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LE DOYENNÉ DE SAINT-ÉTIENNE |
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Au début de l'année 1789, Hugues Regnault de Bellescize gouvernait l'église de Saint-Brieuc depuis treize ans environ. Il avait pour vicaires généraux le vénérable M. de Robien, déjà âgé, M. Le Gofvry et M. Manoir, qui était en même temps promoteur et secrétaire.
Le Chapitre de la Cathédrale, composé de neuf membres, comptait dans son sein des membres éminents, dont le plus connu est l'abbé Ruffelet, le philologue émérite et le docte auteur des Annales briochines, où les chroniqueurs peuvent toujours largement et sûrement puiser. La Cathédrale n'était point paroisse : l'unique paroisse de la ville, qui ne comptait au plus que 8.000 âmes, était l'église de Saint-Michel, desservie par un recteur à la nomination du Chapitre, ou vicaire perpétuel. Quelques autres prêtres devaient en ce moment être attachés à cette église, quoique pendant bien longtemps ce recteur n'ait eu qu'un seul vicaire.
La vieille collégiale de Notre-Dame de la Porte, ainsi nommée parce qu'elle était voisine de la porte midi de la cité, et aujourd'hui restaurée sous le nom de chapelle Saint-Guillaume, comptait un Chapitre de vingt chanoines, qui, en dehors des obligations du choeur, exerçaient avec dévouement le saint ministère et rendaient service aux Communautés. Le Grand Séminaire, confié aux soins des Lazaristes, avait un supérieur éminent dans la personne de M. Dubois. Un collège assez florissant était sous la direction des prêtres du diocèse, dont M. Courcoux, qui devint plus tard premier curé de la Cathédrale, était le supérieur et le modèle. Quelques autres ecclésiastiques faisaient les fonctions saintes, une entre autres, à la vieille chapelle Saint-Pierre, aujourd'hui Notre-Dame d'Espérance. Son remplacement par un constitutionnel, au temps de l'intrus Jacob causa une émeute parmi les fidèles congréganistes.
Des Cordeliers, établis dans un couvent remplacé par le Lycée, et des Capucins, du couvent desquels on voyait encore des restes à peu près habitables au milieu du XIXème siècle, là où s'élève l'Hospice général, prêchaient et donnaient des missions.
Les Frères des Ecoles chrétiennes, dans une antique maison de la rue Vicairie, instruisaient notre jeunesse avec le même dévouement qu'aujourd'hui.
De leur côté,
les Ursulines, établies où est maintenant la vieille caserne, élevaient les
jeunes filles, tenant ce qu'on nomme de nos jours école primaire gratuite.
Les Bénédictines Calvairiennes, dans un couvent qui a dans la suite servi de tribunal et a été remplacé par les constructions du Sacré-Coeur, tenaient un pensionnat distingué et florissant.
Les Filles de la Charité exerçaient les oeuvres de miséricorde comme de nos jours, et demeuraient dans le quartier nommé maintenant rue Saint-Michel, en face de l'entré, actuelle de leur chapelle. La maison qu'elles occupent présentement se nommait la Magdeleine, et servait d'hôpital, sous la direction des Dames de Saint-Thomas de Villeneuve.
Enfin, les Filles de la Croix ouvraient les portes de leur Montbareil aux personnes désireuses de se retremper dans les retraites dont leur maison était le centre.
Telle était l'organisation religieuse et monastique de la vieille cité, quand, au mois d'août, éclata l'orage qui se préparait depuis longtemps. Force nous est d'en rappeler ici les phases initiales, pour montrer comment furent détruites ces institutions que nous avons mentionnées. On sait que dans la nuit du 4 août 1789 et le 2 novembre de la même année, la Constituante spolia l'Eglise : décret fut porté aussi pour la vente des biens des hôpitaux. Le 13 février 1790 les Ordres religieux furent supprimés en principe, le 17 mars les biens ecclésiastiques mis en vente. Le 4 janvier 1791, la « Constitution civile » du clergé, élaborée depuis onze mois sur la proposition de Dupont de Nemours, fut décrétée obligatoire. Elle avait prononcé, entre autres monstruosités, la destruction des Chapitres cathédraux ou collégiaux, des abbayes, prieurés, chapelles et bénéfices ; les églises cathédrales devaient être transformées en paroisses, dont l'évêque devenait pasteur immédiat, avec un nombre de vicaires prévu par la loi, pour l'aider en ses fonctions et lui servir de conseil. D'excès en excès, la Chambre en arriva bientôt à condamner le clergé à opter entre la destitution et le serment sacrilège (17 novembre 1790). Ces diverses mesures s'appliquèrent progressivement ici. Les nobles protestations que, le 9 novembre 1790, les chanoines de la Cathédrale et ceux de Saint-Guillaume firent entendre aux conseillers municipaux contre l'outrage fait à l'Eglise dans la spoliation de son patrimoine et dans la suppression violente et criminelle de fonctions établies pour l'honneur du culte divin, étaient le digne prélude du généreux refus qu'ils firent quelques mois après de prêter serment. De son côté, l'évêque de Saint-Brieuc, qui résidait depuis un certain temps à Paris, où il allait bientôt être emprisonné, puis mourir, comme nous le dirons, en 1796, avait souscrit à l'« Exposition des principes, » rédigée par M. de Boisgelin, archevêque d'Aix, et réjoui ainsi ses fidèles diocésains, habitués, du reste, à rendre hommage à ses vertus véritables.
D'ailleurs, je laisse ici et pour l'événement qui suit la parole au chanoine Le Sage, témoin des faits : « Si les saints Canons, dit-il, le trouvèrent en faute sur le devoir essentiel de la résidence, la religion n'eut qu'à se glorifier de son courage dans la tempête dont elle se voyait agitée. Sa conduite fut digne des premiers défenseurs de la foi. Il la confessa jusque dans les cachots, où il contribua puissamment à la conversion du Quintilien français, le célèbre littérateur Laharpe. Il est donc inutile d'avertir que M. de Bellescize refusa le serment.
On s'occupa bientôt, continue M. Le Sage, de la nomination de son successeur constitutionnel, qui, selon les lois nouvelles, devait être faite par l'assemblée des électeurs du département composée d'environ 600 membres. Elle se tint dans la cathédrale, au commencement de mai 1791, et l'on remarqua qu'il y manquait près du tiers de ceux qui étaient appelés à voter... L'assemblée qui devait l'élire vit dans son sein un certain nombre de prêtres assermentés et à sa tête l'un d'entre eux, procureur-général-syndic du département... Il fit plus tard l'abjuration publique de son état... Ce mécréant en soutane ne demandait pas mieux que de se voir évêque, mais il n'était point éligible, n'ayant pas cinq ans de prêtrise... Il se crut du moins assez d'influence pour faire tomber le choix sur l'homme qu'il jugerait lui convenir... La classe des assermentés avait ses gros bonnets, qui tous aspiraient à la mitre constitutionnelle. Les plus marquants étaient : Hillion, recteur de Saint-Michel, à Saint-Brieuc ; Corbel, recteur de Langueux, qui obtint plus de 60 voix ; Baschamp, religieux de Beauport et prieur-curé de Pordic ; Mauffray, prieur conventuel de l'abbaye de Bégard. Mais ces flatteuses espérances furent déçues, et le résultat du scrutin fut, à une grande majorité, en faveur de Jacob, recteur de Lannebert, petite paroisse dans la partie bretonne de l'ancien diocèse de Saint-Brieuc. Muni de son procès-verbal d'élection, il se mit en route pour Paris, afin d'y recevoir la consécration épiscopale ». Il faudrait pouvoir transcrire ici le portrait de Jacob, tracé de main de maître par le spirituel chanoine : c'est une page que La Bruyère n'eût pas désavouée ; mais ceci nous entraînerait trop loin, je dois être aussi court que possible. Notons seulement en passant que Hillion, Corbel et Baschamp, qu'il lui compare, « figurèrent bientôt parmi les vicaires épiscopaux, avec le moine Mauffray, qui, à l'éviction de la troupe sous la Convention, alla épouser je ne sais quelle échappée de couvent ».
Jacob était plus honnête que Mauffray, c'était « un rustre, mais il avait du bon sens, de la probité et des moeurs sans reproche. Il avait 60 ans environ lors de son élection ».
Il revint de Paris et consomma son intrusion le jour de la Pentecôte, 12 juin 1791, par une pluie torrentielle qui n'empêcha point une manifestation « patriotique », une honteuse procession ou plutôt mascarade, où figura le nouveau prélat en soutane violette et ceinture tricolore, « pendant que deux personnages, syncelles d'un nouveau genre, lui donnaient le bras pour voiturer plus aisément la quantité de matière qui servait d'enveloppe à son intelligence ». (Mémoires du chanoine Le Sage).
Ce fut donc une installation aussi laïque que possible. Le clergé presque tout entier témoigna de l'horreur à l'intrus. Sur 600 prêtres environ que comptait le diocèse, il n'y en eut qu'une centaine à faire défection. Les vicaires généraux, tous les chanoines des deux chapitres, la grande majorité des recteurs, refusèrent de prêter le serment sacrilège. Les religieux de la ville quittèrent leurs monastères, plutôt que d'y rester au prix d'un crime. Peu de temps après, les Frères, les Ursulines et les Calvairiennes furent chassés au nom de la liberté, et leurs chapelles fermées (de mars à octobre 1792). On conserva seulement pendant quelque temps les Filles de la Charité et les Dames de Saint-Thomas, faute de trouver par qui les remplacer ; mais au commencement de la Terreur, elles furent emprisonnées.
Un nouveau décret de l'Assemblée Constituante (17 avril 1791), surenchérissant sur celui du 27 novembre, astreignit également au serment tous les prêtres employés dans l'instruction publique. Le Supérieur du Séminaire, pour échapper à la fureur des patriotes irrités de son refus, dut franchir le mur du jardin (M. Tresvaux, I, 277). Le collège en ce moment était forcément abandonné par les vertueux ecclésiastiques qui l'avaient dirigé. « Dès le 16 janvier, écrit M. Lamare, ancien archiviste de la ville, dans son intéressante Histoire de Saint-Brieuc, le principal du collège avait fait connaître qu'il allait se retirer, sa conscience ne lui permettant point d'accepter la Constitution civile. D'ailleurs, les élèves désertaient. Le conseil général, désirant hâter le moment de faire " germer les principes de la Révolution dans le coeur de la jeunesse, " avait fait distribuer aux élèves des livres élémentaires sur les droits de l'homme et du citoyen. Appelés à étudier leurs droits plutôt que leurs devoirs, les jeunes citoyens réclamèrent la vie active. On essaya de les retenir encore un an avec des professeurs laïques. Bientôt professeurs et élèves firent également défaut. En même temps, pour remplacer les Frères et les Ursulines dans les écoles primaires, la Municipalité désigna trois citoyens et trois dames de Saint-Brieuc qui prêtèrent serment d'élever " les enfants dans les principes constitutionnels ". On avait cru faire beaucoup en décrétant l'instruction primaire et gratuite et en promettant de l'organiser : la Révolution n'en eut pas le loisir ». (Lamare, Histoire de Saint-Brieuc, page 202).
Nous pourrions faire ici des réflexions pleines d'actualité ; ce n'en est point la place et nous n'en avons point le temps. Les événements se pressent et nous pressent. Poursuivons.
L'année 1792 vit donc les maisons religieuses de la ville violemment fermées ; elle vit aussi l'emprisonnement des prêtres fidèles dont on put se saisir, ou pour qui l'on pouvait trouver des geôles. Toutes sortes de vexations furent employées pour rendre impossible à ceux qui n'étaient point enfermés, le séjour en leur pays. La journée du 10 août et les massacres de septembre redoublèrent l'audace des patriotes. Le décret du 26 août, expulsant tout prêtre non assermenté, fut appliqué vers la fin de septembre à l'égard des détenus et autres. C'est à cette époque que mourut subitement, au Légué, M. Macé, recteur de Saint-Etienne-du-Gué-de-l'Isle, en s'embarquant pour Jersey, et qu'un grand nombre de prêtres des Côtes-du-Nord (aujourd'hui Côtes-d'Armor) furent surpris en route par une frégate française qui, feignant sans doute d'ignorer le décret qu'ils subissaient, les ramena sur nos côtes. Ils furent emprisonnés dans le couvent évacué de Montbareil, en attendant leur transfert à Guingamp. C'est à Jersey qu'alla chercher la sécurité et exercer la charité et son zèle en faveur des trois mille ecclésiastiques réfugiés en cette île, le digne M. Le Cofvry, qui s'y distingua par ses magnifiques conférences. Il mourut, et ses conférences furent, en 1800, publiées à Londres sous ce titre : Doctrine du saint Concile de Trente, sur le dogme et la discipline. Donnons un souvenir aussi à M. Dupont, ancien professeur au collège, qui fut supérieur d'une maison nombreuse de prêtres réfugiés à Thames, près d'Oxford.
C'est ainsi que les derniers mois du règne de l'Assemblée législative virent la destruction officielle du culte catholique à Saint-Brieuc. Les détails nous manquent sur la façon dont les prêtres fidèles, cachés dans les familles chrétiennes de la ville ou des environs, pourvurent au bien spirituel d'un troupeau légalement livré à des mercenaires. Le diocèse était administré par MM. de Robien et Manoir, qui réussirent à déjouer la surveillance des sans-culottes et continuèrent leur administration, en vertu sans doute de la bulle adressée, en mars 1891, aux évêques de France, relativement aux pouvoirs extraordinaires réclamés par les circonstances, après que Mgr. de Bellescize fut mort à Paris en 1796, car il n'est pas croyable que les chanoines aient pu se réunir en temps utile pour les constituer vicaires capitulaires : ce furent eux les dépositaires de l'autorité diocésaine pendant toute la vacance du siège, 1796-1802, époque à laquelle Mgr. Caffarelli consola le long veuvage de l'église de Saint-Brieuc.
Nous voici arrivés au règne de la Convention, de la Terreur, 1793-1794-1795, époque de sang et de boue, où notre ville vit les emprisonnements en masse, et la hideuse guillotine en permanence sur la place du Pilori, aujourd'hui place de la Préfecture. Le Comité de Salut, public, appuyé sur le sinistre Carrier et sur Carpentier, son émule dans les Côtes-du-Nord (aujourd'hui Côtes-d'Armor), se signale par d'horribles exploits. Par son ordre, le couvent des ci-devant Capucins et le Séminaire sont convertis en maisons d'arrêt pour les suspects. La prison regorgeait donc déjà de captifs (17 septembre 1793). Bientôt les religieuses sont enfermées dans l'hôtel de Tréveneuc, les vieux prêtres jusque là épargnés par les décrets « tutélaires et généreux », le sont dans les maisons prébendales des Pavés-Neufs et de la Venelle Chapitre ; d'autres dans l'hôtel Picot de Plédran, devenu plus tard la résidence de l'amiral Charner. Le sang du jeune abbé Kerambrun, clandestinement rentré malgré le décret du 13 mars et trahi lâchement, rougit, le 9 décembre 1793, cette place où l'année suivante 15 autres victimes devaient monter à l'échafaud. Les plus illustres de ces victimes, dignes en tous points des premiers âges de l'Eglise persécutée par les Césars et leurs proconsuls, sont l'abbé Androuet, vicaire .à Plumaugat ; l'abbé Avril, natif de Pleslin ; Dom Léonard Hillion, qui, après avoir été expulsé de son cloître, exerçait en secret le saint ministère à Saint-Brieuc, ou plutôt à Port-Brieuc, comme c'était le style officiel, par décision des Sans-Culottes. Cependant la Société régénérée (c'est le nom pris par les 24 sans-culottes qui s'étaient donné la mission de terroriser la ville et qui, par intimidation, grossirent tout de suite leurs rangs d'une centaine d'associés), se hâtèrent de faire disparaître les « vestiges de toute superstition ». La ci-devant chapelle Saint-Pierre était le lieu de leurs réunions, et leur audace finit par triompher de la municipalité qui, il le faut reconnaître, atténuait autant qu'il dépendait d'elle les rigueurs du temps. Se sentant soutenus par Carrier et Carpentier, ils vinrent même à bout des dernières résistances du Conseil général. En mars 1794, le Conseil général, cédant aux ordres venus de Paris, ordonna d'abattre les croix et tout signe extérieur de culte ; en même temps, le District lui enjoignait de détruire ou de confisquer toute marque de féodalité dans les églises ou ailleurs. Des commissaires furent nommés « pour purger la ci-devant cathédrale des attributs de la superstition ». L'ordre fut exécuté : le 10 mars, la « ci-devant cathédrale devint le temple de la Raison, » la fête en fut faite, « ouverte par une agréable symphonie et terminée par des chants patriotiques et des danses républicaines ». Deux apostats, un prêtre de Saint-Brieuc, son nom n'a pas été conservé, et le curé de Planguenoual, déposèrent leurs lettres de prêtrise et renoncèrent au « métier sacerdotal ». L'exemple leur avait été donné quelques jours auparavant par le curé de Saint-Martin-des-Prés, ancien carme, et par le curé de Plouër ; ils étaient dans les prisons de Saint-Brieuc. Il est à peine nécessaire d'ajouter que c'étaient des prêtres assermentés ; le schisme les avait préparés à l'apostasie, et plusieurs contractèrent mariage pour échapper au martyre dont ils n'étaient pas dignes.
Tous cependant ne tombèrent point si bas, Jacob et son vicaire Baschamp refusèrent d'abjurer, et quand arrive de Saint-Malo, de « Port-Malo » plutôt, comme l'on disait alors, l'ordre donné par Carpentier d'enfermer au ci-devant château de Quintin ceux qui n'avaient pas encore remit leurs lettres de prêtrise, ils aimèrent mieux subir la captivité, que de se souiller par l'apostasie. Mais cela ne suffi pas pour justifier leur intrusion et leur schisme.
Pour bien marquer le triomphe de la Raison, on grava sur la porte d'entrée de la Cathédrale ces mots : Temple de la Raison, surmontés d'un triangle aux rayons dorés, Les fêtes décadaires y furent célébrées sous la direction d'une commission chargée « de joindre l'utile à l'agréable ; de faire oublier les cérémonies d'un culte exclusif, et de corroborer l'esprit public ». Dans ce but, on appela les « nouveaux fidèles » à entendre la lecture des lois, des discours de morale et des hymnes patriotiques ; des commissaires furent nommés pour maintenir le respect que doit imposer l'assemblée du peuple et surveiller ceux qui ne se rendraient pas au temple. A cet enseignement, on ajouta des amusements rappelant la simplicité des fêtes champêtres, et l'on ouvrit une souscription pour acheter des musettes. Un bal fut donné dans le sanctuaire de la cathédrale. Enfin, un peu plus tard, pendant que la vieille collégiale Saint-Guillaume devenait logement militaire et magasin à fourrages, la cathédrale servit d'étable à boeufs ; les rues avoisinantes furent fortifiées comme au XVIème siècle, un corps de garde installé dans une des tours, et un canon y fut placé pour battre la place du Pilori. Enfin en l'an VI, 1797-1798, on permit d'élever autour de l'édifice les échoppes qui en ont si longtemps souillé les abords (Lamare. Histoire de Saint-Brieuc). Le 8 juin, Port-Brieuc vit la fête de l'Etre suprême, avec sa procession, ses harangues par le maire transformé en pontife, ses danses et ses « jeux innocents ». Et pendant que les citoyens et les citoyennes, en bonnet phrygien, dansaient au son de la musette dans l'église profanée, la guillotine était là, à soixante pas, poursuivant sa besogne, et les emprisonnements et les déportations continuaient toujours. C'est ainsi que les soeurs de charité et les Hospitalières de Saint-Thomas, jusque là laissées libres faute de remplaçantes, furent incarcérées ; que l'abbé Besson, dont le cimetière de Saint-Brieuc conserve la dépouille mortelle, alla confesser la foi sur les pontons de Rochefort, février 1795, où il trouva le vénérable abbé Berthier et M. Le Groing, de la Romagère, depuis évêque de Saint-Brieuc, qui dut aux fers de sa captivité la blessure dont il ne guérit plus. L'abbé Antoine Besson n'était encore que diacre : il fut relâché au bout de deux mois, mais il rapporta de ces méphitiques pontons le germe de la maladie dont il souffrit le reste de sa vie. Il fut dans la suite ordonné prêtre, devint chanoine et secrétaire de Mgr. Caffarelli.
La chute et la mort de Robespierre amenèrent une réaction. Le 24 germinal, avril 1795, la cathédrale fut rendue au culte, beaucoup d'ecclésiastiques et de religieuses relâchés. Jacob sortit de prison ; des prêtres catholiques même recouvrèrent, paraît-il, une demi-liberté, car c'est sur la demande d'un groupe imposant de fidèles que leur furent rendues la chapelle Saint-Pierre et celle des Filles le la Croix, « le seul temple de la commune, dit-on en le leur rendant, qui eût échappé à la dévastation robespierriste » (Archives départementales). Comme l'on accusait encore les prêtres insermentés d'être en révolte contre le gouvernement, vingt-trois d'entre eux, à la tête desquels MM. de Robien et Manoir, vicaires généraux, MM. Ruffelet, Le Mée, Le Pesant, etc., publièrent un manifeste pour déclarer que les « ministres du culte catholique sont, par principe et par état, soumis au gouvernement civil de tous les pays qu'ils habitent, que le culte catholique se peut exercer dans les républiques comme dans les monarchies ».
Cette démarche absolument justifiable fit une sensation extrême ; et pendant longtemps encore, le clergé breton se montra divisé sur le point de savoir s'il fallait, oui ou non, accepter la République, et ce fut le commencement de la « Petite Eglise ».
Les intrus, en sortant de prison, profitèrent de leur liberté, non pour se réconcilier avec l'Eglise, mais pour perpétuer le schisme et reconquérir les postes qu'ils avaient sacrilègement usurpés. On leur résista par la force, et comme ils avaient l'appui de la loi, cette résistance amena de terribles représailles. C'est en cette seconde Terreur que périt, à Mégrit, M. Rabec, chanoine de la collégiale Saint-Guillaume (février 1796). Cette même année, 1796, vit mourir, à Paris, Mgr. de Bellescize. Enfermé à Saint-Lazare au début de la Terreur, il y convertit Laharpe, par ses instructions et par sa patience héroïque dans les terribles crises de goutte dont il souffrait. Il fut relâché après la réaction du 9 Thermidor, languit pendant un an et rendit le dernier soupir entre les bras d'un prêtre, son ami, le curé de Saint-Foch, paroisse où il fut inhumé.
Le Directoire fut ici, comme ailleurs, une époque de recrudescence dans la persécution, et les catholiques virent de nouveau profaner par les honteuses saturnales de la Théophilanthropie, inventée par Lareveillère-Lépaux, la Cathédrale, où Jacob lui-même était loin de se sentir le maître. La chapelle du Séminaire servait de salle de spectacle : Brutus s'y jouait pour entretenir le feu sacré du républicanisme, et la municipalité briochine, élue en l'an IV (1796), se vit brutalement destituée pour ne pas s'être opposée « à la dépravation de l'esprit public » ; ce sont les termes du décret. Traduisez : Pour avoir laissé vendre du poisson les jours d'abstinence, pour n'avoir pas contraint à travailler les ci-devant dimanches et à fêter les décadis. On ne voit pas, néanmoins, qu'aucun prêtre de la ville ait fait partie des convois de prêtres fidèles déportés à La Guyane à cette époque.
Le renversement du Directoire et l'établissement du Consulat permirent de respirer de nouveau. « Les constitutionnels, écrit le chanoine Le Sage, qu'on nous permettra encore de citer, crurent l'occasion favorable pour radouber leur église éphémère qui s'en allait en pièces... Ils avaient essayé d'un prétendu Concile national à Paris, en 1797. Une autre tentative de leur part fut faite en 1801, avec aussi peu de succès... Jacob mourut dans son lit en 1800 (l'auteur des Mémoires aurait dû écrire 1801, comme l'attestent les autres historiens), pauvre, mais ayant encore des culottes et une lévite grasse et tachée. Privé, comme les autres, de tout traitement, on lui avait donné une place de conseiller de préfecture qui valait 1.200 francs... Il fut inhumé dans la cathédrale, sous une arcade, près de l'entrée du choeur, à gauche et sous la tombe de marbre où reposait M du Breignou, mort en 1766, évêque de Saint-Brieuc. Mais les obsèques du gros bas-breton amphibie eurent ceci de remarquable. Le couvercle volant de la bière était orné de l'habit national, du chapeau à panache tricolore, de l'épée, attribut de ses fonctions civiques. Après avoir promené autour de la place et de la cathédrale les restes du citoyen, l'on s'arrête sous la porte d'entrée, on lève le couvercle, et voyez-vous, c'est un évêque crossé en cuivre et mitré en carton doré. Alors les frères Jureurs s'emparent du capitaine ; le plus hardi, Bouëtard aîné, prétendu savant universel, bavard absurde et présomptueux, fit un éloge funèbre qui rompit vifs les patriotes eux-mêmes. Cependant le concile de 1801 fit un appel à toute la science, à toute l'éloquence constitutionnelle, et l'église veuve et très veuve des Côtes-du-Nord jugea de son honneur de charger au coche ce même Bouëtard, aussi repoussant par son extérieur plat et ignoble que par son langage qui n'était qu'un patois. L'autre Père briochin était Corbel, encore vivant et curé, qui, dit-on généralement, n'a pas à prêcher longtemps ni souvent pour enseigner à ses paroissiens tout ce qu'il croit. Dans leur détresse, les curateurs de la veuve des Côtes-du-Nord songèrent à lui donner quelque consolation... ». Ils n'en eurent pas le temps : le bruit d'un concordat qui se négociait entre le Saint-Siège et le premier consul s'accréditait dans toute la France. « Le gouvernement avait prié les PP. du concile séant à la métropole de Paris, de cesser leurs importants travaux, continue M. Le Sage. Ils revinrent dans leurs départements comme des histrions mal appris que les sifflets d'un parterre inexorable obligent d'abandonner la scène au beau milieu de la pièce. La chute de celle-ci empêcha qu'une autre ne fût jouée à Saint-Brieuc... Les frères furent contremandés et mon pauvre confrère Baschamp manqua la mitre de papier doré pour laquelle sa tête n'était point faite ».
Ainsi s'acheva en notre ville l'existence officielle du schisme. On sait qu'à la suite du Concordat, Jean-Marie Caffarelli devint, sur la proposition de Bonaparte, évêque de Saint-Brieuc. Il est temps, grand temps, de clore cet aperçu déjà trop long des événements relatifs à l'Eglise en notre cité, et d'enregistrer sommairement ce que nous avons pu recueillir touchant les succursales du doyenné.
On voudra bien nous pardonner les lacunes : elles ne nous sont pas imputables.
CESSON.
Un constitutionnel, Collet, fut mis en possession du rectorat de Cesson en 1791 ; il rétracta néanmoins plus tard son criminel serment. Le pasteur légitime, M. Ruffet, né à Etables, réussit pendant quelque temps à déjouer la persécution et à exercer en secret ses fonctions saintes. Il resta même à Cesson ou dans les environs, jusque dans le courant d'août 1792, au moins, puisqu'à cette époque, le 15 août, il baptisa le père de M. le recteur Gourio. Mais il se vit contraint de céder à l'orage et émigra à Jersey, d'où il revint en 1801, reprit son poste, et après onze mois de paisible ministère, mourut à la Ville-Rault, l'ancien presbytère n'étant pas habitable, et fut inhumé dans le cimetière de la paroisse.
Pendant que le schisme triomphait à Cesson, le culte catholique ne cessa point de s'exercer. Les confessions s'entendaient où l'on pouvait, dans les champs parfois : la messe se disait à la Ville-Bernard, résidence de la famille Gourio, ou bien aux Villes-Dorées ; une cérémonie de première communion se fit à la Ville-Bernard en 1798. Ces fonctions du ministère catholique étaient faites par des prêtres qui se cachaient des persécuteurs dans les asiles fournis par les fidèles des environs, et parfois aussi par les ecclésiastiques venus de plus loin et qui se rapprochaient de la côte pour émigrer en Angleterre. Les aïeuls paternel et maternel de M. Gourio en ont fait embarquer plusieurs en sûreté par la charitable connivence d'une aubergiste. Les aubergistes, même de Cesson, ont du bon parfois, comme ceci le prouve.
Des fidèles enlevèrent à l'église profanée par un culte schismatique les statues qui la décoraient, les cachèrent et les rendirent quand l'intrus eût disparu. La statue vénérée de Notre-Dame, aujourd'hui dans l'église paroissiale, se trouvait dans la chapelle de la forteresse de Cesson, centre d'une confrérie à laquelle Clément XI, en 1711, avait octroyé des faveurs spirituelles. La chapelle, comme toutes les autres de la paroisse, sauf celle de la Ville-Ginglin, dédiée à saint Gilles, fut renversée par les terroristes, et la statue jetée en bas de la falaise. Ensevelie dans les sables, elle fut rapportée à l'église au rétablissement du culte. La paroisse toutefois ne fut rétablie qu'en 1820, sauf les onze mois qui suivirent le retour du pasteur ; jusqu'à ce moment où fut installé M. Tessier, le service fut assuré par le clergé de la cathédrale. Les vicaires de la cathédrale faisaient les enterrements au bourg ; le curé y célébrait la grand'messe le lundi de Pâques et le premier dimanche de février, fêtes patronales ; pour tout le reste, les paroissiens venaient au chef-lieu.
HILLION.
Les éminents historiens des Evêchés de Bretagne, MM. Geslin de Bourgogne et Barthélemy, nous apprennent que l'abbé Guinard, curé de Hillion, fut enfermé à Dinan parce qu'il portait ombrage à l'intrus. Il est triste, ajoutent-ils, mais vrai de dire que les intrus furent d'ordinaire les plus ardents instigateurs de la persécution contre leurs confrères orthodoxes. Vérité dont nous aurons tout à l'heure une confirmation en traitant de Plédran. La fidélité de Hillion ini attira les colères des patriotes. MM. de la Noüe des Aubiers et Loncle, accusés d'y entretenir le fanatisme, se virent obligés de s'enfuir pour éviter la déportation à la Guyane.
C'est à Hillion que périt la dernière victime des fureurs révolutionnaires en ce département : l'abbé Méheust. Il avait d'abord émigré puis était revenu avant le 18 fructidor, et se tenait caché dans les environs de Lamballe. Il était dans la métairie de la Tronchais, en la commune de Morieux, avec M. André, recteur de cette paroisse, quand ils furent avertis de l'approche d'une colonne mobile. M. Méheust tomba aux mains des Bleus, qui le fusillèrent au moment où il s'agenouillait devant une croix au bord du chemin ; elle a conservé son nom, la Croix-Méheust.
Messire René-Julien Poret, originaire de Saint-Brieuc, succéda, en 1767, en qualité de recteur, à M. Jamet, transféré à Plémet, en 1766. Messire Poret, au mois de juin 1791, émigra en Angleterre par suite de la persécution ; et dès ce moment, la paroisse fut confiée à l'administration schismatique de Louis Resmon, prêtre constitutionnel, curé d'office jusqu'au 16 octobre de la même année. A cette époque il y eut vacance dans l'intrusion jusqu'au 19 novembre, même année, où Jean Nouvel, prêtre également constitutionnel, devint vicaire. Ce dernier, le 17 janvier 1792, signe curé ; le 3 janvier 1793, il signe officier public, et le 2 floréal, an II de la République, il cesse ses fonctions civiles. Depuis, la paroisse d'Hillion n'eut plus d'administration régulière jusqu'au commencement de 1800. Messire René-Julien Poret, revenu d'émigration, rentra à Hillion et reprit son titre de recteur. Il mourut au mois d'octobre de la même année (1800). Alors M. Jean Le Corguillé fut nommé curé d'office jusqu'à la fin de 1803. Au commencement de 1804 il devint recteur.
Messire Julien Pensort, né à La Salle, paroisse d'Hillion, fut le vicaire de Messire René-Julien Poret depuis 1781 jusqu'en 1791. Il émigra quelques mois après son recteur, puisque, au départ du sieur Resmon, nous voyons sa signature reparaître sur les registres officiels jusqu'au 8 novembre 1791. Il passa alors en Angleterre et se retira à Londres, où il vécut neuf années. Il rentra en France au commencement de 1800, et prit part à l'administration de la paroisse d'Hillion, probablement en qualité de vicaire. En 1804, il fut nommé recteur de Dolo, et il est mort recteur de Quintenic, dans un âge très avancé.
M. l'abbé Méheust, dont le souvenir est resté vivant à Hillion, prodigua à sa paroisse natale les preuves de son zèle et de son dévouement vraiment apostoliques. Plusieurs fermes d'Hillion où il dit la messe et remplit les autres fonctions de son ministère, s'honorent de lui avoir donné asile dans les mauvais jours. Son enterrement, dit-on, la première cérémonie publique faite dans notre église rendue au culte. Il est enterré dans l'ancien cimetière, tout près de la sacristie actuelle. Sa tombe n'existe plus, bien que sa mémoire soit vénérée comme celle d'un saint.
LANGUEUX.
Peu de choses à dire de Langueux. Les deux vicaires, paraît-il, suivirent dans son serment et son schisme le malheureux Julien Corbel, dont nous avons vu dès le début de ce travail la honteuse conduite.
D'autre part, les papiers contemporains nous rappellent qu'en avril 1792 les gens de Langueux, froissés dans leur sections et leurs croyances, en témoignèrent leur ressentiment. « Ils assommèrent des soldats de la garnison de Saint-Brieuc ». Détail typique qui porte sa marque intrinsèque d'authenticité.
PLÉDRAN.
La paroisse de Plédran se montra bien fidèle et eut l'honneur de compter deux victimes glorieuses parmi ses enfants. François Bidan, maire de la commune, et Jean Goupillière, son adjoint, furent traduits dans le mois de janvier 1793 au tribunal criminel de Saint-Brieuc, parce qu'ils avaient caché l'argenterie de leur église et ne s'étaient pas opposés aux rassemblements dans leur commune, rassemblements dont le but était de soutenir les causes saintes de la religion et de la monarchie. Ils furent renvoyés au tribunal révolutionnaire de Paris. Mais le 9 thermidor étant survenu, les exécutions se ralentirent : l'adjoint fut mis en liberté et le maire exécuté le 1er novembre, âgé seulement de 29 ans. M. Tresvaux, qui nous donne ces détails et qui eut en mains les pièces officielles, constate que le citoyen Boyer, curé constitutionnel de la paroisse, fut pour beaucoup dans cette condamnation.
Il faut encore relever à l'honneur de Plédran, le nom de l'abbé Julien Corlay, prêtre de Plédran, déporté à Rochefort en 1794, mais qui n'y mourut point.
SAINT-DONAN.
Voici un extrait du registre de paroisse : « M. Amette, natif de Saint-Brieuc, était recteur en 1791. C'était un saint prêtre. Il s'exila en Angleterre avec M. Le Nôtre, son vicaire. Celui-ci était, paraît-il, un prêtre bien distingué. Après la tourmente révolutionnaire, M. Amette rentra à Saint-Donan où il mourut le 18 octobre 1805, âgé de 67 ans, après avoir été recteur pendant 41 ans, sauf le temps qu'il passa en exil. Son vicaire, M. Le Nôtre, fut remplacé le 16 janvier 1804 par M. Louis Mathurin Guillemot, de Quintin, qui devint recteur de Saint-Donan le 4 novembre 1805.
Pendant la Révolution, deux intrus se remplacèrent rapidement à Saint-Donan. Ce furent un nommé Tardivel, de Quintin, et un certain Méhauté, que par dérision on appelait Chausse-noire. Le premier était nul ; le second pervers. Ils passèrent peu de temps dans la paroisse ; ils y furent honnis et s'en virent chassés par les habitants qui jamais ne les fréquentaient ». Ces renseignements, ajoute M. Touyer, sont extraits du registre rédigé par M. Chevillon, décédé recteur de Saint-Donan en 1867.
Les archives du département nous apprennent d'autre part que Yves Lhotellier, maire de Saint-Donan en 1793, eut à cette époque le courage de refuser son adhésion à la Constitution et de demander le rétablissement de la religion et de la monarchie : cette noble conduite faillit lui coûter cher ; car il fut incarcéré, mais relâché après le 9 thermidor.
SAINT-JULIEN.
A l'époque de la Révolution, Saint-Julien avait comme recteur, depuis 1783, M. Michel Gouédard, originaire Plaintel.
En 1792, chassé par la tourmente révolutionnaire, il se réfugia en Angleterre, à Jersey ; quand la paix fut rendue à l'Eglise, M. Gouédard revint dans sa paroisse qu'il continua d'administrer et d'édifier jusqu'à ce que l'évêque jugeât à propos de le transférer à la cure d'Uzel, ce qui arriva en 1803.
Vicaire à Saint-Julien, depuis 1778, M. René Jouyaux fut le collaborateur de M. Gouédard, et comme lui prit chemin de l'exil. De retour, il reprit ses anciennes fonctions, qu'il continua jusqu'en 1810, époque où il fut nommé recteur de la paroisse.
Pendant la Révolution, Saint-Julien et les paroisses voisines eurent le bonheur de recevoir les secours de la religion d'un saint prêtre, du nom de M. Guillaume Bertho, originaire de Plaine-Haute. D'abord capucin, il portait en religion le nom de Père Félix. Obligé de quitter son couvent, et ayant refusé le serment à la Constitution civile, il fut du petit nombre de ceux que la vue de tant d'âmes exposées à se perdre, retint dans le pays. Au milieu des plus grands dangers, il se transportait de jour et de nuit, non seulement où l'on réclamait son ministère, mais encore où il soupçonnait seulement qu'il pourrait être nécessaire. Il était d'une piété telle que dans le pays on ne l'appelait que le bon Père.
Après avoir traversé heureusement des temps si difficiles, il fut nommé, en 1806, recteur de Saint-Julien, et en 1808, recteur de Saint-Brandan, d'où, sur sa demande, il prit possession de Cohiniac, en qualité de recteur. C'est de cette paroisse qu'il se retira à l'hospice de Moncontour, où il mourut en 1823.
Dans le tableau des ecclésiastiques réfugiés à Jersey pendant la Révolution, on trouve les noms de : N. Gouédard, recteur de la paroisse de Saint-Julien, au diocèse de Saint-Brieuc, et Jouyaux N., curé de Saint-Julien, au diocèse de Saint-Brieuc.
TRÉGUEUX.
« La Société populaire des amis de la République, fondée à Saint-Brieuc, et le Conseil de surveillance fourni par la commune, ranimèrent les mesures vexatoires du District contre les prêtres, les nobles et les campagnes (1793). Trégueux fut en particulier l'objet de ses rigueurs » (Anciens Evêchés de Bretagne, année 1793).
Ce passage, emprunté à un livre déjà cité dans le cours de ce travail, les Anciens Evêchés de Bretagne, est malheureusement un peu vague ; mais c'est tout ce que j'ai pu me procurer sur cette paroisse.
YFFINIAC.
Quand éclata la Révolution, Messire Jean-Louis Trécherel, né à Yffiniac, en était recteur ; il le fut de 1760 à 1797, époque de sa mort. C'était un homme distingué, grand-vicaire forain, directeur des retraites du diocèse de Saint-Brieuc. Ayant refusé de prêter serment à la Constitution civile du clergé, il fut contraint de cesser ses fonctions en 1791. Comme il avait plus de 60 ans, il ne fut point condamné à la déportation, mais arrêté et mis en prison, d'abord à Montbareil, chez les Filles de la Croix, puis à Guingamp. Il revint ensuite à Yffiniac, où il mourut l'an VI de la République française (4 mars 1797).
Son vicaire, M. François Dégereau, refusa, lui aussi, le serment et fut condamné à la déportation. Les registres, depuis le 16 novembre 1791, jusqu'au 1er novembre 1792, sont signés par un M. Le Maréchal, curé d'Yffiniac. C'est sans doute à ce Le Maréchal qu'arriva la mésaventure rapportée dans les Anciens Evêchés de Bretagne. Vers la fin de 1792, « les gens d'Yffiniac saccagèrent le presbytère du juroux et le mirent en fuite ».
En 1800, continue M. Crézé, dont nous avons un instant interrompu le récit par le détail que vous venez d'entendre, nous trouvons comme recteur d'Yffiniac M. Vinçot, qui y resta jusqu'au Concordat, époque où il fut nommé à Plessala : c'est là qu'il est mort. Il fut remplacé à Yffiniac par M. Dégereau, le même qui avait été condamné à la déportation. M. Dégereau y resta jusqu'en 1821, moment de sa mort.
(le diocèse de Saint-Brieuc durant la période révolutionnaire).
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