Web Internet de Voyage Vacances Rencontre Patrimoine Immobilier Hôtel Commerce en Bretagne

Bienvenue !

LA DUCHESSE ANNE DE BRETAGNE A GUINGAMP EN 1505

  Retour page d'accueil       Retour " Ville de Guingamp "   

Boutique de Voyage Vacances Rencontre Immobilier Hôtel Commerce en Bretagne

Boutique de Voyage Vacances Rencontre Immobilier Hôtel Commerce en Bretagne

L'OCCASION FAIT LE LARRON, OU LA DUCHESSE ANNE A GUINGAMP EN 1505. — Les historiens bretons ont célébré plus d'une fois ce voyage triomphal accompli en Bretagne par la bonne Duchesse en l'an 1505, marqué par tant d'ovations populaires, de saints pèlerinages et de royales largesses. La pièce suivante nous fait connaître un nouvel épisode de cette splendide odyssée, qui fut pour tous les Bretons une fête nationale. C'était leur sang, leur vieille race, la tradition sacrée de leurs ancêtres et leur glorieuse indépendance dix fois séculaire, que les Bretons saluaient avec enthousiasme sous les traits adorés de leur souveraine. Mais, hélas ! cette fière et gracieuse incarnation de leur nationalité, comme elle en semblait être la forme la plus achevée, en fut aussi la dernière. La patrie bretonne, depuis, ne vécut plus que d'une vie intermittente, amoindrie, dans l'assemblée des Etats.

Cependant il y a des âmes, on le sait, chez qui le patriotisme n'éteint pas la convoitise, même la plus illégitime ; et cela se vit encore en l'an 1505, au moins une fois, à Guingamp. Les coupables, à la vérité, avaient à faire valoir quelques excuses ; sans alléguer pour motif le désir de conserver un souvenir matériel du passage de leur souveraine, ils purent dire que cette souveraine exposait les pauvres gens, ses sujets, à une tentation bien forte, quand elle faisait rafraîchir son vin dans un puits public. C'est apparemment aussi ce que pensa la bonne Duchesse, puisqu'elle fit expédier, sous, le nom de son mari Louis XII, des lettres de rémission au moins coupable des deux larrons. Ces lettres, transcrites dans le registre de la chancellerie de Bretagne de l’an 1506 (fol. 5 et 6) nous apprennent, outre le détail du fait, plusieurs circonstances curieuses de la réception décernée à la reine Anne par sa bonne ville de Guingamp. On y remarquera, entre autres, ce spectacle des luttes bretonnes, encore en honneur maintenant, et que notre poëte national, Auguste Brizeux, a célébré avec tant d'éclat. Voici ce document :

« LOYS, par la grâce de Dieu roy de France et duc de Bretaigne, à touz presens et à venir salut. Nous avons receu l'humble supplicacion et requeste nous faicte de la partie des parens et amys consanguins de Bertran Jehanne, des parties de Guingamp, contenant que comme du commandement des bourgeoys manans et habitans de la ville de Guingamp et pour l'onneur de la joyeuse entrée de la Royne en icelle ville ou mois de septembre derroin et afin de luy donner et faire quelque passe-temps iceulx bourgeois et habitans eussent fait préparer en icelle ville sur ung puiz estant au devant de la maison de Yvon Le Dantec, où fut logée nostre compaigne, certain chaffault ou quel y avoit quelzques personnaiges et misteres, et eust esté, pour plus grande decoracion et triompe ledit puiz et chaffault embelly de tappicerie, et que celuy Bertran, qui est charpentier, eust partie de la charge de faire ledit chaffault, et dempuis celuy Bertran Jehanne et Perrot Le Gat eussent esté commis, après l'entrée faicte en ladite ville par ladite damme, quant affin de soy prendre garde de la tappicerie et autres choses estant allentour dudit chaffault ; il, estant oudit chaffault le jour en suyvant ladite entrée, veit l'un des sommeliers de la maison de ladite damme mettre pluseurs flacons d'argent dedans ledit puiz, lesquels estoint emplis de vin. Et environ deux ou troys heures après mydy d'icelui jour, pendant que nostredite compaigne estoit allée veoir quelques lutes qui se faisoint icelui jour au cloaistre des Cordeliers dudit Guingamp, celui Bertran Jehanne et Perrot Le Gat, pour tant que aucun ne les voyoit, tirerent par deux fois l'un desdiz flacons ouquel y avoit du vin et en burent à chascune desdites fois. Et apres qu'ils eurent bu la derroine fois, celui Jehanne dist audit Le Gat que s'ils voulloint ilz embleroint (c.-à-d. déroberaient) bien ledit flacon. Et de fait celui Jehanne le mit desoubz sa robe et allèrent ensemble en la halle dudit lieu, et de là tirerent jusques à la place du Champ au Roy, où il n'y a aucunes maisons, et illec firent ung pertuys andedans d'un fumier y estant, ou quel ilz cacherent ledit flacon où il fut par l'espace d'environ troys sepmaines. Et que, dempuiz ce, estant ladite damme en ladite ville, fut banny et proclamé que si aucun savoit que estoit devenu ledit flacon, qu'il le fust venu notiffier et dire aux officiers de nostre dite compaigne, sur paine de la hart et d'en estre pugny : ce que ne fist ledit suppliant, combien qu'il fust acertainé de ladite bannie. Et que environ troys sepmaines passées, celuy Jehanne demanda par pluseurs foiz audit Le Gat ce qu'il avoit fait du flacon et qu'il convenoit qu'il en eust sa part, autrement qu'il feroit rapport à la Justice comme celui Perrot l'avoit eu. Lequel Perrot Le Gat, dempuiz ce, coppa et detrancha la chayne dudit flacon et en porta partie chés ung nommé Guillaume Moysan, mercier, demeurant en ladite ville de Guingamp, pour la devoir vendre. Quel Moysan, doubtant icelle chaigne estre dudit flacon, en avertit les gens de justice dessus les lieux, lesquels envoyerent en sa maison en laquelle ilz prindrent celui Perrot Le Gat, et après firent prendre celuy Bertran Jehanne, quel, à l’occasion dudit cas, a esté et est encore à present detenu en nos prinsons dudit Guingamp. Pourquoi nous, lesdites choses considérées, voulant misericorde estre faite audit suppliant, avons aujourd'ui de noz grace especial, plaine puissance et auctorité royal, remis quitté et pardonné, remettons quittons et pardonnons par ces presentes ledit cas... en voullant et voullons qu'il se puisse aider de nosdites lettres de remission... pourveu que ledit Bertran Jehanne baillera aux Cordeliers dudit Guingamp VI escuz, dont il obtiendra quittance preallablement que ladite race soit enterinée. Donné à Ploermel le XVIIe de decembre mil cinq centz cinq. (Signé)  LANVAULX ». Et scellé le 3 janvier 1506. (A. L. B.).

 © Copyright - Tous droits réservés.