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LE CLERGÉ INSERMENTÉ DES COTES-D'ARMOR (1792)

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On donne le nom de Clergé réfractaire ou d'Insermentés aux ecclésiastiques hostiles à la Constitution civile du clergé, lors de la Révolution française. Une part d'entre eux, originaires des Côtes-d'Armor (anciennement Côtes-du-Nord), fut exilée, massacrée ou déportée ; de nombreux autres entrèrent dans la clandestinité, pour continuer d'assurer, autant que possible, leur apostolat. Ce clergé s'oppose au Clergé jureur (dit aussi Clergé assermenté ou Clergé constitutionnel) qui reconnaît cette Constitution.

Prêtre insermenté (Bretagne).

On sait que l'Assemblée Constituante ordonna aux ecclésiastiques fonctionnaires publics, c'est-à-dire ayant charge d'âmes, de prêter un serment ainsi conçu : « Je jure de veiller avec soin sur les fidèles de la paroisse qui m'est confiée, d'être fidèle à la nation, à la loi et au roi, et de maintenir de tout mon pouvoir la Constitution décrétée par l'Assemblée Nationale et acceptée par le Roi ». Ce décret, voté le 27 novembre 1790, fut sanctionné le 26 décembre par Louis XVI. Dès lors fut donné le signal de la persécution religieuse.

Pie VI condamna ce serment à la Constitution civile du clergé à deux reprises différentes, les 10 mars et 13 avril 1791.

A la date du 23 janvier 1792, le directoire du département des Côtes-du-Nord (aujourd'hui Côtes-d'Armor) prit un arrêté, dont voici l'article VII : « Tous les ecclésiastiques séculiers ou réguliers non sermentés qui, par leur conduite, leurs écrits ou leurs discours, essaient de tromper le peuple, de séduire sa conscience, d'égarer ses opinions, qui se coaliseraient pour désobéir la loi, formeraient des oppositions à son exécution, ou projetteraient de troubler, de quelque manière que ce soit, la tranquillité intérieure du département, seront sur-le-champ déclarés conspirateurs contre l'Etat, et comme tels, saisis par la force publique et conduits au château de Dinan, pour y demeurer jusqu'à nouvel ordre en état d'arrestation ».

Cet arrêté ne tarda pas à être mis à exécution, et les prisonniers restèrent à Dinan jusqu'au décret du 26 août 1792, qui prononçait la déportation contre les prêtres insermentés.

C'est le 26 septembre 1792 que les ecclésiastiques des Côtes-du-Nord arrivèrent à Jersey.

L'abbé Barruel ayant résolu d'écrire sans retard l'Histoire du clergé pendant la Révolution française, demanda à ses confrères déportés comme lui des renseignements sur les persécutions qu'ils avaient endurées avant leur départ de France. Aussitôt l'un des prêtres qui avaient été internés à Dinan, lui adressa une relation que nous sommes heureux de publier :

« Le département des Côtes-du-Nord commença vers la mi-février 1792 à renfermer au château de force de Dinan les ecclésiastiques du département, à mesure qu'il en trouvait. Nous nous y trouvâmes renfermés au nombre de 42. Un de nous y est mort (Jean Le Corgne, prêtre de Merdrignac), quatre vieillards sont détenus dans la maison commune, et nous autres nous fûmes déportés à Jersey au nombre de 38. Je ne compte pas un malheureux qui apostasia peu de jours après sa détention. Plusieurs d'entre nous sont arrivés à Dinan enchaînés, d'autres habillés de force en gardes nationaux, quelques-uns ont été conduits parmi des voleurs pendant une partie de leur route. Ceux d'entre nous qui eurent le malheur de passer par la petite ville de Jugon, furent forcés de payer chèrement le dîner de leurs gendarmes. Ceux qui y logèrent furent jetés dans une prison obscure où se déchargeaient les immondices de la ville ; on les obligea de coucher sur une poignée de paille.

A Dinan, avant de nous renfermer dans notre prison, on nous fouillait. Nous n'en avons jamais su la raison. Quelques-uns y ont perdu quelques effets. Les premiers de nous qui y furent enfermés, furent détenus pendant longtemps dans un endroit où ils n'avaient point d'air, ce qui fit périr le martyr dont j'ai déjà parlé. Après la mort de ce monsieur, on leur permit de se promener sur le haut de la tour du château, quand le geôlier y consentait. On nous obligeait tous de nous nourrir à nos frais, quoique le département fût redevable à la plupart de leur traitement. On nous forçait de payer une grosse somme, sans compter ni le bois ni le charbon, au geôlier pour nous accommoder seulement à manger, quoiqu'il se présentât plusieurs personnes qui étaient contentes de nous le faire à moindre prix. N'eussions-nous eu besoin que d'une commission de deux liards, il fallait donner deux sols au geôlier pour la faire, et si la commission renfermait plusieurs objets, par exemple du papier, des plumes, de l'encre, etc., il fallait donner deux sols pour chaque objet. Toutes les fois qu'on nous servait à manger, la garde entrait, sabre nu, pistolet en main, et nous accablait de mille injures. Nous avons été plusieurs fois visités par la municipalité et fouillés jusqu'à faire rougir la pudeur. On nous avait ôté plume, encre, papier, manuscrits, reliques, images et même quelques livres de piété. On ne nous permettait de parler à personne ni d'écrire ni de recevoir aucune lettre, sans une permission de la municipalité ; et quand nous parlions à quelqu'un ou quand nous écrivions quelques lettres, c'était au corps de garde, en présence des gardes. On emprisonnait tous ceux qu'on voyait vouloir nous parler en secret ou nous témoigner leur douleur par quelque marque secrète. Plusieurs personnes respectables ont été emprisonnées pour avoir été soupçonnées d'avoir des relations secrètes avec nous. Il est inutile de parler des insultes et des menaces que nous avons reçues, tant de la part de la municipalité dans ses différentes visites, des gardes, du geôlier, que des passants qui nous voyaient prendre l'air sur le haut de la tour du château. On a aussi tiré sur quelques-uns de nous. On vint nous lire auprès du château la relation du massacre du 2 septembre (1792), et on nous a menacés du même sort.

Malgré le décret qui ordonnait de nous déporter (26 août 1792), la municipalité nous retint encore fort longtemps, puisque nous n'arrivâmes à Jersey que le 26 septembre. Enfin, après avoir pris notre signalement, on nous conduisit au port à pas précipités, au milieu d'une haie de nationaux, au son du tambour et de la musique nationale. On nous mit dans un bateau et on nous conduisit à Saint-Servan, toujours escortés d'une garde nombreuse. Arrivés à Saint-Servan, on nous mit dans une chaloupe, où on nous fouilla ; mais on ne nous enleva rien, car nous n'avions point d'argent. Le capitaine ne voulant point partir le jour de notre arrivée à Saint-Servan, nous fûmes mis en prison, où nous reçûmes quelque soulagement de la part des habitants. Le lendemain, on nous embarqua. Il est inutile de dire que nous étions toujours escortés de nationaux. Nous ne fîmes que trois ou quatre lieues pendant toute la journée. Les vents deviennent tout à fait contraires, la tempête commence, nous sommes obligés de rentrer dans la rade de Dinard. La mer devient tout à fait furieuse, la tempête horrible, les éclairs brillent, le tonnerre gronde, les ancres chassent, les matelots tremblent, les vagues poussent le bâtiment vers les rochers. Nous passons la nuit dans cette triste situation, renfermés à fond de cale, où nous pensâmes mourir faute d'air, tous malades, sans pouvoir nous secourir. Un de nous qui était moins malade, nous exhortait à recevoir la mort avec résignation. Le calme revint avec le jour. Le capitaine, touché de notre triste situation et voyant que nous n'étions point assez forts pour soutenir la fatigue du voyage, voulut nous conduire à Saint-Malo, pour nous donner le temps de reprendre nos forces. Mais il lui fut ordonné de se retirer promptement, ou on allait nous faire couler. Nous retournâmes à Saint-Servan, où l'on nous reçut avec humanité et charité. On n'épargna rien pour nous soulager. Les secours de la médecine nous furent prodigués. Vêtements, provisions, tout nous fut fourni gratis pour le voyage.

Voilà le récit de la persécution que nous avons eu à souffrir dans le château de force de Dinan ».

Cette relation inédite est conservée dans les papiers Barruel, qui se trouvent aujourd'hui dans les archives de la Compagnie de Jésus, où nous avons pu la consulter. Elle fut écrite par l'abbé J.-M. Leroux, vicaire à Châteaulin, qui avait été arrêté dans les Côtes-du-Nord (aujourd'hui Côtes-d'Armor) en exécution de l'arrêté du 23 janvier 1792.

(Par F. Uzureau).

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