|
Bienvenue ! |
HISTOIRE DES GLENANS |
Retour page d'accueil Retour "îles des Glénans"
L'archipel des Glénans s'aperçoit facilement à 15 kilomètres au sud de Concarneau. Il est composé d'un groupe de petites îles, d'îlots et de roches isolées qui se découvrent en très grand nombre au moment des basses mers d'équinoxe (2m 65 au-dessous du niveau moyen de la mer). Les récifs, qui de tous côtés entourent cet archipel, en rendent les abords très dangereux.
Si, par suite d'un raz de marée ou de tout autre cataclysme, la mer descendait brusquement de 5 mètres au-dessous du niveau des plus fortes marées, les vagues en se retirant laisseraient voir, à la place du plateau sous-marin des Glénans, une île qui aurait à peu près les mêmes dimensions que Groix.
D'après une tradition rapportée par Elisée Reclus, ce plateau serait le reste d'une île détruite par la mer à une époque dont les hommes auraient gardé le souvenir. On peut en effet admettre, soit un affaissement lent et progressif du sol, soit, sous l'action des vagues, une désagrégation des roches, semblable à celle que nous voyons encore se passer de nos jours. Il y a d'ailleurs analogie complète entre les roches granitiques des Glénans et celles de la côte entre Concarneau et Trévignon [Note : Il est assez généralement admis que les Glénans sont avec Groix, Belle-Isle, Houat et Hoedic, les débris d'une chaîne de montagnes actuellement submergée, qui, dans les temps préhistoriques, s'étendait entre Penmarc'h et l'embouchure de la Loire, parallèlement à la côte sud de Bretagne].
Une ancienne tradition mentionne l'existence d'un passage à pied sec entre l'île aux Moutons et le continent ; pourtant sur cette direction, la profondeur de la mer est actuellement de plus de 17 mètres.
Les auteurs qui se sont occupés des Glénans font varier, suivant leurs impressions, le nombre des îles de 5 à 20. Les principales ont pour nom, Saint-Nicolas relié à basse mer à Bananec, Drénec, Quignenec, le Loc'h, Guyotec et Penfret. Les cinq premières forment une rade, où les petits bâtiments trouvent un abri contre le mauvais temps, et qui a été baptisé de tous temps la Chambre. Un îlot, l'île Cigogne, qui en occupe le centre, a été fortifié au XVIIIème siècle, pour surveiller le mouillage. Saint-Nicolas, Drénec, le Loc'h et Penfret sont encore habitées en 1905.
Dix-sept autres îlots ou rochers peuvent encore être mentionnés : les Pierres Noires, le Huic, le Gluet, Brunec, les Bluiniers, le plateau de Pladen, Castel Bras et Castel Bihan, Tallenduic, Karek-bras, Deuzerat, Brilimec, la Bombe, le Vieux Glénan, Ruolh, Menskey et Castel Bargain [Note : Les noms de ces îles, à l'exception de Saint-Nicolas et de Cigogne, dérivent de la langue bretonne, mais ces noms, la plupart du temps transmis par la bouche des marins, ou par la plume de scribes ignorant la langue, sont souvent méconnaissables. Ces altérations sont quelquefois récentes ; je citerai par exemple l'île aux Pigeons ou Brilimec, mot qui n'a aucun sens, et qui s'écrivait au XVIIIème siècle, sur les cartes de la marine, Brinlivic, c'est-à-dire l’île aux Corbeaux noirs].
A 5 kilomètres au sud de Vile du Loc'h émerge encore une pointe de rocher, la Jument du Loc'h, tristement célèbre dans l'histoire des naufrages. Au nord-nord-est des Glénans, à 5 kilomètres et demi de Saint-Nicolas et entourée de rochers, se trouve la petite île aux Moutons signalée par un phare que l'on voit à 16 kilomètres au sud-ouest de Concarneau.
Pendant longtemps, les Glénans n'ont été habités que d'une manière intermittente, mais d'après les vestiges qui subsistent, il est certain qu'elles ont été peuplées dès les temps préhistoriques. Le beau menhir de l'île aux Moutons, les dolmens en ruines de Saint-Nicolas, les sépultures du Drénec, les coffres de l'île du Loc'h en sont la preuve.
Une découverte de deux amphores, remontant à l'époque gallo-romaine, a été faite, il y a deux ans, à Saint-Nicolas l'une a été malheureusement brisée, l'autre est en ma possession. Des fragments d'amphore ont été également trouvés dans l'île aux Moutons, lors de la construction du phare.
Quand les Romains évacuèrent la Bretagne, puis quand les Normands commencèrent leurs incursions, la population des Glénans disparut probablement, et on en est réduit aux conjectures sur les événements qui purent s'y passer ; car, durant plusieurs siècles, l'archipel des Glénans n'a été le théâtre d'aucun événement dont il soit fait mention dans les auteurs qui se sont occupés de l'histoire de la Bretagne. Ces îles cependant pouvaient servir de poste avancé à la forteresse de Concarneau, qui, il ne faut pas l'oublier, était encore au XVIème siècle, réputée avec Brest, Saint-Malo et Nantes, une des quatre grandes places fortes de Bretagne.
La carte la plus ancienne sur laquelle j'ai trouvé mention des Glénans figure dans l'Atlas de Pierre Vesconte qui remonte à l'année 1318. L'échelle en est très petite, on y voit cependant au sud-ouest de la péninsule armoricaine, le port Concha et, au large, les îles Grana. Ces îles sont indiquées également sur la plupart des cartes postérieures, souvent avec la désignation : « entre Groïa et Penmark ». Il existe à la Bibliothèque Nationale, une grande carte sur parchemin de toute la Bretagne qui paraît remonter au commencement du XVIIème siècle. Elle semble fort exacte pour l'époque, cependant, par une erreur singulière, l'île de Groa est mise a la place de Glenan, vis-à-vis de Concarneau, et Glenan occupe la position de Groa.
Les Glénans appartenaient aux moines de Saint-Gildas, près de Sarzeau, comme leur ayant été donnés, disaient-ils, par Grallon, Comte de Cornouaille, auquel ils attribuaient la fondation de leur abbaye. Mais cette prétention était mal fondée, car saint Gildas ne passa de la Grande-Bretagne en Armorique que vers 580, un siècle après la mort du Comte Grallon. La possession de ces îles leur était, il est vrai, reconnue par des chartes du XIème siècle, d'ailleurs peu authentiques, qui furent cependant confirmées en 1502, par la Duchesse Anne.
Il est certain que les îles de la côte sud de Bretagne ont été occupées et christianisées par des moines venant presque tous de la Grande-Bretagne. Ainsi, la grande île de Belle-Isle (Enez veur) appartenait encore en 1590 à l'abbaye de Quimperlé. L'abbaye de Rhuys, fondée par saint Gildas, était en 1789 propriétaire des îles de Houat et de Hoedic situées à 15 kilomètres au large de la côte du Morbihan. Sur la côte du Finistère, on peut supposer qu'un pareil apostolat a été exercé par saint Tudy, dont la vie est peu connue, mais qui est honoré à Loctudy, à l'île Tudy, et dans l'île de Groix.
Les Glénans étaient alors rattachés à Loctudy, mais aucun renseignement n'est parvenu jusqu'à nous sur les événements qui ont du survenir pendant plusieurs siècles. On sait seulement qu'en 818, tous les anciens monastères bretons durent, sur une injonction de Louis-le-Débonnaire, adopter la règle de saint Benoît.
Le Cartulaire de Quimper publié par M. le chanoine Peyron nous apprend qu'en 1220, l'abbé de Saint-Gildas, Hervé, fut envoyé par ses religieux à Quimper pour soutenir, devant l'évêque Renaud, leurs droits sur l'église de Loctudy. Le 20 avril, il fut convenu par transaction, que, sur trois prébendes attachées à cette église, deux appartiendraient à l'évêque et la troisième à l'abbé. Mais quatre ans plus tard, en 1224, cette prébende leur fut enlevée par un traité, sorte de concordat intervenu entre l'Evêque de Quimper et Hervé du Pont (Pont-l'abbé). Dans ce traité, qui reçut l'approbation de l'Archevêque de Tours, l'Evêque et le Seigneur du Pont se désistaient de toutes réclamations sur leurs griefs respectifs. L'abbé de Saint-Gildas dut également renoncer à faire valoir les siennes, et il lui fut signifié par l'Evêque, que l'abbé et le couvent n'auraient plus aucun droit sur l'église de Loctudy et ses dépendances, qu'ils possédaient jusqu'au moment présent. Il était encore stipulé que, s'ils n'acceptaient pas la compensation qui leur était offerte, cette compensation, dont la valeur n'est pas indiquée, serait, pendant la durée du procès, accordée au clerc qui défendrait la cause de l'Evêque.
Les Glénans, qui dépendaient alors de Loctudy, furent volontairement ou non, laissés en dehors de la décision épiscopale et continuèrent d'appartenir à l'abbaye de Rhuys.
La création d'un troisième prieuré sur ces îles, n'est pas certaine, cependant il est probable qu'il a existé, sous le vocable de Saint-Nicolas, nom qui est encore porté par une des îles principales de l'archipel. Ce nom, étranger à l'ancienne hagiographie bretonne, nous reporte au XIIIème siècle, époque à laquelle régnait une grande dévotion pour ce saint. La preuve s'en trouve dans le cartulaire de Quimper cité précédemment, où sont énumérées, à la date du 25 novembre 1228, les fondations faites, au profit des chanoines, curés (vicaires), diacres et sous-diacres de son chapitre, par l'évêque Renaud, au moment d'entreprendre le pèlerinage, alors très célèbre, de Saint-Nicolas de Bari, en Apulie.
En tous cas, à la fin du XVème siècle il ne restait plus aux Glénans de moines, ni même de constructions habitables. Un Aveu rendu au Roy par l'abbé de Saint-Gildas, le constate dans les termes suivants :
« A tous ceux qui ces présentes verront, Antoine du Prat, garde de la Prévoté de Paris, Salut : Savoir faisons que par devant les notaires du Roy a comparu R. P. en Dieu, Mre Jean-Baptiste de Gadaigne, abbé commandataire de l'abbaye de Saint-Gildas de Rhuys, en l'évêché de Vannes, lequel de son bon gré a advoué tenir du Roy notre souverain seigneur les choses ci-après : … En l'évêché de Cornouaille, Déclare led. Sgr estre seigneur en fonds et propriété du tout des Ysles appelées de Glénan qui sont en nombre sept tant grandes que petites assises en la mer, avec leur appartenances et dépendances qui ont esté données à lad. abbaye par lad, antienne fondation et qui consistent en pasturages et sont inhabitées et sans aucun logis ny bastimens. En cette ville de Paris, le XXIII Avril 1584. S. CHANTEMERLE et LE CAMUS ».
Il existe également aux Archives de la Loire-Inférieure deux aveux analogues rendus au Roy, l'un par l'abbé Michel Ferrand, en 1655, l'autre par l'abbé Emmanuel de Roquette, le 27 août 1785.
Dans l'intervalle, en 1633, l'abbé Henri Bruc avait afféagé (loué) les îles des Glénans, qui ne lui rapportaient rien, au Sr. Desbrosses, moyennant une rente annuelle de 40 livres tournois. Mais le contrat fut bientôt résilié, et il arriva que ces îles, ne fournissant plus aucun revenu, furent oubliées dans une énumération générale des biens de l'abbaye dressée en 1637.
Houat et Hoedic y figurent, mais la jouissance en paraissait assez précaire pour qu'il fût prévu au bail que le prix de la location sera réduit si le preneur en est privé. Cette clause prévoit les actes de pillage commis par les corsaires ennemis.
En 1651, après la réunion de l'abbaye à la Congrégation de Saint-Maur, il y eut une nouvelle tentative d'afféagement, décidée dès 1649 par l'abbé Michel Ferrand, en raison de l'état de délabrement des bâtiments.
Les Glénans trouvèrent pourtant un acquéreur en 1660 : Nicolas Fouquet, le célèbre surintendant des Finances de Louis XIV, gouverneur de Belle-Isle, et de plusieurs places fortes de Bretagne eut la fantaisie de joindre à son domaine princier les îles de Houat, Hoedic et Glénans. Elles ne rapportaient guère en tout que 1.500 livres, car à chaque déclaration de guerre elles étaient dévastées par l'ennemi. Cependant Fouquet offrit en échange la seigneurie de Coatcanton, en Melgven, comprenant : manoir, bois, domaines, moulins, avec droit de justice haute, basse et moyenne, et en outre la jouissance de droits honorifiques dans plusieurs églises et chapelles des environs de Rosporden. Les revenus annuels de cette terre s'élevaient à 3.500 livres ; aussi les religieux acceptèrent-ils avec empressement cet échange très avantageux, qui fut approuvé par le supérieur général de la Congrégation. Toutefois il n'y put être donné suite, car, sur les entrefaites, Fouquet, perdu par son ambition démesurée, fut arrêté en 1661 et condamné à la prison perpétuelle. Le contrat passé avec les religieux fut annulé par un arrêt de février 1665, et la seigneurie de Coatcanton vendue à un parent du surintendant, Messire Christophe Fouquet, comte de Chalain, et à dame Marie du Boisguéhenneuc, son épouse.
Les Glénans restèrent ainsi la propriété de l'abbaye de Saint-Gildas. En 1678, l'abbé Bertot demanda qu'il fût fait un partage en trois parts du revenu des biens de l'abbaye sur les bases suivantes ; une part devait être pour lui, la seconde pour les religieux, la troisième, qui comprenait Houat, Hoedic et les Glénans, serait ajoutée à la première, afin de pourvoir aux chargés de la maison.
En 1685, l'abbé Emmanuel de Roquette accepta ces bases de partage, mais demanda en même temps à se décharger de l'administration des 1er et 3ème lots, à condition de recevoir une rente de 4.000 livres, payable par moitié à Noël et à la Saint-Jean. Par contre, il s'engageait à supporter la moitié des pertes, en cas de descente des ennemis, Anglais, Espagnols, ou autres.
Au commencement du XVIIIème siècle, les Glénans se trouvaient encore inhabités d'après le témoignage du commandant Robelin, Dans le rapport de la visite qu'il fit en 1717, il s'exprime dans les termes suivants :
« Sur l'île Saint-Nicolas, il y avait autrefois un hermite dont il reste encore une petite maison couverte en paille avec un four, un jardin clos d'un bon mur, et un puits d'eau douce qui est très bonne. Depuis la paix (Traité d'Utrecht, en 1713) plusieurs particuliers de Concarneau y ont fait bâtir une grande presse pour y préparer les sardines, qui est un enclos de mur bâti en carré de 120 pieds de côté, fermé d'une grande porte, dans le dedans duquel sont adossés des appentis couverts de tuiles creuses. Il y en a déjà la moitié de fait avec une petite chapelle pouvant contenir 20 personnes, et des matériaux sur les lieux pour achever le reste ».
Le Royer de la Sauvagère, qui refit en 1744 le plan des Glénans, nous apprend « que dès 1713 l'abbé de Saint-Gildas avait, moyennant le paiement d'une somme de 100 livres par an, afféagé ces îles au Sr. Lheurter ou Lhérétère à qui ils s'étaient joints Yves Gouic, Kiven, Chapeaux et Villette qui avaient formé une compagnie à laquelle on assurait que le Roy Louis XIV avait accordé le privilège de franchise et un droit de percevoir 5 sols par tonneau de chaque barque qui y relâcherait, aux conditions d'y construire un fort à leurs dépens, mais cette compagnie se rompit par l'accident du feu qui consuma les presses vers 1735. Il n'y eut que le Sr. Lhérétère qui s'y maintint. Il avait un jardin très bien cultivé et il ne l'abandonna que par la crainte des corsaires anglais qui y prennent poste dès le moment de chaque déclaration de guerre ». La dernière avait eu lieu en 1733.
En 1754, les Glénans devaient être de nouveau inhabités car Le Royer de la Sauvagère, qui s'occupait alors d'un projet de fortification, proposait au Roy de rembourser aux Bénédictins, moyennant 2.000 livres, la valeur en principal de ces îles, et il estimait qu'il serait possible de tirer profit de leurs produits pour les besoins de la garnison qu'il faudrait y installer. Le Roy prescrivit alors une enquête pour établir quel était le véritable propriétaire de l'archipel ; l'abbaye établit ses droits et l'affaire n'eut pas de suite.
Il paraît bien extraordinaire que ces précédents n'aient pas été connus des commissaires des Domaines de Bretagne, qui, au détriment des légitimes propriétaires, afféagèrent en 1768 les îles des Glénans au Sr. Landais de Clemeur, moyennant une rente de 300 livres, payable à la recette du Domaine de Concarneau.
Les religieux ne pouvaient tolérer cette usurpation, toutefois, pour des raisons restées inconnues, ce fut seulement le 21 novembre 1774 qu'ils assignèrent Landais, devant le siège royal de Quimper, pour se voir condamner à abandonner la possession des Glénans.
Landais transmit le 24 décembre suivant cette assignation au Sr. Briant de Boismelin, receveur des Domaines de Concarneau, en l'appelant en garantie. Ce dernier en référa au Directeur général du Domaine de Bretagne qui proposa un déclinatoire devant le siège royal de Quimper et demanda le renvoi de l'affaire au siège royal de Concarneau de qui relevait la paroisse de Fouesnant dont les Glénans font partie. La question paraissait urgente, car le Procureur des Bénédictins à Quimper « homme fort actif », dit-il, protestait contre ce déclinatoire et pressait vivement ses adversaires de répliquer.
Je n'ai pas trouvé trace de la sentence qui a dû être rendue, à moins que le Directeur des Domaines ne se soit désisté, ce qui est possible : en tous cas les droits de l'abbaye à la propriété des Glénans furent une fois de plus reconnus.
En 1791, les biens de l'Abbaye durent être vendus en raison des lois votées par l'Assemblée Nationale. Les archives du Morbihan contiennent, entre autres, les actes de vente des îles de Houat et de Hoedic, mais aux archives du Finistère, n'existe aucune mention d'une vente régulière des Glénans. On trouve seulement, à la date du 19 février 1791, l'acte de vente aux enchères d'une rente de 150 livres, due sur ces îles par le Sr. Kernilis. La mise à prix avait été de 1.153 livres et le Sieur Alain de Kernafflen de Kergos en fut déclaré adjudicataire moyennant une somme de 1.500 livres.
Trois ans plus tard, Cambry, dans le récit de ses voyages dans le Finistère, nous apprend que les Glénans appartenaient au Sr. … (Kergos d'après le commentateur). J'ignore par quelles suites de circonstances, cette propriété d'une rente de 150 livres sur le fonds s'est transformée en propriété du fonds lui-même.
L'archipel était encore la propriété de la même famille quand le cadastre fut établi ; il en sortit en 1837 seulement, et devint en 1870, la propriété d'une famille de Pont-l'Abbé qui possède vers 1905 à peu près 150 hectares sur une surface totale cadastrée de 154 hectares environ. Le surplus appartient à l'Etat pour ses établissements militaires et ses phares, et pour un hectare, situé clans l'île du Drénec, à un propriétaire de Quimper.
Le récit fait par Cambry en 1794, de son Voyage dans le Finistère, dont il était alors administrateur [Note : Cambry, auteur de plusieurs ouvrages littéraires, était aussi archéologue. Son Voyage dans le Finistère a été réimprimé deux fois. Le Catalogue des objets échappés au Vandalisme dans le Finistère, a été réédité et annoté par M. Trévédy. Cambry fut un des fondateurs de l'Académie celtique], est la première description un peu détaillée que nous ayons des Glénans. Après avoir dit que les 50 hommes de garnison du fort Cigogne formaient alors toute la population de l'archipel, il en donne la description suivante qui est encore assez exacte en 1905.
« Le propriétaire des Glénans pourrait, en temps de paix, en tirer un grand parti, il se contente d'y élever quelques bestiaux et d'y faire de la soude ; de grands troupeaux s’y nourriraient. On y pourrait établir des presses et des magasins, saler, sécher une prodigieuse quantité de poissons, récolter les plus beaux froments, cultiver les meilleurs légumes, l’asperge y croit spontanément une multitude de lapins vivaient sur ces îles, on en trouve encore aujourd’hui, mais en moins grande quantité. La cane royale, le plus bel oiseau de l'Europe, paraît naturel à ces îles.
Elles furent habitées jadis ; des marins attestent avoir vu, à une demi-lieue dans l'ouest de l'île aux Moutons, un mur, une grande voûte faite de main d'homme à 26 pieds de profondeur sous l'eau, on ne les aperçoit que dans les plus grands calmes. Dans l’étang de l’île du Loch, ils ont vu des pierres druidiques ».
Cambry ne mentionne pas la tradition persistante dans le pays que l'archipel des Glénans formait autrefois une grande île par contre il rapporte « qu’on allait jadis à pied sec de la pointe de Begmeil à l'île aux Moutons, une des îles des Glénans, séparée présentement par une grande lieue de mer, et par une profondeur de treize brassés d'eau ».
Les premiers guides du voyageur dans le Finistère ne mentionnent pas les Glénans, et il faut arriver à M. Aidouin Dumazet pour trouver un auteur qui parle de cet archipel après l’avoir visité.
L'île Saint-Nicolas est, sinon la plus grande (sa surface cadastrée est de 17 hectares 31 ares), du moins la plus importante au point de vue de ses relations avec Concarneau, dont elle est la plus rapprochée.
On peut y accoster au nord, mais au sud le débarquement est facilité par une cale : une deuxième cale a été établie en 1881, pour la mise à l’eau du canot de sauvetage.
Saint-Nicolas ne forme en réalité qu’une seule île avec l'îlot Becguelec et Bananec, que l’on peut, au moment des basses mers, atteindre à pied sec. Il existe un grand bâtiment. servant de cantine, une ferme, trois masures habitées par des pêcheurs, et un hangar abritant le canot de sauvetage. Le sol de l'île est en partie cultivé, le reste est en pâturages. Trois figuiers, s’appuyant sur un mur, sont les seuls arbres de tout l'archipel.
On voit encore la trace des batteries qui défendaient jadis au nord et à l'est les abords de l'île. Au nord également se trouvent deux sépultures (?) en forme de dolmen dont les chambres avaient près de trois mètres de longueur. La table de l’une a disparu, la table de l’autre s’est effondrée.
A la pointe de Becguelec, située à l'ouest, on voit les ruines d’une tour (?) ou d’un four à soude ; c’est près de là qu’ont été trouvées deux amphores gallo-romaines. L’une, qui a été détruite, contenait « de la terre brûlée et un mauvais sou ». L’autre, qui est brisée à la hauteur du col, mesure encore 56 centimètres de hauteur ; le diamètre de la panse est de 26 centimètres. La pâte est plus fine et plus blanche que celle des poteries généralement rencontrées dans les tumulus [Note : Au Mont-Beuvray, dans le Morvan, M. Baillot a constaté la présence d’amphores à vin, dont le col et les anses avaient été détachés, et qui avaient servi d’urnes funéraires].
Au nord, relié par un banc de sable toujours submergé, se trouve Brunec, petite île surnommée la Prison. C’est là, dit-on, que les Anglais débarquèrent un jour quelques pêcheurs dont ils avaient saisi les barques chargées de vivres destinés au fort Cigogne. C’est également sur ce point que les barques françaises remettaient aux Anglais des vivres frais en vertu de la convention dont il a été parlé précédemment.
Tous les bâtiments élevés sur cette île appartiennent en 1905 au même propriétaire, sauf le vivier construit par M. Halna du Frétay sur un terrain maritime qui lui avait été concédé personnellement. C’est, un ouvrage considérable dont la dépense s’est élevée à près de cent mille francs. Il renferme des compartiments séparés, principalement destinés à la conservation des langoustes, où il est possible de faire varier le niveau de l’eau en suivant le mouvement de la marée.
A Bananec, située à l'ouest de Saint-Nicolas, on voit les restes d’une maison ; l'île tout entière est en landes ou en pâturages.
L'île Drénec est reliée à Saint-Nicolas par un passage qui n’est jamais recouvert aux basses mers que de quelques centimètres d’eau. Il s’y trouve une ferme, un excellent puits, des pâturages et des terres de bonne qualité.
Au nord, on voit les ruines de deux sépultures (?). D’après la longueur des tables effondrées qui les recouvraient, l’une aurait mesuré quatre mètres de longueur, l’autre un peu plus.
Sur la petite île de Quignenec, il n’existe qu’une cabane servant d’abri aux ouvriers employés l'été à la récolte des varechs pour la fabrication de la soude.
Brilimec est un rocher inculte abandonné aux oiseaux de mer que l’on y voit réunis en très grand nombre. Au nord se trouve le rocher la Bombe, auquel les anciennes cartes donnent, sous le nom de Laon-Arhant, une étendue plus considérable.
Guyolec n’est pas habité et dépend de la ferme établie à Penfret. En raison de la bonne qualité de ses pâturages, le fermier y transporte son bétail en bateau.
Penfret, dont la surface est de plus de 39 hectares, pourrait par ses dimensions et son importance disputer le premier rang à Saint-Nicolas ; toutes deux sont à peu près à la même distance de Concarneau.
C’est sur cette île qu’au XVIIIème siècle, M. de Marolles avait demandé l'établissement pendant six mois d’un feu de charbon pour signaler les écueils. Dans un rapport de frimaire an III, le représentant du peuple Niort réclamait un phare à la pointe sud de Penfret, car il n’en existait alors aucun entre Penmarc'h et la Loire. Beautemps-Beaupré proposa au contraire la pointe Pen-a-Mine, au nord-est de l'île, emplacement qui finalement fut adopté par la Commission des Phares en 1825, mais c’est seulement en 1836 que les travaux commencèrent. Le feu, allumé le 1er octobre 1838, est placé sur une tour carrée élevée de 36 mètres au-dessus du niveau des hautes mers d’équinoxe ; sa portée est vers 1905 de 36 kilomètres.
Ce phare, ainsi qu’il a été dit, se trouve au milieu d’un fort construit en 1842, classé en 1861, déclassé en 1889, et dont les bâtiments ont été remis au service des phares. Les maçonneries sont en bon état, et il y a une très grande citerne qui, si elle était nettoyée régulièrement, permettrait aux habitants de ne pas avoir recours à un puits dont l’eau est médiocre.
Il existe dans l'île une grande maison pour les gardiens du phare et une petite ferme. Au nord-ouest se trouve un mouillage et une petite cale fréquentée par les yachts de plaisance. A l'est, un autre mouillage par certains vents n’est plus tenable, et doit être abandonné. Une petite cheminée conservée, sert aux marins d’amer.
Au sud de Penfret, se dresse le sémaphore dont le guetteur est chargé, vers 1905, d’un service de télégraphe. Un bateau de sauvetage existe dans l'île depuis 1897.
Il y a une carrière de granit exploitée d’une manière intermittente, qui peut fournir de bonnes pierres de taille pour les besoins des ports.
Aucune trace de monuments préhistoriques n’a été signalée jusqu’ici dans cette île.
La petite île Guiriden (ou Guirinzab, l'île aux Sables), se compose de deux parties rocheuses reliées par un banc de sable que la mer ronge sans cesse et qui est appelé à disparaître.
Il y a quelques années, un marin de Saint-Nicolas, nommé Bargain, trouva dans le sable un squelette d'homme (?) d’une dimension prodigieuse. Le fémur avait, d’après lui, dix centimètres de plus que celui d’un homme de grande taille. Ces ossements ont été enterrés à Saint-Nicolas, sans avoir été examinés par aucune personne compétente.
L'île du Loc'h qui, d’après le cadastre, aurait une surface de 58 h. 50, se trouve la plus grande des Glénans, même en déduisant la surface très variable, (4 à 5 hectares au minimum}, d’un étang qui occupe le centre de l'île et lui donne son nom. L’eau de cet étang est saumâtre et les bords marécageux n'évoquent guère le souvenir de la fée du Loch, dont la légende, fort embellie, est racontée par Emile Souvestre, dans le Foyer breton. Voici en quelques mots cette légende de la Groac'h de l’île du Loch, la cruelle fée des eaux des Glénans.
Jadis, dans le pays de Léon, vivaient Houarn et sa fiancée Bellah ; tous deux s’aimaient tendrement mais ne pouvaient se marier faute d’argent pour se mettre en ménage et acheter une petite vache et un pourceau maigre. La mort dans l’âme, Houarn un jour se résolut à tenter au loin la fortune et se mit en route avec deux reliques que lui donna sa fiancée, la clochette de saint Koledok qui sonne en cas de péril, et le couteau de saint Corentin qui détruit les maléfices. Bellah conserva le bâton magique de saint Vouga pour pouvoir rejoindre Houarn en cas de besoin.
Arrivé à Pont-Aven, le pauvre voyageur entendit parler de la Groac'h de l'île du Loch, plus riche que tous les rois réunis de la terre, car un courant diabolique lui apportait les trésors de tous les navires engloutis. Bien des audacieux étaient partis à leur conquête, mais on n’avait jamais revu aucun de ces téméraires. Malgré tous les conseils, Houarn résolut d’aller s’en emparer et se fit conduire à l'île du Loch. Arrivé au bord de l’étang, qui en occupe le centre, il voit se balancer près du bord un bateau en forme de cygne ; il y monte, mais aussitôt la nacelle s’anime et entraîne l’imprudent au fond des eaux.
Sans trop savoir comment, le Léonard se trouva dans le palais merveilleux de la Groac'h ; la fée le reçut avec empressement et lui donna à boire cinq douzaines de gobelets d’excellent vin. Ces libations firent oublier au pauvre Houarn Bellah et ses serments, et il accepta avec joie l’offre de devenir l’époux de la Sirène. C’en était fait de son âme, quand, grâce au couteau de saint Corentin, un poisson qu’il allait découper, et qui venait d’être pêché par la sorcière, l’avertit que, malgré sa forme, il n’était qu’un ancien fiancé de la fée, et que pareil sort l’attendait lui-même s’il demeurait dans ce palais. Houarn voulut fuir, mais la Groac'h le saisissant avec un filet magique, qu’elle portait toujours à sa ceinture, le transforma en grenouille.
Heureusement pour l'infidèle, à cet instant la clochette de saint Kolédok tinta jusqu'à Lannilis, et Bellah vola au secours de son fiancé ; grâce à son bâton magique elle parvint en quelques instants à l'étang enchanté. En route, sur les conseils d’une ancienne victime de la Groac'h, elle s’habilla en homme et apprit que, si elle parvenait à s’emparer du filet maudit, la fée deviendrait impuissante.
Le costume de Bellah trompa la sirène, la jeune fille sut la séduire et obtint la faveur de pêcher elle-même les poissons du vivier, mais, à peine en possession du filet magique, elle le jeta sur la Groac'h et la métamorphosa en crapaud.
Le couteau de saint Corentin rendit la forme humaine à tous les anciens fiancés de la fée, et Houarn et Bellah, chargés de merveilleux trésors, revinrent à Lannilis.
A l'ouest de l'île du Loc'h, on voit une ferme, au nord-ouest, les ruines d’une importante usine jadis construite par M. du Fretay pour la fabrication sur place de la soude. Cette industrie a été abandonnée il y a plusieurs années, par suite d’une énorme dépréciation de prix des produits fabriqués. La haute cheminée sert d’amer aux pêcheurs.
Une petite maison a été construite à la pointe nord-est par un amateur de chasse et de pêche. A l'est on aperçoit encore les ruines d’une sorte de tour et de vagues traces d’une batterie. Les naufrages sont fréquents dans les parages de l'île du Loc'h et de l'écueil de la Jument, situé à cinq kilomètres au sud des Glénans. Aussi rencontre-t-on sur les côtes de l'île de nombreux cimetières où reposent les corps des victimes. Quelques-uns portent des noms significatifs cimetière des Grecs, des Anglais, des Irlandais. En deux endroits, les tombes sont entourées de myrtes. La femme d’un des habitants m’a dit avoir vu un étranger venir s’y agenouiller et prier.
D’autres tombes, par leur mode de construction, paraissent remonter à une époque fort éloignée et se rapprocher des coffres de pierre ou Stone-cists qui ont été rencontrés souvent en Bretagne. Les uns sont formés par quatre dalles posées de champ et écartées de 0m 50, d’autres, dont les dimensions sont plus grandes, peuvent être comparés à de petits dolmens. D’après M. P. du Chatellier, un certain nombre de ces coffres auraient été fouillés par M. du Frétay, qui n’y aurait trouvé que des ossements.
Tout à fait au sud de l'île se trouve une sorte de chaos où M. Ardouin Dumazet a cru voir les restes d’un établissement celtique considérable. Cette appréciation semble discutable ; peut-être s’agit-il simplement de très anciennes carrières.
L'île Cigogne (surface 1 h. 32) est un rocher dont la plus grande partie est occupée par un fort. Il a été déclassé en 1889, et les charpentes se sont effondrées, mais la maçonnerie et les casemates sont encore en bon état. L'Etat a mis ensuite ce qui subsiste du fort à la disposition du Collège de France pour servir d’annexe au laboratoire maritime de Concarneau. Quelques appareils enregistreurs y ont été installés, et il est ensuite question de développer cet établissement en vue d'étudier les migrations de la sardine, dont l’apparition sur les cotes du Finistère est si capricieuse.
Les autres îles de l'archipel ne sont que des rochers incultes qui émergent plus ou moins à chaque marée et qui n’ont d’autres habitants que des oiseaux de mer et de nombreux cormorans.
L'île aux Moutons, que l’on rattache habituellement aux Glénans, a une surface de 5 hectares. Son nom lui vient, dit-on, de l'existence de troupeaux de moutons qui auraient été jadis détruits par les rats. Les marins lui donnent le nom breton de Moalès. Le beau menhir que l’on y voit prouve qu’elle était habitée déjà dans les temps préhistoriques ; elle n’a plus d’autres occupants, vers 1905, que les gardiens du phare. Cette île est entourée de rochers, dont les principaux sont Trévarec et Penanguen ; aussi ces parages sont très dangereux. Entre les Moutons et les Glénans, il existe encore une série d'écueils, dits les grands et les petits Pourceaux, qui obligent les navires à se porter vers le sud, en suivant une direction qui les mène dans le courant des Glénans. C’est sûr les Leuriou, récif à l'est des petits Pourceaux, que la frégate du Roi, la Vénus, s’est perdue au milieu du XVIIIème siècle.
Vers la fin du XIXème siècle, un grand navire anglais, le Lyme Régis, qui allait de Bilbao en Angleterre avec un chargement de minerai, s’est perdu sur les Moutons par un temps de brouillard. Beaucoup d’autres naufrages l’avaient précédé et l’établissement d’un phare, demandé en 1795, fut décidé quatre-vingts ans plus tard. La tour a 18 mètres de hauteur, le feu est de 4ème ordre et sa portée est de 16 kilomètres. Il a été allumé le 1er janvier 1879, mais malheureusement il n’a pas toujours empêché les accidents de mer de se produire.
Les Glénans, qui dépendaient jadis de la paroisse de Fouesnant, font vers 1905, ainsi que l'île aux Moutons, partie de la commune de ce nom. Ils sont administrés par un délégué, qui remplit les fonctions d’officier municipal, mais tous les actes de l'état-civil sont inscrits sur les registres de Fouesnant. Il n’en est pas tout à fait de même au point de vue religieux, car les enterrements se font alors à Concarneau.
La population, de 68 habitants (en 1905), se répartit de la manière suivante : Penfret, 14 adultes et 24 enfants ; Drénec : 2 adultes et 6 enfants ; Le Loc'h, 4 adultes et 7 enfants ; Saint-Nicolas, 6 adultes et 5 enfants.
Sur le nombre de 26 adultes, qui ne comprend pas les deux gardiens du phare de l'île aux Moutons, 15 seulement ne se rattachent pas aux administrations de l'Etat, les 11 autres sont les gardiens du phare on du sémaphore, et leurs femmes.
L’enseignement primaire est donné à Penfret par le gardien-chef du phare, qui fait l'école concurremment avec le premier guetteur du sémaphore. Tous deux reçoivent une rétribution comme instituteurs.
Le chiffre peu élevé de la population sédentaire correspond assez bien à la surface cadastrée d’environ 150 hectares. Dans les terres qui ont été mises en culture, le sol est formé d’un sable granitique d’une grande fertilité, grâce à de fréquents apports d'engrais marins, goémon et maërl (sable coquillier). L’asperge sauvage y pousse spontanément d’après Cambry [Note : Je ne sais si la flore de l'archipel des Glénans a été l'objet d’une étude détaillée ; elle le mériterait cependant, car elle contient quelques espèces rares, entre autres, une narcisse qui lui serait, dit-on, spéciale. Elle ne figure pas dans les dictionnaires de botanique (Baillon). J’en ai appris l'existence par une visite reçue en Bretagne d’un grand horticulteur anglais, spécialiste de la culture des narcisses. Dans l’intérêt de son commerce, il avait fait son tour de France, de Marseille à Bordeaux, à Nantes et à Rosporden, et il recherchait les moyens de compléter aux Glénans sa collection de narcisses]. Les fourrages de l'île Guyotec ont été souvent cités. Les fermiers y font de belles récoltes de céréales et de pommes de terre, mais les difficultés et l'irrégularité des communications avec le continent entravent beaucoup le commerce. Ces produits sont d’ailleurs une ressource pour les marins, qui affluent aux Glénans au moment de la pêche, et, dans l'été, pour les yachts qui, comme jadis les corsaires, viennent relâcher à Penfret.
Les prix de location des fermes construites, vers 1870-1875, à Penfret, au Loch, à Saint-Nicolas et à Drénec, s'élèvent à 500, 400, 700, 500 francs, et pour l'île Quignenec à 60 francs, en tout 2.260, ce qui fait ressortir le prix de location de l'hectare à un chiffre relativement élevé. La cantine est en outre d’un bon rapport.
Le goémon, ou varech, est une source de richesse pour les habitants, soit qu’ils l’emploient directement comme engrais, après l’avoir mis en tas assez longtemps pour laisser égoutter l'eau de mer, soit, qu’en vue de la production de la soude, ils fassent brûler ces plantes dans des fosses en pierres, soigneusement dallées. Le grand nombre de ces fosses, que l’on rencontre en ruines dans les îles, indique combien cette industrie s’était développée Au moment de la saison on voit encore arriver aux Glénans des récolteurs et brûleurs de goémon. Les résidus du travail de la soude dans les usines sont très appréciés comme engrais.
L’abondance et la richesse de ces cendres avaient déjà, au XVIIIème siècle, attiré l’attention des étrangers, et, en 1784, une compagnie de négociants, chargés de fournir la soude destinée aux manufactures royales de verreries de Rouen, installa des ouvriers aux Glénans pour récolter le goémon et fabriquer la soude, et elle traita avec le sieur Cathala, négociant à Concarneau, pour fournir aux ouvriers ce qui leur serait nécessaire. Bien que cette installation n’eût pas soulevé de réclamations, les Etats, saisis indirectement de la question, chargèrent le comte de la Bourdonnaye de Boishulin, procureur général, syndic des Etats, « d'établir par des faits positifs le tort que cet enlèvement de goémon, pouvait faire aux cultivateurs ». M. de la Bourdonnaye, dans sa réponse du 16 avril 1784, ne conteste pas la grande utilité des cendres de goémon, et leur importance pour les cultivateurs des environs de Concarneau, mais il constate en même temps qu’ils ne peuvent consommer tous les goémons de la côte, et qu’ils ne se plaignent pas de l'enlèvement fait aux Glénans, où n'habite qu’une seule famille. « Il n’en serait pas de même, dit-il, si les étrangers, avec leur chasse-marée, allaient détacher le goémon sur les côtes, mais le fait n’est pas établi ». Aussi M. de la Bourdonnaye ne voit aucun inconvénient à laisser récolter le goémon aux îles des Glénans.
Les habitants de la paroisse de Fouesnant auraient seuls pu réclamer. Ils ne l’avaient pas fait, et l’origine de cette affaire se trouve donc très probablement dans les discussions du sieur Cathala avec la ferme des Devoirs de Concarneau, qui se trouvent exposées dans une très longue et curieuse lettre adressée aux Etats. Cette lettre, véritable mémoire écrit dans le style emphatique du temps, a pour objet de faire donner l’ordre aux receveurs des Devoirs d’accepter la déclaration de transport aux Glénans de deux barriques de cidre destinées à la consommation de « vingt ouvriers Normands » [Note : Les archives d'Ille-et-Vilaine ne donnent aucun renseignement sur la suite donnée à ces deux affaires].
L’exploitation du goémon se continua, comme par le passé, pendant la première partie du XIXème siècle, et c’est seulement après que les Glénans eurent deux fois changé de maître, que le nouveau propriétaire, en vue des avantages qui pouvait résulter de la vente des sous-produits, autorisa la construction sur ses terrains d’une usine pour la fabrication industrielle de la soude. Le concessionnaire s’installa dans l'île du Loc'h, à proximité des plages où le goémon est le plus abondant et où il devait être plus facile de l’employer à l’état de goémon vert, c’est-à-dire, au moment où il vient d’être coupé, et où sa teneur en iode est la plus forte. Pendant les premières années, les bénéfices réalisés furent considérables, mais, quand, par suite de la généralisation d’un nouveau procédé pour la production de la soude, le prix s’avilit des deux tiers, l’usine dut cesser son exploitation ; les bâtiments abandonnés tombèrent en ruines, et ces ruines elles-mêmes auront bientôt disparu, à l’exception d’une cheminée conservée pour son utilité comme amer.
Ce même industriel, locataire de tout l'archipel, construisit les fermes dont j’ai déjà parlé, ainsi que le vivier qui à ses débuts, m'a-t-on assuré, avait contenu pour près de 80.000 francs de crustacés et de poissons. La difficulté n’était pas d’approvisionner le vivier, mais d’en écouler avantageusement le contenu.
La Guerre et la Marine se désintéressent maintenant des Glénans au point de vue militaire. Après l’insuccès de l’usine construite en 1870, il est douteux qu’une nouvelle tentative puisse y acclimater une industrie qui aura toujours à lutter contre des concurrents employant des procédés de plus en plus perfectionnés.
Pourtant, les Glénans conserveront toujours l’avantage de fournir dans leurs petites anses un abri aux pêcheurs de Concarneau et des ports voisins. Sur cette côte hérissée de récifs, les deux phares de Penfret et de l'île aux Moutons continueront à guider les marins, sans pouvoir toujours prévenir les sinistres qui se produisent encore trop souvent. Et, pour équiper les deux bateaux de sauvetage, qui ont été récemment installés, on trouvera toujours dans les îles ces marins qui, alors qu’ils n’avaient à leur disposition qu’une simple baleinière, allaient, il y a peu d’années, au secours d’une barque de Groix en perdition, et arrachaient à la mort huit hommes de l’équipage.
Mais la mer qui, dans un passé resté mystérieux, a fait disparaître la grande île, dont nous voyons les restes au large de Concarneau, n’a pas désarmé. Elle continue son oeuvre de destruction les grandes lames de l’océan emportent tous les ans quelques fragments des rochers qui protègent les îles, et on peut prévoir que, dans les siècles à venir, un moment viendra, où les Glénans disparaîtront à leur tour, et seront confondus dans les traditions locales, avec la grande île qui les a précédés. Alors, de même que nous cherchons les fondations des monuments romains submergés, les archéologues, s'il en existe encore, rechercheront au fond de la mer la trace des constructions du vingtième siècle (Villiers du Terrage).
© Copyright - Tous droits réservés.