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LA SEIGNEURIE DE KERHORLAY ET SES PRÉÉMINENCES A GUIDEL.

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L'ancien château de Kerholay, situé en Guidel, fut le siège d'une seigneurie ayant appartenu successivement aux familles Hilary (en 1447 jusqu'en 1481) et du Vergier. Il possédait autrefois une chapelle privée dédiée à Saint-Laurent. Il ne subsiste aujourd'hui plus rien de ce château.

Ville de Guidel (Bretagne).

I.

Le 14 mars 1680, écuyer Jacques du Vergier comparaît par-devant maîtres Robin et Lemarhadour, notaires royaux de la sénéchaussée d'Hennebont, pour rendre aveu au roi de sa terre et seigneurie de Kerhorlay et dépendances. Il déclare « les tenir et posséder prochement et noblement, sous la censive et mouvance de Sa Majesté, à cause dudit domaine d'Hennebont ». Il est héritier principal de Gilles, son père, qui avait reçu Kerhorlay de Nicolas, son aïeul, lequel avait succédé à Louis, son bisaïeul, cette seigneurie appartenant à sa famille de temps immémorial. Il n'a pas connaissance qu'il soit dû, aucune rente à Sa Majesté, « fors tenir ces biens sous le fief et domaine d'Hennebont, à devoir de foi, hommage, rachat et ventes et lods, quand le cas y échoit ». Enfin, il déclare « que ses autres terres et héritages en la paroisse de Guidel sont situés au fief de la juridiction de La Rochemoisan, sous la dame princesse de Guémené, de laquelle il les tient en première juveigneurie, les héritages ci-dessus faisant une partie du partage de ladite juveigneurie ». Ces derniers termes demandent quelque explication. — Outre le manoir de Kerhorlay et ses dépendances immédiates, qui sont l'objet de l'aveu précédent, la famille du Vergier, d'après une déclaration du 3 mai 1619, possédait diverses propriétés sur les paroisses de Guidel, Quéven, Arzano, Inguiniel, Plœmeur. De plus, le 6 août 1655, Renée Riou, veuve de Gilles du Vergier, avait acheté de Gilles du Pérenno et de Claude de Cocennec, seigneur et dame de Kerduel, des terres situées dans Redené, Moélan, Clohars et plusieurs tenues en Guidel, pour lesquelles la clause suivante figure au contrat : « lesquels droits, thenues et convenants ladite dame de Querhorlay rellevvera de telle seigneurie qui estre debvra attendu la contestation entre le seigr prince du Guémené et le seigr de la Sauldraye (de Jacquebot de la Motte), icelle contestation estant pandante aux requestes du Pallais à Rennes... ». Je ne connais pas l'issue de ce procès ; mais il est probable qu'il fut jugé en faveur du prince de Guémené. En effet, le fils de Renée Riou affirmait, en 1680, tenir ses terres de Guidel sous la principauté de Guémené en première juveigneurie. En outre, le 11 janvier 1672, à « l'audience de la court et juridiction de la Sauldraye tenue au bourg de Guydel » par le sénéchal de La Rochemoisan, écuyer Jacques du Vergier était condamné à payer au procureur fiscal demandeur des droits de rachat et à lui communiquer les contrats d'acquisition. Cette instance soutenue par la maison de La Sauldraye explique peut-être l'opposition faite à l'exercice de droits prétendus par les seigneurs de Kerhorlay.

II.

Dame Isabeau de Keriaquel, veuve de messire Louis du Vergier, expose, en son nom et comme tutrice de leurs enfants, que la maison de Kerhorlay est en possession, de temps immémorial, d'avoir droit d'enfeu, escabeau ou chaise à accoudoir prohibitifs à tous, en l'église de la paroisse de Guidel, du côté de l'épître, près le pilier voisin de l'autel, et prérogative de mettre une lisière aux armes de ladite maison du même côté et écusson dans la principale vitre de l'église. Ces marques d'honneur avaient été, depuis peu de temps, dit–on, rompues et détruites. Des lettres de réintégrande, faisant droit complètement à toutes les réclamations de dame Isabeau de Keriaquel, furent accordées, à Nantes, le 6 novembre 1593, au nom de « Charles, par la grâce de Dieu, roy de France... de notre règne le cinqme ». Cette pièce est curieuse : donnée, en 1593, au nom de Charles X, proclamé en 1589 et mort le 8 mai de l'année suivante elle constituerait comme un acte de royauté posthume, à moins que le second cardinal de Bourbon, qui succéda à son oncle et fut, peu après, enfermé à Gaillon par Henri IV, ne continuât encore, aux yeux de quelques-uns, le premier roi de la Ligue.

Ces lettres de réintégrande ne durent pas être suivies d'un grand effet, puisque, dans les années suivantes, la famille réclamait de nouveau ses droits. En vertu d'un arrêt de la chambre des comptes de Bretagne, du 27 janvier 1624, Louis du Pérenno, sieur de Penvern et sénéchal d'Hennebont, se rend à Guidel, le 2 mai 1634, pour dresser, à la requête de Nicolas du Vergier, procès-verbal des tombes, escabeaux, accoudoirs, armoiries et autres marques d'honneur prétendues par lui, dans son aveu du 3 mai 1619, en l'église paroissiale et à la chapelle de Saint-Laurent. Du Vergier montra au sénéchal, dans l'église : « un banc à acoudouer qui est au chœur ou chanceau de ladite église joignant le premier pillier près le hault autel..., du costé de l'espitre ; sur l'acoudouer dudit banc... un escusson chargé de deux bandes verrées de six pièces sans blason ; lequel escusson ledit sieur de Kerhorlay nous a dit estre les armes de la maison du Vergier de Kerhorlay. Et soubs ledit banc avons veu une pierre tumballe sur laquelle il n'y a aucune graveure. Et au proche et joignant d'icelle tumbe y en a une autre qui joint une pierre tumballe et un banc à acoudouer que ledit du Vergier nous a dit estre le banc de la Seigneurie de la Sauldraye Guidel, appartenant au sieur de la Villefresgou ». Des témoins certifient « que de leur cognoissance ils ont veu ledit banc estre de la maison et manoir de Kerhorlay et y avoir veu les père et mère dudit du Vergier et ceuls de leur maison se mettre et placer audit banc et sur lesdites tumbes sans aucun empeschement de personne ; et ont dit avoir veu enterrer les corps des père et mère dudit du Vergier dans lesdites tumbes, la première femme et deux des enfants dudit du Vergier, aussi sans empeschement d'aucune personne et n'avoir veu enterrer autres personnes dans lesdites tumbes... Et nous a ledit du Vergier dit n'avoir aucunes armes dans la grande vitre de ladite église ny en icelle ».

Cette dernière remarque montre que, si la maison de Kerhorlay pouvait prétendre à un écusson dans la vitre du chœur, suivant l'affirmation d'Isabeau du Keriaquel, il n'y avait pas été fait droit jusqu'alors. Les mêmes lettres de 1593 reconnaissaient la faculté de placer une lisière avec armoiries du côté de l'épître ; cette prérogative n'était pas encore observée en 1642. En effet, le 22 juillet de cette année, Jacques de Lentivy, sénéchal d'Hennebont, se trouve au manoir de La Sauldraye, pour faire, à la demande d'écuyer François de Lesquen, tuteur des enfants de feu le sieur de La Villefresgou, procès-verbal des réparations nécessaires à ce château et des droits honorifiques possédés par la famille. Or, dit l'enquêteur, « avons veu deux antiennes liziéres prenant depuis la grande viltre tout autour du chœur jusqu'aux derniers pilliers du clocher proche du crucifix, où paroissent encore en plusieurs endroits les bezants, armes de ladite maison de La Sauldraye ». — Des témoins affirment que ces « lizières sont de La Sauldraye et que quelques autres gentilz hommes ayant voulu mettre lizières au dessoubz de celles de La Sauldraye, elles ont toujours été à l'instant effacées ».

En 1634, Nicolas du Vergier ne connaissait aucune pièce à ses armes dans la grande vitre de l'église paroissiale. Il n'en est plus de même en 1679. Le 14 mai de cette année, Alain Robin et Caradec Foucault, notaires royaux et tabellions jurés en la sénéchaussée d'Hennebont, se rendent à Guidel, à la requête de Jacques du Vergier. Celui-ci leur montre que « la grande viltre du maistre authel de ladite esglise paroissiale menace ruine tottale et de tomber par terre en breff temps par caducité et long espace... Il est vray et certain, disent les notaires, et nous a ledit seigneur de Kerhorlay montré et avons veu qu'en ladite grande viltre dud. maistre authel il y a plusieurs figures et armoiryes paintes en diverses coulleurs. Au haut de laqle sont trois fleurs de lys d'or en champ dasur et plus bas deux écussons cothé à cothé en chacun desquelz il y a neuff macles, et un peu audessoulz du cothé de l'évangille y a neuff besan dor en champ de gueulle, et tout au bas de ladite viltre du costé de l'épistre... il nous a montré et avons veue un écusson armoryé d'un lion rampan de gueulle a champ d'asur et en alliance avec six besan lequel nous a dit estre les armes antiennes de la maison de Kerhorlay en alliance avec ceux de Malestroit... leq. ecusson est fandue en quelqs endroitz par le long espace de temps... ».

Je n'ai pas remarqué que le même conflit se soit élevé au sujet de la chapelle de Saint-Laurent. Le procès-verbal de 1634 s'exprime ainsi : « la chapelle fondée de Monsieur Saint-Lorens est dépendante de la maison de Kerhorlay... avons veu un écusson en la vitre du hault autel... ledit écusson écartelé, portant au premier quartier du cheff d'azur à un lion d'or, le deuxiesme en cheff de gueulle à troys fasces d'or, le troisieme de sable à trois bezantz d'argent, et le quatriesme dargent a quatre macles de gueulle. Et nous a ledit sieur de Kerhorlay représenté lesdits escusson et armes estre les anxiennes armes de ladite maison de Querhorlay ». — Le procès-verbal de 1679 dit la même chose en d'autres termes : « Led. Seigr de Kerhorlay nous a montré et avons veu en la viltre du grand authel au pignon vers le levant un seul escusson escartellé portant au premier quartier un lion rampant a champ dasur le second audessoubz y a trois bezantz mis sur champ, dans le mesme écusson y a trois bandes (Lire  : fasces) dor a champ de gueulle et au-dessous quatre macle de gueulle a champ dargent ». — De la chapelle de Saint-Laurent, Du Vergier conduit ses notaires à son manoir, où ils voient « deux grands écussons en relieff et en pierre sur lantré et au dessus de la porte principale de la Maison dud. lieu, le plus haut desquelz écusson y a un lion rampant avec des besan au nombre de huict le tout porté par un chérubin avec un écritau en lettres gottiques. Et lautre ecusson au dessoubz escartelé portant au premier quartier un lion rampant. Laube audessoubz des besans ». Le document indique ensuite, en langage peu intelligible, que les deux autres pièces portent soit des fasces, soit des bandes avec des molettes.

III.

En résumé, le droit d'enfeu et de banc à accoudoir, dans l'église de Guidel, n'a jamais été, selon toute apparence, contesté à la famille du Vergier ; il n'en est pas de même des autres prérogatives qu'elle réclamait. Le pouvoir de peindre ses armes sur les latéraux du chœur ne lui a pas été reconnu : la maison de La Sauldraye, qui possédait les premières prééminences, s'y est toujours opposée. Reste la question de l'écu blasonné dans la fenêtre du chevet. Les armes de Kerhorlay portaient de gueules à deux bandes de vair : comme le dit le procès-verbal d'enquête de 1634, « l'écusson de l'acoudouer était chargé de deux bandes verrées de six pièces ». Ces armoiries n'étaient pas inscrites dans la verrière ; Nicolas du Vergier le dit formellement. Il ne saurait donc y avoir de doute que au sujet des anciennes armoiries de la seigneurie. Il est certain que, à une époque et pour des causes que j'ignore, le blason primitif de Kerhorlay avait été modifié. Les armes figurées à Saint-Laurent et sur la porte du château sont identiques, sauf des variantes qu'il est juste d'attribuer à l'ignorance des tabellions qui les décrivaient. Existaient-elles réellement dans la verrière de l'église parroissiale ? Les lettres de réintégrande, qui font droit à la requête d'Isabeau de Keriaquel, mentionnent bien la « prérogative de mettre... écusson dans la principale vitre de l'église ». Mais ce document ne paraît guère devoir être utilisé qu'à titre de renseignement, son origine ne lui donnant pas un caractère d'authenticité suffisante ; d'ailleurs, le droit d'avoir « une lisière aux armes de ladite maison, du côté de l'épître » y est également indiqué et n'a jamais été observé. En outre, il paraîtra étrange que, si l'ancien écusson de Kerhorlay était figuré dans le vitrail, Nicolas du Vergier ne le connût pas et ne le signalât pas. Cependant, à 45 ans d'intervalle, son petit-fils, Jacques, le retrouve et le montre à ses notaires, et, pour donner plus de poids à sa réclamation, il fait remarquer que « la grande viltre du maistre authel menace ruine tottale » et que «... l'écusson est fandue en quelqs endroitz par le long espace de temps ». A ses yeux donc, l'insertion de ces armoiries à côté de celles de France, de Guemené et de La Sauldraye devait être rapportée à une époque bien ancienne. La comparaison des pièces des différents écus ne supprime pas la difficulté. Dans la fenêtre de Saint-Laurent, je trouve écartelé au 1er d'azur à un lion d'or, au 2ème de gueules à 3 fasces d'or, au 3ème de sable à 3 besans d'argent, au 4ème d'argent à quatre macles de gueules. Dans l'église paroissiale, l'écu porte simplement d'azur au lion rampant de gueules. Il est inutile de constater le peu de correction de cet écu qui reçoit couleur sur couleur ; peut-être le rédacteur a-t-il, par erreur, substitué les gueules à l'or. En outre, il est dit que ces armoiries sont en alliance avec six besans, qui constitueraient le blazon de Malestroit ; mais, si je ne me trompe, Malestroit portait de gueules à neuf besans d'or, anciennement sans nombre. En tout état, mes documents ne me permettent pas d'affirmer absolument que la maison du Vergier avait droit à un écusson dans la fenêtre principale de l'église. Au XVIIIème siècle, il fut mis fin à toutes ces contestations par la construction, à l'endroit où était la verrière, d'un mur plein séparant le chœur de la nouvelle sacristie.

(Abbé EUZENOT).

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