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Monseigneur RENE DE RIEUX, évêque de Léon. |
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SENS ALLÉGORIQUE DU MONSTRE DU TOMBEAU DE MONSEIGNEUR DE RIEUX-SOURDÉAC, A SAINT-POL-DE-LÉON.
Le sens allégorique du monstre placé aux pieds de Mgr René de Rieux, sur le monument qui lui a été élevé en la cathédrale de St-Pol-de-Léon, ressort clairement de la vie épiscopale très mouvementée de cet illustre prélat et les quelques notes qui vont suivre expliqueront facilement les efforts que fait le monstre pour lui arracher le bâton pastoral.
René de Rieux était fils puîné de René, marquis d'Ouessant et de Sourdéac, chevalier des Ordres du Roi, son lieutenant général au gouvernement de Bretagne, gouverneur des ville et château de Brest, maréchal des camps et armées de Sa Majesté, et de Suzanne de St-Melaine, dame de Boulerresque. Il avait pour frère Guy, Mis. de Sourdéac, 1er écuyer de la Reine Marie de Médicis, mère de Louis XIII, et, pour sœur, Anne, religieuse bénédictine du Calvaire, supérieure générale de son Ordre, dite Mère Madeleine de la Passion t 15 avril 1663, en haute réputation de vertu. René de Rieux ayant embrassé l'état ecclésiastique, comme beaucoup de cadets à cette époque, était déjà en 1600 abbé commendataire de l'abbaye de Daoulas (chanoines réguliers), en 1606 de N.-D. du Relec (ordre de Cîteaux), toutes deux situées au diocèse de Léon, et enfin d'Orbais, au diocèse de Soissons, lorsqu'en 1613 la faveur de la Reine Régente Marie de Médicis l'appela en outre au siège épiscopal de Léon,vacant par la mort (le 5 février précédent) de Mgr. Rolland de Neufville.
Durant son épiscopat, René de Rieux eut deux affaires qui firent beaucoup de bruit et auxquelles le clergé de France prit une grande part. La première, en 1625, fut à l'occasion des Carmélites de Morlaix de la réforme de sainte Thérèse, lesquelles, ayant refusé de se soumettre à l'exécution du bref du Pape Urbain VIII, qui les assujettissait aux PP. de l'Oratoire, au préjudice de l'évêque de Léon, donnèrent occasion à une entreprise qui eut beaucoup d'éclat. Etienne Louystre, docteur en Sorbonne et doyen du chapitre de Nantes, commissaire du Saint-Siège, comme délégué des cardinaux de la Rochefoucauld et de la Valette, pour l'exécution du bref de Sa Sainteté, rendit, le 12 avril 1625, une sentence contre lesdites Carmélites et, incidemment, contre René de Rieux, évêque de Léon, interdisant sa cathédrale et sa maison, le menaçant d'irrégularité, le déclarant indigne de l'entrée de son église et le suspendant même de ses fonctions épiscopales (Abrégé des mémoires du clergé).
Le procédé, téméraire et injurieux à l'épiscopat, étant venu à la connaissance des principaux prélats de France, alors réunis à Paris, cette illustre assemblée déclara, le 18 juin, qu'elle regardait comme abusif, nul et de nul effet toutes les fulminations prononcées par le Doyen de Nantes. Cette déclaration fut adressée à l'évêque de Léon, aux Doyen et chanoines de son église, aux autres prélats et spécialement à l'évêque de Nantes (Philippe Cospéan) pour les informer de la témérité de Louystre et les prier de ne pas le recevoir dans leurs diocèses, dans la communion des fidèles, jusqu'à ce qu'il eût donné convenable satisfaction. Cette affaire se termina par la réparation publique que fit Etienne Louystre, en présence d'abord des évêques d'Orléans et de Chartres et qu'il récita encore dans l'assemblée du clergé, le 1er décembre de la même année.
L'autre affaire fut plus fâcheuse pour M. de Rieux et dura plus longtemps. Les divisions qui survinrent entre Louis XIII et sa mère en 1632 contraignirent Urbain VIII, pressé par les instances de la Cour de France, d'accorder, le 8 octobre de cette année, un bref donnant pouvoir à l'archevêque d'Arles, aux évêques de Boulogne, de Saint-Flour et de Saint-Malo, de faire le procès de toutes personnes ecclésiastiques, même abbés, évêques et archevêques, qui se trouveraient avoir attenté contre la personne du Roi et contre son État. A la sollicitation du cardinal de Richelieu, l'évêque de Léon fut accusé d'avoir servi Marie de Médicis dans sa retraite et de s'être réfugié en Flandre (Abrégé des mémoires du clergé). Malgré son innocence, M. de Rieux fut cité et, par sentence du 3 mai 1635, les quatre prélats nommés cidessus le déclarèrent privé de son évêché. L'évêque de Léon, fort de sa conscience et, en outre, très versé dans les matières ecclésiastiques, en appela au Saint-Siège, afin d'obtenir un nouveau bref et d'autres juges ; mais l'ambassadeur de France ayant fait opposition à cette requête, les choses restèrent en cet état jusqu'en 1645.
Louis XIII nomma un autre évêque (Robert Cupif), qui fut confirmé par le Pape à la place de René de Rieux.
En 1645, donc, deux ans après la mort de Louis XIII, qui, malgré sa bonté naturelle, s'était laissé prévenir par les ennemis du prélat, le clergé, assemblé à Paris, entreprit la défense de M. de Rieux et obtint de la Reine Anne d'Autriche, régente de France, de solliciter en cour de Rome un nouveau bref levant toutes les censures portées depuis dix ans contre le diocèse de Léon et son légitime pontife.
Sur les entrefaites, Innocent X avait succédé, à Rome, à Urbain VIII. Le nouveau Pape, pleinement informé de cette affaire, sur la lettre pleine de force et d'érudition, mais très respectueuse, que lui avait écrite le clergé en faveur de l'évêque dépossédé, acquiesca à cette prière et, par bref du 23 décembre 1645, commettait l'archevêque de Sens et les évêques d'Evreux, de Senlis, de Laon, d'Angoulême, de Maillesais (nunc la Rochelle) et du Mans, pour juger de l'appel de l'évêque de Léon. L'archevêque de Sens et l'évêque d'Evreux étant morts dans l'intervalle, les évêques d'Amiens et de Vabres leur furent substitués. Sur l'avis des sept prélats instructeurs, des lettres patentes du Roi, datées du 12 mars 1646, faisant droit à l'appel interjeté par René de Rieux, évêque de Léon, de la sentence rendue contre lui le 31 mai 1635, infirmèrent ladite sentence et déclarèrent ledit évêque absous de toute accusation et rétabli dans son évêché.
René de Rieux ayant voulu rentrer en possession de son siège trouva quelque opposition de la part de Robert Cupif, qui, en fait, était canoniquement pourvu. Mais le Roi leva cette opposition en nommant M. Cupif au siège de Dol. René de Rieux rentra à Léon, où il fut accueilli avec joie par tout le clergé et par tout son diocèse. Il y fut reçu solennellement dans sa cathédrale, le jeudi 24 décembre 1648, veille de Noël. Après avoir soutenu cette disgrâce avec beaucoup de patience et avoir gouverné son église, ainsi que tous ses bénéfices abbatiaux avec autant de zèle que de vertu, René de Rieux mourut d'apoplexie, âgé de 63 ans, le 18 mars 1651, dans son abbaye du Relec, d'où son corps fut transporté à Léon et enterré dans sa cathédrale, à côté du grand autel.
Après de pareils détails, il sera facile, croyonsnous, de saisir le sens allégorique du monstre représenté sur son tombeau.
Comme complément à la
question posée, à laquelle nous venons de répondre, trop longuement peut-être,
et aux observations qui la suivent, nous ajouterons que la cathédrale de Léon
possède, outre ceux de René de Rieux et de de la Marche, son dernier évêque, un
autre monument funéraire : c'est celui de Guillaume de Kersauson, contemporain
de saint Yves, qui occupa le siège de Léon à la fin du XIIIème siècle et qui
mourut en 1327. Ses armes se voyaient autrefois sur deux vitres du chœur, du
côté de l'épître : elles décorent encore aujourd'hui le tympan du grand portail.
(J. DE KERSAUSON).
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