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LE DOYENNÉ D'EVRAN |
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Dans le doyenné actuel d'Evran, il n'y eut qu'un renégat, dont le nom, aujourd'hui encore, est exécré dans la région. Nous raconterons bientôt son histoire.
A l'époque de la Révolution, le doyenné n'était pas composé des mêmes paroisses qu'à la fin du XIXème siècle. Sur les sept paroisses qu'il contient, cinq appartenaient au diocèse de Saint-Malo : Evran, Le Quiou, Plouasne, Saint-Juvat et Tréfumel ; les deux autres communes, c'est-à-dire Saint-André-des-Eaux et Saint-Judoce, relevaient du diocèse de Dol.
Donc, à la fin du XIXème siècle le canton d'Evran se compose des sept paroisses que je viens de citer, et toutes appartiennent au diocèse de Saint-Brieuc.
Si l'on en croit un registre de paroisse (Saint-Judoce), Evran, dans son commencement, ne paraît avoir été qu'une chapelle particulière ou oratoire, ne possédant rien auprès de lui, et n'existant que par ses alentours.
Avant la Révolution de 1789, la paroisse d'Evran faisait partie de l'ancien évêché de Saint-Malo, supprimé par le Concordat. Par décret du 14 pluviôse, an XI, approuvé par le Gouvernement le 18 germinal suivant, l'église d'Evran fut rattachée au diocèse de Saint-Brieuc, et érigée en église paroissiale du canton d'Evran et en cure de deuxième classe. La paroisse d'Evran se composa, de 1803 jusqu'à 1821, de la commune d'Evran et de celle de Saint-Judoce.
Quand la Révolution éclata, M. Régnault était recteur d'Evran depuis 1781. En 1789, il soutenait contre les moines de Lehon un procès que la tourmente ne laissa pas le temps de terminer. Il s'agissait des dîmes et des réparations à faire au presbytère. Depuis le 12 septembre 1792 jusqu'au 29 mai 1803, les prêtres catholiques cessèrent de remplir publiquement leurs fonctions dans la paroisse d'Evran, et M. Régnault émigra. Toutefois son absence ne fut pas de longue durée. Il était de retour en 1796, et, caché dans la paroisse, il administra les Sacrements jusqu'au 15 du mois de mai 1803. Quelques jours après, le 22 mai 1803, M. Joseph-Charles Esballard, prêtre de Saint-Jouan-de-l'Isle, était nommé par Mgr. Caffarelli premier curé du canton d'Evran, et prenait possession solennellement le 29 mai, jour de la Pentecôte.
Evran eut pour recteur intrus un ancien capucin du nom de Chrétien. Il administra son premier baptême le 13 septembre 1792, date de malheur. Il continua en 1793 et 1794, mais on ne retrouve plus son nom après le mois de juin 1795. Au ministère paroissial il voulut joindre la vie de ménage, et il eut au moins un héritier à bercer. Nous le retrouverons à Le Quiou.
En même temps que l'intrus Chrétien, plusieurs prêtres fidèles restèrent cachés au pays d'Evran pendant les mauvais jours. M. Gallée administra les Sacrements depuis 1792 jusqu'à 1800, et nous constatons également que le baptême fut donné dans les mêmes années à plusieurs enfants par MM. Chauvin, Biffard, Pestel, Lemée, Glémée, Trumel et Bodin, prêtres.
En 1792, la paroisse avait deux vicaires ou curés, MM. André et Tostivint. M. Jean-François André était né à la Chapelle-du-Lou, au diocèse de Rennes, et avait été appelé à Evran en 1790. Il resta à Evran pendant la Révolution, et put échapper aux poursuites exercées contre les prêtres.
L'histoire de l'autre vicaire d'Evran, M. Joseph Tostivint, est plus tragique. M. Tostivint, natif de Landujan (diocèse de Rennes), avait fait de bonnes études au Collège de Dinan et au Séminaire de Saint-Méen. Ayant été ordonné prêtre, il devint d'abord chapelain de M. Alexis de Bédée-du-Moulin-Tison dans sa paroisse natale, et précepteur des enfants de ce gentilhomme, avec lequel il conserva des relations d'amitié. Placé ensuite à Evran, en qualité de vicaire, il se trouvait dans ce poste lorsque la Révolution commença, et il se prononça fortement contre les innovations impies de l'Assemblée Nationale. Sa franchise lui fit des ennemis tels, qu'il crut prudent, à l'époque de la déportation, de passer en Angleterre, et il séjourna environ deux mois et demi à Jersey ; mais plein de zèle pour le salut des âmes et se reprochant son inaction, il résolut de rentrer en France, afin de s'y rendre utile aux catholiques. Ayant bientôt après effectué son projet, il revint à Landujan, et n'osa pas se fixer à Evran, peut-être parce que généralement, pendant la Révolution, les petites villes et les gros bourgs de Bretagne étaient à redouter pour les prêtres fidèles et les royalistes. Là résidaient les autorités, souvent des garnisons et les plus ardents révolutionnaires. Aussi ces lieux se faisaient-ils remarquer par leur exaltation. M. Tostivint trouva dans la famille de Bédée des amis qui lui procurèrent un asile, et il se livra tout entier à l'exercice du saint ministère pendant l'année 1793 et la première moitié de 1794 ; mais un jour du mois de juillet il fut vu, reconnu et dénoncé par un homme qu'il avait autrefois préparé à la première communion. Arrivé au Moulin-Tison, à dix heures du soir, il y entendit des confessions et se retira ensuite dans la loge du jardinier, qui lui servait de lieu de retraite. Il y était à peine entré, lorsqu'un détachement de la garnison de Montauban envahit la maison et arrêta M. Tostivint ainsi que M. de Bédée, qui, ayant entendu du bruit, venait l'avertir de s'enfuir. Enchaînés l'un et l'autre, ils furent conduits à Montfort et renfermés dans la prison de cette petite ville, pendant qu'on allait aussi saisir Madame de Bédée. On les transporta peu de temps après tous trois à Rennes, où des juges iniques les condamnèrent à mort. M. de Bédée écrivit alors à son fils une lettre remplie des plus sages conseils, dans laquelle on remarquait ce passage touchant : « Quand vous recevrez ma lettre, vous n'aurez plus de père, de mère, de précepteur. On va vous prendre votre bien ; la grâce de Dieu vous restera, soyez-y fidèle ». Ils avaient tous donné dans la prison de grandes preuves de foi et de courage. Fidèles jusqu'à la fin, ils repoussèrent un prêtre assermenté qui prétendait les exhorter, et lui reprochèrent avec tant de force ses erreurs, que depuis cette époque ni lui ni ses confrères n'osèrent plus accompagner les condamnés. Arrivés au pied de l'échafaud, M. et Mme de Bédée tombèrent dans la désolation et montrèrent une extrême frayeur à la vue de la guillotine. M. Tostivint, qui allait être exécuté le premier, demanda et obtint de l'être le dernier, afin de pouvoir encourager ses amis ; il les exhorta jusqu'à la fin, et, quelques instants après, il reçut lui-même le coup de la mort. Il était dans sa trente-neuvième année.
LE QUIOU.
M. Bernard fut 18 ans et 2 mois recteur de Le Quiou. Il refusa la cure de Bédée, préférant rester avec ses chers paroissiens. En 1791, il fit un dernier baptême, le 27 mai. Peu de temps après, M. Bernard partit pour l'Angleterre, où il passa la tourmente révolutionnaire. En 1800, il quitta le lieu de son exil ; mais il était tellement épuisé par l'âge et les tribulations qu'il avait subies, qu'il ne voulut pas reprendre l'exercice du saint ministère. Il se retira à Guitté dans sa famille, où il mourut dans les premiers mois de 1804.
M. Gilles Prioul, qui était prêtre de la paroisse depuis 1769, exerça le saint ministère dans sa paroisse jusqu'à sa mort qui arriva le 26 octobre 1792. M. Prioul ne s'expatria pas, mais il se cacha la dernière année de sa vie dans le village de Mauny, où il mourut. Ce fut Jean-François Chrétien, dont nous avons déjà parlé, ce prêtre constitutionnel, qui fit son enterrement.
1791-1795. — Jean-François Chrétien succéda à M. Bernard dès le mois d'août 1791. Il signe d'abord curé de Le Quiou, puis curé de Le Quiou et vicaire d'office de Saint-Juvat et de Tréfumel.
Mgr. Jean-Marie Jacob, évêque du département des Côtes-du-Nord (aujourd'hui Côtes-d'Armor), visita l'église de Le Quiou le 18 septembre 1792 et y donna la confirmation. Signé : J.-F. CHRÉTIEN.
Le 24 septembre de la même année, Chrétien commença à signer curé d'Evran, et continua à signer ainsi jusqu'à la fin de l'année. À partir de cette époque, il n'est plus fait mention de lui. Il est probable que son évêque, à l'occasion de la visite qu'il fit à Le Quiou, le nomma curé d'Evran, et qu'il s'en tint à sa nouvelle cure. Digne disciple d'un tel maître. Du reste, il existe encore dans la paroisse de Le Quiou une vieille rumeur qui dit que ce triste Chrétien faillit être lapidé dans le cimetière de Le Quiou, et que dès lors il prit le parti de ne plus y remettre le pied.
Depuis 1792 jusqu'à 1800, il n'est fait mention d'aucun prêtre, si ce n'est de M. Garnier, de la paroisse même, qui ne s'expatria point. Il se retirait le plus ordinairement au château de Hac, au Vaurifier, en Plouasne, et à la Perchais, en Tréfumel. Il prêtait le secours de son ministère à tous ceux qui le réclamaient. Mais en 1795 ou 1796, M. Garnier se rendant auprès d'un malade en danger de mort, fut victime de son dévouement. Voici ce que rapporte M. Tresvaux : « M. Garnier avait été renfermé au mont Saint-Michel pendant la Terreur. Ses cheveux blancs et son front vénérable le font reconnaître pour un prêtre par des soldats qui courent à sa poursuite. Il salue le premier qui l'aborde, mais pour toute réponse il reçoit un coup de fusil. La balle lui perce la joue et lui sort par la bouche. D'une main il prend son mouchoir et il le met sur sa joue pour recevoir le sang, et de l'autre il donne sa montre d'or à son assassin. Un soldat furieux arrive et lui casse la tête ».
Au commencement de l'année 1800, M. Verger fut nommé curé d'office de Le Quiou. Mais au bout de cinq mois, il fut nommé recteur de Taden, où il est mort. M. Bernard revint d'Angleterre la même année, mais n'ayant pas voulu reprendre le ministère, M. Miriel, prêtre de Quévert, fut nommé curé d'office en 1801. Ce ne fut qu'en 1804 que M. Miriel fut nommé recteur. C'est ce même M. Miriel qui fut l'éducateur de M. Félix Faisant, chanoine honoraire, mort à Plouasne, sa paroisse natale, après avoir occupé comme recteur l'unique poste de Le Quiou, et d'un autre prêtre, M. Joseph Dupas, devenu vicaire de Pluduno, et qui lui succéda comme recteur en 1827, après avoir été son coadjuteur l'année précédente.
PLOUASNE.
On trouve peu de renseignements sur l'histoire de Plouasne, au temps de la Révolution.
Le 15 juin 1780, M. Phénice devint recteur à Plouasne, et il dirigea cette paroisse pendant 24 ans avec un zèle au-dessus de tout éloge. Si, à l'époque de notre cruelle et longue Révolution, il fut contraint de s'absenter pendant deux ou trois ans, il revint, dès qu'il le put, retrouver ses chers paroissiens, résolu de mourir au milieu d'eux. Mais la Providence en disposa autrement, et au commencement de 1804, il fut appelé à la cure de Broons.
A Plouasne, il eut pour vicaires : M. Biffart, précédemment nommé curé d'office à la mort de M. Bernard, en 1780, et qui resta vicaire jusqu'au 1er mai 1783 ; M. Lemoine, pendant un an ; enfin, M. Briand, né à Longaulnay, paroisse voisine. Il fut nommé vicaire à Plouasne le 1er mars 1784, et passa tout le temps de la tourmente sans s'expatrier. Il rendit à cette époque des services immenses aux paroissiens. M. Briand nous a laissé plusieurs registres de naissances et de mariages : ce sont les seuls à exister pour ces temps malheureux. Après avoir été curé ou plutôt vicaire de Plouasne pendant plus de 20 ans, M. Briand fut nommé en 1805 vicaire à Broons.
SAINT-ANDRÉ-DES-EAUX.
La paroisse de Saint-André-des-Eaux figure dans les archives de la paroisse parmi les communes appartenant au diocèse de Dol, jusqu'au Concordat de 1801.
Lorsque l'église de Saint-André fut fermée, au mois d'octobre 1792, le gouvernement révolutionnaire de l'époque fit supprimer le nom de Saint à la paroisse, et dans sa rage contre Dieu et ses saints, il voulut qu'on la nommât André. Ce ne fut qu'en 1796 qu'on la retrouve sous le nom qu'elle porte aujourd'hui. On dut se contenter de faire enregistrer à la mairie la naissance des enfants, jusqu'au jour où il fut possible d'exercer plus facilement les fonctions du culte catholique. Ici encore nous retrouvons le trop fameux Chrétien, curé d'Evran, qui baptisa pendant quelque temps les enfants de Saint-André qu'on lui portait ; on trouve plusieurs signatures de lui dans ces conditions.
En vertu du Concordat, conclu en juillet 1801, entre Pie VII et Bonaparte, il se fit une nouvelle circonscription des diocèses et des paroisses ; et ce fut à cette époque que Saint-André-des-Eaux fut distrait du diocèse de Dol, et attribué à celui de Saint-Brieuc. Ce ne fut cependant qu'en 1804 que la paroisse fut érigée en succursale. M. l'abbé Egault, qui avait exercé le saint ministère pendant cette dernière période, fut alors nommé recteur de la paroisse.
Mais revenons à l'époque de la tourmente.
M. l'abbé Joseph Briand, originaire de la paroisse de Bobital, fut nommé au commencement de mai 1784, recteur de Saint-André, pour remplacer M. Guérin. Il mourut au presbytère de Saint-André le 30 janvier 1791, et fut inhumé le 1er février dans le cimetière de la paroisse, par le Frère Cyrille, capucin, qui signe : F. Cyrille de Cancale, capucin, prêtre, prédicateur missionnaire. On ne trouve plus sa signature après le mois d'avril 1791. On se demande s'il avait été envoyé auprès de M. Briand pendant sa maladie.
A la suite de Cyrille, paraît, au mois de juin 1791, le triste personnage dont nous avons déjà tant de fois parlé : Jean-François Chrétien ; il était, dit-on, religieux d'une des Communautés de Dinan ; il signe le 23 et le 24 juin : vicaire d'office de Saint-André-des-Eaux. Etant curé d'Evran, il faisait encore du ministère dans la paroisse, et à la date du 13 octobre 1792, il y signe un acte d'enterrement. Ce malheureux était craint et méprisé des honnêtes gens et ne jouissait que de la considération que mérite un prêtre intrus. Il ne trouva même pas grâce, malgré son apostasie, devant ces monstres de la Révolution, car il disparut, on ne sait comment, quand l'heure de la justice divine eût sonné.
Les registres de la paroisse de Saint-André furent clos le 10 septembre 1792 par le maire, les officiers publics, etc.
Depuis le 11 juillet 1791, M. Julien Egault, originaire de Saint-René, village de Saint-André, avait été chargé de l'administration spirituelle de la paroisse. Après avoir été professeur au collège de Dol, il avait été nommé chapelain de la chapelle Saint-René. Il avait remplacé dans cette nouvelle position le Frère Cyrille, dont nous avons parlé. On trouve sa signature simultanément avec celle de M. Turmel, chapelain de la chapelle de Fondebond, tout le temps que le permit le malheur de cette sinistre époque.
La tourmente révolutionnaire soufflant avec plus de rage, ces deux bons prêtres furent obligés de se cacher pour fuir l'orage, donnant autant qu'ils le pouvaient aux fidèles leurs soins religieux, exposés à tous les dangers de la part de ces tigres inhumains.
Citons encore les noms d'autres prêtres passés à la postérité qui, comme MM. Egault et Trumel, ont bravé dans ces mauvais temps tous les périls pour la gloire de Dieu et le salut des âmes, dans la paroisse de Saint-André et les paroisses voisines. On trouve les noms d'un M. Bernard, devenu dans la suite recteur de Le Quiou ; de M. Priout, qui signe prêtre simplement ; de M. Chauvin, qui signe dans quelques endroits recteur de Plouasne ; d'un M. Garnier, qui signe prêtre ; de M. André, devenu depuis recteur de Trévron ; de MM. Pestel et Lavit, qui signent prêtres ; de M. Regnaud, curé d'Evran ; de M. Frin, recteur de Miniac ; de M. Lemée, recteur de Plouasne ; on trouve aussi le nom d'un M. Verger, qui signe, le 20 octobre 1800, curé d'office, sans dire de quelle paroisse.
La rage des tueurs de prêtres ayant semblé se calmer un peu, M. Gilles Turmel et M. Egault crurent pouvoir se montrer, mais ils furent de nouveau contraints de se cacher, jusqu'au jour où l'infâme Robespierre fut lui-même guillotiné par les siens. Mais ce ne fut pas encore la paix, et il fallut attendre plusieurs années pour voir les églises ouvertes et le culte rétabli.
Pendant ces jours néfastes, vivait au village de Penhouet, en Saint-André, un prêtre nommé M. Drollée. Réduit à se cacher dans les greniers, dans les granges, dans les bois, il rendit d'innombrables services. La demeure d'un pauvre forgeron lui servait ordinairement d'église pour la célébration des saints Mystères, et pendant plusieurs mois il y administra le Sacrement de Pénitence. Une petite fille veillait le plus souvent aux abords de la maison, et sut bien des fois détourner du prêtre les dangers qui le menaçaient. Par suite de certaines indiscrétions, cette retraite ne fut plus sûre pour M. Drollée, et il lui fallut prendre la fuite et aller chercher ailleurs un gîte moins dangereux. On ignore ce qu'il devint depuis ce moment.
SAINT-JUDOCE.
A Saint-Judoce, il n'existe point de registre de paroisse avant l'arrivée de M. Joseph Fontaine, en 1826 ; et encore, sur l'histoire du passé, se montre-t-il sobre de renseignements.
Cette paroisse, comme nous l'avons dit plus haut, appartenait avant le concordat au diocèse de Dol, et en 1801 elle fut jointe à la cure d'Evran, sous le rectorat de M. Esballard, qui, en 1834, était encore, dit le registre, plein de vie et de mérite ; mais enfin elle fut rétablie par Mgr. Mathieu Le Groing de la Romagère, d'accord avec le gouvernement, en 1821.
A l'époque de la Révolution, M. Charles-Auguste Chauchart du Mottay était recteur de Saint-Judoce, mais il fut contraint de s'expatrier et il alla chercher un asile en Angleterre. Il a desservi la paroisse pendant quarante ans, si l'on compte les années d'émigration en Angleterre. En 1821, M. Chauchart du Mottay fut rétabli dans ses pouvoirs et fonctions, avec le rétablissement de la paroisse. C'est en 1786 qu'il avait été nommé recteur de Saint-Judoce, et il mourut en 1826.
SAINT-JUVAT.
En 1790, Saint-Juvat faisait partie de l'évêché de Saint-Malo et appartenait au canton de Tréfumel. M. Legallée était alors recteur de cette paroisse, et on cite encore le nom de quatre autres prêtres qui, au péril de leur vie, administrèrent les Sacrements à Saint-Juvat pendant la tempête révolutionnaire : M. Barbier, vicaire ; M. Lecoq, prêtre habitué ; M. Guillaume Biffart ; l'un des MM. Picouays.
M. Barbier fit un bien immense à Saint-Juvat ; il confessait, baptisait et mariait, principalement au village de l'Épine. Il est venu mourir à Saint-Juvat, à la Maison-Rouge, il y a environ soixante-dix ans.
M. Lecoq fut pris par les révolutionnaires et transporté à l'île de Ré, où il fut visité par plusieurs amis, entr'autres par François Ramard, de Pommelin.
M. Biffart disait principalement la messe dans cette dernière ferme (Pommelin) et exerçait le ministère dans les environs. Il avait un frère chapelain du Rosey, hôpital de Saint-Servan.
M. Picouays, très infirme, rendait aux fidèles tous les services qu'il pouvait. Il coucha souvent dans les fourrés des fossés Thébeaux.
Je vais raconter une journée de 1793 à Saint-Juvat. La date précise est inconnue, mais les faits, dit-on, sont certains :
Quelques généreux jeunes gens de Dinan s'étaient chargés d'une lettre pour M. Legallée, recteur de SaintJuvat, et ils devaient la remettre à une brave fille nommée Marie Jugon ou à quelqu'un des siens. L'adresse était celle-ci : A Pomme de Reinette, à Saint-Juvat. Une colonne mobile d'Evran se trouvait à faire sa ronde ; elle découvrit ces jeunes gens, saisit leur lettre, et les somma de dire où était et quel était ce citoyen. Ils refusèrent de parler. La mère de Marie Jugon fut interrogée à son tour et, en se retirant, elle reçut une balle dans sa coiffe, dans le petit chemin appelé Ruelle des Saules. Marie Jugon fut aussi interrogée, et elle répondit avec son sang-froid habituel : Je ne connais personne à Saint-Juvat portant le nom de Pomme de Reinette. Quant aux jeunes gens, trois d'entre eux tombèrent atteints des balles révolutionnaires dans les jardins qui se trouvent devant la maison d'école des garçons. On n'a pas oublié le nom d'un Dufros.
Après ce hideux exploit, les agents de la Terreur entrèrent à l'église pour finir de la dévaster. Ils aperçurent un Christ attaché au-dessus d'une des voûtes du bas-côté nord, en face de la place qu'occupait la chaire. On se met en mesure de l'abattre pour le briser ; on applique une échelle au mur et on court chercher un marteau et des tenailles. Quand tout fut prêt, celui qui fut chargé d'opérer (son nom n'est pas oublié) avait à peine donné le premier coup de marteau que l'échelle glissa, et le misérable tomba su les dalles de l'église et s'y brisa une jambe. On fut déconcerté, paraît-il, et le Christ resta. En 1832, quand on construit le bas-côté nord, on a trouvé le marteau sur une poutre transversale aboutissant à côté du Christ, où lors de la chute il avait été déposé. Le propriétaire, Antoine Guessant, l'a reconnu à cette époque, 1832.
Revenons à Marie Jugon. Elle était née à Guenroc, en 1772, de parents pauvres, mais honnêtes et religieux. Ils avaient pour devise : fidélité, dévouement à Dieu et au roi. Tout en elle plaisait et imposait. La famille Jugon vint s'établir à Saint-Juvat quelques années avant la Révolution, dans le bourg, où ils habitaient une petite auberge admirablement tenue.
Quand 1793 arriva, Marie secondait sa mère dans l'humble fonction de cabaretière : elle eut horreur du monstre qui menaçait de dévorer la société, mais elle ne se déconcerta pas ; elle vit qu'il y avait du bien à faire, et elle résolut d'en faire dans son humble sphère. Comme le reste de sa famille, elle fut sans cesse en correspondance avec les prêtres demeurés fidèles à leur foi, et avec les royalistes. Les uns et les autres la chargèrent souvent de missions importantes, et toujours elle s'en acquitta avec honneur.
Un jour, l'un des MM. Lecoq, prêtre, fut pris par une cohorte. Marie Jugon sut sans bassesse, comme toujours d'ailleurs, gagner l'officier. On plaça le pauvre prêtre infirme sur un cheval, pour le conduire à Evran. L'officier simulant une fatigue extrême, s'endort sur son cheval, pendant que le reste de la compagnie, retenue à dessein au cabaret Jugon, buvait copieusement. Pendant ce temps, Marie Jugon, aidée de l'un des Guessant, du bourg, fait descendre M. Lecoq, et le pousse dans un champ voisin du verger. L'officier revenu de son sommeil volontaire appelle ses soldats, les gourmande fortement d'avoir si mal fait leur service, en menace plusieurs, et les oblige à retrouver le prisonnier. Mais, comme on le pense bien, il leur donne le change et leur fait faire des battues là où ne pouvait être M. Lecoq.
Pour se soustraire à la mort, plusieurs prêtres ou ordinands se refugièrent à Saint-Juvat. Parmi eux étaient MM. Regeard, mort recteur de Saint-Thual (Rennes), et Lecorvaisier, mort maire de Saint-Juvat : M. Lecorvaisier n'était pas dans les ordres sacrés. Marie Jugon fut leur providence : obligés qu'ils étaient de se cacher dans les carrières et dans les prairies de la Rance, elle leur portait sous les plis de son tablier la nourriture de la journée.
Enfin le calme se fit ; les mauvais jours cessèrent. Marie Jugon fut appelée à Paris par un royaliste, M. Le Roy, qui avait partagé avec les prêtres le pain de la captivité : il lui fit une position, dont elle profita pour le soulagement des infirmités humaines, et finalement se maria avec le comte Bénédict François de la Rivière, chevalier de Saint-Louis, en l'an 1804. C'est son courage et son réel mérite qui la désignèrent à ce riche personnage : J'ai dit riche, car il avait une fortune de 18 à 20.000 francs de rente. Devenue veuve, elle se mit en rapport avec les principaux personnages qui s'occupaient, à Paris, à cette époque de soulager les misères humaines, entr'autres Mgr. Forbin-Janson, évêque de Nancy. Ils fondèrent de concert un hôpital dans cette dernière ville. Marie Jugon termina, en 1845, une vie toute de bonnes oeuvres, laissant peu de chose à sa famille.
TRÉFUMEL.
Nous terminons notre histoire locale par une paroisse qui ne laissa pas d'avoir un certain renom à l'époque de la Révolution, puisqu'elle était chef-lieu de canton, et avait l'avantage d'avoir une brigade. Guitté, Guenroc, Plouasne, Le Quiou, Saint-Maden, Saint-Juvat et Trévron étaient sous sa dépendance.
En 1780 la paroisse de Tréfumel avait pour prieur-recteur M. de Kauffray, transféré à Dolo en 1804, et qui est mort curé de Saint-Jouan-de-l'Isle.
Pendant les années malheureuses de 1792, 1793 et suivantes, les habitants de Tréfumel reçurent les secours de la religion de la part d'un régulier, appelé le Père Oisel, et de M. Lemoine, mort recteur de Pleslin. Mais il est un autre surtout, M. Pierre Frin, dont l'histoire mérite d'être connue.
En 1799, à la fin du mois de mars, ou aux premiers jours d'avril, M. Pierre Frin, âgé de 40 ans environ, originaire de Miniac-sous-Bécherel, fut tué à la métairie de la Ville-Davy, en Tréfumel, par quatre malheureux dinannais. Ce prêtre passa tout le temps de la Révolution en Tréfumel et dans certains quartiers de Plouasne, rendant tous les services possibles. Grâce à ses bons conseils, à ses sages avis, il aida puissamment un prêtre jureur de Tréfumel à rentrer en lui-même et à revenir de ses erreurs ; ce malheureux a avoué lui-même que s'il avait eu une entrevue d'une heure avec M. Frin, avant de prêter serment, jamais il n'eût commis cette faute. Ils se trouvaient ensemble, lorsqu'il le quitta pour voler au martyre.
Avant de raconter sa mort, il est juste de dire que M. Frin était aimé et estimé de tous les habitants de Tréfumel. Toutes les maisons de la paroisse lui étaient ouvertes, même celle de M. le brigadier de gendarmerie, qui lui aurait sauvé la vie, s'il eût été prévenu une demi-heure plus tôt de ce qui se passait.
Ces quatre forcenés, sous un déguisement quelconque, se rendirent à la métairie de la Ville-Davy. C'était un lieu retiré, et ils savaient que c'était là qu'il se trouvait le plus ordinairement, et que tous les dimanches il y disait la messe. Arrivés à la ferme, ils se firent passer pour des émigrés rentrant d'Angleterre, usurpant même le nom de certains nobles de la connaissance de M. Frin. C'est de la part de ses confrères, qu'ils nommaient encore, que nous venons le trouver, ajoutaient-ils, et nous avons des choses très importantes à lui communiquer, et à lui tout seul ; d'ailleurs, M. Guiottin, recteur de Saint-Maden, que nous venons de quitter à l'instant, nous a assuré que nous le trouverions ici. La fermière sortit sans dire où elle allait, et vint trouver M. Frin au bourg de Tréfumel, dans le lieu où elle le savait. « On vous demande, lui dit-elle, mais je crois que ces hommes-là veulent vous tromper ; je vous conseille donc de vous cacher ». Alors la personne chez qui il était à ce moment se rendit elle-même à la ferme pour examiner un peu ces gens-là, non sans avoir recommandé à M. Frin de ne point sortir de chez elle avant son retour. Mais l'attente lui ayant paru trop longue, et ne soupçonnant rien de mauvais de la part de ces prétendus gentilshommes qu'il croyait connaître, il se rendit à la ferme. Au moment où il entrait dans la cour, son hôtesse sortait de la maison, et l'apercevant, elle lui fit signe de se sauver, mais il était trop tard. Un de ces brigands qui se trouvait hors de la maison l'avait aperçu, et s'approchant de lui, il le contraignit à entrer à la ferme. Dans cette extrémité, le prêtre essaya de leur faire voir l'ignominie de leur conduite, il les engagea à rentrer en eux-mêmes, et demanda grâce. Il réussit, dit-on, à en gagner un, mais les trois autres, voulant sa perte, le poussèrent hors de la maison. Il voulut fuir, deux coups de fusil tirés dans la cour partirent sans l'atteindre. On le croyait sauvé, lorsqu'un de ces bandits se mettant à sa poursuite réussit à le rejoindre, et lui envoya un troisième coup à bout portant. La justice descendit sur les lieux pour constater le fait et permit d'enlever le corps. Le lendemain l'inhumation se faisait au cimetière.
(le diocèse de Saint-Brieuc durant la période révolutionnaire).
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