite, on disait le mot de passe ou bien l’on exhibait son gage, qu’il fallait en fin de compte déposer sous le porche de Saint-Hubert. Quant aux récalcitrants et aux ladres, ils s’exposaient tout bonnement à la mort. De stridents coups de sifflets donnaient l’éveil au gros de la bande; une meute dressée à la chasse de l’homme les traquait; saisis, dévalisés, ils étaient saignés au cou, puis ensevelis, à demi vivants encore, sous quelques pelletées de sable, près de la croix de Mi-Lieue. Et la mer, roulant sur leur tombe, nivelait, effaçait tout. Yan-ar-Moc’h disait avec sa jovialité féroce: " Il n’y a pas de cimetière mieux entretenu que le mien ".

L’un de ses derniers coups fut l’assassinat d’un officier de santé de Lannion, grand-oncle de Charles Le Goffic, qui se rendait à Morlaix à cheval, avec 5 ou 6.000 francs dans son porte-manteau, et qu’on retrouva au matin couché sur le sable, la poitrine écrasée sous un quartier de roc, ayant auprès de lui ses pistolets déchargés et sa sacoche vide. " Lui aussi sans doute avait passé près des trois casquettes sans y déposer la rançon dont ces coquins frappaient tous les voyageurs, à l’exception des nonnes, des prêtres et des ménétriers ".

Arrêté peu après dans le vieux four abandonné de Croaz an Haye, où il avait établi son quartier général, Yann-ar-Moc’h expia ses crimes sous le couperet de la guillotine, et avec lui s’éteignit la dynastie sanguinaire des " Collecteurs de la Lieue de Grève ". Mais jusqu’après 1825, il subsista un monument singulier de leur règne. C’était, peu après la rivière de Pont-ar-Yar, un grand poteau de bois planté là pour jalonner l’entrée du sentier des dunes. Dans l’obscurité, quantité de passants avaient pris ce pieu inoffensif pour un voleur posté en sentinelle, et avaient déchargé sur lui leurs pistolets d’arçon, en s’effarant de le trouver invulnérable. Tant de plomb et de projectiles en avaient criblé le bois qu’au témoignage d’un vieillard qui le vit encore debout dans sa jeunesse, " le bout d’une épingle n’y aurait pas trouvé une place saine ".

[Extrait des Vieux souvenirs Bas-Breton de Louis Le Guennec - 1938]
Avec l'aimable autorisation des "Amis de Louis de Guennec".

Nota : Louis Le Guennec né à Morlaix, s'installe à partir de 1920 à Quimper et devient en 1924, Conservateur de la Bibliothèque Municipale. Il meurt en 1935 à l'âge de 57 ans.

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