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Mémoire sur les clochers du Finistère.

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Cette région de l'Armorique est bien la terre classique des clochers. Ils n'ont point été oubliés dans le programme d'un Congrès ; la cinquième des questions qu'il nous propose est conçue en ces termes : « Décrire et dater les clochers les plus remarquables du département du Finistère, en les classant d'après les différents types qu'ils présentent ».

Permettez-moi, avant que j'essaie d'y répondre, quelques réflexions générales sur cette intéressante classe de monuments ; je les emprunterai au Dictionnaire raisonné de l'Architecture française, par M. Violet-Leduc. Cet écrivain, aussi éminent dans la pratique que dans la théorie de l'art ancien, fait observer avec beaucoup de raison que c'est dans les clochers plus que dans tous autres édifices que se reflètent le caractère, le goût et le génie distinctif des populations qui les ont élevés. C'est le signe de la grandeur et de la richesse de la cité, en même temps que l'expression de sa civilisation religieuse et civile. Leur importance est toujours en rapport avec le développement de l'esprit municipal. Au XIIème siècle spécialement, à cette époque où chaque ville jouissait dans son enceinte des franchises octroyées à sa bourgeoisie, le clocher était le véritable monument national.

Plus loin, le même auteur, appréciant les clochers au point de vue des difficultés de leur exécution, s'exprime ainsi : « On est souvent surpris, lorsqu'on a élevé un clocher, de n'avoir produit qu'un assemblage disgracieux, incohérent, donnant des silhouettes malheureuses. Toute partie d'architecture qui se découpe immédiatement sur le ciel, demande des calculs, et plus encore un sentiment exquis de la forme ; car rien n'est indifférent dans une pareille situation. Le moindre détail prend des proportions autres que celles obtenues sur le papier ou sur l'épure, et il faut une longue expérience, une longue habitude pratique des effets pour préjuger de l'aspect perspectif d'une combinaison géométrale ».

Cette idée que nous exprimions il y a un instant sur la valeur significative des clochers n'est pas en contradiction avec le sentiment qui portait saint Bernard à en interdire la construction dans les églises de son Ordre, d'où l'emploi des sculptures était également banni. En les retranchant comme des édifices fastueux, plus propres à entretenir l'orgueil des cités ou des monastères qu'à recevoir les cloches, il entendait surtout rappeler à ses disciples l'humilité et le renoncement au monde. Mais ces conseils de l'austérité monastique, refoulant les instincts mêmes les plus légitimes de notre nature, ne devaient pas être la règle commune proposée par l'Église à l'ensemble des fidéles ; aussi, par tout le monde chrétien, les clochers ont continué de signaler au loin des édifices religieux dont ils sont la plus noble décoration.

C'est dans la Basse-Bretagne qu'on peut surtout, contempler les conceptions belles quelquefois, et toujours ingénieuses et originales, que ce sujet a fourni à nos architectes. Les clochers du Finistère spécialement en sont la principale richesse artistique. On en rencontre de gracieux dans toutes nos églises, dans toutes les chapelles de nos campagnes. Leurs formes varient à l'infini, et leur élévation, qui s'étage dans un ensemble plein d'harmonie, vient ajouter, dans le point de vue, à la physionomie pittoresque des sites accidentés du pays. Le tact sûr avec lequel nos anciens savaient dresser ces clochers prête souvent les plus heureux effets à de très-petites pyramides. Pour en offrir un exemple, nous citerons cette chapelle voisine de notre ville que l'on nomme la Mère de Dieu. Quel amateur éclairé de l'art a omis d'esquisser ou de noter sur ses tablettes son petit clocher qui couronne si gracieusement l'un des côtés du porche méridional ?

Que si nous parcourons d'autres contrées, d'autres provinces, nous admirerons, dans les cités ou dans les villes, des tours remarquables par leur architecture et leurs dimensions : mais rarement elles sont terminées par les flèches qui devraient compléter leur élévation. Les cathédrales de Paris, Amiens, Rouen, Bourges, Nantes, Lyon, Reims, Toul, Orléans et tant d'autres monuments religieux, attendent encore les leurs. Quant aux églises rurales, dans la plupart des mêmes régions, elles n'ont pour clocher qu'une pyramide en simple charpente.

D'où vient que dans notre pays la décoration des constructions religieuses s'est portée de préférence vers les clochers ? c'est que la paroisse dont le clocher est le symbole, est restée pour le Bas-Breton l'expression de la société civile et religieuse où la divine Providence a marqué sa place ; c'est que les sentiments qui l'attachent à la famille, au foyer, à ses amis, trouvent leur satisfaction dans l'élégance et l'élévation de la flèche ou du dôme de l'église où tous ces liens viennent aboutir. Cette flèche, que surmonte le signe sacré de la Rédemption, est dans son élancement l'image des aspirations de l'âme vers le ciel, et, dans sa destination, un appel à tous les sentiments qui émeuvent le plus profondément les cœurs. Lorsqu'elle frémit sous la volée des cloches, le son du métal argentin qui lui annonce l'heure de la prière ne lui fait-il pas entendre cette même voix qui résonna en bruits d'allégresse quand le prêtre bénissait son hymen ou lorsque ses enfants reçurent le baptême, et dont les tintements lugubres marquèrent les derniers devoirs rendus à sa famille? Enfin, n'est-ce pas le sommet du clocher qui apparaît de plus loin au marin fatigué par la tourmente de la mer, lorsqu'il revient au foyer ? Le Bas-Breton aime donc son clocher, parce qu'il aime sa paroisse, parce qu'elle résume pour lui le monde tout entier. Aussi ce clocher ne saurait être ni trop élégant, ni trop élancé. C'est sans doute à ce sentiment inné parmi toutes les populations bretonnes que nous sommes redevables de l'inspiration qui a donné naissance à tant de clochers, dont plusieurs peuvent passer comme des chefs-d'œuvre, et à la structure desquels le granit séculaire se prête si heureusement.

Ces clochers, pour le département du Finistère dont nous ne chercherons pas à franchir les limites, rentrent dans deux classes bien distinctes, la première comprend ceux dont les cloches, dissimulées par l'enceinte de la tour, reposent sur ces appareils de montants et de traverses que l'on est convenu de nommer des beffrois. La seconde embrasse ceux dont les cloches, suspendues en plein air sur des crapaudines reposant sur des corbelets de pierre, n'ont pour abri que la flèche ou le dôme qui termine l'élévation de l'édifice.

Nous n'avons pas besoin d'ajouter que les premiers sont les plus importants. Dans cette catégorie, nous citerons les clochers de la ville de Saint-Pol, en commençant par celui de Notre-Dame de Creisker, ceux de la ville de Quimper, ceux de Pont-Croix, Saint-Herbot, Carhaix, Le Folgoët, Ploaré, Saint-Ugen, Goulven, Landivisiau, Bodilis, Pleyben, Saint-Thégonnec, Saint-Jean-du-Doigt, Sizun, Lampaul-Guimiliau, Lampaul-Ploudalmézeau, Plouguer ; ceux de la ville de Morlaix, de Plounéour-Menez, Commana, Lanhouarneau, Locronan, Lesneven, Beuzec-Cap-Sizun, La Martyre, Penmarc'h, Rosporden, Sainte-Croix et Saint-Michel de Quimperlé.

A la deuxième catégorie appartiennent, avec ceux de plusieurs de nos villes et de presque toutes nos paroisses de campagne, les clochers plus nombreux encore des petites chapelles qui y sont disséminées. Je me bornerai à en mentionner ici un certain nombre, en suivant l'ordre de leur importance relative : telles sont ceux de La Roche, Saint-Houardou et Saint-Thomas de Landerneau, Le Faou, Gouesnou, Plouvorn, Ploudalmézeau, Le Conquet, Lannilis, Plouguerneau, Plogonnec, Ploudiry, Plounéventer, Dirinon, Elliant, Rumengol, Saint-Hernin, Edern ; ceux des chapelles de Nivers et de Lanviern en Edern, Esquibien, Plouvien, Melgven, Berrien, Ploudaniel, Plouyé, Guissény, Plouhinec, Saint-Yvi, Briec, Laforest, Saint-Anne de Fouesnant, Confort, Port-Launay, Pluguffan, Brasparts, Trégourez, Coray, Logonna, Pouldergat, Pouldreuzic, Plovan, Saint-Renan, Audierne, Plomoguer, Plonévez-du-Faou, Le Cloître, Plougastel-Daoulas, Landudec, Plounéour-Trez, Plouescat, Kerfeunteun, Pencran, Saint-Évarzec, Dinéault, Lennon, Telgruc, Saint-Nic, Scaër, Bannalec, Gouézec, Cast, Riec, Lanriec, Le Ménéc'hom, Quéménéven, Loqueffret, Plogoff, Saint-Jean-Trolimon, Beuzec-Conq, Spézet, Notre-Dame de Châteaulin, etc.

Je m'arrête en faisant remarquer qu'on ne rencontre pas dans tout ce vaste département plus de trois ou quatre édifices religieux, où, au lieu de s'élever en pierre, le clocher ne présente qu'une construction en charpente.

Je vais maintenant essayer de classer ces clochers par époque en rappelant leurs dates lorsqu'elles se rencontrent sur le monument, ou en y suppléant, lorsqu'elles manquent, par les caractères de leur style architectonique.

La période romane ne saurait nous arrêter longtemps. Le Finistère lui doit plusieurs édifices d'un véritable intérêt, tels que l'abbaye de Sainte-Croix de Quimperlé, Loctudy, Fouesnant, Lanmeur et Locmaria près de Quimper ; mais toutes ces églises sont veuves de leurs anciens clochers, à l'exception de celle de Locmaria, dont la tour n'est rien moins qu'élégante. Elle s'élève de la partie centrale, sous la forme d'une masse cubique, couronnée d'une haute toiture à, quatre pans. Ses deux faces qui n'ont point été remaniées, ont chacune pour ornement deux arcades en plein cintre subdivisées par une colonnette en arcades plus petites.

Si nous possédons des clochers du XIIIème siècle, ils sont en bien petit nombre. Je ne connais que celui de Rosporden, celui de La Martyre et ceux de la cathédrale de Saint-Pol-de-Léon, auxquels on puisse assigner cette date.

Le siècle suivant a pu voir s'élever le magnifique clocher de Creisker dans cette dernière ville.

Le XVème siècle a donné naissance, dans ses premières années aux tours de la cathédrale de Quimper ; vers le même temps, nous rencontrons le clocher du Folgoët et celui de Pont-Croix, et à la fin de cette période, ou au commencement de la suivante, celui de Saint-Jean-du-Doigt.

Au XVIème siècle, ces constructions se multiplient dans une progression frappante. Le clocher de Saint-Herbot est de l'année 1517 ; ceux de Carhaix, Plouguer, Penmarc'h, Saint-Michel de Quimperlé, Locronan et Beuzec-Cap-Sizun s'éloignent peu de la même date. Le clocher de Ploaré porte celles de 1550 et 1555 ; le clocher de Saint-Ugen, la date de 1579, et sur le clocher principal de l'église de Pleyben, qui se termine par un campanile en dôme, on lit les dates de 1584 et 1591. L'inscription suivante existe sur le clocher de Landivisiau : Le 14 octobre fut commencée ceste, 1590, et dans la partie supérieure on lit : 1597.

Le clocher de Goulven porte pour date 1593, 1595. Je dois attribuer aussi au milieu de ce siècle environ, les clochers d'Esquibien, Landudec, Confort, Kerfeunteun, La Mère de Dieu dans cette dernière commune, ceux de Loqueffret, de Brasparts, de Pencran, de Briec, de La Forest, en la commune de Fouesnant, de Rumengol, Logonna, Plovan et Plogastel-Daoulas.

Tandis qu'au XVIIème siècle l'activité des constructions religieuses se ralentit partout, le zèle des Bas-Bretons pour les clochers persévère dans toute son ardeur. Chaque paroisse s'impose des sacrifices pour que son monument rivalise avec ceux des paroisses voisines, chaque frairie ou section de paroisse pour que le clocher de sa chapelle ne reste pas au-dessous des types, fournis par les chapelles environnantes.

Sur le clocher de l'église du Faou, nous lisons : Ceste thour este fondée le 9 mars 1628 — GOVVERNEVR : JAN GVERMEVR.

Le clocher de La Roche porte pour date 1639. Celui de Kerlas, dans la paroisse de Plonévez-Porzay, 1630. Celui de Lampaul-Ploudalmézeau, 1629. Celui de Plogonnec, 1659, Celui de Plonéour-Ménez, 1665. Celui de Sainte-Anne de Fouesnant, 1683. Celui de Plouyé, 1684. Celui de Ploaré, 1693. C'est à cette même période qu'il faut assigner également les clochers de Commana, de Plouvorn, de Saint-Houardon, de Landerneau, de Chateauneuf-du-Faou, de Plonévez-du-Faou, de Saint-Renan, de Ploumoguer, de Lanriec, de Saint-Evarzec, de Telgruc, de Saint-Nic et de Saint-Jean-Trolimon.

Le même mouvement se continue pendant tout le cours du XVIIIème siècle. Ainsi, le clocher de Plozévet porte pour date 1704, celui de Trégourez, 1709, celui de Pouldreuzic et de Saint-Yvi 1724, celui de Sizun 1728 et 1735, celui de Berrien 1781, celui de Gouesnou 1772 et celui de Cast 1785. Nous pouvons également attribuer à cette période les clochers de Cléden-Poher, Pouldergat, Le Cloître, Plounéour-Trez, Riec, Plogoff, Beuzec-Conq, Quéménéven, et en particulier regarder comme des ouvrages exécutés dans la dernière moitié de ce siècle les clochers de Notre-Dame du Ménéc'hom, d'Édern et de Lanviern et Nivers, ses deux chapelles. Il en est ainsi de ceux d'Elliant, Ploudalmézeau, Lannilis, Plouguerneau, Spézet, Audierne, Gouézec, Notre-Dame de Châteaulin et Ploumoguer.

J'ai peut-être abusé de l'énumération en citant le nom de tant de paroisses : mais je tenais à justifier, par des données précises, ce que je venais d'avancer sur l'historique de nos clochers. On aura remarqué que si le XIVème siècle nous a fourni le plus beau de ces monuments dans le magnifique clocher de Notre-Dame du Creisker, ce n'est qu'au siècle suivant que l'esprit d'imitation commence à multiplier les constructions culminantes. Au XVIème siècle, cette tendance se révèle par un nombre considérable de clochers. La même activité règne pendant le XVIIème siècle, et si on la voit se ralentir au XVIIIème, c'est que le zèle des entreprises avait fait le tour du pays et marqué son empreinte sur toutes les églises paroissiales et sur leurs plus petites chapelles rurales.

Je ne m'attacherai point à retracer les formes générales des clochers que j'ai rangés dans la première classe et qui s'élèvent en tour massive jusqu'à la pointe qui les couronne. Ces formes se diversient beaucoup. Il me suffira d'en décrire quelques-uns. Mais je dois m'expliquer en peu de mots sur la structure moins variable des clochers de la seconde catégorie, dont je n'aurai pas autant d'occasion de parler. C'est un système qui paraît propre à la Basse-Bretagne, qui emprunte quelque chose de la disposition de ce qu'on est convenu d'appeler dans les autres pays le clocher arcade, mais qui l'emporte beaucoup par l'importance, l'élévation et la grâce que nos artistes ont su donner à leurs monuments de cette espèce.

Leur tour carrée, dans son plan, supporte d'abord un entablement dont la corniche est cernée d'une galerie en avant-corps, traitée dans le style de l'époque. Huit piliers, disposés trois par trois [Note : L'épaisseur de ces piliers varie, suivant les dimensions des clochers. de 0 m. 35 c. de face, sur 0 m. 60 c. à 0 m. 75 c. environ de profondeur] s'élancent ensuite de cette plate-forme en dessinant sur chaque face une double travée qui est découpée latéralement, un peu au-dessus de la moitié de l'élévation, par des linteaux recevant les pivots des moutons des cloches. Ces piliers ont presque toujours pour couronnement une flèche octogonale dont la base a pour ornement, sur chaque face, un fronton très-aigu percé dans son tympan de jours soit en lancettes, soit en lobes flamboyants. Cette flèche, flanquée de pinacles aux quatre angles, a ses arêtes garnies de tores à, crochets, et ses pans sont percés à jour.

Ce que nous venons de dire sur cette sorte de clocher se réfère à ceux de l'ancien diocèse de Cornouaille. Dans le pays de Léon, ils présentent quelques différences. Elles consistent d'abord en ce que les cintres, qui à l'ouest et à l'est terminent, en manière d'arcades, les vides ou interstices des piliers des clochers de la Cornouaille, n'existent pas le plus souvent dans ceux de Léon, dont les piliers portent directement des linteaux servant de supports à l'entablement supérieur ; ces linteaux sont seulement soulagés par des corbeaux qui s'appuient sur des piliers. Cette disposition plus hardie, mais peut-être moins gracieuse, s'explique par la nature résistante des granits que l'on rencontre dans les carrières de cette partie du département.

Une autre différence consiste en ce que, dans les mêmes clochers, une baie oblongue remplace souvent les frontons aigus qui décorent la base des flèches de ceux de la Cornouaille.

On a pu remarquer, dans la classification chronologique, qu'un certain nombre de clochers de cette catégorie remonte au milieu du XVIème siècle. Les révolutions survenues depuis cette époque dans le style des monuments religieux y ont laissé leur trace, mais par de simples détails d'ornementation. Cette disposition est toujours celle qui domine. Melgven, Ploudiry, Le Conquet, Saint-Hernin, Plouvien et Port-Launay ont vu s'élever, depuis quelques années, plusieurs de ces mêmes clochers dans la manière des XVIIème et XVIIIème siècles. Je dois m'abstenir d'en parler par les mêmes motifs qui m'imposent silence sur les flèches de la cathédrale de Quimper, dont les travaux se sont également accomplis sous ma direction.

Arrêtons-nous maintenant devant quelques-uns de ces monuments qui sont l'objet de cette étude. Je ne prétends pas ici suivre l'ordre de leur importance relative, je me laisse aller un peu au hasard de mes souvenirs. Toutefois, le clocher de Creisker domine tous les autres par une supériorité si frappante que nos premiers regards doivent se porter vers ce chef-d'œuvre de l'architecture bretonne.

La ville de Saint-Pol a été richement dotée en édifices religieux. Elle possède une belle cathédrale ornée du côté de son portail d'entrée par deux flèches, dont l'aspect sévère est en complète harmonie avec une simplicité de lignes qui ne se révèle qu'aux hommes profondément initiés dans la pratique de l'art, et qui produit encore plus d'effet à l'intérieur qu'à l'extérieur de ce vaisseau. Les combinaisons dont il cherche à penétrer le secret, et dont il admire les résultats, sont un sujet d'études plein d'intérêt pour l'architecte qui trouve toujours à apprendre dans cette contemplation de l'œuvre des maîtres. Mais quelque attachantes que soient ses impressions en présence de l'église cathédrale de Saint-Pol, le regard est involontairement distrait et enchaîné par le clocher de Creisker. Je ne pense pas qu'on puisse citer ailleurs une flèche se profilant dans les airs avec plus de hardiesse, de grâce et de légèreté que cette aiguille aérienne qui frappait d'étonnement le maréchal de Vauban, passant à Saint-Pol, lorsqu'il visitait, dans l'année 1671, les fortifications des côtes de la Bretagne et qui lui arrachait cette exclamation de surprise : « C'est le morceau d'architecture le plus hardi que j'aie vu ».

Le sommet de cette flèche s'élève à une hauteur de 79 m. 30 c. C'est un peu moins que ne lui en donne M. Pol de Courcy, qui le porte à 90 mètres dans une notice sur Saint-Pol ; mais c'est assez encore pour l'honneur d'un monument dont les habitants de Saint-Pol sont si justement fiers.

M. Mérimée, dans ses Notes d'un voyage dans l'Ouest de la France, parlant de la tour de Creisker, y reconnaît dans les moulures perpendiculaires qui règnent sous les baies de la tour une imitation du style anglais. Cette remarque se concilie très-bien avec la tradition vague qui attribue cet ouvrage à un architecte britannique et avec les évènements de l'histoire contemporaine. Les longues guerres de la succession de Bretagne divisaient ce pays en deux camps. L'un des partis avait pour soutien l'alliance anglaise. Les relations avec la Grande-Bretagne se maintinrent encore après le triomphe du duc Jean IV, redevable de ses succès au secours de l'Angleterre. On conçoit très-facilement les emprunts qu'en de telles circonstances notre pays put faire à l'architecture des Anglais. L'art, d'ailleurs, sait franchir les limites que les dissidences politiques ou les préjugés de race tracent entre les peuples. Nous en avons un exemple dans les constructions qu'a réalisées dans l'Angleterre un habile architecte français, M. Pugin. Et, de son côté, la Bretagne ne doit-elle pas son nom, sa popution et sa foi aux anciens habitants de l'île ? Les premiers apôtres de cette pointe de l'Armorique ne furent-ils pas des missionnaires du pays de Galles ? Ce sont des souvenirs de fraternité chers à ces deux familles de la même race. Pourquoi faut-il que l'espoir que nous avions conçu de recevoir et de fêter, dans ce Congrès les nobles représentants de l'archéologie galloise n'ait pu se réaliser ?

J'ai payé mon tribut d'admiration au clocher du Creisker ; personne n'est plus pénétré que moi du mérite de cet ouvrage, mais la perfection absolue n'est pas du domaine de l'humanité. Qu'on me permette donc de faire mes réserves sur quelques détails. Je commencerai par ces croisements de meneaux dont les évidements carrés forment l'ornementation de la partie inférieure de la tour. Cet emprunt au style que les Anglais nomment perpendiculaire ne me semble pas des plus heureux. N'est-ce pas, en effet, un contre-sens de placer des vides répétés dans le soubassement d'une construction dont l'extrême hauteur rend la charge si pesante ? Il résulte encore de là que les massifs des deux longues baies supérieures tombent en porte à faux sur une décoration évidée en forme de grille ayant quatre rangs de barres divisées par des meneaux et mesurant une surface de 13 m. 44 c. C'est un tour de force, voilà tout ce que j'en puis dire.

Je hasarderai encore une autre observation sur les clochetons qui accompagnent la flèche principale. Ce n'est pas tout qu'une construction soit solide, il faut encore, pour qu'elle soit établie suivant les règles de l'art, qu'elle offre dans sa perspective les conditions apparentes d'une telle structure, afin d'écarter de l'imagination toute idée d'instabilité, c'est-à-dire, il faut que l'œil satisfait puisse faire reposer l'esprit. Or, ces pyramides secondaires, qui s'élèvent à une hauteur de 14 m. 20 c. reposent chacune sur huit piliers qui n'ont que 0 m. 20 c. de côtés, et sur ces huit piliers, cinq ont pour seul appui l'encorbellement formé par la corniche au sommet de la tour quadrangulaire. Cette disposition a pour effet de rendre un peu trop maigre la flèche principale, lorsqu'on la considère en ligne diagonale, parce que chaque clocheton apparaît trop détaché. Pour diminuer le balancement de ces clochetons, et surtout l'action de ce mouvement sur la corniche qui leur sert d'assiette, le maître de l'oeuvre a été conduit à les relier à la flèche principale par des pierres en linteau destinées à les maintenir. Ces amarres sont une nécessité du système suivi dans la construction ; mais elles n'en sont pas pour cela d'un effet plus gracieux. Que l'habile antiquaire, dont la sollicitude s'exerce avec tant de zèle sur les monuments de ce pays et qui a si utilement travaillé à arrêter les dégradations du vandalisme, me pardonne ces réflexions bien étrangères à toute pensée de dénigrement. En signalant ces deux points dans lesquels l'œuvre laisse à désirer, je ne fais que rendre les impressions que j'ai ressenties chaque fois que j'ai visité ce monument, aussi magnifique par l'élégance de ces lignes que par la hardiesse de sa conception. Cette hardiesse est précisément l'objet d'un reproche de M. Mérimée. Il faut, écrit-il, que le raisonnement vienne ici démontrer la solidité, et c'est un grave défaut. Je ne saurais souscrire à la critique du savant inspecteur général des monuments historiques, si ce reproche de hardiesse ne s'adresse qu'aux proportions extraordinaires qui étonnent et émeuvent l'esprit du spectateur ; mais si sa censure a pour objet ces évidements, ces porte à faux, ces déviations des règles communes de la stabilité monumentale, je me suis déja rangé à cet avis par les observations que j'ai émises plus haut. Piganiol de la Force cite le clocher du Creisker comme le plus hardi peut-être, et l'un des plus beaux et des plus élevés qui qui soient en Europe. Suivant Cambry, quoique moins élevé que les clochers d'Anvers et de Malines, il leur est supérieur par son élégance. Le clocher du Creisker est bien le roi de tous les clochers. Honneur te soit rendu, ô le plus beau clocher à jour de notre chère Bretagne !....

Le clocher de l'église, anciennement collégiale et maintenant paroissiale, de Pont-Croix, que j'ai précédemment classé parmi les ouvrages du XVème siècle, s'élève comme celui de Creisker de la partie centrale du transept. La tour qui supporte sa flèche, et dont chaque côté a 7 m. 20 c. de largeur, est lourde et écrasée. Mais cette flèche, qui s'élève à une hauteur presque égale à celle du Creisker (l'une a 32 mètres, l'autre 32 m. 50 c., ce qui, eu égard aux dimensions des bases, établit un angle d'inclinaison à peu près pareil entre les deux pyramides), rachète amplement cette légère différence par la supériorité incontestable des détails. Rien de plus élégant que la frise trilobée et la galerie à triple rang de quatre-feuilles qui décorent la naissance de la plate-forme sur laquelle la flèche prend son point d'appui. Cette flèche, sur ses angles, est garnie de tores relevés par des crochets, et se distingue par des baies, dont les unes sont plus élancées et toutes plus gracieuses dans leur ornementation. Les clochetons, de forme octogonale comme la flèche, s'étagent et se combinent pour la perspective avec les lucarnes qui se dressent sur chaque façade, solidement assis et sans porte à faux. Leur aiguille, très-dégagée, est décorée à sa base par des frontons aigus. L'effet de cet ensemble a été altéré par un accident. La foudre avait renversé environ 6 mètres au sommet de la flèche. On s'occupa, il y environ un demi-siècle, de réparer le désastre. Le goût et l'intelligence des œuvres du moyen âge étaient alors profondément oblitérés. On crut l'avoir restauré convenablement en le terminant par une charpente recouverte en plomb. Grâce au zèle de la Société d'Archéologie du Finistère et aux saines doctrines dont elle s'efforce de répandre les notions, espérons que nos édifices n'apparaîtront plus désormais mutilés par de si déplorables reprises ; mais qu'il nous soit permis, en développant un texte que nous avons prudemment emprunté à M. Violet-Le Duc, de repousser comme une erreur grave l'idée qu'il suffit d'une pratique vulgaire dans l'art de bâtir pour aborder la restauration des anciens monuments, et particulièrement celle de nos vieux clochers.

Je citerai comme exemple ceux d'Elliant, de Scaër, de Ploudaniel, du Folgoët et bien d'autres encore qui, il y a une quarantaine d'années ou au-delà, ont été reconstruits en partie. Eh bien, tous sont tronqués, et ce qui reste de la structure primitive forme un contraste choquant avec ce qui a été rétabli par la seconde main. C'est que ces travaux sont des œuvres d'art ; c'est qu'il ne faut pas uniquement envisager le point que l'on veut compléter, mais qu'il est essentiel de le comparer dans son unité avec l'ensemble dont il est essentiel de relever le plan pour mettre en harmonie les lignes dominantes et tous les détails.

Je reviens au clocher de Pont-Croix. La flèche est la plus légère de toutes celles que je connais, et parmi les moyens mis en usage pour lui donner cette allure si svelte, je citerai particulièrement le peu d'épaisseur des matériaux employés à sa construction, qui a été calculée avec une très-habile précision, pour donner une solidité convenable, sans charger le soubassement d'un poids superflu. Mais lorsque je considère l'art et les soins d'exécution que cette belle flèche annonce, je me demande si c'est la même pensée et la même main qui en ont élevé la base ; j'ai peine à le croire, d'autant plus que ce soubassement n'est qu'un assemblage de pierres de mauvaise qualité posées avec de l'argile. Il s'y était manifesté un mouvement très-sensible. On en a arrêté les progrès par des travaux de consolidation qui pourront conserver jusqu'à un âge plus reculé ce bel œuvre que nous ont légué nos pères.

Le clocher de Landivisiau forme un avant-corps détaché qui ne se relie à l'église que par un seul côté ; sa hauteur est de 54m. 50 c. et sa base qui est de 4 m. 92 c. hors d'œuvre, repose sur des murs de 0 m. 96 c. d'épaisseur, dont les deux latéraux sont ouverts en arcades de 1 m. 55 c. de largeur. Les baies sont toutes en plein cintre, si j'en excepte quelques-unes carrées, à la naissance des flèches et dans les bases des clochetons. Cette tour a des contreforts dont les faces sont ornées d'encadrements ou panneaux. C'est bien le plus élégant clocher que l'époque de la Renaissance ait vu construire dans le Finistère, celui où les formes de cette époque de transition aient été le plus ingénieusement employées.

Le clocher de Goulven a aussi son importance parmi ceux en très-grand nombre que possède l'ancien diocèse du Léon. Il s'ouvre également en avant-corps au sud de l'église, pour former un porche par une arcade dont le cintre a pour appui de chaque côté une colonne corinthienne. Au-dessus de l'ordre inférieur règne un ordre composite dont l'entablement soutient une galerie autrefois utilisée pour certaines annonces qui étaient autrefois adressées aux habitants à l'issue des offices. La hauteur de ce clocher est de 59 mètres. Par sa disposition, il rappelle beaucoup celui de Landivisiau, dont il n'a pas toutefois la légèreté ; mais son porche est une imitation de celui de Pleyben, dont nous allons parler maintenant.

Ce clocher, dont nous avons déjà indiqué les dates 1584 et 1591, a 46 mètres de hauteur, et il est le plus élevé des trois constructions culminantes qui décorent l'église de Pleyben ; du XVème au XVIIème siècle, le goût et la rivalité des paroisses dans ce genre de luxe n'avaient d'autres mesures que celles de leurs resssources. L'avant-corps ou porche qu'il dessine au sud de l'église se termine par un dôme ou lanterne, dont le sommet central forme une seconde lanterne qui tient ici la place que les flèches occupent ordinairement. Les clochetons dont elle est flanquée affectent pareillement la forme d'une lanterne. Le massif de cette tour n'a pas malheureusement été fait avec assez de solidité. Les pierres n'ont été posées qu'avec de l'argile, et un couloir central le découpe sans nécessité en deux parties, ce qui diminue beaucoup la force. Tandis que les infiltrations d'eau facilitées par l'emploi de l'argile aggravaient les inconvénients de ce vice de construction, la vibration des cloches qu'on avait eu l'imprudence de placer sous le dôme, au lieu de les asseoir plus bas, est devenue une cause de péril. Il s'est produit dans les murs un mouvement et un bombement auxquels il est impossible de remédier complètement, sans reconstruire à neuf. Mais par des travaux exécutés en 1848, nous croyons avoir suffisamment comprimé les écarts de la maçonnerie et arrêté l'ébranlement pour conserver encore longtemps l'un des plus riches clochers de l'époque de la Renaissance que nous puissions citer dans ce département. Les deux autres clochers sont un peu plus anciens. Ils s'élèvent sur le pignon occidental dont le plus important couronne le sommet par sa petite flèche. Le troisième n'en est qu'un appendice c'est la tourelle d'escalier qui, construite à l'extrémité sud du même pignon, sur un plan octogonal, s'amortit également en pointe fort aiguë. Cet escalier communique au clocher qu'il dessert, par une galerie jetée en manière de pont sur deux arcades ogivales. L'agroupement de ces trois clochers dissemblables, vu de la route qui conduit vers Brasparts, produit un effet des plus gracieux.

C'est sur les bords de la mer qui se brise à ses pieds que s'élève le clocher de Lampaul-Ploudalmézeau, à une hauteur de 31 mètres. Sa date, qui est 1629, s'éloigne peu de celle du clocher principal de Pleyben, dont il rappelle beaucoup les dispositions, différentes seulement dans la partie moyenne. Mais cette reproduction n'est pas une copie servile. En se soumettant à faire de ces imitations, nos anciens constructeurs de clochers restaient encore artistes, et ils savaient modifier les proportions du type primitif, de manière à obtenir de meilleurs effets pour les conditions du nouvel emplacement.

En fait de sites, jamais clocher n'est venu animer des points de vue plus pittoresques que ceux qui entourent l'église de l'ancien prieur de Saint-Herbot. Le vallon où elle s'élève est à l'ouest et au nord, abrité des vents par une longue chaîne de montagnes, et égayé par la verdure de ses prairies formant contraste avec l'aridité des cimes que l'on aperçoit au loin sillonnées par la route de Pleyben à Carhaix, route qui vivifie maintenant cet antique asile du silence et de la prière. Le voyageur qui aborde ce lieu en venant de Carhaix ne peut se défendre d'une surprise mêlée d'admiration, lorsque d'un côté il aperçoit à sa droite le ruisseau torrentiel qui alimente la cascade de Saint-Herbot s'échapper des rochers en flots d'écume pour arroser ensuite doucement la vallée, et que son œil rencontre plus loin des bois touffus qui dérobent à la vue les débris du château du Rusquet, dont les belles vasques monolithes attestent la magnificence de ses anciens seigneurs. Il fut bien heureusement inspiré le pieux cénobite qui choisissait cette solitude pour son ermitage, et il semble que cet ensemble poétique des beautés de la nature ait dominé parmi toutes les fondations de nos monastères, car les paysages que présentent les abbayes de Landévennec, de Saint-Maurice de Carnoët et de Sainte-Croix de Quimperlé n'étaient pas moins attachants. Le logis prieurial n'existe plus ; il fut démoli par une bande d'hommes furieux venue pour s'emparer du prêtre qui y faisait sa résidence ; mais le vénérable prieur s'avançait déjà vers l'Espagne, où il devait finir ses jours dans l'exil. Le pays conserve pieusement sa mémoire, et la chapelle de Saint-Herbot garde le calice à son usage, sur lequel se lit encore son nom. On me pardonnera ces détails ; ce sont pour moi de précieux souvenirs de famille ; petit-neveu de l'abbé Le Guillou-Penanros, je ne saurais les écarter de ma pensée en visitant le monument qui les rappelle. Le clocher présente l'inscription suivante : « L'an 1517 fust cest portail consacré et mise ichi ceste pierre ». La tour, qui a 7 m. 80 c. de côté, forme avant-corps sur le pignon occidental et est flanquée sur ses angles d'éperons dont la saillie, qui diminue d'étages en étages, est ornée de niches et de pinacles. La porte qui y donne entrée est jumelée ; elle s'encadre dans une archivolte à plusieurs rangs de feuilles et de rinceaux, dont le sommet ogival est surmonté de cordons dessinant une ogive à contre-courbe [Note : M. Mérimée donne à cette figure le nom d'ogive à contre-courbe ; j'en ai vu souvent sur les tours de cette époque, notamment à Hennebont]. Au-dessus règne une riche galerie et s'ouvre une grande fenêtre évasée. Le deuxième ordre de la tour a pour ornement, sur chaque face, deux baies d'une grande longueur, surmontées d'une décoration quatrilobée, dont les dessins se reproduisent dans la galerie bordant la plate-forme. Cette tour, dont, la hauteur est de 33 mètres, n'a jamais reçu sa flèche en pierre ; on y avait suppléé par une pyramide revêtue de plomb, qui a eu le sort commun de ces sortes d'ouvrages pendant les guerres de la période révolutionnaire, c'est-à-dire que son métal a été employé à faire des balles. Cette suppression, exécutée sans les précautions convenables, avait entraîné des infiltrations dans l'argile resté à découvert, et donné naissance à des arbustes dont la végétation agissait sur la maçonnerie. J'ai dû m'occuper de prévenir de nouveaux mouvements par des travaux de consolidation. La chute de la tour de Saint-Herbot serait une perte bien regrettable ; elle entraînerait de plus la ruine du vaisseau dont les richesses architecturales ne sont pas moindres à l'intérieur qu'a l'extérieur. Au nombre de ces richesses, il faut classer les sculptures en bois dont l'art de la Renaissance a décoré le choeur et le jubé. M. Mérimée les cite dans ses Notes d'un voyage dans l'Ouest de la France comme des merveilles d'élégance et de bon goût. L'ornementation intérieure du porche, les fenêtres, les verrières et le tombeau sculpté, où se voit l'image du saint, méritent d'être cités [Note : Je ne proposerais pas de parler du saint, parce que Lobineau et Albert Le Grand n'en ont rien dit, et que son histoire est bien peu connue].

Les clochers des églises de Saint-Trémeur et de Plouguer, dans la ville de Carhaix, présentent dans leur disposition d'ensemble une grande affinité avec celui de Saint-Herbot. Cependant la diversité des détails donne à chacun d'eux une physionomie particulière, mais ils demeurent bien au-dessous de l'élégance de leur modèle dont l'encadrement dans les lignes du paysage de la vallée de Saint-Herbot relève si avantageusement la noble ordonnance.

L'église de Ploaré, dont la circonscription paroissiale embrasse la ville de Douarnenez, occupe la cime d'une montagne qui domine ce petit port et s'annonce au loin par son clocher haut de 51 m. 50 c. et large de 7 mètres. La tour se distingue par la richesse de son ornementation et par la multiplicité de ses galeries. La flèche, quoique bien éloignée de la légèreté et de la pureté de style de celle de Pont-Croix, complète avec beaucoup d'effet l'ensemble de ce clocher. Ici l'artiste s'est livré à un bizarre caprice. Les clochetons reposent en encorbellement sur des têtes humaines d'énorme dimension. Si ce clocher ne se place pas au premier rang des monuments de ce genre, il doit au moins être placé parmi les plus importants de ceux qui appartiennent au XVIIème siècle.

Non loin de Douarnenez et au fond de la baie de ce nom existe une petite et pauvre agglomération à laquelle s'attache encore le titre de ville en souvenir d'une prospérité aujourd'hui complètement éclipsée : c'est Locronan. Son église est considérable parmi nos monuments religieux, et sa tour, ouvrage du XVème siècle, était digne de l'édifice lorsque sa masse, large de 9 m. 30 c. et haute de 30 m. 50 c., apparaissait surmontée de la flèche qui en complétait l'élévation. Mais cette pyramide n'existe plus. Vers 1806, un coup de tonnerre y ouvrit une brèche. Ce dommage était-il facilement réparable ? C'est une question sur laquelle nous ne saurions aujourd'hui nous faire un avis. Mais ce qui est évident, c'est que, puisque l'on se décidait à enlever les débris de cette flèche, il fallait dresser des échafaudages et procéder à cette démolition pierre par pierre, de manière que les matériaux pussent servir à une reconstruction. Au lieu de prendre ces soins, on jeta des grapins de navire sur le sommet de la pyramide fendue, et la population fut appelée à tirer sur les cordes, qui se rompirent plusieurs fois, afin d'arracher à grands efforts la partie supérieure du monument. On y réussit enfin, mais ce système de destruction barbare eut les tristes effets que l'on devait attendre. Des blocs détachés de la masse, après avoir enfoncé les toitures, renversèrent dans leur chute certaines parties de la voûte en pierre du vaisseau, et ce n'est que par miracle que le tombeau si bien sculpté de Saint Renan et l'ensemble de l'édifice, échappèrent aux excès de ce vandalisme de l'ignorance.

Ce fait, qui s'accomplissait il y a un plusieurs années sans qu'aucune réclamation se fit entendre, est un bien triste témoignage de l'oubli des vieilles traditions de l'art et des profondes ténèbres qui voilaient, à cette époque de mutilation, le prix inestimable de tant de monuments dont nous déplorons la perte. Grâce à Dieu ! la lumière s'est faite, et mille voix s'élèveraient aujourd'hui pour dénoncer et flétrir de si malheureuses aberrations. Mais comment la génération nouvelle a-t-elle appris à comprendre la valeur artistique de ces œuvres du génie national et a-t-elle secoué cette admiration exclusive pour les monuments grecs et romains qui ne laissaient place qu'au mépris pour les conceptions du moyen-âge ? Qui nous a arraché à cet aveugle dénigrement si souvent complice des dévastations méditées par l'impiété ? Nous le devons aux hommes dévoués qui se sont patiemment mis à l'étude pour recueillir les notions de la science monumentale, et aux disciples qui se sont fait un devoir de la propager en enseignements. C'est le triomphe de l'archéologie qui a vu accourir sous ses bannières, dans chaque pays, l'élite des citoyens jaloux de faire revivre les traditions de son histoire locale et d'assurer la conservation de ses monuments. Cette tâche, l'Association bretonne l'a dignement accomplie dans vos départements, avec l'aide de nos Sociétés d'Archéologie dont elle est le centre. Ce n'était pas assez que le sentiment des arts du moyen-âge eût son réveil, il fallait que le retour à ces voies oubliées fût éclairé et dirigé par ces guides dont l'architecte des édifices religieux est toujours heureux de rencontrer les avis et le concours (M. Bigot, architecte diocésain).

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