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LES REMPARTS DE CONCARNEAU. |
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J'ai sous les yeux deux documents anciens très instructifs, qui, bien que de dates différentes, se complètent réciproquement.
Le plus ancien est une vue de Conquerneau dessinée au milieu du XVIIème siècle [Note : C'est une reproduction trop réduite (carte postale) du beau dessin que possède la bibliothèque de Nantes (N° 49, 298), signé de Joh. Peeters].
L'autre est un plan de 1764 environ [Note : Le plan n'est pas signé. Peut-être est-il extrait du Petit Atlas maritime, 5 vol. in-4°, de Jacques Bellin, ingénieur de la marine (1702-1778). Je dis peut-être, car le format est moindre que celui de l'in-4° ordinaire]. Il montre l'îlot de Concarneau, le faubourg, la pointe dite de Sainte-Croix et les rivages circonvoisins, jusqu'à quatre ou cinq cents toises, huit cents ou mille mètres.
On a comparé l'îlot à un ovale qui serait très irrégulier [Note : « La place est de forme ovale ». Chanoine Moreau, Histoire des guerres de la Ligue en Bretagne, p. 61]. On peut aussi bien y voir une sorte de croissant..., non moins irrégulier, je l'avoue. Le côté convexe, donne 1° à l'Ouest, sur le faubourg dit de Sainte-Croix, route de Quimper ; 2° au Nord, sur le fond de la baie ; 3° à l'Est, sur un canal qui sépare l'îlot du rivage de Lanriec (route de Quimperlé).
A l'Ouest et au Nord, de la pointe du faubourg de Sainte-Croix au canal vers l'Est, tous les sables assèchent à marée basse. Le canal de l'Est n'assèche jamais. De temps immémorial un bac établit la communication avec Lanriec ; de là, le nom de Passage que nous allons trouver.
Le côté concave du croissant forme le port défendu par une jetée attachée à la pointe Ouest, et ouvert à la pointe Est, au voisinage du canal. Le port, comme le canal, n'assèche pas.
Le plan donne à l'îlot une longueur de 190 toises (ou 380 mètres) ; et, dans sa plus grande largeur du Sud au mur Nord, 111 toises (222 mètres), la largeur moyenne étant de moins de 50 toises ou 100 mètres.
Le plan dessine l'enceinte murale avec neuf tours de diamètres très divers ; sans tenir compte de la saillie de ces tours, le mur a une longueur de 530 toises, 1060 mètres.
Il est percé de trois portes : une, la principale, à l'Ouest, donnant sur le faubourg ; la seconde, à l'opposite vers l'Est, dite porte du Passage ; la troisième, au Nord, dite porte aux Vins, ouverte au XVIème siècle (Chan. Moreau, p. 61 et 64), mais murée au XVIIème siècle (Dubuisson-Aubenay, Itinéraire de Bretagne, p. 107).
La porte Ouest est distante de 50 toises (100 mètres) du faubourg ; devant la porte du Passage, le canal a de large 70 toises (140 mètres).
En avant de la porte de l'Ouest, le plan montre un rocher isolé, puis une chaussée attenante au faubourg ; il marque un pont entre la chaussée et le rocher. Il y en avait un autre entre le rocher et la porte. Le plan ne figure pas un ravelin qu'un plan plus moderne montre sur le rocher entre les deux ponts.
C'est vers cette porte qu'étaient les principales défenses, notamment une demi-lune entre deux grosses tours. Ce point était le plus exposé, il est le plus rapproché de la terre ferme ; et, comme nous l'avons dit, la grève assèche sous les deux ponts. Enfin, au Sud du faubourg, bordant le rivage de l'Est à l'Ouest, est dessiné un rempart à redans de 420 toises (840 mètres) de long, finissant à un édifice carré (apparemment un corps de garde) situé à la hauteur des roches marines dites la Tête de Congre.
Passons la porte principale et entrons en ville.
A l'intérieur de l'îlot, le plan marque : 1° une rue allant de l'Ouest à l'Est, de la porte principale à celle du Passage, c'est la Grande Rue ; 2° deux ruelles venant vers cette grande rue, l'une de la porte aux Vins, et l'autre du rempart entre cette porte et celle du Passage. La première de ces ruelles se continue au-delà de la Grande rue, en une très petite place jusqu'au rempart Sud et le port, vers le petit château. Un acte que nous étudierons nomme cette voie la Petite rue.
Dans la partie la plus large de l'îlot, on voit écrit sur le plan le mot églises ; mais le plan n'en marque qu'une par une croix, à 30 toises au plus d'un tertre dessiné au voisinage du rempart Sud, vers le port, sur une longueur de 15 ou 20 toises, 30 ou 40 mètres.
Le dessin confirme ces dernières indications : il nous montre au voisinage du port un tertre sur lequel une maison bâtie [Note : C'est ce lieu qui se serait nommé l'enceinte, au temps de Concar, et le petit château, vers 1780], un peu plus vers l'Est, une tour qui peut être celle de l'hôpital dont nous parlerons plus loin : et tout auprès une église dont la porte principale, surmontée d'une tour à deux étages, apparaît par dessus les toits des maisons élevées vers le rempart du Passage.
J'insiste sur ces dernières indications : on verra bientôt pourquoi.
Le dessin montre en plus une chapelle vers l'Ouest de l'îlot, c'est la chapelle de Notre-Dame du Portail ; il figure, entre la porte aux Vins et le Passage, un moulin à vent.
Enfin, vers cet endroit, c'est-à-dire devant la Porte aux Vins, il montre des mâts de navires, comme il en figure dans le port.
Je prie d'excuser cet état des lieux si minutieux. Il aura du moins l'avantage d'épargner toute explication topographique dans les pages qui vont suivre.
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A
l'aspect de la ceinture murale de Concarneau, la
première question posée par la curiosité est celle-ci : A quelle époque remontent
ces fortifications ? — A cette question, voici trois réponses :
Il y a plus de
trois siècles, le chanoine Moreau, mort en 1617, écrivait — et sans doute
exprimait-il l'opinion de son temps : — « C'est la reine Anne qui, ayant
considéré la belle assiette de cette place, ordonna qu'elle fût fermée de
murailles et rendue en l'état où nous la voyons aujourd'hui ». (Chanoine
Moreau, p. 61).
Plus de deux siècles après Moreau, le chevalier de Fréminville datait la construction de l'enceinte de 1300, et disait que « ruinée par du Guesclin, elle avait été réparée par la duchesse Anne, » cent vingt ans après le siège de 1373 [Note : Antiquités du Finistère, II, p. 515. — Comment supposer qu'un siècle ait passé avant que les murs d'une des places principales de Bretagne aient été remis en état ?].
De nos jours, le bon de Courcy a écrit : « Quelques parties des fortifications sont fort anciennes et peuvent remonter au XIVème siècle ». Mais aussitôt le savant auteur signale deux constructions attribuées à la reine Anne. Nous y viendrons plus loin (Itinéraire de Nantes à Brest, p. 236).
Nous allons essayer de répondre à cette question de date, en nous éclairant de textes que personne ne semble avoir étudiés. .. Mais auparavant, une observation.
« Au XIIème siècle, il n'y avait guère en Bretagne que cinq villes closes de murs en pierres : Rennes, Nantes, Vannes, Aleth, qui gardaient leurs enceintes gallo-romaines, et Dinan qu'un géographe du XIIème siècle montre par exception ceint de murs en pierres ». La défense ordinaire des villes « était un château ou une tour, et des fossés profonds avec des retranchements de terre surmontés de fortes palissades de bois » [Note : La Borderie, Histoire de Bretagne, III, p. 150-151. Le géographe dont il est ici question est l'arabe Edrisi].
Mais l'îlot de Conc n'aurait-il pas été fortifié très anciennement à la mode du temps, c'est-à-dire défendu par un château à motte, un donjon ?
Voici ce qui donne lieu à cette supposition.
La tradition garde souvent le nom de château à l'emplacement de ces donjons, même quand il n'en reste aucune trace [Note : En breton c'hastel, kastel. Que de champs depuis longtemps cultivés sont ainsi nommés !]. Or, le nom de vieil (vieux) château est donné dans un acte de 1495, à un lieu quelconque de l'ilot [Note : Inventaire de l'artillerie de Bretagne. Archives de Bretagne. Bibliophiles Bretons, t. II, p. 137]. Les Essais sur Concarneau, écrits vers 1780, signalent dans l'îlot un lieu dit le petit château ; et aujourd'hui, après cent vingt-huit ans passés, l'usage maintient le nom de petit château à un lieu qui se trouve être le plus élevé de l'îlot. C'est le tertre marqué au plan.
Je ne puis donner ce qui précède que pour une simple hypothèse, qui pourtant semble assez vraisemblable.
A cette fortification primitive a succédé, au XIIIème ou XIVeme siècle, une ceinture murale en Pierre ; qui, en 1373, allait résister à un assaut de du Guesclin. Nous ne tenterons pas de donner la date exacte de la construction. Tout ce que nous pouvons dire, c'est que cette construction devait sembler nécessaire, et qu'elle était plus aisée qu'en beaucoup d'autres lieux : en effet, il n'y avait à creuser ni fossé, ni fondations, le mur étant assis sur le rocher.
Enfin, à la fin du XIVème siècle, près de cent ans avant le siège mis par du Guesclin devant Conc, nous verrons l'îlot ayant apparence de ville ; et peut-être sera-t-il permis de trouver là l'indice d'une ceinture murale existant dès cette époque ? Disons pourtant que pendant la guerre de la Succession on ne voit pas Concarneau soutenir un siège.
Dans le XVème siècle, la ceinture murale de Concarneau a une histoire dont nous dirons quelques épisodes certains, puisqu'ils résultent d'actes authentiques.
Le premier de ces actes est un mandement du duc Pierre II, de 1451, quatre-vingts ans après la prise de Concarneau par du Guesclin, ce qui ne veut pas dire que dans cet intervalle les murs n'eussent pas été réparés.
Au XVème siècle, il y eut absolue nécessité de réparer en les modifiant — disons mieux — de reconstruire, la plupart des enceintes urbaines existant depuis seulement un siècle. Pourquoi ? Parce que le premier coup de canon (on disait alors bombarde), annonça une révolution dans l'art de la guerre. On a dit que ce premier coup de canon fut tiré à Crécy (1346) [Note : On a écrit que le premier coup de canon fut tiré à Crécy (1346). On trouve le canon en usage quelques années auparavant, même en Bretagne. En ce temps-là, on nommait bombardes les pièces dites aujourd'hui canons, les grosses pièces ; et on appelait canons, les petites pièces, dites aussi coulevrines à main, remplacées par les arquebuses. En 1341, Jean de Montfort tire bombardes et canons contre Brest. En 1342, Jeanne de Flandre emploie bombardes et canons à la défense d'Hennebont (La Borderie, Hist., III, p. 427 et note 3 — 452 et note 4. — Cit. de Le Baud, Hist. (inédite) et de Froissart). Au siège de Bécherel, 1371, il est question de canons (La Borderie, IV, p. 35). Au siège de Saint-Malo, 1578, les Anglais tirent 400 canons (La Borderie, IV, p. 42). Bientôt, dans des châteaux seigneuriaux, il y a des bombardes, puisqu'on y voit nombre de pierres à canon, et des petits canons en cuivre ou fer. Sur ce point, voir Mobilier d'un château breton, Frinandour, commune de Quimper-Guézenec, commune de Pontrieux, arr. De Guingamp (1399). Mélanges d'histoire et d'arch. Bretonnes, II, 1858, p. 149]. Quoi qu'il en soit, la révolution était accomplie cent ans plus tard : l'usage de l'artillerie était déjà commun, et il se perfectionnait ; dans la merveilleuse campagne de Formigny (1450), les bombardes des frères Bureau avaient fait crouler les murs de Caen et ceux de Cherbourg réputé imprenable. Il était désormais démontré que les murs construits en petit appareil étaient impuissants à défendre les villes ; et on se détermina à construire en pierres de taille.
Or, en Bretagne, il y avait beaucoup à faire à cet égard, et cette besogne était urgente dans les places maritimes surtout. Voici pourquoi :
Alliée de la France, la Bretagne avait largement contribué à chasser les Anglais. Le connétable de Richemont, vainqueur à Formigny (avril 1450), leur avait enlevé la Normandie. Trois ans plus tard, André de Laval, maréchal de Lohéac, né d'un père breton, était vainqueur avec un contingent breton à Castillon (17 juillet 1453). La flotte bretonne bloquait Bordeaux qui capitulait le 17 novembre ; et les Anglais abandonnaient la Guyenne [Note : Une observation en passant. En Bretagne, nous rappelons la victoire de Formigny, dont l'honneur est pour beaucoup à la Bretagne. Pourquoi n'est-il jamais question chez nous de la victoire de Castillon ? Elle a été plus décisive que celle de Formigny ; et, dans le temps, elle fut attribuée au contingent breton : « Le pape Pie II (AEneas Sylvius Piccolomini) qui vivait de ce temps, descrivant cette bataille, attribue la victoire d'icelle à la vaillance et hardiesse des Bretons » (D'Argentré, f° 659, v° E)].
La France était enfin délivrée des envahisseurs. Mais la paix était une paix armée, puisque aucun traité n'était signé : la guerre continuait sur mer ; et la Bretagne, plus qu'aucune province de France, était exposée à de cruelles représailles. Il lui fallait donc munir ses places maritimes.
Pendant qu'il était comte de Guingamp, le duc Pierre II avait reconstruit les murs de cette ville. Il devint duc le 18 juillet 1450. Au commencement de 1451, il était à Quimper et il ordonnait la reconstruction de sa clôture presque entière [Note : L'évêque protesta, les murs étant construits sur le domaine épiscopal. Il porta sa plainte à Rome. Mais le pape Nicolas V, par lettres du 1er février 1452 (1453 n. st.), chargea des évêques « d'accommoder l'affaire », à la satisfaction du duc. Lobineau, Hist., p. 653. — La date de la lettre papale donne la date approximative du travail commencé]. En même temps, par un mandement du 15 mars, il ordonnait des travaux du même genre à Concarneau [Note : Le mandement de Pierre II nous est connu par un mandement d'Arthur III, daté de 1457, qui donne la date du premier (15 mars 1450, 1451 nouveau st.) et même sa teneur. C'est là qu'on lit les mots qui vont suivre : (encommancé, etc.). Cet acte important n'a pas été imprimé aux Preuves de nos Bénédictins. Nous en devons la production à M. le comte de Palys, directeur de notre classe d'archéologie, qui l'a emprunté aux précieuses copies de M. de la Borderie. L'historien l'avait trouvé aux Arch. de la Loire-Inférieure. Chambre des Comptes, Mandements (1577), vol. IX, fol. 75, v°. Cité par M. de Palys. Discours d'ouverture de la session de Concarneau (1905). T. XXIVème, (3ème série), p. XXX et XXXI]. Le mandement porte ces mots « encommancé à faire la clôture et fortification de cette place » ; et ces termes n'exagèrent pas le travail à faire, il a dû s'agir en effet d'une construction presque entière, puisqu'il reste si peu de murs « gardant encore le caractère du XIVème siècle ».
Le 22 septembre 1457, Pierre II mourait. Les travaux de Concarneau étaient loin d'être achevés ; et le duc Arthur III s'empressait d'en ordonner la continuation.
Nous verrons plus loin que les deux ducs, quand ils ordonnaient et pressaient « l'emparement » de Concarneau, n'étaient pas déterminés par des considérations exclusivement militaires.
L'année suivante (1458), le duc Arthur nomme capitaine de Concarneau un de ses chambellans, Jean de Rohan, seigneur du Gué de l'Ile, etc. ; et il meurt le 23 décembre.
Les Anglais menacent, le capitaine trouve ses défenses insuffisantes, et il obtient du duc François II, successeur d'Arthur, de nouveaux travaux qui vont durer deux années (1467-1469). Le 8 janvier 1470, Jehan du Dresnay, sénéchal de Cornouaille, « à ce commis par le duc, » certifie la solidité des travaux exécutés (Archives du Finistère. Fonds du Chapitre, Série G, 92).
Un peu plus tard, d'autres travaux sont entrepris. Ils sont terminés avant le 28 mai 1476, jour où « Henri du Juch, seigneur de Pratanroux, capitaine de Quimper, Jehan Aillet, sénéchal de Cornouaille, Jehan du Dresnay et autres, reconnaissent que le tiers du droit de billot a été employé au parachèvement de la fortification de Conc, les deux autres tiers ayant été employés à l'emparement de Quimper » [Note : Archives du Finistère, Série E, 461. Le droit de billot était perçu sur les boissons ; il était général, frappait la noblesse et le clergé, et était consacré à l'entretien des places, rues et murs des villes. « Au XVIIIème siècle, le droit était de 42 s. 10 d., par barrique de vin cru hors de Bretagne, et 11 s. 5 d., par barrique de vin breton, bière, cidre et poiré. »].
Remarquez plus haut le mot parachèvement. Il semble indiquer que tout est fait. Pourtant, l'année suivante, François II ordonne la construction d'un boulevard (ce mot se prenait alors au sens de bastion) ; et il recommande à Jean de Rohan, encore, capitaine de Conc, assisté d'Yvon de Tréanna et de Henri de Quelen, de se tenir là pour achever le travail au plus vite (Morice, Pr., III, 322).
Les tours de Concarneau semblaient, à ce qu'il paraît, un modèle. En 1494, la communauté de Quimper bâtissait une tour, et elle recommandait à son miseur de faire « une charpente et une couverture semblables à celles des tours de Conc » [Note : La délibération ajoute : « et du château de Keinmerc'h, en Bannalec ». Charles de Keinmerc'h avait été capitaine de Quimper de 1480 à 1490. Fréminville (Ant. du Finistère, t. II, p. 157 et suiv.), donne le dessin et la description de ce château qui était intact en 1827 ; et il nous apprend qu'il a été rasé par son propriétaire, l'année suivante. V. au chapitre XLI, p. 325-28, du chanoine Moreau, le combat furieux livré sous les murs du château, dont le maître, qui était ligueur, resta « spectateur oisif » pendant six longues heures. On a écrit Keinmerc'h, Kaynmerc'h, Kimerc'h, Kreinmerc'h, Quimerc'h (Ch. Moreau). Le vrai nom est Kerimerc'h (Courcy), pour Keranmerc'h (maison de la fille : i ou in forme rare de l'article Breton, au lieu de an)]. Le miseur prétend faire autrement, sans doute mieux ; et le compte présenté par lui dépasse le devis de 300 livres (3.600 francs). Le miseur demande « qu'il lui soit fait raison de la somptuosité de sa tour » dont il paraît si fier, mais qu'il a, je crois, payée.
Voilà des dates précises : 1451, 1467-69, 1476, 1477. Postérieurement, nous ne trouvons aucun mandement ou compte relatif aux fortifications de Concarneau ; or, François II avait encore devant lui, après 1477, onze ans de règne. D'après les indications ci-dessus, c'est à lui que serait dû l'achèvement de la ceinture murale de Concarneau.
Ces renseignements authentiques démentent le chanoine Moreau attribuant la construction des murs à la duchesse Anne, et le chevalier de Fréminville montrant les murs construits en 1300, ruinés en 1373, réparés ou réédifiés par la duchesse Anne [Note : Quand il attribuait à la duchesse Anne la reconstruction de tous les remparts, Fréminville commettait une erreur certaine. Aurait-il fondé cette opinion sur les lettres de la reine Anne conservées à Quimper ? Ces lettres ne se rapportent qu'aux murs de Quimper. — Archives du Finistère, Série E, Titres de Quimper]. Mais ils permettent d'admettre l'attribution à la reine Anne « de ce bastion d'un plus grand diamètre que les autres tours, et de la citerne située dans l'une des tours, dont la voûte est soutenue par un pilier s'évasant en forme de cône renversé ». (Voir Courcy).
Ces fortifications que nous voyons aujourd'hui [Note : Réserve faite des additions de Vauban, dont nous parlerons], ont été décrites un peu sommairement par le chanoine Moreau, et bien mieux, un siècle après lui, par un voyageur qui visita Concarneau, ou, comme il dit Conckerneau, en 1636.
Je l'ai nommé par ailleurs (Chanoine Moreau) ; mais il nous fournira de curieux et très exacts renseignements : il faut donc le faire connaître au lecteur.
Dubuisson-Aubenay, militaire, diplomate, collectionneur, érudit et curieux en toutes choses, avait parcouru une grande partie de l'Europe [Note : Il se nommait Nicolas Baudot, gentilhomme Normand, sgr du Buisson et d'Aubenay. — Bibliophiles Bretons. Arch. de Bretagne, t. IX, 1898. Itinéraire de Bretagne, t. I, XXIII, Conquerneau, p. 105-108. Ce livre devrait être dans toutes les bibliothèques publiques de Bretagne]. Mais il ne connaissait pas la Bretagne.
Il y vint en 1636 ; il accompagnait comme gentilhomme d'escorte [Note : « Suivant l'usage des grands seigneurs qui se plaisaient à voyager en compagnie de personnes distinguées. — Dubuisson fut un des hommes les plus instruits de son temps ». — Itinéraire. Préface, p. XI et XV], Jean d'Estampes-Valençay, président au grand conseil, commissaire du Roi aux Etats qui allaient s'ouvrir à Nantes. Dubuisson ne manqua pas l'occasion de faire son « tour de Bretagne ». Il a écrit son itinéraire et nous y trouvons cette description des murs de Concarneau :
« La ville est bien ceinte de murailles, de large pierre à gros grain, à tours, bastions et fers à cheval et un gros dongeon (sic) à la porte de terre, servant de réduit et de demeure au lieutenant du gouverneur.
La place est assez bonne ; les murailles, toutes à machicoulis, fort épaisses, fort hautes et malaisées à escalader. Il y a force terrain par derrière. Une poterne y donne entrée, vers l'Est, aux passagers du canal, une autre, du côté de terre opposite et à l'Ouest, est toujours ouverte ; une troisième, au Nord, dite la Porte aux Vins, est murée.
Une grosse tour, qui sert de réduit ou dongeon, accompagnée d'une autre tour, dite des munitions, flanque et défend la porte de terre ou d'Ouest.
Au Sud, un môle rompt les houles et coups de mer, et conserve (protège) une longue courtine en arc entre deux tours ou plateformes.
Mais du côté de l'Est, un coteau voisin, au-dessus du canal, à la portée du mousquet, commande la ville tout à fait. On la peut battre aussi de trois cents pas et du côté du Sud [Note : Au lieu de Sud il faut lire Ouest] et du côté du Nord quand la mer est retirée, en roulant les canons sur la vase.
Il y a dans la place citernes et puits d'eau douce, et entr'autres une citerne dans le dongeon ou réduit du gouverneur ».
Ces fortifications, admirées au commencement du XVIIème sècle, allaient bientôt avoir le sort qu'avaient eu les fortifications antérieures ; elles allaient être insuffisantes, l'attaque étant encore une fois devenue supérieure à la défense... Mais Vauban allait venir.
Nous aurons l'occasion de parler des travaux exécutés par Vauban. Il suffit de dire ici que le rempart signalé au faubourg, le long du rivage à partir de la pointe Ténéroff, le ravelin sur le rocher au bout de la chaussée à l'Ouest, la demi-lune entre les deux grosses tours défendant la porte voisine, les ouvrages qui défendent la porte du Passage, sans parler de certaines réfections, sont l'oeuvre de l'illustre ingénieur. La ville a consacré ce souvenir en donnant à la rue principale (on peut presque dire unique), qui va de l'une à l'autre porte, le nom de rue Vauban.
(Julien Trévédy).
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