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ACQUÊT DU COMTÉ DE LÉON PAR LE DUC DE BRETAGNE

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L’acquêt du comté de Léon est un épisode si caractéristique du règne et de la politique du duc Jean le Roux, que nous avons cru intéressant de rapprocher ici toutes les chartes inédites qui s’y rapportent, et pour que la collection soit complète, nous donnerons aussi la liste de celles déjà publiées par D. Morice sur le même sujet.

La puissance et la fortune des comtes de Léon avaient été fort ébranlées, même fort amoindries, au XIIème siècle, par Henri II roi d'Angleterre, au XIIIème par le duc de Bretagne Pierre de Dreux. Aussi voyons-nous les deux derniers comtes, Hervé III et Hervé IV de Léon, courbés sous la décadence de leur maison, se réduire modestement au titre de vicomte, qu'ils eussent dû laisser à leurs cadets en prenant pour eux-mêmes le titre antique et légitime de leur fief — le comté de Léon. Au lieu de réduire leur titre, ils eussent mieux fait de réduire leurs dépenses : par là ils auraient pu relever leur fortune, tandis que leurs prodigalités achevèrent leur ruine.

Hervé III (1239-1265) commença. En 1239 ou plutôt 1240, il cède sa ville et sa forteresse de Brest au duc de Bretagne pour une rente annuelle de 100 livres (D. Morice, Preuves, I, 911). Il ne s’en tint pas là, il fit au duc des emprunts qu’il ne pouvait rembourser lui-même, comme on le voit par un acte inédit de 1251. Il dut laisser à son fils une fortune fort obérée.

A peine ce fils (Hervé IV, 1263-1298) eut-il succédé à son père, que nous le voyons dès 1265 affermer pour sept ans le revenu de ses coutumes et péages de Saint-Mathieu de Fineterre [Note : Il y avait alors à Saint-Mathieu, outre la célèbre abbaye, une ville et un port très-fréquenté] au duc de Bretagne moyennant une somme de 3.000 livres (D. Morice, Preuves, I, 994). Les sept ans n'étaient pas écoulés qu'il renouvelle le marché en l'aggravant ; car à la Toussaint 1271, il vend au duc ce revenu de Saint-Mathieu, le plus riche joyau de son trésor, pour dix-sept années entières (D. Morice, Ibid. 1037). Les ressources qu'il retire de cette vente sont bientôt épuisées : en 1273, pour satisfaire un de ses créanciers qui le serre de trop près (Lambert, marchand de Guingamp) auquel il doit une somme de 80 livres, il est contraint de mettre en vente divers fiefs — que le duc de Bretagne achète. Car ce prince Jean le Roux, très prévoyant, très prudent, très économe, avait autant le goût d'acheter qu'Hervé de Léon celui de vendre.

Aussi, en février 1274 (nouveau style), achète-t-il à Hervé sa ville, son port et son château du Conquet, pour une somme de 1.500 livres,  ce qui n’est pas un gros prix [Note : Notons pourtant qu’en tenant compte de la différence de la valeur intrinsèque et de celle du pouvoir de l'argent, une livre d'alors en valait à peu près 100 d’aujourd'hui] ; mais, à dire vrai, il s’agit ici surtout d un règlement de comptes : Hervé pour payer ses dettes livre sa ville, et les 1.500 livres ne sont qu’une soulte. Au mois de mai de la même année, le comte de Léon, toujours sans argent, prolonge de deux ans, moyennant une somme de 600 livres, la cession des revenus de Saint-Mathieu, déjà faite au duc en 1271 pour dix-sept ans et qui ne devait expirer qu'en 1288.

Le duc s'installe alors dans le Léon comme un homme bien décidé à ne pas quitter la place avant de s'en être rendu complètement maître. Il n'a pas de moulins auprès de son château de Brest, il achète un terrain où en bâtir, non à Hervé de Léon qui n'a plus rien dans ce quartier, mais à deux bons gentilshommes du crû, Thomas Quijac et Aufrai Penfell (juin 1274).

Puis il revient inciter le malheureux Hervé à de nouvelles dilapidations en lui prêtant de nouveau une somme de 1.000 livres. Honteux de le pousser ouvertement à sa ruine en lui donnant le moyen de poursuivre ses folles prodigalités, il continue le jeu en se cachant, en se couvrant du nom de son petit-fils Pierre de Bretagne (un autre prodigue, nous le verrons plus loin), par qui il fait prêter à Hervé 4.160 livres sur le gage de ces fameux péages et coutumes de Saint-Mathieu, déjà affermés au duc pour dix-neuf ans jusqu’en 1290 ; il est vrai que, le lendemain, cet engagement fut converti en vente définitive (août 1275). Ces coutumes et redevances perçues au port de Saint-Mathieu devaient être bien lucratives, pour pouvoir être vendues et revendues tant de fois. Celle-ci, il est vrai, c’était la dernière, car Jean le Roux, qui ne voulait plus avoir à y revenir, se fit donner par Hervé tout ce qu'il pouvait encore posséder en ce lieu après ce qu'il venait de vendre à Pierre de Bretagne (1275).

Mais si ce don et cette vente pouvaient acquitter Hervé envers le duc, il lui restait bien d'autres créanciers : il devait 1.000 livres, entre autres, à l'abbé du Relec, 725 au maître de la Monnaie, 500 à divers bourgeois d'Angers, 350 à Eon fils de Prigent, 260 à « Monsor Jehan de Monteville », etc., soit en tout 4.000 livres. Pour boucher ce trou il lui fallut vendre deux belles paroisses, Plouarzel et Plougonvelen (1275). On a dit que c'était les deux dernières qui lui restaient de tout son comté de Léon. Ce n’est pas exact, mais il ne s'en faut guère, car l'année suivante, par acte du 26 octobre 1276, il vendit au duc sa ville de Saint-Renan, son manoir du Damani avec toutes leurs dépendances, « et, ajoute-t-il, toutes les choses que nous avons et pouvons avoir et qui nous peuvent échoir de par notre père et de par notre mère de leur héritage et succession, ou par quelque autre raison que ce soit, dans les évêchés de Léon, de Cornouaille, de Tréguer, et en tous autres lieux ». On le voit, c'est un dépouillement complet, un lavage définitif. Cette vente était faite au duc pour la somme de 7.200 livres. Mais comme Hervé devait de nouveau à ce prince une grosse somme de 4.000 livres, Jean le Roux n'avait à débourser que 3.210 livres, dont il devait remettre directement 1.710 livres aux créanciers d'Hervé, et à celui-ci 1.500 livres seulement.

1.500 livres, tel était le dernier débris de la haute fortune et de la grande puissance des comtes de Léon, la dernière épave qui en restait, en octobre 1276, aux mains de leur dernier héritier. Ce morceau de pain fut vite englouti ; l'année suivante (1277), nous voyons qu'Hervé, « jadis visconte de Léon », à qui le duc avait donné un coursier pour aller à la croisade, venait de le vendre et se disposait à se rendre outre mer en simple piéton (D. Morice, Preuves, I, 1042). En 1281, sa femme Catherine de Laval, « jadis vicontesse de Léon »,  reçoit son douaire directement de la main du duc de Bretagne (Ibid. 1058).

Cette ruine immense et complète semble, au premier abord, s'être accomplie en trois ou quatre ans : les actes qui la consomment sont groupés, pressés, condensés dans le court espace de 1273 à 1277. A vrai dire, c'est seulement la crise qui éclate, qui se manifeste à ce moment ; c'est le dénouement fatal qui s’accomplit. Mais les causes de la crise, les origines du mal dataient de loin et devaient, comme nous l'avons dit, remonter à une quarantaine d'années.

Curieuse rencontre ! Jean le Roux, avec ce comté de Léon si dextrement acquis, forma un bel apanage pour son petit-fils Pierre de Bretagne : or, quelques années après, ce nouveau comte de Léon était à Paris en prison pour dettes, à la requête de ses créanciers, marchands de chevaux, qui réclamaient de lui 9.000 livres. Pour sortir de sa prison, il était forcé à son tour de céder le comté de Léon (en 1291) à son père le duc Jean II, qui se chargea de désintéresser ses créanciers.

Pour devenir paisible possesseur de ce comté, Jean II dut encore se résigner, en 1298, à payer à la fille d'Hervé IV de Léon, dernière et seule héritière de la branche aînée, une somme de 3.000 livres, pour mettre fin aux protestations et aux revendications de cette infortunée dame contre ceux qui l'avaient faite héritière sans héritage ; et il semble bien établi par là que les procédés de l'Harpagon ducal (Jean le Roux) à l'égard de sa victime (Hervé IV) avaient été loin d’offrir le modèle d’une bonne foi et d’une correction irréprochable.

On voit de plus, par cet acte de 1298, que ce pauvre comte ruiné Hervé IV vivait encore à cette date, car sa fille s'engage formellement, moyennant le paiement de ces 3.000 livres, à garantir le duc Jean II, en ce qui touche le Léon, contre les réclamations ou revendications de qui que ce soit, « et especiaument, dit-elle, doudit Hervé, père à nous ».

D'où il suit que nos historiens se sont trompés en faisant mourir Hervé IV de Léon en 1277 ou au plus tard en 1281, à cause de l'acte de cette dernière date où sa femme donne quittance au duc de Bretagne d'un quartier de son douaire (D. Morice, Preuves, I, 1058). Notez que dans cet acte Catherine de Laval ne se dit point veuve, et quant au paiement du douaire, il peut fort bien s’expliquer sans la mort d'Hervé, si l'on admet (chose fort naturelle, ou plutôt forcée) qu'en se rendant acquéreur du comté de Léon, le duc de Bretagne avait accepté la charge de servir le douaire de la femme d'Hervé IV, et cela du vivant même de celui-ci, dont la ruine entière et absolue laissait Catherine sans aucune ressource.

Voici la liste des actes relatifs à l'acquêt de Léon, publiés par D. Morice au tome Ier de ses Preuves, avec les titres qu’il leur a donnés et la cote de chacun d’eux dans l'ancien inventaire du Trésor des chartes des ducs de Bretagne, autrement dit Chartes du château de Nantes :

1239 (ou 1240), mars. — « Cession de la ville de Brest faite au duc par Hervé vicomte de Léon ». Château de Nantes, armoire L, cassette F, n° 6 (Preuves I, col. 911).

1265, 7 novembre. — « La coutume du port de Saint-Mahé affermée au duc par le vicomte de Léon ». Château de Nantes, T. C. 5 (Pr. I, 994).

1274, mai. — « Cession [de terrain près Brest] faite au duc par Hervé vicomte de Léon ». Château de Nantes, I. D. 39 (Pr. I, 1031). Par suite d'une faute d’impression, cet acte est daté dans D. Morice : MCCLXXVI ; il faut lire : MCCLXXIV.

1275, août. — « Vente faite au duc par le vicomte de Léon des coutumes et péages de Saint-Mahé » pour XVII ans, « desquels IV ans seront passez à la feste de Touzsains proucheine à venir ». — Château de Nantes, I. D. 37. (Pr. I, 1037).

1276, 29 septembre. — « Traité entre Hervé vicomte de Léon et Rolland de Dinan », son beau-frère. Château de Nantes, E. E. 20 (Pr. I, 1040). — Quoi qu’il ne soit pas question dans cette pièce de l'acquêt du comté de Léon par le duc de Bretagne, les faits qu’elle mentionne peuvent servir à expliquer pourquoi Hervé IV vicomte (ou comte) de Léon fut forcé, le 26 octobre suivant, de vendre au duc de Bretagne tout ce qui lui restait de son patrimoine.

1277. — « Vente d’un cheval faite au duc par le vicomte de Léon ». — Château de Nantes, P. F. 29 (Pr. I, 1042). Le titre donné à cet acte par D. Morice ne semble pas très exact. Hervé de Léon n’était plus alors « vicomte de Léon » ; au contraire, il se qualifie lui-même dans cet acte « jadis visconte de Léon ». Il dit que le duc lui avait donné un bon destrier « pour mener à nous outre mer », qu'il l'a vendu et en a reçu le prix ; mais rien ne peut faire supposer qu'il l'eût vendu au duc.

1281, 9 juillet. — « Quittance de Catherine de Laval, jadis vicomtesse de Léon », donnée au duc de Bretagne pour un quartier du douaire de ladite Catherine. — Château de Nantes, L. G. 14 (Pr. I, 1058).

1293 octobre. — « Cession [du comté de Léon] faite au duc [Jean II] par Pierre de Bretagne son fils ». Château de Nantes L. B. 44 (Preuves, I, 1107). (A. de la Borderie).

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