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PRÊTRES RÉFRACTAIRES ET ASSERMENTÉS
** ÉVÊCHÉ DE LÉON **

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Les populations du Léon furent tellement attachées aux principes de l'Église catholique et à leurs prêtres fidèles ; elles furent tellement hostiles aux prêtres assermentés et intrus, qu'elles s'insurgèrent presque partout pour essayer de conserver les premiers (prêtres fidèles ou réfractaires) et de repousser les seconds.

Cette résistance énergique, commencée à la fin de 1790, remplit toute l'année 1791 et les premiers mois de 1792 : il ne fallut rien moins que la force armée pour la réduire. Comprimée en 1793, elle se manifesta encore dans quelques paroisses, comme pour affirmer que si la violence l'empêchait de se montrer ailleurs, elle n'en était pas moins vivante dans le pays, pareille à un vigoureux ressort qui, pressé par une main puissante, s'efforce toujours de se détendre...

D'un autre côté, les prêtres du diocèse de Léon repoussent héroïquement la Constitution civile du clergé : ils entretiennent comme ils le devaient, le peuple fidèle dans les mêmes sentiments. Mis en demeure de prêter le serment, ils le refusent, pour la plupart ; plutôt que de souiller leur conscience par un acte condamné par l'Église romaine, ils se laissent chasser de leurs paroisses et persécuter de toute façon. On les menace de la prison, de l'exil, de la mort même : peu leur importe ; comme et avec leurs frères de Quimper, ils répondent : Plutôt mourir !

Aussi, les avons-nous vu conduire dans les mêmes prisons et prendre ensemble le chemin de la terre étrangère.

Comme dans le diocèse de Quimper, un certain nombre d'entre eux reste dans le pays, pour ne pas abandonner totalement les fidèles ; on sait ce qu'ils eurent à souffrir dans cette périlleuse situation. On arrête les catholiques dévoués qui osent les recueillir dans leurs maisons ; on les jette comme eux dans les cachots, on les déporte, on les fait même payer de leur tête l'hospitalité qu'ils donnent aux ministres proscrits de la religion.

Nous ne pouvons, dans le cadre resserré qui nous reste, retracer toutes les scènes multipliées du drame lugubre qui, ouvert sous l'Assemblée nationale, se développe peu-à-peu sous l'Assemblée constituante, atteint son paroxysme sous la Terreur, pour se continuer, moins brutalement, sous le Directoire, et se terminer sous le Consulat.

Aussi bien, il nous faudrait tomber dans des redites fastidieuses qui n'entrent pas dans le plan de notre étude destiné, moins à accumuler les détails, qu'à accentuer les lignes principales de l'histoire de la persécution religieuse dans notre pays.

A la fin de l'année 1790, on exigea dans le département le serment des recteurs, curés et autres prêtres fonctionnaires publics.

A partir de ce moment la lutte que l'on a vu soutenir vaillamment par les prêtres du diocèse de Quimper fut partagée avec une égale énergie par le clergé de l'Evêché de Léon. Il n'y eut tout d'abord, on s'en souvient, que dix-sept prêtres à prêter le serment, parmi lesquels cinq recteurs sur quatre-vingts que l'on y comptait. C'étaient les recteurs de Tréouergat, Kernilis, Saint-Thonan, La Forêt et Brouennou. On doit même dire, à la décharge du recteur de Brouennou, qu'il était, vu son âge très-avancé, tombé presque dans l'idiotisme. Le recteur de La Forêt, tout en prêtant le serment, y avait mis des restrictions.

Plus tard, cependant quelques autres prêtres qui avaient résisté au commencement, soutenus par la présence et les exhortations de leur évêque, se laissèrent entraîner dans le schisme.

 

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M. Floc'h, recteur de Saint-Louis de Brest, sommé d'admettre la Constitution civile du clergé et de prêter le serment, s'y refusa avec énergie : expulsé de sa paroisse, il émigra en Angleterre. M. Laligne, son premier vicaire, ne suivit pas le bon exemple de M. Floc'h : il prêta le serment et fut nommé, pour prix de sa faiblesse, recteur de Saint-Louis. L'exemple de M. Laligne entraîna dans le schisme un de ses confrères. Quant aux deux autres, MM. Bernicot et Kermarec, ils repoussèrent le serment avec horreur. Sept aumôniers de la marine, sommés de prêter le serment, le refusèrent et furent chassés de leur poste.

Monseigneur de la Marche, informé de l'intention où était M. Laligne de prêter le serment, lui avait écrit, le 5 Janvier 1791, une lettre pressante, le conjurant de renoncer à son projet. Le vicaire de Saint-Louis publia cette lettre avec sa réponse qui était une défense sophistique de la Constitution civile du clergé.

Membre du Directoire du district de Brest, il fut un des commissaires qui, sur le refus de ceux de Morlaix, allèrent à Saint-Pol signifier à Monseigneur de la Marche la suppression de son siège et l'ordre de le quitter. Il fallait que ce prêtre n'eut plus de cœur, pour accepter une pareille mission auprès de son évêque. Un enfant n'accepte pas de chasser son père de sa maison !

M. Delarue, recteur de Recouvrance, marcha sur les traces de son collègue de Saint-Louis ; il refusa énergiquement le serment, ainsi que ses vicaires, MM. Richaux et Gourmelen : ils furent dénoncés, tous les trois, le 31 Janvier 1791, par la municipalité, pour avoir voulu expulser de l'église un prêtre habitué de la paroisse, qui avait donné dans le schisme.

Si les partisans de la Constitution civile du clergé purent faire à Brest quelques recrues parmi les mombreux ecclésiastiques qui habitaient cette ville, elles ne furent pas relativement considérables. Voici ce qu'écrivait, à ce sujet, la municipalité de cette ville au Directoire du département, le 30 Janvier 1791 :

« Le conseil général de la commune est assemblé en ce moment à l'effet de se rendre aux deux paroisses pour la prestation du serment des ecclésiastiques. Nous regrettons de ne pas pouvoir vous annoncer un grand nombre de déclarations de la part des prêtres affectés au service de ces paroisses ».

 

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Le 17 Février 1791, M. Jestin, recteur de Plabennec, fut arrêté la nuit dans son presbytère et renfermé au Petit-Couvent de Brest, sous l'accusation d'avoir prononcé en chaire des paroles propres à agiter les populations et d'avoir provoqué la délibération par laquelle le conseil municipal de cette commune avait protesté, le 30 Janvier 1791, contre la Constitution civile du clergé.

Cette arrestation ne put se faire sans l'emploi de la force armée. Le mémoire de frais de l'huissier Roffin, chargé de l'opérer, fut taxé à la somme de 94 fr. 50 c.

M. Jestin jouissait de l'estime et de l'affection de ses paroissiens, dont il était digne par ses vertus et les qualités de son cœur. Aussi, son arrestation et sa détention leur causèrent-elles un profond chagrin : elles servirent à augmenter les bons sentiments qu'ils avaient pour lui ; on le vit, quand on parla d'installer à sa place un recteur assermenté. Le conseil général de la commune, sollicité de procéder à cette installation, répondit que, vu les dispositions des habitants pour le pasteur légitime, la chose était impossible, à moins que celui-ci ne donnât préalablement sa démission.

C'est en vain que fon essaya de changer leurs sentiments. C'est en vain que le recteur constitutionnel lui-même voulut se rendre agréable : ces braves gens répondaient : « Nous voulons M. Jestin et pas d'autre ».

On fut obligé d'annoncer que l'installation aurait lieu envers et contre tout, le dimanche 1er Février, dut-on avoir recours aux armes. On avait espéré par cette menace intimider les opposants : on s'était trompé. On ne réduit pas aussi aisément les fils de ces Celtes que l'on a pu appeler une race de fer : gens ferrea.

Au jour marqué pour la cérémonie sacrilège, les commissaires délégués, accompagnés d'un piquet de dragons formant en tout soixante personnes, arrivent au bourg de Plabennec. Aucune autorité locale ne se présente pour les recevoir. Ils se rendent à l'église paroissiale ; déjà l'autel est occupé par un prêtre non assermenté qui officie, en présence d'une trentaine d'hommes bien déterminés. A la vue de la force armée, ceux-ci se précipitent autour de l'autel qu'ils entourent comme d'une muraille impénétrable, afin de protéger l'officiant et de lui permettre d'achever le divin sacrifice.

Devant cette résistance, les commissaires n'osèrent pas aller plus loin : l'installation de l'intrus fut suspendue. Ils destituèrent seulement, ce jour-là, les officiers municipaux qu'ils parvinrent, à grand'peine, à remplacer par quelques notables de la commune, auxquels ils firent souscrire l'engagement d'introniser, le dimanche suivant, le recteur jureur.

Mais à peine la commission était-elle partie, que la municipalité provisoire qu'elle avait improvisée se repentit de ce qu'elle avait promis : elle rétracta, le lendemain, son engagement.

Cette démarche et le bruit que la commune de Plabennec était en pleine insurrection irritèrent les commissaires délégués par la ville de Brest, au point qu'ils demandèrent et obtinrent l'envoi contre la commune insurgée d'une troupe considérable : elle était composée de cent marins, cent soldats de la garnison, deux cents gardes nationaux et cinquante canonniers conduisant deux pièces de canon.

Le 18 Mai 1791, cette troupe se mit en marche, à quatre heures du matin ; à son arrivée au bourg de Plabennec, elle y trouva un grand rassemblement de paysans qui, pour empêcher le passage de l'artillerie, avaient rompu un ponceau. Quelques coups de canon tirés à grande volée les intimidèrent. Alors plusieurs commissaires du district s'avancèrent pour parlementer. Après quelques pourparlers, voyant que désormais la résistance était inutile et devenait périlleuse, les paysans déposèrent les armes.

La municipalité Brestoise, qui avait fait cette campagne à main armée, contre l'avis du district, en fut blâmée, le 18 Mai 1791, par le Directoire du département et sommée d'expliquer, au plus tôt, les motifs de sa conduite.

Le 3 Juin, la municipalité, n'ayant pas répondu, reçut la lettre suivante :

« Messieurs, le roi, par le courrier de ce jour, vient de nous demander compte de l'affaire qui vous divise avec le Directoire du district de Brest, des circonstances qui l'ont précédée et suivie, et cela dans le plus bref délai, avec notre avis. Comme nous ne sommes saisis, que des pièces du. District, je suis chargé de vous inviter à nous faire passer par le prochain courrier les observations au soutien de votre démarche ».

A la réception de cette lettre, le conseil général de la commune de Brest finit par s'exécuter, en adressant au Département un mémoire très-détaillé. Celui-ci l'adressa au Ministre de l'intérieur avec ses conclusions dans lesquelles l'excès de zèle de la municipalité était blâmée.

Comme le district n'en demandait pas davantage, il fit, dès ce moment, la paix avec elle, pour persécuter ensemble le clergé fidèle et comprimer les populations qui lui restaient, malgré tout, attachées.

Ils trouvèrent occasion d'exercer leur zèle, quand il s'agit d'installer dans les diverses paroisses les intrus nommés pour remplacer les recteurs qui avaient refusé le serment, notamment dans les paroisses de Plouguerneau, Saint-Renan, Plouzané, etc.

La paroisse de Plouguerneau dirigée, à cette époque, par Monsieur de Poulpiquet, mort plus tard évêque de Quimper, montra, avec son clergé, un attachement à l'Église que l'on doit signaler, pour l'édification des générations actuelles et l'honneur de cette pieuse population.

Les documents que nous citons, à l'appui de ce que nous disons, sont écrits tout entiers de la main du vaillant abbé de Poulpiquet ; nous les reproduisons textuellement.

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EXTRAIT DES REGISTRES DE LA MUNICIPALITÉ DE PLOUGUERNEAU, DIOCÈSE DE LÉON, DISTRICT DE LESNEVEN, DÉPARTEMENT DU FINISTÈRE.

« Ce jour de dimanche, trentième de Janvier, mil huit cent quatre-vingt-onze, à l'heure de midi.

Assemblée de la municipalité et du conseil général de la commune de la paroisse de Plouguerneau, présidée par Jean-René Abjean, maire ; présent le sieur Corroller, procureur de la commune.

En l'endroit s'est présenté le sieur recteur, accompagné de tout le clergé de sa paroisse, et a demandé à faire des observations sur le décret de l'Assemblée nationale, du 27 Novembre 1190, à lui notifié par le sieur maire, relatif au serment à prêter par les évêques, ci-devant archevêques et autres ecclésiastiques fonctionnaires publics ; sur quoi la municipalité lui ayant témoigné le désir de l'entendre, le sieur recteur a dit ce qui suit, tant en son nom qu'au nom de son clergé :

« La démarche que nous faisons auprès de vous, nos très-chers paroissiens, n'est pas l'effet de la détermination du moment, qui dicte souvent des volontés incertaines et des résolutions précipitées ; c'est le fruit des plus sérieuses réflexions sur nos devoirs les plus sacrés. Ne nous aurez-vous pas même accusés d'avoir trop accordé aux considérations d'une prudence humaine, et de ne nous être pas plutôt montrés à vous dans tout l'abandon d'un saint zèle et d'un courage évangélique ?

Nous ne vivons plus, nos chers paroissiens, que pour la douleur. Chaque jour, chaque heure nous en apporte une nouvelle ; en nous apprenant les périls de l'Église de France, les atteintes portées par l'Assemblée nationale à la religion d'un Dieu, dont nous avons l'honneur d'être les ministres.

Assez longtemps nous avons dévoré nos larmes, assez longtemps nous avons pleuré dans le secret de nos maisons ; maintenant, nous venons pleurer au milieu de vous. Que nos larmes coulent désormais toutes dans vos cœurs ! 0 nos très-chers parossiens, si les vôtres viennent à se mêler à celles que nous ne cessons de répandre devant le Seigneur pour désarmer sa colère, nous releverons de la poussière nos fronts abattus, et notre tristesse se changera en une abondante joie, à la vue de ces précieuses larmes, qui attesteraient le plus tendre attachement à la religion de vos pères.

Des décrets de l'Assemblée nationale nous ordonnent de prêter le serment d'être fidèles à la constitution décretée par elle et sanctionnée par le Roi, relativement à l'organisation, dite civile, du clergé ; ils nous prescrivent de prononcer ce serment à la face des saints autels et dans l'assemblée du peuple, sous peine d'être privés de notre traitement et d'être déchus du gouvernement des âmes. Notre serment, nos très-chers paroissiens, le voici : « C'est de renoncer à un traitement qui ne peut être que le salaire du crime. Nous ne vendrons pas aux promesses des nouveaux Césars nos âmes, le prix du sang d'un Dieu, mais nous vous déclarons, pour le salut des vôtres, que nous ne pouvons cesser d'être vos pasteurs et vos conducteurs dans la foi, en vertu des décrets d'une Assemblée purement politique. Que serait devenue la primitive Église, si la désobéissance aux volontés des empereurs avait suffi pour faire disparaître les pasteurs auxquels Jésus-Christ avait confié les intérêts de sa religion, pour ôter et suspendre l'exercice de la juridiction spirituelle ? Nous vous répéterons ce que nous vous avons déjà enseigné dans la chaire de vérité, qu'il n'appartient qu'à l'Église d'établir les règles de sa discipline et de les modifier, suivant les divers intérêts des différents peuples ; que tout pasteur qui ne vous serait pas donné par votre seul et légitime évêque, l'évêque de Léon, ne serait qu'un intrus, un loup dans le bercail ; qu'aucun pasteur ne peut être privé de la juridiction que Dieu lui a donnée sur les âmes, que par sa démission volontaire et acceptée, ou par le jugement de ses supérieurs ecclésiastiques ».

« Nous ne vous parlerons pas de la spoliation du clergé décrétée par la même Assemblée, dite nationale. N'aurions-nous pas à craindre qu'au moment même où le refus du serment exigé nous fait renoncer à tout intérêt temporel, vous ne vinssiez à soupçonner que nos réclamations sont dictées par les regrets de nos jouissances personnelles ? Nous nous bornerons à vous manifester le désir le plus sincère de faire le sacrifice de toutes nos fortunes à la chose publique. Que les individus actuels du clergé de France soient privés, s'il le faut, de l'usufruit de leurs bénéfices, pour alléger le poids immense d'impôts qui menace le peuple ; mais nous ne pouvons étendre plus loin nos vœux et nos sacrifices sans devenir coupables. Nous demandons que les biens de l'Église soient rendus à nos successeurs. Ce ne sont point des propriétés dont nous puissions disposer à notre gré, mais ce sont de saintes institutions que nous devons à la piété de nos pères, et dont il ne nous est pas permis ni d'interrompre, ni de détourner le cours.

O nos chers paroissiens, de quel pesant fardeau nos cœurs se trouvent déjà soulagés : nous avons fait notre devoir. Notre conscience nous en rend le doux et consolant témoignage : maintenant nous nous croyons dignes de déposer dans vos mains notre profession de foi. Recevez-la pour être la règle de votre conduite et de votre croyance dans ces temps difficiles, et comme un témoignage du dévouement de vrais pasteurs qui ne craignent pas de donner leur vie pour leurs ouailles.

Nous soussignés recteur, curés et prêtres de la paroisse de Plouguerneau, pleins de confiance dans la bonté et la miséricorde de Jésus-Christ, notre Sauveur, déclarons que la crainte de nous voir privés de notre traitement, que l'aspect même des dangers dont nous environne la force publique ne nous arrachera jamais un serment que la religion catholique, apostolique et romaine nous défend de prononcer. Plutôt endurer des tourments de toute espèce que de renoncer à la foi, et ce serait y renoncer que de jurer le maintien d'une constitution qui en renverse les premiers fondements.

Il est de foi qu'à seule, c'est-à-dire au Souverain Pontife, et aux Évêques, sous son autorité, appartient le gouvernement de l'Église.

Il est de foi qu'à l'Église seule a été confiée la puissance des clefs, qu'à elle seule, et non à une assemblée politique, il a été dit : « Ce que vous aurez lié sur la terre sera lié dans le ciel ; ce que vous aurez délié sur la terre sera délié dans le ciel ».

Il est de foi que l'Église seule peut étendre ou restreindre les bornes de la juridiction spirituelle.

Il est de foi qu'aucun pasteur ne peut tenir sa mission que de l'Église.

Il est de foi que les évêques seuls sont juges de tout ce qui concerne la foi, les mœurs et la discipline dans leurs diocèses, que par conséquent les pasteurs du second ordre ne peuvent dicter des décrets sur ces matières, et que leurs fonctions se bornent à donner aux peuples qui leur sont confiés l'exemple de la soumission la plus entière à tous ceux qui émanent du corps des premiers pasteurs.

Tous ces principes sont ou méconnus ou attaqués par les différents décrets qui composent la Constitution civile du clergé : nous trahirions donc notre conscience, nous deviendrions donc des apostats de la foi en souscrivant au renversement de ces vérités catholiques.

Non, les paroles de notre vertueux évêque de Léon, dans sa circulaire du 28 Juillet 1790, de ce prélat digne des plus beaux jours de l'Église et que nous regardons toujours comme notre seul et légitime évêque, ne cesseront de retentir au fond de nos cœurs : Nous espérons de la grâce de Dieu de demeurer fidèle jusqu'à la mort et de sceller, s'il le faut, de notre sang le refus du serment exigé.

Signé : de Poulpiquet, recteur de Plouguerneau, ch. de Léon, licencié en théologie dans la faculté de Paris, de la maison et société de Sorbonne, vicaire général du diocèse ; J. Botorel, curé ; G. Roudaut, curé ; F. Bleunven, curé ; J. Baliou, prêtre ; G. Appamon, prêtre ; Le Goff, prêtre.

La municipalité, ouïes les observations ci-dessus faites et signées par le sieur recteur et son clergé, a arrêté que, s'en tenant aux décrets précédents de l'Assemblée nationale, qui déclarent la liberté de toutes les opinions religieuses dans l'empire français, elle n'exigera pas du clergé de la paroisse le serment prescrit par le décret du 27 Novembre 1790, et que inviolablement attachée aux principes de la religion catholique, apostolique et romaine, qu'elle a toujours professés et qu'on vient de lui rappeler, elle refuse d'adhérer à la Constitution dite civile du clergé jusqu'à ce qu'elle soit revêtue du consentement de l'église de France et de l'approbation du Saint-Siége, ordonne que lecture sera faite de la présente délibération au prône de la grand'messe, mercredi prochain 2 Février, jour de la Purification, afin qu'elle puisse être réputée l'expression de la volonté générale de la commune, si lors de la lecture qui en sera faite elle n'éprouve pas la contradiction de la majeure partie des citoyens de la paroisse.

Signé : Jean-René Abjean, maire ; Coroller, procureur de la commune ; Gabriel Saleun ; François Le Roy ; Jean Roudeault ; Yves Le Guével ; Louis Foricher ; Jean Le Loaec ; Yves Roudeault ; Yves Paul ; Yves Laot ; Michel Bergot ; Gabriel Abyven ; Hervé Labat ; Jean Roudeault ; Yves Roudeault ; Claude Guiavarch ; François Labat ; Goulven, Nicolas ; François Boucher ; Michel Landuré ; Jean Queffurus ; Joseph Simier ; François Le Jeune ; Pierre-Marie Mingant ; Michel Bergot, de Ranorgat, a déclaré ne savoir signer, et a présenté pour signer pour lui Goulven Le Verge, de Crouquérou, en Tréménech : Goulven Le Verge, de Crouquérou, pour Michel Bergot, de Ranorgat.

Lecture faite le mercredi, au prône de la grand'-messe, du discours du clergé de la paroisse, de sa profession de foi, de la délibération de la municipalité ; elle fut souvent interrompue par les applaudissements, les larmes et les sanglots des paroissiens ».

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« Le District de Lesneven s'occupa, le 10 Avril, du remplacement des recteurs non assermentés. La municipalité de Plouguerneau n'est pas plutôt informée de la convocation des électeurs qu'elle mande au lieu de ses délibérations ceux de la commune, qui étaient au nombre de cinq. Elle leur défend de concourir à l'élection d'un nouveau recteur, leur déclarant que n'ayant été choisis par la commune que pour la confection du Département et du District, ils étaient sans pouvoir pour l'objet de la convocation faite par le District. Malgré l'absence des électeurs de cette paroisse, on lui donne un pasteur constitutionnel, c'est le sieur Le Gall, curé de Plounévet. Un mois est à peine écoulé, qu'il écrit à la municipalité pour la prévenir qu'il se rendra le dimanche 11 Mai dans la paroisse, pour y dire la grand'-messe et prêter le serment prescrit par la Constitution civile du clergé. La municipalité s'assemble, à la réception de cette lettre, et lui répond par la délibération suivante :

 La municipalité de Plouguerneau, assemblée aux fins d'une invitation faite par le sieur Le Gall, par sa lettre du 10 Mai 1791, d'assister à la prestation de son serment; considérant que cette cérémonie pourrait être regardée comme un acte de prise de possession de la cure, et que par conséquent la municipalité serait censée y avoir concouru par sa présence, elle a reconnu n'être pas autorisée par ses commettants à cette démarche, a arrêté de convoquer incessamment la commune, pour la consulter et lui demander ses instructions dans une circonstance aussi nouvelle qu'imprévue, qu'au surplus copie de la présente délibération sera sur-le-champ envoyée au sieur Le Gall, avec la lettre ci-après :

LETTRE DE LA MUNICIPALITÉ AU SIEUR LE GALL, EN LUI ENVOYANT LA DÉLIBÉRATION CI-DESSUS.

« Nous ne sommes pas autorisés, Monsieur, à faire la démarche à laquelle vous nous invitez. L'Assemblée nationale, lorsqu'elle créa les municipalités, n'oublia pas de leur tracer en même temps le cercle de leurs devoirs. Nous avons lu attentivement les instructions dont elle a éclairé notre berceau, et elles ne nous ont pas révélé que nous fussions destinés à concourir à l'installation de nouveaux pasteurs. Le Corps législatif lui-même, en nous formant, ne soupçonnait pas encore le scandale de leur future existence. Nous n'avons donc pu, Monsieur, ni nous, ni nos commettants, prévoir les nouveaux devoirs dont vous nous parlez aujourd'hui. D'où nous viendrait donc le droit d'assister à la prestation de votre serment, le droit de sanctionner par notre présence cet acte de prise de possession de la paroisse de Plouguerneau ? De l'Assemblée nationale ? Mais l'Assemblée nationale ne peut pas attribuer de nouveaux pouvoirs à des corps administratifs déjà établis, sans provoquer une nouvelle élection des membres qui les composent. Que penser d'une élection où les électeurs auraient ignoré l'objet et la fin de leurs opérations, et les élus les devoirs auxquels les aurait appelés la confiance de leurs concitoyens ? Nous ne pouvons donc rien, Monsieur, sans avoir consulté la commune de cette paroisse ; nous la rassemblerons incessamment, pour qu'elle prenne en considération un objet d'une aussi haute importance.

Nous sommes, Monsieur, etc. : Abjean, maire ; Coroller, procureur de la commune ; etc., etc., ce 12 Mai 4791 ».

« Le sieur Le Gall, inquiet de cette réponse de la municipalité, se transporte en hâte au District pour la lui communiquer : le District casse par un arrêté la débération de la municipalité, et lui enjoint d'installer le constitutionnel ».

ASSEMBLÉE DE LA MUNICIPALITÉ, LE DIMANCHE 15 MAI, A SEPT HEURES DU MATIN, OÙ ON DÉLIBÈRE AINSI QU'IL SUIT :

« La municipalité de la paroisse de Plouguerneau, après avoir pris lecture de l'arrêté du District, du 13, déclare persister dans sa délibération du 12, où elle ne se reconnaît aucun pouvoir pour l'installation d'un pasteur constitutionnel, et arrête la convocation de l'assemblée générale de la commune pour le jeudi 19 Mai, dans la chapelle dite du Val.

Ce dimanche 15 Mai : René Abjean, maire, etc., etc. ».

« Cependant l'intrus, plein de confiance dans l'arrêté qu'il avait obtenu, arrive dans la paroisse le dimanche 15, accompagné de plusieurs membres du District et du club de Lesneven. Les paroissiens s'assemblaient alors pour l'office divin. Ils jettent un cri d'indignation à la vue du faux pasteur. La consternation est générale, les officiers municipaux, mêlés à leurs concitoyens, calment bientôt cette première agitation des esprits, en représentant les conséquences d'une conduite peu mesurée. L'heure de la grand'messe sonne. L'église est déserte ; mais tout s'y trouve préparé pour le sacrifice ; les ornements, le pain à bénir, les cierges, etc. La municipalité avait cru devoir ordonner toutes ces précautions pour éloigner de la commune le plus léger soupçon d'une résistance physique. Le sieur Le Gall sort de l'auberge, où le refus d'être accueilli dans tout autre endroit l'avait forcé de descendre. Il se rend chez le maire : on lui communique la délibération que la municipalité venait de prendre au sujet de l'arrêté du District. Déconcerté de la fermeté qui y régnait et de l'évidence des motifs qui l'avaient dictée, il ne pense plus à dire la messe paroissiale, ou à remplir aucune formalité d'une prise de possession. Il se retira dans son auberge, où il tâcha de se consoler, avec les convives qu'il avait amenés, du mauvais succès de son voyage. Les paroissiens ne manquèrent pas d'observer que ce jour-là il n'avait ni entendu, ni dit la messe.

L'assemblée de la commune a lieu au jour indiqué ; deux membres du District s'y rendent, ils intriguent, ils menacent, mais rien ne peut ébranler ce peuple religieux et fidèle. Il rejette le pasteur constitutionnel : ».

« Assemblée générale de la commune de Plouguerneau, ce jour de jeudi dix-neuvième Mai mil sept cent quatre-vingt-onze. Tous les citoyens actifs de la paroisse de Plouguerneau s'étant assemblés dans la chapelle de Notre-Dame du Val, suivant la convocation faite dimanche dernier, à la requête du conseil général de la commune, ont renommé pour leur doyen le sieur René Le Jean, de Coatquénau, qu'ils ont nommé et proclamé pour leur président ; ensuite ils ont nommé pour leur secrétaire le sieur François Le Jeune, de Porzalez, et pour scrutateurs François Saleun, de Fronariel, Claude Guiavarch, de Hellez, et François Le Roy, de Raninizi. Ensuite, le président a ordonné à l'assemblée d'aller au scrutin, afin de donner leurs voix au sieur Le Gall ou au sieur de Poulpiquet, pour leur pasteur. Chacun a fait son billet sur le bureau, ou l'a fait faire par un des scrutateurs. Du nombre de deux cent quatre-vingt-dix-neuf votants, il s'est trouvé que le scrutin dépouillé, et les billets comptés, ledit sieur de Poulpiquet a eu deux cent quatre-vingt-dix-huit suffrages; qu'en conséquence, ledit sieur Le Gall n'a reçu qu'un suffrage, ainsi l'assemblée se trouvant d'une même voix et considérant que l'exercice de tous les cultes, suite nécessaire de la liberté de toutes les opinions religieuses, est permis dans l'empire français, que le juif et le mahométan, le protestant, le payen a son temple, ses autels, ses ministres, que toutes les sectes étant sous la protection de la loi, aucune ne peut être troublée dans ses pratiques religieuses, déclare que s'appropriant le bienfait de cette tolérance universelle, elle ne reconnaîtra jamais pour son pasteur le sieur Le Gall, qui se présente en vertu d'une élection faite au District de Lesneven, pour prendre possession de la paroisse de Plouguerneau, mais qu'elle demeurera inviolablement attachée à celui que ses opinions religieuses investissent seul de ce caractère, se réserve de plus de dénoncer aux tribunaux, et d'y poursuivre comme perturbateur du repos public le sieur Le Gall, si sous quelque prétexte que ce soit il s'avisait d'inquiéter ou de troubler ledit sieur de Poulpiquet et ses fidèles coopérateurs dans l'exercice de leur ministère. Ordonne que copie de la présente délibération sera envoyée sur-le-champ au sieur Le Gall, pour qu'il ne puisse prétexter cause d'ignorance, avec une lettre explicative des opinions religieuses de la commune.

Fait dans la chapelle du Val, lesdits jour et an, sous les seings de ceux de la commune qui savent signer : Laurent Lainé ; François Le Porz ; Coroller, procureur de la commune ; François Le Roy ; René Le Jeune ; Gabriel Saleun ; Gabriel Guiavarch ; Goulven Le Roy ; Yves Uguen ; Nicolas Roudeault; François Francez ; Hardi Jéséquel ; Toussaint Normand ; Scan ; Yves Roudeault ; Michel Bergot ; Hervé Labat ; Jean Queffurus ; Yves Laot ; Yves Roudeault ; Pierre-Marie Mingant; Michel Landuré ; Jean-René Abjean, maire ; Jean Roudeault ; Guillaume Lillez ; François Le Jeune ; Yves Paul ; Jean Roudeault ; Guillaume Nicolas ; Nicolas Téréné ; Louis Foricher ; Jean Téréné ; Jean Le Loaec ; Joseph Simier ; Pierre Nézou ; J. Saleun ; J.-B. Saleun ; Jean-Marie Saleun ; Fr. Labat ; Yves Bergot ; Fr. Boucher ; Yves Uguen ».

Copie de la lettre ci-dessus annoncée :

« Toutes les opinions religieuses sont libres ; c'est un dogme de la Constitution française [Note : Mais ce n'est pas un dogme de l'Eglise catholique qui a signalé parmi les erreurs du temps moderne la proposition suivante : « Il est libre à chaque homme d'embrasser et de professer la religion qu'il aura réputé vraie d'après les lumières de sa raison » (Voir le Syllabus, paragraphe IIIème)] que vous ne devez pas ignorer, Monsieur, vous qui avez fait le serment de la maintenir. Une conséquence pratique dérive de là : le libre exercice de toutes les religions dans l'étendue de l'empire français. Nos législateurs l'ont adopté, le juif, le protestant, le mahométan a son temple, ses autels, ses ministres. Toutes les sectes sont sous la protection de la loi, et aucune ne peut être inquiétée dans les différentes pratiques de son culte. Vos droits, Monsieur, pour diriger nos rites sacrés ne pourraient donc venir que de la conformité de nos opinions religieuses ; mais les nôtres diffèrent essentiellement de celles que vous professez. Un immense intervalle les sépare, le crime seul le pourrait combler ; car, ce serait un crime dans nos idées religieuses de vous présenter nos enfants pour le baptême, de communiquer avec vous dans la fraction du pain ; d'assister à vos instructions, en un mot, de recevoir de vous ce que nous appelons nos sacrements. Quelles fonctions ambitionneriez-vous donc parmi nous ? Celles de pasteur ! mais où serait votre troupeau ? Où est la société qui professe la religion dont vous vous annoncez comme le ministre ? Avez-vous bien regardé, Monsieur, autour de vous lorsque vous vous présentâtes dans notre paroisse ? Vos yeux ne rencontrèrent que des citoyens inviolablement attachés à la religion de leurs pères, à une religion qui repousse toutes les modifications, tous les changements que voudrait y introduire une autorité purement temporelle. N'entendîtes-vous pas un grand cri s'élever au milieu de ce peuple ? C'était la voix de tous nos concitoyens qui vous criaient que vous n'étiez à leurs yeux qu'un hérétique, un schismatique, un intrus; que loin de vous reconnaître pour leur pasteur, ils ne vous admettraient même pas à la participation de leurs mystères.

Nous ne craignons pas, Monsieur, que vous puissiez nous dénoncer aux tribunaux comme perturbateurs de l'ordre public. C'est vous, Monsieur, c'est vous seul qui vous rendez coupable de ce crime, en venant troubler nos cérémonies religieuses. C'est vous sur qui toutes les sectes doivent invoquer le glaive de la Constitution, parce que vous en troublez une seule, et qu'il est de l'intérêt de toutes les religions de veiller au maintien d'une liberté décrétée pour toutes. Nous vous le demandons à vous-même ; de bonne foi, croyez-vous échapper aux châtiments réservés aux perturbateurs de l'ordre public, si entrant alternativement dans les temples de nos prétendus réformés, dans les synagogues des Juifs, dans les mosquées des Mahométans, vous disiez à ces fiers sectaires , le procès-verbal de votre élection à la main : je viens chasser vos prêtres, changer vos cérémonies sacrées ; j'entends que vous n'ayez désormais d'autre croyance que la mienne, d'autres formes de votre culte que celles que je vous tracerai, d'autre ministre auprès de l'Éternel que moi ?

Réfléchissez, Monsieur, un instant, et jugez votre démarche. Au Val, ce 19 Février 1791.
Nous sommes, etc. »
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« Tandis que la paroisse s'applaudissait de la sagesse des mesures qu'elle avait prises pour écarter l'intrus, celui-ci, membre du club de Lesneven, s'agite au milieu de toute sa cohorte, et médite une prise de possession à main armée. La calomnie l'inspire. Il écrit au club de Brest que la paroisse de Plouguerneau est en insurrection, que ses habitants au nombre de six mille étaient en armes. Le club de Brest demande au Département de marcher contre cette multitude de rebelles. Le Département accueille le faux rapport qui lui en est fait et ordonne à six cents hommes de troupe de ligne et à un pareil nombre de nationaux de se rendre à Plouguerneau, pour y faire exécuter la loi. Toute cette armée sort de Brest, avec quatre pièces de canon. On s'attendait à un combat, à une expédition militaire; et, elle ne trouve, sur sa route et à son entrée dans la paroisse, que des laboureurs cultivant paisiblement leurs champs. La troupe séjourna huit jours dans la paroisse, dans toute l'indiscipline et toute la licence d'un camp ennemi. Ce fut au milieu de cet appareil militaire que le sieur Le Gall prit possession de la paroisse.

Le tribunal du District de Lesneven crut devoir aussi mêler son autorité à ces actes d'oppression. Il casse la municipalité et en décrète les membres de prise de corps. Les officiers municipaux sont à peine informés du décret, qu'ils se rendent dans les prisons avec toute la sécurité de l'innocence. Qu'avaient-ils à craindre ? Quels pouvaient être leurs crimes ? Ils ne s'étaient pas reconnus de pouvoir pour installer le recteur constitutionnel, ils assemblent leurs commettants, ils les établissent juges de cette grande affaire. Ne le pouvaient-ils pas ? Ne le devaient-ils pas ? La liberté des opinions religieuses ayant été décrétée, avaient-ils le droit d'établir un nouveau pasteur dans la paroisse sans avoir interrogé la Volonté générale ?

La conduite de la commune est également au-dessus de tout reproche. Elle repousse l'intrus, mais elle n'use d'aucune violence, elle n'oppose d'autre arme que celle de l'opinion, et l'opinion était libre. C'était une des premières bases des fameux droits de l'homme.

La détention des officiers municipaux et des membres du conseil général de la commune dura huit jours. Le sieur Le Gall vint souvent les visiter, pendant cette captivité. Il leur proposait la liberté à la condition de venir assister à sa prestation de serment. Les travaux de la campagne pressaient alors. Chaque jour d'absence était une nouvelle calamité pour ces malheureux pères de famille ; ils gémissaient de se voir arrachés à leurs enfants, à leurs épouses, à leurs travaux, mais la foi les élève au-dessus de tous les sacrifices, de toute considération humaine. Leur réponse au sieur Le Gall, est : « Plutôt, Monsieur, mourir ici de faim et de misère que de consentir à la démarche que vous nous proposez ».

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Au moment où l'on exigea le serment civique du clergé, la paroisse de Lannilis avait pour recteur M. Le Duc. Né à Sibiril, le 23 Décembre 1738, il avait été nommé recteur de cette paroisse par Monseigneur de La Marche, au mois de Janvier 1772.

L'église paroissiale tombée en ruines était interdite, quand il y arriva. Avec un zèle mêlé d'une douce fermeté, il entreprit de la reconstruire : ce qu'il fit, à travers beaucoup de difficultés, et malgré l'opposition des prééminenciers ou seigneurs de la paroisse.

Commencée, au mois de Mars 1773, la nouvelle église fut terminée, dix-huit mois après, et bénite le 3ème dimanche d'Octobre 1775 par Monseigneur de la Marche, assisté de M. l'abbé de Troérin, chanoine et grand chantre de la cathédrale de Léon.

Après avoir pourvu son importante paroisse d'une église décente, M. Le Duc songea aux temples spirituels, c'est-à-dire aux âmes de ses paroissiens, en leur procurant, trois ans après, l'immense bienfait d'une mission.

Tel était le pasteur auquel on vint demander, quelques années plus tard, de se ranger sous le drapeau des ennemis de l'Église, en prêtant le serment. Son âme catholique se révolta à cette proposition qu'il rejeta fortement, avec son digne vicaire, M. Yves Bergot.

Poursuivis par les agents de la Révolution, ils durent mettre leurs jours à l'abri, en s'expatriant. Ayant pu se procurer un bateau, ils s'embarquèrent peur l'Angleterre. Retirés d'abord à Jersey, ils y restèrent quatre ans ; puis ils se réfugièrent à Catteriek oit ils demeurèrent six ans.

Le 2 Juin 1802, les deux confesseurs de la foi revinrent de l'exil, et arrivèrent à Lannilis, un jour de marché et de foire. A la nouvelle de leur retour, tout trafic fut suspendu, l'espace de trois heures. On accourut en foule à leur rencontre sur la route de Lesneven, jusqu'à une lieue du bourg de Lannilis : plusieurs même allèrent au devant d'eux presque jusqu'à la porte de Lesneven. On ne saurait retracer les scènes touchantes qui se passèrent tout le long de la route, à mesure que les émigrés rencontraient de nouveaux groupes de personnes connues. On se pressait autour d'eux pour leur baiser les mains… On poussait des cris de joie ; on versait des larmes... Un père de famille bien aimé, accompagné de son enfant de prédilection, revenait au milieu des siens, après dix ans d'une dure absence. Qu'on juge de l'accueil qui lui fut fait !

M. Le Duc fut remis en possession de son titre de recteur ou de curé de Lannilis. Pour réparer le mal que la Révolution avait fait dans sa paroisse, il y donna une seconde mission en 1810, puis une troisième en 1819.

Cela fait, ce pasteur selon le cœur de Jésus mourut paisiblement, le 15 Décembre 1822, dans son presbytère, à l'âge de 85 ans, moins 8 jours, plein de jours, de travaux et de bonnes oeuvres.

Sa mémoire est toujours en vénération dans la paroisse de Lannilis.

Il eut pour successeur et continuateur de ses travaux M. Bergot, son inséparable vicaire et le fidèle compagnon de son exil. Né à Lannilis même, le 3 Janvier 1761, il n'avait que onze ans, lorsque M. Le Duc fut placé à la tête de cette paroisse. Ordonné prêtre par Monseigneur de La Marche, en 1786, il fut immédiatement après son ordination nommé vicaire dans sa paroisse natale.

Formé à la pratique des vertus sacerdotales par le saint prêtre qui avait discerné et dirigé sa vocation ecclésiastique, le jeune vicaire vivait heureux dans sa douce société et sous sa paternelle autorité, lorsque la tempête révolutionnaire les força tous les deux à abandonner le champ qu'ils cultivaient, avec un dévouement et une union qui faisaient dire d'eux à leurs paroissiens : « Voyez donc comme ils nous aiment et comme ils s'aiment ! ». Revenu, après le concordat, à Lannilis avec son recteur, M. Bergot ne voulut plus quitter le père pour lequel il professait, depuis son enfance, une vénération et une affection qu'un exil de dix ans avaient rendues fortes comme la mort. Aussi, c'est en vain qu'on lui offrit successivement le rectorat de deux belles paroisses du Léon : Gouesnou et Ploudaniel ; il refusa cette offre pour ne pas quitter M. Le Duc ; il avait partagé sa bonne et sa mauvaise fortune : il voulut rester auprès de lui, afin de lui fermer les yeux.

M. Bergot avait 62 ans, lorsqu'il succéda, au mois de Mars 1823, à son ancien curé. Il mourut le 3 Juin 1838, à l'âge de 77 ans et 5 mois, laissant comme son prédécesseur une mémoire bénie. On voit sa tombe, dans l'ancien cimetière de Lannilis, auprès de celle de M. Le Duc. C'est ainsi que les deux amis qui avaient été si unis dans la vie ne furent pas, pour ainsi dire, séparés dans la mort.

Heureuses les familles qui donnent à l'Église de tels prêtres ! Heureuses les paroisses qui méritent d'avoir de tels pasteurs !

A son retour de l'émigration, M. Bergot écrivit en anglais à un Monsieur Errington, citez lequel il avait sans doute reçu une généreuse hospitalité, une lettre que l'on lira avec intérêt, dans la traduction suivante :

« A M. Errington esqr Clints near Richmond Yorks.
Monsieur,
Pour remplir la promesse que j'ai faite à vous et à votre respectable famille, je viens vous faire le récit de mon voyage de Catteriek à mon pays. Le 10 au soir, je quittai Catteriek, et deux jours après j'arrivai à Londres. Je restai neuf jours à Londres après lesquels je partis pour Southampton où je demeurai trois jours. Là je m'embarquai pour Saint-Malo et je débarquai dans cette ville après deux jours de traversée, le jour de la fête de l'Ascension. Nous étions 38 passagers, et nous avons été tous bien reçus par les magistrats. Chacun de nous put se procurer un passeport sans difficulté. Six jours après nous arrivons à la maison, escortés par une foule de peuple ; il y avait, je crois, plus de six cents personnes accourues à notre rencontre. Ainsi escortés, nous entrâmes dans l'église paroissiale que nous avons trouvée dans un meilleur état que nous n'attendions. Puis, je me hâtai de me rendre à la maison où je ressentis la plus grande consolation qui se puisse goûter, celle d'embrasser mon bon père, âgé d'environ 80 ans, et de le revoir en bonne santé après dix ans d'absence. Je trouvai aussi mes frères et mes sœurs très-bien portants, à l'exception de mon frère aîné et d'un de mes beau-frères que la maladie a enlevés. J'ai perdu aussi trois oncles et trois tantes ..... »
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Le recteur de Saint-Renan, M. Poullaouec, ayant refusé de reconnaître la Constitution civile du clergé, fut remplacé par un intrus, (l'ancien procureur de l'abbaye de Saint-Mathieu).

Le 18 juin 1791, un détachement de cinquante hommes fut envoyé par le District de Brest, pour procéder à l'installation du recteur constitutionnel. Assisté des intrus de Milizac, de Ploumoguer, de Lanrivoaré et de Guipavas, de deux commissaires civils et de quelques autres personnes, il se présenta, le lendemain, dimanche, à 10 heures du matin, à l'église afin d'y chanter la messe.

Le maire, M. Le Hir, M. de Lézérec et M. Causeur, instituteur, ne voulurent point s'associer, par leur présence, à cet acte sacrilège : ils s'abstinrent de venir à la cérémonie.

M. Poullaouec, recteur légitime de Saint-Renan, venait d'achever lui-même la sainte messe, au moment où le mercenaire faisait son entrée dans l'église paroissiale, avec tout cet appareil. Rencontré par le cortège, ce vénérable prêtre fut hué par les soldats et plusieurs individus de Brest, venus pour assister à l'installation. Se rappelant son divin maître insulté et méprisé par les soldats romains, sur le chemin du Calvaire, le ministre de Jésus-Christ se réjouissait dans son cœur d'être aussi insulté et méprisé à cause de lui, en descendant de l'autel, ce calvaire mystique où se renouvelle, chaque jour, le sacrifice de la croix.

M. Poullaouec était un prêtre sans peur et sans reproche, très-attaché à ses paroissiens. Malgré les périls de sa situation, il n'hésita pas à rester au milieu de son troupeau, afin de le préserver, le plus possible, des morsures du loup qui l'avait envahi. Mais, prévenu que le détachement cantonné à Saint-Renan avait ordre de s'emparer de sa personne, il s'évada, la nuit du 27 Juin, et se réfugia chez le recteur de Larret. Informés du lieu de sa retraite, les agents nationaux s'y transportèrent ; ne l'ayant pas trouvé, ils arrêtèrent le recteur, puis M, Goachet, vicaire à Plouzané, et M. Lilés, vicaire à Lanrivoaré. Ils se saisirent, le soir, de M. Cariou, vicaire à Guilers, au moment où il allait, suivant un pieux usage, allumer le feu de Saint-Jean.

Fiers de leur trophée, les soldats revinrent, la nuit, à Saint-Renan où leurs prisonniers furent internés au corps de garde, jusqu'à ce qu'ils furent transférés à Brest.

Errant ça et là, couchant dans les champs, quand il ne pouvait trouver l'hospitalité dans les maisons sûres, M. Poullaouec, que l'on recherchait activement, n'eut pas tardé à être saisi, à son tour, s'il n'avait trouvé moyen, le 1er Août, de passer en Angleterre.

Les paroisses de Plouzané et de Loc-Maria-Plouzané s'étaient vues imposer un recteur constitutionnel par la force, après que l'on eut chassé leurs légitimes pasteurs.

Trop instruits et trop attachés à l'Église romaine pour communiquer dans les choses sacrées avec les prêtres assermentés, les habitants de ces paroisses fuyaient les intrus comme des loups, suivant le précepte de Notre-Seigneur Jésus-Christ : « Prenez garde aux faux prophètes qui viennent à vous sous les vêtements des brebis, tandis qu'ils ne sont à l'intérieur que des loups ».

Vers le milieu du mois d'Avril 1792, le District de Brest envoya, pour courber sous le joug ces catholiques insoumis, un détachement de six cents hommes, à la tête duquel était, en sa qualité de commissaire du directoire, le fameux Laligne, intrus de Saint-Louis. On put ainsi soumettre leurs corps, mais on ne parvint pas à subjuguer leur esprit qui demeura solidement attaché aux saines doctrines.

Ils y étaient entretenus par leurs prêtres MM. Goachet, Nédellec, Labbé et Le Hir qui combattaient, au milieu d'eux, le bon combat de la foi. [Note : Certa bonum certamen fidei (S. Paul à Tim.)].

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La paroisse de Ploumoguer, affligée d'un recteur intrus, ne voulut jamais le reconnaître et fut dénoncée par ce recteur, à cause de son insubordination et de l'abandon dans lequel on le laissait, pour suivre les prêtres insermentés restés dans cette paroisse. Le District de Brest employa pour vaincre la mauvaise tête des gens de Ploumoguer son grand moyen : l'envoi de troupes parmi eux.

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Il en fut de même de la paroisse de Plouguin. Le recteur et le vicaire, ayant refusé le serment, furent obligés de quitter leur poste où l'on avait mis un recteur intrus. Le dimanche 20 Novembre 1791, le maire, les officiers municipaux et le procureur-syndic de la commune adressèrent aux habitants des convocations écrites, les invitant à se réunir à la mairie, à l'effet de délibérer ensemble sur les moyens de procurer à la paroisse les secours spirituels qui lui manquaient. Dans cette réunion, on signa et on adressa au District de Brest une pétition, par laquelle on demandait le renvoi du recteur assermenté et le rappel de l'ancien recteur et de son vicaire.

On envoya au bourg de Plouguin cinquante hommes de troupe de ligne, avec cent gardes nationaux qui durent y tenir garnison, pour effrayer les gens de la commune. On poursuivit, pour les arrêter, M. de La Biochaye, vicaire général de Mgr de La Marche, supposé l'auteur de la pétition, et tous les prêtres non assermentés résidant dans la commune.

Nous ne savons si l'on put s'emparer de leurs personnes.

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Le clergé fidèle de Ploudalmézeau eut à subir, à la même époque, les mêmes persécutions. Un des acteurs dans ces persécutions en rend ainsi compte : « La première visite aux prêtres de Ploudalmézeau se fit, en 1791, avec douze dragons dont je faisais partie, aux ordres du citoyen Berthomme, cadet ; nous arrachâmes du presbytère le ci-devant recteur, deux autres prêtres et quelques gentillâtres qui y étaient réunis, un jour de fête de la commune, pour mieux fanatiser les gens simples de leur canton. A cette époque, nous enlevâmes les prêtres de la plupart des communes du district » [Note : Histoire de la ville de Brest, par Levot. T. IV, p. 27].

Dans une aigre visite faite à Ploudalmézeau, le dimanche, 13 Septembre 1792, ce même patriote, capitaine de la garde nationale de Brest, pénètre dans l'église pendant le chant des vêpres ; il en arrache, malgré l'opposition du maire, M. Barbier, revêtu de son écharpe, deux des trois prêtres qui officient. Le troisième parvient à lui échapper.

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Le dimanche, 23 Septembre, un détachement de dragons est dirigé sur le bourg de Saint-Divy. Il y arrive au moment des vêpres. Les portes ayant été soigneusement gardées, deux cavaliers entrent dans l'église et, reconnaissant que les vêpres étaient chantées par deux prêtres, l'un d'eux les apostropha, en ces termes : « Avez-vous fait le serment prescrit par la loi ? » — Sur leur réponse négative, il leur dit : « Continuez vos vêpres pour ne pas scandaliser le trop crédule peuple qui y assiste, mais quand elles seront finies, vous nous suivrez à Brest ».

Les vêpres chantées, les deux prêtres, sommés de décliner leurs noms, déclarèrent s'appeler l'un Gourmelon, vicaire à Saint-Divy, l'autre Causeur, simple prêtre du même endroit. Ils ajoutèrent qu'ils n'avaient pas prêté le serment, et qu'ils étaient décidés à le refuser jusqu'à la mort.

Les dragons emmenèrent MM. Gourmelon et Causeur, à travers la foule des assistants qui voulaient s'opposer à leur arrestation. Ce ne fut pas sans peine que les soldats purent emporter leur proie : les paysans paraissaient résolus à la leur disputer par tous les moyens dont ils disposaient. C'est alors qu'un des dragons tira un coup de pistolet, avec menace de charger sur eux...

Devant cette menace, les habitants de Saint-Divy se résignèrent à laisser enlever leurs prêtres qui suivirent à pied leurs satellites jusqu'à Guipavas. Les bons catholiques qui les rencontraient versaient des larmes, en les voyant ; quelques patriotes crièrent : Vive la Nation ! A Guipavas, on leur donna des chevaux : c'est ainsi qu'ils arrivèrent à six heures du soir au châtteau de Brest où ils furent détenus.

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La suppression de l'évêché de Léon proclamée par les décrets de l'Assemblée jeta le trouble et l'agitation dans tout ce pays profondément attaché à sa religion et à sa foi. La nomination d'Expilly, suivant de près cette suppression et venant chasser de son siége Monseigneur de La Marche, y provoqua une résistance qui ne céda qu'à la dernière extrémité. L'évêque et le chapitre résistèrent, on le sait, tant qu'ils purent ; désespérés de voir enlever à leur ville le titre qui faisait, depuis plus de douze siècles, son lustre, sa gloire et aussi son importance, les habitants de Saint-Pol opposèrent la même force d'inertie.

Les membres du District de Morlaix ne voulurent pas déléguer des commissaires pour aller sur les lieux apposer les scellés, tant sur les archives de l'évêque, que sur celles du chapitre. Ils arrêtèrent, dans une délibération, prise le 16 Novembre 1790, que l'administration départementale serait priée de les dispenser de se rendre à Saint-Pol, des motifs personnels et les principes religieux de quelques-uns d'entre eux les empêchant d'accepter cette mission.

Les clubs des amis de la Constitution établis à Brest, à Landerneau et à Morlaix, comme dans presque toutes les localités, se proposèrent au Département pour remplir ce mandat. Cette proposition ayant été accueillie, le Département désigna le District de Brest à cet effet, et écrivit à celui de Morlaix la lettre suivante : « Avez-vous senti toute l'atteinte que votre insubordination porte à une Constitution que vous avez tous juré de maintenir au prix de ce que vous avez de plus cher, au péril de vos fortunes et de vos jours ? Combien cet exemple de faiblesse, ce mépris de vos serments, va relever les espérances de cette ligue nombreuse, qui n'attend que quelques exemples d'une semblable défection, pour faire éclater les complots les plus destructeurs.

Mais cette affreuse espérance sera trompée... des milliers de patriotes sont prêts à se sacrifier, etc. ».

On a vu comment le District de Brest parvint à faire exécuter les arrêtés du Directoire.

On avait nommé à Saint-Pol un recteur constitutionnel, après le départ de l'évêque de Léon, c'est-à-dire vers le temps pascal. On comprend que là surtout, dans cette ville épiscopale si catholique, inconsolable de l'expulsion de son évêque, le vide dut se faire autour de cet intrus. Ce vide fut tel que l'intéressé en écrivit à l'administration pour se plaindre de la situation qui lui était faite. « Les décrets de l'Assemblée, disait-il, sur la circonscription des paroisses, ne sont pas observés... ».

Mais l'administration n'y pouvant rien, pour le moment, répondit au recteur de prendre patience... Saint-Pol était, moins que tout autre endroit, un coin de terre où le schisme put prendre racine : le malheureux intrus eut beau prendre patience, il n'y fut pas plus accepté qu'à son début. Le fait suivant le prouvera.

Le 13 Juin 1791 avait lieu la Fête-Dieu. Le recteur et son vicaire assermentés voulurent faire la procession du Saint-Sacrement. Quelques membres de la municipalité, les soldats de la garnison formaient tout le cortège, dans cette ville, peut-être la plus pieuse de tout le diocèse ; dans cette ville qui, chaque année, à pareille fête, suivait en masse son vénérable prélat parcourant ses rues et les chemins de sa banlieue.

Le recteur constitutionnel suit le même parcours. Il n'y a pas une seule tenture, pas un reposoir, pas une fleur, pas une feuille répandue sous ses pas, les cloches sont muettes ...

On avait cependant donné ordre, la veille, aux pères Lazaristes directeurs du séminaire de faire sonner les cloches de leur chapelle de Creisker, au passage de la procession. C'est en vain que l'on essaya de réparer cette désobéissance formelle aux injonctions de la municipalité : les cordes des cloches avaient été enlevées...

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Le 17 Octobre 1790, M. Le Breton, recteur de Sibiril, lit au prône de la grand'messe la protestation de Monseigneur de Saint-Luc touchant la Constitution civile, afin de prémunir ses paroissiens contre les doctrines perverses qu'elles renfermait.

Dénoncé pour ce fait au District de Lesneven, le recteur est invité à se rendre devant le Directoire de cette ville, pour rendre compte de sa conduite.

M. Le Breton ne crut pas devoir obtempérer à cette invitation : il se contenta d'en accuser réception. Chargée par le District d'informer contre le récalcitrant, la municipalité de Sibiril déclina ce mandat, en rejetant sur l'administration supérieure l'instruction de cette affaire, dont elle redoutait les conséquences.

Voici sa réponse motivée :

« Considérant que cette affaire est d'une importance majeure, et que ses suites peuvent devenir très-fâcheuses. On voit d'un côté un pasteur oubliant la dignité de son caractère et les conseils paternels que son devoir l'obligeait à donner à ses tendres ouailles, mépriser les législateurs et porter atteinte à leurs décrets. On le voit, poussé par un faux zèle, commettre des erreurs et prêcher l'insubordination et la résistance à la loi, et étayer ses principes sous le voile spécieux de la religion. D'un autre côté, ce sont des habitants de la campagne, inviolablement attachés aux principes de la religion, troublés au moindre changement qu'on y apporte, qui, sans connaître les vrais motifs des décrets de l'Assemblée nationale, obéissent, sans réflexion, à la voix de leur pasteur ;

Considérant que si l'on sévissait rigoureusement contre les réfractaires, il est à craindre qu'on troublerait absolument le repos et la tranquillité de tous les citoyens de ces cantons ; tous et chacun d'eux épouseraient la cause commune, et il serait fâcheux d'en venir à de pareilles extrémités ;

Considérant enfin que le maire de Sibiril a rempli avec exactitude les devoirs que lui imposait sa place, mais qu'il n'a pu rappeler à leur devoir les citoyens assemblés pour l'élection des membres du conseil municipal et des notables, et qu'il est impossible que les membres du Directoire du district de Lesneven puissent se procurer d'autres renseignements relatifs à cette affaire, puisque tous les paroissiens sont partis, et qu'il y aurait un danger à s'y transporter :

« Le Directoire du district arrête en conséquence que toutes les pièces seront adressées à MM. les administrateurs du département pour être par eux porté tel jugement que leur sagesse leur suggérera ».

« L'administration départementale, ajoute M. Levot, auquel nous empruntons ce document, saisie de toutes les pièces de cette affaire délicate, en ordonna, le 14 Décembre, le dépôt au greffe du tribunal du district de Lesneven, dépôt qui fut effectué le 16 Février 1791. Elles devaient servir au jugement de M. Le Breton. Mais le tribunal, qui redoutait vraisemblablement l'effet que produirait la condamnation probable d'un prêtre, n'agit pas. Les consciences étaient troublées et l'opposition n'était pas concentrée dans une seule paroisse. Elle avait éclaté presque simultanément dans toutes les communes rurales » [Note : Ibid. T. IV. p. 5 et 6].

Nous ferons sur le premier considérant de la réponse de la municipalité de Sibiril une observation :

Elle fait un crime au recteur d'avoir prémuni ses ouailles contre les doctrines pernicieuses de la Constitution civile du clergé. — C'est le devoir du pasteur des âmes de signaler à son troupeau les erreurs qui peuvent égarer sa foi. S'il se tait, à l'heure du péril, ce n'est plus qu'un chien muet, suivant l'expression du prophète Isaïe. [Note : Canes muti, non valentes latrare. (LVI. 10)].

Elle lui reproche de résister aux décrets de l'Assemblée touchant la dite Constitution. — Mais ne savait-elle donc pas que les principes y contenus étaient contraires aux lois de l'Église ? Que le Souverain Pontife les avait condamnés ? Dans ce cas, le recteur et les habitants de Sibiril n'avaient pas à hésiter : entre l'Assemblée imposant à l'Église une Constitution hérétique et schismatique, et le Pape protestant contre cet attentat, ils devaient obéir à ce dernier, représentant de Jésus-Christ pour les catholiques, et désobéir à la première, faisant dans la circonstance l'œuvre du démon...

Les Apôtres prêchaient l'Évangile, malgré la défense des ennemis de Jésus-Christ ; conduits devant les magistrats, le prince des prêtres les interpelle en ces termes :

« Nous vous avons formellement défendu d'enseigner en ce nom (celui de Jésus-Christ) ; et voilà que vous avez rempli Jérusalem de votre doctrine ; et vous voulez faire retomber sur nous le sang de cet homme ».

« Pierre et les autres Apôtres répondirent : il faut obéir à Dieu plutôt qu'aux hommes » [Note : Act. Ap. V. 27. 28. 29].

Ceux qui donnèrent à leurs persécuteurs cette réponse étaient les mêmes qui prêchaient de parole et d'exemple la soumission au pouvoir établi, dans les choses qui ne sont pas contraires aux lois de Dieu, alors même que ce pouvoir était représenté par Néron...

Cette réponse est depuis dix-huit siècles et sera jusqu'à la fin des temps la règle de conduite de tous les vrais catholiques, prêtres et fidèles, mis en demeure par la puissance civile d'obéir à ses lois, plutôt qu'à celles de Dieu et de son Église.

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Le remplacement des recteurs non assermentés rencontra dans le Haut-Léon les mêmes obstacles que dans la partie qui avoisine Brest et Lesneven. Le district de Morlaix ne pouvant réussir à pourvoir les paroisses vacantes de sa circonscription, faute de prêtres assermentés, disait dans un procès-verbal de la fin de 1791 qu'il était sage de surseoir à toute élection des fonctionaires du culte, jusqu'à ce qu'un plus grand nombre de concurrents se présentât, d'autant plus que les paroisses auxquelles il s'agit de nommer jouissent d'une parfaite tranquillité sous leurs anciens fonctionnaires.

A Brest, l'Assemblée électorale de ce district convoquée trois fois pour nommer des titulaires aux paroisses vacantes ne put jamais se réunir, comme le porte le procès-verbal de la séance de Novembre 1791.

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La paroisse de Cléder avait pour recteur, au moment de la Révolution, M. Bernard Laurent, né à Guissény. Arrivé à Cléder, en 1775, en qualité de vicaire, il y fut nommé recteur en 1781. C'est lui qui jeta les fondements de l'église paroissiale qui ne fut terminée qu'après la tourmente révolutionnaire. Il s'opposa avec ses vicaires, MM. Marzin et Le Roux, comme un mur d'airain entre ses paroissiens et les principes mauvais qui, semblables à un torrent fangeux, menaçaient d'envahir et de gâter leur foi.

Après avoir tenu tête à l'iniquité, autant et aussi longtemps qu'il put, ne se trouvant plus en sûreté, au milieu de son troupeau où les agents du District de Morlaix le poursuivaient, ce pasteur dévoué émigra en Angleterre.

Ses dignes auxiliaires, plus jeunes et plus à même à cause de leur agilité de se mettre, chaque jour, à l'abri des poursuites dont ils étaient l'objet, demeurèrent cachés dans la paroisse. M. Marzin se tenait habituellement au village de Leslaou, et M. Le Roux à celui de Mespaul.

Un des vicaires de Cléder, au lieu de marcher sur les traces de son recteur et de ses autres confrères, eut la faiblesse de prêter le serment ; pour prix de sa trahison, il fut nommé recteur de la paroisse.

Méprisé et abhorré de la population, ce malheureux prêtre mourut subitement : il fut trouvé sans vie sur son foyer !

Cette triste fin produisit une grande impression dans tout le pays : on y vit un châtiment de Dieu.

La paix ayant été rendue à l'Église en France, M. Laurent quitta l'Angleterre, et revint à Cléder. Replacé à la tête de sa paroisse, il reprit les travaux de son église, qu'il avait laissés inachevés. Il y mourut, en 1813, à l'âge de 67 ans, pouvant dire comme l'apôtre saint Paul : « J'ai combattu le bon combat ; j'ai gardé la foi... ».

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Le recteur légitime de Saint-Thégonnec avait refusé le serment; il fut remplacé par un prêtre jureur, malgré les protestations de la population. Objet du mépris public, l'intrus est abandonné par la municipalité. Le bedeau refuse de le servir ; personne ne veut lui répondre la messe.

A-t-il besoin de faire sonner les cloches, il ne trouve aucun paroissien qui consente à lui rendre ce service ; veut-il les sonner lui-même, il ne peut en atteindre les cordes qu'on a eu soin de mettre hors de sa portée.

A-t-il besoin, pour une procession, des bannières de l'église, elles sont sous clef ; se plaint-il au conseil municipal de ce procédé, sa plainte reste vaine ; essaie-t-il de forcer l'armoire où ces objets sont renfermés, il la trouve gardée par un groupe de paysans déterminés.

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La paroisse de Plouénan, pourvu d'un recteur intrus, lui montre, pour lasser sa patience, qu'elle ne le supporte qu'avec peine. Quand il se présente dans une maison, chacun se retire : on le fuit comme un lépreux.

Un jour, il entre dans le lieu où se tenait le collége électoral ; à peine y a-t-il mis le pied qu'il est hué. Il sollicite des membres du bureau le serment à la Constitution : incontinent il est apostrophé en ces termes par le président de l'assemblée : « Nous sommes tous fils d'un même père, et tous, par conséquent, nous avons le droit de voter... Non, non répond l'assemblée ».

Puis, un des électeurs lui crie de sortir. Le prêtre patriote résiste ; on lui fait violence...

Cette scène se passait malheureusement dans l'église paroissiale, où avait lieu l'élection. Nous l'avons citée, pour montrer d'abord quelle était l'horreur qu'inspiraient à nos catholiques populations la Constitution civile du clergé et les prêtres qui la soutenaient ; puis quel fut le crime de ceux qui voulurent leur imposer cette Constitution et ces prêtres par tous les moyens que nous connaissons.

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Les habitants des paroisses, qui forment aujourd'hui le canton de Ploudiry, manifestèrent un égal attachement pour les prêtres non assermentés et un constant éloignement pour les jureurs : ils étaient maintenus dans ces sentiments par le clergé de leurs paroisses respectives, notamment par M. Laot, vicaire à La Roche-Maurice, M. Caroff, vicaire à Pont-Christ, trêve de Ploudiry, par M. Le Roux, vicaire à Ploudiry.

M. Bernard Caroff, né dans cette paroisse, fut déporté à Rochefort et à l'Ile de Ré.

Au lieu de prêter le serment qu'on lui demandait à la Constitution civile du clergé, M. Laot, vicaire à la Roche-Maurice, affirma, ainsi que ces messieurs, sa foi aux principes de l'Église romaine, avec une sainte fierté qui attira sur lui les persécutions du District de Landerneau.

Arrêté, il fut enfermé au château de Brest, puis conduit en Espagne.

Il s'y fixa, le 28 Octobre 1794, dans l'évêché d'Orense, en Galice : c'est là, qu'il mourut, le 14 Août 1802, comme le constate l'acte authentique de son décès, délivré par la chancellerie épiscopale du diocèse d'Orense.

Ce digne confesseur de la foi était originaire de la paroisse de Landéda.

Nous pourrions multiplier ces exemples qui se reproduisirent d'une façon ou d'une autre dans presque toutes les paroisses du Léon et de la Cornouaille : mais nous en avons assez dit à ce sujet.

La résistance que l'administration rencontra dans les paroisses rurales à ses ordres formels de suivre les prêtres insermentés et de prêter main-forte aux intrus était, il faut l'avouer, entretenue souvent par l'attitude de certains Districts, comme celui de Lesneven, appelé le repaire de tous les réfractaires, et comme celui de Morlaix qui se permit, surtout au commencement, de discuter ces ordres.

Le Département avait pris, le 21 Avril 1791, un arrêté par lequel il était prescrit aux prêtres non assermentés de s'éloigner d'au moins quatre lieues de leurs paroisses, avec injonction aux divers Districts d'y envoyer des commissaires pour procéder à l'installation de leurs remplaçants.

Les Districts de Brest et de Landerneau se distinguèrent par leur zèle à exécuter cet arrêté : celui de Morlaix refusa de s'y conformer, protestant par une délibération contre les mesures y contenues, qu'il regardait comme illégales et propres à allumer dans le pays les horreurs de la guerre civile.

Voici les considérants de cette délibération :

« Considérant que toute loi pénale qui s'appesantit ou doit s'appesantir sur tous les sujets de l'empire, ne peut être que l'expression de la volonté générale d'un peuple libre ou celle de ses représentants ;

Considérant que l'arrêté du Département n'est pas l'application d'une loi du Corps Législatif, et que son exécution pourrait produire un effet contraire à ses vues pacifiques ;

Considérant qu'il serait cruel de bannir et de livrer à la merci publique des citoyens dénués de toutes ressources qui, pour céder au cri de leur conscience, ont sacrifié leur fortune et l'aisance dont ils jouissaient, etc. ;

Le Directoire de Morlaix exprime le désir qu'il soit sursis à l'exécution de l'arrêté du Département, parce que l'exécuter serait porter atteinte à la tranquillité publique, et le temps seul peut opérer une révolution que les persécutions ne sauraient déterminer ».

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Partageant le sort de leurs confrères de Quimper, plusieurs prêtres de Léon, rebelles au serment et aux arrêtés tyranniques du département, avaient été jetés dans la prison des Carmes, puis dans celle du château de Brest.

De l'Angleterre, où il s'était réfugié, Monseigneur de La Marche, évêque de Léon, gémissait sur la cruelle détention des prisonniers renfermés dans cette forteresse. En rapport avec quelques-uns de ses prêtres incarcérés dans cette prison, il savait toutes les misères qu'ils y subissaient. N'écoutant que son cœur d'évêque, qui est essentiellement un cœur de père : nemo tam pater quam episcopus, ce prélat, plein de charité, écrivit, du fond de son exil, aux administrateurs du Finistère, une lettre qui était capable de toucher les cœurs les plus durs : il dépeint la triste situation des captifs ; il fait appel à l'humanité, aux lois, à la conscience, en leur faveur : puis, si cet appel ne suffit pas, il propose, pour racheter leur liberté, de venir prendre lui même leurs fers... Voici d'ailleurs le texte de cette admirable lettre :

« Messieurs les Administrateurs,
C'est au nom de l'humanité que je veux rappeler à votre souvenir une multitude de prisonniers que vous paraissez avoir oubliés dans le château de Brest. C'est par vos ordres qu'ils y ont été conduits ; depuis cinq mois ils sont entassés dans une même salle, placés prés de deux infirmeries, où sont traités de malheureuses victimes du libertinage. La corruption de l'air, la rigueur de l'hiver, la qualité des aliments ont porté de terribles atteintes à leur santé. Deux déjà ont succombé, un autre a perdu un œil, environ dix-huit ont été successivement tranférés presque mourants à l'hôpital, le reste est languissant. Les chaleurs, que nous commençons de sentir et qui vont s'accroître, feront bientôt fermenter la corruption qui les environne, et infailliblement l'infection deviendra mortelle.

Ils ne sont prévenus d'aucun crime, seulement on les a soupçonnés de pouvoir en commettre ; mais, Messieurs, emprisonner des hommes, parce que vous appréhendiez qu'ils ne se portassent un jour à exciter des troubles, changer ainsi les précautions en châtiments, prévenir les délits par des punitions, infliger des peines à des crimes qui n'ont pas été commis encore ; souffrez que je vous le représente, je vois dans cette conduite l'oubli de l'humanité, de la justice, de la raison, la violation des droits de l'homme, de votre constitution, de votre nouvel ordre judiciaire, de l'acte même qui constitue les corps administratifs.

Vous a vez juré fidélité à la loi, à la nation, au roi.

La loi vous êtes en opposition avec elle. La nation ! si elle est le plus grand nombre des habitants du royaume, son cri s'élève contre vous. Le roi ! par l'organe de son ministre, il vous a fait connaître ses intentions, qu'il ne m'a pas laissé ignorer.

Qu'attendez-vous donc, Messieurs, pour rendre la liberté à ces innocentes victimes, qui ne font entendre aucune plainte contre vous, à ces prêtres respectables que vous avez estimés et que vous estimez encore, si vous avez conservé les principes religieux qu'ils vous ont enseignés, et que conserve inviolablement une multitude de fidèles qui les honorent comme de généreux confesseurs de la foi.

Ne vous semble-t-il pas qu'il est enfin temps de briser leurs chaînes. Ah ! Messieurs, ils en porteront les marques assez longtemps, jusqu'au tombeau. Quel terme avez-vous fixé à leurs maux ? Sans doute, vous ne les avez pas condamnés à une mort obscure et lente, et à ne sortir des longues agonies de la prison que pour aller expirer sur un lit d'hôpital.

Je ne crains pas de vous assurer que votre intérêt même doit plaider leur cause auprès de vous. Si vous pensez que cette Constitution que vous avez juré de maintenir puisse être consolidée, ne serait-ce pas, après tant de sacrifices, de pertes et de malheurs, par le retour de la justice, de la commisération et enfin le repos ? Vous jugez bien que la violation des droits, les traitements arbitraires ne pourront la rendre douce ni désirable à qui que ce soit ; je puis même vous attester que les persécutions contre le clergé ont plus que tout le reste éloigné de la Révolution française la nation généreuse où j'ai trouvé un asile.

Enfin, Messieurs, la conscience n'est pas en elle-même, et n'est pas pour vous un vain nom. Croyez-vous qu'elle ne vous reprochera pas un jour vos procédés contre de pauvres ecclésiastiques ? Croyez-vous pouvoir contempler, avec la sévérité d'une conscience juste, les humiliations, les amertumes, les maladies, les souffrances sous lesquelles vous faites expirer vos semblables ; en vous les exposant, je sens que mon cœur se déchire, le vôtre restera-t-il insensible ?

Il est simple, Messieurs, que je vous paraisse plus coupable que mes fidèles coopérateurs : s'il faut une victime, voici la compensation que je vous prie d'agréer. Dans la dernière lettre pastorale que j'ai adressée, le 20 Août, au clergé et au peuple de mon diocèse, je disais à mes prêtres prisonniers que je me verrais volontiers chargé de leurs fers, pourvu qu'à ce prix ils tombassent de leurs mains. Ce désir que je leur témoignais, je le change aujourd'hui en prière. Rendez à tous une liberté entière et inviolable, et je m'engage à traverser ensuite les mers pour aller me remettre volontairement à votre discrétion.

J'ose croire que vous m'estimez du moins assez, pour vous tenir assurés que, si vous acceptez ma proposition et en remplissez les conditions, je serai fidèle à mon engagement.

Je suis avec respect, Messieurs, votre très-humble et très-obéissant serviteur, Signé : + J. F., évêque de Léon. »
Londres, 20 avril 1792.

(abbé Joseph-Marie Téphany).

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