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LE DOYENNÉ DE CORLAY

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Quand, pendant la tourmente révolutionnaire, éclata la persécution religieuse, le clergé paroissial du doyenné de Corlay (diocèse de Quimper alors) était au complet et les noms des recteurs qui l’administraient comme aussi les noms de leurs vicaires, sont connus :

Corlay avait pour recteur M. Le Jacq, depuis 1777 ; Le Haut-Corlay, M. Le Guénanff, depuis 1787 ; Plussulien, M. Le Bigaignon, depuis 1773 ; Saint-Martin-des-Prés, M. Le Bihan, depuis 1790 ; Saint-Mayeux, M. Georgelin, depuis 1771.

Etaient vicaires :

A Corlay, M. Tanguy, depuis 1788 ;

Au Haut-Corlay, M. J.-B. Léauté, depuis 1789 ;

A Saint-Martin, M. Launay, depuis 1785 ;

A Plussulien, M. Mathurin Le Denmat, depuis 1786 ;

A Saint-Mayeux, église paroissiale, M. Jégou, depuis 1786 ;

Dans sa trêve de Saint-Gilles-Vieux-Marché, M. J. Le Denmat ;

Dans sa trêve de Caurel, M. Menguy [Note : Ces deux anciennes trèves appartenant aujourd'hui au doyenné de Mûr].

Aucun recteur, aucun vicaire du doyenné de Corlay, ne prêta le serment. M. le chanoine Théphany nous cite même comme ayant protesté, nommément, contre les décrets relatifs à la Constitution civile du clergé :

M. Le Jacq et M. Tanguy, son vicaire (Corlay) ;

M. Georgelin et M. Jégou, son vicaire (Saint-Mayeux) ;

M. Le Guénanff et M. Léauté, son vicaire (Haut-Corlay) ;

Et M. Le Bihan, recteur de Saint-Martin-des-Prés.

M. Launay, vicaire de Saint-Martin ; M. Le Bigaignon, recteur de Plussulien, et M. Le Denmat, son vicaire, ne nous sont pas donnés comme ayant formulé et manifesté aucune protestation par parole ou par écrit ; mais ils le firent par leur conduite, puisque tous trois s’en allèrent en exil.

M. Le Bigaignon, M. Le Denmat, M. Launay et M. Le Bihan émigrèrent en Angleterre. M. Le Bihan et M. Le Bigaignon y moururent. M. Launay et M. Le Denmat y demeurèrent probablement jusqu’à la fin de la persécution. M. Tanguy s’en alla aussi en pays étranger, mais on ne sait en quelle contrée. M. Le Guénanff et M. Léauté durent semblablement quitter leur paroisse, où se retirèrent-ils ? Je n’ai rien trouvé qui l’indique. Quant à M. Le Jacq et M. Jégou, ils ne s’éloignèrent pas un instant du pays.

Après l’apaisement, nous retrouvons au pays M. Le Jacq, M. Georgelin, M. Jégou, M. Le Denmat, M. Launay. Les trois premiers reprirent possession de leur poste ; M. Le Denmat devint recteur de Saint-Caradec, lieu de sa naissance ; et M. Launay, recteur de Saint-Martin, où le précéda M. Guill. F. Le Bihan, frère de l’ancien recteur, et qui mourut quinze jours après sa nomination. J’ignore ce que devinrent M. Le Guénanff et M. Léauté. M. Tanguy, étant originaire de Saint-Martin-des-Prés, je pense que la note suivante, extraite d’une feuille incluse dans le cahier de paroisse, se rapporte à lui :

« Saint-Martin compte parmi ses illustrations un abbé Tanguy, protonotaire apostolique et docteur en théologie, qui aurait passé le temps de l’émigration en pays étranger et qui, après différents voyages en Italie, etc., etc., serait venu mourir dans son tître à Guenbourg ».

I. Le Haut-Corlay, du moins à certains moments, abrita quelques prêtres fidèles, mais on ne connaît bien ni leurs noms, ni les cachettes où ils se retiraient. On donne comme étant recteur de la paroisse, en 1799, un M. Boscher, et, en 1800, M. Le Baron (notes du cahier de paroisse). Je ne puis m’expliquer à cette époque ces deux nominations.

M. Le Baron, après le départ de MM. Le Guénanff et Léauté, en 1792, avait fait deux baptêmes et un enterrement, et, pendant les mauvais jours, il resta, est-il écrit, déguisé, à Tréguistin, village de Corlay.

II. A Saint-Martin-des-Prés restèrent cachés, pendant la tempête, M. Guill. F. Le Bihan et M. François Le Goff.

M. Guill. F. Le Bihan était frère, comme déjà il a été dit ci-dessus, de M. J. Le Bihan, recteur de la paroisse, parti en émigration.

M. François Le Goff était recteur de Plourin quand se leva la persécution religieuse. Il vint chercher un abri et un refuge dans sa famille et chez son frère, à Saint-Martin. Je ne sais dans quel moment, travaillant le fil, il fut reconnu pour prêtre et il essaya de s’évader, mais les révolutionnaires déchargèrent sur lui leurs fusils et le tuèrent dans un jardin du bourg. C’est la seule victime que le clergé eut à déplorer, comme ayant péri sous leurs coups, dans le doyenné de Corlay, pendant ces temps malheureux où tant de gens de bien et tant de gens d’église furent mis à mort.

Saint-Martin-des-Prés fut affligé d’un curé constitutionnel. Voici tout ce que j’ai découvert à son sujet : « Il y eut un intrus à la paroisse. Ce fut un moine briochin, soi-disant de Bégard. Il se nommait Corlay ou Corlai. Il ne resta qu’un an à Saint-Martin sans faire grandement parler de lui et n’eut presqu’aucun partisan ».

III. Le cahier de paroisse de Plussulien nous apprend la présence, dans la localité, de deux bons prêtres pendant les mauvais jours, M. Yves Riou de Galvizic et M. Quéré. M. Riou resta tout le temps dans le pays. Il se retirait, surtout chez sa soeur, habitant le village de Mellionnec, en Laniscat. Il tint un registre des baptêmes qu’il faisait, et il signait curé-d’office. Il mourut recteur de Plussulien en 1805.

M. Quéré, recteur de Pleuven-Fouénan, revenu sans doute dans sa famille, le seconda, et, comme lui, il a laissé, par écrit, avec sa signature, le nom des enfants qu’il baptisa et la date de leur naissance.

Un troisième ecclésiastique de la même paroisse vivait aussi alors, P. Martoil. Il prêta serment et devint, à Plus­sulien même, curé constitutionnel. Le souvenir de son scandale s’est perpétué longtemps, et longtemps a valu, à sa famille, le mépris. Espérons toutefois que Dieu a fait miséricorde au renégat, comme autrefois à l’apôtre Pierre, car, un bon dimanche, à Péléden, au pied de la croix, il se rétracta devant tout le public. Personne n’a su ce qu’il devint ensuite et depuis.

IV. A Saint-Mayeux, quand éclata la Révolution, se trouvaient M. René Guillaume et M. Pierre Le Gall.

Dom René émigra en Espagne et devint plus tard, en 1810, vicaire de sa paroisse, et en 1823, recteur. Il était né à Kertanguy et mourut à Corlay, où, malade, il était allé se soigner.

M. Le Gall, après la disparition de M. Georgelin et de son vicaire, fit à Saint-Mayeux onze enterrements, jusqu’au 12 octobre, et il a signé prêtre. Ensuite se trouvent consignés au registre, six enterrements faits par un M. Le Coédic qui signe curé (12 octobre à 10 novembre), et onze enterrements faits par un M. Kéranterff (10 novembre à 20 décembre), qui signe vicaire. Depuis le mois de septembre 1792, il n’est plus mention que d’inhumations ; plus de baptêmes, etc...

Qu’étaient ce M. Kéranterff et ce M. Le Coédic ‘? Je n’en sais rien. Que devint M. Le Gall pendant la Révolution ? Je ne l’ai pu savoir non plus. Je crois qu’au moment du Concordat, il fut nommé recteur de Saint-Gilles-Vieux-Marché, et que, de là, quelques années plus tard, il fut transféré à Plussulien.

Saint-Mayeux eut le bonheur de conserver, même au plus fort de la tourmente, l’un de ses prêtres paroissiaux. M. Jégou resta dans la paroisse et dans les environs, v. g. à Plussulien, à Corlay, à Cauvel, etc.

A Saint-Mayeux, il avait plusieurs retraites, surtout dans les fermes hors du bourg, notamment au Bohanno, à Kénikern, à Pouloner-du-bas.

Quatre fois, pour le moins, il se vit aux mains des révolutionnaires.

Une première fois, ce fut à Corlay. Il se tira d’affaire à force de persuasion, par la douceur et le bon sens de son langage, et il fut relâché.

Une seconde fois, ce fut dans une maison où il s’était réfugié. Le narrateur ne sait quelle elle était, mais il garantit la sûreté du fait. Un piquet de soldats y vint faire la fouille. Le temps était froid et les braves militaires firent cercle autour d’un bon feu avant de commencer leurs perquisitions. M. Jégou, du réduit qu’il occupait, reconnut le maître de la troupe à la voix, descendit sans attirer l’attention et saisit de ses deux mains, par derrière, la tête de ce chef qu’il tint dans cette position quelques instants, au grand ébahissement des archers. Enfin, il lâcha son homme qui se fâchait mais qui, en le voyant devant lui, s’écria : « Comment, Jégou, c’est toi ! » C’était un ancien condisciple de Quimper, probablement un camarade, un témoin et un compagnon des jeux bruyants auxquels aimait à se livrer naguère le vicaire étant écolier. Il se met à rire et promet qu’aucun autre que lui n’entrerait en cette maison à la recherche des prêtres insermentés.

La troisième aventure de M. Jégou arriva à Poulancre-deu-Bos ; il s’était caché dans une huche. La colonne mobile des soldats fit la visite de toute la maison, des greniers et écuries ; quelqu’un, en passant près de la cachette du prêtre, en souleva le couvercle et aperçut, là blotti, le malheureux vicaire. Mais aussitôt s’adressant à ses camarades et faisant semblant de n’avoir rien vu : « Nous perdons ici notre temps, dit-il ; allons-nous-en ailleurs ». La bande sortit. M. Jégou était sauvé une fois de plus.

L’homme qui, en cette circonstance, l’avait découvert, était, assure-t-on, de Saint-Mayeux. On ne sait quel était son nom.

Enfin, une quatrième fois, M. Jégou, déguisé en paysan, s’en allait du côté de Corlay, porteur de dépêches compromettantes pour lui et pour les autres prêtres cachés dans les environs. Il allait traverser le Ponto, disent les uns ; il arrivait, à la croix de Kervégan, non loin du Ponto, disent les autres, quand soudain il distingue une troupe de gens d’armes qui vient droit à lui. Le moment est critique : une inspiration le porte à contrefaire l’ivrogne, et, de zigzags en zigzags, il s’arrange de manière à tomber dans une mare d’eau et de boue, où il enfouit rapidement sa liasse de papiers, sauf à l’y repêcher plus tard. Les hommes de la république lui jetèrent, en passant, quelques grosses plaisanteries de leur façon et disparurent dans la direction du Rohanno pendant que le faux ivrogne se débarbouillait, non sans rire un peu du succès de sa ruse.

Il serait peut-être possible d’avoir, sur ce généreux confesseur de la foi, d’autres anecdotes intéressantes, mais celles-ci doivent suffire à nous montrer son courage, son dévouement et le soin que la Providence eut de lui.

M. Jégou est mort curé de Bothoa.

V. J’arrive à une autre figure bien digne elle aussi de notre attention et de notre admiration ; c’est M. Le Jacq, recteur de Corlay. Il préféra s’exposer à mourir au milieu de ses ouailles que de les quitter. Pendant plusieurs années, déguisé comme M. Jégou en paysan, il trompa toutes les recherches des révolutionnaires. Le jour, il se cachait, et, la nuit, il apparaissait comme un ange de paix, apportant aux mourants les consolations et les secours suprêmes de notre sainte religion, baptisant les enfants, célébrant les mariages et revalidant les unions non légitimement et non validement contractées.

Son zèle ne se borna pas à la seule paroisse de Corlay ; le Haut-Corlay, Canihuel, Saint-Gilles-Pligeaux, Plussulien virent tour à tour le vénérable prêtre leur prodiguer le même dévouement. D’après les notes tracées de sa main, le Haut-Corlay surtout fut, après Corlay, le principal théâtre de son action. Le même jour ou plutôt la même nuit, au Skivit, il fait trois baptêmes. Lorfiec, Quilaron, Koatfaran, etc., voient se renouveler les mêmes faits. Il n’était pas rare que les enfants qui lui étaient présentés et n’avaient pas encore reçu le Sacrement de la régénération, eussent deux, trois, quatre ou cinq ans.

Grâce au zèle et à l’activité de l’abbé Le Jacq, Corlay fut, pour le curé intrus et assermenté, une douce et paisible sinécure. Le citoyen Rault, c’est ainsi qu’il s’appelait, n’avait guère à sa charge que les inhumations. Tous les malades mouraient sans sacrements, écrit-il dans les actes de décès dressés et signés par lui, soit qu’on ne les lui demandât point, soit qu’on les refusât de sa part. Il oubliait peut-être trop que le véritable recteur, M. Le Jacq, veillait auprès des mourants et les réconciliait avec Dieu avant le terrible passage de ce monde à l’autre, à l’éternité. On préférait au ministère du citoyen prêtre celui du prêtre persécuté. Il faut cependant être juste et reconnaître que le citoyen Rault n’était pas hostile à l’abbé Le Jacq, qu’il soupçonnait ou même savait être dans les environs. Plus d’une fois, dit-on, il lui arriva, devant le refus obstiné des malades à accepter ses offres de service, de s’écrier : « M. Le Jacq a passé par ici ! ». Ce n’était peut-être pas sans amertume qu’il exprimait sa pensée, mais il n’allait pas plus loin.

De temps en temps, le recteur, grâce à la discrétion de ses fidèles paroissiens et à la vénération dont il était entouré, pouvait tromper la vigilance de ses ennemis et célébrer les saints mystères, dans de nouvelles catacombes, à la faveur des ténèbres. Souvent il dit la messe dans une étable, dans la rue au Lin, et que quelques rares vieillards connaissent.

La Providence de Dieu se manifesta plusieurs fois pour le digne pasteur, comme elle l’avait fait pour M. Jégou. Un vénérable curé de Corlay, baptisé par M. Le Jacq en 1796, M. Le Rocher, qui a laissé une mémoire bénie, un nom qui est encore dans toutes les bouches et surtout dans les coeurs des pauvres, aimait à rappeler le trait suivant : Dans une petite localité de la Cornouaille, sise sur les bords du Blavet, à Gouarec, vivait, semblablement caché, pendant la Révolution, un prêtre, vicaire général forain de l’évêque de Quimper, comme il en existait alors un certain nombre dans les divers diocèses de Bretagne. Il avait des pouvoirs quasi-épiscopaux, et c’était à lui qu’on avait recours pour les dispenses à demander. M. Le Jacq se rendit un jour auprès de lui pour un cas de cette nature. Douce rencontre que celle des deux vénérables prêtres aux cheveux blancs, persécutés pour la cause de Dieu et de sa sainte religion. Sans doute ils se communiquèrent mutuellement leurs craintes, leurs peines et leurs espérances, se partageant ainsi, nouveau Paul et nouvel Antoine, le pain des larmes. Sa dispense obtenue, le recteur de Corlay, le bâton du pèlerin à la main, regagne sa paroisse. Au moment où il allait entrer en ville, déguisé en paysan, il se trouve en face d’une colonne mobile qui, probablement, était à sa recherche. Mais la Providence veillait, et le prêtre, sans perdre son sang-froid, se met à simuler la folie et crie de toutes les forces de ses poumons : « Vive la République ! ». Heureux stratagème qui lui valut la vie et le conserva pour plusieurs années encore à son peuple de Corlay.

Sa première retraite, quand survint la terreur, fut la maison Gouëffic, située presque en face de l’entrée principale de l’église de Saint-Sauveur. Surpris un jour en bréviaire par un enfant, qui avait grimpé sur le mur du jardin, et ne s’y croyant plus en lieu sûr, — cet âge est sans pitié, — il alla chercher un autre refuge à Tréguistin, où déjà nous avons vu que se retirait M. Le Baron. La chambre haute qu’il occupa existe encore à la fin du XIXème siècle ; rien n’y a été changé, pas même l’escalier extérieur par lequel on y montait. Se trouvant dans l’une des maisons de ce village, causant avec une femme qui tenait un enfant sur les bras, on entend venir tout à coup les républicains, suivant, comme une bande de limiers, la piste du pauvre prêtre. La femme passe son enfant à M. Le Jacq et court à la rencontre des sans-culottes, en criant au recteur d’un ton courroucé : « Imbécile, prenez-donc cet enfant ! ». On fit subir à cette chrétienne, qui avait tout entrepris pour sauver son hôte, un interrogatoire en règle ; mais sa présence d’esprit et ses réponses évasives contentèrent ses interrogateurs qui sortirent, toujours à la recherche de l’introuvable.

Quand, enfin, la paix fut rendue à la France et à l'Eglise, quand Bonaparte eut conclu, avec Pie VII, le Concordat, et que cet acte fut mis à exécution, M. Le Jacq devint le premier curé de Corlay. Il fut nommé par Mgr. Caffarelli, évêque de Saint-Brieuc et de Tréguier, en date du 21 mai 1803. Il mourut le 3 avril 1808 et fut enterré dans le cimetière de la paroisse. N’était-il pas juste qu’il reposât au milieu de ses enfants, après leur avoir donné plus de trente années de sa vie sacerdotale et après les avoir aimés comme le bon Pasteur qui donne sa vie pour ses brebis.

Mon Dieu ! si des malheurs, comme ceux de 1793, tombaient à nouveau sur notre infortuné pays, suscitez encore parmi nous de semblables dévouements et des recteurs comme M. Le Jacq, des vicaires comme M. Jégou.

J’aurais voulu terminer cette conférence sous la salutaire et consolante impression que nous laissent ces deux saints prêtres, mais un trait nouveau m’est révélé à la dernière heure et je vais le raconter tel qu’il m’a été dit à moi-même.

Ce trait regarde le Haut-Corlay.

M. le recteur avait cherché et trouvé un refuge à Kerbionero. Avait-il averti son sacristain du lieu de sa retraite ou bien celui-ci l’avait-il appris de quelqu’autre manière ? Toujours est-il qu’il connaissait sa cachette et que, soit par mesure de vengeance, soit par avarice, soit par méchanceté froide, il ne sut pas la respecter. Il vendit son maître comme un autre Judas, et bientôt toute une troupe de gens armés se rendit à la demeure indiquée. Lorsqu’ils y entrèrent, une servante faisait des crêpes et, au coin du foyer, le prêtre dénoncé se chauffait, déguisé en homme ou valet de ferme. Marie-Jeanne le prend par le bras et, d’une voix rien moins que douce mais persuasive : « Vieux fagnoux, lui dit-elle, allez-vous rester ici toute la journée, allez donc faire autour de vos vaches et donnez de la place à ces hommes-ci qui ont de la misère et souffrent du froid ! ».

Le recteur ne se le fait pas dire deux fois et sort sans qu’on soupçonne le moins du monde que c’est lui. Il est sauvé.

L’indigne sacristain, paraît-il, n’avait pas suivi la bande et ce manque de précaution fit échouer sa trahison. Elle fut, malgré cela, connue du public, et un certain nombre de paroissiens du Haut-Corlay, braves gens et bons chrétiens, s’entendirent pour lui apprendre ce qu’ils en pensaient. Ils le saisirent un jour, lui rasèrent la barbe et les cheveux, et, après l’avoir fait mettre à genoux et réciter son Confiteor, ils braquèrent sur lui leurs fusils pour lui faire subir le sort qu’il avait préparé à son maître. Ils ne voulurent cependant point aller plus loin que de l’effrayer et lui faire comprendre le châtiment qu’ils lui réservaient s’il ne se corrigeait. Sans doute il le promit et il eut la vie sauve. Mais sa barbe et ses cheveux ne reprirent pas de sitôt leur place, et une chanson, vite répandue, raconta au pays son aventure. En voici les premiers mots :

Piou a neus touzet ha razet ho maoudik ?

An hini a oar touzou ha razou kenkouls veldoc’h c’houi ….

Ce chant probablement pourrait être retrouvé tout entier, mais je n’ai pas eu l’occasion d’en pouvoir recueillir davantage.

(le diocèse de Saint-Brieuc durant la période révolutionnaire).

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