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LE DOYENNÉ DE BROONS

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BROONS.

A la Révolution, Broons devint le chef-lieu d'un district qui comprenait neuf cantons.

Le chef-lieu du premier canton était Broons, avec Sévignac qui avait alors Rouillac comme trève.

La paroisse de Broons, du doyenné de Plumaudan, était à la présentation du seigneur de Broons. Il se nommait alors M. de Boishue, habitant le château d'Yvignac. Il présenta, en 1779, son précepteur, M. Rathier, qui était né à Broons le 3 novembre 1747.

A la Révolution, le recteur de Broons fut élu par le clergé de second ordre, député pour le diocèse de Saint-Malo, avec M. Allain, recteur de Notre-Dame de Josselin, et M. Gautier, de Dinan, pour suppléant. Il reste de lui quelques lettres à Mme de Boishue où il la tenait au courant des évènements. Un des premiers, il abandonna l'ordre du clergé pour se réunir au Tiers-Etat.

Le 31 décembre 1790, il prêta avec restriction le serment à la Constitution civile du clergé, devant l'assemblée présidée par un juif de Metz, nommé Emmery. Il n'y voyait, prétendait-il, rien de contraire à la foi et aux moeurs, et Rome n'avait pas parlé.

Mais l'année suivante, il répara sa faute.

Le clergé du diocèse de Saint-Malo avait adressé aux évêques députés une adhésion à « l'exposition des principes, » publiée par ces prélats. M. Rathier fit ajouter à cette pièce la déclaration suivante qu'il signa « M. Rathier, recteur de Broons, député, voyant que l'assemblée nationale n'admettait pas les serments faits avec restriction, a écrit au procureur de son district, que le serment qu'il avait prêté, devait être regardé comme non avenu, et il a déclaré qu'on devait le compter au nombre des curés qui ont refusé le serment. Il adhère de cœur et d'esprit à l'exposition des principes ».

Il mourut à Broons, dans son presbytère, le 16 novembre 1791. M. Rathier avait pour vicaire M. Chartier, de Ploërmel. Il resta à Broons jusqu'en 1792, mais comme il avait refusé de prêter serment, il fut obligé de s'expatrier. Il mourut, dit un vieux registre, le seul qui ait été conservé : « il mourut en exil, victime de sa charité pour les prisonniers républicains ». C'était probablement en Angleterre. Sur les notes de M. Jehan, on trouve aussi le nom d'un M. Aubert, vicaire en mars 1792.

Un prêtre qui a laissé un certain souvenir dans le pays, habitait alors Broons ; il était natif de cette paroisse et s'appelait M. Bougault.

Le 5 novembre 1792, il constatait des publications de mariage avec dispense de consanguinité du 4ème au 4ème, accordée par le citoyen vicaire du citoyen Jacob, évêque des Côtes-du-Nord (aujourd'hui Côtes-d'Armor), alors absent ; comme il avait refusé le serment, il fut obligé de se cacher dans la paroisse. Il se tenait ordinairement sur les limites de Plumaugat, d'où il rayonnait sur tout le pays, portant les consolations de son ministère, administrant les sacrements. S'exila-t-il, resta-t-il dans le pays jusqu'à sa mort, qui arriva en 1801 ? On n'a aucune donnée.

Pendant les dernières années de la Révolution, le chef du district de Broons était, paraît-il, un prêtre apostat de la Rochelle, nommé Huet. Il avait conservé un reste d'honnêteté. Dès qu'une colonne mobile devait fouiller un quartier où se cachait un prêtre, il essayait de le faire prévenir secrètement.

Un jour on voulut le forcer à se marier. Il réunit le peuple : « Citoyens, leur dit-il, êtes-vous contents de mes services ? ». Une immense acclamation lui répondit. « Aussi, reprit-il, je vous consacre tous mes soins. Maintenant on veut me forcer à en avoir d'autres : les soins du ménage ; lorsque j'aurai à penser à une femme et à des enfants, je ne pourrai plus m'occuper de vous ». — « Tu as raison, citoyen, répondit la foule, reste libre, et continue de nous administrer ».

Après le concordat, il se rétracta, et quitta pour toujours le pays, où, dit-il, il avait donné tant de scandale.

Dès le 19 juin 1791, en exécution des lois du 2 décembre 1790, et du 7 avril 1791, les électeurs du district s'étaient réunis à Broons pour procéder à la nomination des curés constitutionnels. Furent élus : à Sévignac, M. Petibon l'aîné, prêtre de Plédéliac ; à Mégrit, M. Louis Josse, ex-prieur de Boquen ; à Lanrelas, M. Manceau, vicaire de cette paroisse. Une lettre envoyée à chacun d'eux leur notifia leur élection. — Tous refusèrent.

Le lendemain, 20 juin, Leroux, vicaire de Lanloup, fut élu pour Sévignac ; pour Mégrit, Lebreton, prêtre de Corseul, qui refusa.

Le dimanche 4 mars 1792, après la grand'messe, nouvelle réunion des électeurs au chef-lieu du district.

Le procureur-syndic prononce une pompeuse allocution, annexée au procès-verbal : « Le plus beau de tous les droits, que nous ait restitués l'assemblée constituante, dit-il en substance, est celui de choisir ses pasteurs. Cela rappelle les beaux jours de la primitive Eglise qui vont renaître parmi nous... Nous avons supporté assez longtemps les manoeuvres coupables et les menées sourdes de l'orgueil irrité des prêtres réfractaires... procédons à des élections ».

Un M. Marivint remet au président une lettre de M. Blanchard, maire de Trémorel, demandant, selon le désir des habitants, le maintien de ses prêtres, quoique réfractaires. L'assemblée refuse.

Après serment des électeurs, le sieur Corbel, vicaire à Lamballe, est élu curé de Broons par 21 voix sur 23. Chauvière, recteur de Ménéac, ex-religieux dominicain de Nazareth, est élu, par 19 voix sur 21, recteur de Sévignac.

Après les vêpres, la séance recommence.

Mais les habitants, conduits par les frères Rathier, Lebret, et quelques autres, envahissent le lieu des délibérations avec des balais et autres instruments plus ou moins guerriers, et redemandent avec menaces leurs anciens prêtres. Mais la gendarmerie accourt, refoule les assaillants. Sous sa protection, la délibération continue. Leroux, curé d'office de Sévignac, est nommé recteur de Dolo.

Le lendemain matin, à neuf heures, reprise de la séance.

Le sieur Gouinguené est nommé à Mégrit. Il refuse.

Il restait encore cinq cures à pourvoir ; mais l'assemblée ne connaissait plus de sujets conformistes ou disposés à se conformer : il fallut attendre des temps meilleurs.

Les habitants de Broons se montrant récalcitrants, avis en fut donné à la police. Le sieur Leroux, élu pour Dolo, dit ensuite la messe, pendant laquelle on a chanté le Domine, salvam fac gentem, Domine, salvam fac legem, Domine salvum fac regem, et qui a été suivi du Te Deum.

On ne sait rien sur l'administration du citoyen Corbel.

Le 20 juin 1802, M. Phénice prêtait serment à la préfecture de Saint-Brieuc, comme curé de Broons.

 

SÉVIGNAC.

La paroisse de Sévignac était alternativement à la nomination du pape et de l'évêque de Saint-Malo.

En 1790, elle avait pour recteur M. Leforestier, et pour vicaires MM. Eon et Régnard. Ils refusèrent tous les trois de prêter serment. Ils tiennent les registres publics jusqu'à la fin de juillet 1791. Que deviennent-ils pendant la tourmente ? Il n'y a aucune donnée.

En 1801 (20 septembre) le nom de M. Leforestier reparaît sur les registres de baptêmes, mariages, etc. Il dut donner sa démission de recteur en 1804.

De la fin de juillet à septembre 1791, un M. Y.-M. Leroux fit l'office de curé à Sévignac. Au mois de septembre de la même année arriva Vincent Leroux, vicaire à Lanloup, le nouveau curé constitutionnel, dont nous avons vu plus haut l'élection. Il ne resta dans cette paroisse que jusqu'au mois d'août 1792, époque à laquelle il alla à Dolo.

Il eut pour successeur le sieur Chauvière, dont nous avons relaté l'élection en parlant de Broons.

Ce fut le dimanche de Pâques, 8 avril, comme le porte le procès-verbal, que ce dernier prit possession de son nouveau poste, après avoir donné lecture de son institution canonique et prêté serment à la constitution civile du clergé, en présence du peuple réuni dans l'église. Il signe curé canonique et constitutionnel de Sévignac.

Le 17 avril, il inaugurait dignement son ministère d'apostat par le baptême d'un bâtard.

Sévignac comptait également plusieurs prêtres habitués : M. Lemercier qui administra les sacrements jusqu'au 8 avril 1792. Plus tard, paraît-il, il prêta serment, et même, si l'on en croit la tradition du pays, il se maria avec sa domestique, pour éviter, prétendait-il, des difficultés. Cependant il reparaît sur les registres en 1804, où il fait trois baptêmes. M. Huguet va également jusqu'en 1792. On n'a aucune donnée sur son compte : il est probable cependant qu'il refusa le serment.

Mais le plus illustre des enfants de Sévignac fut, sans nul doute, Mgr. Le Mintier, le célèbre évêque de Tréguier, l'un des plus intrépides confesseurs de la foi de l'époque révolutionnaire, de qui nous n'avons pas évidemment à parler plus longuement ici.

 

ROUILLAC.

Jusqu'en 1789, Rouillac dépendait de Sévignac. Le premier prêtre envoyé en 1789, fut M. Vitre, vicaire à Lanrelas. Il avait le titre de vicaire de Sévignac, mais devait résider à Rouillac dont la chapelle était érigée en église succursale et trève de Sévignac.

M. Vitre resta à son poste jusqu'en 1792. Il refusa de prêter serment et passa à Jersey, qui compta jusqu'à 3.176 prêtres français émigrés. Mais là, trouvant difficilement de quoi vivre, il se dit : « Mieux vaut mourir à Rouillac », et il revint dans sa paroisse deux ans après.

Il se cachait principalement chez Jacques Basset, au Clos-Quémat, où l'on voit encore son confessionnal. Il se tenait dans le grenier dont on avait percé la cloison, et le pénitent s'agenouillait dans l'escalier. Lorsqu'il était poursuivi, il se retirait à la Ville-Breton et au Champ du Puits, où il se rencontra, comme nous le verrons plus longuement avec les vicaires de Lanrelas et d'Eréac.

Le jour, il restait caché, mais la nuit il courait tous les environs, au service des âmes.

Le fils de Basset a raconté, non sans orgueil sans doute que le bon prêtre était quelquefois un peu gênant, car il les réveillait régulièrement à peu près toutes les nuits Mais personne ne se plaignait, et il ne se trouva aucun traître pour indiquer aux égorgeurs la retraite du prêtre fidèle.

L'orage passé, Rouillac, fut érigé en paroisse l'an XII (1803-1804). M. Vitre en fut nommé recteur et y mourut en 1804.

 

ÉRÉAC.

Eréac faisait partie du 3ème canton de Broons, dont le chef-lieu était Langourla. Nous avons très peu de documents sur cette paroisse. A la Révolution elle avait pour recteur M. Huet, et pour vicaire M. Yves Lecocq. Ils refusèrent tous les deux de prêter serment à la constitution civile du clergé. Ils restèrent, au moins M. Lecocq, jusque vers la fin de 1792, car ce dernier assistait vers la fin de juin 1792 à l'enterrement d'un prêtre de Lanrelas, et y signait curé d'Eréac.

M. Huet venait de Pleurtuit ; peut-être retourna-t-il dans son ancien pays pour passer de là en Angleterre ? On n'a là-dessus aucun document. Son nom reparaît sur les registres d'Eréac en 1800. Il mourut en 1801.

Quant à M. Lecocq, un indice permettrait peut-être de croire qu'il resta au pays ou du moins y revint comme ses confrères des paroisses voisines, après une absence de deux ou trois ans. Si l'on ajoute foi aux récits populaires, il se trouva un jour caché en Rouillac, au Champ du Puits, avec M. Vitre et M. Manceau. « C'est toi, Lecocq, lui dit le vicaire de Lanrelas, jouant sur le nom de son confrère, qui nous réveilleras demain, mais ne chante pas trop haut, je t'en prie, car tu pourrais nous attirer des désagréments ».

Mais nous avons vu que c'était après son retour d'Angleterre, en 1795-1796, 1797, etc., que M. Vitre se cachait au Champ du Puits.

Quoi qu'il en soit, on retrouve le nom de M. Lecocq sur les registres d'Eréac en 1800. En 1801, il succéda à M. Huet comme recteur de cette paroisse. Il resta plusieurs années sans vicaire, et mourut le 15 avril 1814.

 

MÉGRIT.

Mégrit était, à la Révolution, le chef-lieu du 5ème canton de Broons, dont avec lui faisaient partie Trémeur, Trédias et Saint-Urielle.

La paroisse de Mégrit dépendait de Beaulieu. A l'époque dont nous nous occupons, elle avait pour recteur un moine de cette célèbre abbaye, nommé M. Veillon, natif d'Evran. Il était chanoine régulier de sainte Geneviève et signait prieur-curé de Mégrit. — Son vicaire se nommait M. Le Marchand.

A la Révolution, M. Veillon refusa tout serment ; il fut déporté sur les pontons de Rochefort et mourut à l'île d'Aix, épuisé par les mauvais traitements qu'il avait endurés (1er août 1794).

Contrairement au dire de M. Manseau qui le fait figurer sur la liste des prêtres et religieux déportés sur les côtes et dans les îles de la Charente, M. Le Marchand ne quitta point Mégrit. Il se cachait ordinairement au village de la Sôlais, et administrait particulièrement la partie du bourg. Après la Révolution, il resta quelques mois recteur de Mégrit, et fut nommé curé de Plélan-le-Petit, où il est mort.

En même temps que M. Le Marchand, trois autres prêtres donnaient le secours de leur ministère à cette paroisse privilégiée où les registres de baptêmes, mariages, communions ont été régulièrement tenus pendant toute la période révolutionnaire.

Ces prêtres étaient M. René Coulombel, prêtre de Sainte-Urielle, qui administrait le district de Saint-René ; M. Lemée, curé de Jugon, qui administrait la partie de Saint-Maudez, ancienne chapellenie, relevant de Beaulieu ; et enfin, M. de Rabec, qui administra pendant trois ans la partie du Val-Martel.

M. Paul de Rabec, né dans le diocèse de Coutances, docteur en théologie, chanoine de la Collégiale de Saint-Guillaume à Saint-Brieuc, archidiacre et théologal de Dol, puis pour cause de santé curé d'Araon dans le diocèse du Mans, était retiré au Val-Martel, en Mégrit, dans une propriété de sa famille.

A la Révolution, il refusa tout serment. Il passa près d'une année renfermé avec les prêtres du département dans la maison des Filles de la Croix, à Saint-Brieuc, et dans celle des Carmélites, à Guingamp, alors converties en prison. Rentré dans sa propriété en 1795, il se livra avec zèle à l'exercice du saint ministère. Dénoncé, il fut saisi par une colonne mobile venue de Broons : « Soldats qui devez me fusiller, dit-il aux assassins, venez m'embrasser, je vous pardonne ma mort ». L'un d'eux fut ému par tant de grandeur d'âme, et refusa de tirer. Mais les autres massacrèrent le généreux confesseur de la foi devant sa maison, et le dépouillèrent complètement. Il fut enterré par ses fermiers et ses domestiques dans le cimetière de Mégrit. Une croix indique encore le lieu du martyre.

 

TRÉDIAS.

La paroisse actuelle de Trédias se compose des deux anciennes paroisses de Trédias et de Sainte-Urielle. Trédias faisait partie du doyenné de Plumaudan. C'était l'abbé de Beaulieu qui nommait à la cure. Le recteur signait recteur-prieur. A l'époque de la Révolution, il se nommait M. Mathurin Huet. Né à Calorguen, en 1727, il était recteur de Trédias depuis 1765. Il occupa son poste jusqu'au mois de septembre 1792, malgré le refus de tout serment. Mais ne se sentant plus en sûreté, il se retira dans son pays, où il resta caché pendant la persécution. En 1800 ou 1801, il revint à Trédias, où il ne resta que quelques mois, étant devenu aveugle. Il retourna dans sa famille, où il mourut en 1803, âgé de 76 ans (Notice sur Trédias et les environs, par M. LESAGE).

 

SAINTE-URIELLE.

La paroisse de Sainte-Urielle, aujourd'hui réunie à celle de Trédias, était du diocèse de Dol et du doyenné de Bobital. D'après M. Lesage, elle dépendait de l'abbaye de Beaulieu qui la faisait desservir par un de ses religieux, quand son personnel le permettait ; d'après d'autres, la nomination à la cure appartenait à l'abbé de Rillé, chanoine régulier de Saint-Augustin. (L'abbaye de Rillé était située dans la paroisse de Fougères, diocèse de Rennes).

Le recteur signait prieur-recteur. A la Révolution, il s'appelait M. Goisand de la Chevrière. M. Goisand de la Chevrière, prêtre et religieux, sorti d'une famille noble des environs d'Angers, disent les uns, du Berry, disent les autres, arriva à Sainte-Urielle sur la fin de 1789. Il refusa de prêter serment, quitta son presbytère en 1792, et se cacha dans la paroisse. Un jour, il faillit tomber aux mains des assassins. Sa domestique se trouvant un matin au bourg, se vit tout à coup entourée par une colonne mobile de soldats et de patriotes dont quelques-uns la reconnurent. « Tu vas nous conduire à l'instant, citoyenne, lui crièrent-ils, chez le ci-devant curé, ton maître, sinon.... » et une manoeuvre expressive des baïonnettes acheva d'exprimer la pensée des bleus.

Elle feignit de consentir, et les conduisit lentement par la grande route. Pendant ce temps-là, une femme du bourg qui connaissait la retraite du recteur, courait à travers champs et prévenait M. de la Chevrière qui était encore au lit. Tous les deux se sauvèrent dans un champ de genêts, non loin de là, et se cachèrent dans le fossé le long d'un sentier. Un homme venant à passer, aperçut les fugitifs, fit partir la femme dont la coiffe blanche aurait pu les trahir, et se mit à sa place. Presque aussitôt les bleus parurent à l'autre extrémité du champ. « Sauvez-vous, mon ami, dit M. Goirand à son compagnon, ils vont nous découvrir ; c'est assez de moi comme victime ». — « S'il faut mourir, M. le Recteur, répondit l'intrépide paysan, nous mourrons ensemble, mais je ne vous quitterai pas ». Les bleus n'apercevant rien, tournèrent leurs recherches d'un autre côté.

Mais, depuis ce moment, ne se sentant plus en sûreté dans sa paroisse, il se rendit à Dinan, où il se cacha quelque temps. Profitant d'un moment de calme, il quitta cette ville et passa dans son pays. Depuis, on n'en a plus jamais entendu parler. Il fut le dernier recteur de Sainte-Urielle.

A la Révolution, un autre prêtre habitait Sainte-Urielle. Il était né dans cette paroisse en 1744, et se nommait M. René Coulombel. Successivement vicaire à Saint-Tual et à Plerder, il était venu en dernier lieu se retirer dans son pays. Il refusa de prêter serment à la constitution civile du clergé, et passa la tourmente révolutionnaire caché à Sainte-Urielle et à Mégrit, dont il administra un des quartiers, comme nous l'avons vu en parlant de cette dernière paroisse. Il devint à la paix curé d'office de Trédias où il mourut en 1813.

 

TRÉMEUR.

La cure de Trémeur, du doyenné de Plumaudan, était à l'alternative. Elle était possédée en 1790 par M. Guy Trumel, né à Saint-Juvat, selon le registre paroissial, à Trévron, selon M. Lesage. Il refusa de prêter serment ; fit cacher les ornements sacrés, le tabernacle qui se voit encore à l'église, dans une maison située en face du presbytère, que les habitants montrent avec orgueil à l'étranger et se retira lui-même dans le pays, ordinairement aux environs du bourg. Il passa ainsi toute la période révolutionnaire, portant aux habitants les secours de son ministère et les maintenant ainsi dans la pureté de la foi et des moeurs. Vers 1803, il reprit sa place de recteur de Trémeur, où il mourut en 1816.

Le vicaire de M. Trumel s'appelait M. Bigot, né à Paimpont (Ille-et-Vilaine). Comme son recteur, il refusa tout serment, il s'exila, on ne sait où, sur les conseils, dit-on, de M. Trumel. « Il était jeune, il devait se réserver pour plus tard, à une époque où l'Église aurait peut-être grand besoin de pasteurs ». A la paix, il devint curé de Dol.

A cette époque, M. l'abbé Oly habitait également Trémeur où il était né vers 1760 ou 1761. Après avoir fait ses études au collège de la Victoire à Dinan, il reçut de ses parents un titre de 300 francs de rente ; devenu prêtre, il se retira dans sa maison, située au bourg, et qu'on voit encore à la fin du XIXème siècle. Il était chapelain de la chapelle de Saint-Cado ou Cadroc, en Sévignac, et y disait la messe tous les dimanches. A la Révolution, il refusa de jurer et de s'exiler. Une nuit les patriotes envahirent sa maison et le massacrèrent. Il était âgé de trente-trois ans.

Trémeur, pendant cette période funèbre, vit passer plusieurs autres proscrits sur son sol. Ils se rendaient tous au même endroit : au Menu-Bois. Là habitaient cinq soeurs, dont la maison abrita successivement : d'abord leur frère, M. Mégret, vicaire à Caulnes, échappé de l'île de Ré, avec M. Tostivint, vicaire à Saint-Malo de Dinan, M. Berthier, professeur de rhétorique des Cordeliers à Dinan : il revenait des pontons de Rochefort et retournait à Dinan. C'est là aussi que se faisait la correspondance des royalistes. Les cinq soeurs de M. Mégret étaient des femmes fortes dans toutes les acceptions du mot. L'une d'elles fut détenue pendant onze mois à Saint-Brieuc.

Un dimanche matin, deux d'entr'elles, accompagnées d'une autre femme, revenaient de l'église où, depuis la cessation des offices publics, les habitants avaient coutume de se réunir pour réciter ensemble le rosaire et autres prières, lorsqu'elles rencontrèrent le maire de la commune, ardent patriote et intrépide dénonciateur. La route était solitaire. Alors elles s'approchèrent, et, consciencieusement, administrèrent au magistrat une correction fraternelle et patriotique, en lui disant : « Avis aux dénonciateurs ». Le jacobin se le tint pour dit. Une chanson fut composée à ce sujet et chantée dans tous le pays.

 

YVIGNAC.

A la Révolution, Yvignac faisait partie du canton de Plumaudan, district de Dinan. La cure, qui était à l'alternative, était possédée depuis 1781 par M. Guillaume Gauvain.

Il refusa de prêter serment et passa en Angleterre, probablement en 1791, car son nom paraît pour la dernière fois sur les registres de baptêmes, mariages, décès, le 4 mars 1791.

Mais il n'y resta pas longtemps. Ayant appris qu'un intrus nommé Saudrais, séduisait un grand nombre de ses paroissiens, il revint au milieu d'eux, et bien qu'obligé de se cacher, il eut le bonheur d'en retirer plusieurs de l'erreur et du schisme. Enfin, épuisé de fatigues et de peines, il tomba malade au village de Lanouée, célèbre par son antique chapelle des Templiers et des chevaliers de Malte ; et c'est là qu'il mourut chez la supérieure des soeurs du Sacré-Coeur (mai 1794).

La nuit, sur sa recommandation, ses hôtes, pour n'être pas compromis, portèrent le corps sur la lande de Lambrun, et l'appuyèrent au talus du chemin de Dinan, un bâton à la main, dans l'attitude du voyageur surpris par la mort au milieu de sa route. Le corps trouvé sur la lande, dit M. Lesage, occasionna une descente de justice et un curieux procès-verbal qui se trouve aux archives de la commune d'Yvignac. Nous n'avons pu voir ce procès-verbal. Il a peut-être disparu. D'après le registre paroissial et la tradition du pays, le cadavre fut rencontré le lendemain par une bande de patriotes de la paroisse. A la vue de celui qu'ils cherchaient depuis si longtemps, ils poussèrent un long cri de joie : les plus braves enfoncèrent leurs baïonnettes dans ses restes, pendant qu'un autre déchargeait dessus son fusil à bout portant. Il fut enterré sous l'if du cimetière, et le soir les patriotes dansèrent sur sa tombe. On eût dit une scène de Peaux-rouges foulant aux pieds leur ennemi vaincu.

M. Gauvain avait pour vicaire M. Nogues.

M. Nogues était né à Yvignac, et il en était vicaire depuis 1779 lorsque la Révolution éclata. Comme son recteur il refusa tout serment, le suivit en Angleterre, en revint en 1797, et prit, comme ancien vicaire, l'administration de la paroisse. En 1802, il eut, comme les administrateurs, le titre de curé d'office avec lequel il mourut, le 3 juin 1803.

En même temps que le recteur et le vicaire, deux autres prêtres habitaient Yvignac : ils s'appelaient MM. Crespel et P..., prêtres habitués. On n'a pas de renseignements écrits sur eux. En même temps que ceux du recteur et du vicaire, le nom de M. Crespel disparaît des registres de baptêmes, etc., ce qui prouverait peut-être que comme eux, il est resté fidèle.

Quant à M. P..., on a des doutes à son sujet. Il accepta de faire quelques baptêmes, enterrements, après l'intronisation de Saudrais. Sa famille tout entière était à la tête du mouvement révolutionnaire à Yvignac, ce qui évidemment n'est pas une preuve de sa propre culpabilité.

Quoi qu'il en soit, un M. P... d'Yvignac fut vicaire de cette paroisse en 1803. La même année il alla à Sévignac, dont il fut nommé recteur en 1804. Il est bien probable que c'était le même : si par hasard il avait eu le malheur de jurer, il s'était donc rétracté.

Quant au prêtre jureur qui succéda à M. Gauvain, en 1791, voici la petite note que nous avons lue, au bas d'un registre de la mairie : « Joseph-Marie Saudrais, prêtre de Jugon, vicaire de Saint-Glen, curé des paroisses de Plémy, et Yvignac, électeur du département des Côtes-du-Nord, électeur et administrateur du district de Lamballe, a pris possession de cette paroisse le 26 juin 1791, ayant eu pour gardes d'honneur environ 200 gardes nationaux, sous les ordres de P. P., auxquels se sont joints les bons citoyens de la ville de Jugon, etc. ». La note est signée Sotise : peut-être est-ce un mot prédestiné.

Saudrais avait pour vicaire constitutionnel : Ferté, qui pour la première fois signe vicaire d'Yvignac, le 19 juillet 1791.

Nous ne connaissons pas autre chose sur le compte de ces deux malheureux.

 

LANRELAS.

Lanrelas faisait partie du 8ème canton de Broons, dont le chef-lieu était Plumaugat.

Avant la Révolution, il y avait en cette paroisse six prêtres : un recteur, un vicaire et quatre chapelains.

A l'époque des décrets sur le serment à la constitution civile du clergé, le recteur était M. Guillaume Belouart, et non pas M. Goron, comme le prétend M. Tresvaux du Fraval. M. Bélouart, né à Paimpont, arriva à Lanrelas le 1er ou 2 février 1790. Il refusa tout serment.

Voici, d'après un vieux registre, la relation de sa mort : à part quelques expressions, peut-être, on croirait lire un acte des martyrs :

« Le terme de la déportation étant expiré au mois d'octobre 1792, M. Belouart, recteur de Lanrelas, se cacha environ huit jours, et avant la Toussaint il revint à son église où il officia publiquement jusqu'au 6 janvier 1793, jour auquel il y fut pris, au moment où il allait commencer la grand'messe, par les gendarmes de Broons qui le menèrent à la maison commune de Guingamp où il resta jusqu'en 1795. De retour à sa paroisse, il continua d'exercer ses fonctions jusqu'en 1796, le 6 janvier, où il fut pris derechef par les contre-chouans, accompagnés de quelques soldats républicains qui le renfermèrent d'abord dans une chapelle qui se trouvait dans le bourg (cimetière actuel), et la nuit bien avancée, ils le firent sortir pour le mener dans un champ voisin où ils le massacrèrent à coups de baïonnette. Tout son corps était tellement percé de coups dans le dos, dans la tête, dans les côtés et dans le ventre, que ses intestins en sortaient. Quand les barbares l'entendaient prononcer le nom de Jésus et de Marie, ils s'écriaient : " Ah ! le sacré bougre, il prononce encore le nom de Jésus ! Enfonce-lui donc plus avant ta baïonnette ". Au rapport même des meurtriers, " plus il prononçait le nom de Jésus, plus il recevait de coups de baïonnettes ". En le conduisant au lieu de son supplice, ils avaient tous en main des chandelles allumées, comme marque de leur triomphe. Le lendemain matin ils revinrent voir ce que l'on avait fait, et tirèrent sur ceux qui étaient à l'ensevelir, dont l'un fut blessé très dangereusement à la hanche par une balle ».

Le champ du martyre est placé à l'angle formé par les routes d'Eréac et de Broons, sur le bord de la Rance.

A l'époque du massacre, les divisions de chouans de Saint-Méen (Saint-Regeant), de Dinan (de Pontbriant) et de Bécherel, étaient maîtresses du pays : elles venaient d'infliger une défaite sanglante aux troupes républicaines, à la lisière du bois d'Yvignac. Voilà pourquoi peut-être les contre-chouans choisissaient la nuit pour accomplir leur crime.

M. Belouart avait pour vicaire M. Mathurin Manceau, de la paroisse de Loyal. Il avait succédé à M. Vitre au mois de septembre 1789. Il ne prêta aucun serment, refusa comme nous l'avons vu les offres des électeurs constitutionnels de Broons, et comme son recteur, continua d'exercer publiquement son ministère jusqu'au commencement de 1793. Après, que devint-il ? D'après la tradition populaire, il disparut tout-à-coup du pays. Probablement se retira-t-il à Jersey avec son prédécesseur, M. Vitre, et M. Lecoq, son voisin, et c'est après leur retour qu'eut lieu la réunion au Champ du Puits, en Rouillac. Il reparut au bout de deux ans sous un déguisement : il était vêtu, disent les vieillards qui l'ont connu, comme les gens du Mené. Il est probable qu'il resta dans le pays jusqu'à la paix. Du reste les habitants montrent encore plusieurs maisons où les prêtres ont été cachés pendant la tempête révolutionnaire : un grenier rempli de foin ou de paille ; derrière, un petit réduit, où s'abritait le fugitif durant le jour, quand les patriotes ne venaient pas le déranger ; sous une porte ou une fenêtre, une dalle dissimulant les ornements sacerdotaux ; dans un autre coin, entre le foin et la muraille, un petit réduit où le prêtre proscrit disait, quand il le pouvait, la messe à quelques fidèles privilégiés, pendant qu'au dehors un ou deux hommes, dont on cite encore le nom, faisaient le guet : c'étaient bien les temps heureux de la primitive église chantés par le procureur-syndic de Broons.

M. Manceau, lorsque le calme fut revenu, devint curé d'office, puis recteur de Lanrelas où il est mort au mois de septembre 1822.

Nous avons dit, d'après un vieux registre, qu'avant la Révolution, il y avait à Lanrelas quatre chapelains. Malgré nos recherches, nous n'avons pu, indépendamment du recteur et du vicaire, trouver que le nom de trois autres prêtres : peut-être à l'époque où nous sommes, une des chapelles était-elle détruite ou abandonnée. — Ces trois prêtres étaient :

1° M. Pierre Mathurin Letort, né à Lanrelas, et qui y a encore des parents à la fin du XIXème siècle. Il habitait le village de la Ville-ès-Macé, et était depuis plusieurs années chapelain de la chapelle du Temple, distante de sa demeure de quelques centaines de mètres.

Il mourut dans sa maison et fut inhumé dans le cimetière de sa paroisse, le 18 juin 1792. Il avait dû refuser tout serment, car tous les prêtres restés fidèles, de Lanrelas et des paroisses voisines, assistèrent à son enterrement.

2° M. Mauny. Il était de Saint-Méen, et habitait depuis plusieurs années une propriété de sa famille, située au village du Rohan, à deux kilomètres environ du bourg. D'après la tradition, il disait la messe chaque matin au bourg, peut-être à la chapelle Saint-Jacques, où M. Belouard fut enfermé la veille de son martyre. Il dut refuser tout serment, car son nom paraît avec ceux du recteur et du vicaire, sur les registres de baptêmes, enterrements, jusqu'à la fin de 1792. Que devint-il en 1793, et les années suivantes ?... nous n'avons aucune donnée. Vers 1799, ou 1800, d'après la tradition, il fut saisi, probablement par une de ces troupes de faux-chouans, et autres pillards, qui désolèrent les provinces de l'Ouest, au commencement de la pacification : ils le fusillèrent auprès de sa maison, laissèrent là le cadavre et s'éloignèrent. Nous n'avons trouvé aucun indice de son décès sur les registres civils.

3° M. Alexis Juhel. Il était né à Lanrelas et y possède encore des parents à la fin du XIXème siècle. Etait-il chapelain d'une chapelle, de Saint-Malo, par exemple ! nous n'en savons rien. Il refusa de prêter serment, car son nom figure comme celui de M. Mauny, sur les registres, avec ceux du recteur et du vicaire, jusqu'à la fin de décembre 1792.

Il fut pris par les bleus en 1793, enfermé probablement dans le couvent des soeurs de la Croix à Saint-Brieuc, et, à la fin de l'année, dans celui des Carmélites de Guingamp. Il en fut retiré le 5 mars 1794, avec 25 compagnons d'infortune pour être dirigé sur le port de Rochefort et ensuite embarqué pour la Guyane. Le 19 mars, il coucha à Broons, dans l'église dévastée et profanée. Le 27 mars, il était, avec ses compagnons, enfermé à Nantes sur un bâtiment au milieu de la Loire.

Là, dit M. Tresvaux du Fraval, pour apaiser leur faim, les détenus n'avaient souvent que de la sardine crue, et pour boisson, un peu de mauvais vin du pays. Autour d'eux, les cadavres des noyades flottaient en si grand nombre que l'autorité civile avait défendu de boire de cette eau. M. Juhel qui était âgé de 62 ans, ne put supporter ces cruelles épreuves ; il tomba malade et mourut sans que les prières et les supplications de ses confrères pussent obtenir qu'on lui donnât le moindre secours de la médecine. Des mercenaires avides enlevèrent son corps et s'empressèrent de se partager ses dépouilles.

Nous nous arrêterons là. Sans doute, bien des points importants restent dans l'ombre : la tradition commence à s'effacer avec le temps ; les registres civils, comme à Broons, les plus importants cependant, ont été en partie détruits. Quant aux registres ecclésiastiques, la Révolution avait laissé tant de ruines, que les prêtres qui vinrent après, du moins un certain nombre, n'eurent point le temps probablement de relater les faits glorieux auxquels ils avaient été mêlés, eux et leurs prédécesseurs. Mais, du moins, il est une chose qu'on peut constater avec orgueil, c'est que les prêtres du canton actuel de Broons furent à la hauteur de leur mission.

Si l'on en excepte le recteur de Broons, qui encore s'est rétracté, pas un n'a failli devant les fusillades sommaires des colonnes mobiles, devant les pontons, devant l'échafaud ; ils ont réalisé le mot célèbre de Bossuet : Plutôt que d'aller contre le devoir, ils y ont mis leur tête.

(le diocèse de Saint-Brieuc durant la période révolutionnaire).

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