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L'HISTOIRE DE L'EGLISE NOTRE-DAME DE GUINGAMP |
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De même que la littérature, qui, suivant une très-exacte et très-profonde définition devenue un lieu commun est l'expression de la société, l'architecture résume admirablement l'histoire et les moeurs d'un pays. Voilà pourquoi tous les monuments remarquables de notre catholique et féodale Bretagne sont des églises, des monastères ou des châteaux. Et, comme Dieu est au-dessus des ducs, et Notre-Dame au-dessus des princesses, ce fut pour leurs innombrables églises que les Bretons prodiguèrent surtout leur zèle, leur argent, leur travail ; ce fut surtout dans les églises et les chapelles que ces associations d'ouvriers artistes, les Lamballais, véritables maîtres de la pierre vive, aimèrent à tailler, avec une foi et une patience qui nous stupéfient, les blocs de kersanton, durs comme le diamant. On avait cru remarquer, avec assez peu de raison, que la Bretagne est d'un siècle en retard sous le rapport architectural, en comparaison des provinces voisines ; mais ce que la Normandie modelait dans le tuf, la Basse-Bretagne le ciselait en granit. Plusieurs générations s'usaient à ce rude labeur : c'est ce qui explique comment la plupart de nos grands temples offrent un mélange, souvent regrettable, de styles divers et discordants : l'idée avait eu le temps de changer avant qu'on eût pu la traduire avec nos pierres rebelles ; et, dans ces âges d'énergiques convictions, on n'avait pas, Dieu merci, notre éclectisme, pour transiger avec les idées.
La vaste et magnifique église de Notre-Dame de Guingamp présente, autant qu'aucune autre, cet amalgame de styles opposés : trois ou quatre siècles ont passé par là, et chaque siècle a voulu laisser de son passage une trace irrécusable. Ce que je disais tout à l'heure suffirait seul à expliquer cette particularité mais je crois qu'il en est encore une raison que j'exposerai plus tard.
Quand fut fondé ce monument, et quelle est la main qui en posa la première pierre ? Je n'en sais rien.
Voici ce que l'on peut hasarder de moins téméraire sur les origines de Notre-Dame. Je serai bref ; car j'ai hâte, en toutes choses, de quitter le champ stérile des conjectures.
Le premier autel du culte catholique sur le territoire guingampais ne fut point élevé dans l'enceinte de Notre-Dame il est vraisemblable que ce fut l'église de la Trinité. Notre-Dame fut primitivement la chapelle du château. A la fin du XVème siècle, elle gardait son nom de chapelle [Note: « 1er janvier 1461. Donation par Yvon Le Poder, de 5 sous 4 deniers de rente à la chapelle N.-D., sur son ostel là où il demeure au Valy et plusieurs autres titres ». D'un autre côté, il faut reconnaître que des titres du XIVème siècle donnent à Notre-Dame le nom d’église (Archives de Notre-Dame)], et les prêtres qui la desservaient ne prenaient, le plus ordinairement, que la qualification de vicaires. Elle ne fut pas d'abord élevée sous le vocable de la Bienheureuse Marie, mais bien sous celui de saint Pierre et de saint Paul. Il y eut néanmoins, dès le principe, un autel consacré à la Vierge, dont le culte finit par se répandre à un tel point que l'église tout entière lui fut dédiée sous le titre de Notre-Dame de Bon-Secours.
Cette opinion n'est, du reste, pas précisément la mienne propre : je l'emprunte à des notes manuscrites laissées par M. Jacques Lagain, curé de Guingamp en 1805, homme d'étude et d'instruction, et ancien professeur de théologie de l'ordre des Frères-Prêcheurs. M. Lagain basait son système sur un vieux titre qu'il avait eu entre les mains, mais qu'il ne relate pas.
Nous entrons désormais dans le domaine des certitudes, et nous avons pour nous guider, outre l’étude archéologique des diverses parties du monument, des titres positifs qui établissent l'âge certain des constructions.
Un examen attentif fait découvrir les traces évidentes de quatre piliers romans et d'une voûte en plein cintre engagés et à demi-noyés dans les piliers et les arcatures ogivales qui supportent la flèche, au centre même du monument. Ce débris imposant est le seul reste de l'édifice antérieur au XIVème siècle.
On peut donc dire, d'une manière générale, que le monument existant actuellement a été commencé avec le XIVème siècle et fini avec le XVIème, car il ne faut pas tenir compte des réparations plus ou moins considérables faites aux XVIIème et XVIIIème siècles, et que nous noterons en leur lieu.
C'est dans cette période que se pressent les noms aimés de Charles de Blois, de Françoise d'Amboise, d'Anne de Bretagne. Ce sont, à divers titres, les fondateurs et les bienfaiteurs de notre chapelle, enrichie tour-à-tour des dons des Penthièvre et des vainqueurs de ceux-ci.
C'est aussi l'époque du plein épanouissement des Institutions municipales qui donnèrent à Guingamp une vie intime, si énergique et si féconde, comme on le verra à chaque page dans la suite de ce livre.
Le plan de l'église de Guingamp est un carré long divisé en cinq nefs, terminé à l'ouest par deux tours carrées, échancré au nord-ouest par la célèbre chapelle extérieure de Notre-Dame de Bon-Secours, et couronné à l'est par un autre carré long, dans la largeur de trois nefs seulement. A l'une des extrémités de ce second carré, qui est le choeur, quatre piliers énormes supportent la flèche ; à l'autre, l'abside se dessine en pentagone. La sacristie est au nord-est.
Avant de pénétrer dans le pieux sanctuaire, nous allons en faire extérieurement le tour, et étudier ensemble tout ce que ne masquent pas ces pauvres masures nichées dans chaque angle, abritées derrière chaque contrefort. Certes, cela n'est pas beau ; et je comprends qu'un pareil spectacle ait excité bien des colères d'artistes. Je ne me ferai point l'avocat de ces échoppes pantelantes ; mais j'avoue que je trouve quelque chose de touchant à voir ainsi la misère réfugiée sous l'aile de la religion. Un grand nombre de ces cabanes datent du commencement du XVIIème siècle ; quelquefois, il y avait concession et arrentement ; le plus souvent simple tolérance [Note : Je cite le plus ancien de ces arrentements : Du vendredi 21 janvier 1594. — ACENSIVEMENT par Rolland Jégou, sieur de Rustang, porteur de pouvoirs de Jan Gourion, sr. de Saint-Hernin, son coadjuteur et associé comme gouverneur de Notre-Dame, moyennant deux écus d'or sol, faisant six livres tournois de rente annuelle : à Charles Mauron, tanneur et cordonnier, demeurant alors à la rue de Troutrieu Toulquellenic, du lieu et emplacement de deux boutiques, depuis le pilier qui joint le porchet suzain de la dite église étant à vis et au-devant la porte et maison appartenant à escuier Morice de Kercabin, sieur de Keranlan, jusqu'à autre pilier qui joint le grand portail souzan de la dite église appelé le portal et porchet du baptistère d'icelle dite église, contenant depuis le haut d'un pilier qui joint le dit portal suzain jusqu'au pilier souzain à même ligne et droiture, dix-huit pieds devers le mur de la dite église, à bâtir sur la rue et pavé de cette ville, de huit pieds de largeur qui est dans la dépendance et appartenance de la dite église, et la faire bâtir et construire de nouveau comme bon lui semblera contre la dite église, jusqu'à la hauteur de 12 pieds à l'endroit de deux vitres estant entre les dits piliers, l'une des vitres appelée la vitre de saint Loup, et la vitre de sainte Barbe, sans que la dite maison puisse faire tort ou préjudice de la clarté et vue des dits vitraux par-dessus ce qui est ci-dessus dit. Et ne pourra faire faire aucun privé ou latrine, le dit Mauron, au dedans les batiments, ni moyenner aucune infection aux environs d'icelle église par le moyen de son batiment, sauf qu'il pourra faire des chauffe-pieds au dedans son batiment, moyennant qu'ils ne joindront les murs de la dite église et qu'ils ne fassent préjudice à icelle (Archives de Notre-Dame)].
La tour du nord-ouest est la partie la plus ancienne de l'église, sauf, bien entendu, les substructions romanes dont j'ai parlé ; ses murailles, rongées par le temps, le prouvent assez. Malgré son peu d'élévation et l'ignoble toit carré qui la déshonore [Note : Cette charpente date de 1613. Elle fut faite par Guillaume Lauzun et Jan Billion (qui recevaient, le premier 16 sous et le second 10 sous par jour,) « suivant les devis et modelle venus de Rennes ». J'ai, en effet, trouvé dans les archives, trois ou quatre barbouillages dont rougirait un bambin d'école primaire, et qui sont intitulés pompeusement : « Pourtraict d'un Imperialle que M. Nicolas Aubry, maître charpentier demeurant en la rue Tristin, ville de Rennes, a faict pour montrer à Messieurs les Nobles Bourgeois de Guingamp, pour mettre sur l'une des tours de Notre-Dame » (Archives de Notre-Dame)] ; malgré l'état de dégradation de la charmante tourelle dont elle est flanquée ; bien qu'on ait bouché ses grandes baies ogivales d'un dessin si pur, et que sa base vienne se perdre dans la toiture d'une échoppe, cette tour laisse encore admirer ses belles lignes pleines de simplicité et de grandeur, et veut qu'on n'oublie pas de la restaurer. Quelques-uns croient que c'était-là l'ancien beffroi. Elle renferme aujourd'hui une vieille et mauvaise horloge qui existait au XVème siècle, et fut, en 1471, le sujet d'un grave conflit entre le promoteur de l'évêque de Tréguier et le procureur des bourgeois. Les timbres qui sonnent les quarts d'heure furent joints à la cloche en 1688. En 1780, on fortifia la tour de ce gros et massif éperon en granit bleu qui choque les regards.
Au pied de la Tour de l'horloge, au nord, ce porche fermé, auquel conduisent quelques marches étriquées entre deux boutiques, c'est le Portail, c'est la dévote chapelle où les fidèles et les pèlerins s'agenouillent en face de la statue vénérée de Notre-Dame du Halgoët. Cette chapelle est encaissée dans l'une des nefs latérales, de la façon la plus étrange. On n'en sait pas la date précise, si ce n'est pas celle dont Charles de Blois posa la première pierre. (Déposition de Rolland Taillard dans le procès de canonisation de Charles de Blois).
Les nouveaux éditeurs d'Ogée, et M. Kermoalquin, écrivent qu'autrefois un des objets de la vénération des pèlerins, était une crypte creusée sous la chapelle actuelle et portant le nom de Notre-Dame-sous-Terre. Cette crypte aurait été détruite en 1793. J'avoue n'avoir jamais entendu parler de cette chapelle souterraine [Note : On conserve aux archives de la fabrique, un acte du 25 novembre 1394, par lequel Pierre, évêque de Tréguier, sanctionne la fondation, faite par Thomine Morvan, veuve d'Alain Simon, et par Pierre, son fils, d'un autel « en l'église N.-D. de Guingamp, contre la colonne proche le tronc, volentes in ecclesiâ Beate Marie de Guengampo... juxtà columpnam propè truncum seu (cistam) ipsius ecclesie situatam altare erigere », en l'honneur de Dieu, de la B. V. Marie et de S. Michel, « ad laudem et honorem Dei omnipotentis et gloriosissime Virginis Marie et beati Michaelis Archangeli, omniumque civium superiorum ». L'évêque ratifie en même temps le traité passé entre les quatre vicaires et les fondateurs dudit autel, relativement aux offrandes. Il résulte des annotations dont est couvert ce titre, qu'il a toujours été considéré comme s'appliquant à l'autel du Portail : il faut reconnaître que le texte a besoin de ce commentaire traditionnel. L'intitulé contemporain porte aussi simplement : « Lettre pour instrumant don fait de l'autier Alen Simon près dou tronc et commant les vicaires ne devent rien avoir d'aucuns offrandes, oblacions ou emolumens dud. autier ». L'autel du Portail fut reconstruit en 1671, avec une certaine splendeur (Archives de Notre-Dame)].
Ce qu'il y a de certain, c'est que, pendant les jours révolutionnaires, le Portail fut converti en corps-de-garde, et que rien ne saurait donner une idée de l'état de dégradation où on le retrouva en 1804.
La statue vénérée, qui, selon une tradition constante, avait été apportée de Marseille, ne fut pas épargnée par le vandalisme impie de 1793 : ordre fut donné de l'abattre et de la mutiler, ainsi que les images des Apôtres qui l'entouraient. Lorsque la Vierge vint à tomber, la tête se détacha et alla rouler aux pieds d'un honnête homme que la peur seule rendait sacrilège, et qui trouva moyen de s'emparer du chef vénérable et de l'emporter chez lui. Au jubilé de 1805, cet homme confia, sous le secret sacramentel, à l'abbé Lagain, la part qu'il avait prise à l'infâme expédition de 1793, et lui témoigna l'intention de restituer la précieuse image, pourvu que personne n'en sût rien. Ce fut donc avec le plus grand mystère que cette tête, posée sur un tronc à peine équarri, et habillé suivant l'usage antique, fut replacée au Portail, dans la nuit du premier au deux juillet 1805.
On a retrouvé, depuis lors, le buste de la statue : il est revêtu d'un corsage à pointe, fortement échancré sur les hanches, dans le style du XVIème siècle.
Plus récemment encore, en 1854, lors de la restauration du Portail, on a découvert, dans une autre partie de l'église, la statue de l'Enfant-Jésus, auquel adhère encore une main de la Vierge, qui ne laisse aucun doute sur son identité.
Avant la restauration, ou, pour mieux dire, la reconstruction de 1854, la chapelle de Notre-Dame de Bon-Secours gardait, sur chaque pierre mutilée, des traces du marteau dévastateur de la Révolution. Aujourd'hui, tout dans ce porche splendide ne parle plus que de la piété des Bretons, dont les oblations et les aumônes ont permis à M. le curé et à la fabrique de Guingamp de mener à bonne fin un des plus remarquables travaux d'art qui aient été entrepris de nos jours en Bretagne. M. Darcel en a été l'architecte.
A l'extérieur, l'immense baie qui s'ouvre sur la rue est divisée, comme autrefois, par un pilier gracieux et léger que surmonte une double arcade ogivale, réunie à la grande ogive de la baie par une rose à six lobes. Une grille en fer forgé, avec enroulements dans le goût du XIVème siècle, ferme la chapelle. A l'intérieur, un petit autel en granit noir est surmonté d'un ciborium également en granit noir, d'un style sévère et élégant à la fois. Au fond du ciborium se détache un bas-relief en pierre blanche de Caen, coupé en deux compartiments, et représentant le Couronnement de la Vierge et l'Annonciation. Rien n'est chaste, pur et gracieux comme les quatre figures qui composent seules les deux bas-reliefs. Au-dessus du ciborium, supportée par un mascaron en granit noir, et couronnée d'un dais très-riche de la même pierre, est placée la statue de Notre-Dame ; des anges agenouillés, en pierre de Caen, brûlent des parfums aux pieds de leur Reine. Deux portes en chêne, avec d'élégantes ferrures argentées et bronzées, dans le style du XIVème siècle, s'ouvrent des deux côtés de l'autel et donnent accès dans l'église paroissiale. Douze arcades engagées, formant niches, se rangent parallèlement sur les flancs du porche, et contiennent les statues colossales des Apôtres. Toutes ces sculptures, remarquables à divers titres, sont dues au ciseau de M. Ogé.
Et maintenant, salut dévote et miraculeuse chapelle ! sanctuaire privilégié de Notre-Dame des Bretons ! Vos dalles purifiées par tant de larmes secrètes ; vos voûtes, écho de tant d'ardentes prières et de pieuses actions de grâces, ne retentiront plus du bruit des armes et des jurons du bivouac. Quoique le ciel s'assombrisse de nouveau, et que les frissons, avant-coureurs de l'orage, aient déjà trop souvent saisi nos coeurs, nous gardons une ineffable espérance : Notre-Dame règne encore en Bretagne, et nous abrite, comme Arthur, sous son blanc manteau semé d'hermines !
Toute la partie de la rue qui s'étend vis-à-vis du Portail et le long de l’église, porte, dans les anciens titres des XIVème et XVème siècles, le nom charmant de Cour de Marie, Porz Maria.
Avant l'année 1532, « il y avoit assez près du grand Portal, à main senestre comme l'on y entre, une masse de pierres qui ne portoit faix de muraille ny ne servoit aucunement, mais offusquoit la veue des aultiers du costé de la dite masse de pierres. Pour la décoration d'icelle église et avoir plus claire veue au dits aultiers, (Lettres patentes de François Ier, du 19 juin 1532. Voir Archives de Notre-Dame) » Pierre Le Dantec et Yvon Le Gof, gouverneurs de Notre-Dame, firent abattre ce pan de maçonnerie, dont je ne m'explique pas très-clairement l'origine et la situation exacte, à moins que ce ne fût un reste de l'ancien bas-côté, démoli pour faire place au Portail. Mais quelle qu'ait été la destination de cette muraille, sa démolition coûta cher aux pauvres gouverneurs, qui se virent à la fois sur les bras le procureur de la cour ducale, qui leur défendait de passer outre sous prétexte qu'ils attentaient aux droits de la seigneurie, et l'official de Tréguier, qui frappa tout ce côté de l'église d'interdit, sous prétexte qu'il était exposé à tous les vents et à tous les bruits de la rue. Il fallut l'active et bienveillante intervention de François Ier, « par la grâce de Dieu Roy de France, usufructuaire du duché de Bretaigne, père et légitime administrateur de son très cher et très amé fils le Dauphin, duc propriétaire d'icelui duché, » pour rendre la paix aux deux marguilliers et faire reconnaître leurs droits.
Ainsi que je l'ai dit, au sujet de la tour du nord-ouest, ce n'est pas par la richesse des détails, par l'efflorescence de cette imagination effrénée à laquelle les architectes du XVème siècle donnaient libre cours, que les parties ogivales de l'église de Guingamp se font remarquer : c'est par l'harmonieuse simplicité des lignes. Dans toute la longère du nord, la sculpture n'a rien à réclamer que quelques gargouilles, dont l'effrayante silhouette se prolonge sur la rue.
Le chevet où se voient deux galeries superposées et qu'éclairent des fenêtres charmantes, n'est pas de la même époque que la Tour de l'horloge, le Portail et la Porte-au-Duc, que nous rencontrerons tout à l'heure. La seconde moitié du XVème siècle revendique ce chevet, que ne désavouerait aucune cathédrale, s'il était déblayé des masures qui l'entourent et vont jusqu'à obstruer la moitié de ses fenêtres, si richement, si merveilleusement découpées.
Le 22 janvier 1462, les gouverneurs de l'église, « pour l'augmentation et élargissement, l'honneur et grande utilité d'icelle, » acquirent, par un échange, de Jéhan de Bégaignon et Aliette du Fresne, sa femme, « un courtil, mazière et dépendances, à l'endroit du pignon de l'hostel du dit Bégaignon qui a veue sur la rue menant de l'église à la porte de Rennes, depuis cette rue jusqu'à la place où l'on vend l'avoine » (Archives de Notre-Dame).
Il est très facile de voir, à l'intérieur comme à l'extérieur, où et comment Notre-Dame se terminait par un chevet plat, percé de trois grandes fenêtres, avant l'adjonction du chevet actuel et de la sacristie.
Les travaux étaient en pleine activité en 1478, car, à la date du 16 avril de cette année, Dom Jéhan Le Croez, recteur de Tréveneuc, fit une donation à Notre-Dame « pour ayder à soustenir les charges des édifices que l'on faict en la dite église » (Archives de Notre-Dame).
Ils étaient complètement achevés en 1484, quand Madame de Locmaria suscitait aux marguilliers ce grand procès dont le duc François II fut juge, et dont nous reparlerons [Note : Les pièces de cette affaire sont aux archives de Notre–Dame]. Il faut savoir à nos pères une double reconnaissance pour les monuments qu'ils nous ont laissés ; de dessous chaque pierre qu'ils soulevaient, surgissait un huissier.
L'esplanade qui s'étend au sud de l'église, était, comme vous venez de le voir, le marché à l'avoine. A l'extrémité est, il y avait un jardin qui appartenait à l'église et qu'elle affermait encore au commencement du XVIIème siècle. Les maisons qui entouraient ce jardin et l'esplanade étaient aussi des dépendances de Notre-Dame : l'une était attribuée au sacriste ; une autre, qui portait le nom de Petite–Abbaye [Note : Je suppose que cette Petite-Abbaye était des dépendances de Coatmalouen il y avait une autre Petite-Abbaye des dépendances de Bégar, située à l'angle de la rue Etroite], était affectée au chapelain de l'altaristie de Saint-Julien.
Au-delà du marché à l'avoine était le cimetière. J'ai retrouvé l'acte de donation de ce terrain à Notre-Dame : c'est une nouvelle preuve que l'érection de l'église en paroisse ne remonte pas beaucoup plus haut que le XVème siècle. Ce ne fut, en effet, que le 15 novembre 1423, que Eon Rollant, de la paroisse de Ploeagat, au diocèse de Tréguier, avec l'assentiment de Charles Rollant, son frère, donna « les places de maisons, ô leurs courtils, issues et appartenances, situés derrière l'église Notre-Dame de Guingamp, costeant d'un costé sur la place et issue de la dite église, derrière icelle, et de l'autre costé sur le mur de la ville ; achievans d'un chief sur la maison et courtil des abbé et convent de Quoetmalouan et de l'autre chief sur l'ostel et courtil qui furent à Rolland Le Querhiet jadis.... pour et afin de faire en celles places un cymitière qui sera annexé à la dite église.... et en cas que ou temps à venir l'on feroit aucune chappelle ou cymitière qui sera fait es dites places, le dit Eon et ses successeurs pourront eslire et avoir leur sépulture et enterrement ou cuer devant le grand aultier d'icelle chappelle, comme fondateurs d'icelle, etc., etc. (Archives de Notre-Dame) ». — Ce cimetière a été converti en jardins et maisons particulières.
Du marché à l'avoine on peut contempler la tour du centre, qu'on appelle la Tour Pointue à cause de la flèche octogone, en granit, qui la surmonte. Cette flèche, un peu massive, mais d'un aspect grandiose et hardi, était flanquée de quatre clochetons : il n'en reste plus que trois ; un ouragan fit tomber le quatrième en décembre 1755. La flèche elle-même fut frappée, il y a de cela un peu plus de cinquante ans (vers le début du XIXème siècle), par le tonnerre. L'énorme pierre qui en formait la pointe vint faire trouée à la toiture du choeur. On était à l'office : personne ne fut blessé. Déjà, le 18 juillet 1737, la tour avait été foudroyée [Note : Les dommages causés par la foudre, en 1737, furent considérables il en existe un procès-verbal fort détaillé qui les porte à plus de 4.000 livres (Archives de Notre-Dame)] : elle est aujourd'hui munie d'un paratonnerre.
La porte du midi a conservé le nom de Porte-au-Duc : c'était par, là que les nobles habitants du château se rendaient à leur chapelle.
Au sommet du gable le plus voisin de la Porte-au-Duc, vous lirez le millésime 1670. C'est à cette époque qu'on releva ce pignon tout couleuvré, dit une délibération du temps, et qu'on y perça deux mesquines fenêtres en plein cintre : c'est une réparation à réparer.
Nous voici en présence de la grande réparation du XVIème siècle, qui comprend la Tour Plate et le Portail de l'ouest, le côté midi de la grande nef et une partie notable du même bas-côté, et qui nous laisse admirer, dans un quart de l'église, les merveilleuses beautés du style de la Renaissance. Je n'ai point à justifier mon admiration pour ce beau style quand il se montre austère et riche à la fois, comme à Guingamp : il est vrai que la tour et le portail occidental de Guingamp sont ce qu'il a produit de plus parfait en Bretagne. Je ne dirai pas que, pour les édifices religieux, je préfère le style de la Renaissance au style ogival, qui me semble le style catholique par excellence ; mais je serais désolé qu'un enthousiasme systématique pour celui–ci amenât au mépris du premier ; et c'est un peu ce qui est arrivé : c'était sans doute une suite inévitable du brusque retour des artistes aux oeuvres d'une époque que deux siècles et demi auraient voulu faire disparaître, et qu'ils traitaient de gothique et de barbare. En revanche, depuis vingt ans, la ferveur de nos nouveaux convertis ne voulait plus entendre parler que de l'ogive. Il est peut-être temps de revenir aux saines règles de l'esthétique, dont l'absolutisme est le plus dangereux ennemi.
Sur ce, mon cher lecteur, sans crainte de profaner votre admiration, contemplez cette majestueuse tour, dont les pans carrés, en granit poli comme du marbre, ne vous laissent pas deviner l'interstice des pierres. N'est-ce pas là la traduction magnifique des grandioses paroles du poète : Stat mole sud ?
Voyez avec quelle hardiesse magistrale tout cela est taillé, et, par contre, avec quelle élégance est ciselée cette guérite du midi, qui contient l'incomparable escalier que nous gravirons tout à l'heure ; voyez comme ces colonnettes, qui ne soutiennent rien et s'épanouissent à leur sommet ainsi qu'une flamme et qu'une fleur, glissent coquettes le long des grandes murailles ; comme ces niches luxueuses, vides, hélas ! rompent à propos la ligne uniforme des éperons gigantesques ; voyez comme les mascarons grimacent et se torturent sous le poids immense qu'ils supportent, et dites si cette tour, qui défie le temps de mordre ses indestructibles parois, n'est pas belle, belle entre toutes, belle comme le Kreizker ou le clocher du Folgoat, d'une beauté à la fois artistique et religieuse.
Vous remarquerez que les canaux de la plate–forme, au lieu d'affecter les formes fantastiques des gargouilles, ont tous l'aspect de canons braqués. Cette particularité est une date.
Mais notre tour porte une date plus précise et plus certaine encore dans une triple inscription que déroule, à la base, sur un long phylactère, un élégant jouvenceau du temps de François Ier.
Voici ces inscriptions, telles que je les lis : La vigille S. André vers le soir - La ml cnq cents trate et cnq - La grade âme piteuse à voir - Fut de cette tour qui a terre vint - Au none, dit le cinquièsme jour - L'an m. cinq cents trate seis - La première pierre sans séjour … Fut assis. Cette double inscription semble d'abord une énigme ; mais si vous examinez attentivement, et à l'extérieur et à l'intérieur de l'église, les points de jonction du style de la Renaissance avec le style ogival, vous n'hésiterez pas à l'interpréter dans son vrai sens, qui est celui-ci : La veille de la fête de saint André, au mois de novembre 1535, une tour, ogivale sans doute, semblable à la Tour de l'horloge, et qui flanquait au sud-ouest le portail occidental, s'écroula. Sa chute écrasa et le portail, et une partie de la nef, et quelques maisons voisines, notamment celle du sacriste [Note : Cette particularité est consignée dans une délibération conservée aux archives de la mairie, et où on lit : « Et est ainsi que le logis du dit sacriste est ruyné à raison de la fortune advenue de la chuste et ruynement de l'une des tours et autres choses de l'église » (Archives Municipales, 14 fév. 1536, v. s.). — Les comptes de 1536 mentionnent aussi cet événement en ces termes : « Aussi se décharge led. comptable d'avoir poyé, la feste sainct Grégoire 12e de mars au dit an, en présence et du commandement de Pierre Le Dantec et Yvon Le Goff, pour deux quartes de vin d'Anjou qui furent présentées par les bourgeois à Monsieur de Mareil, chez Anne Le Blanc, lequel parla avec Yvon Le Goff luy disant qu'il eust esté moyen et se fut employé pour avoir une rémission ou autre don du Roy en ceste ville pour la réédiffication de l'église de N.-Dame, la somme de 5 sols monnoie »]. Plus d'un an après fut posée la première pierre de la tour actuelle, édifiée sur les ruines de l'autre ; et, comme les temps avaient marché, toute la reconstruction fut faite dans le style de la Renaissance. C'est à cet accident que nous devons l'anomalie des deux styles brusquement juxtaposés, et, pour compenser ce manque d'unité, les merveilles du portail occidental et de la galerie du sud de la nef. Il est à remarquer que, dans la nouvelle construction, aucun des cintres superposés n'est perpendiculaire au cintre inférieur et au cintre supérieur : l'architecte, en les contrariant ainsi, aurait-il cherché à prévenir un nouveau sinistre, que faisait craindre la nature du sol ?
C'était, qu'on ne l'oublie pas, l'époque même où la justice chevaleresque de Français Ier rendait le comté de Penthièvre à Jéhan de Brosse, duc d'Etampes : c'est ce qui explique, au portail et à la galerie, la présence de ces bustes où quelques-uns veulent voir l'effigie de François Ier lui-même.
J'achève rapidement la description de ce miraculeux Portail de l'ouest, si majestueusement encaissé entre ses deux tours, dignes d'une métropole. Il se compose de deux portes séparées par un pilier, que surmonte une niche élégante dont le couronnement est mutilé. Tout autour, d'innombrables guirlandes de fleurs et de génies entremêlés présentent à l'oeil un inextricable fouillis d'ornements, creusés dans le granit avec une verve et une délicatesse prodigieuses. Les statuettes des douze Apôtres, placées dans des niches d'un demi-pied à peines, et hautes chacune de six pouces, sont remarquables d'attitude et d'expression. Au tympan, à demi-engagés dans le mur, se voient ces beaux bustes dont j'ai parlé plus haut.
Au fronton, deux hercules supportent un écusson si soigneusement détruit par le marteau révolutionnaire, que l'oeil le mieux exercé n'y peut absolument rien reconnaître. Cet écusson prouverait, je crois, que le buste n'est pas celui de François Ier ; car ces armoiries n'étaient très-certainement pas celles de France et de Bretagne, et alors qui aurait osé placer son écu au-dessus de l'effigie du roi ?
Une inscription en lettres gothiques entoure le tympan ; on y lit ces versets du Psalmiste : Esto nobis, Domine, turris fortitudinis, à facie inimici.
J'ai eu la bonne fortune de trouver, parmi les pièces les plus ignominieusement mises au rebut, dans les archives de Notre-Dame, le nom des deux artistes auxquels les bourgeois de Guingamp avaient demandé le plan de leur tour : ils s'appelaient Maître Philippe Beaumaner et Maître Jean Hémeri. J'ai trouvé mieux encore : ce n'est pas le projet exécuté, mais c'est la première pensée des deux architectes, ce que nous appellerions aujourd'hui un avant-projet. C'est un manuscrit rapide, chargé de corrections et de ratures, et de la plus mauvaise écriture du XVIème siècle. Les archéologues, qui savent combien rares sont jusqu'ici les documents relatifs aux artistes bretons comprendront avec quel religieux empressement j'ai étudié cette page importante (Archives de Notre-Dame).
Le premier dessein de Maîtres Beaumaner et Hémeri avait été d'élever, sur une base carrée de quatre-vingts pieds, une flèche octogone de cent dix pieds, flanquée de quatre lucarnes de trente pieds, de quatre clochetons de quarante-cinq pieds et de quatre arcs-boutants proportionnés, le tout dans le style ogival le plus fleuri et le plus richement orné : ils reculèrent évidemment devant la dépense, devant la nécessité d'élever une flèche égale sur la Tour de l'horloge, et leur devis n'est même pas entièrement achevé.
Aussi bien ne furent-ils ni l'un ni l'autre maîtres de l'oeuvre, et on lit dans le compte du procureur des bourgeois pour l'an 1539 : « Plus se descharge d'avoir poyé à Jéhan Le Moual, maistre sur l'eupvre de l'esglise de Notre-Dame de Guingamp, du commandement des bourgeois, pour les bons et agréables services que le dit Le Moual a faict aux dits bourgeois et en espoyr de mieux sur le dit eupvre, la somme de douze livres monnoie » (Archives municipales). L'architecte fut de plus « deschargé de dix sols monnoie, en laquelle somme il étoit imposé au rolle des aydes de la parcelle du Trotrieu Toulquellenic ».
A Jéhan Le Moual succéda, comme maître maçon sur l'oeuvre de l'église, Gilles Le Nouesec, qui, de 1548 à 1554, reçoit annuellement une pareille gratification de douze livres.
En 1566, la même gratification est payée à M. Jean Le Cozic, « maître maçzon de l'oeuvre que on fait faire à l'église ». C'était encore lui en 1570.
En 1574, il est remplacé par Yves Auffret, que je retrouve encore en 1580 ; puis, il n'est plus fait état du maître de l'oeuvre (Archives municipales).
Que si vous êtes curieux de savoir d'où furent tirées les belles pierres de granit dont se compose la masse de notre tour, et le prix que contèrent ces blocs énormes, je vous dirai que, le 2 octobre 1551, Jérôme Jégou en acheta mille à la perrière de Kerempilly, en Bourbriac, pour trente-sept livres dix sous ; que, le 2 avril 1560, Rolland Jégou en paya quatre cents, extraites de la carrière de la dame Du Parc, au village de Scouasel, en Bourbriac, dix-huit livres ; et qu'enfin, le même Rolland Jégou afferma pour trois ans, qui commencèrent le jour de saint Marc 1577, les perrières de Kerlosquer, appartenant au sieur de Logueltas, pour la somme annuelle de neuf livres monnaie.
Rolland Montfort, charpentier de Saint-Agathon, traita avec les gouverneurs pour toutes les charpentes, en divers marchés que je ne crois pas avoir tous trouvés [Note : A cette époque, les gouverneurs traitaient par abonnement avec leur maître couvreur, pour les réparations de Notre-Dame, de Saint-Yves, de Saint-Nicolas et des maisons appartenant à l'église, moyennant la somme annuelle de trente-six livres et quatre boisseaux de bonne mouture (Archives de Notre-Dame)].
Les deux jolies fenêtres de la chapelle sous la Tour plate, « formées de pierres taillées en forme de fleur de lys, » datent de 1581 : elles sont l'oeuvre de Maître Yvon Auffret, bourgeois de Guingamp et picoteur de pierres, que nous connaissons déjà, et coûtèrent douze écus d'or sol. Le gable où elles sont percées porte, à l'extérieur, le millésime de 1573.
La grande vitre des orgues ne fut faite qu'en 1624. Allain Ruperou et Jan Lelouet, maîtres picoteurs guingampais, en fournirent « la modelle » et l'exécutèrent pour deux cent cinquante-huit livres tournois.
Il ne me reste plus, pour avoir fait connaître tous les documents que j'ai trouvés relatifs aux constructions du XVIème siècle, qu'à indiquer une charmante lettre de Madame de Martigues, qui, « désirant ayder à la réfection encommancée de l'église NostreDame en sa ville de Guingamp, à fin d'icelle d'autant mieux advancer, donne la somme de vingt escus sol ». C'étaient ses étrennes pour le 1er janvier 1579.
Que si vous pénétrez maintenant dans l'intérieur de ce temple grandiose, vous admirerez beaucoup, mais vous éprouverez aussi de grands et profonds regrets. Notre-Dame n'a rien gardé qui vaille de ses belles vitres : un vandalisme de propreté a achevé ce que le vandalisme de 1793 avait oublié. Une quadruple couche de badigeon épais laisse à peine deviner l'extrême perfection avec laquelle a été exécuté chaque détail de cette architecture savante et hardie. On a dispendieusement élevé, sous prétexte d'autels, d'énormes boiseries, armoires ou buffets, je ne sais trop quoi, de plus ou moins corinthien, ionien, toscan, qui masquent, ici une large et splendide fenêtre, là des niches, des crédences, dentelles de pierre pour lesquelles les artistes du XVème siècle n'avaient point de marteau trop délicat ; heureux encore quand les charpentiers qui ont dressé ces échafaudages, n'ont rien brisé pour aligner une corniche de sapin ! Loin de moi, cependant, la pensée d'outrager la mémoire des hommes qui se sont rendus coupables de ces vilaines choses : ce n'a été pour eux que la suite fatale d'une longue et universelle erreur. A leur place, et de leur temps, nous, leurs Aristarques, nous eussions cru faire merveille en faisant ce qu'ils ont fait ; et si Guingamp avait eu alors son historien, celui-ci n'aurait trouvé sous sa plume qu'encouragements et éloges. Ne signalons les erreurs de nos pères que pour éviter d'y tomber nous-mêmes.
La fabrique de Guingamp a pris, en 1850, une excellente mesure, féconde pour l'avenir : elle a décidé qu'avant toute autre dépense, il serait dressé, par un habile architecte, un plan complet de restauration et de décoration de Notre-Dame. Ce plan s'exécute aujourd'hui sous la direction d'un de nos plus savants archéologues, M. Didron l'aîné : aucun nom ne pouvait offrir d'égales garanties de science et de respect pour les admirables traditions de l'art catholique.
M. Didron a confié l'exécution de cet important travail à M. A. Darcel, et jamais choix ne fut plus heureusement justifié.
La première chose qui frappe vos regards, si vous entrez dans l'église de Notre-Dame par la porte de l'ouest, c'est la lutte corps à corps que l'architecte du XVIème siècle a courageusement entreprise contre ses devanciers. Les deux styles sont là en présence, comme deux armées rangées en bataille. L'ogive se montre dans toute sa poésie à la galerie du nord ; la Renaissance, avec tout son luxe, dans la galerie du sud, le seul monument de ce genre que j'ai vu en Bretagne ; l'ogive lance au ciel ses légers faisceaux de colonnettes ; la Renaissance dissimule la masse de ses lourds piliers romans sous une profusion de féeriques ciselures : ici, des dais, vides de leurs statues, et des fleurs ; là, les quatre vertus cardinales, la Prudence, la Force, la Tempérance et la Justice, personnifiées dans de vivantes statuettes ; partout de riches écussons dont les armoiries ont disparu. La voûte de cette belle nef n'est qu'en planches. La Ligue et les guerres de religion en sont la cause : peut-être aussi a-t-on reculé devant l'immense difficulté que présente le raccord des deux styles dans une voûte hybride.
Sur les quatre gros piliers qui supportent la flèche, le maître-maçon s'est plu à grouper la population fantastique des mascarons, sortant à demi du fût des colonnes, grimaçanis et sarcastiques ; rois, évêques, pages et varlets ; princesses et femmes embéguinées ; chiens, lionceaux et dragons ; tout cela portait dans les airs un monde de statues détruit pour jamais. Dans un coin, au sud, l'un de ces mascarons déroule un papyrus sur lequel on a gravé cette sentence du poète : Quidquid agas, sapienter agas, et respice finem.
Il n'est besoin de faire remarquer à personne les beautés de premier ordre qui font du choeur et de l'abside de Notre-Dame un véritable chef-d'oeuvre de grandeur et d'élégance ; mais il est essentiel de noter les arcs-boutants intérieurs qui se voient au pourtour. Ces arcs–boutants intérieurs sont une chose très–peu commune, et je n'affirmerais pas qu'on en pût trouver d'autres exemples dans notre province.
Parcourons, maintenant, chaque nef, chaque chapelle, et je vais essayer de vous dire sans détails, car nous n'en finirions pas, à propos de chaque nef et de chaque chapelle, les choses dignes de remarque dans le présent et dans le passé.
Voici, à notre droite, la chapelle des Fonts, créée, en 1850, dans la première assise de la Tour-Plate ; c'est assez dire que cette belle chapelle est tout entière du style de la Renaissance. Les vitraux sont de M. Didron, les peintures de M. Alphonse Le Hénaff. M. Le Hénaff est né à Guingamp ; quand il peignit notre chapelle des Fonts, c'était un tout jeune homme, et pourtant cette grande page renferme plus que des promesses et laissait facilement deviner le peintre futur de notre chapelle des Morts, de la chapelle de Saint–Eustache dans l'église de ce nom à Paris, et de l'abside de Saint-Godard de Rouen.
Sur le fond grisâtre des montagnes désolées de la Judée, aux rives desséchées du Jourdain, saint Jean, bruni par le désert, verse l'eau sacrée sur la tête du Christ incliné. A droite, derrière le Sauveur, un Ethiopien, un Indien et un Européen se prosternent et adorent ; les Gentils d'Afrique, d'Europe et d'Asie croient et demandent le baptême. Un Juif, debout, montre du doigt le ciel ouvert et la colombe, et annonce l'accomplissement des prophéties. A gauche, derrière le Précurseur, une jeune femme se penche, avec ce chaste abandon que connaît seule l'épouse chrétienne, au bras de son époux ; à leurs pieds joue un bel enfant : c'est la famille, créée par le christianisme, qui conduit son fils aux fontaines régénératrices. Derrière eux, un philosophe, un riche du siècle, doute encore ; mais ne doutera pas longtemps. Au second plan, cette tête blonde qui vous regarde avec un peu d'anxiété, c'est la signature de l'oeuvre, c'est le portrait du peintre.
En sortant de la chapelle des Fonts, tirant toujours à droite, vous entrez dans l'ancienne chapelle Saint-Jacques, aujourd'hui chapelle du Saint-Sacrement. Cette chapelle Saint-Jacques a dans tout le moyen-âge une importance extrême : c'est dans la chapelle Saint-Jacques, jusqu'au XVIème siècle et plus tard, que les nobles bourgeois se réunissaient, au son de la cloche, pour délibérer des affaires de la communauté, mettant, une fois de plus, la liberté sous l'aile de l'Eglise ; c'était dans la chapelle Saint-Jacques qu'ils aimaient à choisir leur sépulture, afin que leurs descendants, en s'occupant des intérêts de la cité, écoutassent à la fois les deux plus hautes inspirations d'ici-bas : la voix de Dieu et celle des ancêtres. « Au cuer Monsieur Sainct-Jacques, dit un très-précieux inventaire de 1465, il y a une grande huge de chêne qui appartient ès bourgeois de Guingamp à deux cleffs pour garder leurs lettres ».
Si l'on voulait se représenter Notre-Dame au XVème siècle, il faudrait remplir chaque angle, chaque saillie d'un mobilier multiple : ici, c'est un autel, chaque pilier a le sien ; à côté, c'est une huge où l'on expose les saintes Reliques ; plus loin, voici l’armoise où le titulaire de l'altaristie renferme ses ornements [Note : En 1421, l'armoire que le convent des Dominicains avait à Notre-Dame fut forcée, et l'on vola leur calice et leurs ornements : il y a, aux Archives de Notre-Dame, un monitoire de l'official de Guingamp, vicaire-général de Tréguier, Jean Bégaignon, contre les voleurs et leurs complices] ; ailleurs, c'est le coffre d'une confrérie ; voilà l'escabeau d'une famille considérée ; voilà le banc de M. le sénéchal ; ici, c'est un enfeu monumental ; là et partout, ce sont des tombes armoriées ou marquées humblement d'un nom plébéien.
Quelques définitions sont indispensables. La chapellenie ou altaristie était la fondation d'un certain nombre de messes devant être dites, à un autel désigné, par un prêtre choisi par le fondateur ou ses ayant-droits, et qui jouissait des bénéfices de la fondation sa vie durant ou jusqu'à sa résignation. La fondation simple différait de la chapellenie, parce que les offices fondés devaient être remplis par le clergé de la paroisse, sans désignation d'un titulaire spécial. Les fondations les plus ordinaires étaient des messes ou services pour le repos de l'âme des fondateurs. Mais la piété de nos pères se variait en mille inventions touchantes, dont les innombrables fondations de Notre-Dame de Guingamp gardent la trace : l'un fondait la messe du matin à heure fixe ; l'autre des saluts hebdomadaires du Saint-Sacrement ; un autre [Note : Magister Franciscus de Hospicio, ville de Guingampo oriundus, canonicus Dolensis et officialis Corisopitensis, fut l'auteur de cette fondation, dont l'acte fut dressé dans l'église de la Trinité, propè Guingampum, en présence de Jean, évêque de Tréguier, qui le ratifia le 8 octobre 1455] voulait que la cloche tintât tous les vendredis, à l'heure de midi, pour rappeler aux chrétiens le souvenir des souffrances de l'Homme-Dieu ; un autre que tous les soirs on chantât les litanies, suivies d'un bref examen de conscience, au Portail de Notre-Dame ; un autre se préoccupait du luminaire de l'église ; un autre du pain d'autel , etc.
Une des plus vieilles fondations est celle de noble Geoffroy de Dinan, chevalier, qui crée deux messes hebdomadaires, moyennant 10 sols de rente : l'une, le lundi, pour lui et les défunts de sa race ; l'autre, le samedi, en l'honneur de Notre-Dame. L'acte fut ratifié immédiatement par Henri Le Brun, évêque de Tréguier, pour lors présent à Guingamp, où il présidait ce synode dont les statuts nous ont été conservés par D. Martène : c'était en 1371.
Les évêques de Tréguier prirent, à plusieurs reprises, de sages mesures pour proportionner les charges des fondations au bénéfice, progressivement amoindri par la dépréciation des valeurs monétaires. Il y a même un règlement général de Mgr. de Querlivio, à la date du 3 janvier 1698.
Les prééminences dans les églises furent une des distinctions dont nos pères se montrèrent le plus jaloux : Dieu seul sait combien il a été barbouillé de papier de procédure, dans les trois derniers siècles, à propos de vitres, d'escabeaux et d'enfeux.
A Notre-Dame de Guingamp, les prééminences se distinguent en trois catégories : 1° la chapelle prohibitive, avec vitraux et enfeux : deux familles possédèrent seules cet honneur suprême, à côté des Penthièvre, seigneurs fondateurs de l'église [Note : Presque tous les petits autels étaient dus à la munificence de quelque famille, jalouse de manifester ainsi sa piété envers un ou plusieurs Saints du Paradis ; mais cela ne conférait aux donateurs aucun droit de prééminence] ; 2° le droit de banc ou d'escabeau, qui devint fort étendu dans les derniers temps, et qui ne pouvait être concédé qu'en vertu d'une délibération de la communauté de ville, approuvée par le duc de Penthièvre ; 3° enfin, le droit de tombe, que tout le monde pouvait revendiquer moyennant une aumône, et qui était concédé par les seuls gouverneurs de l'église, sans le concours de qui que ce soit. Dès le XIVème et le XVème siècle, je trouve des couteliers, des maréchaux, des couvreurs, traitant avec les gouverneurs pour leurs tombes à Notre-Dame [Note : Les gouverneurs rachetaient les tombes quand ils le pouvaient, parce que la diminution progressive des valeurs monétaires rendait presque nulles les rentes affectées aux anciens enfeux. Mais divers arrêts du Parlement de Bretagne, des 16 août 1719, 21 avril et 12 juin 1758, confirmés par déclaration du roi du 15 mai 1776, vinrent interdire, sous prétexte d'hygiène, l'inhumation des particuliers non prééminenciers dans les églises].
Ainsi, nos vieux bourgeois tenaient à leur église par toutes les fibres de leur coeur cela allait jusqu'aux plus graves abus. Une coutume s'était introduite que si quelqu'un était malade, ses amis et ses proches fissent pour lui, dans l'église Notre-Dame, une neuvaine non interrompue. La troupe bivouaquait littéralement, jour et nuit, dans le temple. En 1388, Pierre Morel, évêque de Tréguier, fulmina une défense sévère, que nous avons encore, et au dos de laquelle il est écrit que, joignant son autorité à celle de l'évêque, « la court dicy a deffandu sur paines graves que null ne face novesnes pour maladie, de nuyt à ceste églisse de Nostre–Darne de Guigamp ». L'abus réformé, la bonne pensée germa trois siècles plus tard, et, en 1662, Messire Jacques Poences, vicaire de Guingamp, fonda dans notre église la Confrérie des Agonisants, dont les statuts sont un vrai monument de charité.
Le nom de Pierre Morel, que j'écrivais tout à l'heure, me ramène à la chapelle Saint–Jacques : c'est, en effet, dans cette chapelle que fut enterré, dans la première année du XVème siècle, cet évêque, fils d'un bourgeois de Guingamp, et qui semble avoir eu une sincère affection pour le lieu de sa naissance. Par acte du 28 juillet 1388, il fonda dans l'église Notre-Dame, en la chapelle Saint-Jacques, en laquelle, dit-il, « il a esleu sa sépulture, là où un entre ses frères aisnés et autres de ses parens sont ensevelis, » une chapellenie, dotée de cent cinquante sols de rente, chargée de trois messes hebdomadaires, et dont le sacristain de Notre-Dame était, de droit, titulaire. Je n'ai pas d'indication plus précise sur cet enfeu épiscopal, à moins que ce ne soit une crypte assez remarquable, masquée par une horrible hauteur d'appui en sapin, et qui se trouve vers le milieu de la chapelle.
L'inventaire de 1465 porte que « il y a un bréviaire en une treille de fer au cuer Monsieur Saint-Jacques, que l'evesque Morel dona autrefois à la dite église. » [Note : Archives de la Fabrique. — Outre les livres liturgiques ordinaires, assez nombreux, cet inventaire de la librairie mentionne un Catholicon, une Légende d'auré (sic) et un petit livre appelé Invitatorium].
Sous les deux fenêtres de la Renaissance, il y avait, depuis le XVIème siècle, un autel dédié à saint Yves, où « MM. de la Justice tenoient leur confrairie ». Un des enfeux, devant cet autel, était aux Du Garzpern.
L'autel Saint-Jacques était sous les fenêtres si maladroitement réparées en 1671.
A la place de l'autel actuel du Saint-Sacrement, qui sera bientôt, s'il plaît à Dieu remplacé par un splendide autel de marbre dont la fabrique a les plans, était un autel dédié aux saints Crespin et Crépinien : il est presque superflu d'ajouter que c'était le siège de la confrérie des cordonniers.
Je trouve dans les archives les dossiers de cinq ou six confréries d'ouvriers : leur organisation à Guingamp ne paraît dater que de la fin du XVIème siècle. A cette époque, les confréries fondent à Notre–Dame des messes annuelles et solennelles pour l'annonce desquelles on sonnera les cloches « avec modestie, » ce qui me fait penser que les premiers confrères, laissés à eux-mêmes, avaient carillonné sans discrétion. C'est à cette même époque que l'on établit aussi des processions dont le parcours invariable va de Notre-Dame à l'Hôtel-Dieu, puis à la chapelle Saint-Yves, et dans lesquelles il est spécifié que l'on « portera la bannière neuve et la grande croix d'argent, si le temps le permet ». Chacune de ces associations fournissait à Notre-Dame une certaine quantité de pots d'huile pour avoir le droit de mettre un coffre dans l'église. Les confréries dont j'ai les titres sont, outre les cordonniers : les boulangers, sous le vocable de la Trinité ; les bouchers, sous le vocable de saint Yves, puis de saint Barthélemy ; les tailleurs, sous le vocable de saint Pierre ; les maréchaux, sous le vocable de saint Eloy.
Toutes les vitres de la chapelle Saint–Jacques étaient en verres blancs : les armes du duc se voyaient seulement à la fenêtre au–dessus de la porte méridionale [Note : J'emprunte les détails des vitraux à un procès-verbal des destructions causées à toutes les vitres « par la succession des temps et les suites des dernières guerres, dressé, le 27 juin 1599, par Pierre Marchand et Noël Allaires, maistres peintres et vitriers ». (Archives de Notre-Dame)].
A côté de l'autel Saint-Crespin, dans la grande baie, il y avait « la représentation de l'histoire du lavement des pieds des Apôtres et la Cène » et en haut trois écussons des armes de M. de Kergommar, donateur du vitrail ; au-dessous, un enfeu : je n'en ai pas vu de titre. La vitre au-dessus de l'autel, aujourd'hui maçonnée, avait été donnée par le sieur des Salles, et représentait « l'histoire de la Passion ».
Au second pilier vers le grand autel, du côté de l'épître et en dehors du choeur, était attachée, par une chaîne et des pattes de fer, une large plaque de bronze où on lisait, que le clergé de Notre–Dame ayant discontinué de servir l'onéreuse fondation de Messire Roumoulin, en son vivant (1520) l'un des vicaires de Guingamp, Maître Nicolas Roumoulin, héritier du fondateur, avait, le 27 juin 1623, obtenu arrêt qui condamnait le clergé à « faire les dits services en la forme que dessus et ordonné le présent placart estre mis et apposé en ce lieu ». Ce que cette pancarte, qui ne disparut qu'à la Révolution, coûta de procédures à M. Nicolas, devant la prévôté de Guingamp, l'officialité de Tréguier, le présidial de Rennes, et enfin, le parlement, est attesté par un monstrueux dossier que j'analyserai peut–être quelque jour.
M. de Mercœur donna à M. Le Gac de Lansalut, son sénéchal en sa cour de Guingamp, un banc de quatorze pieds de long, à l'endroit où nous sommes.
Après le banc de M. le sénéchal on trouvait l'enfeu de M. de Lokmaria, au-dessous de la seconde vitre du pourtour du choeur, dans laquelle il semble qu'il n'y avait nul autre ornement que les armes de cette seigneurie [Note : La terre de Lokmaria, en Ploumagoar, fut aux Coatgourheden, puis aux Du Parc. Dans deux coins de l'une des fenêtres de l'abside de Guingamp, on voit encore le blason des Coatgourheden, de gueules à la croix engreslée d'argent]. Avant l'adjonction de l'abside, tout à côté de l'enfeu, se trouvait l'autel Saint-Pierre, prohibitif aux seigneurs de Lokmaria. En 1484, cette prééminence devint le sujet d'un grand et chaud procès qui se termina par une transaction, en vertu de laquelle l'autel Saint-Pierre fut transporté, avec tous les droits de Lokmaria, à l'endroit même où est aujourd'hui l'affreux petit autel du Mont-Carmel. Je ne puis indiquer que deux des vitres de cette chapelle : l'une représentait les quatre Evangélistes, et l'autre sainte Barbe.
Les deux fenêtres superposées du milieu de l'abside portaient le nom de « fenêtres au Duc ». En l'année 1484, Guillaume Gouézou, procureur des bourgeois de Guingamp, « poia par le commandement et avisement des dits bourgeoys, à Pierre du Moulin, vittrier et paindre, à valoir sur deux vittres quelles led. Pierre fait pour le Duc notre souverain seigneur, les deux pour les fenestres de l'eupvre nouveau fait en l'église de N.-D. de Guingamp, dont l'une d'icelles fenestres, savoir la basse est achevée et armée des armes du Duc notre dit souverain seigneur et de la Duchesse sa compaigne, tant en escuzons timbres, présentations du Duc et de la Duchesse que autrement. Et l'autre fenestre au dessus, laquelle le dit Pierre du Moulin besoigne à présent et y fait la vittre sellon la poultraicture estant en une vittre en la ville de Malestroit, et à valoir aux dites vittres : seize livres dix sols. » (Compte de Guillaume Guézou. — Archives Municipales).
Il serait trop long de conter comment, par suite du procès des Lokmaria, la vitre du dessous devint la vitre du dessus : c'est pourtant une curieuse histoire, et dont la langue me démange.
En 1599, les vitres du Duc étaient notablement avariées. Messires Pierre Le Marchant et Noël Allaires refirent notamment « cinq sofflets » où il y avait des figures d'anges.
En 1856, il ne restait plus de l'oeuvre de Pierre du Moulin que quelques fragments mutilés de la présentation de François II, et la présentation, à peu près intacte, de Marguerite de Foix et de ses deux filles, Anne et Isabeau ; plus, deux angelets « dans les sofflets , » lesquels donnaient une assez piètre idée du talent des maîtres-vitriers guingampais en 1599 ; lorsque un des vicaires de Notre–Dame, M. l'abbé Le Goff, conçut le généreux dessein de restituer, à ses frais, cette maîtresse vitre nous réunîmes tous les matériaux, toutes les indications, à l'aide desquels M. Didron a composé cette belle verrière qui, depuis le 8 septembre 1857, brille au haut du chevet de Notre-Dame, comme une escarbourcle au front d'une reine [Note : L'exemple de M. l'abbé Le Goff a été fort heureusement contagieux : la verrière qui doit garnir la fenêtre au-dessous de celle du Duc a été commandée, par un particulier, à M. Gsell, de Paris, qui la termine en ce moment ; la rose du Portail a été offerte, cette année, par Mademoiselle Le Normand de Kergré. — Depuis que les pages qui précèdent ont été imprimées, le sanctuaire de Notre-Dame de Bon-Secours a été solennellement visité par Mgr. MARTIAL évêque de Saint-Brieuc et Tréguier, qui lui a promis, comme un témoignage de sa piété et de sa munificence, une lampe d'argent].
Sous le maître–autel, qui est encore le bloc de marbre acheté en 1787, existe une crypte à moitié comblée. On y a fait très-récemment des recherches qui n'ont amené aucun résultat. Je ne sais où était l'enfeu de Madame de Martigues, qui fut inhumée à Notre-Dame en 1613. Elle avait bien le droit de dormir dans ce sanctuaire, car les Penthièvre furent vraiment les fondateurs du choeur de Notre-Dame, non-seulement par le privilège de leur seigneurie, mais mieux encore par le fait de leurs libéralités. C'est dans le choeur de Notre-Dame que Charles de Blois sembla vouloir épuiser cette inépuisable munificence dont le procès-verbal dressé en 1371, par le Gardien des Cordeliers de Guingamp, nous a conservé les détails [Note : Ce procès-verbal, rédigé pour servir à la canonisation du bienheureux Charles de Blois, se trouve, en manuscrit, à la Bibliothèque Impériale, avec toutes les autres pièces de cette procédure, dont Baluze avait fait faire une copie, au XVIIème siècle. Le texte est en latin] : « Item il donna... les quatre colonnes, peintes d'or et d'azur, qui sont devant le grand autel, et dont la façon coûta, selon le témoignage du maître qui les a faites, quatre-vingt-dix écus d'or ». Etait–ce un ciborium ou baldaquin qui abritait l'autel ? n'étaient-ce pas plutôt les quatre colonnes magnifiques qui soutiennent la voûte du choeur, et sur lesquelles un triste badigeon couvre l'or et l'azur du XIVème siècle ? Toujours est-il que l'on construisait, en ce même temps, une portion quelconque de l'église, car on lit dans notre procès-verbal : « Item, il donna pour l'édifice projeté de ladite église, soixante écus » [Note : Le procès-verbal ajoute ; « Item, il fonda la sacristie (sacristiam) de ladite église sous le nom de Saint-Yves, et il en posa la première pierre, au nom susdit, en présence de l'évêque de Saint-Malo et de l'abbé de Bon-Repos, et il donna ce jour-là, aux ouvriers, trois francs pour boire (pro vino), et il engagea tout son bien pour l'achèvement de cette sacristie ». Je ne puis préciser la situation de cette construction, qui n'est pas certainement la sacristie actuelle].
Je reviens au maître-autel « Il fit disposer et arrangea le grand autel pour y placer des images qui coûtèrent trois écus ; il donna pour orner l'autel neuf aunes de drap de soie blanche ; Item, huit aunes de satin rouge pour faire des courtines autour de l'autel ; Item, deux grands parements très-précieux, pour être mis au-dessus et au-dessous dudit autel ; Item, quatre aunes de drap de soie d'un très-grand prix, avec des broderies d'argent très-somptueuses, pour faire des parements de dessus et de dessous au même autel ». En somme, l'argenterie, les ornements, les constructions pour Notre‑Dame, coûtèrent au prince, selon l'estimation qu'en firent les témoins et experts, et notamment Maître Alain, peintre ; Alain Symon, ouvrier ; Guillemin, orfèvre, et la femme de Perrot Brotaire (marchande ou tailleuse sans doute), huit cent soixante-cinq francs et cent vingt-cinq écus ; soit, une somme énorme de notre monnaie.
La chapelle Saint-Jean, au fond de l'abside, du côté de l'Evangile, était prohibitive aux seigneurs de Cadolan, qui y avaient enfeu, vitre, escabeau et chapellenie. Je n'ai pas d'indications sur les sujets des vitraux : quelques fragments de l'un d'eux laissent deviner un purgatoire.
A la sacristie, vous ne retrouverez plus ces « ornements d'autels et ces beaux parements avec la grande croix d'argent, pleine de reliques de saints, » que Charles de Blois donna à Notre-Dame, au dire d'Albert de Morlaix ; ni cette autre grande croix, avec l'image de Notre-Dame et de saint Jean ; ni les beaux calices des XVème et XVIème siècles ; ni les grands reliquaires d'argent doré, dont l'un était en forme de clocher et l'autre en forme de chapelle ; ni les statues d'argent de Notre-Dame, dorées en quelques parties ; ni les chandeliers donnés par Gouicquet ; ni l'ornement en drap d'or donné par le duc Pierre ; ni les ornements de velours noir aux armes de la seigneurie ; ni ceux aux armes de la communauté ; ni la chasuble où était peinte l'image de Monsieur S. Yves, dont il est fait mention dans les vieux inventaires [Note : Le plus vieux de ces inventaires porte la date du 12 août 1465 ; cette date le rend fort précieux] ; vous ne trouverez même plus ce splendide ornement confectionné, au milieu du XVIIIème siècle, avec deux robes de nobles fiancées, et dont la façon seule coûta 800 livres ; désormais, dans le mobilier de l'église, tout est moderne [Note : Il faut lire l'inventaire fait en 1805 : la Révolution avait fait fondre à Guingamp, d'après l'inventaire du 19 pluviôse an II, vingt-deux calices, six ostensoirs, neuf ciboires, etc. En 1805, on avait deux calices, dont l'un était donné par un M. Surville, et un soleil en fer blanc].
Au bas du choeur, de ce côté, était l'enfeu de la famille Le Brun, sieurs de Kerleino, de Kerprat et du Lojou, qui donna des sénéchaux à la prévôté ; au-dessus de la tombe armoriée s'élevait une pyramide en pierre, sculptée à jour, haute de dix-huit pieds, et qui devait produire un effet assez drôlatique. — Il y avait bien aussi quelque part en l'église, une plaque de marbre, avec sa corniche de bois, sur laquelle était écrit et gravé que Jacques Le Brun, sieur de Kerprat, avait été gouverneur de l'église de Guingamp, en l'an 1656. Les citoyens chargés de l'inventaire du mobilier, en l'an II de la République, estimèrent cette plaque... deux sous ! Ils vendirent au poids la plaque de M. Roumoulin. Faites donc graver votre nom sur le marbre et l'airain !...
On voyait encore « deux drapeaux attachés à la voûte du choeur, » deux vieux trophées sans doute. Les priseurs de l'an II ne trouvèrent pas que cela valût la peine d'être estimé. Quels patriotes !...
Dans les quatre angles formés par les massifs piliers de la Tour Pointue il y avait quatre autels ; il y en avait deux autres adossés aux mêmes piliers du côté de la nef ; un autre encore contre le gros pilier renaissance, au-dessous du Crucifix, ce dernier sous le vocable de Notre-Dame. Je ne réussirais point à préciser les saints patrons de ces petits autels : je crois qu'ils étaient multiples et variables.
Auprès de l'autel de la Vierge, où était l'enfeu des d'Acigné et leur banc, on voyait le banc à accoudoir et l'enfeu de la famille Péchin, dont un membre fut intendant du duc de Mercœur, et le banc de Madame de Calan.
La chaire est toute moderne : elle serait belle, si elle était placée dans une église d'un autre style. Elle a remplacé une chaire assez mesquine donnée, en 1708, par la Frérie Blanche.
En l'année 1479, les bourgeois ordonnèrent à leur procureur de « bailler troys escus d'or, valans par monoie 4 l. 2 s. 6 d., à un prescheur nommé Maistre Guillaume de Melun, qui fust par longtemps prescher à Guingamp » (Archives Municipales). En 1502, la ville donna vingt-cinq sous pour une station quadragésimale. En 1505, le procureur paya à « frère Jacques Raoul, gardien des Frères–Mineurs de Guingamp, pour partie de la rémunération de ses paines et travaulx d'avoir presché durant le Karesme en la dite ville, oultre les aulmones qui lui furent faites, 9 livres ». En 1512, frère Guillaume Le Men, des Frères-Prêcheurs de Guingamp, ne reçut que 6 liv. 10 s. Il prêcha pourtant « cothidianement, » ainsi que frère Olivier Guillou, docteur en théologie, du même couvent, qui, en 1516, reçut 16 liv. J'omets les détails plus modernes, que je pourrais puiser dans le dossier des prédicateurs, aux archives de la fabrique.
C'était un usage, pratiqué de temps immémorial, que le nouveau maire, élu chaque année le mercredi des Cendres, offrît ce jour-là la collation au prédicateur du carême.
La chapelle actuelle des Morts était jadis la chapelle de la Trinité. Voici la description de cette chapelle, telle que la faisait, au XVIIème siècle, Pierre Mahé, bourgeois de Guingamp, qui déclarait tenir du chef de défunt noble homme Bertrand Gouicquet et demoiselle Marie Chéro, sa compagne, ses quart aiyeul et ayeule, « les préminences ci–après étant dans l'église Notre–Dame de Guingamp, et consistant en une chapelle nommée la chapelle de Saint-Denis ou de la Trinité, du côté de l'Evangile, et située entre quatre piliers de pierre de taille faisant les quatre coins de ladite chapelle, composée d'un autel, retables, les images de la Trinité, un crucifix avec un bon et mauvais larron, saint Denis, saint Briac et autres, avec protestation de faire revenir de jour à autre les images de saint Yves, d'un gentilhomme et d'un paysan qui avaient été transportées de ladite chapelle en celle de Messieurs de la justice où elles sont actuellement ; lesquelles images sont dans leurs niches, relevées de belles sculptures avec les armes desdits Gouyquet et Chéro, en bosses, en plein et en alliance en deux endroits, dans la vitre de ladite chapelle, sous celles dudit seigneur duc de Bretagne et dans ledit retable ; contre ledit autel est aussi un tableau représentant la Vierge l'église de Guingamp, un évêque, ledit Bertrand Gouyquet avec six de ses enfants mâles, du côté de l’Evangile, et de l'autre côté, vers l’Epitre, ladite Marguerite Chéro et trois de ses enfants femelles, avec la date du temps auquel ledit Bertrand Gouyquet et femme firent faire lesdits retables et tableaux qui fut en l'an 1523 ; même le retable de l'autel de saint Etienne, les images y étant avec aussi les armes desdits Gouyquet et Chéro sous leurs pieds ; lesquels tableaux, retables, dorures et choses susmentionnées lesdits Gouyquet et Chéro firent faire en Hollande, les rendre ici et les placer à leurs frais » (Publié par M. de Garaby).
A l'autel de Gouicquet avait succédé, au commencement de ce siècle, une grande machine en bois peint et doré dont quelque professeur de dessin linéaire dans une école municipale avait sans doute conçu la malencontreuse idée. La fabrique s'en est débarrassée, et le 8 septembre dernier, 1857, a été inaugurée la magnifique chapelle que vous pouvez admirer aujourd'hui. Sur le terre-plein, où l'on accède par trois marches en marbre noir, avec des incrustations rouges et blanches, s'élève un autel en kersanton, dessiné par M. Darcel, et sculpté par Hernot, avec une perfection qui aurait désespéré les plus habiles picoteurs du moyen-âge ; au-dessus, du retable à la voûte, se présente une surface de cent cinquante mètres carrés, que M. Alphonse Le Hénaff a couverts d'une grande composition qui a commencé la réputation, aujourd'hui si bien assise, du jeune peintre, et que nous allons rapidement décrire. Au centre, appuyée sur le retable de l'autel, une toile immense représente cette scène inénarrable du réveil des morts, dans la vallée sépulcrale de Josaphat : Mors stupebit, et natura, - Cum resurget creatura - Judicanti responsura. - Turba mirum spargens sonum - Per sepulchra regionum - Coget omnes antè thronum.
La vallée s'étend au loin, entre deux chaînes de rochers écorchés et abrupts ; la lune se lève au fond, sanglante et voilée de deuil. Les Anges volent dans les airs, qu'ils remplissent des éclats merveilleux de leurs trompettes. La terre des sépulcres s'anime ; la pierre des tombes se soulève, et des formes humaines, encore couvertes de linceuls diaphanes, se dressent éperdues le long de la lugubre vallée. Mais, suivant la terrible prédiction de l'Apôtre, les uns ressuscitent avec des corps glorieux, environnés de lumière, l'auréole céleste au front, revêtus d'un reflet de cette idéale beauté que l'oeil humain n'a point vue ; les autres se réveillent de la boue du cimetière avec confusion, avec rage, avec horreur. Judex ergo cum sedebit, - Quidquid latet apparebit.
La lumière se fait : le Juge est sur son siège ; levez les yeux jusqu'au plus haut sommet. Voilà le Dieu vivant, le Juge suprême et souverain : il étend sur le monde ses mains toutes-puissantes, et l'arrêt éternel va sortir de sa bouche. Mais la cause de l'humanité se plaide encore : au pied du trône, l'Agneau divin que saint Jean-Baptiste annonçait, que saint Jean l'Evangéliste a décrit, l'Agneau dont la mort a sauvé le monde, est couché sur la croix ; il intercède pour nous, il montre au Père irrité son sang et ses meurtrissures ; plus bas, la Vierge Mère, à genoux, les mains jointes, emploie, pour les enfants qu'elle a adoptés sur le Calvaire, cette toute-puissance de la supplication dont Dieu lui a donné le privilège ; les Anges et les Béatitudes du ciel entourent le trône redoutable, et attendent, en silence, le jugement que les lèvres divines vont enfin prononcer.
Que si vos yeux se reportent vers la droite de la composition, et si vous vous rappelez la prière ardente du poète : Inter oves locum praesta, - Statuens in parte dextrà ; vous comprendrez du premier coup d'oeil la traduction artistique de cette consolante pensée. Un Ange lumineux attire doucement vers le ciel, qu'il leur montre, les âmes simples et bonnes, dont le dévouement et les sacrifices ont mérité cette magnanime récompense.
Au sommet, saint Jean, l'apôtre de l'amour et de la grâce, écrit, sous la dictée d'en haut, les infaillibles promesses de l'avenir. Rien n'est calme et placide comme cette harmonieuse partie de l'oeuvre de M. Alphonse Le Hénaff ; rien n'est frissonnant et sinistre comme le côté gauche de la composition, qui représente aux regards terrifiés la punition éternelle du crime : effrayante antithèse, parallélisme profond, dont la méditation doit être le fruit moral et religieux que chaque spectateur peut facilement tirer de cette grande oeuvre.
Voyez cet Ange sombre, aux ailes noires, au glaive ardent, ministre impassible des vengeances de Dieu, qui précipite les condamnés au fond de l'abîme de feu et de souffre ! En vain leur orgueil terrassé lance au ciel un dernier blasphème, une dernière imprécation, l'heure suprême de la justice éternelle a sonné, et l'éternité des supplices engloutit sa proie !
Au sommet, Ezéchiel, le prophète de la mort, contemple les ossements arides qui l'entourent, et qui vont s'animer sous le souffle impétueux des quatre vents du ciel. [Note : Notre-Dame de Guingamp n'a jamais été riche en tableaux : l'architecture ogivale ne laisse place qu'aux fresques. L'inventaire de l'an II ne compte que sept toiles, dont deux dans le choeur. Les cadres aujourd'hui appendus ci et là, viennent des Carmélites de Guingamp, et n'ont rien qui fixe l'attention. Les bibliomanes remarqueront le tableau qui est placé au-dessus de la Porte-au-Duc, et qui représente le Christ saisi et garrotté au jardin des Oliviers ; non pas, certes, à cause de sa valeur artistique, mais parce que ce tableau est la reproduction fidèle de la 110ème planche d'un très-curieux recueil d'estampes mystiques, publié, en 1595, sous ce titre : Evangelicœ historiœ imagines, auctore Hieronymo Natali Societatis Jesu Theologo. L'espèce de barbouillage jaune, noir et rouge que l'on aperçoit au milieu du tableau, représente, suivant la légende de la gravure, Lucifer assis sur un trône enflammé et ténébreux, d'où il envoie toutes les furies contre Jésus. — Je ne dis rien des deux grandes toiles placées près de la sacristie, et qui défiguraient naguère le chevet : ces pancartes sont censées des copies de tableaux de Valentin, peintre guingampais du XVIIIème siècle].
Il ne reste plus, pour terminer cette chapelle, sans égale en Bretagne jusqu'ici, qu'à poser le vitrail de la grande baie qui s'ouvre sur la rue. Cette vitre était autrefois remplie par la représentation des douze Apôtres : la nouvelle verrière ne doit pas contenir de personnages.
La vitre au-dessus du porche était en verre blanc, avec les armes du duc ; celle à côté était désignée sous le nom de vitre de Saint-Loup, et la suivante sous le nom de vitre de Sainte-Suzanne.
Le bénitier de ce porche porte le nom de Y. Jégou.
L'armoire qui se voit dans ce coin de l'église a toujours contenu les reliques, depuis qu'on a retiré « la huge aux reliquaires » de la sacristie, où elle était en 1465 : on y conserve encore le buste de saint Pie V, et plusieurs chapelets curieux du XVIème siècle. L'inventaire de l'an II, au nombre des divers objets renfermés dans l'armoire, mentionne une tête de marbre frisée. Je confesse que ce buste m'intrigue beaucoup : était–ce un antique de la décadence, crêpé comme Faustine ; était-ce une tête à perruque du temps de Louis XIV ? et que faisait cette perruque au milieu des reliques ? Cette tête frisée me rappelle que je n'ai fait nul état d'une statuette de saint Léonard, provisoirement placée près de l'autel du Saint-Sacrement, et qui est la seule sculpture remarquable de Notre–Dame : c'est un pittoresque portrait du XVIème siècle, revêtu d'une dalmatique richement historiée.
La plupart des autels, des coffres, des armoires, avaient disparu dès la seconde moitié du XVIIIème siècle, sous prétexte d'encombrement et d'irrégularité. Ainsi se détruisait, pierre à pierre, la plus forte digue opposée à la Révolution : le respect du passé. La Révolution acheva la ruine : autels et enfeux gênaient la République pour entasser ses bottes de foin dans la basilique, devenue écurie, et l'on vendit tout ce qui pouvait se vendre, comme bois à feu.
Revenons à la huche aux reliques, échappée, Dieu sait comme, à cet encan universel.
C'était dans la place qu'occupe l'armoire qu'étaient autrefois les orgues, et, pour ma part, j'estime qu'on devrait les y reporter.
Il est fait, pour la première fois, mention « d'un organiste et conducteur des orgues de l'église de Notre-Dame de Guingamp, » dans le compte du procureur des bourgeois pour l'année 1457. Ce premier organiste s'appelait Charles Le Gay ; il était gagé de cent sols par an, et il semble qu'il commença son service au mois de janvier 1457, car je vois qu'il lui fut compté une première demi-année de cinquante sols « au Pardon de Notre-Dame de Guingamp, » en juillet 1457. — Je ne sais à quelle époque les orgues furent déplacées ; mais elles étaient sous la tour quand celle-ci tomba en 1535, car on logea le sacriste dans la maison de l'organiste, dont on n'avait plus besoin « à raison de la ruine de la dite tour qui tomba sur le lieu des orgues » [Note : Archives Municipales. Délibération du 16 fév. 1536 (v. 5.). Les archives de la fabrique conservent une quittance de Dom Le Prateller, organiste en 1470].
Sur le buffet actuel des orgues on lit l'inscription suivante : « Ces orgues ont été construites, en 1646, du temps que nobles gens François Le Goff et Pierre Allain étoient gouverneurs de ceste église ».
A ces orgues se rattache le souvenir d'un long et célèbre procès, dans lequel Guingamp succomba. En 1679, la ville enthousiasmée d'un nommé Jean-Baptiste Belhoste, qu'elle avait pour organiste, lui conféra ce titre à perpétuité. L'artiste, assuré de son traitement, donna dès lors libre cours à son humeur vagabonde, et on le vit partout ailleurs qu'à Guingamp : la communauté le destitua. Belhoste eut recours à la prévôté. La mort de l'organiste chicaneur ne mit point fin à la chicane : deux ou trois générations d'héritiers la reprirent tour-à-tour, et, en 1745, on n'était pas encore d'accord ; seulement la ville, constamment perdante, y avait laissé une dizaine de mille livres.
Il ne nous reste plus, pour terminer notre longue visite à Notre-Dame, qu'à gravir l'admirable escalier de la Tour-Plate, pour voir de près la célèbre cloche dont le timbre n'a pas son égal en Bretagne. Cette cloche, véritable monument de l'art breton au XVIème siècle, porte l'inscription suivante : « Fondeurs Guyomark. L'an 1568 fut feit ceste cloche pour servir Dieu et Nostre Dame de Guingamp, par Gérome Gegou, gouverneur de ce chapelle, le fit faire ». A côté du colosse des Guyomark, une toute petite cloche porte la date de 1434 ; les deux autres sont de 1835.
Je vois par un marché passé, en 1605, pour la fonte de deux cloches, l'une de Notre-Dame et l'autre de Saint-Nicolas, que les fondeurs Guyomar, représentés alors par Guesnou Guyomar, étaient de Morlaix, où ils habitaient la rue de Bourette.
En l'année 1562, Sa Majesté le roi de France s'avisa d'asseoir une taxe sur tous les clochers de son royaume. Dieu ! si l'on n'avait jamais donné une plus large base à l'impôt ! Guingamp paya vingt livres. (Archives de Notre-Dame).
L'airain de notre belle cloche tentait fort l'appétit des vandales de 1793 ; mais je ne sais qui fit observer que ce bourdon pourrait être fort utile pour sonner le tocsin et prévenir les patriotes de l'approche du danger. Cette naïveté sauva la grosse cloche. Toutes les autres furent brisées et vendues, à raison de vingt-deux sous la livre, pour acheter des canons. Ce qu'il y eut de remarquable, c'est qu'on chargea le vicaire constitutionnel de Notre-Dame de présider, en qualité de commissaire municipal, au bris et à la vente des cloches : l'apostat ne refusa point cet honneur-là.
En descendant de la Tour-Plate, presqu'au bas de l'escalier, vous vous aviserez peut-être de remarquer quelques caractères tracés sur l'appui de la haute et étroite fenêtre qui donne jour dans l'église. Vous lirez très-facilement : J. A. d'Estable, avec la date de 1573 gravée au-dessus. — La famille d'Estable tint un rang des plus honorables dans la bourgeoisie de Guingamp, pendant le XVème siècle et les premières années du XVIème siècle. En 1573 et plus tard, un Yvon d'Estable avait la « conduite de l'orologe ». — Je ne devine pas pourquoi ce nom est gravé à cette place : si ce n'est pas un pur caprice, c'est à coup-sûr un fait sans importance.
On voit aussi, en deux endroits de la Tour-Plate, à l'intérieur de l'église, un C et un G majuscules : je suppose que ce sont les initiales de quelques-uns des maîtres-maçons ou des gouverneurs en charge pendant la longue durée des travaux ; mais, comme ces initiales conviennent à plusieurs, je n'ose préciser.
Notre-Dame de Guingamp dépendait de l'ancien diocèse de Tréguier. Bien que Guingamp ne fût pas le chef-lieu d'un archidiaconé, cette ville était le siège d'une officialité, et j'y trouve, presque sans interruption, un vicaire-général résidant, jusqu'à la seconde moitié du XVIIème siècle.
Quant à Notre-Dame, elle était administrée, au spirituel, par quatre vicaires qui alternaient pour le service pastoral de la paroisse. Je pense que cette administration oligarchique remonte aux origines ; je la vois, dès 1371, dans le titre de la fondation de Geoffroy de Dinan. Les quatre vicaires étaient égaux. On sent bien, de temps en temps, poindre le désir d'une suprématie : l'un s'intitule doyen, l'autre recteur de Notre-Dame ; mais rien ne peut s'établir d'une manière fixe, et les quatre vicaires partagent encore fraternellement, au XVIIIème siècle, les charges, les honneurs et les profits de la cure de Guingamp. Dans le courant du XVème siècle, une lutte, qui ne semble s'être terminée que par une transaction du 15 avril 1472, s'éleva entre les vicaires, qui voulaient percevoir le tiers des oblations faites aux chapelles extérieures qui n'avaient pas de chapelains titulaires, notamment à Saint-Yves et à Saint-Fiacre [Note : Je ne sais où était cette chapelle Saint-Fiacre quelques indications me porteraient à croire que c'était une seconde dénomination de la chapelle Saint-Yves ; elle aurait été, en tous cas, dans ce quartier], et les gouverneurs du temporel de Notre-Dame, qui ne voulaient accorder aux prêtres, pour les services faits dans ces chapelles, qu'un salaire déterminé. Les prétentions des gouverneurs prévalurent. Au commencement du XVIème siècle, des difficultés d'une nature analogue furent soulevées par le receveur de l'évêque de Tréguier, à propos d'un droit qui s'appelait la « composition du mortuaige ». Les vicaires triomphèrent. Une autre lutte, bien autrement animée, marque la seconde moitié du XVIIème siècle : c'étaient, cette fois, les prêtres habitués qui entendaient prendre part au casuel de Notre-Dame, et qui disaient assez cavalièrement que de ce que cette église était dirigée par « un escadron de recteurs, » lesquels n'avaient de bénéfice fixe qu'une rente annuelle d'environ mille écus entre eux quatre, ce n'était pas une raison pour que les autres prêtres de la ville mourussent de faim. Les vicaires furent battus devant je ne sais combien de juridictions, et une transaction, ménagée par le grand évêque Baltazar Grangier, à la date du 26 avril 1664, rendit la paix à l'église de Guingamp, et y confirma et établit régulièrement : quatre « vicaires-recteurs, » quatre vicaires « associés supôts in subsidium divini Officii, » et un prêtre sacristain, sur le compte duquel je reviendrai. Cette transaction a cela de très-particulier, qu'elle nous révèle un fait dont personne, de notre temps, ne s'était douté : l'existence d'une imprimerie à Guingamp, au XVIIème siècle. Le Guttemberg dont la transaction que je cite est peut-être le seul chef-d'oeuvre encore existant, s'appelait Olivier Champion, et s'intitulait majestueusement Imprimeur du Roy.
Les Penthièvre, comme seigneurs supérieurs et fondateurs de l'église, avaient la présentation des quatre vicaires. C'est un droit que les bourgeois auraient bien voulu s'arroger : ils maintiennent même, en quelques aveux, qu'il est leur ; mais il est trop certain qu'ils n'essayèrent même pas de l'exercer.
Les quatre vicariats furent réunis en un seul, le 7 février 1707, par la double autorité de l'évêque de Tréguier et du duc de Penthièvre : les titulaires conservèrent néanmoins, leur vie durant, leurs bénéfices, droits, honneurs, prérogatives, rentes et revenus. Le clergé de Notre-Dame se composa dès lors d'un recteur et de sept prêtres habitués. Mais le titre de recteur ne fut pas canoniquement reconnu, et au dernier synode du diocèse de Tréguier, tenu sous M. de Royère, on contesta à M. de Lesquen de Kerohon, recteur alors, le droit de porter l'étole aux séances : il fallut même la déposer. L'évêque, pour couper court à cette irritante discussion, nomma l'abbé de Lesquen promoteur du synode.
Le sacriste de Notre-Dame était toujours un prêtre. Sans contestation possible, il fut, de tout temps, à la présentation des bourgeois. Je penserais volontiers que ce bénéfice tout municipal date de la fin du XIVème siècle : c'est à partir de la seconde moitié de ce siècle qu'on voit les bourgeois, Pierre Morel, l'évêque de Tréguier, en tête, fonder pour le sacristain des chapellenies, créer pour lui des rentes, faire tout, en un mot, pour que la sacristie de Notre-Dame devienne un bénéfice presque aussi enviable qu'un vicariat dans la même église. Il y a aux archives plusieurs élections de sacristes par les bourgeois : la plus ancienne et la plus curieuse est du 9 juillet 1465, après le décès de Dom Jean du Bourg. Malheureusement, ce titre est dans un état de dégradation déplorable et aux deux tiers mangé des rats. Ce que j'en ai pu déchiffrer et deviner tendrait à établir que l'élection se fit à deux degrés. Le matin, l'universalité des paroissiens fut assemblée dans l'église par le son de la grosse cloche [Note : Le compte de Merrien Chéron, procureur des bourgeois pour cette année 1465, porte la mention suivante : « Item se descharge d'avoir poié à Yvon Guénégou pour avoir esté sonner la grosse cloche de l'église N.-D. de Guingamp, pour faire congrégation des dite habitants, afin de choisir le sacriste d'icelle église, 7 deniers ». C'est également à cette élection que se rapporte l'inventaire que j'ai cité (Archives Municipales)] ; ils désignèrent douze notables, outre les gouverneurs, et ces quatorze électeurs prêtèrent, entre les mains de Dom Prigent de Munehorre, l'un des vicaires, qui présidait la cérémonie, le serment de ne se laisser guider par aucun mobile digne de blâme, dans le choix du sacristain. On chargea Maître Derrien de Kermoisan, notaire impérial, de dresser procès-verbal de ce qui venait de se passer, et les quatorze électeurs s'ajournèrent à quatre heures de l'après-midi, le même jour, pour procéder à l'élection. A cette seconde réunion, Dom Olivier Henry réunit huit voix, et fut élu ; les huit électeurs, qui probablement ne savaient pas tous écrire, firent venir un notaire spécial pour constater leur vote. Toute l'assistance attesta les bonnes vie et moeurs du candidat, et requête fut présentée à l'évêque ou à celui qui tenait sa place, car le siège de Tréguier était vacant, pour qu'il voulût bien donner à l'élu l'investiture de son bénéfice. Il y a trois autres procès-verbaux, l'un du XVème siècle, sans date lisible, l'autre du 15 février 1587 et le troisième du 22 mai 1597, qui nous montrent l'élection faite directement par un nombre indéterminé de bourgeois, par ce qu'on appelait la plus saine et maire voix des paroissiens [Note : Ce dernier procès-verbal a cela d'original qu'on y voit figurer une femme, damoiselle Marie de Kerraoul, compagne et procuratrice de Jan Gouriou, sieur de Saint-Hernin, l'un des gouverneurs et administrateurs de Notre-Dame ; le second procès-verbal du XVème siècle, celui dont la date est rongée, nous fait connaître que l'on exigeait du sacristain, avant de lui confier le trésor de l'église, qu'il fournît des pièges ou cautions ; enfin, je trouve qu'en 1510, le sacristain fut mis en possession des ornements, ustensiles et meubles de l'église, non par les gouverneurs, mais par Bertrand Gouicquet, procureur des bourgeois. Dans l'inventaire de 1465 figurent simultanément le procureur des bourgeois, les deux gouverneurs de l'église et deux commissaires de l'official de Tréguier]. La dernière élection de sacristain que j'ai lue est de 1780.
Bien que les fonctions de vicaires et de sacriste ne fussent pas fort lucratives, elles étaient toujours remplies par des gradués, et je compterais parmi les vicaires plusieurs docteurs de Sorbonne.
La prééminence de Notre–Dame sur toutes les autres paroisses de la ville, s'établit à une époque que je ne puis indiquer. Elle se trouve constatée dans plusieurs réglements relatifs aux processions qu'il est impossible même d'analyser ici : je me contente de viser, en passant, celui du 9 juin 1574, émané de Messire Jacques Fleuriot, archidiacre de Tréguier, « ô le bon advis de certains bons personnaiges de la ville de Guingamp, » et dans lequel on insiste, à deux ou trois reprises, sur la défense « de s'arrêter pour boire ».
Notre-Dame de Guingamp fait aujourd'hui partie du diocèse de Saint-Brieuc : c'est une cure de première classe, à laquelle sont attachés cinq vicaires.
Le presbytère est situé près du Portail occidental. Cette maison, ou, pour mieux dire, la somme nécessaire pour l’acheter, fut donnée, le 9 juillet 1403, par Yves Trouzéon, bourgeois de Guingamp, à la condition que les vicaires eussent chanté, toutes les semaines, un service à son intention. Encore une présomption en faveur du système que j'émets sous bénéfice d'inventaire, à savoir que Notre-Dame ne fut pas érigée en paroisse avant le XIVème siècle.
Le presbytère a été rebâti dans la première moitié du XVIIIème siècle : c'est de cette époque que date la façade si originale qui le distingue aujourd'hui.
Il fallut que Messire Nicolas, premier recteur unique de Notre-Dame, luttât pendant douze ans pour obtenir des bourgeois, à force de sentences, de jugements et d'arrêts, la reconstruction du presbytère.
Je relève dans le dossier de cette affaire une particularité fort remarquable pour l'histoire de notre organisation municipale. La communauté de ville, pour délibérer sur cette question pécuniairement très-importante, et qui devait amener une levée extraordinaire de deniers, s'adjoint le général de la paroisse, dont elle remplit habituellement tous les offices, et le fait spécialement convoquer en chaire [Note : Délibération du 23 juillet 1721. - Archives de Notre-Dame et archives municipales].
J'ai trouvé aussi des lettres patentes desquelles il résulte que Dom Nicolas, qui paraît avoir été fort avant dans les grâces du comte de Toulouse, s'était fait donner par ce prince, dès 1708, l'emplacement de l'ancien château pour y bâtir un presbytère.
Les biens et revenus de Notre-Dame qui n'étaient pas spécialement attribués aux vicaires, au sacriste, aux altaristies ou aux confréries, étaient administrés par deux fabriques, qui prenaient, dès le XIVème siècle, le titre de gouverneurs et procureurs de Notre-Dame. Cette charge, qui était un des grands honneurs de la bourgeoisie, était conférée par l'élection des bourgeois. Je crois que, dans le principe, elle était viagère, ou du moins de durée indéterminée. Le 20 février 1611, la communauté arrêta que le gouverneur serait institué pour six ans seulement ; mais cette règle ne fut jamais rigoureusement suivie. Plus tard aussi on décida que, pour devenir gouverneur de Notre-Dame, il fallait avoir été successivement gouverneur des deux hospices, et il n'y eut plus qu'un seul gouverneur à partir de 1653. J'ai deux procès-verbaux d'élections de gouverneurs, l'un à la date du 1er février 1459, et l'autre à la date du 26 juillet 1497, tous deux en latin et dressés par la cour de l'officialité, et qui portent que ces élections ont été provoquées par l'official de Guingamp, commissaire spécialement pour ce départi par l'évêque de Tréguier. Un troisième procès-verbal, du 6 septembre 1499, en français, cette fois, nous montre les bourgeois agissant d'eux-mêmes, sans aucune impulsion ou immixtion de l'autorité épiscopale ; et dans les lettres patentes du roi François Ier du 18 juin 1532, que j'ai déjà citées, les gouverneurs font sanctionner leur autorité en ces termes : « De tout temps immémorial, les nobles bourgeoys, manans et habitans de Guingamp ont esté et sont en bonne et pacifique possession de choaisir et depputer deux notables personnaiges à procurer à la dite fabrique. Lesquels ainsi choaisis et depputez ont eu et ont la totalle charge et administration du revenu d'icelle église, tant offertes, oblations, rentes qu'autres droicts et revenus deus et apartenant à icelle église, pour les commettre et employer à la reparacion tant nécessaire utille et proffitable que pour la décoracion d'icelle église, ainsi que bon leur a semblé et ont veu et voyent à leur conscience estre affaire, sans y appeler l'évêque de Treguer, ses officiers ne autres ». En effet, non–seulement on ne voit plus figurer l'autorité ecclésiastique au premier rang dans les élections subséquentes ; mais même, dès le commencement du XVIIème siècle, on voit ces élections se faire par la communauté de ville, dans le lieu ordinaire des délibérations municipales. C'est aussi à partir du XVIIème siècle que les gouverneurs de Notre-Dame commencent à ne plus agir qu'en vertu de délibérations de la communauté, dont le greffier des bourgeois leur délivre des expéditions sur timbre, qui figurent à l'appui de leurs comptes ; c'est, enfin, de ce même siècle que datent ces comptes, et je n'en trouve pas la trace dans les siècles précédents.
Un grand nombre d'altaristies et de chapellenies étaient à la présentation des gouverneurs ; mais tout n'était pas honneurs dans cette charge de procureurs de Notre–Dame. Je ne parle pas des continuels procès qu'ils étaient obligés de soutenir ; on ne connaissait point alors nos subtibilités administratives, on prenait l'homme tout d'une pièce, et je lis qu'en 1641, comme on tardait trop à solder les onze cents livres que Notre-Dame devait au roi pour droit d'amortissement, un sergent s'en alla à la ferme de Pierre Bobony, sieur de Rosmanach, alors gouverneur, et saisit deux « chavalles, » l'une en poil gris et l'autre en poil baie brun, propriété privée du pauvre gouverneur.
Il est très inutile de dire que notre église est actuellement administrée par un conseil de fabrique, semblable à tous les conseils de fabrique créés par le décret du 30 décembre 1809.
DÉCOUVERTES AMENÉES PAR LES TRAVAUX EXÉCUTÉS AUX MOIS DE JUIN, JUILLET ET AOUT 1859.
M. le Curé de Guingamp, confiant dans la générosité des pèlerins, et dans le zèle éprouvé de ses paroissiens, osait entreprendre, à lui seul, et sans demander à la Fabrique un concours impossible, de purger son église du badigeon qui la souillait depuis trop longtemps. Ce grand travail a été conduit avec une activité et une intelligence dignes de tous éloges, par M. A. Le Jolly, trésorier de la Fabrique, et l'on peut dire que Notre-Dame se révèle aujourd'hui sous un aspect tout nouveau et complètement imprévu, même de ses plus fervents admirateurs.
Néanmoins, comme je n'ai pas la prétention de tenir un livre de la nature de celui-ci au courant des modifications apportées, par le temps ou les hommes, aux monuments qu'il décrit, je n'aurais rien dit de ce qui a été fait à Notre-Dame si je n'avais eu qu'à constater l'élan admirable montré par mes compatriotes dans cette circonstance, qui a rappelé la foi et la générosité des vieux bourgeois pour leur chère église. [Note : Avant que la présente année s'achève, la voûte sera entièrement peinte : l'abside garnie de vitraux historiés ; l'autel du Rosaire remplacé ; l'autel de la Vierge terminé. Le vitrail du fond de l'abside, exécuté par M. Gsell, sur les cartons de A. Le Hénaff, est des plus beaux que nous ayons vus en Bretagne. Deux charmantes statuettes polychromes d'Ogé sont venues, depuis peu de jours, compléter la décoration de cette partie si riche de l'église].
Mais les travaux ont amené la découverte de plusieurs monuments anciens, dont je dois entretenir mes lecteurs : je veux parler du tombeau de Pierre Morel, évêque de Tréguier ; de celui de Rolland de Coatgourheden, sénéchal de Bretagne, et des autres sépultures moins importantes dont les titres seuls faisaient mention, et que l'on supposait absolument détruites. Le vandalisme, après d'atroces mutilations, s'était contenté de combler le vide de ces enfeux avec de l'argile et des gravois, et de faire passer sur le tout le niveau égalitaire du badigeon. Ce sont ces intéressants débris qui viennent d'être mis au jour. Le tombeau de Pierre Morel est situé, comme je l'avais dit, d'après les titres, à l'extrémité orientale de la chapelle Saint-Jacques. Ce prélat, selon du Paz, mourut le 3 mai 1401. Il est permis de supposer que l'érection de son tombeau suivit d'assez près son décès, et rien dans le style du monument ne dément cette supposition. La statue du défunt, en plein relief, revêtue d'habits pontificaux, mutilée et décapitée, est couchée sur le cercueil ; au fond de la labbe, un bas-relief, qui fut peint et doré, figure un évêque, sans aucun doute saint Tugdual, qui se retrouve aussi sur le sceau de Pierre Morel, et deux femmes, sans doute deux vertus familières au prélat, qui présentent le défunt, agenouillé et en habits de choeur, à la sainte Vierge, assise sur un trône et tenant l'enfant Jésus dans ses bras ; à la clef de voûte, on voit les armes, jusqu'ici inconnues, de cet évêque : d'argent au léopard de gueules. La face externe du sépulcre était ornée de statuettes en demi-relief, tellement mutilées qu'il est impossible d'y rien reconnaître. Une particularité remarquable, c'est que, dans le bas-relief du fond de la labbe, on voit des trous découpés à trois et quatre lobes, qui traversent la muraille extérieure de part en part, et donnent jour sur la rue. Je pense que ces trous devaient être garnis de petits morceaux de verre colorié, qui imitaient des incrustations de pierres précieuses. Dans l'ensemble comme dans les détails, on le voit, cet enfeu était d'une très-grande richesse.
L'enfeu de Lokmaria, au côté droit du choeur, proche l'abside, ne lui cède en rien. C'est absolument le même modèle, mais non le même ciseau : l'enfeu de Lokmaria est plus grandiose et plus riche encore que celui de Pierre Morel. Je le crois aussi plus ancien, et je pense que ce monument a été érigé à la mémoire de Rolland de Coatgourheden, sénéchal universel de Bretagne sous Charles de Blois, et l'un des plus considérables et des plus fidèles partisans de ce prince. Il est très-certainement antérieur à la construction du chevet, et dans le procès mu à cette époque, Madame Jehanne de Coatgourheden le décrivait ainsi : « Au mur assez près du dict aultier estant en la dicte chapelle, la dicte dame et ses prédecesseurs paravant elle avoint une voulte en laquelle y avoit une tombe élevée avec presentation d'homme, et sur la dicte tombe y avoit deux tymbres où estoint assises les armes de la dicte Jehanne et de ses prédecesseurs ». Cet enfeu fut conservé lors de la construction de l’abside, ainsi que le constate la transaction : « Et au regard de l'enfeu ancien d'icelle dame et ses predecesseurs, quel est au mur hors le coeur d'icelle esglise devers l'epistre et en l'endroit du pignon, quel enfeu est en manière de voulte et labbe, la dicte dame pour elle et ses hoirs en jouira, ainsi que de la vittre estant en l'endroit au dessus d'icelle voulte et en laquelle sont les armes d'icelle dame et de ses predecesseurs ». Ainsi, il est bien certain que la labbe aujourd'hui découverte est antérieure au temps où la maison de Coatgourheden de Lokmaria s'éteignit dans Du Parc, par le mariage de la dame Jehanne de Coatgourheden dont nous venons de lire les procédures, avec Guillaume Du Parc, dont elle était veuve au moment du procès. Par le fait, cette sépulture est constellée d'écussons aux armes de Coatgourheden, de gueules à la croix engreslée d'argent, et je n'y ai vu nulle part les jumelles des Du Parc. Il y a bien , au côté droit du bas-relief qui fait le fond de la labbe, un casque ayant pour cimier un coq au naturel, qui est, dans les divers armoriaux, le cimier des Du Parc ; mais, en examinant de plus près le heaume, on voit qu'il esi recouvert d'un chaperon où brille la croix dentelée, et en comparant ce timbre au sceau de Jehan de Coatgourheden en 1419 alors qu'il n'était pas question des Du Parc à Lokmaria, on voit que le coq au naturel surmonte déjà le blason des Coatgourheden, comme dans l'enfeu. D'où il faut conclure, ou que les Coatgourheden et les Du Parc avaient, dès l'origine, le même cimier, ce qui n'a rien d'impossible ; ou que les Du Parc ont emprunté le cimier des Coatgourheden, ce qui n'a rien que de très-probable. Mais j'ai ajouté que, dans mon opinion, le monument qui nous occupe était consacré à la mémoire de Rolland, sénéchal de Charles de Blois, et la plus haute illustration de la famille Coatgourheden. Ce qui me donne cette conviction, c'est la petite figurine, parfaitement intacte, qui est gravée dans la paroi orientale de l'enfeu, et qui représente un guerrier la tête ceinte d'une couronne ducale, et aussi la figure qui présente le défunt à Notre-Dame, dans le bas-relief du fond, laquelle, toute mutilée qu'elle est, laisse facilement deviner un personnage en costume noble et militaire, et même, si je ne me trompe, un personnage couronné. Je crois qu'il est impossible de voir dans la figurine couronnée autre chose que l'image de Charles de Blois ; de plus, à Guingamp, la conviction de la sainteté du pieux duc était assez populaire, pour que l'artiste ne jugeât pas impie de lui confier le soin d'introduire son sénéchal en paradis, et ce serait Charles de Blois encore que je verrais dans le présentateur du bas-relief.
Si mon sentiment est fondé, l'enfeu découvert à Guingamp aurait ce mérite de contenir la seule représentation à peu près contemporaine de Charles de Blois que nous connaissions. Sur l'épée même de la grande figure couchée sur le tombeau, on lit : Yv. Tionen. f. On pourrait croire, d'après nos habitudes modernes, que c'est là la signature du sculpteur ; mais les caractères de cette inscription, postérieurs de plus de deux siècles au monument, ne laissent pas place à la moindre illusion : il n'y faut voir que la fantaisie d'un maçon en veine d'exercer, sans rime ni raison, la pointe de son marteau.
L'enfeu des Pinart, sieurs de Cadollan, qui fournirent à Guingamp des receveurs de la seigneurie et des procureurs fiscaux, est, comme il convenait, fort modeste, en face de celui de Lokmaria : c'est une simple labbe, construite en même temps que l'abside, et qui n'avait d'autres ornements que des écussons, effacés aujourd'hui.
A côté de la porte de la sacristie, on a mis à jour un autre enfeu, dont je n'ai pas vu de titre. Il était et est encore recouvert d'une pierre où est représenté, avec un très-petit relief, dans un pinacle crêté et trilobé, un personnage revêtu d'un costume quasi monastique, qui est celui des partables ou roturiers au XIVème siècle. Cette tombe, qui n'est évidemment pas faite pour l'enfeu qu'elle recouvre, était entourée d'une inscription qui courait tout à l'entour, mais qui a été au trois quarts détruite, en brisant les bords de la pierre pour la forcer à entrer dans la labbe, trop étroite et trop peu profonde pour elle. On ne peut plus lire ou deviner que ce qui Suit : CY FVST MIS LE CORPS.... LESPICIER QUI TRESPASSA LE LVNDI AMPRES LE SA.... Ce nom de Lespicier est complètement inconnu dans nos annales : c'est pour la première fois que je le lis, et je le crois étranger à Guingamp.
Sur le plat de la pierre en caractères du commencement du XVIIème siècle, un ouvrier, contemporain d'Yves Tienen, et qui, comme lui, ne savait que faire de son marteau, a inscrit le nom de E. DVRAND. [Note : Puisque j'ai été conduit à écrire ici une sorte d'iconographie historique de Notre-Dame, je dirai un mot d'une vieille statue en bois, provenant de notre église, et conservée, depuis la Révolution, dans la famille Clech-Kerthomas. Cette statue, qui figure un homme d'armes tenant une épée nue de la main droite, posait sur un cul–de-lampe armorié du blason des Gouicquet, et tout le monde, sauf M. de Garaby, y a vu la représentation du libérateur de Guingamp, sans réfléchir à ce qu'aurait en d'absolument contraire aux canons la statue d'un particulier, même d'un héros, dans une église où n'était pas sa sépulture. Mais le titre publié par M. de Garaby, dans l'Annuaire des Côtes-du-Nord, et que nous avons nous-même imprimé à la page 66 de ce volume, ne laisse plus le moindre doute. On y lit, en effet, que parmi les ornements de l'autel de la Trinité ou de saint Denis, construit, au XVIème siècle, par Bertrand Gouyquet et Marie Chéro, sa compagne, il y avait « les images de saint Yves, d'un gentilhomme et d'un paysan, lesquelles images étoient dans leurs niches, relevées de belles sculptures, avec les armes des dits Gouyquet et Chéro ». Cette statue d'homme d'armes, bien qu'ornée du blason de Gouicquet, n'est donc pas du tout un monument de la reconnaissance des Guingampais, et ne représente pas du tout leur héros ; mais, au contraire, symbolise un mauvais riche, le fals pinvidik, contre les vexations duquel saint Yves, le grand justicier, protège l'humble et le petit, ainsi qu'on le voit figuré, en peinture et en sculpture, dans presque toutes les églises de Bretagne].
Les travaux ont enfin découvert plusieurs de ces armoises dans lesquelles les titulaires de chapelles prohibitives, ou les trésoriers des confréries, serraient les livres et les autres objets destinés au culte, dont ils avaient seuls la garde et la disposition. Ces petites cryptes elles-mêmes deviendront un ornement pour l'église, si on les ferme, comme autrefois, soit par une grille élégamment forgée, soit par des volets peints et armoriés.
Puissent ce zèle se maintenir, cette générosité s'étendre, ces travaux se continuer et s'achever, au double profit et aux doubles applaudissements de la religion et de la science !
FIGURES DES TOURS PROPOSÉES POUR NOTRE-DAME DE GUINGAMP. (J. H. S. — MA - JESUS, MARIA). « Ensuilt le devis que a faict Maistre Phelipes Beaumaner et Maistre Jéhan Hemeri en l'esglise de Notre Dame de Guingamp. Et Premier : - Item, est requis de faire la tour et que la dite tour aura de laise environ quinze pieds entre les deux murailles, par dedans. - Item, les murs de la dite tour aura seix pieds de laise. - Item, au coign devers la maison de Notre Dame [Note : La maison qui touche au portail] y aura ung pillier harboutant, faict entrangle, que le dict pillier aura depeczeur six piez et de sailliez sept piez. - Item, il y aura devers le portal et le pignon de la dite esglise y aura ung aultre pillier, que le dit pillier sera faict entrangle et se montrera hors du pignon ainsi que l'oeuvre le requiera. - Item, au coign devers la chapelle sainct Jacques se trouvera ung aultre pillier, que le dict pillier sera faict entrangle et aura depeczeur et de sailleiz autant que les dicts aultres pilliers speciffiés deparavant. - Item, est requis avoir ung vis pour servir la dite tour, que le dict vis sera mis contre le dit pillier devers sainct Jacques. - Item, le dict vis se boutera hors du pignon et mazières deux pieds, et le dict vis aura sans le noiau deux piés et demy et le dict noiau aura depeczeur environ ung espan. - Item, le dit vis sera faict, en ce qu'il sortira de la mazière par dehors, sera faict à pans. - Item, il y aura pour antrer ou dict vis par dedans ung huys, que le dict huys aura de laise deux piez et demy et de haulteur six piez. - Item, y aura davant l'antrée du dict huys une petite fenestre d'ung demy pié de laise et de haulteur comme l'euvre le requiert. - Item, la dite tour sera sousbasé d'ung bon sousbassement, pilliers et vis et tour ; que le dict sousbassement sera assuré d'une mambre (?) et d'une ancelle et ung demy ancelle (?) et ung moucher (?). - Item, est requis avoir ung demy pillier par dedans de la dite tour devers la chapelle de Monsieur sainct Jacques pour recepvoir et prandre l'arc qui sera au grant pillier. - Item, y aura ung grant pillier devers le costé de l'esglise, que le dict grant pillier recepvera les arcs du cors de la dite esglise et l'aultre arc qui attachera au pignon. - Item, y aura ung demy pillier contre le dict pignon pour recepvoir l'arc du grant pillier. - Item, le dict grant pillier aura depeczeur doze piés pour soutenir la dite tour et arcs. - Item, se levera dessus le dict grant pillier, environ là où il sortira hors de la couverture de l'esglise, ung pillier faict entre angle de la contenance des aultres pilliers des aultres coigns. - Item, les dicts pilliers seront ouvrés en plain offvraige et des dicts pilliers se tirera à tas de charge pour voultes. - Item, les dites voultes seront ouvrées de la façzon des aultres voultes. - Item, les deux pilliers du cors de l'esglise seront faict de la contenance des aultres de l'aultre costé, moienant qu'ils seront plus grant ausi que l'euvre le requiert garnis des aultiers. - Item, est requis en dessus les arcs avoir les galleries pour aller et venir de l'un tour à l'autre comme de l'aultre costé. - Item, sera tiré devers le corps de l'esglise par tas de charge pour recepvoir logive (?) et auxi devers lesle de la contenance des aultres. - Item, est requis avoir ung grant huys ouvré avecques bonnes molleures, basse et sous basse garny de deux petiz pilliers, que les dicts petiz pilliers seront lermoiez garniz de deux fiollers. - Item, se tirera des dicts deux petitz pilliers une chambralle, qu'il sera cresté, espié garni de larmier et de ung flouron. - Item, au costé destre en antrant en la dite esglise y aura ung benetier, que le dict benetier sera ouvré comme l'euvre le requiert et couvert d'ugn hancepannier. - Item, au dessus du dict grant huys et portal se levera une fenestre de la forme qu'il estoit deparavant pour emploier les dites vittres de la contenance deparavant. - Item, au quatre coings de la dite tour par dedans se tirera par tas de charge pour porter les croys, ogive et les formellez. - Item, est requis avoir ungn huys pour antrer du dict vis au premyer estaige de la dite tour, avecques une petite fenestre pour donner veffue et clerté davant l'antrée. - Item, est requis avoir des huiseries du dict vis pour antrer en la dite tour et venir par aultant qu'il sera requis. - Item, est requis en la seconde estaige de la dite tour avoir deux rans de corbeaulx pour porter les poultres et les boys des cloches et eschelles. - Item, au dessus des dicts corbeaulx par dehors se trouvera ung larmier, que le dict larmier sera conduct tout entour de la dite tour et vis pour recepvoir les fenestres qui seront sur le dict clochier. - Item, les dites fenestres dessus le dict larmier seront tirées par tablettes pour tirer et avoir les moulleures des dites fenestres. - Item, à chacun pan de la dite tour y aura deux fenestres avecques ung pillier au millieu, que les dites fenestres seront ouvrées de bonnes moulleures, savoir à chacun costé troys mambres garnis de ancelles, demy ancelles et carreaulx (?). - Item, à chacune fenestre y aura ung grant pié de laise et au pillier du millieu entre les dites fenestres y aura quatre piés de laise. - Item, les dites fenestres auront de haulteur doze piez dampuis les tablettes jusques en voultes. - Item, les dites fenestres seront garnies de troys liteaulx chacune fenestre. - Item, les dites fenestres seront voultées avecques boillons pendant pour porter pilliers, fioller et crettes garnis de leurs espis. - Item, au dessus des dites voultes se trouveront entre les fiollers et les espis se trouvera des arches aveugles, que les dites arches se conduiront jusques ès corbeaulx. - Item, la première assiette des corbeaulx sera ouvré de bonnes feillaiges et moulleures tout entour de la dite tour. - Item, y aura ung aultre assiette qui sera ouvré dugn aultre sorte de feillaige, savoir une vignette et l'aultre ou desouls des feilles de choux. - Item, y aura ung aultre assiette de tablettes, que les gargoulles seront en l'androict du dict assiette, savoir ouict gargoulles, savoir quatres sur les quatres coigns et quatres aultres au millieu des pans pour vider et getter l'eau hors des clervues. - Item, en l'androict des dites gargoulles se trouvera ung lermier, que le dict lermier sera en dessouls des dites clervues. - Item, dessus ce lermier se levera une clervue, savoir gari (galerie?) que les dicts garis seront ouvrez de bon très de compas, savoir sofflets renversés l'un sur l'aultre. - Item, les dites clervues comprins le lermier qui sera au dessus aura troys piez et demy de haulteur. - Item, au quatres coigns des dites clervues et garis se trouvera ung pillier d'ung pié depeczeur pour soutenir les dites clervues et garis. - Item, au quatres pans des dites clervues se trouvera au milieu sur les quatre gargoulles se trouvera quatre aultres pilliers pour soutenir les dites clervues. - Item, est requis tirer par dedans la dite tour les coings pour les trouver en ouict pans pour recepvoir l'oguillon ou rayz des clervues. - Item, le dict oguillon sera faict en ouict pans garnis de ouict mambres, que les dicts mambres chacun mambre aura ung demy pié depeczeur. - Item, le dict oguillon sera faict chacune assiette en forme de larmier l'un sur l'aultre environ deux doyt en forme de couverture. - Item, le dict oguillon aura de haulteur selon la laise de la tour cent dix piez. - Item, led. oguillon aura du comancement du dict oguillon troys piez depeczeur. - Item, aux quatre pans du dict oguillon se levera quatre lucarnes, que les dites lucarnes se conduiront de haulteur environ trante piez. - Item, les dites lucarnes auront de jour deux piez et demy garny d'ung meneau faisant poteau garny d'ugn liteau et formant au dessus de troys soufflets et quatre pertuys ravallez. - Item, les dites lucarnes seront gargoulées, garnies de chevrons et espis avecques ung lermier. - Item, le dict oguillon se conduira par dedans en plain jusques que les pates du dict oguillon auroinct despeczeur environ deux .... et de là se conduira jusques aux larmiers à espis. - Item, le dict oguillon sera perssé et ouvré en jour de rosses, d'aucunes des dites de six feilles et d'aultres de quatre, aultres de troys. - Item, au quatre aultres pans que les quatre lucarnes ne sont au milieu du dict oguillon, se trouvera quatre aultres lucarnes qui seront ouvrées en manière de clervues et sofflets. - Item, y aura entour le dict oguillon quatre fiolleres, que les dites fiolleres seront faict sur pillier en carré et chacune fioller aura de laise quatre piez et les dites fiollers auront de haulteur jusques aux corbeaux quinze piez. - Item, les dicts fiolliers seront garnis de deux assiettes de corbeaulx garni de liteaulx et de gourmeaulx (?). - Item, les dits corbeaulx seront ouvrés de bonnes moulleures et feillaiges et dessus les dicts corbeaulx se levera une clervue, que les dicts clervues auront de haulteur comprins leur larmiers deux piez de haulteur. - Item, se levera du millieu des dites clervues ung oguillon faict à ouict pans et ouict mambres garnis de larmiers en forme de couverture, et le dict oguillon sera perczé au jour à fonnes de haches (feuilles d'ache?) et les dicts oguillons auront de haulteur comprins leurs espis vingt piez. - Item, dessus les quatre coigns des clervues se levera quatre demy arcs quieulx atacheront es dit oguillon. - Item, se levera dessus les dicts demy arcs une fioller. - Item, les grants pilliers par dehors de la dite tour seront rechairgés là où il sera requis, garni de fioller et de lairmiers. - Item, en la dite tour devers le pignon au bas de la dite tour y aura une fenestre, que la dite fenestre aura environ troys piez et demy de laise et de haulteur ainsi que l'euvre le requera. - Item, la dite fenestre sera faicte d'ung meneau et le fourmement sera faict à troys soufflets quatre pertuis ravalés et les jambaiges seront ouffvrés de bonnes moulleures tirées des tablettes. - Item, au second estaige y aura une fenestre de deux piez de laise et quatre piez de haulteur et que la dite fenestre sera garni de bonnes moulleures. - Item, les dites fenestres seront garnis de chambranles, crettes et ung fleuron sur chacun. - Item, à chacun estaige de la dite tour par dehors y aura ung larmier offvré de bonnes moulleures et feillaiges. - Item, le carré de la dite tour d'empuis la terre jusques au placze de l'oguillon quatre vingts piez de haulteur. - Item, y aura en la dite tour ung huys pour aller de l'un en l'autre au dessus de la vitre. - Item, il y aura ung clerveue pour garnir l'alée, que le dict clervue sera garni de gargoules pour getter l'eau. - Item, le bec du pignon sera garni d'un chevffron cresté do bonnes crestes et bonnes moulleures avecques son fleuron et une croix au dessus. - Item … » (S. Ropartz, 1859).
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