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L'INCENDIE DE FOUGÈRESDU 3 au 4 Mai 1710. |
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Dans la nuit du 3 au 4 Mai 1710, vers 11 heures du soir, un incendie prit naissance à Fougères, dans le quartier compris actuellement entre le Tribunal et le Théâtre.
Il débuta si brusquement dans la rue Porte-Roger, chez la Veuve Longuet, vraisemblablement, que sa fille malade et sa gardienne furent brûlées vives [Note : Pièce n° 5. — A Monseigneur le Marquis DE TORCY, Conseiller, Ministre et Secrétaire d'Etat. « ..... La Veuve LONGUET, qui a esté une des premières incendiées, a même eu le malheur de ne pouvoir sauver sa fille malade qui, avec une gardienne, a esté brûlée dans sa chambre »].
Il fut d'une si rare violence qu'il terrifia les habitants au point que les demoiselles des Orières et de la Gautrais en accouchèrent avant terme de deux enfants morts et qu'il fallut abattre six maisons pour épargner la Grande-Rue et la rue Derrière.
Lorsqu'il prit fin, encore incomplètement, le 4 Mai, vers 11 heures du matin, il avait ravagé trois rues entières, consumé 28 maisons et endommagé 20 autres édifices.
Ce sinistre, par son ampleur, a fait assez impression sûr la population pour que son souvenir se soit perpétué jusqu'à maintenant. De nos jours, en effet, la place dénommée officiellement « place du Théâtre » est encore appelée par les habitants « le Brûlis », en mémoire de ce tragique événement.
Mais il nous en reste un autre témoignage plus important sous forme d'un dossier très complet des Archives Nationales, dont toutes les pièces ont trait au drame du 4 Mai 1710 et à ses conséquences.
Or, les documents ainsi conservés sont intéressants à plus d'un titre.
D'une part, en effet, ils permettent d'établir, avec les détails les plus circonstanciés, l'aspect matériel de tout un quartier de Fougères au début du XVIIIème siècle, dans sa topographie et son cadastre. Grâce à eux, nous connaissons les noms des propriétaires et de la plupart des locataires, les professions de certains d'entre eux, ainsi que la valeur de leurs biens, meubles et immeubles.
Puis ils font revivre la vie de la cité avec son industrie, ses impôts, les préoccupations édilitaires de sa municipalité et les préjugés de ses habitants.
Enfin, ils font saisir sur le vif les procédés de l'administration de cette époque et donnent une idée des délais que demandait alors la solution de questions importantes nécessitant l'intervention du pouvoir central.
C'est sous ce triple aspect que nous nous proposons de les étudier, après en avoir fait un sommaire inventaire.
I - LE DOSSIER.
Le dossier qui nous occupe se trouve aux Archives Nationales, Fonds ancien, dans la série du Contrôle Général des Finances-Intendance, sous la cote G7 190.
Il est réuni dans une chemise comprenant 19 pièces dont un plan, plus un bordereau récapitulatif.
Abstraction faite du plan et du bordereau, les 18 pièces restantes peuvent se grouper sous trois rubriques :
1° PIÈCES ÉMANANT DE LA MUNICIPALITÉ DE FOUGÈRES.
Elles comprennent :
— Une
copie d'un procès-verbal du 11 Mai 1710 signé du maire et cadastrant les maisons
brûlées [Note : Quatre folios grand format, écrits au recto et au verso, quatre
lignes seulement au verso du quatrième folio] — Une lettre du 8 Juin 1710, du maire et des échevins, exposant que
l'incendie met la ville hors d'état de payer ses taxes et demandant
l'affranchissement de la capitation [Note : Pièce n° 3.] ; — Les originaux de deux lettres au
Marquis de Torcy, l'une demandant décharge de la capitation, l'autre la
transformation de la Saunerie en place [Note : Pièce n° 5. Double feuille grand
format, 4 lignes seulement au Verso de la deuxième page] ; — Copies de deux extraits des
délibérations de la communauté, l'une en date du 21 Mai, l'autre du 22 Juillet
1710 ; — Les originaux de deux placets au Roi relatifs aux mêmes questions [Note
: Pièce n° 6] ; — Deux mémoires, l'un sur le remplacement des fonds des propriétaires de la
Saunerie, l'autre sur la transformation de la Saunerie en place [Note : Pièces
nos 8 et 9. — Placard grand format].
2° PIÈCES ÉMANANT DE DÉLÉGUÉS DE L'INTENDANT DE BRETAGNE.
— Copie d'un procès-verbal de Bruno Robin, en date du 21 Juillet 1710, estimant la valeur des maisons brûlées dans la Saunerie [Note : Pièce n° 10. — Huit folios grand format, dont six folios écrits recto et verso, le septième recto et trois lignes au verso, le huitième blanc] ; — Une feuille chiffrant le remboursement dû aux propriétaires, suivant l'estimation du Sieur Thévenon, ingénieur [Note : Pièce n° 11] ; — Copie d'un procès-verbal de Bruno Robin, en date du 22 Juillet 1710, de la valeur des pertes subies dans l'incendie [Note : Pièce n° 16. — Huit folios grand format recto et verso].
3° PIÈCES ÉMANANT DE L'INTENDANT DE BRETAGNE.
— Un avis, en date du 27 Septembre 1710, de l'Intendant Ferrand, sur les indemnités à accorder [Note : Pièce n° 13. — Six folios grand format dont quatre écrits recto et verso, le cinquième recto seulement.] ; — Un extrait de l'avis en date du 27 Septembre, de l'Intendant [Note : Pièce n° 14. - Deux folios grand format dont un folio seulement écrit au recto et au verso.] ; — Un avis (27 Sept. 1710) de l'Intentant Ferrand sur la diminution de la capitation [Note : Pièce n° 17. — Quatre folios petit format dont deux écrits au recto et au verso et le troisième au recto] ; — Un avis (27 Sept. 1710) de l'Intendant sur les requêtes préseentées au Roi par le maire et les édhevins [Note : Quatre folios grand format dont deux écrits au recto et au verso] ; — La lettre d'envoi du dossier par Ferrand (27 Septembre 1710) [Note : Pièce n° 20. — Deux folios grand format dont un seulement écrit au recto].
LE PLAN, à grande échelle, est intitulé « Plan des maisons brûlées et endommagées par l'incendie arrivé en la ville de Fougères la nuit du 3 au 4 May 1710 ». Il reproduit, maison par maison, tout le quartier compris entre la Porte Roger et le début de la rue Pinterie, les murs de la ville et l'amorce de la Grande-Rue et de la rue Derrière. En marge sont indiqués les noms des propriétaires de toutes les maisons figurées.
Enfin, le bordereau offre cette particularité que les pièces y sont numérotées de 1 à 21 inclus, avec interruption dans la numérotation entre 3 et 5, le numéro 4 manquant, et que la pièce 15 : « Arrêt du 14 Octobre 1710 », n'existe pas au dossier.
L'ensemble est écrit sur un beau papier solide, d'une encre honnête qui n'a pas pâli depuis plus de deux siècles, et d'une écriture soignée, lisible, réhaussée au pied de certains documents par la haute et fière signature de Ferrand, toute imprégnee encore de la majesté du grand siècle finissant.
II - LE QUARTIER DE LA PORTE-ROGER
(Ses maisons et ses habitants).
Pour bien comprendre les événements qui ont fait suite à l'incendie du 4 Mai 1710, il faut faire l'effort de se replacer dans le cadre de l'époque. Le plan dressé à cette occasion et les documents qui l'accompagnent vont y aider.
Si d'abord l'on examine sur le plan actuel de Fougères le quartier de la Porte-Roger et si, partant du Tribunal, on se dirige vers le Théâtre, on parcourt la rue Porte-Roger jusqu'à son aboutissement à la place du Théâtre. Au terminus de la rue, on voit à gauche, et s'éloignant dans une direction perpendiculaire, le débouché de la rue Chateaubriand ; devant soi, la place du Théâtre. Elle forme un rectangle irrégulier que l'on aborde par un angle, le côté long prolongeant directement la rue Porte-Roger, le petit côté fuyant à droite à angle droit. La façade du Théâtre se dresse sur le petit côté d'en face qui se continue vers la gauche par la rue Nationale, parallèle à la rue Châteaubriand. Dans l'angle diamétralement opposé à l'angle d'arrivée, à l'une des extrémités de l'autre grande face de la place, prend naissance, le long du Théâtre, la rue Pinterie qui s'éloigne en descendant vers le Château. A l'autre extrémité de la même grande face, vis-à-vis la rue Pinterie, s'ouvre un cul-de-sac long d'une trentaine de mètres, parallèle à la, rue Porte-Roger. Là se sont déroulées, dans la nuit du 3 au 4 Mai 1710, les scènes tragiques à l'extension desquelles aucun obstacle naturel ne s'opposait vers le Sud et vers l'Ouest, tandis qu'elles étaient étroitement limitées au Nord et à l'Est par le mur de la ville dont de nos jours les restes subsistent encore au Nord, s'ils ont disparu à l'Est.
Le plan de 1710 donne les limites exactes du sinistre. Un examen superficiel laisserait douter s'il a été dressé par Me Pierre Busson, feuilletayer arpenteur des Eaux, Bois et Lorêts, qui a procédé avec le Maire et les membres de la municipalité, dès le 9 Mai 1710, à la mensuration des immeubles détruits [Note : Pièce n° 1. — Procès-verval du 11 mai 1710 : « Nous Michel Ménard, sieur des Bourlières,…. les ayant fait mesurer et toiser par Me Pierre Busson, feuilletayer arpenteur des Eaux, Bois et Forêts »], ou par le Sieur Thévenon, ingénieur à Dol, chargé par l'intendant de Bretagne Ferrand, en commun avec son secrétaire Bruno Robin, de vérifier, dès le mois de Juillet, l'estimation des pertes subies par les habitants [Note : Pièce n° 10. — Procès-verbal de Bruno Robin : « L'an 1710 et le 21 juillet Bruno Robin secrétaire de M. Ferrand, intendant de Bretagne,…. il nous aurait ordonné de nous transporter sur les lieux avec le Sr Thévenon, ingénieur à Dol, pour vérifier les faits…. et avertir les propriétaires…. d'être présents à la démensuration qui en serait faite par le Sr Thévenon.... »].
Mais, au verso, on lit ces mots : « Escrire à Monsieur Ferrand en lui envoiant ce plan et le placet, qu'il vérifie la perte et le dommage causé aux habitants de Fougères par cette incendie, qu'il examine les moyens de les soulager et en donne son avis en renvoiant le plan et le placet du 11 Juin 1710 ».
Ecriture et texte s'accordent pour fixer le point de départ de cette annotation à Versailles.
Si donc le plan y était dès le 11 Juin 1710, son auteur ne peut être que Pierre Busson, puisque le Sieur Thévenon n'a eu à s'occuper de la question qu'au mois de Juillet.
En même temps que le relevé des maisons brûlées, il retrace dans ses détails la topographie de cette partie de la ville au début du XVIIIème siècle.
Si on l'applique sur un plan moderne réduit à la même échelle, de manière à superposer l'emplacement de la, maison numérotée 18, c'est-à-dire la « Maison Saint-Jacques à Julienne Chaplain, veuve Guérin », à l'actuel bazar de la rue Porte-Roger qui a pris récemment la place de l'Hôtel Saint-Jacques perpétué jusqu'à nos jours, on voit que dans l'ensemble les deux plans coïncident. Deux différences cependant sont à noter, d'un premier coup d'œil ; la première et la plus importante, c'est qu'en 1710 la place du Théâtre n'existait pas, tout son centre était occupé par un îlot de sept maisons, dénommé alors « Isle de la Saunerye » ; la seconde, c'est un changement dans le nom de certaines rues. Si la rue Porte-Roger et la rue Pinterie ont conservé leur dénomination, par contre la rue Nationale d'aujourd'hui s'appelait Grande-Rue et la rue Châteaubriand rue Derrière. Encore est-il que les véritables Fougerais leur ont gardé, sous la désignation officielle trop sujette à des variations dues à la politique, les coutumières appellations qui, par delà le XVIIIème siècle, remontaient jusqu'aux temps lointains où elles s'étaient substituées à celles des rues du Bourgneuf et de l'Aumaillerie. D'autres rues ont disparu du fait de la transformation de l'Isle de la Saunerye en place. Ce sont la rue de la Saunerye qui prolongeait la rue Porte-Roger entre la rue Derrière et la Grande-Rue ; la rue Perdue qui prolongeait la rue Pinterie Jusqu'au fond du cul-de-sac, et de nouveau la rue Perdue, sur la quatrième face du rectangle, dans le prolongement de la rue Derrière.
Mais là ne se bornent pas les renseignements à tirer du dossier et du plan.
Par eux, on apprend que toutes les maisons brûlées étaient à deux et trois étages [Note : Pièce n° 1. — Procès-verbal du 11 mai 1710 : « Toutes les maisons qui estoient dans lesdits emplacements estoient divisées en plusieurs apartements, et touttes à deux ou trois étages »]. D'autre part, si l'on tient compte de la rapidité extraordinaire avec laquelle le feu a détruit « toute la rue de la Porte-Roger des deux côtés à l’exception d'une maison, quatre maisons du bas de la rue Derrière, toute la Saunerye du côté Septentrion, toute l'Isle de la Saumerye avec toute la rue Perdüe, des deux côtés à l'exception de trois maison » [Note : Pièce n° 5. — Lettre au Marquis de Torcy : « Dans ces maisons (touttes à deux ou trois étages) il y avait plusieurs ménages..... »], et, si on rapproche ce fait du témoignage du maire, que les maisons ont été brûlées et consumées « sans qu'il en reste que quelque peu de pierre » [Note : Pièce n° 5. — Lettre à Mgr le Marquis de Torcy], témoignage confirmé dans le placet au Roi [Note : Pièce n° 6. — Lettre au Marquis de Torcy], on peut en conclure sans trop de témérité que la plupart de ces maisons, sinon toutes, étaient construites en colombage ou à pans de bois et devaient ressembler aux deux maisons datant approximativement du XVIème siècle qui existent encore sur la place du Marchix [Note : Pièce n° 8. — « Il y a, au milieu de leur ville, un terrain nommé l’isle de la Saunerie, contenant 71 toises, dans lequel il y avait cy-devant sept maisons qui ont esté entièrement bruslées et consumées le quatrième jour du mois de may 1710, sans qu'il en reste rien que quelques pierres..... »].
Hypothèse renforcée encore par la forme même des édifices très longs mais à façade étroite. Ceci implique pignon donnant sur la rue, tandis que l'arête de rencontre des deux égouts de la toiture s'en va perpendiculairement à la chaussée.
Ainsi les maisons, avec, chacune sa physionomie propre, avaient l'aspect de bonnes commères au visage penché sur la rue, invitant le passant à s'arrêter et à flâner, tandis que nos immeubles actuels, dans l'enfilade monotone de la double rangée de leurs toits fuyant parallèlement aux voies qu'ils dominent, semblent ignorer dédaigneusement une circulation toujours plus rapide.
Les maisons étaient-elles à porche ? Il n'en est nulle part question dans des pièces par ailleurs très précises et qui entrent dans bien des détails. Peut-être les deux maisons de la rue Porte-Roger, cotées 20 et 21 sur le plan, offraient-elles cette particularité ; leur avancée sur la rue par rapport aux autres maisons semblerait l'indiquer.
Par contre, sur tout un côté de la rue de la Saunerye, il y avait un rang de boutiques accotées aux immeubles qui la bordaient et qui rétrécissait fort la largeur de la chaussée réduite à 7 pieds, c'est-à-dire à moins de 2 m. 50 [Note : Pièce n° 1. — Procès-verbal du 11 mai 1710. « Comme la rue de la Saunerye n'a que sept pieds de large…. »].
De même, tout le côté de la rue Pinterie logeant la « Halle à Chair et à Toile » qui occupait l'emplacement du Théâtre actuel, était bordé de semblables boutiques de fort petites dimensions.
Sur les côtés de ces deux rues bordées de boutiques, on peut donc affirmer avec certitude qu'il n'y avait pas de porches.
Deux autres particularités contribuaient à donner à ce quartier la physionomie originale qui devait être la sienne. C'était les deux maisons en galeries jetées à travers la rue Derrière et la rue de la Saunerye qu'elles enjambaient comme un pont et sous lesquelles on circulait. L'une, à l'entrée de la rue Derrière, réunissait la maison de la Veuve Longuet, sur l'emplacement moderne de la maison Daspre, à celles des demoiselles du Teil et de la Gasnerais, aujourd'hui occupées par un bijoutier [Note : Depuis que ces lignes ont été écrites, la bijouterie a disparue et a été englobée dans les magasins Langlois] de l'autre côté de la rue. Elle avait deux étages. L'autre, à l'extrémité de la rue de la Saunerye, face à la Halle, avait deux chambres superposées et un grenier. Elle joignait les maisons de la Veuve Gascoin au bas de la rue Devant et la marison de Lhermitte dans l'Isle de la Saunerye [Note : Voir le plan et la pièce n° 1. — Procès-verbal du 11 mai 1710 : « Sur et joignant ces deux précédentes maisons, il y a avait une maison en gallerie qui traversait le bas de la rue Derrière, apartenant à la Damoiselle des Avons Dhuessau, ayant deux étages et joignant la maison de la Gasnerais du Theil de l'autre costé de la Rüe ayant dix-sept pieds de long et treize pieds de large par un bout et de l'autre quinze pieds ». « La maison de Delourmel ayant treize pieds de long du costé de la Saunerye et huit pieds de face vers la Halle avec une chambre en gallerie élevée au travers de la Rüe de la Saunerye, qui communique avec la maison de la Veuve Gascoin au bas de la rue devant, sur laquelle chambre en gallerie il y avait encore une autre chambre de pareille manière et un grenier apartenant et communiquant à la maison de Lhermitte ci-après »]. On les a abattues l'une et l'autre pendant l'incendie pour tenter d'empêcher la propagation du feu [Note : Pièce n° 1. — « Laquelle maison on a abbattu pour empêcher que le feu ne se communiquast en l'autre côté de la rue Derrière… Remarquable que pour empescher que le feu ne se fust communiqué au bas de la Rue devant on a coupé et abbattu laditte maison en gallerie qui appartient en partie audit de Lourmel et en partie audit Lhermitte, Parce que le feu y estant déjà épris, elle aurait infailliblement bruslé et porté le feu au bas de la rue Devant aux maisons de la Gascoin et de Beaulieu qui ont été aussi endommagées »].
Dans ce quartier, le plus fréquenté et le plus riche de la ville [Note : Pièce n° 6. — Lettre au Marquis de Torcy. « Cet emplacement estant dans le passage de la ville le plus fréquenté… »], il me semble bien qu'il y avait trois hôtelleries : dans la rue de la Porte-Roger, la maison Saint-Jacques qui, comme il a été dit, a subsisté, avec la même enseigne, à la même place jusqu'en 1902 ; dans la Grande-Rue, à l'emplacement actuel de l'atelier de photographie, contiguë au Théâtre, alors Halle à Chair et à Toile, la maison de l'Ecu, à M. de la Marzelière-Onfray ; enfin, sur le côté opposé de la Grande-Rue, dans l'Isle de la Saunerye, à l'angle de la Grande-Rue et de la rue Perdue, la maison des Loriers, à la dame de la Hamonière.
C'étaient là les seules maisons ayant un caractère particulier à l'exception de celle flanquée d'une tour, à l'angle de la rue de la Saunerye et de la rue Perdue.
Enfin, il est bien certain que les maisons de la rue Perdüe, dans le prolongement de la rue Pinterie, ne s'étendaient pas jusqu'au mur de ville. Les dimensions données par le plan s'y opposent : elles auraient eu, en effet, pour une moyenne de 6 m. 50 de large, une profondeur de 23 à 24 m. pour atteindre la muraille. Bien que le plan ne l'indique pas, elles se prolongeaient sûrement vers les remparts par des cours et des jardins, qui, d'ailleurs, subsistent encore, en partie tout au moins.
Comment toutes ces maisons étaient-elles habitées ? Ici encore, les documents sont communicatifs. Ils disent d'abord que, comme de nos jours, il y avait par immeuble plusieurs ménages, propriétaires et locataires [Note : Pièce n° 5. — Lettre au Marquis de Torcy. « Dans ces maisons, il y avait plusieurs ménages..... outre les propriétaires et locataires des maisons incendiées..... »]. Et les procès-verbaux donnent les noms de tous les propriétaires et de la plupart des locataires [Note : Pièce n° 1. — « Touttes les maisons qui estaient dans les dits emplacements étaient divisées en plusieurs apartements en lesquels il y avait plusieurs ménages ou familles…. »].
Parmi les plus riches et les plus importants, il faut mentionner la Veuve Longuet, marchande de toiles, qui possédait deux maisons dans la rue Porte-Roger, et qui eut le malheur de perdre sa fille dans le sinistre ; Louis Longuet, son fils, marchand de toiles, propriétaire de trois maisons, l'une dans la rue Porte-Roger, les deux, autres au début de la rue Pinterie et à l'angle des deux rues Perdües.
Ses magasins, situés dans son immeuble de la rue Porte-Roger [Note : Voir aux annexes la copie in-extenso des procès-verbaux des 21 et 22 juillet 1710. Pièces n° 10 et n° 16], étaient à la fois magasins de toile, épicerie et boutique de sucrerie [Note : Pièce n° 1. — Procès-verbal du 11 mai : « la 3ème apartenant à Louis Longuet, marchand…. le tout occupé par le propriétaire où estait des magasins de touttes sortes de marchandises »]. [Note : Pièce n° 1. — Procès-verbal du 11 mai : « la 3ème apartenant à Louis Longuet, marchand…. le tout occupé par le propriétaire où estait des magasins de touttes sortes de marchandises »]. Michel Vauborel, marchand de toiles également, qui avait son enseigne dans la maison de la Tour, à l'angle de la rue Saunerye et de la rue Perdüe. Il y avait un boulanger, la Bache, dans la rue Porte-Roger, dans la deuxième, maison après l'Hôtel Saint-Jacques, et son voisin de la maison suivante était du Chesnois, marchand de grains. L'échoppe qui précédait dans la rue de la Saunerye la maison en galerie était la bourrellerie de Marc Lecompte, et, dans la maison du fond de la Grande-Rue, au début de la rue Pinterie, se tenait l'officine de Guiard, apoticaire.
Tout proche de lui, deux maisons plus bas, dans la rue Perdüe, Me Gautray, chirurgien, était le locataire de la demoiselle de Hautelande.
Avait-on recours à la justice ? On trouvait Doudart, procureur, dans la maison du sieur Dissac, trois maisons plus loin dans la rue Perdüe, ou Pierre Cosnet, sergent royal de Fougères, dans l'isle de la Saunerye, en la maison de Thomasse Poulard, Veuve Cosnet, sa mère ; enfin, Botrel, huissier, venait de remplacer du Boulay, dont la veuve possédait toujours la maison de la Tour.
Sur la valeur, à cette époque, des immeubles détruits, les renseignements ne sont pas moins précis. On en trouvera le détail maison par maison aux annexes. Qu'il suffise de noter ici que leur évaluation oscille de 130 et 160 livres de rente pour les deux plus chères, celles de Louis Longuet et de la Veuve longuet, rue Porte-Roger ; à 18 livres de rente pour la moins chère, celle de Guillame Beaulieu, dans la rue Perdüe. Leur valeur moyenne s'établit entre 50 et 30 livres de rentes. Une échope ou petite boutique était estimée 30 livres en capital [Note : Pièce n° 18. — Procès-verbal du 22 juillet. — Voir aux annexes].
Quant aux marchandises, meubles et effets consumés par l'incendie, ils sont tout aussi exactement inventoriés. C'est ainsi que Louis Longuet a perdu pour 30.000 livres de meubles et de marchandises [Note : Pièce n° 16. — Procès-verbal du 22 juillet 1710. « Que Louis Longuet a perdu outre sa maison, en marchandises, meubles et effets jusqu'à la somme de trente mille livres »], sa mère 16.000 [Note : Pièce n° 16. — « Que la Veuve Longuet a perdu outre ses maisons, en marchandises et meubles jusqu'à la somme de seize mille livres »], Michel Vauborel 5.000 livres [Note : Pièce n° 16. — « Michel Vauborel, locataire de la maison de la Veuve Boulay, a perdu, en marchandises et effets, cinq mille livres »]. Pour les meubles seulement, leur importance s'échelonne entre 800 livres chez celui qui s'avère le plus riche, le chirurgien Gautray [Note : Pièce n° 16. — « Le Sr Gautray, chirurgien, locataire des héritiers de Giles Laurent, a perdu en meubles huit cents livres »], 500 livres au procureur Doudat, à la demoiselle de la Rousselais, au sieur la Touche [Note : Pièce n° 16. — « Le Sr Doudard, procureur, locataire du Sr Dissac, a perdu en meubles cinq cents livres. La Dlle de la Rousselais, locataire du Sr Hautelande, a perdu en meubles cinq cents livres »], et 40 livres chez les deux plus pauvres, François Rallet et François David [Note : Pièce n° 16. — « François Rallet et François David, autres locataires, en meubles, chacun quarante livres »], locataires du sieur de la Chaudronnerais, dans la maison du curé de Coulombiers, rue Perdüe. Leur valer moyenne s'établit à 100 livres.
Enfin, on peut avoir une idée de la valeur du terrain dans cette partie de la ville en se reportant à l'estimation du terrain des sept maisons brûlées de l'île de la Saunerye, soit 2.646 H. 13 S. 4 s. pour une superficie totale de 116 toises 2/3 et 1/36, c'est-à-dire 443m2 533 environ. Le mètre carré valait donc à peu 6 près livres [Note : Pièce n° 11. — Voir aux annexes].
Mais ce n'est pas sans d'âpres contestations que les parties sont arrivées à un accord à ce sujet, comme le prouvera la suite de cette étude.
III - LA VIE DE LA CITÉ.
Restituer l'aspect de tout un quartier de Fougères il y a 314 ans dans le tracé et la largeur de ses rues, l'apparence de ses maisons, la répartition de ses magasins ; en faire connaître les propriétaires et les locataires avec leur profession ; estimer leur richesse ou leur pauvreté relatives ; chiffrer la valeur exacte des immeubles et du terrain enclos dans ses murailles, voilà certes bien des renseignements précieux fournis par les documents contemporains de l'incendie de 1710.
Mais on est loin d'avoir ainsi épuisé leur substance. Ils donnent plus et mieux. Ils font battre le cœur de la cité, ils expriment sa vie même dans son activité industrielle et commerciale, trahissent les inquiétudes de ses habitants, sous la charge d'impôts qu'ils jugent trop lourds, révèlent les projets d'une municipalité soucieuse de transformer sa voirie au mieux des intérêts qui lui sont confiés.
L'industrie principale de Fougères à cette époque était celle de la grosse toile, des fils et filaces, que tissaient plus de trois cents familles de tisserands répartis dans la ville et dans les faubourgs [Note : Pièce n° 5. — Lettre au Marquis de Torcy. (Voir aux annexes)]. Mais si la fabrication se trouvait ainsi disséminée dans toute l'étendue de la ville, le commerce, par contre, était étroitement rassemblé, et le noyau de son activité, se trouvait précisément au foyer du sinistre. Louis Longuet, la Veuve Longuet, sa mère, et Vauborel en concentraient toutes les ressources entre leurs mains. Et, constatation curieuse, le siège de leurs opérations s'est pour ainsi dire perpétué sur place, puisque, dans Fougères devenu cependant un centre d'industrie de la chaussure, les maisons Langlois et Daspre, qui se consacrent au commerce des toiles et des lainages, sont situées au coin des rues Porte-Roger et Chateaubriand, à l'emplacement même qu'occupaient, deux siècles et demi plus tôt, leurs confrères et devanciers.
Or, il paraît bien que leurs prédécesseurs étaient gens fort importants. Outré les pertes en marchandises qu'ils ont subies — plus de 50.000 livres à eux trois — le témoignage porté par les déclarations du maire en est un sûr garant. Il atteste en effet que le trio faisait le commerce de toute la ville. Pour le compte des trois magnats de la Porte-Roger, les 300 familles de tisserands travaillaient dans les faubourgs. Mieux encore, ils constituaient, dès cette époque, une sorte de société par actions. La supplique au, Marquis de Torcy le laisse assez naïvement entendre sans grande indulgence pour les capacités des autres compatriotes lorsqu'elle déclare que « beaucoup d’autres habitants n'ayant pas la même intelligence s'intéressaient à leur commerce, leur fournissaient ou de l'argent ou des toiles ; par ce moien, ces particuliers (Longuet et Vauborel) faisaient le commerce de toute la ville ».
Là ne se bornait pas le mérite de la puissante firme ; elle se révèle, en effet, trust en verticale avant la lettre. Or, en cette période troublée de la guerre de succession d'Espagne, les transactions étaient loin d'être faciles. Aussi, est-ce à juste titre que l'on souligne l'habile activité des Longuet et Vauborel, « seuls marchands qui eussent l’industrie de faire sortir les toiles et autres marchandises de ceste ville ». Car, à leurs qualités de producteurs, fabricants, commerçants en toiles, ils joignent celle de transporteurs. Seulement, chose curieuse, ce n'est pas par Saint-Malo, le port le plus proche et le plus facile d'accès que s'écoulaient leurs produits, comme il eût semblé naturel, mais bien par Nantes et La Rochelle. Et peut-être, faut-il en conclure que les grosses toiles, produit de l'industrie fougeraise, étaient de la marchandise de pacotille qui trouvait son entrepôt tout désigné dans le port négrier de Nantes.
Au demeurant, il ne s'agissait pas de ventes dans le sens habituel du mot, car il est bien spécifié qu'ils les trocquaient contre d'autres marchandises qu'ils amenaient à Fougères pour les écouler ensuite en Normandie et dans le Maine.
Ainsi, au milieu des perturbations dues aux malheurs de la longue guerre en cours, la petite ville bretonne s'avère centre d'autres d'échanges assez actifs entre la Vendée et l'Aunis d'une part, le Maine et la Normandie de l'autre.
Aussi, la municipalité, soucieuse de faciliter le débouché de ses marchés, saisit l'occasion qui s'offre de mener à bien un projet qu'elle caresse depuis longtemps : celui de transformer en place l'île de la Saunerie.
Dès le 9 Mai, Michel Ménard, sieur des Bourlières, conseiller du Roi, maire perpétuel et héréditaire de la Ville de Fougères, flanqué de ses échevins et de ses commissaires [Note : Pièce n° 1. — Procès-verbal du 9 mai. — « Nous Michel Ménard, Sieur des Bourlières, conseiller du roi, maire perpétuel et héréditaire de la ville de Fougères, René Mathurin Le Lièvre, Sieur du Chenay, premier Eschevin, François de Bregel, sieur du Manoir, premier assesseur de la Communauté Sçavoir faisons que de compagnie avec Vénérables et discrets messires René Ménard, sieur de Pleslenne, recteur et chaplain de la paroisse Saint-Léonard, René Paunier, sieur de Montondry, recteur et chaplain de la paroisse Saint-Sulpice, Escuier Paul Chupin, sieur de la Guitonnière, escuier Gilles Le Pays, sieur de la Brimaunière et nobles gens Julien Blanchouin, sieur de la Planche et Charles Morel, sieur de la Haye, commissaires nommés par la Communauté, nous nous sommes ce jour 9 mai 1710 transportés près la Porte-Roger… »] s'est transporté sur les lieux du sinistre pour faire le relevé exact du cadastre des maisons brûlées. Et il a soin de relater, à la fin de son procès-verbal : « Comme la rue de la Saunerye n'a que sept pieds de large, que c'est le passage le plus fréquenté de la ville, par où tous les messagers, voituriers, coches, carrosses, rouliers et charrettes sont obligés de passer pour aller à Paris, en Normandie et le Maine, il n'y a presque pas d'années qu'il n'y ait des personnes estropiées ou tuées dans cette rue et plusieurs équipages cassés.
D'ailleurs, n'y ayant aucune place pour les marchés qui se tiennent tous les mercredy et samedy dans les rües, lesquelles ne sont pas assez larges et spatieuses pour contenir tous les bestiaux qu'on y amène, Messieurs les Gouverneurs et la Communauté de Fougères avaient formé le dessein d'achepter les sept maisons qui composent cette isle, pour prévenir et empescher pareils accidents que ceux qui sont très fréquemment arrivés dans ladite rue, affin de rendre le passage libre et aisé et de pouvoir faire en ce lieu une place pour le marché .... ».
Mais « comme pondant que ces maisons étaient constantes les propriétaires les estimaient beaucoup (460 de rente), la Communauté n'avait pu effectuer son dessein, quelqu'utile qu'il soit pour le bien public ».
L'occasion s'offrait pour la Ville qui n'avait plus à acheter que le terrain. Sa municipalité la saisit. Elle en manifeste expressément le désir dans son procès-verbal des 9 et 15 Mai, en fait l'objet, d'une délibération spéciale, transcrite sur le livre des délibérations le 21 Mai, en écrit à Mgr le Marquis de Torcy, ministre et secrétaire d'Etat, en sollicite l'autorisation par un Placet au Roy.
Elle ne néglige rien pour faire aboutir sa requête. Elle a tout prévu : pour indemniser les propriétaires expropriés, on leur donnera « d'autres fonds, pour bastir plus grands que ceux qu'ils avaient à la proximité, au dehors des portes de la ville des deux costés, jusque et au tour du Boulevard Roger ou sur la petite douve à leur choix » [Note : Pièce n° 6. — Lettre au Marquis de Torcy. Voir aux annexes], c'est-à-dire sur les emplacements des places d'Armes et Gambetta actuelles. Soucieuse de ménager les deniers publics, elle a bien soin de préciser qu'il n'en « coûtera rien à Sa Majesté ny aux particuliers, ce terrain étant vain et vague », tout en ajoutant, à l'adresse de ses administrés, qu'il est « dans le quartier le plus propre pour la commune ».
Elle songe même à intéresser le roi à l'opération en rappelant opportunément que, faute de place publique en ville, les bestiaux à vendre le sont hors la ville, « ce qui porte un préjudice considérable aux droits de traite et de coutume appartenant au roy, qui se perçoivent audit Fougères » [Note : Pièce n° 10. — Procès-verbal de Bruno Robin : « d'ailleurs qu’il n'y a point de place dans ladite ville pour les marchez qui s'y tiennent les mercredis et samedis, en sorte que la plus part des bestiaux que l’on y mène vendre sont obligez de rester hors de laditte ville, ce qui porte un préjudice considérable aux droits de traitte et de coutume appartenant au roy, qui se perçoivent audit Fougères…. »].
Mais le roi, par Edit de Juillet de 1708, a créé des offices d'Inspecteurs Conservateurs Généraux des Domaines auxquels sont attribués des droits sur les maisons qui sont bâties dans les fossés, près des murs et fortifications des villes [Note : Pièce n° 8. — Au Roy : « … que votre Majesté par édit du mois de juillet 1708 a créé des offices d'inspecteurs conservateurs général, de ces domaines, auxquels elle attribue des droits sur les maisons qui sont basties dans les fossés près les murs et fortifications des villes… »]. Et il convient de noter en passant que c'est là l'indice du début de la désaffection, qui devait se généraliser trente ans plus tard, des organes de défense des nombreuses villes fortifiées de l’intérieur du Royaume. Aussi la municipalité requiert, pour faciliter considération de ce qu'ils cèdent leurs fonds pour le bien public, l'échange proposé, de ne pas demander aux particuliers, en de plus grands droits ni devoirs seigneuriaux que ceux qu'ils devaient pour leurs anciennes maisons, et en outre de leur accorder le droit de port et d'attache dans les murs de la ville et du boulevard [Note : Pièce n° 6. — Lettre au Marquis de Torcy : « Ces particuliers cédant leurs fonds pour le bien et utilité de Sa Majesté et du public, ils espèrent par la médiation de Vostre Grandeur que Sa Majesté ne leur demandera pas de plus grands droits ni devoirs seigneuriaux que ceux qu'ils devaient pour leurs anciennes maisons, mesme qu'elle voudra bien leur accorder, pour faciliter l'échange, le droit de port et d'attache dans les murs de la ville et du boulevard »].
Enfin, prévoyant le cas de ceux qui ne voudraient pas rebâtir, elle offre de les indemniser sur les deniers de la ville [Note : Pièce n° 8. — Au Roy : « et que les particuliers qui ne pourront ou ne voudront rebastir auront la rente de la valeur de leurs fonds sur les deniers communs de la ville, ainsi qu'il sera réglé par M. Ferrand, intendant de Bretagne, qu'il plaira à Votre Majesté de commettre pour cet effet et pour toutes choses en résultant… »], et elle propose pour arbitre entre elle et ses administrés [Note : Pièce n° 8. — Au Roy : « et que les particuliers qui ne pourront ou ne voudront rebastir auront la rente de la valeur de leurs fonds sur les deniers communs de la ville, ainsi qu'il sera réglé par M. Ferrand, intendant de Bretagne, qu'il plaira à Votre Majesté de commettre pour cet effet et pour toutes choses en résultant… »] M. Ferrand, Intendant de Bretagne.
Les propositions ainsi faites sont accueillies par le Contrôleur Général des Finances [Note : Pièce n° 10. — Procès-verbal du 21 juillet : « que la communauté… aurait, par délibération du 21e may 1710, délibéré de se pourvoir vers sa Majesté.... ; que ce placet ayant été renvoyé par M. le Contrôlleur Général des Finances à M. Ferrand il nous (Bruno Robin, son secrétaire) aurait ordonné de nous transporter sur les lieux avec le Sr Thévenon, ingénieur à Dol, pour vérifier les faits contenus audit placet, et entendre les propriétaires des emplacements desdittes maisons sur la proposition faite par les maire et eschevins... »]. Et le 21 Juillet, à 7 heures du matin, Bruno Robin, secrétaire dûment accrédité de M. Ferrand, avec le Sieur Thévenon, ingénieur à Dol, se rencontrent sur les lieux en litige avec le maire et les échevins, ainsi que les propriétaires intéressés, convoqués à cet effet par les soins de Botrel, huissiers de la communauté [Note : Pièce n° 10. — Procès-verbal du 21 juillet : « En conséquence desquels ordres nous (Bruno Robin) nous serions transportés le jour d'hyer audit Fougères avec ledit Sr Thévenon et aurions fait sçavoir ce jourd'huy aux maire et eschevins dudit lieu le sujet de notre commission et avertir les propriétaires desdits emplacements par Botrel, huissier; de la Communauté de se rendre ce jourd'hui sept heures du matin sur les lieux, et d'apporter les contrats d'acquisitions qu'ils peuvent avoir desdites maisons »].
On procède au récolement sans conteste. Mais on cesse d'être d'accord lorsqu'il s'agit de passer à l'échange proposé par la municipalité. A l'unanimité, les propriétaires sinistrés refusent les emplacements nouveaux qui leur sont offerts. Et l'on reste rêveur du peu de perspicacité dont témoigne ce refus, si l'on songe que, vingt-cinq ans plus tard, comme une autre étude le montrera, les riverains rivaliseront de compétition pour acquérir à beaux deniers comptants l'affouagement des mêmes places qu'ils refusent gratuitement aujourd'hui. Si l'on songe aussi que les terrains des portes de la ville, du boulevard et de la petite douve sont exactement sur les lieux actuels du Tribunal et de la place Gambetta, les plus commerçants et les plus passagers de la ville encore aujourd'hui. Car Fougères, arrêtée dans son développement vers l'Ouest par les pentes abruptes qui la limite vers le château, s'est étendue toujours plus à l'Est, contrairement à ce que l'on observe d'ordinaire dans l'accroissement des villes.
Déçus dans leur espoir, les échevins ne s'obstinent pas dans une vaine tentative. Ils offrent d'acquérir purement et simplement le terrain dont ils ont besoin, en payant avec les fonds destinés par l'arrêt du Conseil de 1683 à l'entretien des pavés. Les précédents adjudicataires ont été payés, et le miseur de la communauté a en mains 1.520 livres qui n'ont pas été employés depuis le mois d'Octobre 1708 [Note : Pièce n° 10. — « Payer lesdits propriétaires de leurs emplacements des deniers qui sont actuellement entre les mains du miseur de la communauté, provenant des fonds destinés par l'arrest du Conseil de 1683 pour l'entretien des pavez qui n'ont pas été employez depuis le mois d'octobre 1708 jusqu'à présent, lesquels deniers sont libres, les précédents adjudicataires des pavés ayant été payés, et se monteront au mois d’octobre prochain à somme de quinze cens vingt livres »]. On complétera le surplus.
Reste à établir la valeur du fond. Les propriétaires ne seraient pas des propriétaires de tous les temps s'ils ne la prisaient pas très haut. Mais ils sont aussi des contribuable et, et lorsqu'il a fallu faire une déclaration de leur revenu pour asseoir la répartition de la taxe sur les maisons, ils ont eu soin de la faire aussi modeste que possible. S'ils l'ont oublié, l'admistration en a pris bonne note. Et Bruno Robin se trouve placé entre deux évaluations fort différentes : celle des propriétaires très élevée, celle très basse de la municipalité qui argue en plus de ce que, les contrats d'acquisition étant anciens, choses et maisons ont diminué de valeur depuis ce temps [Note : Pièce n° 10. — « Les maire et eschevins de Fougères étant ainsy comparus, ils ont dit pour réponse aux raisons des propriétaires de l'Isle de la Saunereye que l'estimation qu'ils font du fonds des maisons est excessive, que leurs contrats d'acquisition étant anciens, les maisons et toutes choses valoient plus en ce temps-là qu'aujourd'huy, et que les propriétaires desdites maisons incendiées ont reconnu en 1694, en 1700, 1706 et 1708 lorsqu'on a travaillé à l'imposition de la taxe sur les maisons de ladite ville, qu'ils ont déclaré dans lesdittes années aux commissaires députez pour la répartition de ladite taxe, que leurs maisons ne valoient de revenu annuel, sçavoir.... »].
Si l'on en croyait les habitants, l'emplacement des sept maisons de l'Isle de Saunerye, variant pour chacune d'elles entre 1.200 et 300 livres, représenterait au total 4.900 livres.
La municipalité, pair contre, prenant pour base le 1/6ème de la valeur des maisons d'après le revenu déclaré, offre 1.323 livres [Note : Pièce n° 10].
L'expert, en l'espèce l'ingénieur Thévenon, juge « qu'il y a de l'excez dans les sommes demandées par les propriétaires… mais que les Maires et Eschevins de Fougères n'en offrent pas le juste prix qui ne peut être réglé au sixième de ce que les maisons qui y étaient construites pouvaient valoir, qu'il estime que la valeur desdits emplacements qui sont dans l'endroit le plus fréquenté de la dite ville doit être réglé à la somme de 2646 livres treize sols quatre deniers qui est le tiers de celle 7.940 livres à quoi se montre le principal au denier vingt de la somme de 397 livres à quoy les propriétaires ont porté le revenu des dites maisons par les déclarations par eux faites lors de la réparation de la taxe sur les maisons » [Note : Pièce n° 10].
Finalement, on tombe d'accord sur les 2.646 livres proposées par Thévenon [Note : Pièce n° 13. — Avis de Ferrand. « Les parties s'étant ainsy expliquées, et les propriétaires des sept maisons incendiées dans l'Isle de la Saunerye ayant donné leur consentement à leur remboursement de la valeur des emplacement desdites maisons ..... »]. Le 27 Septembre, l'intendant de Bretagne émet un avis favorable à la transformation en place de l'Ile de la Saunerye, en réservant toutefois la rente de 16 livres dues au Roy sur les emplacements, rente dont la municipalité aurait voulu être déchargée [Note : Pièce n° 10. — Procès-verbal du 21 juillet : « Supplient très humblement sa Majesté de vouloir décharger la communauté de la somme de 16 livres de rente qui sont dues à Sa Majesté annuellement par lesdits emplacements »].
Le 14 Octobre 1710, par arrêt du Roi, les lettres patentes nécessaires sont accordées [Note : Pièce n° 13. — Avis de Ferrand : « A la charge de payer par la communauté annuellement la rente de seize livres qui est due au roy sur les emplacements »]. Et depuis cette époque, l'Isle de la Saunerye, transformée en place, est devenue la Place du Brûlés.
Restait à régler la question des impôts.
Dès le début, la communauté argue de la perte subie par la ville. Elle l'évalue à 200.000 livres. Elle constate que cette perte atteint non seulement les sinistrés, mais le reste des habitants, puisque leurs employeurs habituels, qui ont le plus souffert, sont hors d'état de continuer à les faire travailler. Et elle estime que ses concitoyens sont incapables « d'affranchir, même de payer leurs capitations » et de « remplir l'abonnement de 8.000 livres que les Etats ont ordonné pour la ville D » [Note : Pièce n° 18. — « De se pourvoir vers le Roy pour obtenir les lettres patentes nécessaires sur ce sujet »].
Elle demande donc une décharge de l'affranchissement des capitations des habitants et une modération de moitié de l'abonnement de la ville pour l'année 1710 et les suivantes [Note : Pièce n° 5. — Lettre au Marquis de Torcy : « ... la perte irreparable que cet incendie leur cause qui se monte à plus de deux cens mille livres…. à tous les habitants qui sont présentement hors d'état d'affranchir, même de payer leurs capitations comme ils ont fait et de remplir l'abonnement de huit mille livres que les Etats ont ordonné pour la ville »].
Pour faciliter l'octroi des remises d'impôt qu'elle sollicite, elle a bien soin de faire observer qu'il n'en coûtera rien au Roi. [Note : Pièce n° 5. — « Les décharger de l'affranchissement de leur capitation, estant hors d'état de le faire et modérer l'abonnement de leur capitation à moitié ou telle somme qu'il plaira à Vostre Grandeur… pour la présente année 1710 et les suivantes.... »]. Elle suggère, en effet, qu'il lui suffira de récupérer sur la province de Bretagne les sommes qu'il perdra sur la ville et d’ordonner « que le sieur trésorier des estats de Bretagne sera remboursé aux prochains Estats, par la province, de la diminution qu'il plaira accorder aux supliants » [Note : Pièce n° 5. — Lettre à M. le Marquis de Torcy].
D'ailleurs, on ne néglige pas d'observer qu'il y a des précédents. En pareille calamité, S. M. a trouvé bon de décharger pour dix ans les habitants de la paroisse de Ducey en Normandie, « dont la ville de Fougères n'est distante que de 8 lieues », ajoute-t-on [Note : Pièce n° 19. — Mémoire « En considération de ces pertes et de la grâce accordée par le Roy à Ducey dont la ville de Fougères n'est distante que de 8 lieues »], « de toutes tailles, subventions, capitation et ustencille pour les indemniser de l'incendie arrivé au bourg de Ducey » [Note : Pièce n° 5 — Lettre à M. le Marquis de Torcy].
Et l'on apprend par le placet adressé au Roy à ce sujet que lorsque les autres villes de la province de Bretagne comme Rennes, Nantes, Vannes et autres n'ont pas rempli leur abonnement, « ce qui arrive souvent », fait-on remarquer naïvement, ou malicieusement, « le sieur trésorier des Etats paye cependant toujours à S. M. les deux millions que la province lui doit » [Note : Pièce n° 9. — Placet au Roy : « et lorsque les autres villes de la Province de Bretagne, comme Rennes, Nantes, Vannes et autres n'ont pas rempli leur abonnement (ce qui arrive souvent), le sieur trézorier des Etats paye cependant toujours à Votre Majesté les deux millions que la province vous doit, dont les états remboursent le sieur trézorier à leur prochaine assemblée des sommes dont il se trouve en avance… »]. Quitte à la prochaine assemblée de rembourser le trésorier de ses avances.
Les suppliants qui regardent le roi comme le père de ses peuples n'attendent pas moins de lui [Note : Pièce n° 9. — Placet au roi : « les suppliants vous regardent comme le père de vos peuples, ils requièrent..... »].
Et de fait, Desmarets, Ministre d'Etat et Contrôleur Général des Finances, ayant renvoyé la supplique à l'Intendant pour enquête, le 22 Juillet, Bruno Robin et Thévenon complètent leur procès-verbal de la veille par l'estimation exacte de toutes les pertes subies par les sinistrés [Note : Pièce n° 16. — Procès-verbal du 22 juillet. Voir aux annexes]. Ils évaluent ainsi les 28 maisons brûlées à 29.940 livres, les 20 endommagées à 2.955 livres, les meubles et marchandises à 68.880 livres, soit an total à 101.775 livres, c'est-à-dire à peu près exactement la moitié de la perte accusée par les intéressés.
Le 27 septembre, l'Intendant de Bretagne, faisant sienne cette évaluation, propose de diminuer la capitation de la ville de 1.500 livres pendant quatre ans.
Il appuie sa proposition sur le fait que la perte subie est considérable pour une « petite ville dont les habitants ne sont pas aisés » [Note : Pièce n° 21. — Avis du Sr Ferrand : « Cette somme étant considérable pour une petite ville dont les habitants ne sont pas aisés, nous croyons que l'on pourrait faire une diminution sur la capitation de ladite ville de la somme de quinze cens livres pendant le nombre de quatre années… La capitation est de 8.000 et la ville est trop chargée »] et sur ce que la capitation est de 8.000 livres « et la ville est trop chargée » [Note : Pièce n° 21. — Avis du Sr Ferrand, Voir ci-dessus].
Il suggère en même temps l'emploi à faire de la somme ainsi épargnée : 1° décharge et modération des capitations de ceux qui ont le plus souffert ; 2° soulagement pour le surplus des autres habitants « sur qui partie de la perte retombe par l'intérest qu'ils avaient dans le commerce de ceux dont les maisons et les effets ont été brûlés » [Note : Pièce n° 17. — Avis du Sr Ferrand sur la diminution de la Capitation].
Le 14 Octobre 1710, un arrêt du Roi entérinait les propositions de l'Intendant de Bretagne.
Et l'on ne saurait trop souligner le désintéressement et le haut souci des intérêts locaux dont témoigne cette décision, si l'on songe à la détresse du trésor public en cette année 1710 aux sombres jours de la Guerre de Succession d'Espagne, détresse encore aggravée par les graves intempéries et les mauvaises récoltes des années précédentes.
IV - L'ADMINISTRATION GÉNÉRALE.
Sl maintenant, prenant la question de plus haut, on cherche à établir par quels multiples rouages ont bien pu passer les innombrables pièces qu'il a fallu sans doute établir, compte tenu de la procédure compliquée de cette époque, avant d'obtenir une solution, on est frappé par deux constatations : la première, c'est l'ordre qui préside à l'établissement du dossier ; la seconde, c'est la simplicité et la souplesse du jeu des organes administratifs à faire agir.
L'incendie est du 4 Mai. Dès le 5, la municipalité dresse sur place un procès-verbal de l'état des lieux et en fait lever le plan. Puis s'élevant aussitôt aux problèmes, d'ordre général à traiter, elle sépare immédiatement les deux questions, qu'elle traite : le problème d'édilité qui la préocupe depuis longtemps ; la diminution d'impôts qu'elle prétend obtenir. Chacune d'elles fait l'objet d'un dossier spécial très clairement composé, où, à côté de la faveur sollicitée, on a soin d'indiquer les moyens pratiques de réalisation et de solder les conséquences financières qui en résulteront. Puis, un mémoire, une lettre au Marquis de Torcy, Ministre et Secrétaire d'Etat, et un placet au Roy pour chacune des deux questions partent directement pour Versailles.
Ils y sont certainement au début de Juin puisqu'on lit en marge du plan, à la date du 11 Juin : « Escrire à M. Ferrand, en lui envoiant ce plan et le placet, qu'il vérifie la perte et le dommage causés aux habitants de Fougères par cette incendie, qu'il examine les moiens de les soulager et en donne son avis en renvoiant le plan et le placet ».
Ainsi, l'administration centrale, saisie, délègue sans tarder l'Intendant de Bretagne.
Celui-ci est tout aussi prompt à agir. Dès le 21 Juillet, la commission, réduite à deux membres — son secrétaire et un ingénieur expert qu'il a désigné, — est sur les lieux, et, en deux jours, a fait ses évaluations, mis les parties d'accord (ce qui au d'ailleurs nécessité une nouvelle délibération de la municipallité), rédigé ses procès-verbaux. On reste confondu d'une pareille célérité.
Le 27 Septembre, l'Intendant de Bretagne a terminé, à Rennes, l'étude de la question, complété ses dossiers, rédigé son avis sous une forme telle qu'il ne reste plus qu'à l'entériner par un Arrêt, et envoie le tout à Versailles.
Le 14 Octobre 1710, l'Arrêt est pris, donnant satisfaction à toutes les demandes de l'Intendant et réglant tous les problèmes posés.
L'affaire est close.
Ainsi, cinq mois ont suffi, après le sinistre survenu dans une petite ville de Bretagne, pour mettre en branle l'administration municipale, celle de la Province et l'Administration Centrale, pour obtenir le règlement, à la satisfaction des intéressés d'une importante expropriation pour cause d'utilité publique, pour régler une question d'édilité qui nécessiterait des lettres patentes du Roi, mieux encore, pour décider un abattement substantiel des contributions directes de la ville pour plusieurs années, et ce à un moment où les finances de l'Etat étaient cruellement obérées.
Le tout sans heurt, en trois phases très brèves, sans vaines formalités, ni d'appareil d'imposantes délégations et commissions, par le simple jeu d'une décentralisation bien comprise.
Qu'on imagine par la pensée les mêmes problèmes à résoudre de nos jours, avec l'intervention certaine du Parlement, l'enchevêtrement des enquêtes et contre-enquêtes, des commissions et sous-commissions, la complication d'une loi de finances, etc...
Il n'est pas exagéré de croire que la solution attendue demanderait plus de cinq mois avant d'être prise et de devenir exécutoire.
CONCLUSION.
Une haute écriture énergique a tracé à Versailles, en marge de l'avis du sieur Ferrand, Intendant de Bretagne, les quelques mots « bon, suivant l’avis », et mis ainsi un point final à toute l'affaire.
Le dossier qui la traite peut reprendre son sommeil dans le palais de Soubise, son contemporain, où l'abritent les Archives Nationales. Mais, dans les plis des feuilles de beau papier qui le composent, palpite le souvenir de la petite ville du XVIIIème siècle qu'il suffit d'évoquer pour le réveiller tout vivant.
Le quartier de la Porte Roger s'anime avec ses rues étroites sans trottoir, pavées de granit, à ruisseau central ; ses hautes maisons à pan de bois, pimpantes, penchées l'une vers l'autre de chaque côté de la chaussée ; sa circulation intense à ce carrefour unique des routes de Bretagne, de Normandie et du Maine.
Il ressuscite dans l'activité bruyante de son commerce concentré au point dominant de la cité et qui contraste avec le calme où dorment, dans la rue Derrière, les hôtels silencieux de la petite noblesse et de la bourgeoisie désireuse de se hausser dans ses rangs.
Il revit enfin avec les intérêts et les espoirs, les tristesses et les déceptions de la vie communale en France à l'aube du XVIIIème siècle.
(Colonel Gillot).
I - PROCÈS-VERBAL DU 11 MAI 1710.
Nous Michel Ménard, sieur des Bourlières, conseiller du Roy, maire perpétuel et héréditaire de la ville de Fougères ; René Mathurin Le Lievre, sieur du Chenay, premier Eschevin ; François de Bregel, sieur du Manoir, premier assesseur de la communauté, Sçavoir faisons que de compagnie avec vénérables et discrets messires, René Menard, sieur de Peslemne, recteur et chaplain de la parroisse St-Léonard ; René Paunier, sieur de Montondry, recteur et chaplain de la paroisse St-Sulpice ; Escuier Paul Chupin, sieur de la Guittonière ; Escuier Gilles le Pays, sieur de la Brimaunière, et nobles gens Julien Blanchouin, sieur de la Planche, et Charles Morel, sieur de la Haye, commissaires nommés par la communauté, nous nous sommes ce jour 9 mai 1710 transportés près la Porte Roger de cette ville pour raporter estat et procez verbal de l’ïncendie arrivé en cette ville qui commença environ onze heures du 3ème jour du présent mois de may 1710 et a continué avec beaucoup de vehemence jusques sur les onze heures du lendemain et n'est pas encore entièrement éteint.
Commençant par les emplacements des deus petites maisons apartenant à Mr Julien Perrault, situées près le degré qui conduit sur la grosse muraille du côté méridional les ayant fait mesurer et toiser par Me Pierre Busson, feuilletayer arpenteur des Eaux, bois et forêts, ils se sont trouvés avoir vingt deux pieds de face sur la Rüe et quarante huit pieds de profondeur, lesquelles maisons sont entièrement brûlées. Il y avoit trois locataires.
La seconde maison, apartenant au sieur Pommereul, avoit seize pieds de face et vingt six pieds de profondeur, entièrement bruslée. En laquelle il y avoit deux locataires outre le propriétaire.
La troisième apartenant à Loüis Longuet, marchand, ayant trente pieds de face sur la Rüe et quarante huit pieds de profondeur, dans le milieu, et derrière quarante cinq pieds de largeur, le tout occupé par le propriétaire, ou estoit des magasins de touttes sortes de marchandises, qui est entièrement bruslée.
La quatrième apartenant, sçavoir les embas à Perrine Patin, veuve Mallier, et les deux étages de dessus à Tranblays Besnier, ayant treze pieds dix pouces de face et trente sept pieds de profondeur, cy devant occupée par ladite Mallier et deux locataires, entièrement bruslées.
Les cinquiesme et sixiesme à Marie Collet, veuve Longuet, par elle cy devant occupées et par un locataire, ayant la première dix sept pieds de face et quarante cinq pieds de profondeur, la seconde treze pieds et demy de face et quarante cinq pieds de profondeur, entièrement bruslée avec touttes ses marchandises, meubles et effets, sans qu'elle ait pu sauver sa fille malade qui a été bruslée avec une gardienne.
La septièsme à Jean Lievre et à la ditte, veuve Longuet, dont le Lievre en a sept pieds de face sur la Rüe et laditte Longuet neuf pieds, avec le retour dans la rue Derrière, douze pieds de long avec les chambres de dessus. La boutique à la veuve Longuet, de quarante pieds de profondeur, qui sont bruslées.
La huitième an bas de la Rue Derrière est une salle audit Lelievre, ayant vingt deux pieds de face sur la rue Derrière et vingt un pieds de profondeur.
Sur et joignant ces deux précédentes maisons, il y avait une maison en gallerie qui traversait le bas de la Rue Derrière, apartenant à la demoiselle des Avons Dhussau, ayant 2 étages et joignant la maison de la Gasnerays du Teil de l'autre costé de la Rüe, ayant dix sept pieds de long et treze pieds de large par un bout et de l'autre quinze pieds. Laquelle maison on a abattu pour empescher que le feu ne se communiquast en l'autre costé de la rüe Derrière, et la maison de la Saunerie de la demoiselle du Teil qui est aussi bien endommagée pour empescher le cours du feu.
Les seconde et troisième maisons dit bas de la rue Derrière, apartenant au Comte, ayant quarante sept pieds de face sur la rue et vingt un pieds de profondeur, dans lesquelles il y avait trois mesnages, sont aussi entièrement bruslées.
La maison et cabinet dit sieur des Orières Raiste a esté bien endommagéc par le feu ; deux escuiries dans sa cour et les lieux bruslés. Sa femme même de la peur qu'elle a eu a accouché d'un enfant mort. Une décharge les lieux et une buscherie au sieur de la Chevaleraye Le Paige aussi bruslés et renversés pour sauver sa maison.
Les maisons du bas de la rue Derrière à Mlle de la Herronnière, et du sieur Coulange, ont aussi esté endommagées par le feu.
Revenant à la ditte rüe de la Porte Roger du costé du Septentrion. La maison de St-Jacques, apartenant à Julienne Chaplain, a esté aussi endommagée par le feu.
La maison du Sr Boishenry et consorts, ayant vingt cinq pieds de face sur la Rüe et trante pieds de profondeur, a esté en partie bruslée et découverte pour sauver celle de la Chaplais.
La maison d'Estienne Poupard, ayant dix neuf pieds et demy de face et vingt sept pieds de profondeur, aussi entièrement bruslée.
La maison de Mr de Chenay Le Lievre ayant vingt neuf pieds et demy de face et vingt neuf pieds de profondeur, aussi entièrement bruslée.
La maison de Mr de Coulange, ayant quinze pieds et demy de face et quarante cinq pieds de profondeur en dessendant dans la rüe Perdue avec treize pieds et demy de face dans la ditte rüe, aussi entièrement bruslée.
La maison suivante à Guillaume Beaulieu, ayant quinze pieds de face sur la rüe Perdüe et vingt un pieds de profondeur, entièrement bruslée.
Une escuirie et une buscherie à Mr de Lanseulles, de trante trois pieds de long et douze pieds de profondeur, renversée pour sauver sa maison.
La maison de Peuslinière, de l'autre costé de la rüe, endommagée par le feu.
La maison de François Aligot, endommagée par le feu.
La maison des Srs Desbretais et de la Graffardière, ayant vingt quatre pieds de face sur la rüe et soixante pieds de profondeur, bien endommagée par le feu et en partie découverte pour couper cours au feu.
La maison du Sr Dissaq, ayant vingt un pieds de face sur la rüe Perdüe et soixante pieds de profondeur, entièrement bruslée.
La maison de Souenière Rufaut, ayant douze pieds de face et trante pieds de profondeur, entièrement bruslée.
La maison de la veuve Hautelande Chesnot, ayant vingt quatre pieds de face sur la rüe et soixante six pieds de profondeurr entièrement bruslée.
Une autre petite maison, ayant neuf pieds de face et soixante pieds de profondeur, dont l’embas sur la rue est à la ditte veuve Hautelande, le derrière et les chambres aux enfants et héritiers de la Seigneur, entièrement bruslée.
La maison du curé de Colombiers pays du Maine, autrefois à la Montagne, ayant quinze pieds et demy de face sur la rue et soixante pieds de profondeur, sur laquelle le Sr de la Chaudronneraye Morel avait trois chambres, deux cabinets et les greniers au second et troisième étages, entièrement bruslée, et la femme du Sr Gautrays est accouchée par la peur qu'elle eut d'un enfant mort.
La maison du Sr Guiard, ayant quatorze pieds de face sur la rue et soixante neuf pieds de profondeur, beaucoup endommagée sur le devant et le derrière bruslé.
La maison du Sr Pichardays, ayant vingt sept pieds de face et trente-cinq pieds de profondeur, beaucoup endommagée et presque toutte découverte.
La maison de Feslandays du Pont, ayant seize pieds et demy de face et vingt deux de profondeur, a esté découverte pour couper le cours du feu.
La maison de Sr Boisbretays, garnier au derrière, qui a vingt cinq pieds de long et quatorze de large, découverte pour arrester le cours du feu.
Plusieurs autres maisons de la mesme rue de la Pinterie ont encore esté endommagées par le feu, sçavoir celle de Mr de la Mazelière, d'Anne Gautier, de Thomas Talvard, de Mrs de la Maisonneuve Parnier, de la Hussonaye et de Bertelon.
Pour empescher que le feu ne se fust communiqué dans la Halle à toille et à chair, on a découvert la maison de la Delle Desbretais et de Loüis Longuet, ayant vingt trois pieds de long et treze pieds de profondeur.
Le feu s'estant cependant communiqué en laditte halle du Roy en plusieurs endroits de la couverture, il y a bien pour quarante écus de réparations à faire.
Le feu s'étant aussi épris dans la maison de l'Escu, elle en a été endommagée et, pour couper le cours au feu qu'on aprehendait qui ne se fust communiqué dans la rue devant, on fit découvrir la moitié de la maison de Hodairie Miot, ayant seize pieds et demy de face et trante huit de profondeur. Revenant au carrefour de la Porte Roger, de la rue Derrière et de la Rüe Perdüe, apellé L'Isle de la Saunerie, où le feu s'est aussi épris, il a bruslé toutes les maisons de ce quartier, qui a de longueur du costé de la rue de la Saunerie quatre vingt quatre pieds, au bout qui est vers la Halle quarante huit pieds de longueur, en revenant le long de la rue Perdüe soixante quatorze pieds, et de largeur en montant de la rue Perdüe à la rüe derrière cinquante trois pieds. La maison de la veuve et enfants de Boulay Coupé fait un coin de cette Isle et avait vingt huit pieds de face vers la Saunerie et vingt un pieds de profondeur, entièrement bruslées. Thomasse Poulard, veuve Cosnet, avait aussi une maison en la mesme rüe en descendant ayant quinze pieds de face et trante cinq pieds de profondeur qui se communiquoit par derrière à une autre maison qu'elle avoit faisant face sur la Rüe de la Saunerie, qui avoit quarante deux pieds de long et dix huit pieds de profondeur compris la place de la Saunerie avec une cave sous Bourgneuf, entièrement bruslées.
La maison de Delourmel ayant treze pieds de long du costé de la Saunerie et huit pieds de face vers la Halle avec une chambre en gallerie élevée au travers de la rüe de la Saunerie qui communique avec la maison de la veuve Gascoin au bas de la Rüe devant sur laquelle chambre en gallerie ; il y avoit encore une autre chambre de pareille manière, et un grenier apartenant et communiquant à la maison de Lhermitte cy après et avoit led. de Lourmel une cave sous la Cosnet.
La maison de Lhermitte ayant huit pieds de face vers la Halle et treze pieds de profondeur avec la susditte gallerie entièrement bruslée. Remarquable que pour empescher que le feu ne se fust communiqué au bas de la Rüe devant on a coupé et abbattu laditte maison en gallerie qui apartient en partie audit de Lourmel et en partie audit Lhermitte parce que le feu y estant desjà épris elle aurait infailliblement bruslé et porté le feu au bas de la rue Devant aux maisons de la Gascoin et de Beaulieu qui ont esté aussi endommagées.
La maison des enfans du Sr de Bourgneuf Chapron ayant quatorze pieds de face vers la Halle et quarante cinq de profondeur, toutte bruslée.
La maison des Loriers à la dame de la Hamonière, ayant dix huit pieds de face au carrefour et quarante quatre pieds de long sur la rue Perdüe, aussi entièrement bruslée.
La maison de Louis Longuet, marchand, ayant trante pieds de face sur la rüe Perdüe et seize pieds en montant au carrefour de la Saunerie, aussi entièrement bruslée.
Touttes les maisons qui estoient dans lesdits emplacements estoient divisées en plusieurs apartements, et touttes à deux ou trois étages en lesquels il y avoit plusieurs ménages ou familles qui ont perdu tous leurs meubles, effets (et marchandises). (Ajouté de la main du maire).
Comme la rüe de la Saunerie n'a que sept pieds de large, que c'est le passage le plus fréquenté de la ville par où tous les messagers, voituriers, coches, carosses, rouliers et charettes sont obligés de passer pour aller à Paris, en Normandie et le Maine, il n'y a presque pas d'années qu'il n’y ait des personnes estropiées ou tuées dans cette rüe et plusieurs équipages cassés.
D'ailleurs, n'y ayant aucune place pour les marchés qui se tiennent tous les mercredy et samedy dans les rües, lesquelles ne sont pas assez larges et spatieuses pour contenir tous les bestiaux qu'on y amène, Messieurs les Gouverneurs et la Communauté de Fougères avoient formé le dessein d'achepter les sept maisons qui composent cette isle pour prévenir et empescher pareils accidents que ceux qui sont très fréquemment arrivés dans ladite rue affin de rendre le passage libre et aisé et de pouvoir faire en ce lieu une place pour le marché, mais comme pendant que ces maisons estoient existentes les propriétaires les estimoient (460 H. de rente), beaucoup la conmunauté n'avoit pu effectuer son dessein quelque utile qu'il soit pour le bien public.
Présentement que touttes les maisons de cette isle sont entièrement bruslées et consumées qu'on n'en peut plus estimer que le fond (qui n'a que 71 toises de terrain) et quelque peu de pierre dont les particuliers se pouront servir.
Nous estimons que la communauté doit profiter de cette occasion pour cet effet se pourvoir devant Sa Majesté pour obtenir la permission d'en faire une place publique pour le marché et rendre le passage libre à tout le monde en indemnisant lesdits propriétaires des emplacements de leurs maisons ainsi qu'il sera réglé par monseigneur Ferrand, intendant de Bretagne, ce qu'il est très facile de faire en donnant à ceux qui voudront rebastir d'autres fonds et emplacements plus grands que ceux qu'ils avoient en le mesme quartier à la proximité, au dehors des portes de la ville des deux costés jusques et au tour du boullevard de la Porte Roger ou sur la petite douve à leur choix ce qui ne coustera rien au roy ny aux particuliers et est suffisant pour indemniser les propriétaires de cette isle ou en donnant à ceux qui n'auront pas le moyen de bastir la rente de la valeur de leur fond sur les deniers communs de la ville jusques à ce que la communauté prendra la délibération qu'elle jugera à propos.
Les particuliers qui ont esté incendiés et qui y ont perdu nous ayant fait la déclaration de leur perte, elle se monte à plus de deux cent mille livres qui est le plus beau, le plus clair et la meilleure partie de leur bien. De tout quoy nous avons raporté le présent à Fougères les neuvièsme et quinzième jours du mois de may mil sept cent dix ainsi signé : DESBOURLIÈRES MÈNARD ; R. MÉNARD, Recteur ; René PAUNIER, Recteur ; LE LIÈVRE ; F. DE BREGEL ; G. LE PAYS DE LA GUITTONNIÈRE CHUPIN ; DE LA HAYE MOREL ; DE LA PLANCHE BLANCHOUIN ; BUSSON, arpenteur.
La présente copie conforme à l'original.
DES BOURLIÈRES MÉNARD, Maire de Fougères.
II - LETTRE DU MAIRE DE FOUGÈRES AU MARQUIS DE TORCY.
A Monseigneur le Marquis de Torcy, Conseiller Ministre et Secrétaire d’Estat,
Monseigneur,
Les Maire, Eschevins et Communauté de la Ville de Fougères, en Bretagne, rencontrent très humblement à vostre grandeur qu'estent persuadés de vostre justice et de l'attention particulière que vous voulez bien donner pour le soulagement des malheureux, ils prennent la liberté de vous faire connoistre le triste et fâcheux estat ou l'incendie arrivé en leur ville le 4 du mois de may 1710 les a réduits.
Toute la rue de la Porte Roger des 2 costés à l'exception d'une maison, quatre maisons du bas de la rue Derrière, toute la, Saunerie du costé du Septentrion, toute l’lsle de la Saunerie avec toute la rue Perdüe des deux costés à l'exception de trois maisons sont entièrement bruslées, plusieurs autres endommagées, et pour arrester le cours de cet incendie on a esté obligé d'abatre six autres maisons.
Dans ces maisons (touttes à deux ou trois étages) il y avoit plusieurs ménages lesquels ont eu le malheur de voir brusler leurs maisons, meubles, marchandises et leurs effets sans pouvoir les sauver.
La veuve Longuet, qui a esté une des premières incendiée, a mesme eu le malheur de ne pouvoir sauver sa fille malade, qui, avec une gardienne, a esté brûlée dans sa chambre.
Outre les propriétaires et locataires des maisons incendiées, il est certain que la plus grande et la meilleure partie des autres habitants de la ville souffrent et participent beaucoup à cette perte qui est presque générale.
Car le principal commerce de la ville estant celui des grosses toiles que tous les bons habitants font faire et estant difficille d'en trouver le débit depuis la présente guerre, Louis Longuet, sa mère, sa sœur qui a esté brûlée, et Vauborel qui ont été incendiés étaient presque seuls marchands qui eussent l'industrie de faire sortir les toiles et autres marchandises de ceste ville en les trocquant à Nantes et à la Rochelle, avec d'autres marchandises qu’ils amenoient et vendoient en Normandie et dans le Maine.
Beaucoup d'autres habitants n'ayant pas la mêsme intelligence s'intèressoient en leur commerce leur fournissaient ou de l'argent ou des toiles ; par ce moien, les particuliers faisoient le commerce de toute la ville, procuroient à tous les habitants la décharge et vente de leurs toiles, fils et filaces, et faisoient subsiter plus de trois cens familles de tisserands qui travailloient dans la ville ou faux bourgs et qui vont demeurer sans emploi, ceux qui leur en donnoient se trauvant aujourd'huy hors d'estat de le faire par la perte irréparable que cet incendie leur cause, qui se monte à plus de deux cent mille livres tant en marchandises, meubles, effets, que maisons bruslées et endommagées, ce qui cause une perte irréparable à tous les habitants qui sont présentement hors d'état d'affranchir, même de payer leurs capitations comme ils ont fait et de remplir l'abonnement de huit mille livres que les états ont ordonné pour la ville.
Comme en pareille calamité sa Majesté a trouvé bon de décharger pour dix ans les habitants de la paroisse de Ducey en Normandie de toutes tailles, subventions, capitations et ustencille pour les indemniser de l'incendie arrivé au bourg de Ducey ; que d'ailleurs il y a plusieurs villes dans la province qui n'ayant point rempli leur abonnement au passé, on a repris les sommes qui manquaient sur les deniers de la province, sans diminution des droits de sa majesté, les supliants requièrent très humblement :
Qu'il vous plaise,
Monseigneur, voir cy attaché le procès-verbal des maisons incendiées avec leur
plan figuré et ayant égard à la perte immense que font tous les habitants par
cet incendie, les décharger de l’affranchissement de leur capitation, estant
hors d'état de le faire, et modérer l'abonnement de leur capitation à la moitié
ou telle somme qu'il plaira à vostre grandeur et ordonner que le sieur trésorier
des estats de Bretagne sera remboursé aux prochains Estats par la province de le
diminution qu'il vous plaira accorder aux supliants, laquelle aura lieu pour la
présente année 1710 et les suivantes, et ils redoubleront leurs vœux et leurs
prières pour la conservation et prospérité de votre très illustre personne.
DES BOURLIÈRES MÉNARD, Maire de Fougères, pour la communauté.
III - PROCÈS-VERBAL DE BRUNO ROBIN.
L'an mil sept cens dix, et le vingt un juillet, Bruno Robin, secrétaire de monsieur Ferrand, intendant de Bretagne, sçavoir faisons que les Maire et Eschevins de la ville de Fougères ayant exposé par un placet qu'ils ont présenté à Sa Majesté que le 4 may 1710 il arriva une incendie audit Fougères qui consuma plusieurs maisons, et entr’autres sept maisons basties dans un espace nommé l'isle de la, Saulnerie de la contenance de cent seize toises, et deux tiers de superficie ; que cet emplacement étant dans le passage de ladite ville le plus fréquenté par les messagers, rouliers, voituriers et chartiers, et l’endroit n'étant pas pratiquable pour les voitures, la principale rue n'ayant que sept pieds moins un pouce de large, il n'y avait guère d'années qu'il n'y eut des personnes tuées ou estropiées lorsque lesdites maisons subsistoient ; que la communauté avait souvent pris le dessein d’achetter lesdites sept maisons pour en faire une place publique, mais comme les propriétaires les estimoient beaucoup et que la communauté n'étoit pas en état d'en faire le fonds, ce dessein n'avoit pu être effectué ; que lesdites maisons ayant été absolument consumées par le feu, les propriétaires ne pouvoient aujourd'hui en estimer que le fonds ; d'ailleurs qu'il n'y a point de place dans ladite ville pour les marchez qui s'y tiennent les mercredis et samedis, en sorte que la plus part des bestiaux que l'on y mène vendre sont obligez de rester hors, de laditte ville, ce qui porte un préjudice considérable aux droits de traitte et de coutume appartenant au roy qui se perçoivent audit Fougères, et même au public ; que la communauté, pour éviter à l'avenir les accidents qui arrivent dans la rue, rendre le passage libre aux voitures, augmenter les marchez et conserver les droits du roy, aurait par délibération du 21 may 1710 délibéré de se pourvoir vers sa majesté pour obtenir que le fonds desdittes sept maisons incendiées demeurera destiné à l'avenir pour la place du marché et pour indemniser les propriétaires qu'il leur sera donné des emplacements des deux costés de la porte Roger jusques et au tour du boullevard Roger, ou sur la petite douve, à leur choix, et que ceux qui n'auront pas les moyens de bastir aurait la rente leurs fonds sur les deniers communs de la dite ville ; que ce placet ayant esté renvoyé par Monsieur le Controlleur Général des finances à Monsieur Ferrand, il nous auroit ordonné de nous transporter sur les lieux avec le sieur Thévenon, ingénieur à Dol, pour vériffier les faits contenus audit placet, et entendre les propriétaires des emplacements desdites maisons sur la proposition faite par les maire et échevins, en conséquence desquels ordres nous nous serions transportés le jour d'hyer audit Fougères,, avec ledit Sr Thévenon, et aurions fait sçavoir ce jourd'huy aux maire et échevins dudit lieu le sujet de notre commission et avertir les propriétaires desdits emplacements par Botrel, huissier de ladite communauté, de se rendre cejourd'huy sept heures du matin sur les lieux, et d'apporter les contrats d'acquitsition qu'ils peuvent avoir desdites maisons pour connoitre leur consistence et être présent à la dimensuration qui en serait faite par le Sr Thévenon en présence des parties intéressées, où s'étant toutes rendues, il a été procédé par ledit Sr Thévenon en nostre présence et desdites parties à la démensuration desdites sept maisons et il a été reconnu que l'emplacement de la maison que la veuve Boulet Coupé possédait dans ladite Isle de la Saunerie cottée au plan 43 contient vingt huit pieds de longueur sur la rüe de la Saunerie et vingt deux pieds neuf pouces de profondeur, qui produisent dix sept toises deux tiers et un trentième de superficie.
Que l'emplacement de la maison que la veuve Conet possédait dans ladite isle de la Saunerie, cottée au plan 44, contient trente quatre pieds de longueur sur quinze pieds de largeur, ce qui produit quatorze toises et un sixième de superficie.
Qu'un autre emplacement de maison que ladite, veuve Conet possédait dans ladite Isle de la Saunerie, aussy cotté au plan 44, contient vingt toises et demy de superficie.
Que l’emplacement d'une petite boutique que Marc le Compte possédait dans ladite Isle contient une toise, et un neuvième de superficie, cottée au plan 51.
Que l'emplacement de la maison de Loüïs Longuet dans laditte isle, cotté au plan 45, contient trente un pieds de longueur sur seize pieds de largeur, ce qui produit treize toises deux tiers et un neuvième de superficie.
Que l'emplacement de la maison que la dame de la Hamonnière possédait dans laditte isle, cottée au plan 46, contient de longueur dix huit pieds six pouces sur 44 pieds de profondeur, ce qui produit 22 toises et 1/2 et 9 de superficie.
Que l'emplacement de la maison que les enfants du Sr Bourgneuf Chapron possédaient dans lad. isle cottée 43 contient 10 pieds six pouces de longueur sur 44 pieds de profondeur, ce qui produit 18 toises et un tiers de superficie.
Que l'emplacement de la maison que possédait Julien Lhermite, dit Pierrot, dans ladite Isle, cottée au plan 48, contient onze pieds de longueur sur quinze pieds de profondeur, ce qui produit quatre toises et demy et un neuvième de superficie.
Que l'emplacement de la maison que Marie de Lourmel possédait dans ladite Isle, cottée am plan 49, contient quinze pieds de longueur sur huit pieds de largeur, ce qui fait trois toises et un tiers de superficie, et une petite boutique qui y étoit jointe un douzième et un dix huitième de superficie.
Et que tous lesdits emplacements joints ensemble contiennent le nombre de cent seize toises deux tiers et un trente sixième de superficie dont les propriétaires desdits emplacements sont convenus et que ladite demensuration a été faite dans les règles.
Après quoy ladite Marie de Lourmel étant comparüe, elle a dit qu'elle ne peut accepter l'emplacement de la Porte Roger que les maire et échevins de Fougères proposent de luy donner au lieu et place de celuy qu'elle possédait dans ladite Isle de la Saunerie, et demande qu'il luy soit permis de disposer dudit emplacement comme bon luy semblera ou en tous cas que lesdits maire et échevins soient tenus de luy payer en argent comptant l'emplacement qui, suivant le contrat du 3 Xbre 1660 qu'elle a représenté, a cousté à ses autheurs la somme de quatorze cents livres avec les édifices qui y etoient construits et que ledit emplacement ne peut être moins estimé de quatre cens livres, qui luy doivent être payés par les maire et échevins qui se chargeront d'aquitter les rentes qui peuvent être deües au roy ou autres sur ledit emplacement, et a signé Marie de Lourmel.
Marie Guerendel femme de Julien Lhermite dit Pierrot, étant aussi comparüe, son mary gisant au lit de maladie, elle a dit qu'elle ne peut accepter l'emplacement de la Porte Roger que les maire et échevins de Fougères proposent de luy donner, ou lieu et place de celuy qu'elle possédait dans ladite Isle de la Saunerie, et demande qu'il luy soit permis de disposer dudit emplacement comme bon luy semblera ou en tous cas que lesdits maire et échevins soient tenus de luy payer en argent comptant que paraissant par le contrat d'acquisition dudit emplacement et de l'édifice qui y étoit construit qu'il a cousté la somme de quatorze cens livres oustre près de six cens livres qu'il en a cousté pour augmentation (ledit contrat en datte du 9 février 1640) et que le dit emplacement ne peut être moins estimé de la somme de cinq cens livres qui luy doivent être payés par les maire et échevins qui se chargeront d'aquitter les rentes qui peuvent être deües au roy ou autres sur ledit emplacement, et a signé Marie Guerendel.
Julienne Thomelot dame de la Hamonnière étant comparüe, elle a dit qu'elle ne peut accepter l’emplacement de la Porte Roger que les maire et échevins de Fougères proposent de luy donner, au lieu et place de celuy qu'elle possédait dans ladite Isle de la Saunerie, et demande qu'il luy soit permis de disposer dudit emplacement comme bon luy semblera ou en tous cas que lesdits maire et échevins soient tenus de luy payer en argent comptant la somme de huit cens livres, étant justiffiée par le contract d'acquisition dudit emplacement du 29 Avril 1662, qu'il a cousté la somme de dix huit cens quatre vingt livres et que ledit emplacement ne peut être moins estimé de huit cens livres qui luy doivent être payés par les maires et échevins qui se chargeront d'aquitter les rentes qui peuvent être deües au roy ou autres sur ledit emplacement, et a signé Julienne Thonnelot.
Delle Anne Marie Chapron, fille jouissante de ses droits, étant comparüe, elle a dit qu'elle ne peut accepter l'emplacement de la Porte Roger que les maire et échevins de Fougères proposent de luy donner, au lieu et place de celuy qu'elle possédait dans ladite Isle de la Saunerie, et demande qu'il luy soit permis de disposer dudit emplacement comme bon luy semblera ou en tous cas que lesdits maire et échevins soient tenus de luy payer, en argent comptant l'emplacement que suivant contract du 23 février 1658 et le partage fait entre elle et les consorts le 23 juillet 1706 qu'elle a représenté valait la somme de quatorze cens livres avec les édifices qui y étoient construits et que ledit emplacement ne peut etre moins estimé de la somme de six cents livres, qui luy doivent être payés par les maire et échevins qui se chargeront d'aquitter les rentes qui peuvent être deües au roy ou autres sur ledit emplacement, et a signé Anne Màrie Chapron.
Delle Théreze Tison, femme du Sr Louis Longuet, marchand de toile et de sucrerie et épiceries de Fougères, étant comparüe son mari gisant au lit de maladie, elle a dit qu'elle ne peut accepter l'emplacement de la Porte Roger que les maire et échevins de Fougères proposent de luy donner au lieu et place de celuy qu'elle possédait dans ladite Isle de la Saunerie, et demande qu'il luy soit permis de disposer dudit emplacement comme bon lui semblera ou en tous cas que lesdits maire et échevins soient tenus de luy payer en argent comptant l’emplacement qu'il ne peut être estimé moins que la somme de trois cens cinquante livres, ledit emplacement ayant coûté plus de douze cens livres dont elle n'a pu représenter les contrats qui ont été brulez dans laditte incendie.
Delle Marie Coupé, fille de delle Jeanne Chorme, veuve du Sr du Boulay, meusnier à Fougères, faiserit pour sa mère gisante au lit de maladie, étant comparüe, elle a dit qu'elle ne peut accepter l'emplacement de la Porte Roger que les maire et échevins de Fougères proposent de luy donner, au lieu et place de celuy qu'elle possédait dans ladite Isle de la Saunerie, et demande qu'il luy soit permis de disposer du dudit emplacement comme bon luy semblera ou en tous cas que lesdits maire et échevins soient tenus de luy payer en argent comptant, qu'elle ne peut justifier des contrats d'acquisition des maisons et édifices qui etoient bastis sur ledit emplacement ayant été brülés lors de l'incendie, mais qu'il est à la connaissance du public qu'elle était affermée à cent quarante livres et que l'emplacement dont il s'agit, ne peut être estimé moins de la somme de sept cens cinquante livres, qui luy doivent être payés par les maire et échevins qui se chargeront d'acquitter les rentes qui peuvent etre deües au roy ou autres sur ledit emplacement, et a signé Marie Coupé.
Thomasse Poulard, veuve de Pierre Cosnet, sergent royal de Fougères, étant comparüe, elle a dit qu'elle ne peut accepter l’emplacement de la Porte Roger que les maire et échevins de Fougères proposent de luy donner, au lieu et place de celuy qu'elle possédait dans ladite, Isle de la Saunerie, et demande qu'il luy soit permis de disposer du dit emplacement comme bon luy semblera ou en tous cas que lesdits maire et échevins soient tenus de luy payer en argent comptant l'emplacement qui, suivant les contrats qu’elle représente des 16 Xbre 1652, 17 7bre 1655 et 2 aoust 1659, les maisons basties sur les emplacements ont cousté la somme de deux mille cent soixante et dix livres, et que ledit emplacement ne peut être estimé moins que la somme de douze cens livres, qui luy doivent être payés par les maire et échevins qui se chargeront d'aquitter les rentes qui peuvent être deües au roy ou autres sur ledit emplacement, et a signé Thomasse Poulard.
Et led. Mars Lecompte, bourelier de la ville de Fougères, étant comparu, il a dit qu'une partie des papiers concernant l'emplacement qui lui appartient dans l'Isle de la Saunerie ont été brulés dans l'incendie, qu'il ne peut accepter l'emplacement de la Porte Roger que les maire et échevins de Fougères proposent de luy donner, au lieu et place de celuy qu'il possédait dans ladite Isle de la Saunerie, et demande qu'il luy soit permis de disposer dudit emplacement comme bon luy semblera ou en tous cas que lesdits maire et échevins soient tenus de luy payer en argent comptant l'emplacement qui lui a couté plus de quatre cens livres et que ledit emplacement ne peut être estimé à une moindre somme que celle de trois cens livres, qui luy doivent être payés par les maire et échevins qui se chargeront d'aquitter les rentes qui peuvent être deües au roy ou autres sur ledit emplacement, et a signé Marc Lecompte.
Les maire et échevins de Fougères étant aussy comparus, ils ont dit pour réponse aux raisons des propriétaires des maisons de l'Isle de la Saunerie que l'estimation qu'ils font du fonds des maisons est excessive, que leurs contrats d'acquisition étant anciens, les maisons et toutes choses valoient plus en ce temps là qu'aujourd'huy, et que les propriétaires desdites maisons incendiées ont reconnu en 1694, en 1700, 1706 et en 1708, lorsqu'on a travaillé à l'imposition de la taxe sur les maisons de ladite ville, qu'ils ont déclaré dans lesdittes années aux commisaires députez pour la répartition de ladite taxe, que leurs maisons ne valoient de revenu annuel : sçavoir cette de Jeanne Chormé, veuve Boulay, que quatre vingt livres de revenu annuel ; celle de Thomasse Poulard, veuve Cosnet, soixante cinq livres de revenu ; celle de Marie de Lourmel, que soixante cinq livres ; la boutique de Marc le Comte, quatre libres ; la maison de Julien Lhermitte despierot, cinquante livres ; celle des enfans Bourgneuf Chapron, cinquante livres ; la maison de la dame de la Hammonnière, soixante livres ; celle de Louis Longuet, vingt huit livres ; qu'ainsy suivant la déclaration des propriétaires, il s'en faut bien que l'estimation, de leurs maisons ne puisse aller à la somme qu'ils l'ont portée, et les maire et échevins supplient monsieur l'intendant de vouloir la modérer à la juste valeur des emplacements desdittes maisons., qui ne peut aller qu'au sixième de ce qu'elles pouvoient valoir sur le pied des déclarations qu'ils ont faites du revenu desdites maisons ; que si lesdits propriétaires ne veulent pas prendre les emplacements qui leur ont été proposez à la Porte Roger, et autour du Boulevard Roger, quoyque ces fonds paraissent aussy avantageux que les leurs, pour leur oster tout lieu de plainte, le maire et les échevins veulent bien, sous le bon plaisir de Sa Majesté et de S. A. S. Mgr le Comte de Toulouze, si monsieur l'intendant le trouve à propos, payer lesdits propriétaires de leurs emplacements des deniers qui sont actuellement entre les mains du miseur de la communauté provenant du fonds destiné par l'arrest du conseil de 1683 pour l’entretien des pavez qui n'ont pas été employez depuis le mois d'octobre 1708 jusqu’à présent, lesquels deniers sont libres, les précédents adjudicataires des pavés ayant été payés, et se monteront au mois d'octobre prochain à la somme de quinze cens vingt livres. Et comme il y a apparence que la somme à laquelle montera la liquidation qui sera faite par monsieur l'intendant du fonds des maisons sera plus forte que lesdits quinze cens vingt livres, ils suplient mr l'intendant de leur permettre de se servir du même fonds jusqu'à l'entier payement desdits emplacements, ou en tous cas qu'il plaise à Sa Majesté leur accorder la permission d'imposer sur eux la somme restante pour parvenir à l'acquittement de la somme à laquelle lesdits emplacements auront été liquidés, le tout conformément à la délibération de la communauté de ce jour, suppliant très humblement Sa Majesté de vouloir décharger la communauté de la somme de seize livres de rente qui sont düs à Sa Majesté annuellement pour lesdits emplacements et ont signez, signez des Boulières Ménard, Vivien, Le Paige.
Et ledit Sr Thévenon a dit qu'il y a de l’excez dans les sommes demandées par
les propriétaires des emplacements situez dans l'Isle de la Saunerie, mais que
les maire et échevins de Fougères n'en offrent pas le juste prix qui ne peut
être réglé au sixième de ce que les maisons qui y étoient construites pouvoient
valoir, qu'il estime que la valeur desdits emplacements qui sont dans l'endroit
le plus fréquenté de ladite ville doit être réglé à la somme de deux mille six cens quarante six livre treize
sols quatre deniers, qui est le tiers de celle de sept mille neuf cens quarante
livres à quoy se monte le principal au denier vingt de la somme de trois cens
quatre vingt dix sept livres, à quoy les propriétaires ont porté le revenu
desdites maisons par les déclarations par eux faites lors de la répartition de
la taxe sur les maisons ; qu'ainsy sur ce pied il sera dû à Marie de Lourmel la
somme de quatre cens livres pour son emplacement; à Julien Lhermite despierot la
somme de trois cens trente livres six sols huit deniers pour son empacement ; à
la dame de la Hammonnière la somme de quatre cens livres pour son emplacement ; à
la delle Bourgneuf Chapron la somme de trois cens trente trois livres six sols
huit deniers pour son emplacement ; au Sr Louis Longuet la somme de cent quatre
vingt six livres treize sols quatre deniers ; à la veuve Chorme Boulay la somme
de cinq cens trente trois livres six sols huit deniers pour son emplacement ; à
la veuve Cosnet la somme de quatre cens trente trois livres six sols huit
deniers pour son emplacement, et à Marc le Compte la somme de vingt six livres
treize sols quatre deniers pour son emplacement ; lesquelles sommes reviennent
ensemble à la somme de deux mille six cens quarante six livres treize sols
quatre deniers, et a ledit Sr Thévenon signé avec nous. Fait à Fougères ce vingt
unième juillet mil sept cent dix. Signé : Robin et Thévenon.
Pour copie,
FERRAND.
PLAN DE LA VILLE DE FOUGÈRES EN 1710.
Note : Le Tracé en Rouge indique le Plan Actuel.
IV - ESTIMATION DU SIEUR THÉVENON, INGÉNIEUR.
Remboursement suivant l'estimation du Sr Thévenon, Ingénieur, par son
procès-verbal du 21 Juillet 1710 : à faire aux propriétaires des sept maisons
incendiées ...... 2.646 H. 13 S. 4 D.
A Marie Lourmel : 400 H.
à
Julien Lhermite : 333 H. 6 S. 8 D.
à la De de la Hamonière : 400 H.
à la Delle de Bourgneuf Chapron : 333 H. 6 S. 8 D.
au Sr
Longuet : 186 H. 13 S. 4 D.
à la Vve Chorme Boulay : 533 H. 6 S. 8 D.
à la Vve Poulard Cosnet : 433 H. 6 S. 8 D.
à Marc Lecompte : 26
H. 13 S. 4 D.
total : 2.646 H. 13 S. 4 D.
2 : années du fons du pavé : 1.520 H.
sur ces
mêmes fons : 1426 H. 13 S. 4 D.
total : 1.946 H. 13 S. 4 D.
V - Fougères Incendie : ESTIMATION DES PERTES SOUFFERTES PAR LES PARTICULIERS INCENDIÉS A FOUGÈRES LE 4 MAY 1710.
PROCÈS-VERBAL DU 22 JUILLET 1710.
L'an mil sept cens dix et le vingt deux du mois de Juillet, Bruno Robin, secrétaire de monsieur Ferrond, intendant de Bretagne, sçavoir faisons que les maire et échevins de la ville de Fougères ayant exposé par un placet qu'ils ont présenté à su Majesté, que le 4 may 1710, il arriva audit lieu une incendie si violente qu'en peu de tems les maisons de trois rues entières ont été consumées, sans que les propriétaires et locataires desdites maisons ayent pû sauver leurs marchandises, meubles et effets, ce qui cause à la ville une perte de plus de deux cent mille livres, dans laquelle tous les habitants se trouvent intéressez, les propriétaires des maisons incendiées faisant le commerce de tous les autres habitants qui s'intéressoient et s'associoient avec eux dans le commerce de toiles qu'ils faisoient ; que le peuple en souffre aussi beaucoup, y ayant plus de trois cent familles de tisserands qui vont demeurer sans travail, ceux qui leur en donnoient étant hors d'état de le faire par la perte qu'ils ont faite ; qu'en pareille occasion Sa Majesté a déchargé pour dix ans les habitants de la parroisse de Ducey en Normandie de toutes tailles, subventions, capitation, auroient supplié très humblement sa Majesté de décharger les habitants de la ville de Fougères de l'affranchissement de la capitation et diminuer l'abonnement de la capitation de ladite ville de la moitié, ou de telle autre somme qu'il plaira à Sa Majesté et ordonner que le Trésorier des Etats sera remboursé aux prochains Etats par la province de la diminution que Sa Majesté aura la bonté de faire à ladite ville sur la capitation ; que ce placet ayant été renvoyé par Monsieur Desmarets, contrôleur général des finances, à Monsieur l'Intendant de Bretagne pour faire la vérification de la perte et du dommage que cette incendie a causée aux habitants, il nous aurait ordonné de nous transporter sur les lieux pour en faire la vérification avec le Sr Thévenon., ingénieur à Dol. Et nous étant transporté audit Fougères avec ledit Sr Thévenon en exécution desdits ordres Nous aurions fait connaistre le sujet de notre commission aux maire et Echevins de ladite ville lesquels nous ayant conduit dans l'endroit où est arrivée ladite incendie et ledit Sr Thévenon ayant visité les lieux incendiez pour sçavoir le nombre des maisons qui ont été brûlées, il nous a raporté que dans la rue Porte roger il y a deux maisons appartenantes au sieur Perraud, une maison à nicolas Pommereüil, une à Louis Longuet, une à la veuve Maillier par moitié avec tremblay besnier, deux à la veuve Longuet et partie d'une autre, et une à jean Le Lievre, qui ont été entièrement consumées par le feu, et deux chambres et un grenier audessus qui étaient construits sur la rue derrière, et communiquoient aux maisons situées de l'autre costé de la rue, lesquelles chambres et grenier furent abatus lors de l'incendie pour empêcher que le feu ne se communiquast par lesdits chambres et greniers aux maisons de l'autre costé de la rüe.
Que dans la cour de la maison du Sr Désorières, située dans ladite rue derrière, il y avait deux écuries et des lieux qui ont été brûlez, et dans la maison du Sr de la Chevalerais le Page aussy située dans la rue, les lieux et une bucherie ont été brûlez.
Que la maion du Sr de Coulanges, située de l'autre costé de la rue derrière, a été très peu endommagée aussy bien que celle du Sr de Beauchesne, et celle de la delle de la Gasseray.
Que du costé du nord de la porte roger le logis de Sr Jaques a été peu endommagé ; la maison du Sr Boishenry de Brégel qui suit a été en partie brûlée et découverte ; la maison d'estienne poupart entièrement brûlée, aussy bien que celle du Sr du Chesne le Lièvre, et celle du Sr de Coulanges qui fait le coin de ladite rue du costé de l’isle de la Saulnerie et descend dans la rue perdüe.
Que la maison de guillaume Beaulieu située sur la rüe perdüe a été entièrement brûlée, et une écurie et bucherie à la dame de Lameuil.
Que de l'autre costé de ladite rue perdüe la maison de françois Halegot a été un peu endommagée, que le devant de celle du Sr de la Graffardière a été endommagée et le derrière brûlé ; que celle du Sr Dissac qui Icù suit a été entièrement brûlée aussi bien que celles des Srs de la Saunerie, de Heurtelande, des héritiers du Sr Gilles Laurent, du Sr de la Chauderonnais, et de la veuve Dugnez.
Que la maison du Sr Gayard a été moitié brûlée, et celle des Srs de la Pichardais, Belandais Dupont, et de Boisbretais ont été beaucoup endommagées, et celles du Sr de la Marzillière de la maison neuve panier, hussonet plet anna Gautier et du Sr de Berozelot ont été endommagées mais beaucoup moins.
Que la maison de la delle des Bretais qui joint la halle a été entièrement découverte, et celles des Srs Bardon et Miot qui sont de l’autre costé de la halle ont été un peu endommagées. Que dans la maison de la veuve Gacoin située au bas de la grande rue, près l'isle de la Saunerie, il y a eu quelques dommages dans les couvertures ; aussy bien que dans celle du Sr Beaulieu, et une petite boutique qui était au devant de la maison du Sr Beaulieu a été renversée.
Que dans l’isle de la Saunerie il y a sept maisons qui ont été entièrement consumées par le feu, lesdites maisons appartenantes à Jeanne Chorme et ses enfants ; à Thomasse Poulard, veuve Cosnet, et ses enfants ; à Marc le Comte, aux enfants de Lourmel, à Julien Lhermite despierot, aux enfans de Bourgneuf Chapron, à la dame de la Hamonnière, et à Loüis Longuet qui sont toutes les maisons qui ont été incendiées ou endommagées.
Ce fait nous aurions demandé aux propriétaires des maisons incendiées de nous représenter les contrats d'aquisitions qu'eux ou leurs auteurs ont fait des maisons pour en connoistre la valeur, mais la plus grande partie desdits propriétaires nous aurait fait connoistre que leurs titres avoient été brûlez dans leurs maisons, parquoy nous aurions requis les maire et échevins de la ville de nous communiquer les déclarations faites par les propriétaires de ladite ville possesseurs de maisons, sur lesquelles la répartition de la taxe des maisons a été faite, a quoy ayant satisfait nous avons reconnu que le sr Perraud avoit lors déclaré que les deux maisons incendiées à luy appartenantes cottées — 1 — au plan étoient de quarante cinq livres de revenu.
Le Sr Pommereüil que sa maison cottée 2 au plan était de trente livres de rente.
Loüis Longuet que sa maison cottée 3 au plan était de cent trente livres de rente.
La veuve Maillier que sa maison cottée 4 au plan étoit de trente livres de rente, et le nommé Tremblay Besnier à qui appartient la superficie de ladite maison que la portion valoit vingt cinq livres de rente.
Marie Collet que les deux maisons et partie d'une autre cottée 5 au plan valoient cent soixante livres de rente.
Jean le Lièvre que sa maison cottée 6 au plan valait trente livres de rente.
Marc le Comte que ses deux maisons cottées 8 au plan valoient quarante cinq livres de rente.
Le Sr Boishenry que sa maison cottée 19 au plan valoit cinquante cinq livres de rente.
Le Sr Du Chesne que sa maison cottée 21 au plan valoit quarante six livres de rente.
Estienne Poupart que sa maison cottée 20 au plan valoit trente livres de rente.
Le Sr de Coulanges que sa maison cottée 22 au plan valoit cinquante six livres de rente.
Guillaume Beaulieu que sa maison cottée 23 au plan valoit dix huit livres de rente.
Le Sr de la Graffardière que sa maison moitié brûlée cottée 27 au plan valoit cinquante livres de rente.
Le Sr Dissac que sa maison cottée 28 au plan valoit trente livres de rente.
Le Sr de la Saunière que sa maison cottée 29 au plan valoit trente cinq livres de rente.
Le Sr de Hautelande que sa maison cottée 30 au plan valoit cinquante cinq livres de rente.
Le Sr de la Chauderonnais et la veuve Dugné que leur maison cottée 31 au plan valoit cinquante livres de rente.
Les héritiers du Sr Giles Laurent que leur maison cottée 32 au plan valoit soixante livres de rente.
Le Sr Guyard que sa maison qui a été moitié brûlée cottée 33 au plan valoit soixante et dix livres de rente.
Le Sr Desorières que les écurie et bucherie près de la maison cottées 9 au plan pouvoient valoir vingt livres de rente.
Le Sr de la Chevalerais que les écuries et bucheries cottées 10 au plan pouvoient valoir vingt cinq livres de rente.
Après quoi ledit Thévenon nous a raporté qu'il y a quelques maisons qui ont été endommagées.
Que les dommages arrivez à la maison du Sr de la Pichardais cottée 34 au plan peuvent être estimez à six cent livres.
Ceux de la maison du Sr de la Bellandais et du Sr Boisbrotais cottées 35 et 36 au plan à deux cent livres chacun.
Ceux de la maison du Sr de la Marzillière cottée 40 au plan à deux cent livres.
Ceux de la maison de la delle des Bretais cottée 37 au plan à deux cent livres.
Ceux de la maison de François Bardou cottée 41 au plan à cent cinquante livres.
Ceux de la maison du nommé Miot cottée 42 au plan à cent cinquante livres.
Ceux de la veuve Gacoin cottée 46 au plan à cent cinquante livres.
Ceux de la maison de Guillaume Beaulieu cottée au plan à cent livres.
Ceux de l'echope ou petite boutique d'anne Gautier cottée 15 au plan à trente livres.
Ceux de la maison de la delle Ganerais cottée 13 au plan à cent livres.
Ceux de la maison du Sr de Beauchesne cottée 12 au plan à 150 H.
Ceux d'une autre maison du Sr Coulanges cottée 11 au plan à cent cinquante livres.
Ceux du logis St Jaques cottée 18 au plan à cent livres.
Ceux arrivéz aux écuries de la dame de Lanceüil cottez 29 au plan à deux cent livres.
Ceux de la maison Sr Haligot cottée 26 au plan à cinquante livres.
Ceux de la maison de la delle de la Pulmière cottée 25 au plan à vingt cinq livres.
Que ceux des maisons du Sr de Maisonneuve paunier, hussonet plet, anne Gautier, et du Sr de Berthelot non comprises dans le plan peuvent être estimez à cent livres chacun.
Et à l'égard des sept maisons incendiées dans l'ïsle de le Saunerie la valeur en a été marquée dans le procès-verbal qui a été par nous dressé le jour d'hier 21 juillet 1710. Et a ledit Sr Thévenon signé. Signé : THÉVENON.
Et nous étant informé tant des maire et échevins de la ville de Fougères que de plusieurs personnes de probité de la perte et dit dommage que cette incendie a causé aux propriétaires des maisons incendiées, en marchandises, meubles et effets, nous avons été assurez : sçavoir.
Que les nommez Loüis Lafontaine, pierre la Marche et julienne Larchepied, locataires des maisons du Sr Perraud, ont perdu en meubles et effets jusqu'à la somme de six cens livres.
Que Loüis Longuet a perdu outre sa maison en marchandises meubles et effets jusqu'à la somme de trente mille livres.
Que la veuve Mailliot outre sa maison a perdu des meubles et des grains jusqu'à la somme de quatre cens livres.
Que Jacques Deromay, locataire d'une partie de la maison de ladite Mailliot a perdu des meubles jusqu'à la somme de deux cens livres et Gillette Faucray autre locataire pour cinquante livres de meubles.
Que la veuve Longuet a perdu outre ses maisons, en marchandises et meubles, jusqu'à la somme de seize mille livres et le Sr La Touche son locataire pour cinq cens livres de meubles et gillette le Prince autre locataire pour quarante livres de meubles.
Que la veuve Chapelain, hostesse du logis St Jaques, a perdu eu meubles et effets pour la somme de cent vingt livres, y compris quelque dommage arrivé à sa maison.
Que Joseph Malard, locataire de la maison du Sr Du Bois Henry, a perdu en meubles jusqu'à la somme de cent livres ; Gilles Gourdin, autre locataire, pour cinquante livres, et Mathurin Gouellier, autre locataire, pour cinquante livres de meubles.
Que le nommé La Bâche, boulanger, locataire d'Estienne Poupart, a perdu en meubles deux cens livres.
Qu'Henry Moulin, autre locataire dudit Poupart, a perdu en meubles cent livres.
Le Sr du Chesnay, outre sa maison, a perdu en grains et en meubles six cens livres.
Que Georges Piel, locataire dudit du Chesnay, a perdu en meubles la somme de cent livres.
Le nommé le Bordelais, autre locataire du Sr Duchesney, en meubles et marchandises huit cent livres.
Le nommé Gilles Galet, locataire du Sr de Coulanges, a perdu en meubles trois cens livres, et Nicolas Lacroix, autre locataire, cent cinquante livres.
Le Sr Doudart, procureur, locataire du Sr Dissac, a perdu en meubles cinq cens livres.
Le Sr Pourché, autre locataire, en meubles la somme de cent vingt livres.
La veuve Foubert, locataire, du Sr de la Saunière, a perdu en meubles deux cens livres.
La Delle de la Rousselais, locataire du Sr Hautelande, a perdu en meubles cinq cens livres.
Le sr Gautray, chirurgien, locataire des héritiers de Giles Laurent, a perdu en meubles huit cens livres.
Jean Dudoüet, locataire de la maison du Sr de la Chauderonnais, a perdu en meubles soixante livres.
Marie Bassard, autre locataire, en meubles soixante livres ; françois Rallet et François David, autres locataires, en meubles chacun quarante livres.
Le Sr Boudays, locataire du Sr Guyard, a perdu des meubles et marchandises jusqu'à la somme de quatre cens livres.
Jean Godier, locataire du Sr de la Bilandais, a perdu en meubles cent cinquante livres.
Que l’Hostesse de L'Ecu a perdu en meubles pour la somme de cent cinquante livres.
Que les locataires de la maison du nommé Miot ont perdu en meubles et effets pour quatre cens livres.
François Venial locataire de la delle de la Ganerais, a perdu en meubles et marchandises la somme de trois cens livres.
Thomasse Poulard, outre sa maison, a perdu en meubles et marchandises mille livres.
Michel Vauborel, locataire de la maison de la veuve Boulay, a perdu en marchandises et effets cinq mille livres.
Marie Coupé, outre sa maison, en marchandises la somme de trois mille livres.
Guillaume Calthier, locataire de Marie de Lourmel, a perdu en meubles cent cinquante livres.
Marc Langlois, autre locataire de ladite de Lourmet, a perdu en meubles deux cens livres.
Julien Lhermite Despierot, outre sa maison, a perdu en meubles et marchandises trois mille livres.
Le Sr Bourneuf Chapron, locataire de la delle Bourneuf Chapron, en marchandises ensemble six cens livres.
Le nommé Toussaint Valentin, locataire de la dame de la Hamonière, a perdu en meubles et marchandises cinq cens livres.
Le Sr de Beauchesne Huslin a perdu en meubles cent cinquante livres.
Jean Degué maître masson, locataire de Marc Le Comte, a perdu en meubles deux cens livres.
La delle le Gruin, locataire du Sr Pommereüil, a perdu en meubles quatre cens livres.
Guillaume Bucedé, autre locataire, en meubles la somme de cent cinquante livres.
Fait audit Fougères ledit jour vingt deux juillet mil sept cent dix. Signé : ROBIN. Pour copie, FERRAND.
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