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HISTOIRE DE LA VILLE DE FOUGERES

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La ville de Fougères sous les ducs de Bretagne.

Dans le courant de l'année 1433, le comte André de Laval et Ambroise du Lore, entreprirent inutilement de chasser de l'abbaye de Savigny Vénables, capitaine anglais qui s'y était retranché avec 1200 hommes, et qui de là ne cessait de ravager la contrée voisine. Repoussés après un combat de quatre heures, qui coûta environ 200 hommes aux ennemis, ils se retirèrent aux faubourgs de Fougères. Ils y apprirent bientôt que Vénables avait quitté Savigny, et se dirigeait sur Lassay. Alors, ayant déterminé Pierre le Porc, gouverneur de Fougères, à se joindre à eux avec la garnison de la place, ils se mirent ensemble à la poursuite de Vénables : ils l'atteignirent près de Lassay, et lui firent éprouver un échec considérable (Histoire de Charles VII, par Jean Chartier, 1433. — D. Morice, t IV, col. 1262).

Dans la prévision d'une guerre, le duc de Bretagne, de concert avec le roi de France, n'avait rien négligé pour mettre la ville de Fougères en état de défense, et la garantir d'un coup de main. Dès l'année 1431, monseigneur de Châteauneuf, qui en était gouverneur, y tenait garnison avec vingt hommes d'armes et vingt hommes de trait. Le connétable, Jehan Sénéchal, avait en outre sous ses ordres six hommes à Voulges au Relleguet (D. Morice, t. IV, col. 1234).

La présence de l'ennemi sur les frontières fit donner un renfort considérable à cette garnison, et en 1434 elle se composait, outre les hommes de M. de Châteauneuf et les préposés à la garde ordinaire de la place, de quatorze hommes d'armes et trente-deux de trait, aux ordres du gouverneur ; de cinquante-cinq hommes d'armes et quatre-vingt-quatre de trait, commandés par le vicomte de la Bellière, seigneur de Malestroit ; de seize hommes d'armes et vingt de trait, commandés par monseigneur d'Acigné ; enfin d'un homme d'armes et cent quarante de trait, commandés par Olivier de Méel, capitaine de La Gravelle (D. Morice, t. IV, col. 1262).

La solde de ces différents corps s'élevait à 2.780 livres par mois, ainsi réparties : 1.270 pour le vicomte de la Bellière, 360 pour monseigneur d'Acigné, 850 pour Olivier de Méel, et 300 pour les gens de M. de Châteauneuf.

La guerre durait depuis trente ans entre la France et l'Angleterre, avec une grande alternative de succès et de revers : les deux nations, également épuisées, désiraient vivement la paix. Une trêve dans laquelle fut compris le duc de Bretagne avec ses vassaux fut d'abord signée pour durer jusqu'au 1er juin 1545, et prolongée ensuite jusqu'au 1er juin 1549 ; mais un événement assez indifférent en lui-même vint tout à coup changer les dispositions pacifiques des deux peuples, et les précipiter de nouveau dans la carrière des armes.

M. Gilles, frère du duc de Bretagne, avait été élevé à la cour du roi d'Angleterre, et avait conservé une vive affection pour le monarque dont il avait été l'ami d'enfance. Les relations qu'il entretenait avec lui ne pouvaient que contrarier vivement le duc, tout dévoué aux intérêts de la France, et naturellement mal disposé pour son frère : il ne fut donc pas difficile aux ennemis du jeune prince d'exploiter ces dispositions, et de présenter comme criminels les rapports de M. Gilles avec son royal ami.

Le duc, charmé de trouver un prétexte de perdre un frère pour lequel il ressentait une profonde antipathie, donna bientôt l'ordre de l'arrêter et de le traduire en jugement ; mais le résultat de l'enquête ne répondit pas à ses espérances, et M. Gilles, déclaré innocent, et absous par ses juges, n'en fut pas moins détenu prisonnier par son frère.

Le roi d'Angleterre, informé de la captivité de son ami par un de ses domestiques, qui avait trompé la surveillance qu'on exerçait autour de lui, s'empressa d'envoyer des ambassadeurs au duc de Bretagne, et lui écrivit lui-même, de sa propre main, pour réclamer la mise en liberté de son frère ; mais ces témoignages d'intérêt ne servirent qu'à confirmer le duc dans ses soupçons, et à rendre plus rigoureuse la captivité du jeune prince. Le roi, voyant que les sollicitations de ses ambassadeurs et ses instances personnelles venaient échouer contre l'inébranlable résolution du duc, avisa au moyen de servir son ami d'une manière plus efficace. Il s'arrêta au dessein de s'emparer d'une ville de Bretagne, espérant qu'il obtiendrait facilement la liberté de M. Gilles, lorsqu'il en ferait la condition principale de la restitution de sa conquête.

Ce projet arrêté, il ne restait plus que le choix du capitaine qui serait chargé de l'exécuter. Aucun ne lui parut plus propre que François Surienne, dit l'Aragonais, capitaine brave et expérimenté, déjà célèbre par la prise de trente-deux places. Celui-ci, ayant reçu les ordres du roi, envoie à Fougères un homme de confiance, avec mission d'examiner la situation de la ville, ses fortifications, la force de sa garnison, et surtout la manière dont la garde s'y fait ; puis, quand il a obtenu tous les renseignements qu'il désire, et qu'il s'est assuré que la garnison, se reposant sur la trêve, apporte une grande négligence dans son service, il se hâte de passer en Angleterre, et d'aller, en rendant compte au roi de ses observations, lui communiquer le plan de l'entreprise qu'il a projetée sur Fougères.

Le monarque approuve son projet, et pour l'encourager dans son exécution, il le nomme conseiller en son conseil, chevalier de la Jarretière, capitaine de Condé-sur-Noireau, et il lui accorde, pour soutenir l'éclat de tous ces titres, 1.000 livres de pension et 300 nobles de rente sur les ports d'Angleterre et la seigneurie de Porchester.

Surienne, comblé d'honneurs et de richesses, se retire à Verneuil, dont il était gouverneur, et attend là que la fortune vienne lui offrir l'occasion d'exécuter son dessein. Pour éviter les soupçons et cacher ses projets, il est obligé de consacrer à ses préparatifs plus de temps qu'ils ne semblent l'exiger. Le conseil d'Angleterre s'en inquiète, et accuse de lenteur la prudence de son capitaine.

Enfin, le 19 mars 1449, Surienne quitte Condé-sur-Noireau à la tête de six cents hommes, et vient coucher à Brécé. Le lendemain, il prend la route de Fougères ; et étant arrivé devant la ville, dans la nuit du 23 au 24, sans avoir été aperçu, il profite du moment où les habitants et la garnison se livrent au sommeil pour faire ses approches. Il se glisse dans les fossés, applique ses échelles contre les murailles, escalade en même temps, avec une partie de sa troupe, et la ville et le château, et prend si bien ses mesures pour s'assurer la garnison, qu'à son réveil, elle se trouve prisonnière. Le lendemain matin, à sept heures, il ouvre les portes à ceux de ses gens qui étaient restés dehors, et abandonne la ville au pillage.

Les Anglais, maîtres de la ville, se répandirent dans les différents quartiers, « tuèrent et meurdryrent gens, violèrent les églises, commirent tous sacrilèges, ravirent femmes, prinrent prisonniers, pillèrent, robèrent, boutèrent feux, prinrent et appliquèrent à eux tout ce qu'ils purent trouver, et firent tous autres maux, crimes et excès, ainsi qu'il est accoustumé de faire en temps de guerre » [Note : Réponse des ambassadeurs de France au premier écrit des Anglais. — D. Morice, t. IV, col. 1482].

Le butin qu'ils enlevèrent fut considérable. Quelques historiens le font monter jusqu'à 160.000 écus d'or. Cette somme, tout énorme qu'elle est, ne nous paraîtra pas exagérée, quand nous saurons qu'il n'y avait pas, dans ce temps-là, un canton plus riche en France que Fougères et ses environs (De Barante, Histoire des Ducs de Bourgogne, t. VII, p. 921).

Cette ville, dit Mathieu de Coussy, estoit fort riche et bien peuplée de notables bourgeois et riches marchands, lesquels, pour la plus grande partie, furent du tout mis à destruction et espoliés de tous biens, et y furent trouvés très-grands finances d'or, argent, riches joyaux, et autres biens sans nombre [Note : Chroniques de Mathieu de Coussy, chap. XXIX. On peut également consulter les autres historiens contemporains, qui tous s'accordent à nous représenter la ville de Fougères comme fort riche et fort considérable. Jean Chartier, Histoire de Charles VII, nous dit qu'elle était très-riche, bien peuplée de notables gens et de fort grand renom de toute ancienneté. — Berry, dans son Histoire chronologique du même prince, parlant du pillage de Fougères, dit que ce fut dommage, car c'était une très-puissante et bonne ville, bien peuplée de notables bourgeois et riches marchands, et il ajoute que les Anglais y trouvèrent beaucoup d'argent — Jacques du Clerq se sert à peu près des mêmes termes. — Mémoires, livre I, ch. 2. Enfin, voici un fait dont l'authenticité n'est pas suspecte, et qui prouve combien, à cette époque, l'argent était commun à Fougères : Le duc de Bretagne Jean V ayant obtenu la commutation d'un voeu qu'il avait fait, lorsqu'il était prisonnier des Penthièvre, s'adressa à Pierre Rondel, marchand à Fougères, et à Guyon de Monteault, qui s'engagèrent à payer en son nom 10.000 ducats d'or au pape. Pour sûreté de sa créance, le duc leur donna le profit et seigneuriage des mouvances de Morlaix et Fougères, dont il leur abandonna le gouvernement (Extrait du Livre des Ozt, estant à la Chambre lès Comptes, manuscrit à la Bibliothèque de Rennes)].

Le duc de Bretagne, indigné de cette perfidie, envoya Michel de Parthenay vers Surienne, pour lui demander raison de sa conduite, et savoir en vertu de quel ordre il s'était emparé de Fougères pendant la trêve. Ne m'enquérez plus avant, répondit le capitaine : ne voyez-vous pas que je suis de l'ordre de la Jarretière ? et vous suffise. Mais, dit Parthenay, on dit que vous avez pris Fougères pour avoir messire Gilles. Qui vous le rendrait avec un bon pot de vin, seriez-vous content ? L'Aragonais lui répondit franchement : J'ai pouvoir de prendre, et non de rendre.

Quand le duc eut connaissance de cette réponse, il ne douta plus que le conseil du roi n'eût ordonné cette perfidie, et il lui fut clairement démontré que Surienne n'était que l'instrument dont il s'était servi pour la consommer. Cependant il envoya encore un héraut au duc de Sommerset, gouverneur du roi en Normandie, pour le sommer de lui rendre Fougères, et de réparer les dommages que les troupes anglaises avaient causés sur ses terres, contre la foi de la trêve ; car Surienne, après s'être fortifié dans la place, mettait à contribution toute la contrée voisine, et l'on estimait déjà à plus de 600.000 écus le dommage qu'il avait occasionné par ses pillages. Sommerset se contenta de désapprouver Surienne, sans promettre de satisfaction. On a des raisons de croire qu'il lui avait, en effet, défendu de faire aucune entreprise qui pût porter atteinte à la trêve ; mais Surienne lui ayant montré les ordres du roi, il l'avait laissé agir, et lui avait même fourni les troupes dont il avait besoin.

Le duc de Bretagne ayant perdu tout espoir de recouvrer Fougères par la voie des négociations, députa le chancelier de Guémené et l'évêque de Rennes à la cour de France, afin d'exposer au roi la trahison des Anglais, et de l'engager à se joindre à lui pour en tirer vengeance.

Le roi s'empressa d'envoyer des ambassadeurs en Angleterre pour demander satisfaction ; mais le conseil, tout en désapprouvant la conduite de Surienne, se garda bien de donner aucun ordre pour la restitution de Fougères et la réparation des dommages : seulement, pour avoir un prétexte de congédier les ambassadeurs, il renvoya l'affaire au duc de Sommerset.

Celui-ci essaya de justifier la conduite de son gouvernement, en disant que le duc de Bretagne, vassal du roi d'Angleterre, avait manqué à son devoir en faisant arrêter et retenant sans motif M. Gilles en prison, contre la volonté de son souverain ; que la prise de Fougères n'était qu'une juste représaille de cette arrestation et de cette détention illégale, et ne pouvait être une violation de la trêve ; que, du reste, les dommages dont le duc se plaignait seraient bientôt réparés, s'il voulait s'adresser au roi comme à son souverain.

Une telle réponse laissait à Charles VII peu d'espoir d'arriver à une conclusion par la voie des négociations ; cependant, pour enlever aux Anglais tout prétexte de rejeter sur lui la responsabilité d'une guerre qu'il regardait dès lors comme inévitable, il proposa au duc de Sommerset une conférence dans laquelle ses ambassadeurs et lui pourraient traiter de la réparation due au duc de Bretagne.

Cette conférence, indiquée d'abord à Louviers, s'ouvrit à Pont-Saint-Ouen, et fut ensuite ramenée à Louviers. Le roi s'était flatté de l'espérance que les succès de ses capitaines, qui venaient presque au même instant de s'emparer de Pont-de-l'Arche, de Gerberoy et de Conches, rendraient les Anglais plus traitables, et faciliteraient un arrangement qu'il désirait avant tout ; mais les longues prospérités de cette nation avaient tellement enflé le coeur et fasciné les yeux de ceux qui la gouvernaient, que les propositions du roi furent à peine discutées. Dans toute la suite des conférences, les ambassadeurs anglais parurent dominés par l'idée de faire triompher les prétentions de leur monarque sur la Bretagne. On leur proposa de rendre Pont-de-l'Arche, Conches et Gerberoy, s'ils consentaient à rendre Fougères ; mais ils ne voulurent entendre à aucune proposition, et l'on se sépara, de part et d'autre, avec la résolution d'en appeler aux armes pour trancher cette importante question.

Le premier soin du roi fut de s'assurer l'alliance du duc de Bretagne, pour la cause duquel il allait de nouveau courir la chance des combats. Le 7 juin 1449, il conclut avec lui un traité par lequel il s'engageait à ne faire ni paix ni trêve avec l'Angleterre, jusqu'à ce que Fougères lui fût rendue, et, si elle ne lui était pas remise à la fin de juillet, il devait joindre ses forces à celles du duc pour la ramener dans sa possession. Le duc rassembla aussitôt son armée à Saint-Aubin-du-Cormier et fit quelques courses dans les environs de Fougères ; mais elles n'eurent aucun résultat. Alors il changea ses dispositions et se prépara à faire une puissante diversion du côté de la Normandie.

Pendant ce temps-là, Pierre, son frère, qu'il avait nommé lieutenant-général du duché, en son absence, venait mettre le siège devant Fougères avec les troupes qu'il lui avait laissées.

Le duc lui-même ne tarda pas à venir l'y joindre : une campagne lui avait suffi pour enlever le Cotentin aux Anglais et le replacer sous la domination de la France, tant la victoire avait été fidèle à ses armes ! Et c'était cette armée avec laquelle il avait opéré cette prodigieuse conquête, et qui était toute remplie encore de l'enthousiasme de ses succès, qu'il amenait pour renforcer celle de son frère.

De plus, en rentrant en Bretagne, il avait été joint par les vicomtes de Rohan et de la Beilière (Bellière ?), l'amiral de Coëtivy, les seigneurs de Guingamp, de Montauban, de Rieux, de Combourg, de Penhoët et autres, auxquels s'étaient déjà réunies plusieurs compagnies que Henri de Villeblanche, gouverneur de Rennes, avait levées en Basse-Bretagne et qu'il conduisait au siège de Fougères ; en sorte que l'armée destinée à agir contre la place présentait un effectif de 8.000 hommes [Note : Il se manifesta un grand enthousiasme parmi les seigneurs bretons à l'occasion du siège de Fougères. On cite entre autres un trait de Guillaume de Rosnivinen, seigneur Du Plessis, qui prouve combien l'esprit national était vivace et puissant, à cette époque, chez les Bretons. Ce seigneur, commandant d'une compagnie de cent hommes d'armes, dont faisaient partie Geoffroy de Couvran et Olivier de Broons, avait reçu l'ordre d'aller en Piémont et de se mettre avec sa troupe au service du duc d'Orléans. Il était déjà rendu à Grenoble, lorsqu'il apprit les événements dont la Bretagne était le théâtre. Il s'employa si bien auprès des principaux membres du Conseil du roi, qu'il obtint la permission de revenir en sa patrie, et amena au siège de Fougères la compagnie qu'il commandait. Le duc, pour reconnaître son dévouement, lui donna le gouvernement de Saint-Aubin-du-Cormier].

Ce n'était pas trop pour faire le siège d'une ville qui était en bon état de défense, pourvue abondamment de vivres et de munitions, protégée par une garnison nombreuse, toute composée de bons soldats et commandée par Surienne.

Dès le commencement des opérations, M. Pierre avait fait élever deux forts, l'un devant la porte Saint-Léonard, qu'il gardait lui-même avec un nombre assez considérables d'archers et de gens de guerre ; l'autre devant la porte de Rillé, dont il avait remis la garde au sire de Rieux, qui, outre ses fantassins, tous soldats d'élite, avait sous ses ordres 150 hommes de cavalerie.

Ces forts contrariaient vivement les assiégés, qui ne pouvaient sortir de la place sans être bientôt repoussés, non sans éprouver de grandes pertes.

Le duc, à son arrivée, se posta devant l'une des autres portes et plaça le connétable de Richemont devant l'autre : dès lors les opérations du siège furent poussées avec une activité incroyable.

Le connétable essaya d'abord d'enfoncer les portes avec son artillerie ; mais n'ayant pu en venir à bout, il renonça à ce moyen de pénétrer dans la ville et fit toutes ses dispositions pour former un siège en règle. Par son ordre, des tranchées furent ouvertes pour mettre les soldats à l'abri des traits que les archers anglais lançaient avec une précision et une justesse remarquables, et des batteries furent établies aux endroits où les murailles paraissaient plus faciles à entamer ; mais nos Bretons eurent beaucoup à souffrir dans l'exécution de ces divers travaux : malgré les pertes qui en résultaient pour eux, les assiégés faisaient de fréquentes sorties dans lesquelles ils détruisaient ou du moins endommageaient considérablement les ouvrages des assiégeants, qui étaient forcés sans cesse de les recommencer ; ce qu'ils faisaient toujours avec une nouvelle ardeur et sans se rebuter jamais des obstacles.

Cependant les Anglais ne furent pas toujours également heureux dans ces expéditions. Un jour entr'autres, ayant cru s'apercevoir que le guet dont était chargé le sire de Derval se faisait avec une certaine négligence, ils fondirent sur sa troupe, espérant la surprendre ; mais ils furent bien étonnés de la trouver sur ses gardes et disposée à les recevoir. Le combat s'engagea avec une pareille ardeur, de part et d'autre ; mais un corps de Bretons qui avait aperçu le mouvement des Anglais, étant venu soutenir le sire de Derval, celui-ci repoussa vigoureusement les ennemis et les força de rentrer précipitamment et en désordre dans la ville, en les poursuivant jusqu'aux pieds des remparts.

Arrivés là, les Bretons remarquèrent un des boulevards qui leur parut fort mal gardé, et de suite ils se mirent en devoir de monter à l'assaut : les Anglais ne leur opposèrent qu'une faible résistance, et s'empressèrent de rentrer dans la ville, abandonnant lâchement le poste qu'ils étaient chargés de défendre ; mais bientôt de nouvelles troupes se présentèrent et entreprirent de déloger les Bretons. Il s'engagea un combat opiniâtre dans lequel le terrain fut défendu pied à pied avec une égale valeur, et qui coûta la vie à un grand nombre d'Anglais et de Bretons. Enfin ceux-ci, accablés sous les traits qui tombaient du haut des murailles, comme la grêle dans un jour d'orage, furent obligés de se retirer sans avoir pu atteindre la porte.

Cependant l'artillerie ne cessait de foudroyer les murailles : déjà elles avaient cédé en plusieurs endroits, et les brèches qu'elles avaient ouvertes en s'écroulant semblaient présager aux Bretons qu'ils touchaient au terme de leurs glorieuses fatigues ; mais le désespoir suggéra aux Anglais un expédient qui prolongea encore quelques jours leur résistance. Aussitôt qu'un pan de mur était détruit, ils s'empressaient de le remplacer par des barricades, formées avec des tonneaux qu'ils garnissaient en dehors de balles de laine et de sacs remplis de fientes d'animaux, contre lesquels le canon ne produisait aucun effet.

Pour détruire ces remparts d'une nouvelle espèce, les assiégeants imaginèrent de descendre dans les fossés, armés de crocs en fer, au moyen desquels ils accrochaient et attiraient à eux les matériaux dont ils étaient formés ; mais ce ne fut pas sans rencontrer de grandes difficultés et sans perdre bien des leurs qu'ils en vinrent à bout ; car les Anglais faisaient pleuvoir sur eux une grêle de pierres et de traits : souvent même ils descendaient dans les fossés et combattaient corps à corps avec eux pour leur arracher quelques lambeaux de toile dont la possession, dans la situation où ils étaient, semblait être devenue le principal objet du combat.

Les Anglais forcèrent plusieurs fois les Bretons de se retirer ; mais ils ne pouvaient les empêcher de revenir à la charge, ni même les tenir à une distance telle qu'il ne leur fût pas possible d'enlever, avec leurs instruments, les sacs qui formaient les barricades, et de les détruire presque au moment même où elles étaient élevées.

La détresse devenait donc de plus en plus grande parmi les assiégés, qui commençaient à être privés des moyens de fermer les brèches que le canon faisait à leurs murailles. Il ne leur restait d'autre ressource que de s'ensevelir sous les ruines de la ville ou de se rendre à discrétion ; car le duc de Bretagne était bien résolu à ne pas traiter avec eux, et il n'y avait pas d'espoir qu'il renonçât à son entreprise au moment où la fortune ne semblait plus attendre qu'un signe de sa volonté pour lui livrer sa conquête. Mais un ennemi plus cruel que la guerre vint à leur secours et les tira de cette cruelle alternative.

Les longues fatigues qu'avait essuyées l'armée, les dures privations qu'elle avait éprouvées, jointes aux chaleurs excessives qui se firent sentir pendant le siège, déterminèrent dans le camp du duc des maladies qui devinrent bientôt contagieuses, et enlevèrent un grand nombre d'officiers et de soldats. Parmi les premiers fut le jeune comte Alain de Léon, fils du duc de Rohan, qui avait épousé Yolande de Laval, nièce du duc de Bretagne. La mort de ce jeune prince excita les regrets de toute l'armée, et fut, pour plusieurs seigneurs, une occasion de faire des représentations au duc et de l'engager à écouter les propositions des Anglais, qui offraient chaque jour de traiter avec lui. Ils le menacèrent de se retirer et de l'abandonner, s'il ne se rendait pas à leurs désirs, et quelques-uns, voyant qu'il s'opiniâtrait à rejeter toute espèce d'accommodement, se retirèrent en effet.

La crainte que cet exemple n'entraînât d'autres seigneurs qu'il voyait consternés par la terreur du fléau, et qu'une désertion complète ne vint à lui ravir les fruits d'une campagne aussi longue et aussi pénible, lorsqu'il était à la veille de les cueillir, cette crainte changea entièrement les dispositions du duc. Il consentit à prêter l'oreille aux propositions des Anglais, et il leur accorda de sortir de la ville, vie et bagues sauves, et de se retirer où bon leur semblerait sur les terres du roi d'Angleterre [Note : La composition fut telle qu'ils s'en pourraient aller avec tous leurs chevaux et harnois saufs, et chacun portant devant lui un petit fardeau seulement. — Jean Le Chartier, Histoire de Charles VII. Alain Le Chartier, dans une ballade dont nous donnons ici la première strophe, a chanté la reprise de Fougères par le duc de Bretagne : Anglois ! Anglois ! chastiez-vous. De l'ung promettre et l'autre faire. Qui la trêve avez comme foulz Rompue pour Fougières forfaire. Mais David pria Dieu deffaire. Ceulx qui veulent guerre et non paix. L'on doit juger selon les faictz. Cette ballade se compose de vingt et une strophes de ce genre, dont chacune finit par une espèce de sentence ou proverbe : Aux trompeurs vient la tromperie. Qui trop embrasse peu estraints. Tant grate chièvre que mal gist, etc].

Ils étaient encore au nombre de 500, lorsqu'ils sortirent de la place.

Le duc en prit possession le jour même, 4 novembre 1449, deux mois après le commencement des opérations du siège. Après avoir pourvu à ses besoins les plus pressants, y avoir placé une bonne garnison dont il confia le commandement au maréchal de Bretagne, il licencia son armée, épuisée par la fatigue et la maladie, et se rendit lui-même à Rennes, et de là à Dinan. Arrivé dans cette dernière ville, il publia une déclaration par laquelle il exemptait les habitants de Fougères, pendant vingt ans, de tout impôt ou subside, pour leur aider à réparer leurs murailles et à rétablir leur commerce [Note : D. Morice, t. IV, col. 1515. — Cette déclaration est du 12 décembre 1449. — Voir, pour les détails du siège de Fougères, d'Argentré, Histoire de Bretagne, livre XII, ch. 10].

La surprise de Fougères eut des conséquences immenses ; car, comme nous l'avons vu, ce fut cette perfidie des Anglais qui força en quelque sorte Charles VII à reprendre les armes et à recommencer une guerre que lui faisaient craindre les revers des précédentes campagnes ; mais l'heure de notre délivrance avait sonné, et l'étranger, qui, depuis un demi-siècle, nous commandait en maître, allait être chassé de notre territoire. En moins d'une année, Charles VII recouvra toutes les provinces qu'avaient perdues ses prédécesseurs, et la journée de Formigny, en achevant la ruine des Anglais sur le continent, ne leur laissa que la ville de Calais pour légitimer le titre de roi de France, que s'arrogèrent encore longtemps leurs monarques.

C'est ainsi, comme l'a fort judicieusement observé un grand écrivain, que la France entière a contracté une dette envers notre ville, puisque c'est à dater de la défaite des Anglais dans ses murs que commence leur expulsion totale de notre territoire.

La ville de Fougères profita du privilège que lui accorda le duc pour relever ses fortifications ; mais elles n'étaient pas encore rétablies qu'elle se vit menacée d'un second siège et à la veille d'une nouvelle destruction.

Depuis longtemps la France méditait des projets de conquête sur la Bretagne, et n'attendait qu'un prétexte pour les mettre à exécution. Le duc François II, en donnant un asile dans ses Etats au duc d'Orléans, qui avait été obligé de quitter la cour de France, vint bientôt le lui fournir.

Le duc de la Trémouille (Trémoille) entra en Bretagne au commencement de l'année 1487, et vint mettre le siège devant Nantes ; mais il ne put s'en rendre maître. Obligé de se retirer, il prit le chemin de la France, à travers notre province, et s'empara de Vitré et de Saint-Aubin-du-Cormier. L'année suivante (1488), il recommença la campagne à la tête d'une armée de douze mille hommes, et maître d'Ancenis et de Châteaubriand, il vint mettre le siège devant Fougères.

Cette place, que l'on regardait comme la clef de la Bretagne, du côté du Maine et de la Normandie, passait alors pour la plus belle et la plus forte du duché, après Nantes (D. Morice, t. II, p. 180. — Guillaume de Jaligny, Histoire de Charles VIII). Du moment que l'on avait entrevu la possibilité d'une guerre avec la France, les Bretons n'avaient rien négligé pour la mettre en état de soutenir un siège. Ils se flattaient de l'espoir que, dans le cas où les Français feraient une invasion subite sur leur territoire, cette ville, pourvue d'un riche matériel et défendue par leurs meilleurs soldats, arrêterait assez de temps l'ennemi pour leur permettre de rassembler toutes leurs forces. Ils y avaient, en conséquence, réuni un grand nombre d'ouvriers qui travaillaient nuit et jour à réparer les fortifications et à mettre la dernière main aux ouvrages déjà terminés. De nombreux convois y amenaient chaque jour des provisions de toute espèce. Enfin, trois mille hommes, choisis parmi leurs meilleurs soldats, composaient sa garnison, et se montraient pleins de dévouement et d'ardeur pour tenir tête à l'ennemi quand il se présenterait.

Instruits de l'approche de l'armée française, ils conçurent d'abord le projet de marcher à sa rencontre, et de lui livrer bataille en dehors de la ville, mais ils se contentèrent de la harceler dans sa marche ; et voyant bientôt qu'ils avaient le désavantage dans tous leurs engagements avec elle, ils prirent le parti de rentrer dans la ville et de se retrancher derrière leurs murailles, pour y attendre l'ennemi.

Le duc de la Trémouille (Trémoille) les suivit de près, et commença immédiatement les opérations du siège. Il chargea Pierre d'Urfé, grand-écuyer de France, du commandement d'une batterie dirigée contre le boulevard de Saint-Léonard et la tour de Leschauguerte, pendant que lui-même se réservait le commandement d'une autre destinée à battre la porte Roger et la tour de Montframmery [Note : Guillaume de Jaligny, dans son Histoire de Charles VIII, dit : La petite rivière qui passe par dedans (la ville) fut détournée et divertie ailleurs, dont ils (les Bretons) croyaient bien qu'on ne pourrait venir à bout. On ne conçoit réellement pas comment les Français purent opérer ce détour de la rivière. Les collines dans lesquelles est encaissé le lit du Nançon sont trop élevées pour qu'on puisse supposer qu'on lui ait donné un autre cours. Ce passage de l'historien français ne peut être vrai qu'en supposant que la rivière, qui coulait aux pieds du rempart, ait été amenée sous le rocher de Rillé ; mais on ne voit pas bien quel avantage les assiégeants auraient pu retirer de ce changement de direction, qui leur eut coûté beaucoup de travail, et eût été très-dangereux à entreprendre sous le canon de la place].

Le duc de la Trémouille (Trémoille) avait si bien pris ses mesures, son artillerie fut si bien servie, que quelques jours suffirent pour ruiner entièrement les travaux de défense entrepris par les assiégés. Ils durent dès lors songer à une capitulation, et s'ils ne la sollicitèrent pas, c'est qu'ils espéraient toujours que l'armée bretonne, qu'ils savaient être dans les environs, arriverait incessamment à leur secours ; mais cette armée ne se réunissait qu'avec peine, et ses chefs, qui se flattaient que la ville tiendrait assez pour leur donner le temps d'arriver, mettaient dans leurs opérations une lenteur et une négligence impardonnables.

Enfin, les assiégés, se voyant réduits à la dernière extrémité, et trompés dans toutes leurs espérances d'un secours prochain, remirent la place entre les mains des Français.

Quant à la garnison, elle se retira à Andouillé, lieu du rendez-vous de l'armée bretonne, et combattit, quelques jours après, dans ses rangs, à la bataille de Saint-Aubin-du-Cormier, qui décida du sort de la Bretagne [Note : Cette bataille eut lieu le 28 juillet. Fougères avait capitulé le 25, après un siège de huit jours. — Guillaume de Jaligny, Histoire de Charles VIII ; — Jean Bouchet, Histoire de Louis de La Trémouille ; — D. Morice, t. II, p. 182 ; — D'Argentré, livre XIII, ch. 43].

Le traité du Verger ou de Coiron, qui suivit cette bataille, assura au roi la possession de Fougères, ainsi que celle de Saint-Aubin-du-Cormier, de Saint-Malo et de Dinan. Cependant il fut stipulé qu'il rendrait Fougères et Saint-Malo aux filles du duc, s'il était prouvé qu'il n'eût aucun droit sur ces deux villes. Dans ce cas, il devait être remboursé de tous les frais qu'il aurait faits pour leurs fortifications. Mais le roi, tout en paraissant faire de grandes concessions aux Bretons, ne laissait pas de les retenir en sa dépendance, en leur faisant souscrire un article accessoire, d'après lequel les quatre places désignées au traité devaient appartenir à la France, si les filles du duc venaient à se marier sans son consentement. Il leur donna néanmoins une garantie de ses dispositions pacifiques, en s'engageant à leur rendre toutes les villes dont ses troupes s'empareraient dans le duché, sous peine de perdre ses droits sur les quatre places.

L'année suivante (1489), la guerre s'étant rallumée en Bretagne, le roi de France rassembla ses troupes dans les places frontières. Fougères reçut une garnison nombreuse : elle se composait principalement de soixante-cinq lances tirées des compagnies de M. de la Trémouille (Trémoille), des hommes d'armes à la suite des capitaines de Régnier, Philippe du Moulin ; de quarante hommes d'armes et quatre-vingts archers, sous la conduite de Gilbert de Grazay, seigneur de Champ-Roux, et du bâtard de Bourbon ; de deux cents hommes de pied du capitaine Bongars, et d'une compagnie de Suisses.

Le roi de France, par le traité de Francfort, conclu entre lui et l'archiduc Maximilien, se réserva la possession de Fougères, Saint-Malo et Dinan.

Lorsque, après la mort de Charles VIII, le mariage de son successeur Louis XII fut arrêté avec la reine douairière, Fougères fut la seule ville, avec Nantes, que le roi excepta de l'engagement qu'il prit avec la reine de lui rendre toutes les places de son ancien duché (1499), et qu'il voulut garder pendant un an pour sûreté de la convention (L. Maupillé et A. Bertin, 1846).

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