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La paroisse d'Evran durant la Révolution. |
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Renseignements ecclésiastiques. — Evran, cure de l'ancien diocèse de Saint-Malo, relevait autrefois de l'archidiaconé de Dinan et du doyenné de Bécherel.
L'église d'Evran, aussi haut que nous permettent de remonter les documents écrits, a toujours été sous le patronage de Saint Pierre. C'est sous ce titre qu'elle figure dans la donation au prieuré de Léhon qu'en fit Saint Jean de la Grille, évêque de Saint-Malo (1144-1163). C'est encore de cette appellation que se servit, pour désigner cette église, Pierre Giraud, évêque de Saint-Malo, lorsqu'en 1187, il confirma cette donation de son autorité (Anciens Evêchés, op. cit., IV, p. 361, et VI, p. 127).
Les seigneurs de la terre de Beaumanoir étaient regardés comme fondateurs et prééminenciers dans l'église d'Evran. Au XVIIIème siècle, ces titres furent possédés par la famille de Langle, dont les descendants se sont perpétués jusqu'à notre époque dans la propriété de Beaumanoir.
A la Révolution, le droit de présentation à la cure d'Evran dont avait joui le prieur de Léhon jusqu'à la suppression de ce bénéfice, était passé aux mains de l'abbé de Marmoutiers-lès-Tours, dont le monastère fut autrefois largement possessionné en Bretagne.
Les dîmes d'Evran avaient subi le même sort que le droit de présentation, et elles appartenaient en 1789, sous réserve de nombreuses charges, à l'abbaye de Marmoutiers. Par suite, le recteur d'Evran se trouvait réduit à la portion congrue. « Cependant, écrit celui-ci dans sa déclaration, en 1790, comme les dîmes novales d'Evran, dont jouit le recteur, ne forment qu'un objet évalué à 210 l., et par suite très inférieur à la portion congrue telle qu'elle a été fixée par les lettres patentes de 1767 et de 1787, les religieux de Marmoutiers s'obligèrent à fournir annuellement au recteur d'Evran le nombre de 160 boisseaux de froment, mesure de Dinan ; ce qui, à 8 l. 10 deniers le boisseau, a produit pour 1790 la somme de 1.438 l. 3 s. ; celle-ci, jointe à la valeur des dîmes novales, a monté le revenu de la cure d'Evran pour 1790 à 1.648 l. 13 s, sur lesquelles, retirée la pension de ses deux vicaires, il reste au recteur 948 l. 13 s. » (Archives des Côtes-d'Armor, série L/v, district de Dinan).
Dans l'église de cette époque, dont rien ne subsiste plus, se voyaient entre autres des autels dédiés à Saint Yves, à Saint Julien, ainsi qu'à Saint Gilles. Cet édifice, note le Pouillé de Mgr. de la Bastie, est « médiocre, trop petit pour le lieu, assez bien pourvu d'ornements ». Quant au presbytère, le même document le donne comme « pas mal, ni trop éloigné de l'église ».
Le mauvais état de l'église paroissiale avait même obligé dès 1741 d'y faire exécuter des réparations considérables, équivalentes à une reconstruction partielle, et ces travaux se continuaient encore à l'intérieur de cet édifice en 1760. En 1766, toute une comptabilité en notre possession nous montre que l'on s'occupait alors de solder les 190 livres qu'avait coûtée l'extraction de cent charretées de pierre de taille destinée à rebâtir le clocher d'Evran, que l'on projetait dès lors, mais dont la première pierre ne fut posée que le 22 mai 1774. Enfin, nous conservons dans nos archives le marché passé en 1788 par le recteur d'Evran afin de faire construire à Plancoaët, pour le prix de 600 livres, une horloge destinée à la tour de l'église, et dont le marteau « frappant sur la grosse cloche, devait peser de 18 à 20 livres ».
Tous ces importants travaux s'exécutaient grâce aux générosités des Evrannais. Leur fabrique, en effet, n'avait que 15 livres de revenu fixe, et si elle possédait « un certain nombre de fondations qui se trouvaient en règle », la plupart des rentes qu'elles produisaient, spécialement celles de la confrérie du T. S. Sacrement, avaient une destination bien déterminée.
En 1698, les principales ressources de l'église d'Evran, lisons-nous sur un compte qui nous appartient, consistaient en offrandes volontaires des paroissiens ; blé, blé noir, lin, chanvre, fil, paniers de pommes, cochons de lait, beurre, noeuds d'échine de porcs, ainsi que dans la vente des pommes et de l'herbe du cimetière. Notons aussi 15 l. 15 s. 6 deniers recueillis à la tasse le dimanche, et 7 sols trouvés dam le tronc de Saint Fiacre.
Parmi les dépenses de cette même année, il nous semble intéressant de mentionner 10 l. 7 s. 6 d. pour payer « suivant l'usage ancien » un repas le Samedi-Saint aux prêtres d’Evran ; 2 l. pour « l'homme qui sonne la clochette aux processions », et 10 sols à celui qui va quérir les saintes huiles. — En 1789, le sonneur de clochettes aux processions recevait alors 6 livres pour sa peine ; le luminaire avait coûté 164 l..., l'huile pour le lampe du sanctuaire 92 l, et le blanchissage du linge d'église revenait à 6 l. 12 s. A cette époque aussi, l'on célébrait à Evran, tout comme aux environs, une messe de minuit le jour de Noël, et la chandelle brûlée à cette occasion fait toujours l'objet d'un compte spécial dans les dépenses de l'église. Grâce à cette précaution, nous savons que l'on avait dépensé de ce chef 34 sols en 1789.
Voici, d'après l'estimation qui en fut faite lors de leur confiscation en 1791, la valeur en revenu et en capital des principales fondations de l'église d’Evran : la prestimonie Guillemette Agan fut prisée alors 74 l. de revenu et 1.628 l. en capital ; la fondation Georges Fouéré, 90 l. en revenu et 1.980 l. en capital ; celle du prêtre Pierre Bouché, 80 l. de revenu et 1.782 l. en capital ; celle de Julienne Gautier, 25 l. de revenu et 550 l. en capital ; celle de Pierre Charpentier, 27 l. de revenu et 635 l. en capital ; celle d'Antoine Bénard, 14 l. de revenu et 308 l. en capital, etc., etc.
La générosité de Louis-Marie de Langle, baron de Beaumanoir, et de dame Jeanne-Marie de Robien, sa belle-soeur, veuve de Louis-Jean-François de Beaumanoir, président à mortier au Parlement de Bretagne, les avait aussi déterminés à créer sur les Etats de Bretagne une rente perpétuelle de 668 l., dont le dixième devait appartenir à l'église d'Evran et le reste aux pauvres de cette paroisse, savoir : 302 l, à répartir par les soins de M. le Recteur à tous les miséreux de cette localité, et 300 l. à distribuer par M. le premier vicaire aux seuls vassaux pauvres de la seigneurie de Beaumanoir. De plus, les charitables châtelains avaient encore institué à perpétuité une rente de 250 livres pour rémunération des messes que célébrait le premier vicaire chaque dimanche et fête chomée. Toutes ces fondations bienfaisantes sombrèrent dans la Révolution française.
Deux associations très florissantes animaient la vie religieuse à Evran sous l'ancien régime. L'une, dite Confrérie du Saint Sacrement, avait été érigée en 1662 dans l'église par messire Guy Gouéon de la Bouétardais, en Bourseul [Note : Né à Bourseul le 27 mars 1619, de Pierre et de Marguerite Lebigot, celle-ci native de Saint-Brieuc], recteur de céans, qui l'avait dotée des revenus de la métairie du Gras-Buisson, en Evran. A cette terre, l'évêque de Saint-Malo avait encore ajouté les Clos-Guibert, « ne sachant plus pour quelle fin ces champs avaient été primitivement donnés, les papiers s'en étant trouvés perdus ».
En 1757, les revenus de cette confrérie, d'après les comptes de ses trésoriers, s'élevaient à 227 l. Ses plus grosses dépenses consistaient à fournir l'huile, et le luminaire pour le culte eucharistique, ainsi qu'à acquitter diverses rentes féodales, décimes et subventions, le reste se partageait ensuite entre les prêtres de la paroisse.
Quant à la confrérie du Saint Rosaire, ses revenus se composaient seulement d'offrandes volontaires. Ainsi, eu 1789, l'on avait déposé sur l'autel du Rosaire deux « noeuds » d'échine, dix tourteaux et huit pots de beurre, du fil de lin pour sept livres trois sols, plus trois livres, cinq sols de dons faits à la quête. Du reste, l'une des conséquences du culte rendu à Evran à la T. S. Vierge, avait été, comme il convient, l'accroissement de celui du T. S. Sacrement.
C'est ainsi que, le 25 février 1718, noble maître Joseph-Charles Samson, sieur du Gage, sénéchal de Beaumanoir, et Jeanne-Marie Lemoine, son épouse, « édifiés depuis plus de 35 ans de la dévotion particulière que les habitants d'Evran ont à la Sainte Vierge et à la Confrairie du St Rosaire, et de leur assiduité à la procession qui se fait en son honneur le premier dimanche de chaque mois, assignent 8 livres de rente sur environ 50 sillons de terre situés aux Champs-ès-Petites, en Saint-Judoce, afin, de ce revenu, assurer à perpétuité un salut à donner au grand autel de l'église d'Evran, pour clôturer ladite procession de la Sainte Vierge et exciter ainsi le peuple à y assister encore en plus grand nombre ».
De nombreuses chapelles domestiques existaient à Evran autrefois: « Elles sont toutes fondées et presque toutes desservies », note le Pouillé de la Bastie. Voici leurs noms, d'après le Ms GG 292 des Archives Municipales de Saint-Malo ; La Madeleine de Beaumanoir, La Touche, Champsavoir, la Haute-Rivière, le Mottais, la Falaise, la Chaperonnais, et la Rouvrais. A l'exception des deux premières, aucune d'elles ne subsiste encore maintenant.
Nous ne croyons pas en effet qu'il faille confondre la chapelle du Mottais actuelle avec celle que nous venons de mentionner plus haut, laquelle se desservait dans l'église d'Evran en 1755, et possédait alors un campanile qu'il était question de démolir à cette époque.
La chapelle connue sous le nom de la Madeleine de Beaumanoir était sans doute le dernier reste des « quatre chapellenies de Beaumanoir » que mentionne un pouillé du XVème siècle publié par Longnon, comme existant alors dans la paroisse d'Evran. Un aveu de 1541 nous apprend qu'à cette époque, les desservants de cet édifice, outre la jouissance d'un dîmereau, possédaient le droit de prendre un pot de vin sur chaque pipe de cette boisson amenée à la foire de la Madeleine. (Archives de Loire-Inférieure, B 2091).
Le procès-verbal d'estimation dressé en 1791, la situe « au bout orient, partie midi du Chauchix », du village de Beaumanoir, et lui donne 50 pieds de long sur 23 de large. Les experts y signalent deux fenêtres « grillées, vitrées et treillées », ainsi qu'une porte à deux vantaux, ornée de deux pilastres. Evaluée 250 livres, la chapelle de Beaumanoir fut acquise le 16 mars 1792 par une personne d'un village voisin. D'après M. le Vte H. de la Messelière, « elle existe encore dans un des pavillons d'entrée au château de Beaumanoir ». Cependant, cette chapelle ne figurait pas parmi les trois pour lesquelles Mgr. Cafarelli écrivait le 26 décembre 1804 avoir en mains l'autorisation de les rendre à leur destination culturelle, lesquelles étaient les Champs-Géreaux (frairienne), la Touche et Champsavoir.
Cette chapelle de Champsavoir, autrefois située dans la cour du manoir de ce nom, avait été fermée au culte et pattefichée le 10 février 1792 par les soins de la municipalité d'Evran, sur dénonciation qu'un prêtre insermenté y venait célébrer la messe et confesser, et, malgré la réclamation du propriétaire de cet immeuble, l'administration centrale du Département donna raison aux autorités locales. (Archives ds Côtes-d'Armor, L 161, f° 82). « Aujourd'hui, écrivait en 1910 M. le Vte de la Messelière, il n'en reste plus autre chose que l'emplacement ».
Quant aux chapelles frairiennes, que nous croyons avoir été au nombre de quatre : Coëtquen ou Coasqueuc, Bétineuc, les Champs-Géreaux et la Daviais, il ne semble pas qu'elles aient toujours été parfaitement entretenues. C'est ainsi qu'en 1784, l'évêque, lors de sa visite, ordonnait de faire desservir dans l'église paroissiale d'Evran les fondations de Bétineuc et de Coëtquen, jusqu'à ce que l'on eût réparé ces édifices. L'on négligea sans doute de le faire pour Coëtquen, si bien, qu'en 1791, ce n'était plus qu'une masure de 32 pieds de long sur 19 de large, estimée tout au plus valoir 30 livres, et que l'on situe au village de « Coaqueuc ». C'est vraisemblablement cet édifice que l'on a reconstruit comme ex-voto à l'orée de la forêt de Coëtquen, sous le vocable de Notre-Dame, au cours de la première partie du XIXème siècle. Le clergé d'Evran et celui de Saint-Solen s'y rendent processionnellement à certains jours.
Quant à la chapelle de Bétineuc, elle possédait, avec une cloche bénite en 1709, environ 20 livres de rentes. Pierre Fouéré, qui l'acheta le 22 août 1791 fit cette acquisition dans l'intention, écrivaient le 15 septembre suivant les autorités du District à celles du Département, « d'y faire célébrer la messe le dimanche, tant pour sa commodité, que pour celle de ses voisins ». Les chapelles rurales étaient en effet d'une grande utilité pour faciliter aux habitants des hameaux éloignés l'accomplissement de leurs devoirs religieux, et l'Assemblée Constituante avait agi bien légèrement, en cela comme en nombre d'autres choses, eu décrétant leur suppression.
Du reste, beaucoup d'Evrannais n'entendaient point de cette oreille. C'est ainsi que, le 18 septembre 1791, les habitants du quartier des Champs-Géreaux réclamaient instamment le maintien de leur antique chapelle, dédiée à la Vierge Marie, et qui leur était indispensable pour leur permettre l'audition de la messe le dimanche.
La chapelle des Champs-Géreaux, mesurant 63 pieds de long sur 27 pieds de large, fut estimée à cette époque valoir 300 l., d'après le procès-verbal d'expertise. Une rente de 30 l. hypothéquée sur le Grand et le Petit Rocherel, s'y trouvait alors annexée. Nous n'avons point découvert qu'elle trouva acquéreur, et elle fut officiellement rendue au culte public le 26 décembre 1804. Elle sert encore maintenant de chapelle de secours.
La chapelle de la Daviais, bien que fondée en messes et desservie, n’eut pas un sort aussi heureux. Mise en vente avec son déport et les trois journaux de terre qui en dépendaient, le 5 mars 1791, elle fut achetée par un sieur Lecoq, d'Evran. Elle n'existe plus depuis longtemps.
Le chapitre des biens nationaux d'origine ecclésiastique tient une large place à Evran. Indépendamment de ce que nous venons d'en dire à .propos des chapelles, quatorze sillons de terre situés au côté nord du champ Tremay et douze sillons du côté orient de cette même pièce de terre, légués jadis par Bertrand Trémaudan, furent liquidés le, 20 juillet 1791 au sieur Cormao, ainsi que les Hallais, Verdun et une parcelle de terre dans la prairie de Bétineuc, le tout dépendant de la prédite fondation.
Le clos de la Lande, près la lande du Tournay (du Tournois ou de la bataille), dépendant de la fondation du Tournay, trouva acquéreur le 16 mars 1792, dans la personne du sieur Denoual.
La grande Mare Rouault, chargée de deux messes par semaine, et le courtil Collet, fondation Georges Fouéré, furent vendus le 13 avril de cette même année à Michel Robert et à J.-B. Essirard, ainsi que le grand Pré Hamon et trois quantités de terre, fondation Antoine Besnard, les Foutelais et le Rochel, fondation Pierre Le Charpentier. Le 18 Mai suivant, ce fut le tour des prés Cambœuf et du pré au Crochet, provenant de la même fondation ; les uns et les autres trouvèrent adjudicataires dans les personnes de Jean Michel et de Pierre Fouéré.
La métairie du Gras-Buisson, donation de messire Guy Goüeon à la confrairie du Saint Sacrement, prisée 5.000 livres parce que valant alors 250 livres de rente, fut aussi adjugée le 18 mai 1792 à Charles Arribard. Le 8 août suivant, ce furent les Hayes, le Brasset et l'Ecluse, dans la prairie de Bétineuc, autres dépendances de l'importante fondation de Bertrand Trémaudan, qui passèrent au feu des enchères et furent achetées par Michel Robert. Enfin, le 24 décembre, pour clôturer cette année, l'on vendit une maison et ses dépendances sises an village de Launay-Buisson.
Le champ Saint-Pierre, le clos Gaubert, la Basse-Roche et le pré Rond, fondation Guillemette Agan, furent liquidés le 14 décembre 1794 à Julien Oger. La maison aux prêtres et ses dépendances sises au bourg d'Evran, furent adjugées à François Danet le 5 avril 1795. Enfin, le clos des Avernes, propriété de la fabrique d'Evran, trouva acquéreur en la personne de Philippe Fouéré, le 16 juillet 1799.
Cependant, tous les biens-fonds d'origine ecclésiastique n'avaient pas encore été vendus dans cette paroisse au cours de la Révolution, si bien que quatre chapelles et 11 pièces de terre d'un revenu de 126 fr. 35, furent restituées à la fabrique d'Evran sous le gouvernement de Napoléon Ier. (Cf. Dubreuil : La Vente, etc., op. cit., p. 607).
Après les biens-immeubles, la spoliation atteignit les effets mobiliers. Dès le 7 mai 1793, les municipaux d'Evran avaient dû livrer une grande et une petite croix, un encensoir et sa navette, deux burettes avec leur plateau, et une clochette, le tout d'argent, pesant 26 mars, 2 onces, 1 gros (le marc équivalant à 244 grammes).
Le 20 mai 1794, on vendait à Dinan pour 634 fr. 90 de mobilier et d'ornements provenant de l'église d'Evran (Annuaire malouin et dinannais de 1854, conservé à la Bibliothèque Nationale, F. c 3/1, 489). Enfin, le 24 août 1794, on inventoriait à Dinan, avant de l'expédier à la Monnaie : deux boîtes à saintes huiles, deux couvercles de petites custodes et un pied de calice pesant 1 marc, 3 onces, 6 gros et demi d'argent blanc ; un calice, une coupe de calice, deux patènes et deux coupes de custode pesant 4 marcs, 4 onces, 2 gros d'argent doré ; 3 marcs, 4 onces, 4 gros de galon d'argent, et 7 marcs, 6 onces, 7 gros de galon d'or décousu des ornements sacerdotaux.
D'après le projet délimitation des paroisses dont nous avons déjà parlé, voici quels étaient les projets concernant Evran en mai 1792 : cette localité aurait compris la partie de Saint-Judoce à l'ouest du Grand Chemin de Dinan à Rennes ; la partie orientale de Saint-André, avec cette église, et la partie de ce territoire qui s'étend au nord de ce bourg jusqu'à la hauteur de la chapelle des Champs-Gereaux ; par contre, Evran devait céder à Saint-Solen toute sa partie septentrionale.
Disons, pour finir, qu'autrefois Evran était groupé pour les stations des prédications avec Le. Quiou et Trévérien, et que ses jours d'adorations étaient fixés du 4 au 7 mars de chaque année.
CLERGÉ. — LAURENT-LUC-JEAN RÉGNAULT, recteur, naquit à Combourg le 1er août 1751, de Jean-Baptiste-Guy et de Gillette Jamet, et fit ses études au collège de Dinan. On le note durant son séminaire comme « ayant de l'esprit, appliqué, bon à ses examens, assez régulier, bien sur tout ». On croit remarquer cependant que le jeune clerc possède un « caractère peu ouvert ».
Ordonné prêtre le 23 septembre 1775, l'abbé Régnault fut d'abord chapelain de Trémigon, près de Combourg, puis il obtint en cour de Rome la commende du prieuré de St-Pierre-d'Allion ; en la Bouexière, valant 942 livres de revenu en 1782, et dont il prit possession le 27 mars 1777. Ce prêtre occupait le poste de vicaire de Gévezé quand il permuta en cour de Rome son prieuré d'Allion contre la cure d'Evran, dont le possesseur, Jean Coupraut, sieur des Graviers, du diocèse du Mans, avait été pourvu le 17 mars 1768, à la mort de M. Jean-Baptiste Damar de Boisgilbert, décédé aux débuts de la prédite année.
M. Regnault prit possession de son rectorat le 1er juillet 1781. Il n’avait alors que 30 ans. Un état conservé aux Archives Nationales, D XIX, carton 21, note cet ecclésiastique comme « ayant prêté le serment avec restriction, a rétracté, a depuis réadapté ». Cependant, le recteur d'Evran ne devait pas en rester là dans ses tergiversations. Le second registre d'Avis sur le traitement du clergé dans le district de Dinan, porte que l'abbé Régnault « s'est rétracté une seconde fois ». Ce devait être heureusement sa dernière. « Le curé d'Evran, écrivaient le 12 avril 1792, les administrateurs du district de Dinan au député Urvoy, a dû refuser l'absolution à un particulier qui avait été marié par un curé constitutionnel, mais pour ne pas prendre connaissance d'un fait qui s'est passé au tribunal de la pénitence, nous n'avons pu rien faire ».
C'est aussi dans ce même mois d'avril que M. Régnault touche pour la dernière fois son traitement sur le pied de 2.400 livres, en qualité de recteur d'Evran, car c'est vainement qu'il fit des démarches au mois de juillet de cette même année pour recevoir le trimestre qui lui était dû. Alors même qu'il continuait de l'employer dans les campagnes, le gouvernement se refusait positivement alors à rétribuer le clergé fidèle. Du reste, il ne l'utilisait que vu l'impossibilité de mieux faire, et dans l'absence d'autres candidats. C'est ainsi que J.-B. Delépine, dont nous avons parlé à l'article Lanvallay, s’était vu offrir la belle cure d'Evran le 2 octobre 1791 par les électeurs réunis à Dinan, mais, quoique fort dévoué aux nouveaux principes, l'élu ne s'était point laissé tenter par cet honneur, et, depuis, toutes les tentatives pour remplacer M. Régnault étaient demeurées inutiles.
Le recteur d'Evran demeura donc à son poste jusqu'au 17ème jour de septembre 1792, date à laquelle l'application de la loi du 26 août précédent l'obligea de s'exiler à l'étranger. Il passa alors à Jersey, où L'Estourbeillon (Les Familles Françaises, etc., op. cit., p. 192) le signale comme faisant un baptême dans cette île le 18 mars 1794.
Il est vraisemblable que M. Régnault dut revenir au milieu de ses ouailles au cours de la pacification de 1795. En tout cas, nous a écrit M. l'abbé Leray, l'érudit recteur de Moutiers, ce prêtre fut arrêté par une colonne mobile aux environs de Combourg le 17 juin 1795, et amené à Dol par ses capteurs, ville où on le maintint onze jours incarcéré. Obligé à nouveau de quitter la France devant la persécution renaissante à la suite des lois du 6 septembre et surtout du 25 octobre 1795, M. Régnault se réfugia en Angleterre, d'où il revint, via Dieppe, avec l'abbé Gohin, au mois de mai 1797.
Arrêtés dès leur arrivée, les deux prêtres comparurent devant le tribunal criminel de la Seine-Inférieure qui, sur la plaidoirie de M. Boyeldien, les acquitta le 13 juin 1797. (Cf. sur ces événements le supplétnent au n° 50 du journal de l'époque L'Observateur de l'Europe). A la suite de sa mise en liberté, la municipalité de Rouen délivra trois jours après à M. Régnault un passeport pour Combourg, où il se trouvait et le faisait viser le 24 de ce même mois.
Nous supposons qu'ensuite cet ecclésiastique alla demeurer à Evran, dont un document officiel nous apprend que les habitants, de même que ceux de Saint-Judoce, obtinrent le 5 août 1797 le libre usage de leurs églises, à la suite d'une pétition qu'au nombre de plusieurs centaines, ils avaient adressée le 14 juillet 1797 aux administrateurs des Côtes-du-Nord (aujourd'hui Côtes-d'Armor), laquelle commençait par ces mots : « nous tenons à la religion de nos pères », et s'achevait en demandant l'ouverture de l'église d'Evran. (Archives des Côtes-d'Armor, Lm 5, 111, où l'on trouvera aussi la pétition des habitants de Saint-Judoce, cf. p. 346).
Cette bonne volonté des hommes au pouvoir, trop belle pour durer, prit fin avec les lois de proscription de fructidor, au mois de septembre suivant. Du reste, les auteurs du Diocèse de Saint-Brieuc, etc., op. cit., I, p. 291, assurent que M. Régnault, depuis cette époque jusqu'au 15 mai 1803, fit du ministère dans la paroisse d'Evran, où l'enquête de Boullé le signale aussi revenu depuis messidor an V (juillet-août 1797).
Le 24 mars 1800, le recteur d'Evran remettait à la municipalité de Combourg une carte de sûreté signée du général Brune. Pour toute note, le préfet Boullé se borne à qualifier ce prêtre d'« homme spirituel, insermenté déporté ». On écarta cependant M. Régnault de son ancienne cure à la réorganisation des paroisses du diocèse de Saint-Brieuc par Mgr. Cafarelli. Après l'avoir un instant désigné pour le rectorat d'Illifaut, ce prélat le nomma desservant de Saint-Solen le 16 janvier 1804. La disgrâce parut sans doute trop forte à celui qui en était l'objet. Toujours est-il qu'il ne prit point possession de son poste et, après s'être fixé quelque temps à Saint-Thual comme prêtre habitué, M. Régnault mourut à Hédé, âgé de 80 ans, le 29 mai 1831.
JEANS-BAPTISTE-FRANCOIS-MARIE TOSTIVINT, vicaire, naquit à Landujan le 31 juillet 1754, du mariage de Jean et d'Anne Tostivint. Après avoir fait à Dinan ses études secondaires, M. Tostivint entra au Séminaire, où nous le voyons noté d’abord comme « faible sur l'explication, entend sa philosophie, sait son catéchisme ». Il reçut la tonsure le 24 septembre 1774, puis le sous-diaconat à Pâques 1776, après avoir été apprécié comme possédant « de la voix et du chant, bien à son dernier examen, passable à celui-ci. ». M. Tostivint fut encore jugé « passable » à son examen de diaconat, peu avant Pâques 1777. On l'apprécia de la même manière pour celui de sa prêtrise, laquelle lui fut conférée à Saint-Méen le 19 septembre 1778 par Mgr. des Laurents. (Archives d'Ille-et-Vilaine, G 98).
Deux ans durant, l'abbé Tostivint remplit ensuite à Landujan le poste de précepteur du fils de M. et Mme de Bédée, seigneur et dame du Moulin-Tizon ; puis, le 14 avril 1783, cet ecclésiastique obtint le visa pour la chapellenie des Aubry, dans sa paroisse natale. Enfin, le 10 septembre suivant, il fut nommé à l'un des vicariats de l'importante paroisse d'Evran.
Lorsque se déchaîna la Révolution, M. Tostivint se refusa à faire dans les termes exigés par la loi le serment de fidélité à la Constitution Civile du Clergé ; mais, ainsi qu'il le déclara lui-même en 1794 devant ses, juges, « ce n'était pas par parti-pris contre le nouveau régime ». Il prêta, en effet, deux autres serments, « l'un, dit-il, quand il fut élu notable, l'autre à l'occasion de sa nomination à un emploi dans l'administration civile de sa paroisse ».
Ce prêtre s'exila aux termes de la loi du 26 août 1792 et se retira à Jersey, au milieu du mois de septembre de cette année. Mais s'il séjourna certainement dans cette île, où Gofvry et Lefebvre d'Anneville signalent sa présence, il n'y vécut pas longtemps, car, dès la fin du mois de novembre 1792, affirme l'abbé Carron son premier biographe, M. Tostivint, revenu de l'étranger, commençait à remplir à Landujan, ainsi qu'aux environs, un périlleux ministère caché près des fidèles alors privés des secours de la Religion. Pour tout ce qui touche à cette période de l'existence de cet ecclésiastique, nous renvoyons nos lecteurs à ce que nous en avons écrit au tome second, p. 59-94, des Actes des Prêtres insermentés du diocèse de St-Brieuc guillotinés en 1794 ; lesquels nous avons publiés à Saint-Brieuc, chez Prud'homme, en 1920.
Saisi à la suite d'une dénonciation, la nuit dit 14 juillet 1794, par la troupe du cantonnement de Montauban, dans la hutte du jardinier du manoir du Moulin-Tizon, en Landujan, où il se reposait, M. Tostivint fut emmené à travers Irodouër et La Chapelle-du-Loü jusqu'à Montauban, où il subit un premier interrogatoire. Arrêté avec lui, son recéleur, Alexis-Louis de Bédée, châtelain du Moulin-Tizon, né à Hénanbihen le 21 février 1739 du mariage de François-Claude, sieur de la Villes-ès-Gallous, en Ploubalay, et de Françoise Rogon de Lorgeril, partageait son sort.
De Montauban, M. Tostivint et M. de Bédée furent l'un et l'autre transférés à Montfort, puis de là à la prison de Rennes, où l'on s'empressa de leur adjoindre Françoise-Thérèse Brunet, dame du Moulin-Tizon, née à Pluduno de François et Jeanne des Salles du Rosay, coupable comme son mari, M. de Bédée, du crime, capital alors, d'avoir recélé un prêtre insermenté.
Nous ne répéterons point ici ce que nous avons déjà raconté ailleurs des péripéties des interrogatoires et du procès de M. Tostivint et des châtelains du Moulin-Tizon. Le 25 juillet 1794, le tribunal criminel d'Ille-et-Vilaine, siégeant à Rennes, les condamna tous les trois à la peine de mort. Les motifs énoncés mettent hors cause la question royaliste. Seule persécution religieuse entre en jeu. M. Tostivint, lit-on, est en effet « déclaré convaincu d'avoir été sujet â la diPortation (comme insermenté) et d'être resté en France en contravention aux lois. » Quant à M. et à Mme de Bédée, on -prononça qu'ils étaient « convaincus d'avoir recélé chez eux Jean Tostivint, prétre réfractaire, sujet à la déportation. » Pour tous les trois, la peine de mort entraînait la confiscation des biens.
L'exécution capitale des trois Confesseurs de la Foi eut lieu le 26 juillet 1794. Jusqu'à son dernier instant, l'abbé Tostivint fit preuve du plus beau courage.
D'après le procès-verbal de l'un de ses interrogatoires, c'était un homme de « cinq pieds un pouce, cheveux, sourcils et barbe gris, nez long et gros, figure pleine et colorée, menton fourchu, bouche moyenne ». Il avait exactement 40 ans moins cinq jours lorsqu’il fut appelé à l'honneur de verser son sang pour la Foi. En 1809, un de ses parents, l'abbé Félix T. fut désigné comme recteur de Landujan, qu'il gouverna jusqu'en 1850. Le souvenir de ces deux prêtres s'est conservé jusqu'ici vivant en cette paroisse.
JEAN-FRANÇOIS-JOSEPH ANDRÉ, vicaire, fils de Sébastien et de Marie Boullier, naquit à la Chapelle-du-Loü le 19 avril 1761 et fit son cours au collège des Laurents, où il achevait sa rhétorique, en 1782. Après d'assez bonnes études théologiques, M. André reçut la prêtrise le 30 septembre 1788, puis fut appelé au vicariat d'Evran le 21 septembre 1790. Comme tel, il fut atteint en qualité de prêtre fonctionnaire public insermenté, par la loi du 26 août 1792, et crut devoir s'exiler à Jersey au mois de septembre de cette année.
D'après les auteurs du Diocèse de Saint-Brieuc, etc., op. cit., I, p. 295, M. André revint de bonne heure à Evran faire du ministère caché, et cette affirmation est confirmée par l'enquête du préfet Boullé, qui indique ce prêtre en résidence à Evran depuis messidor an V (juillet-août 1797) jusqu'à la signature du Concordat. Le dossier L 441 conservé aux Archives d'Ille-et-Vilaine, nous apprend en effet que ce prêtre débarqua à Cancale le 25 décembre 1792, y fut arrêté le jour même et enfermé sept mois à la tour Solidor, d'où il s'évada avec l'abbé Le Hardy le 16 juillet 1793, pour mener le reste de la Révolution une existence toute de périls et de dévouement.
L'abbé André ne devait pas être personna grata aux hommes de la Révolution, qui le notaient en 1802 comme « à renvoyer dans son diocèse ». Mais Mgr. Cafarelli possédait d'autres sources d'informations. Il conserva ce prêtre comme vicaire d'Evran, puis il en fit, le 1er novembre 1812, le recteur de Trévron. M. André décéda dans ce poste le 29 avril 1850, âgé de 89 ans, offrant ainsi un bel exemple de longévité sacerdotale. Il est fort regrettable qu'il n'ait consigné aucun souvenir des temps troublés qu'il avait traversés, sur le registre paroissial de Trévron.
Fut nommé premier recteur concordataire d'Evran, le 8 avril 1803 : M. CHARLES-MARIE EBALLARD, dont nous avons fait la biographie à l'article Quévert, dont il était recteur en 1790.
Avec lui furent vicaires M. ANDRÉ, ci-dessus, et M. TOUSSAINT LE HARDY, né à la Fleurinaye, en Plumaugat, le 18 novembre 1767, de Joseph et de Mathurine Briand, lequel fit son séminaire chez les Lazaristes, à Saint-Méen, où on le note comme « très pieux et répondant fort bien ».
Ordonné sous-diacre le 22 mai 1790, et diacre le 18 septembre suivant, après d'excellents examens, M. Le Hardy se trouvait précepteur à Coulon, près de Montfort-sur-Meu, chez un M. Desbois, lorsqu'il se rendit dans la paroisse de Saint-Coulomb, non loin de Saint-Malo, au mois d'août 1792. Un nommé Launay lui fournit alors les moyens de passer à Jersey, où il reçut le sacerdoce des mains de Mgr. Le Mintier, évêque de Tréguier. Ayant voulu ensuite revenir en France pour faire du ministère, l'abbé Le Hardy se vit arrêté à son retour, le 25 décembre 1792, par des douaniers et des municipaux de Cancale.
MM, Mathurin Bedel, de Bédée, André, vicaire à Evran, et le jeune Toussaint de Pontbriand, le futur auteur des Mémoires sur la Chouannerie, édités chez Plon en 1897, étaient ses compagnons de voyage. Nous regrettons de ne pouvoir insérer ici, faute de place, les interrogatoires qu'ils subirent à leur arrivée et qui figurent à la liasse L 441 aux Archives d'Ille-et-Vilaine.
Emprisonnés tous ensemble à la Tour Solidor, en Saint-Servan, les détenus trouvèrent le moyen de s'en évader le 16 juillet 1793. Voici le signalement de l'abbé Le Hardy, tel que nous l'avons relevé dans son dossier précité : « taille 5 pieds, 1 pouce, 6 lignes ; visage long, yeux gris, nez long et relevé, front haut gravé de petite vérole, barbe presque rouge, cheveux châtains foncés, ayant des coutures tant à la partie supérieure qu'inférieure de la bouche et une saillante au côté gauche du menton ». L'année suivante, les biens de ses parents furent placés sous séquestre pour les punir d'avoir donné le jour à un prêtre déporté.
L'enquête de Boullé signale l'abbé Le Hardy, vers 1802, comme « insermenté déporté, revenu depuis peu à Plumaugat, apte à faire un vicaire ». Mgr. Cafarelli le nomma en effet vicaire à Evran, d'où il fut transféré ensuite, grâce à ses talents, vicaire à Saint-Malo de Dinan. Appelé à la belle cure de Notre-Dame de Matignon, le 12 mai 1820, il y mourut en fonctions, âgé de 68 ans, le 30 janvier 1835.
M. le chanoine Tréguy lui a consacré une notice dans son volume intitulé La Paroisse de Notre-Dame De Matignon, in-12, St-Servan, 1910, et donne d'intéressants détails sur le ministère de ce prêtre dans cette localité
Au moment de la Révolution, 19 prêtres, 2 diacres et un séminariste étaient originaires d'Evran. Vers 1925, cette paroisse compte encore un évêque missionnaire et 12 prêtres, parmi ses enfants. Puisse cette belle couronne sacerdotale s'accroitre de plus en plus.
Vivaient à Evran en 1790 :
CHARLES GALLÉE, sieur des Granges, né dans cette paroisse le 4 novembre 1721, au village des Granges, de Bertrand et de Guillemette Chesnel, lequel fit ses études à Dinan, mais à cause de ses examens insuffisants, fut plusieurs fois retardé pour les ordres. Il reçut enfin le sacerdoce le 22 septembre 1754 et vécut désormais simple prêtre dans sa paroisse. Le 15 juillet 1783, il obtint le visa pour la chapellenie dite La Madeleine de Beaumanoir, en Evran. Bien que les municipaux, ses compatriotes, le prétendissent en 1796 un assermenté rétracté, nous n'avons jusqu'ici trouvé nulle trace que l'abbé Gallée ait fait aucune espèce de serment. Cependant, vu sa qualité de septuagénaire, les infirmités qui le tourmentaient, ainsi que la vie retirée qu'il menait, on toléra qu'il vécut à Evran, même après l'arrêté draconien pris le 1er décembre 1792 par le Directoire des Côtes-du-Nord, à l'égard de tous les insermentés de ce département.
Nous n'avons pas trouvé la date à laquelle on l'obligea à se retirer à la maison de réclusion de Saint-Brieuc, d'où son mauvais état de santé le fit entrer à l'hôpital de cette ville.
Un ordre du Directoire des Côtes-du-Nord (aujourd'hui Côtes-d'Armor) d'évacuer en hâte les prêtres en traitement dans cette maison, fit transférer M. Gallée à Guingamp le 19 avril 1794. Il y demeura reclus dans le couvent des anciennes Carmélites de cette cité jusqu'au 3 avril 1795, date à laquelle les prêtres réfractaires détenus à Guingamp reçurent leur liberté des représentants Guezno et Guermeur, à la suite d'une requête de Hoche, qui écrivait le 14 mars de cette année : « Je demande qu'on les rende au peuple breton qui soupire après eux. Ce serait un grand moyen de le ramener à la République ». Durant ce temps, le gouvernement jacobin, toujours âpre à la curée, faisait vendre le mobilier de M. Gallée les 22 et 23 novembre 1794. Cette licitation rapporta 1.852 livres 13 sols à la République.
Un rapport officiel nous renseigne sur ce que fit l'abbé Gallée à son retour de captivité. Le 16 mars 1796, la municipalité d'Evran rendait en effet compte aux autorités du Département « que Gallée et Lefranc (dont la biographie suit) ont prêté serment, l'ont rétracté, et ont été incarcérés à Saint-Brieuc, puis à Guingamp. Ils ont exercé ensuite leurs fonctions à Evran jusqu'à la nouvelle déclaration exigée par la loi (du 6 septembre 1795), à laquelle ils ne se sont pas conformés. Ils ont alors cessé d'exercer et sont infirmes et sexagénaires » (Archives des Côtes-d'Armor, Lm 5, 104).
Les auteurs du Diocèse de St-Brieuc, etc., op. cit., I, p. 291, assurent que le prêtre Gallée, malgré son grand âge, fit à Evran du ministère caché. Quoiqu'il en soit, cet ecclésiastique mourut dans sa paroisse natale, âgé de 77 ans, le 27 janvier 1798, « retiré dans la basse-cour du château de Beaumanoir », porte son acte de décès.
ETIENNE-JEAN LE FRANC naquit le 14 janvier 1727 au village de la Planche, en Evran, du mariage de François et de Jeanne Guérin, et fit sa philosophie au collège de Dinan. Au séminaire, où ses examens. furent « assez passables », on le note comme « ne sachant pas chanter ». M. Le Franc reçut la prêtrise en mars 1754. Nous le perdons de vue depuis lors jusqu'à la Révolution, où nous le retrouvons prêtre de choeur à l'église Saint-Sauveur de Dinan. Il ne s'assermenta pas plus alors qu'il ne voulut communiquer in divinis avec les constitutionnels, témoin la lettre suivante adressée au mois de juillet 1791 par le district de Dinan à la rumicipalité de cette ville :
« Les sieurs Macé, Perrot et Le Franc font les malades pour rester ici. Ils doivent se conformer à l'arrêté du 18 juin, et puisqu'ils ne veulent pas assister aux offices (des assermentés) à la paroisse, il faut qu'ils aillent ailleurs prêcher l'aristocratie et autoriser par leurs exemples la résistance à la Loi.
Il est essentiel qu'ils déclarent s'ils veulent reconnaître ou non M. l'Evêque des Côtes-du-Nord et les nouveaux curés (intrus), sinon, si leur maladie n'est pas trop dangereuse, on les fera conduire à Saint-Brieuc ».
Devant ces exigences, l'abbé Le Franc s'en revint à Evran, où nous n'avons pas trouvé trace qu'il se soit assermenté pour se rétracter ensuite. Etant plus que sexagénaire, la loi du 26 août 1792 ne l'obligeait qu'à se retirer au mois d'octobre de cette année dans une maison de réclusion, mais il ne s'empressa pas d'obtempérer à cet ordre, malgré les arrêtés de plus en plus menaçants des hommes au pouvoir, tant et si bien que ce prêtre demeura à Evran jusqu'au 7 juillet 1793, afin d'y faire à l'occasion du ministère caché. Mais, à la date précitée, M. Le Franc fut saisi et conduit à la maison des Filles de la Croix de Saint-Brieuc, par ordre du procureur-syndic du district de Dinan (Archives des Côtes-d'Armor, Lm 5, 34). Libéré à la même date que M. Gallée, nous avons vu que le rapport du 16 mars 1796 de la municipalité d'Evran s'applique à l'un comme à l'autre de ces prêtres.
M. Le Franc, qui continuait toujours de rendre à ses compatriotes tous les services religieux en son pouvoir, fut a nouveau arrêté à Evran au mois de janvier 1799 et incarcéré à Saint-Brieuc, puis de là à Guingamp, où nous le trouvons détenu en avril de cette même année. Il ne recouvra sa liberté qu'au printemps de l'an 1800 (Archives des Côtes-d'Armor, Lm 5, 130 et 144), ayant ainsi passé environ trois ans de la Révolution, emprisonné pour la Foi.
L'enquête de Boullé signale M. Le Franc comme revenu à Evran depuis trente mois et desservant une chapelle. Les informateurs du préfet des Côtes-du-Nord (aujourd'hui Côtes-d'Armor) s'étaient permis du reste de lui écrire que ce prêtre était tout juste « bon à enseigner aux enfants des premières écoles ». Il est certain en effet que la carrière de ce courageux Confesseur de la Foi se trouvait sur le point d'être suffisamment remplie, et qu'il n'allait désormais plus être bon à grand chose, car il décéda dans son village natal, le 19 décembre 1803, âgé de 77 ans.
ANDRÉ-JOSEPH-MALO BUSNEL, fils de Joseph et d'Anne Le Breton, naquit à Launay-Pinel, en Evran, le 29 janvier 1751, et fit ses études au collège de Dinan. On le note au Séminaire comme « ignorant son chant, assez bien pour le reste ». Il reçut la prêtrise à Rennes, par dimissoire en date du 16 septembre 1779. II était alors âgé de 28 ans.
M. Busnel, qui ne s'était point assermenté, figure sur un état officiel comme s'étant exilé après la loi du 26 août 1792, et l'abbé Gofvry signale son séjour à Jersey en 1793, d'où il passa ensuite en Grande-Bretagne.
Ce prêtre ne revint de l'étranger que le 17 juin 1802, après la proclamation du Concordat, et, le lendemain de son débarquement à Perros-Guirec, il fit devant le sous-préfet de Lannion sa déclaration de soumission à la Constitution de l'an VIII. Son nom ne se trouve pas sur l’enquête du préfet Boullé.
Après avoir figuré le 16 janvier 1804 comme recteur de La Landec, sur l'état d'organisation du nouveau diocèse de Saint-Brieuc, M. Busnel refusa, nous ne savons pour quelles raisons, de prendre possession de ce poste, et mourut prêtre habitué à sa maison du Froslou, en Evran, le 7 décembre 1815, âgé de 65 ans.
N'habitaient, pas Evran en 1790, mais en étaient originaires, MM. :
FRANCOIS BRIAND, né dans cette paroisse, au village de la Ville-Tual, le 18 avril 1721, du mariage de Charles et de Gillette Davy, lequel fut noté en ces termes au Séminaire, à l'occasion de son examen de prêtrise, en février 1749 « chante un peu ; a moins bien répondu à son dernier examen, moins mal à celui-ci ; admis ».
M. Briand, écrit le, chanoine, G, de Corson dans son Pouillé déjà, cité, t. V, p. 30, fut présenté pour la cure de Langan, doyenné actuel de Bécherel, par l'abbé de Saint-Jacques de Montfort. Après avoir obtenu dispense du pape de ne pas être religieux pour occuper ce prieuré-cure, il en prit possession le 22 avril 1766. Il y jouissait en 1790 de 241 livres de revenu, c'est-à-dire un peu moins de la moitié d'une portion congrue.
Ayant refusé le serment constitutionnel, le recteur de Langan fut obligé de s'en aller résider à Rennes, à la suite de l'arrêté du Département d'Ille-et-Vilaine du 15 avril 1792, puis, après avoir été interné à Saint-Melaine, il fut déporté d'office à Jersey, par Saint-Malo, le 14 septembre suivant. Nous renvoyons pour les péripéties de ce voyage à la biographie de l'abbé Poussin, à l'article Pleudihen (p. 138).
M. Briand ne put néanmoins se résoudre à passer toute la Révolution éloigné de ses ouailles. « Ce zélé pasteur, nous apprend le chanoine G. de Corson dans ses Confesseurs de la Foi de l'archidiocèse de Rennes, op. cit., p. 374, caché avec soin par ses paroissiens, échappait aux recherches des autorités révolutionnaires en septembre 1797. Cependant, étant rentré un peu plus tard dans son presbytère, il y fut arrêté au commencement du mois d'août 1799 par une troupe de soldats venant de Saint-Malo. On saisit en même temps que lui Julien Guyot, agent de la commune de Langan, qui avait déjà recélé son recteur et voulait encore le cacher au moment où le capitaine de carabiniers se disait sûr de rencontrer celui-ci au presbytère.
Conduit à Rennes et incarcéré à la tour Le Bart, l'abbé Briand s'y trouvait encore au mois de décembre suivant, « accablé d'infirmités » ; il avait alors 75 ans et obtint sa liberté vers ce temps-là ».
Dans son enquête de l'an X publiée par l'abbé Sevestre, le préfet d'Ille-et-Vilaine note ce prêtre comme « ayant de bonnes moeurs, mais très fanatique, ayant repris sa place de curé de Langan sans avoir fait ni serment, ni soumission à la Constitution de l'an VIII ».
Réinstallé officiellement recteur de Langan le 16 juillet 1803, M. Briand y mourut le 12 août 1811, Agé de 87 ans, laissant, rapporte le registre de cette paroisse, la réputation d'un vrai saint.
PIERRE-BONAVENTURE REGEARD naquit à Evran le 1er décembre 1743, du mariage de Pierre et de Thomase Girard. Il étudia à Dinan et, durant son Séminaire, fut noté « esprit juste, sachant peu de chant, mais passant de bons examens ».
Après avoir reçu la prêtrise le 2 avril 1768, M. Regeard fut neuf ans plus tard, pourvu, le 4 février 1777, du rectorat de Lieuron, dont la cure, sise dans le doyenné actuel de Pipriac, était alors à l'alternative et valait 600 livres de revenu.
« Nous avons peu de renseignements sur cet ecclésiastique au cours de la période révolutionnaire, écrit M. G. de Corson dans ses Confesseurs de la Foi, op. cit., p. 352. Quoique obligé, par suite de son refus de prêter serment, d'abandonner sa cure, le nom de M. Regeard ne figure cependant pas parmi ceux des prêtres qui séjournèrent à Jersey. Revenu ouvertement à Lieuron au printemps de 1795, ce prêtre y reprit l'exercice du culte catholique. Contraint de quitter à nouveau ses ouailles à la suite de la loi de vendémiaire an IV, nous perdons de vue. M. Regeard depuis cette époque jusqu'au Concordat ».
M. l'abbé Hervé, aumônier à Montfort-sur-Meu, nous a bienveillamment signalé que l'ancien recteur de Lieuron, qui.’n'avait pas repris sa paroisse à la réorganisation du nouveau diocèse de Rennes, décéda à Montfort le 28 avril 1813, âgé de 73 ans. Il exerçait alors depuis quelques années les fonctions de Directeur des Ursulines de Bédée.
FRANÇOIS-MARIE-TOUSSAINT LEAU DE LA TOUCHE, né à la Touche le 2 novembre 1754, du mariage de noble maître Jean-Julien, sieur de la Touche, et de demoiselle Jeanne-Charlotte. Rillet de la Ville-Apoline, faisait son cours au collège de Dinan, en 1769.
On le note au Séminaire « a de la voix et beaucoup de chant ; passe de bons examens ». Ordonné prêtre le 29 mars 1775, M. Leau fut aussitôt placé vicaire à Trévérien, près d'Evran, où il demeura au moins jusqu'en 1780. Nommé prieur-recteur de Baulon, dans le doyenné de Guichen, en juillet 1790, l'abbé Leau refusa de s'assermenter et, comme tel, fut enfermé à Saint-Melaine de Rennes en août 1792, puis déporté d'office à Jersey par Saint-Malo au mois de septembre de cette année. (Pour des détails sur cette déportation, voir la biographie Poussin à l'article Pleudihen).
M. de L'Estourbeillon, dans son volume déjà cité sur les Français exilés à Jersey, signale, pages 234 et 237, M. Leau célébrant des mariages dans cette île le 11 novembre 1794, ainsi que le 10 février 1795, puis, p. 242, y administrant le baptême le 5 avril 1796.
Revenu en France à la pacification religieuse, le recteur de Baulon échangea sa cure le 16 juillet 1803 pour celle de Trévérien, pays natal de sa mère. Il y mourut en fonctions en 1813, âgé de 59 ans.
D'après une pièce conservée aux Archives Nationales, F. 7, 5199, M. Leau ne se serait déporté par Saint-Malo que le 27 septembre 1792.
JEAN-JOSEPH VEILLON vit le jour au village de Launay-Gicquel, en Evran, le 19 mars 1754. Jean Veillon et Jeanne Gallée, ses père et mère, le firent étudier à Dinan en vue du sacerdoce. Au Séminaire, lors de son examen pour le sous-diaconat, à Pâques 1778, on le nota comme « ne sachant point son chant, mais passable par ailleurs sur les autres matières ». L'abbé Veillon progressa du reste par la suite, et mérita la note « assez bien » aux examens qui suivirent, spécialement à celui de la Trinité 1780, qui précéda sa prêtrise, laquelle il reçut à Saint-Malo de l'Isle, dans l'église Saint-Sauveur, le 20 septembre 1780.
Sur la démission du P. Charles Bosquillon, prieur-recteur de Mégrit, le 16 juillet 1787, et sur le refus du P. Pergaud d'accepter ce poste, l'abbé Veillon, bien qu'appartenant au clergé séculier, obtint le visa le 28 janvier 1788 pour occuper le prieuré-cure de cette paroisse, jusqu'alors confié à des chanoines réguliers de la réforme de Sainte-Geneviève, et dont la présentation appartenait aux religieux Augustins de l'abbaye de N.-D. de Beaulieu.
Connue tel, M. Veillon refusa de prêter le serment constitutionnel, ainsi qu'en fait foi le procès-verbal suivant, conservé aux Archives des Côtes-d'Armor, série Lm 5, 11 :
« L’an 1791, le 12 mars, en vertu du décret du 26 décembre 1790, nous, maire et officiers municipaux de la paroisse de Mégrit, nous nous sommes transportés au prieuré de ladite paroisse, où nous avons trouvé le sieur Jean Veillon, prieur. Nous lui avons demandé s'il voulait prester le serment mentionné dans ledit décret en date du 26 décembre 1790. Il nous a répondu que sa conscience ne le lui permet pas. Fait et arrêté en double, ledit jour et an ». Signé Pierre Buart, L. Jégu, Jean Simon.
Aucun prêtre constitutionnel ne s'étant trouvé pour le remplacer, le recteur de Mégrit conserva cependant sa cure jusqu'à l'application de la loi du 26 août 1792, et sa signature apparaît pour la dernière fois sur les registres de catholicité de Mégrit le 12 septembre de cette année. Quelques jours après, le maire de cette commune rendait compte au district de Broons qu'il avait donné le 19 septembre un passeport à son recteur. « Il nous a déclaré sortir le 20 pour aler es costé de Gersé. Je ne scé pas s'il y est âlé (Sic). Je ne lé jamais vu depuis. Il nous a toujours fait le plus de penne qu'il a pu en ne laissant aucune ostis (sic) consacrée et en défendant à tous les autre prêtre de dire la messe à notre paroisse » (Archives des Côtes-d'Armor, Lm 5, 34).
Nous doutons fort que le recteur de Mégrit se soit en réalité éloigné de ses ouailles. Son nom ne figure en effet sur aucune des listes d'exil que nous connaissons. S'étant mis en apparence en règle avec la loi, il demeura caché dans sa paroisse, donnant aux fidèles de Mégrit, dans la mesure de ses moyens, tous les secours de son ministère. Mais les administrateurs de Broons, révolutionnaires enragés, ne pouvaient tolérer cet état de choses. D'actives recherches furent entreprises pour saisir M. Veillon, dont on soupçonnait la présence. Elles aboutirent, aux environs du 6 janvier 1793, à faire capturer par la gendarmerie de Broons, le vaillant pasteur, à la ferme du Ros, en Mégrit, où il avait trouvé asile. (Archives des Côtes-d'Armor, rég. L 161, folio 155).
De Broons, où il ne séjourne pas, M. Veillon fut transféré à la maison d'arrêt de Saint-Brieuc, et, le 9 février 1793, le Directoire des Côtes-du-Nord (aujourd'hui Côtes-d'Armor) décrétait qu'aux termes de la loi du 26 août 1793, il serait déporté à la Guyane Française. (Archives des Côtes-d'Armor, L 161, f° 155).
Bien que les administrateurs du Département eussent confirmé cette condamnation le 14 avril suivant, et décidé que puisque « le Ministre de l'Intérieur prévient que sous trois semaines environ, il partira de Bordeaux un bâtiment destiné pour Cayenne, on y fera conduire, en conformité avec la loi du 26 août 1792, les ci-après dénommés, fonctionnaires publics insermentés restés sur le territoire de la République Française, en infraction à la loi, savoir : Jean Veillon, ci-devant curé de Mégrit, et Bertier, ex-professeur de rhétorique au Collège de Dinan », etc., etc. (Archives des Côtes-d'Armor, L 162, folio 13, recto). Cependant, vu « la difficulté de faire transférer de brigade en brigade, jusqu'à Bordeaux, les dénommés ci-dessus, et considérant combien il était urgent d'en purger le territoire de la République », les mêmes administrateurs, sur la pétition des intéressés, arrêtèrent le 18 Avril 1793 d'autoriser les ecclésiastiques désignés plus haut à se joindre aux prêtres dont on devait se débarrasser en les faisant passer sans tarder aux îles anglaises. (Archives des Côtes-d'Armor, L 162, f° 20).
Nous ignorons pourquoi, finalement, MM. Veillon et Bertier ne firent pas partie de cette expédition, laquelle du reste l'intervention du garde-côtes Le Furet empêcha de réussir. Voici néanmoins quel était le signalement de l'abbé Veillon porté sur le passeport qu'on lui remit à cette occasion : « taille 4 pieds, 2 pouces ; cheveux et barbe châtain clair, front haut, les yeux gris bleu, enfoncés, le nez moyen, figure ovale, bouche moyenne, le teint brun ».
Le 21 mai 1793, on voulut bien permettre au recteur de Mégrit et à l'abbé Bertier de quitter leur prison pour venir habiter aux Filles de la Croix avec les prêtres sexagénaires ou infirmes qui s'y trouvaient détenus. Cependant, les bons habitants de Mégrit n'oubliaient pas leur recteur, qui souffrait pour la Foi. Le 24 octobre 1793, le Comité de surveillance de Broons interrogeait Marie Hoday, servante du prêtre Rabec, comme suspecte en allant voir son maître détenu aux Filles de la Croix, d'avoir porté de l'argent qu'elle avait recueilli pour M. Veillon et M. Lemarchand, son vicaire, emprisonné avec lui. Cette bonne fille avoua bien qu'on lui avait remis à cette fin 9 livres en argent et des assignats pour environ 15 livres, mais elle ne voulut pas déceler les noms des donataires et se contenta de dire « qu'elle n'avait pas été chez tous ceux qui lui avaient promis des secours pour leur recteur. » (Archives des Côtes-d'Armor, Lm 5, 73).
Transféré à l'automne de 1793 dans l'ancien couvent des Carmélites de Guingamp en même temps que les autres prêtres reclus aux Filles de la Croix, M. Veillon fit partie du groupe des 26 ecclésiastiques « reconnus valides et sans infirmités » que les membres du Directoire des Côtes-du-Nord (aujourd'hui Côtes-d'Armor) ordonnèrent, le 8 mars 1794, de faire conduire à Rochefort, pour de là être déportés sur la côte occidentale d'Afrique. (Archivs des Côtes-d'Armor, Lm 5, 58).
Mis en route le 16 de ce même mois avec les autres victimes de la persécution religieuse, M. Veillon passa la nuit du 19 au 20 mars dans l'église de Broons dévastée et profanée. Mais c'est en vain que quelques-uns de ses paroissiens tentèrent de l'approcher. « Pour prix de leur zèle et de leurs inutiles efforts, quelques personnes fidèles furent mises en prison », raconte le chanoine Besson, à la fois l'un des acteurs et l'historien de ce lamentable voyage.
Arrivés à Nantes le 25 mars, les confesseurs de la Foi n'en repartirent pour Rochefort par la voie de mer que le 18 avril suivant. Nous ne redirons point ici les affreuses souffrances qu'eurent à endurer à bord du vaisseau Les Deux Associés les prêtres des Côtes-du-Nord (aujourd'hui Côtes-d'Armor) embarqués le 10 juin 1794 sur ce bâtiment. Nous renvoyons au récit que nous en a laissé M. Besson et que nous avons réédité au tome second des Actes des Prêtres insermentés du diocèse de Saint-Brieuc, op. cit., p. 119-181.
M. Veillon, prieur-recteur de Mégrit, mourut le 1er août 1794 à bord du navire Les Deux Associés, victime des atroces tourments qu'endurèrent les ecclésiastiques parqués sur ce tombeau flottant. Il n'avait que 40 ans, lors de son décès.
PIERRE-JOSEPH JOSSELIN, naquit à Evran le 20 juillet 1759 du mariage de Raoul et de Marie Fouéré. Après sa prêtrise, reçue le 20 décembre 1788, cet ecclésiastique vécut à Langan comme vicaire de l'abbé Briand, son parent, dont nous venons de voir la biographie. L'un et l'autre y refusèrent le serment. En conséquence, M. Josselin prit un passeport à Langan, le 17 septembre 1792, afin de s'exiler à Jersey aux termes de la loi du 26 août précédent. Nous ne savons ce qu'il advint de lui dans la suite. Son nom figure sur la liste des déportés.
GUILLAUME-JEAN MARIE, né à Evran, au village des Coutres, le 12 janvier 1761, du mariage de Julien et de Marie Briot, subit son examen pour la tonsure et les mineurs en septembre 1782 et fut noté à cette occasion « comme présentant de grandes dispositions ».
Ce prêtre était vicaire à Combourg en 1790. Sur son rôle dans cette paroisse, où il refusa de s'assermenter, cf. Delarue : Le District de Dol, op. cit., V, p. 125 et sq. M. Marie, qui s'était réfugié à Plesder, prit devant cette municipalité un passeport pour s'exiler le 16 septembre 1792, et suivant Guil. de Corson, il s'embarqua peu après à Saint-Briac. L'Estourbeillon le fait figurer parmi ceux qui séjournèrent à Jersey.
Nommé recteur de Plesder en 1803, M. Marie y décéda en 1819. (Guil. de Corson : Pouillé, op. cit., V, p. 484, et Archives Nationales, F 7, 5161, et F 7, 5162).
Les autres prêtres insermentés originaires d'Evran lors de la Révolution, étaient: MM. PIERRE LESVIER, ancien vicaire de Plorec, dont nous avons parlé à l'article Taden, où il était aumônier en 1790. D'après un registre de l'évêché de Saint-Brieuc, il aurait encore vécu à Evran en 1805 ; JEAN-FRANÇOIS MARTIN, dont nous avons fait la biographie à l'article Le Hinglé ; JEAN BODIN, que nous avons vu à propos de Trévron ; CHARLES CHAUCNART DU MOTTAIS, que nous verrons à l'article Saint-Judoce ; FRANÇOIS-JEAN COLLAS, dont nos lecteurs ont pu lire l'histoire à l'article Calorguen.
N'étaient pas encore prêtres en 1790, MM. :
PIERRE GARNIER, né à Evran le 14 décembre 1766, de Laurent et d'Ursule Martin, que nous voyons noter au Séminaire de Dinan comme « d'une très bonne conduite, très studieux, répandant bien ». M. Garnier reçut le diaconat le 18 septembre 1790. Nous ne savons ce qu'il fit au cours de la Révolution. Toujours est-il qu'il ne s'assermenta certainement pas, mais s'en fut recevoir la prêtrise à Paris des mains de Mgr. de Maillé de la Tour-Landry, le 18 septembre 1796, et fit ensuite du ministère auprès de ses compatriotes. Boullé, dans son enquête, note M. Garnier « à conserver à Evran, dans le poste de vicaire qu'il remplit maintenant ». Là s'arrêtent présentement nos renseignements sur cet ecclésiastique.
JULIEN REGEARD, fils de Louis et de Caroline Robert, naquit à la Chardronnais, en Evran, le 28 mars 1762. Il fit au moins sa philosophie à Dinan et réussit assez médiocrement ses études théologiques, quoiqu'on le jugea « studieux et d'une bonne conduite ».
Ordonné diacre le 18 septembre 1790, l'abbé Regeard, qui ne s'était point assermenté et n'avait pas quitté Evran, s'en fut recevoir la prêtrise à Paris le 18 septembre 1796, des mains d'un évêque orthodoxe. Son nom figure sur un ancien registre d'Evran ayant fait du ministère caché dans cette paroisse. Le 6 février 1798, on interrogeait à Dinan, Madame de Coëttando, châtelaine du Bois de la Motte, chez qui l'on avait trouvé, au cours d'une perquisition, une lettre signée Regeard, oubliée par celui-ci dans le tiroir d'un bureau d'une chambre du Bois de la Motte où il avait reçu l'hospitalité le 8 janvier précédent (Archives des Côtes-d'Armor, Lm 5, 119). C'est vraisemblablement ce prêtre, dont parle le préfet d'Ille-et-Vilaine en 1801, comme « étant insoumis, ordonné prêtre depuis la Révolution, exerçant à Médréac » (Enquêtes de l'an XI, publiées par l'abbé Sevestre).
M. Regeard fut nommé recteur de Saint-Thual, dans le canton de Tinténiac, en 1803. Il y trépassa en 1847, âgé de 85 ans.
FRANÇOIS OYSEL, fils de François et de Jeanne Porché, né à Evran le 23 septembre 1765, reçut la tonsure et les mineurs le 18 septembre 1790, et la prêtrise des mains de Mgr. Cafarelli, le 22 septembre 1804, après avoir donné un bel exemple de persévérance dans sa vocation. M. Loysel, que nous croyons avoir été quelque temps professeur au Séminaire après son ordination, fut nommé recteur de Trégomar le 10 octobre 1810, puis recteur de Pléven le 11 mai 1812. Transféré à Plévenon le 12 avril 1816, il vint en la même qualité à Plorec le 3 novembre 1819. Il décéda peu après sa démission de recteur de Plorec, au mois de février 1838.
Firent du ministère à Evran au cours de la Révolution les prêtres étrangers à cette localité dont les noms suivent :
M. Bertier, dont nous avons parlé à propos du personnel enseignant du collège des Laurents de Dinan. Cet ecclésiastique n'avait pas voulu s'exiler, ainsi que l'y condamnait le décret du 1er décembre 1792 du Directoire des Côtes-du-Nord (aujourd'hui Côtes-d'Armor). Réfugié au château du Vaugrée, en Evran, propriété du comte de Lavie, il faisait tout autour de lui du ministère caché, lorsqu'il fut arrêté au cours du mois de mars 1793 [[Note : En vertu du décret du 14 février 1793, ses capteurs reçurent 100 livres pour récompense (Archives des Côtes-d'Armor, L 162, f° 22)] et conduit à Dinan, d'où, après un court séjour, on le transféra à la maison d'arrêt de Saint-Brieuc.
Nous allons reproduire intégralement ici, à cause de la personnalité de M. Bertier, le texte de l'arrêt que rendit à son sujet, le 9 avril 1793, le Directoire départemental des Côtes-du-Nord. Il contient sur ce prêtre d'intéressants détails biographiques. Nous l'avons puisé au folio 8 verso du registre classé L 161 aux Archives des Côtes d'Armor. Voici cette pièce :
« Le président du Tribunal s'est présenté à l'Administration et a remontré que le tribunal du district de Dinan avait fait conduire aux prisons de cette ville Julien-Jacques Bertier, prêtre, ci-devant professeur de rhétorique à Dinan, âgé de 37 ans, décrété d'accusation par acte des jurés assemblés à Dinan le 3 de ce mois, et que le tribunal criminel ne se croyait pas compétent pour juger du prévenu.
Sur quoi délibérant, vu un interrogatoire de Bertier, prêtre à Evran, en date du 26 mars 1793 ; vu un autre interrogatoire du même à Dinan, en date du 27 du même mois ; vu aussi l'acte d'accusation daté du 28 mars et du 3 avril 1793, le procès-verbal de la tenue du juré d'accusation daté du 3 avril, le décret de prise de corps contre Jacques Bertier du 3 du même mois, l'inventaire de dépôt que fait au greffe du Tribunal criminel Charles-Louis Baiguoulx, greffier au Tribunal du district de Dinan, en date du 4 avril ; le mandat d'arrêt en date du 26 mars 1793 ; une pièce intitulé " Oraison à Saint Malo qu'il est bon de réciter pendant l'octave " ; une pièce renfermant une lettre sans date chiffrée Bertier et Petit.
Considérant que ce prêtre insermenté est un homme fanatique et dangereux, qu'il a rempli les fonctions curiales sans autorisation légale, qu'il est violemment soupçonné de correspondance criminelle (avec les ennemis de la République).
Le Directoire, après avoir entendu le procureur général syndic, déclare que Julien-Jacques Bertier, prêtre, a encouru la peine de la déportation. En conséquence, arrête qu'il sera conduit au port désigné pour transporter les gens condamnés à la déportation et que les effets propres au culte, dont il sera donné décharge au greffier du Tribunal criminel, resteront déposés aux archives. Signé : Hello, Le Mée, Le Saulnier, Prigent, Raffray ».
Firent aussi à Evran du ministère caché, d'après les auteurs du Diocèse de Saint-Brieuc, etc., op. cit., I, p. 291 : MM. Chauvin, que nous avons vu à l'article Trédias ; les prêtres Biffart, de Saint-Juvat ; Florimond Le Mée, recteur de Ménéac ; Glémée, ancien vicaire de Plélan-le-Petit ; Gilles Trumel, dont nous avons parlé à propos de Saint André des Eaux ; Jean Bodin, que nous avons vu à l'article Trévron ; l'abbé Pestel, de Longaulnay.
CLERGÉ CONSTITUTIONNEL. — Cinq prêtres originaires d'Evran s'assermentèrent en 1791. Pas un d'eux cependant n'habitait alors cette paroisse. Tous persévérèrent assez longtemps dans le schisme. Voici leurs noms :
Les deux deux frères LORRE : FRANÇOIS et ANDRÉ, l'un et l'autre du village de Grammont, en Evran, qui jurèrent fidélité à la Constitution Civile du Clergé, à Plorec, dont André était le recteur avec son frère pour vicaire. Nous verrons leurs biographies à l'article de cette paroisse.
LOUIS-MARIE LEAU DE LA TOUCHE, né au manoir de ce nom le 30 juillet 1745, était frère de François-Marie, recteur de Baulon. On le note au Séminaire comme « bien doué pour la voix et pour le chant, mais faible par ailleurs à ses examens ». Il fut même différé pour cette raison lors de son accession au diaconat. L'abbé Louis Leau reçut la prêtrise à Saint-Malo le 27 mars 1773 et devint en 1786 curé de Courcemont, au diocèse du Mans. Comme tel, « tout en réservant les droits de l'Eglise romaine », cet ecclésiastique s'assermenta en 1791, acheta une partie du temporel de sa cure, communiqua in sacris avec l'évêque intrus, et enfin livra en 1794 ses lettres de prêtrise.
Touché de repentir, le curé de Courcemont se rétracta au Mans le 30 mars 1795 entre les mains du vicaire général de l'évêque légitime, puis il renouvela cet acte à Courcemont même, où, après avoir lu sa rétractation devant une nombreuse assistance, il afficha cette pièce sur la chaire.
Après avoir exercé quelque temps le ministère dans cette paroisse au cours de 1796, M. Leau revint habiter Evran, pays de ses parents. Il y fut arrêté le 23 février 1799 et conduit à Saint-Brieuc, d'où on le transféra à la prison de Guingamp.
Condamné à la déportation le 2 mai 1799, comme assermenté rétracté, M. Leau de la Touche fut dirigé sur l'île de Ré, où il arriva le 30 mai de cette année. Il ne recouvra sa liberté que le 21 mars 1800, expiant ses égarements par quatorze mois de captivité.
L'enquête de Boullé note ce prêtre comme résidant à Evran aux débuts de 1802, et le regarde comme « susceptible d'être placé vicaire dans cette paroisse ».
Dom Piolin, dans son ouvrage sur L'Eglise du Mans pendant la Révolution, t. III, p. 233, assure que l'abbé Leau mourut à Beaufey, localité située non loin de Courcemont, dans la Sarthe, le 20 septembre 1802. (Cf. Archives Nationales, F 7, 7752 (187), et F 7, 7582 (833).
ETIENNE-JACQUES-JEAN COUPPÉ naquit à Bétineuc, en Evran, le 11 décembre 1757, du mariage de Jacques et de Jeanne Even, et fit ses études au Collège de Dinan. Entré au Séminaire, il fut minoré le 23 septembre 1780 et se présenta pour le sous-diaconat au mois de septembre de l'année suivante ; mais si l'on se montra alors assez satisfait de ses études, il n'en fut pas de même de sa conduite, si bien qu'il fut « renvoyé pour toujours à cause de ses mauvaises chansons et de ses mauvaises compagnies ». Nous signalons le fait, car ce n'est pas la première fois que nous voyons les futurs constitutionnels donner dès le Séminaire de fâcheuses marques de défaillance morale.
Par quelles influences le jeune Couppé parvint-il à vaincre les préventions de ses supérieurs à son endroit ? Nous l'ignorons. Toujours est-il. Que quatre ans plus tard, nous lisons à son sujet les notes suivantes sur le registre des appels du Grand Séminaire de Saint-Malo : « Couppé, diacre de mars 1785, étudie à Dinan ; pas mal à son dernier examen, bien à celui-ci, entrera en quartier pour être prêtre à la Toussaint, par décision de Mgr. l'Evêque ».
L'abbé Couppé une fois ordonné prêtre, le 10 juin 1786, à l'âge de 29 ans, ne demeura pas dans le diocèse de Saint-Malo, mais s'en fut dans celui du Mans, où sans doute M. Louis Leau de la Touche, qui s'y trouvait déjà, lui avait procuré un emploi.
M. Couppé, qui s'était enrôlé dans l'église constitutionnelle et demeurait alors depuis six ans à Beaufay, canton de Ballon (Sarthe), revint à Evran lorsque survinrent pour les assermentés les jours mauvais de 1794. Mais, loin de trouver dans sa paroisse natale un asile assuré, il s'y vit arrêter le 7 floréal an II (25 avril 1794), sur une dénonciation de l'agent national terroriste d'Evran, appelé Vannier de la Marre. Voici son signalement tel que nous le relevons sur une pièce qui fut produite à l'occasion de son incarcération à Dinan : « taille 5 pieds, 3 pouces ; cheveux et sourcils bruns ; yeux bleus ; nez et front larges ; bouche petite, menton gros, visage coloré » (Archives Côtes-d'Armor, Lm 5, 63).
M. Fouéré-Macé, dans le Diocèse de Saint-Brieuc, etc., op. cit., I, p. 180, raconte comment l'abbé Couppé, ci-devant prêtre et vicaire dans le département de la Sarthe, était emprisonné à Dinan, quand on lui fit parvenir deux malles, dont la vérification fut opérée par les soins du Comité de surveillance. « On y trouva, avec des effets à l'usage personnel du prisonnier, un fusil à deux coups, deux soutanes, un surplis, une calotte et différents papiers dont l'un était les lettres de prêtrise de l'abbé ». On s'empressa d'en confisquer la plus grande partie. (Archives des Côtes-d'Armor, Lm 5, 63).
Le représentant du peuple Le Carpentier ayant décrété le 25 prairial an II (13 juin 1794) que « ceux des ci-devant prêtres assermentés qui auraient contracté mariage avant leur détention, ou qui pourront justifier de leur intention de former les mêmes noeuds », pourraient être remis en liberté, Etienne Couppé et dix-sept autres membres du clergé constitutionnel, du district de Dinan détenus avec lui dans les prisons de cette ville, eurent la faiblesse de signer le 27 juin 1794 « qu'ils déclaraient se conformer à l'arrêté du républicain Le Carpentier, et se soumettre aux conditions y portées, pour recouvrer leur liberté ». (Archives des Côts-d'Armor, Lm 5, 67). Rendu, à la liberté sur cette promesse sacrilège, nous ne croyons pas que Couppé ait vécu à Evran par la suite. Il dut s'en retourner dans la Sarthe, et nous le perdons de vue après cette époque.
LAURENT-MARIE NOUAZÉ naquit à Evran le 19 juillet 1760, du mariage de M. Louis-Claude, notaire seigneurial, et de Marie Taillandier, demeurant au village de Beaumanoir. L'abbé Nouazé eut son titre clérical assuré le 16 septembre 1785 par sa mère, alors veuve à cette époque, puis, après d'assez médiocres études théologiques, il fut ordonné prêtre le 28 septembre 1788.
Cet ecclésiastique était vicaire de Plesder lors de la Révolution. Comme tel, les 6 et 13 février 1791, il ne prêta d'abord le serment constitutionnel qu'avec des restrictions qui le rendaient orthodoxe, mais aussi nul et, sans valeur aux yeux des révolutionnaires. Aussi fut-il déclaré déchu de ses fonctions en qualité d'insermenté le 6 mai suivant, en même temps que comme l'un des signataires de l'Exposition des Principes dont nous avons déjà parlé.
Malheureusement pour lui, l'abbé Nouazé se ressaisit et s'assermenta cette fois pour de bon ; puis, après avoir été peu de temps vicaire à Saint-Servan, il fut élu le 29 juillet 1792 curé de Lanhélin, près de Combourg, où il alla résider.
Comme tel, c'est là que, devant la dure persécution qu'organisèrent en 1794 les représentants du peuple en mission à l'égard des assermentés, Laurent Nouazé abdiqua son état et fonctions et remit ses lettres de prêtrise dès les premiers jours de mars de cette année. (Robidou : Histoire et Panorama, etc., IIème éd., op. cit., p. 396). Cependant, cet acte de lâcheté ne l'empêcha pas d'être arrêté, puis incarcéré au Mont Saint-Michel, le 13 mars 1794.
Il n'en sortit que le 8 messidor suivant (26 juin), sur sa promesse de se conformer à l'arrêté de Le Carpentier du 13 juin précédent. En conséquence, Laurent Nouazé épousa civilement à Saint-Solen, le 4 juillet 1794, Jeanne F.., âgée de 21 ans, fille de feu François et de Madeleine H... Une petite fille naquit de cette union sacrilège. Elle devint plus tard mère d'un garçon auquel Dieu fit la grâce de devenir prêtre, écrit M. Fouéré-Macé (Diocèse de St-Brieuc, etc., op. cit. L, p. 227).
Au mois de septembre 1794, le ménage Nouazé se retira à Evran au village de Beaumanoir. Le mari jouissait alors de la pension de 800 livres dont la munificence de la Convention récompensait les ecclésiastiques abdicataires. Du reste, le malheureux renégat n'en devait pas profiter longtemps. Le sieur Laurent Nouazé périt « d'assassinat la nuit dernière, environ minuit, en son domicile, au village de Beaumanoir, section des Quatre-Feux », lit-on sur le registre des actes de décès de cette commune à la date du 2 ventôse an IV (21 février 1796).
Une tradition, dont M. le chanoine Fouéré-Maté s'est fait l'écho, rapporte que cet apostat aurait été pendu par les chouans au manteau de sa cheminée. (Diocèse de St-Brieuc, etc., op. cit., I, p. 237). Quant à nous, nous n'avons jusqu'ici trouvé d'autre mention de sa mort que celle fort brève relevée sur son acte de décès, que nous venons de donner.
JEAN-FRANÇOIS-ETIENNE CHRÉTIEN, dont nous avons narré les faits et gestes aux articles Saint-André et Le Quiou, devint curé constitutionnel d'Evran au départ de M. Regnault pour l'exil, au mois de septembre 1792.
Nous sommes surpris cependant de n'avoir trouvé jusqu'ici aucune trace de l'élection de l'ex-capucin à ce poste, non plus qu'aucune mention de son investiture canonique sur le registre des insinuations de Jacob, l'évêque des Côtes-du-Nord (aujourd'hui Côtes-d'Armor). Aussi nous posons-nous la question de savoir si l'on ne se serait pas contenté simplement, en la circonstance, d'adjoindre le desservice de la cure d'Evran à celle du Quiou ? Quoi qu'il en soit, nous avouons du reste ne presque rien savoir sur les faits et gestes de Chrétien à Evran.
Le 23 août 1792, Chrétien, qui n'était alors que curé du Quiou, se trouvait au bourg d'Evran comme membre de l'Assemblée primaire convoquée pour voter sur l'acceptation ou le rejet de la nouvelle constitution que l'Assemblée législative venait d'élaborer. Un des électeurs, Mathurin-François Brandily, ayant émis des doutes sur l'opportunité et l'efficacité de ce nouveau mode de « faire le bonheur de tous les Français », le curé Chrétien voulut lui imposer silence et l'invita un peu vivement à se retirer et même « à se cacher ». Ce à quoi Brandily, vexé dans son amour-propre, riposta en criant au curé « de se retirer lui-même ».
Chrétien, chatouilleux sur ses principes comme tous les néophytes, s'empressa de dénoncer Brandily au tribunal du District, mais les juges, hommes de sens rassis, décidèrent qu'en l'espèce Brandily n'était les coupable, « car la Constitution n'étant dans la circonstance que proposée à l'acceptation des électeurs, chacun d'eux était dans son droit en émettant et en soutenant librement son opinion sur la valeur de celle-ci ».
Après cet épisode destiné à nous donner ideé de la mentalité du clergé constitutionnel et de sa tolérance, nous passons aux jours mauvais des débuts de 1794. Chrétien, qui n'avait point le tempérament d'un martyr, toujours docile aux inspirations du pouvoir, abdiqua son état et fonctions le 28 février de cette année, ce qui ne l'empêcha pas quand même de se voir, « par mesure de sûreté générale, emprisonné à Dinan jusqu'à la paix », sur ordre signé du représentant Ruamps.
Sa captivité lui sembla cependant si pénible, qu'il crut pouvoir, lui, religieux à voeux solennels et prêtre catholique, signer le 27 juin 1794 l'engagement de se marier pour mettre un terme à son emprisonnement. (Archives des Côtes-d'Armor, Lm 5, 67).
En conséquence, Jean-François Chrétien, traître à ses serments les plus sacrés, épousa civilement au bourg de Saint-André des Eaux, le 16 juillet 1794, Julienne F.., âgée de 26 ans, née à Saint-Judoçe du mariage de Mathurin et de Jeanne Le F... L'ex-capucin habitait Saint-Judoce le 9 avril 1795, « bien que les chouans se fussent vantés d'attenter à ses jours. » (Archives des Côtes-d'Armor, Lm 5, 97). Nous le voyons figurer le 16 septembre de cette même année parmi les ecclésiastiques abdicataires pourvus d'une pension de retraite ; mais, le 22 juin 1797, l'Administration des Côtes-du-Nord (aujourd'hui Côtes-d'Armor) s'informait si le dénommé Chrétien était décédé ou s'en était allé habiter un autre canton.
Longtemps après, le calme revenu, nous a instruit M. l'abbé Leray, l'érudit recteur de Moutiers, les remords se firent enfin sentir dans l'âme de l'ex-moine. Sur une supplique de sa part, le cardinal Caprara, légat a latere, lui accorda le 2 juin 1809 les dispenses nécessaires pour faire réhabiliter aux yeux de l'Eglise son pseudo-mariage et légitimer les cinq enfants qui lui en étaient nés.
Chrétien mourut douanier dans sa paroisse natale, âgé de 65 ans, le 24 février 1825, muni des sacrements de l'Eglise.
Ces lamentables défaillances du clergé constitutionnel et schismatique, ne doivent pas nous faire oublier qu'Evran a vu deux des membres de son clergé catholique romain, périr pour la Foi, l'un sur l'échafaud, l'autre sur les pontons de Rochefort, quatre autres passer de longs mois en prison, dix autres enfin demeurer longtemps dans un douloureux exil pour attester leur inébranlable attachement à la véritable réligion du Christ. Ce sont incontestablement là de beaux exemples qui font honneur à la paroisse d'Evran. Aussi serait-il très désirable d'en voir commémorer le souvenir dans la belle église de cette localité, à côté du monument érigé aux victimes de la grande guerre. A glorifier des prêtres qui ont sacrifié jusqu'à leur liberté, jusqu'à leur existence même, pour la plus grande gloire de Dieu et le salut des âmes, une paroisse s'honore elle-même, et cet acte de réparation ne peut qu'attirer sur ses auteurs les bénédictions du Ciel.
ADDITION A L'ARTICLE EVRAN. Pétition des Evrannais, le 26 messidor an V, pour réclamer la disposition de leur église [Note : Un état du 4 octobre 1796, dressé par le receveur des Domaines de Dinan, signale l'église d'Evran comme mesurant 120 pieds de long, en mauvais état et ne servant à rien. On demande qu'elle soit vendue, ainsi que celle de Saint-Judoce, qui, elle aussi, « ne sert à rien »] (Archives des Côtes-d'Armor, Lm 5, III). Les habitants de la commune d'Evran... professant la religion Catholique, Apostolique et Romaine, aux Administrateurs du Département des Côtes-du-Nord (le 14 juillet 1797). Il est de principe et de fait qu'aucun gouvernement policé ne peut exister sans religion. C'est elle qui sert de fondement aux moeurs sans lesquelles un Etat ne peut se soutenir. Ces vérités sont reconnues par tous les peuples.
Nous tenons à la religion de nos pères. Nous lui devons notre bonheur. En vain criera-t-on au fanatisme ! Nous l'avons en horreur et nous osons le dire, citoyens Administrateurs, qu'une grande partie des maux qui ont si cruellement troublé le repos de nos campagnes ont dû leur source impure à l'absence de la Religion. Les persécutions que le crime et l'impiété ont suscitées contre elle nous l'ont rendue plus chère encore, parce que c'est de cette religion sainte que nous tenons de pardonner à nos ennemis et d'invoquer en leur faveur la clémence du ciel.
La Constitution nous garantit la liberté du culte, mais que deviendrait cette liberté, si nous n'avons pas les moyens d'en user.
Ces moyens, citoyens Administrateurs, sont les ministres de notre religion et de notre église.
Nous vous conjurons citoyens Administrateurs, au nom du Dieu que vous vénérez et au nom de l'humanité qui vous touche, de nous accorder l'ouverture de notre église et la permission du libre exercice de la Religion catholique, apostolique et romaine, et les fonctions du ministère y être exercées par le citoyen Laurent Regnault, notre recteur, qui avait été déporté en vertu de passeport à lui délivré par la municipalité d'Evran le 17 septembre 1792 qui a rentré sur le territoire de la République depuis la loi du 14 frimaire an V, et qui vient d'être acquitté et mis en liberté par jugement du tribunal criminel du Département de la Seine-Inférieure, séant à Rouen le 21 prairial an V, ainsi que le citoyen André, notre curé et tous autres prêtres.
De ce grand oeuvre de justice, naîtra nécessairement le retours de la tranquilité intérieure de la commune, le voeu des habitants étant général (Suivent 4 pages in-folio de signatures). (A. Lemasson).
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