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LA MILICE BOURGEOISE A HÉDÉ

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Les Milices étaient fort anciennes. Dès l'époque romaine, il en existait dans les villes du Midi de la Gaule ; plus tard, les Communes affranchies en instituèrent, pour défendre leurs libertés, dont le rôle au Moyen-Age fut quelquefois d'une grande importance : mais ce n'est point d'elles qu'il s'agit ici ; notre but est plus modeste et nous voulons nous occuper seulement de la Milice Bourgeoise de la petite ville de Hédé, dont l'origine probable doit remonter, croyons-nous, au milieu du XVème siècle.

Le vassal roturier devait, en cas de besoin, suivre son seigneur à la guerre, défendre son château derrière les murailles duquel il trouvait abri et protection pour lui-même et sa famille.

Le vassal noble, à son tour, en échange de sa terre et des privilèges qui y étaient attachés, était tenu au service militaire. Il avait envers son suzerain les mêmes obligations que le vassal roturier envers lui-même et devait, non seulement accourir en personne à son appel, mais encore lui amener, de ses vassaux entretenus à ses frais, un nombre déterminé proportionnel à l'importance de sa seigneurie et de sa fortune. C'est ainsi que nous voyons, à la fin du XIIème siècle, Geoffroy de Montfort, seigneur de Hédé, en défendre le château pour le duc de Bretagne contre le roi d'Angleterre, Henri II.

Mais le nombre des nobles était restreint, le service auquel ils étaient obligés était limité à certaines époques et à quelques jours seulement, leurs ressources étaient trop faibles pour pouvoir suffire longtemps à leur entretien et à celui de leurs hommes et, lorsque les guerres devinrent plus longues et les armées plus nombreuses, il fallut bien chercher d'autres moyens d'augmenter le nombre des soldats.

Le Duc, d'abord, pour avoir sa noblesse longtemps à sa disposition et lui permettre de se consacrer entièrement au métier des armes, la plaça sous les ordres de Capitaines choisis par lui, en la prenant à sa solde et en mettant tous les frais au compte du Trésor.

En outre, comme les nobles riches servaient à cheval et qu'on manquait surtout d'infanterie et de gens de pied, le Duc autorisa ces Capitaines à enrôler des volontaires pour en faire des Archers, des Coustilliers, etc., ainsi que nous le voyons dans les nombreuses Montres du XIVème siècle [Note : V. Dom Morice, Preuves de l'histoire de Bretagne].

On eut alors ces armées soldées et, pour ainsi dire, permanentes, qui, pendant trente ans que dura la guerre de succession entre les Blois et les Montfort, luttèrent avec tant de courage.

C'était une grande amélioration, mais qui devint bientôt insuffisante.

N'ayant plus rien à faire chez eux après la pacification qui avait consacré la victoire de Jean de Montfort, les Bretons, ne trouvant plus dans leur pays l'emploi de leur épée et de leur courage, se retournaient contre l'ennemi héréditaire et allaient chercher l'Anglais partout où ils avaient des chances de le rencontrer. C'est pour cette raison que nous voyons dans les conseils et dans les armées du Dauphin de France, Tanneguy du Châtel, Richemont, le futur Connétable, frère de Jean V, et tant d'autres. Jean V, lui-même, lui amène une armée de six mille Bretons qui, si elle était arrivée à temps, aurait peut-être changé en une victoire le terrible massacre d'Azincourt.

Seulement ces expéditions lointaines avaient le grave inconvénient de retirer des forces à la défense du pays en lui enlevant ses meilleurs soldats. « Les levées de gens de guerre que le Conestable (Richemont) faisoit en Bretagne, nous dit le Père Daniel [Note : Histoire de la Milice française, t. I, livre XVI, p. 565], auroient pu affaiblir le païs et le laisser ouvert aux Anglois ». Il était nécessaire d'y chercher remède et, ce remède, le duc Jean V le trouva en s'efforçant de créer, par l'établissement des Milices Communales, qui, en constituant une véritable armée nationale, permit la suppression, au moins en grande partie, de ces compagnies de mercenaires et de routiers qui coûtaient fort cher, auxquels on était obligé de s'adresser, véritables ramassis d'aventuriers sans patrie vivant de pillage et ruinant les campagnes, et de la fidélité desquels on n'était jamais certain. Cette idée était si heureuse et semblait si pratique que, vingt-deux ans plus tard, après en avoir pu constater les bons résultats, le roi de France, Charles VII, la faisait sienne, en fondant, sur le même modèle, par son édit donné à Montils-lès-Tours en 1448, ses compagnies de Francs-Archers et de Francs-Voulgiers.

Le mandement du duc Jean V est donné à Nantes et daté du 20 mars 1425 (1426) [Note : La fête de Pâques se trouvant en 1425 le 8 avril seulement, la date du Mandement doit être avancée d'une année et c'est, en réalité, 20 mars 1426 qu'il faut lire].

« Jehan... à touz.... salut. Comme chascun prince et sgr doye estre songneux et entantiffz à la garde et deffense de la seignorie qui de Dieu lui est commise, affin que pour deffault de y veiller ne soit par ses ennemis sourprins, Et soit ainsin que ceulx qui vouldroint nuyre et porter grévance à nostre pays et duché s'ilz savoint nostred. pays entre despourveu de gens de deffence, Pour ceste cause, affin de résister, o l'aide de Dieu, à ceulx qui nuysance porter y vouldroint, avons voulu et ordrenné par déliberation de nostre conseill... que des gens de commun de nostre pays et duché, en oultre les nobles, se mectent en apparoill promptement et sens délay... Savoir est : de chacusne parroesse trois ou quatre, cinq ou seix, ou plus (ou mains) sellon le grant et quallité de la parroesse... et que ce soint des plus propices et convenables... pour la deffence du pays ; lesquelx ainsin choaisiz et esleuz soint garnis d'armes et abillemens qui ensuivent, quelx, les fabriquors de chascune parroesse seront tenuz faire quérir aux despans d'icelle, savoir est : Ceulx qui sauront tirer de l'arc, qu'ils aint arc, trousse, cappeline [Note : Chapeau en fer en forme de bombe avec rebords], coustille [Note : Coustille ou langue de bœuf, couteau ou épée à lame assez courte, à deux tranchants, large au talon et très pointue, avec poignée convexe ; espèce de longue dague], hache ou maill de plon [Note : Maillet ou marteau de plomb], et soint armez de fors Jacques [Note : Vêtement serré couvrant le torse, les bras et le ventre, garni de mailles ou chaînons de fer], garniz de laisches [Note : Lames ou plaques minces de fer que l'on plaçait entre la doublure et l'étoffe du vêtement], chesnes [Note : Chaînons en fer] ou mailles pour couvrir les braz et ceulx qui ne sauront tirer de l'arc, qu'ils soint armez de Jacques et aint cappelines, coustilles, haches ou vouges [Note : C'était au XVème siècle un fort couteau long de 0m 60, tranchant d'un seul côté, emmanché au bout d'une hampe de 1m 80 à 2 métres] et avecques ce aint paviers [Note : Pavois, boucliers] de tramble ou autre boais plus convenable qu'ils pourront trouver et soint les paviers longs à couvrir hault et bas ; lesquelx paviers et abillemens, yceux fabriquors, aux despans des parroesses, seront tenuz meictre en lieu sceur et les garder sceurement pour s'en aider quand mestier sera ».

Le duc a trouvé des hommes qui ne lui coûtent rien puisqu'ils sont armés par les paroisses, mais il faut en faire des soldats et, pour y arriver, il les autorise à s'exercer, mais seulement au tir. « Comme autresfoiz nous ayons deffandu touz jeuz, sauff d'arc ou d'arbailestre, uncores de présent nous le deffandons sur paine de soixante soubz d'amende... ».

Enfin, à ces hommes qui sont dérangés pour les exercices, pour « venir touz prestz et appareillez ès lieux que par la bannie... leur sera fait savoir », qui peuvent être appelés au loin d'un moment à l'autre, pour les « guetz et falloz estre faiz sur les coustieres de nostre pays, ès marches des annemis... » il était dû un dédommagement. Jean V ne l'oublie pas « et, dit-il, ad ce que plus courageusement ceulx qui seront esleuz servent quant la nécessité en sera, voulons et nous plaist qu'ils soint francs et exanps de guetz et de tailles et les en franchiczons et examptons, notre bon plaisir durant... » [Note : Extrait des Mandements de Jean V, par René Blanchard. (Archives de Bretagne, t. VI, p. 150, n° 1622)].

Cette ordonnance étant générale et applicable à toute la Bretagne, il n'y avait pas de raisons, bien au contraire, comme nous allons le voir, pour que Hédé fut dispensée d'y obéir.

Dom Morice [Note : Preuves de l'Histoire de Bretagne, t. II, col. 1514] nous ayant conservé la « montre du nombre de Gens d'armes et de trait de la charge de messire Pierre de la Marzelière (Capitaine) estans au château de Hédé en garnison pour la tuicion et garde dudit lieu, » du 6 novembre 1449, nous y voyons qu'elle se composait de quatre Hommes d'armes et de dix Archers. C'était bien peu pour garder, non seulement la forteresse, mais encore la ville qui n'avait pour protection qu'une ceinture de douves. Il est bien évident que ces quatorze personnages entretenus et soldés par le duc, appartenant tous à la noblesse des environs, n'étaient que les officiers et sous-officiers, si l'on peut parler ainsi, sous les ordres desquels étaient placés les habitants et les gens des campagnes voisines.

Ville ducale dont tous les habitants devaient le service pour la garde du château qui les protégeait et qui jouissaient déjà, depuis la fin du siècle précédent au moins, de franchises et d'exemptions plus considérables que celles que Jean V accordait à se francs-archers, importante par sa Sénéchaussée, Hédé semblait être appelée à fournir un plus grand nombre de soldats que les simples paroisses rurales.

Comme il est dit dans le mandement que les commissaires pouvaient prendre plus ou moins d'élus, non seulement d'après et le « grant » mais encore « la quallité de la parroesse, » il est à croire que les levées faites dans la ville, sans y ajouter celles des autres paroisses de la seigneurie qui avaient les mêmes devoirs, mais jointes seulement à celles de Bâzouges, sa paroisse, et de Saint-Symphorien qui, toutes deux, l'enserraient de tous côtés et n'en étaient que les faubourgs, devaient être en nombre suffisant pour former une compagnie sous les ordres du capitaine ou du lieutenant du château, chargés de son instruction, ou peut-être des Bourgeois eux-mêmes qui comptaient déjà à cette époque [Note : « Car ainsi nous plaist et de grâce especial... avons octroyé et octroions et de ces présantes o relacion de trois ou quatre de plus autenticques bourgeois dudict lieu d'en avoir jouy vauldront de ce garant et descharge..... ». Mandement de confirmation de franchises donné aux habitants de Hédé par le duc Jean V, en date du 22 février 1435 (1436)], dans laquelle le Duc pouvait trouver, selon ses besoins, des recrues exercées et expérimentées pour son armée ou des défenseurs pour la citadelle.

Nous croyons que c'est ainsi que cela dut se passer et que c'est, vraisemblablement, là qu'il faut chercher l'origine et la première organisation de la Milice Bourgeoise de Hédé.

Si l'on veut bien admettre cette hypothèse, il faut attendre ensuite pendant deux siècles et demi pour trouver des documents certains concernant la Milice Bourgeoise à Hédé.

Louis XIV, toujours à court d'argent, après avoir créé des Offices de tous genres dans la magistrature, les finances, l'administration des villes... et qu'il vendait pour remplir ses coffres, se retourna vers les Milices bourgeoises et, par son édit de mars 1694, y institua des Offices héréditaires de Colonels, Majors, Capitaines et Lieutenants des Bourgeois, dans toutes les villes fermées.

Prenant prétexte du bien public, il déclare qu'il « veut régler les fonctions de Capitaine des villes et remplir ces charges de personnes capables qui puissent discipliner les Bourgeois….. ; que les officiers ayant été nommés ou élus jusqu'à présent par les Maires et les Échevins..., il est arrivé souvent que la faveur et les brigues ont eu plus de part à ces élections que la considération que l'on devait avoir pour ceux qui le méritaient davantage ». En conséquence, il crée « à titre d'Offices héréditaires des colonels, majors, capitaines et lieutenants des Bourgeois dans toutes les villes et bourgs fermés du royaume » et leur attribue « tous les avantages qui peuvent les distinguer et les attacher plus fortement à son service... ».

« Il sera pourvu auxdits Offices ceux de nos sujets les plus expérimengtés, soit qu'ils soient gentils-hommes ou Officiers de nos Cours, Sièges et Juridictions, Bourgeois ou Marchands ».

La création de ces Offices n'était, en réalité, que celle d'un nouvel impôt qui devait se prélever surtout sur la vanité, mais pour que celui-ci eut un effet utile, il était nécessaire de le faire porter sur le plus de contribuables possible. C'est pour cette raison, sans doute, que Hédé, quoique son château eut été démantelé depuis plus d'un siècle, peut-être sous le prétexte que les fossés qui l'avaient entouré autrefois n'étaient pas encore entièrement comblés, et, peut-être aussi, à, cause de son titre de Ville royale, se vit attribuer le privilège peu enviable d'être classée parmi les villes fortifiées et d'être appelée à le subir.

Ces offices étaient d'un prix assez élevé, si l'on en juge par celui de Major qui était estimé valoir 4,000 liv., mais, en revanche, ils donnaient droit à certains avantages et à certains privilèges. Les possesseurs de ces offices « seront appelés et auront voix délibérative aux assemblées des Hôtels de Ville... lorsqu'il sera question de l'élection des Enseignes et Sergents, comme aussi lorsqu'il s'agira de délibérer sur les entrées et autres cérémonies publiques. Ils peuvent être élus Echevins et autres charges publiques... Ils sont exemptés et déchargés du service du ban et de l'arrière-ban et contributions à iceux, du droit de franc-fief, du logement des gens de guerre et ustensils et de toutes autres charges de ville de leur résidence, même de tutelle, curatelle, nomination d'icelle, commission de syndic, sequestre, collecte de taille et du sel et autres impositions ».

Si dans les grandes villes il pouvait se trouver assez facilement des gens riches disposés à payer ces offices pour profiter des honneurs et des privilèges qui y étaient attachés, il n'en était pas de même dans les petites où les fortunes étaient rares.

Cependant le Trésor était vide et il fallait absolument le remplir. Le roi ordonna, comme il l'avait fait pour les autres offices précédemment créés, que, là où il ne se présenterait pas d'acquéreurs de bonne volonté, la charge retomberait sur les Communautés qui durent en faire la finance. Ce n'était plus un impôt volontaire, mais un impôt forcé.

Ce fut le sort de Hédé qui, bien malgré elle, devint propriétaire de ces offices. La ville paya et, le 25, octobre 1705, reçut quittance « de finance et de confirmation d'hérédité des Offices de Colonel, Major, Capitaine et Lieutenant de Bourgeoisie » [Note : Inventaire des Archives de la Communauté de ville de Hédé fait le 14 juillet 1772. (Arch. départ. d'Ille-et-Vilaine, Reg. du Greffe de la Sénéchaussée de Hédé). Cet inventaire fait seulement mention de la quittance, mais n'indique pas la somme versée]. En même temps la Communauté en recevait une autre de la somme « de deux cent cinquante livres pour les deux sous par livre portées en ladite quittance de confirmation d'hérédité ».

Quelle somme la ville a-t-elle versée pour cette acquisition ? Nous l'ignorons, mais les 250 liv. de décimes ou deux sous par livre sembleraient indiquer qu'elle n'aurait été que de 2,500 liv.

Ce chiffre paraît bien peu élevé pour tous ces Offices lorsque nous avons vu celui de Major, seul, estimé 4,000 livres. Il ne serait pas étonnant, cependant, qu'il fut le vrai.

La situation financière de chacune des villes imposées était évidemment très dissemblable. Les villes peuplées et riches n'avaient que peu à s'en préoccuper, puisque c'étaient souvent des particuliers qui payaient pour elles en achetant leurs charges, mais pour les petites, au contraire, cette dépense était un lourd fardeau qui s'aggravait continuellement par la création de nouveaux Offices de tous genres qu'il fallait encore racheter, retombant sur un budget déjà insuffisant et qui écrasait les habitants. Aussi dut-il y avoir, vraisemblablement, des tarifs différents proportionnels aux ressources de chacune d'elles, mais cela ne suffisait pas. Toutes ces petites villes, arguant de leur pauvreté, résistaient et refusaient de payer, adressaient des requêtes, et le Roi, ayant besoin d'argent, plutôt que de perdre le tout, « modérait » ses prétentions.

Hédé n'avait pour toutes ressources que le produit de ses octrois presque toujours inférieur à ses charges. Déjà elle avait été obligée d'acquérir divers offices : conseiller procureur des villes et communautés, greffier des communautés, garde-scel de la communauté, etc., etc. Nous trouvons, en effet, dans les comptes de ses miseurs de cette époque (1703-1705) qu'il lui faut payer :

Au Procureur du roi de la Communauté, pour ses gages : 150 liv.
Au Greffier de la Communauté : 90 liv.
Pour la suppression des essayeurs d'eau-de-vie : 44 liv.
Pour la suppression de l'hérédité des offices de milice bourgeoise : 305 liv.
Pour la suppression de l'office de Receveur des deniers patrimoniaux : 20 liv.
Enfin, pour un voyage du comptable pour obtenir modération de la somme de 500 liv. à quoi la Communauté a été taxée pour la suppression de l'office de Contrôleur des octrois [Note : Comptes des Miseurs pour 1703-1705] : 20 liv.

Mais ces comptes ne disent pas tout.

Dans une requête adressée cette même année (1704) à M. de Bechameil, marquis de Nointel, Commissaire du roi en Bretagne, pour lui demander d'être autorisée à continuer d'augmenter ses octrois d'un tiers afin d'arriver à payer tout ce qu'on lui réclame, la Communauté en fait le détail : « A Monsieur Duchange [Note : Pour arriver à recevoir. son argent plus promptement, le Roi mettait en adjudication les Offices, en bloc, au plus offrant ; l'adjudicataire avançait les fonds et se remboursait en les vendant en détail], pour les patrimoniaux, 440 liv. ; à Monsieur Ganeau, pour l'hérédité, 247 liv. 10 s. ; pour les contrôleurs des octrois, 275 liv. ; pour l'office de lieutenant de maire, 385 liv. ; à Monsieur Le Moyne, pour l'office du contrôleur du greffe de l'Hôtel de Ville, 220 liv. [Note : Archives départementales d'Ille-et-Vilaine, C, 798], etc., qui monte avec les deux sous pour livres à 2,287 liv., dont elle n'a pas le premier denier.

Aussi la Communauté résiste-t-elle le plus qu'elle peut. Elle n'a pas besoin de l'Office de Colonel ; elle n'en a besoin d’aucun ; sa Milice marchait fort bien avec ses anciens Officiers qu'elle avait élus elle-même ; en outre, ses habitants sont pauvres, ses charges ordinaires sont telles que son budget ne peut y suffire et qu'elle est dans l'impossibilité de payer tout ce qu'on exige d'elle. Nous la voyons envoyer à Rennes un comptable pour demander « modération » des taxes auxquelles on l'impose et il n'est pas étonnant, par suite de toutes ces considérations, que les sommes exigées de Hédé aient été considérablement « modérées ».

Qu'était la Milice Bourgeoise de Hédé au moment de la création des Offices, c’est-à-dire à la fin du XVIIème siècle ?

En raison du petit nombre des habitants de la ville, elle ne formait qu'une compagnie, composée, y compris les cadres, d'environ cinquante hommes. Ces cadres comprenaient trois officiers : Capitaine, Lieutenant, Enseigne porte-drapeau, avec deux sergents, trois caporaux et trois anspessades. Le grade de colonel était inutile pour une si petite compagnie et fut réservé par la Communauté pour son Maire, à titre honorifique.

La Communauté nommait en toute liberté, au scrutin secret, le Capitaine et le Lieutenant, ce qui était naturel, puisqu'elle en avait payé les offices, mais, pour être valables et avoir tout leur effet, ces nominations devaient être approuvées et confirmées par le Gouverneur de la Province.

L'enseigne et les sous-officiers : sergents et caporaux, étaient aussi désignés par la Communauté sans qu'il y eût besoin d'autre sanction, et nous la verrons même, plus tard, en laisser le choix aux officiers.

Quant aux hommes qui la composaient, à ses obligations, au rôle qu'elle avait à remplir, l'Edit de création des offices va nous les faire connaitre.

Les acquéreurs des Offices « pourront... lorsqu'il en sera besoin et, au moins, quatre fois l'année, assembler les Bourgeois... qui se trouveront en état de porter les armes, depuis l'âge de dix-huit ans jusqu'à soixante, leur faire faire l'exercice du mousquet, fusil et autres armes, les mener... au guet, garde, assemblées et cérémonies publiques, suivant les usages des lieux, et toutes les fois qu'ils en recevront l'ordre par le Gouverneur de la Province, ceux des villes de leur établissement... et par les Maires... quand le cas le requérera ».

La Milice du XVIIème siècle, quoique la continuation de celle du XIVème, présentait avec celle-ci de grandes différences. Elle n'avait plus de château à défendre, les guerres civiles étaient éteintes, le pays tranquille et, tout au plus, était-elle chargée, au moins en temps ordinaire, de faire le guet, c'est-à-dire la garde et la police de la ville, de prêter main-forte à la Cour contre les malfaiteurs, d'accompagner les Echevins et la Communauté dans les grandes cérémonies et d'aller au-devant des hauts personnages de passage. Aussi la ville n'avait-elle plus à se préoccuper de fournir aux miliciens ni cappelines, ni jacques de mailles, ni arcs, ni coustilles, ni vouges.

Que si, cependant, en voyant le tableau de ces obligations de la Milice Bourgeoise de Hédé qui, heureusement, étaient celles qu'elle avait à remplir le plus généralement, on s'imaginait qu'elle n'était qu'une institution sédentaire et pacifique, bonne seulement pour la parade et pour faire parler la poudre dans les réjouissances publiques, on commettrait une grave erreur, car, en cas de danger, elle pouvait être mobilisée et appelée au loin, comme nous aurons occasion de le voir, à faire un service actif et beaucoup plus sérieux en défendant le sol de la patrie contre l'envahisseur.

A la fin du XVIIème siècle et au commencement du XVIIIème, la France était attaquée de tous côtés et résistait avec peine. Le long des côtes de Bretagne rôdait l'Anglais, l'ennemi héréditaire, qui cherchait, selon son habitude, à y prendre pied et à y faire le plus de mal possible. En 1693, il avait essayé de faire sauter, au moyen d'une machine infernale, les murailles de Saint-Malo et, deux ans plus tard, en 1695, sa flotte réunie à celle des Hollandais venait jeter des bombes dans la ville.

Pour résister à ces attaques, on avait bien organisé les habitants de chacun des petits bourgs voisins de la mer en compagnies sous les ordres du Capitaine de la paroisse, mais ces Milices Gardes-côtes pouvaient être insuffisantes et il était nécessaire d'avoir en deuxième ligne d'autres troupes pour les appuyer et les soutenir. Ces réserves, on les trouva dans les Milices Bourgeoises des villes, qui devaient se tenir prêtes à répondre au premier appel du Commissaire des guerres.

La Milice Bourgeoise de Hédé comptait dans ces réserves, ainsi que nous l'apprend une requête adressée par la Communauté de ville à l'Intendant de Bretagne le 22 août 1743.

Du reste, il n'était pas besoin de cette affirmation, car nous allons voir que, longtemps avant cette date et à plusieurs reprises, elle fut appelée à marcher et à remplir son devoir.

Tous les hommes valides de dix-huit à soixante ans devaient le service de la Milice, mais comme, en réalité, il y en avait plus qu'il n'était besoin, une partie seulement était enrôlée.

Après avoir éliminé tous les incapables ou ceux qui pouvaient présenter un motif d'excuse valable, on prenait tout d'abord les volontaires, les anciens soldats, puis les célibataires et les veufs, enfin, pour le reste, on choisissait parmi les hommes mariés ceux qui présentaient le plus d'aptitudes ou pour lesquels la charge paraissait devoir être moins lourde.

Les fusiliers se recrutaient parmi les commerçants, les gens de métier, les petits patrons. Les officiers étaient pris, en général, dans la bourgeoisie qui touchait à la Cour, les Avocats, Notaires, etc.

Pour que la Milice fut apte à faire un service véritablement utile, il était nécessaire de l'y préparer et c'est pourquoi l'Edit autorise les officiers à réunir les Bourgeois tout au moins quatre fois l'an, pour apprendre l'exercice « du mousquet, fusil, etc. ».

Quatre réunions seulement par an, fussent-elles même d'une journée tout entière, il semble que c'est un temps bien court pour faire un soldat, mais il n'était pas besoin pour nos miliciens d'une bien grande instruction militaire et ce qu'on leur demandait surtout, c'était un peu de discipline et savoir se servir de leurs armes ; d'autre part, Louis XIV, en créant ou plutôt en s'emparant, en 1690, des grades des Milices Bourgeoises pour les vendre comme Offices héréditaires à son profit, n'avait point créé ces milices elles-mêmes qui existaient longtemps avant son édit, et qui contenaient nombre d'anciens soldats et, par conséquent, étaient déjà exercées.

Du reste, ces quatre jours de réunion n'étaient qu'un minimum, et les officiers avaient tout droit d'assembler leurs hommes « lorsqu'il en sera besoin, » par exemple dans le cas de l'arrivée de nouvelles recrues à instruire, de la préparation à une expédition ou pour tout autre cause utile.

Donc, quatre fois l'an, nous ne saurions dire à quelle époque, mais, vraisemblablement, pendant la belle saison et le dimanche, de préférence, pour ne point empiéter sur les jours de travail, afin de ne pas laisser perdre aux miliciens leur petite science militaire, et, en outre des autres assemblées, plus ou moins de parade, que pouvaient ordonner la Communauté de ville, le Maire ou les autres ayant-droits pour les cérémonies et fêtes publiques, les Officiers avaient devoir strict, d'après les conditions même de l'Edit royal, de convoquer leurs hommes pour s'occuper de leur instruction.

Le rassemblement se faisait sur la place de l'Hôtel-de-Ville ; c'est là du moins que la Compagnie de la Milice, chaque fois qu'elle était appelée par elles, venait prendre les autorités et leur faisait cortège ; il n'y en avait pas, du reste, d'autre possible.

Chacun se présentait, sauf les Officiers qui devaient avoir une tenue spéciale et les marques distinctives de leur grade, dans son costume habituel, car l'uniforme, si quelques grandes villes qui équipaient leurs soldats pouvaient s'en payer le luxe, devait être bien rare dans les petites villes comme Hédé, et rien, sauf peut-être une cocarde, ne permettait de distinguer un Milicien d'un autre Bourgeois.

On apportait avec soi, à défaut d'arme de guerre, son fusil de chasse quand on en avait, parce que personne n'en fournissait, et si l'on n'en possédait pas, il fallait emprunter celui d'un voisin.

Il eut semblé naturel que le gouvernement, lorsqu'il appelait la Milice à son service, lui fournit, au moins, les armes indispensables pour combattre l'ennemi contre lequel on l'envoyait et se défendre, mais il n'en était point ainsi et le roi ne laissait ouvrir les magasins de ses arsenaux que pour l'armée proprement dite. Aussi, lorsque, quelques années plus tard, la Communauté reçut du Commissaire des guerres l'ordre de tenir ses milices prêtes à partir, elle ne songea pas, dans sa réponse, en lui déclarant qu'un certain nombre de fusils manquaient, à lui en demander, ce qu'elle savait devoir être inutile, mais seulement à étré autorisée à en réquisitionner partout où elle pourrait en trouver.

Quand l'appel était terminé et les hommes bien alignés, les officiers trouvant la place insuffisante pour la facilité des manœuvres, par suite du nombre des monuments qui l'encombraient : auditoire et hôtel de ville, prisons, halles, les emmenaient, vraisemblablement, à quelques pas plus loin, dans ces vastes terrains qui, autrefois, avaient été les Bailes du château.

Encore mal nivelés, à cette époque, en partie recouverts de broussailles, coupés par les anciens fossés à moitié comblés et remplis d'énormes blocs de maçonnerie, débris des anciennes murailles découronnées éparpillés à leur pied, ils servaient cependant à la Compagnie des Chevaliers du Papegault pour le tir de l'oiseau, aux feux de joie allumés en certains jours, et laissaient encore un espace libre assez grand pour pouvoir être employé aux exercices de la Milice.

Cet endroit présentait, en outre, cet avantage que, au contraire de la place, il était complètement isolé de toute habitation. Il n'y avait là aucun cabaret tenu par un ami, par un milicien peut-être, tentation bien forte pour des gens habitués à se reposer le dimanche, écueil bien dangereux sur lequel avait toutes chances de venir sombrer la discipline facile de la Milice Bourgeoise.

Du reste, à toutes ces réunions, au moins en temps de paix, pourvu que l'effectif de la Compagnie fut à peu près au complet, on ne se montrait pas trop exigeant sur le service personnel et si quelque milicien, soit par raison de santé ou d'affaires, ou tout autre motif admis, était défaillant, il obtenait facilement de se faire remplacer, le père par son fils, les autres par un voisin ou ami.

La première fois que nous entendons parler de la Milice Bourgeoise de Hédé, nous la trouvons en service actif.

Leurs deux tentatives infructueuses de bombardement de Saint-Malo, en 1693 et 1695, n'avaient point découragé les Anglais. Ne pouvant espérer de s'emparer de la ville ni de la détruire, ils jetaient des soldats sur les côtes voisines pour essayer de l'affamer en ravageant les campagnes environnantes et, en la tournant, d'aller brûler la flotte des nombreux et vaillants corsaires [Note : « Ces deux attaques (1693 et 1695) ne ralentirent pas l'ardeur des Malouins à poursuivre partout leurs fiers ennemis, dont les dépouilles les enrichirent. Dans une seule guerre, ils prirent plus de 1.500 vaisseaux dont plusieurs étaient chargés d'or, d'argent, de pierreries et autres effets précieux, sans compter un nombre considérable de bâtiments qu’ils brûlèrent » (Pol de Courcy, Itinéraire de Rennes à Saint-Malo)], réfugiés dans son port, sous Solidor et dans les baies des rives de la Rance, qui lui faisaient, avec tant de succès, une guerre acharnée et ruinaient son commerce.

C'est, sans doute, pour déjouer une semblable tentative que, le 4 juillet 1702, la compagnie de Milice Bourgeoise de Hédé partit, sous le commandement du Capitaine Hervoches et du Lieutenant Breillu, pour Dinan où elle cantonna. Elle y séjourna pendant six semaines et ce ne fut que le 12 août qu'elle reprit le chemin de ses foyers. Il fut payé, d'après les quittances des officiers, « pour entretien et subsistances des dites milices, » une somme de 396 liv. 7 s. [Note : Arch. départ. d'Ille-et-Vil., Commission intermédiaire].

En 1706, une nouvelle expédition eut lieu, non plus à Dinan, mais toujours sur la Rance. La Milice de Hédé fut cantonnée, cette fois, à Pleudihen avec les autres compagnies appelées pour « la défense de Saint-Malo ». Cette expédition fut un peu plus longue que la précédente et dura du 25 juillet au 25 août, c'est-à-dire exactement deux mois.

Il y avait à peine dix-huit mois que les Miliciens de Hédé étaient revenus de Pleudihen et avaient repris leurs occupations pacifiques, qu'il leur fallut repartir.

En 1708, l'ennemi, toujours le même, semblait plus menaçant que jamais, car on jugea nécessaire de mobiliser toutes les compagnies de Milice Bourgeoise dans un rayon très étendu et jusqu'à la limite de la Normandie et c'est ainsi que nous voyons figurer dans les comptes de M. J.-J. Michau de Montoran, trésorier des Etats, en même temps que celle de Hédé, celles des villes de Rennes, Saint- Aubin-du-Cormier, Montfort, Vitré, La Guerche, Fougères, Antrain, Bazouges, Combourg., Lamballe et Jugon, venues établir leurs quartiers autour de Saint-Malo.

La campagne, cette fois, fut longue. La Milice de Hédé vint prendre ses cantonnements dans les premiers jours d'août et n'en repartit que le 13 ou le 14 décembre. Pendant cinq longs mois, dont deux d'hiver, les Miliciens de Hédé avaient dû abandonner leurs familles et leurs travaux pour se porter au secours du pays. Le rôle du soldat des Milices Bourgeoises n'était donc pas, ainsi qu'on le voit, une sinécure, mais comportait souvent, au contraire, beaucoup de fatigues et de dévouement.

Le résultat de ces mobilisations compensait-il, au moins, au point de vue de l'intérêt général, les graves inconvénients qu'elles apportaient aux intérêts des particuliers ? Nous croyons pouvoir répondre oui.

En raison de l'insuffisance de l'armée qui, du reste, était entièrement occupée aux frontières, la côte restait découverte et exposée aux attaques et aux incursions de la flotte anglaise toujours en éveil et prête à profiter de la plus légère négligence. On n'en pouvait mieux confier la défense qu'aux intéressés eux-mêmes, c'est-à-dire aux riverains, et l'organisation des Milices Gardes-Côtes et des Milices Bourgeoises des villes voisines en une seule main et sous un seul commandement pour un but commun avait été une idée intelligente et féconde qui, de forces impuissantes dans leur isolement, arrivait, par leur réunion et leur cohésion, à former une masse et un ensemble, n'ayant pas, sans doute, la solidité de l'armée professionnelle, mais n'en donnant pas moins à réfléchir. C'est ainsi que pendant la période où eurent lieu les trois expéditions auxquelles nous avons vu les Miliciens de Hédé prendre part, la chronique malouine ne signale aucune bataille, ni même une simple rencontre, parce qu'il est vraisemblable que la présence de ces cantonnements, qu'ils n'ignoraient pas, avait fait comprendre aux Anglais qu'ils trouveraient à qui parler et avait suffi pour les faire tenir tranquilles et épargner au pays les horreurs des déprédations, des incendies et des pillages habituels.

Le premier commandant connu de la Milice de Hédé est M. Sébastien Hervoches. En 1703, dans l'acte de baptême de son fils, Jean-François, on lui donne le titre de Capitaine-Major de la ville de Hédé et, en 1706, sa femme, marraine avec n. h. François Breillu, Lieutenant de la Compagnie, est dite femme du « Capitaine des Milices Bourgeoises ».

Noble homme Sébastien Hervoches, sieur de la Ville-Allée, appartenait à une famille établie à Hédé assez récemment. Né en 1678 de n. h. Sébastien Hervoches, sieur du Petit-Bourg, Syndic de la Communauté de Ville en 1677, et de dame Jeanne du Murier, il avait eu pour parrain et marraine Messire Julien Beschard, seigneur de la Chatière, et dame Sébastienne Guézille, épouse de messire Jean Beschard, seigneur de la Gonzée, Procureur du Roi au Siège de Hédé, Sénéchal des juridictions de Bazouges, Bon-Espoir, le Châtellier, la Crozille, Le Bois-Orcant, et Syndic de la Communauté comme l'avait été son père ; il avait épousé, à la fin de 1697, demoiselle Jeanne Regnault ou de Regnault, dont il eut plusieurs enfants.

Nous l'avons vu trois fois conduisant sa compagnie au secours de Saint-Malo, les deux premières avec M. François Breillu [Note : N. h. François Breillu, sieur du Chesne-Gaudin, fils de n. h. Jean, sieur des Rues, notaire royal et greffier de la juridiction de la Guerche, au bailliage de Hédé, et de demoiselle Tristane Hardy, naquit en 1669. Marié en 1694 à demoiselle Michelle Harand, dame de la Paviais, il mourut en 1708] comme lieutenant, et la troisième avec M. Jean-Marc Robiou. Il mourut en 1725 et fut inhumé dans l'église de Hédé, dans son enfeu de la Ville-Allée.

A partir de cette époque, c'est dans les Registres des délibérations de la Communauté de Ville que nous allons rencontrer, presque exclusivement, les quelques renseignements qui nous permettront de continuer notre étude sur la Milice Bourgeoise de Hédé. Ces registres, malheureusement, ne remontent qu'à l'année 1739 et c'est avec les éléments rares et de minime importance que nous y glanerons et en relevant tout ce qui semblera présenter quelque intérêt pour les habitants du pays que nous essayerons d'en faire une chronique au jour le jour.

Après les expéditions dont il a été question plus haut, le rôle de la Milice, sauf dans un cas dont nous parlerons, est devenu celui d'une Milice sédentaire. Lorsque les Miliciens se réuniront, ce ne sera plus que pour prendre part, avec leurs concitoyens, aux fêtes publiques et aux événements officiels et inattendus qui, de temps en temps, viendront rompre la monotonie des habitudes de la petite ville.

Cependant, il est une cérémonie annuelle, la Fête-Dieu, à laquelle sa présence n'est jamais mentionnée. Est-ce qu'elle n'y assistait pas ? Ce serait bien surprenant.

La Fête-Dieu était, pour toutes les populations, aussi bien celles des campagnes que celles des grandes villes, la plus grande fête de l'année, et il n'était personne, pauvre ou riche, qui ne voulut y participer. Chacun, à l'envie, décorait sa maison selon ses moyens, les uns avec de belles tapisseries, les autres, moins favorisés, avec de la verdure et les fleurs des champs, pour faire, au Dieu qui parcourait leurs rues, un chemin triomphal. Mais cet hommage ne leur suffisait pas, et les Bourgeois tenaient à venir en armes faire cortège au Saint-Sacrement, cortège dont la tradition s'était continuée partout à travers les siècles jusqu'au moment où il a été interdit à l'armée d'en faire partie, mais qui se retrouve cependant dans quelques petites villes où existent des Compagnies de pompiers auxquelles cela n'a pas encore été défendu. Bien plus, ils manifestaient leur joie par des salves qui n'étaient pas toujours sans présenter des inconvénients au milieu de la foule, témoin l'arrêt, rappelant celui du 24 mai 1731 au sujet des « accidens causés le jour de la Fête-Dieu par des gens assemblés en armes et pas au fait du maniement des armes, » que le Parlement dut prendre, le 16 novembre 1768, pour faire « défenses aux officiers de Milice Bourgeoise des Villes et gros Bourgs de la Province et à toutes personnes, de quelque qualité et condition qu'elles soient, de s'assembler ou faire assembler en armes la jeunesse et artisans de leurs Villes et Bourgs, non seulement le jour de la Fête-Dieu, mais en quelques fêtes et solennités que ce soit, ni de tirer en ces fêtes aucuns coups de fusils ou de pistolets » [Note : Arch. départ. des Côtes-du-Nord. — Arrêts et Règlements, t. XVII, p. 775].

Cet arrêt eut pour effet, sans doute, de rendre les Miliciens momentanément plus prudents, mais, pour le reste, fut lettre morte et n'entrava en rien leurs réunions que nous verrons se produire en toutes occasions.

Puisque c'était une coutume si générale, comment la Communauté de Ville de Hédé qui, pour donner tout l'éclat possible à la cérémonie, se faisait un grand devoir et un grand honneur d'y assister en corps, accompagnée des membres de la Cour, des Avocats, Procureurs, Notaires, etc., qui inscrivait à son budget une somme annuelle pour le paiement des joueurs d'instruments qui marchaient en avant de la procession, n'eut-elle pas appelé sa Milice à l'accompagner et à former autour du Saint-Sacrement une garde d'honneur. Cela ne se comprendrait pas et si, dans les registres, on ne trouve pas trace d'ordres de convocation des Miliciens pour la Fête-Dieu, c'est évidemment que la réunion se faisait régulièrement sans qu'il fut besoin de prendre chaque année une délibération nouvelle.

Nous avons vu qu'en 1708 n. Jean Marc Robiou, sieur de la Haye [Note : Les Robiou étaient une ancienne famille de la meilleure bourgeoisie du pays de Tinténiac où ils remplissaient depuis de longues années des fonctions dans la juridiction de la seigneurie. Plusieurs de ses membres s'étaient alliés par mariage à la noblesse des environs et quelques-uns, même, prenaient le titre d'écuyer. Cette famille est encore représentée. Jean-Marc Robiou, sieur de la Haye, avait été baptisé en 1680. Il était fils de Jean, sieur des Planches, avocat au siège royal de Hédé, syndic de la Communauté de Ville en 1671, mireur en 1697, sénéchal de la Bretèche et du Bois-Maigné en 1680, et de la vicomté du Chesnay-Piguelais, qui était venu s'établir à Hédé vers 1660, et de Guyonne ou Yvonne Harand, sa seconde femme. Nous ignorons quelles furent ses fonctions et s'il fut avocat comme son père, mais il se maria en 1702 avec demoiselle Gilette-Claire Escolan, qui lui survécut seulement de quelques mois et mourut la même année que lui (1740) à l'âge de cinquante-cinq ans], avait succédé dans l'Office de Lieutenant à n. h. François Breillu, sieur du Chesne-Gaudin, et avait fait l'expédition de Saint-Malo. Après le décès du sieur de la Ville-Allée Hervoches, il avait continué à monter en grade et à son tour devint Capitaine. Il fut remplacé comme Lieutenant par François Robiou, sieur de la Trehonnais [Note : François Robiou, sr de la Tréhonnais, né en 1687, était frère cadet de Jean Marc, Notaire et procureur au Siège, il épousa en 1719, à Hédé, demoiselle Françoise Texier et fut inhumé dans l'église Notre-Dame de Hédé, peu de temps après avoir donné sa démission, en 1742, âgé de cinquante-cinq ans], avec maître Julien Boursin [Note : Les Boursin sont venus, croyons-nous, de Normandie, habiter, depuis au moins le commencement du XVII siècle, Hédé, où nous les rencontrons dans la personne de Nicolas Boursin, époux de Guyonne Bréchart. Arrière-petit-fils, petit-fils et fils de notaires, Julien Boursin continua la tradition, et, comme ses ancêtres, fut notaire et procureur au Siège royal de Hédé. Né en 1703 de n. maître Julien Boursin, avocat et notaire, et de demoiselle Jacquemine Guichart, il épousa, en 1732, demoiselle Laurence Faisant, demoiselle de Saint-Juvat, âgée de vingt ans, fille de n. maître Toussaint Faisant et de demoiselle Anne Courtin, et mourut en 1769] pour Enseigne ou Porte-Drapeau.

Le 18 septembre 1740 eut lieu à l'Hôtel de Ville une réunion de la Communauté pour la nomination de nouveaux cadres. Le Capitaine Jean-Marc Robiou était mort, le Lieutenant Robiou de la Tréhonnais donnait sa démission pour raison de santé ; il était atteint, disait-il, d'une surdité qui l'empêchait de remplir ses fonctions et de « recevoir et donner les ordres nécessaires ». Enfin, le sieur de la Grand-maison Boursin, Enseigne, venait d'être nommé Receveur des Consignations et Correspondant des Commissaires généraux de Bretagne et déclare que, pour cette raison, et « d'ailleurs très valétudinaire, il est... hors d'état de remplir le service, ne pouvant aucunement s'absenter de cette ville où ses occupations continuelles le retiennent également que sa mauvaise santé, et supplie la Communauté de chercher un autre Bourgeois pour le remplacer ». C'était le cadre entier de la Milice qui disparaissait et qu'il fallait renouveler.

La Communauté, après avoir délibéré, nomma, au scrutin, pour Capitaine le sieur du Quilliou Hervoches [Note : Nous n'avons pas l'acte de baptême de n. h. Sébastien Hervoches, sieur du Quilliou, mais nous savons qu'il est neveu du premier capitaine de ce nom, fils de son frère cadet, Julien, sieur de l'Etang, avocat à la Cour de Hédé, et de demoiselle Thomasse Clavier, et qu'il naquit, d'après son acte d'inhumation, vers 1713. Receveur des Octrois de Hédé, puis Correspondant des Etats de Bretagne, il se maria deux fois : d'abord, en 1739, à demoiselle Rose Dupuy, demoiselle de Saint-Romain, âgée de treize à quatorze ans, fille de n. h. Sébastien Dupuy, receveur des Devoirs, puis, après la mort de celle-ci, en 1747, à demoiselle Louise Collet, et mourut en 1764, après avoir été, à deux reprises, Capitaine de la Milice], pour Lieutenant le sieur des Chapelles Guinot [Note : Jean Guinot, sieur des Chapelles, d'une famille de chirurgiens, fils de n. h. Pierre, sieur des Chapelles, et de demoiselle Françoise du Fouil, né à Hédé en 1712, quitta la ville à la suite de sa nomination dans les Fermes] et, enfin, comme Enseigne, le sieur du Petit Bourg Boursin [Note : N. h. Augustin Boursin, sieur du Petit-Bourg, frère cadet de Julien, né en 1713, et procureur de plusieurs juridictions, mourut jeune en 1746, deux ans seulement après sa nomination au grade de lieutenant, sans alliance] « lequel s'est présentement saisy du drapeau remis en l'endroit par ledit sieur de Grandmaison, son frère ».

Quatre ans plus tard, en 1744, le sieur Guinot des Chapelles quitta Hédé pour entrer dans les Fermes de la Province et Mgr le duc de Penthièvre envoya l'ordre au sieur Jan Ollivier Rouault, sr de la Tribonière, Syndic de la Communauté, de le faire remplacer dans ses fonctions de Lieutenant. La Communauté obéit et, le 14 juillet, nomma à sa place le sieur du Petit Bourg Boursin qui remplissait les fonctions d'Enseigne et, pour Enseigne, le sieur du Boishamon Bienvenue [Note : Les Bienvenue étaient originaires de Pleine-Fougères, d'où l'un d'eux, noble Jacques-Augustin, sieur de Colomhel, né le 5 mai 1685, fils de maître Mathurin Bienvenue, sieur du Perron, sénéchal de Montrouault, et de demoiselle Jeanne Guerche, sa troisième femme, vint épouser à Hédé, en 1717, demoiselle Olive Gaisnel, demoiselle de Baschamp, fille de n. h. Louis Gaisnel, sieur des Mesnils, avocat, notaire royal et procureur au siège de Hédé, sénéchal de la vicomté du Chesnay-Piguelais, et de Marguerite Guinart. Avocat au Parlement et sénéchal des juridictions du Chatelier, de la Crozille, etc.. il fut inhumé dans l'église Notre-Dame de Hédé le 5 juin 1758. Ses enfants ne restèrent point à Hédé. Louis-Modeste, le fils aîné né en 1719, le nouvel Enseigne quitta la ville peu de temps après sa nomination, c'est-à-dire vers 1745, et François-Hyacinthe Cajetan, son frère cadet, baptisé en 1723, alla habiter Saint-Malo, comme Contrôleur et Receveur des Droits, Contrats, Actes et Insinuations] « sous le bon plaisir de Mgr le Duc de Penthièvre ».

Il paraîtrait aussi que la Compagnie n'était plus au complet et qu'elle avait besoin d'être réformée, ainsi le jugeait, du moins, le Gouverneur de la Province et, sur son ordre, le même jour, furent désignés pour s'occuper de cette réforme M. le Sénéchal, M. le Procureur du Roy, M. le Syndic et M. du Quilliou-Hervoches, le nouveau Capitaine de ladite Compagnie.

Le Lieutenant nouvellement promu ne resta pas longtemps en fonctions, car il mourut en 1746, à l'âge de trente-trois ans, et on nomma, en sa place, le sieur de la Mare de la Ville-Allée [Note : En 1716, noble homme Jacques De la Mare, sieur du Val, Avocat au Parlement, vint de Bécherel épouser une sœur de n. maître Sébastien Hervoches, sieur de la Ville-Allée, Capitaine de la Milice, demoiselle Laurence, née en 1684. Deux ans après, en 1718, abandonnant son Office d'Alloué de la juridiction de Bécherel, il se fixa d'une façon définitive à Hédé où il exerça les fonctions de Conseiller du Roi et son Procureur au Siège Royal. De son mariage sortirent plusieurs enfants dont entre autres : 1° Jean-François Judith, sieur de la Ville-Allée, né en 1721, Avocat au Parlement, Conseiller du Roi et son Procureur au Siège Royal jusqu'en 1747 qu'il se fit prêtre et fut nommé en 1749, Recteur des paroisses de Bazouges et Hédé. Maire de la ville en 1758 et 1761, Député aux Etats en 1762, il mourut le 22 janvier 1777 ; 2° Françoise-Mathurine (1723), femme, en 1746, de Jean-François Belletier, écuyer, sieur de l'Etang, Avocat en la Cour, de la paroisse Saint-Sauveur de Rennes ; 3° François-Jacques-Anne, né vers 1726, prêtre, Curé de Hédé, mort en 1754 ; enfin n. homme Sébastien-Augustin, le Lieutenant de la Milice, sieur de la Ville-Allée après son frère aîné. Ce dernier vécut jusqu'en 1782, ainsi que nous l'apprend son acte de décès « Maître Sébastien-Augustin de la Mare, sieur de la Ville-Allée. Avocat au Parlement, Conseiller du Roi, et son Procureur au Siège Royal de Hédé. Sénéchal des juridictions de Guipel, Québriac, La Chapelle-au-Fils-Méens, le Bordage, la Villouyère, la Rochette, les Roncerais, la Huardais, ancien Maire et l'un des Nobles Echevins de la Communauté de cette ville et Capitaine de la Milice Bourgeoise, décédé le 15 avril 1782 ». Comme ses frères, il ne semble pas avoir eu d'alliance et avec lui s'éteignit, à Hédé, la famille de la Mare] et, comme l'Enseigne Bienvenue du Bois-Hamon était absent depuis longtemps et qu'il ne remplissait pas ses fonctions, on le remplaça par M. François Robiou, sieur du Pont [Note : Maître François-Joseph-Marie Robiou, sieur du Pont, baptisa en 1732, mais né vraisemblablement vers 1726, fils de François, sieur de la Tréhonais, que nous avons vu ci-dessus, et de demoiselle Françoise Texier, fut, comme son père, Notaire et Procureur au Siège Royal de Hédé et aussi de plusieurs juridictions inférieures. Marié en premières noces, vers 1764, à demoiselle Henriette-Anne-Françoise Le Compte, et, en secondes, en 1770, à la Beaussaine, à demoiselle Anne Philault, demoiselle de Lorgerie, fille de feu Laurent, sieur de la Boujardière, Notaire et Procureur de plusieurs juridictions, et de demoiselle Marie Gallais, il vécut jusqu'en 1778].

Depuis les expéditions du commencement du siècle, nous n'avons parlé, jusqu'à présent, de la Milice qu'au point de vue de ses cadres, nous allons la voir maintenant dans ce rôle pacifique qu'elle devait remplir le plus souvent, dans ce rôle de parade qui consistait pour elle à se montrer dans les cérémonies à côté de la Communauté de Ville.

Le 31 août 1752, le duc de Penthièvre écrivit au « Maire, Echevins et Communauté de Ville » pour ordonner des prières publiques en remerciement de l'heureux rétablissement de la santé du Dauphin. La Communauté heureuse de montrer au Roi son dévouement, décida qu'elle assisterait en corps politique à des prières publiques dites « à l'issue des Vêpres de la paroisse de Notre-Dame de Hédé » et « à un feu de joie allumé en la place du Château, lieu ordinaire, au bruit de la, mousqueterie de la Milice Bourgeoise ».

A partir de ce moment les occasions de réunions vont se renouveler souvent. Le 18 décembre 1753, c'est le duc d'Aiguillon qui traverse Hédé et audevant duquel se rendront les Bourgeois pour le saluer au passage. L'année suivante, c'est le tour de Monseigneur l'Intendant de Bretagne, Cardin-François-Xavier Le Bret, qui venait d'être nommé.

L'Intendant de Bretagne était pour Hédé un personnage d'une plus grande importance que le Gouverneur même de la Province, car c'était surtout avec lui qu'elle avait à traiter toutes les affaires d'administration de la ville, aussi le Maire et la Communauté se croyaient-ils obligés de lui rendre tous les devoirs et les honneurs que leurs moyens restreints leur permettaient. Il fut décidé, le 4 août 1754, que « les Bourgeois se rendraient en plus grand nombre possible au-devant de M. l'intendant pour lui rendre leurs hommages et que M. Hervoches, Capitaine de la Milice Bourgeoise, ferait assembler sa Compagnie et la mettre sous les armes pour le recevoir à la manière accoutumée ».

L'année suivante nouveau passage de l'Intendant et nouvelle convocation de la Milice pour le recevoir, mais dans l'intervalle il s'était produit, à Hédé, un fait que nous ignorons, mais qui semble avoir eu des conséquences fâcheuses pour la Compagnie. Le 2 juin 1755, en réponse à l'ordre qu'il reçoit de convoquer les Miliciens, M. Hervoches du Quilliou déclare donner sa démission de l'Office de Capitaine et refuse d'en continuer les fonctions, mais la place ne reste pas longtemps vacante et, immédiatement, M. Boizard [Note : Mathurin Boizard, sieur de la Villeneuve, était fils de noble maître Mathurin, sieur du Domaine, Directeur général des devoirs de la Province, et de dame Marie-Ludovine Hervoches, née en 1689, sœur de noble homme Sébastien, sieur de la Ville-Allée, ancien Capitaine de la Milice, procureur au Siège royal de Hédé, Notaire et Procureur de plusieurs autres juridictions inférieures et greffier de la Communauté de Ville. Il épousa, en 1755, demoiselle Julienne-Perrine Guinot, fille de Jean, sieur de la Maisonneuve, et de demoiselle Renée Courtin, et veuve de maître François Thouault, sieur du Hautvillée, Procureur à la Cour de Hédé, et fut inhumé en 1758, à l'âge de 36 ans, en présence de la Compagnie de Milice en armes], sieur de la Villeneuve, est nommé pour le remplacer. En outre, comme depuis un certain temps les vides qui s'étaient produits dans l'effectif n'avaient point été comblés, le nouvel élu fut « autorisé à choisir, pour remplacer ceux des anciens soldats qui seraient morts ou absents, les habitants actuels qu'il jugera capables de faire le service sous peine, tant contre les anciens soldats que contre ceux qu'il choisira pour remplacer les défaillants, d'amende et de prison, en cas que, sur les ordres et avertissements qui leur seront donnés de sa part, ils manquent à se présenter en armes, ou gens capables de faire le service en leur lieu et place ».

Quatre ans plus tard, en 1757, une grande émotion régna dans la ville de Hédé. La Milice allait être mobilisée comme elle l'avait été en 1702, 1706 et 1708, pour aller encore au-devant des Anglais. Le 14 septembre, le Sénéchal de Hédé donnait connaissance aux Echevins d'une lettre qu'il recevait de l'Intendant. La Communauté de Ville était avertie d'avoir à déférer, sans attendre de nouveaux ordres, aux réquisitions de M. de Martel, Commissaire des guerres à Saint-Malo, et à lui envoyer, aussitôt qu'il en aurait besoin, et sur sa première demande, la Compagnie de Milice Bourgeoise. Ce n'était pas une petite affaire. L'effectif de la Compagnie diminuait de jour en jour ; on s'occupa de la remettre au complet. On confirma les Officiers dans leurs grades. Les cadres des Sous-Officiers furent ainsi composés : Sergents, Jean Perou et Jean Coupé ; Caporaux, Jean Jugon, Pierre Lavallée et Jean Hardy ; Anspessades, Pierre Thébault, Jean Thébault, fils Guillaume et Jean Bertaut, marchand. Le Tambour de ville, Olivier Amice, fut nommé Tambour de la Compagnie qui se trouva ainsi composée, en tout, de cinquante sous-officiers et soldats et trois officiers.

Mais ce n'était pas tout d'avoir des hommes pour répondre à l'appel du Commissaire des guerres. Des hommes sans armes ne sont pas des soldats et c'était précisément le cas des Miliciens de Hédé. « Les trois quarts de ceux dénommés ci-dessus (les fusiliers), dit le Capitaine, n'ont point de fusils, de sorte qu'ils seraient incapables de rendre le service qu'on pourrait exiger d'eux ». Le cas était grave, car on pouvait être appelé d'un moment à l'autre et il fallait être équipé et prêt à partir au premier ordre.

La Communauté de Ville, sans argent pour faire l'armement de ses soldats et qui ne pouvait demander des armes à l'état qui n'en avait pas, ne trouva rien de mieux qu'une réquisition et « pria M. le Sénéchal de présenter requête à Monseigneur l’Intendant pour être autorisée à requérir et à prendre tant à la ville qu'à la campagne, partout où il s'en trouverait, tous les fusils qui seraient nécessaires ».

La Milice, remise au complet et armée, attendit l'ordre de départ, mais si cet ordre ne vint pas, elle n'en dut pas moins continuer à se tenir prête, car l'année suivante, 1758, le 18 juin, alors que le duc de Malborough venait d'opérer une descente à Cancale, sur un nouvel avis de l'Intendant, elle reconstitua ses cadres désorganisés par la démission du Lieutenant, M. de la Mare de la Ville-Allée, qui fut remplacé par le Porte-Enseigne, Boizard de Launay, et celui-ci par le Sieur Jean Pérou, marchand. Ce ne fut, du reste, qu'une fausse alerte, M. de Martel n'eut pas besoin de la Milice de Hédé et, lorsque trois mois plus tard, le 11 septembre, à Saint-Cast, quelques régiments, aidés des Compagnies Gardes-Côtes de la région, jetèrent les Anglais à la mer, elle n'eut pas l'honneur de figurer parmi les vainqueurs.

La composition du cadre des Officiers, telle qu'elle avait été votée le 18 juin, n'eut pas une longue durée, car, dans cette même année, le Capitaine, M. Mathurin Boizard de la Villeneuve, mourut, et le Lieutenant qui venait d'être nommé, M. Boizard de Launay, se retira. On les remplaça l'année suivante, le 15 mai 1759, par deux démissionnaires, M. Hervoches du Quiliiou qui reprit les fonctions de Capitaine qu'il avait abandonnées en 1755, et M. Robiou du Pont, ancien Enseigne, qui fut élu Lieutenant.

Au mois d'octobre 1762, le Sénéchal, M. Morel des Vallons, qui venait de se marier, s'apprêtait à rentrer à Hédé avec sa jeune femme. Les habitants résolurent de leur présenter leurs félicitations, comme il était d'usage en pareille circonstance, et de leur faire une réception en rapport avec la sympathie qu'ils éprouvaient pour leur premier Magistrat. En conséquence, le 3 dudit mois, les Echevins se réunirent à l'Hôtel de Ville et, là, « il fut remontré que M. le Sénéchal étant sur le point de s'établir, il convient que la Communauté fasse en cette occasion témoigner sa joye et lui donne les mêmes témoignages de réjouissance qu'elle a cy-devant donnés lors du mariage des Magistrats ; sur quoi, la Communauté a prié M. Hervoches, Capitaine de la Milice Bourgeoise de cette ville, de faire prendre les armes à sa Compagnie le 12 du présent mois, pour aller recevoir M. le Sénéchal et sa nouvelle épouse et donner toutes les marques des réjouissances en pareil cas accoutumées, et M. Du Pont-Robiou de convoquer de la part de ladite Comunauté les principaux Bourgeois et habitants pour monter avec lui à cheval et aller au-devant de Mr le Sénéchal et de sa nouvelle épouse et leur témoigner la joie qu'a la Communauté de son établisgement ».

Au mois d'avril 1664, mourut le Capitaine, Monsieur Sébastien Hervoches du Quilliou, qui fut remplacé, le 5 juin, par n. homme Sébastien-Augustin de la Mare de la Ville-Allée, Lieutenant démissionnaire en 1758.

Parmi. les Offices que le Roi avait créés pour se procurer de l'argent, il avait compris dans son édit, donné à Fontainebleau en novembre 1733, des Offices de Gouverneur des Villes closes du Royaume. Quoique depuis plus de cent cinquante ans, Hédé eut vu tomber les murailles de son château, elle n'en fut pas moins comprise parmi les villes closes.

En 1762, M. de Bréal avait acheté pour son fils l'Office alors vacant. Ce n'était, en réalité, qu'un titre qu'on payait et pour comprendre ce que pouvaient être les fonctions et les devoirs qu'avait à remplir l'acquéreur, il suffit de savoir que le nouveau Gouverneur n'avait que cinq ans. M. de Bréal était seigneur de la Bretêche, un voisin, presque un habitant de la ville, très aimé des Bourgeois et descendant d'un ancien Sénéchal ; aussi toute la population vit-elle, avec grand plaisir, cet Office qui conférait certains droits et certains privilèges dans la cité, entre les mains d'un ami, plutôt qu'entre celles d'un étranger qui aurait pu en abuser. Aussi la cérémonie d'installation du jeune Gouverneur fut-elle célébrée avec solennité et, en même temps, l'occasion de réjouissances publiques. Le 14 juin, la Communauté avait décidé de « recevoir Monsieur de Bréal, sieur des Chapelles (représentant son fils) avec tous les honneurs dus à sa charge et en même temps avec tous les respects que méritait personnellement ce gentilhomme, appartenant à une famille respectée du pays et qui y vivait depuis deux siècles » [Note : Voir Société d'Emulation des Côtes-du-Nord, t. XXXI : Un Gouverneur de Hédé en 1767, par M. Anne Duportal].

En conformité de cette délibération, trois jours après, le 17, les Echevins et les principaux Bourgeois allèrent au-devant de lui. La Milice Bourgeoise vint se ranger, pour l'attendre, près de la maison de l'Hôpital, puis, lorsqu'il fut arrivé, lui fit cortège jusqu'à l’église où fut célébrée la Messe du Saint-Esprit, et de là le ramena à l'Hôtel de Ville où devait se faire la réception officielle. Mais ce ne fut pas tout, car, pour manifester sa joie, la Milice Bourgeoise tira « nombreuses salves de mousqueterie ou d'artillerie auxquelles on employa de la poudre à canon pour la somme de 4 liv. 16 s. ».

Quatre jours après, nouvelle convocation pour le passage de Mgr l'intendant François d'Agay. Les Echevins et les principaux Bourgeois qui pouvaient monter à cheval se rendirent au-devint lui sur la route de Rennes jusqu'au Tertre de Piqueboeuf [Note : Côte très forte, aujourd'hui détournée, à cinq kilomètres de Hédé], tandis que la Milice qui, elle, était à pied, l'attendait à l'entrée de la Ville, pour le prendre à son passage et l'escorter jusqu'à l'Hôtel de Ville.

Nouvel appel l'année suivante (1768), au mois de mai, pour aller saluer Monseigneur te duc d'Aiguillon, dont le passage était annoncé. Mais une question restait à connaître. Voyagerait-il « incognito ou officiellement avec tous ses équipages ? ». Cela avait une grande importance, car dans le dernier cas on devait lui rendre les grands honneurs et tandis que « la Communauté, les Echevins et les principaux Bourgeois dans le plus grand nombre que faire se pourra se rendraient à cheval audevant de lui, la Compagnie de Milice irait l'attendre à l'extrémité et en dehors de la Ville, entre le Pont Guillaume Le Roux et la chaussée de l'Etang ».

Le 29 août 1769, les Miliciens furent encore « convoqués en armes, » mais, cette fois, « pour aller complimenter et rendre les honneurs dus à son rang, » à Madame la duchesse de Duras qui se rendait à Saint-Malo.

Jusqu'à cette époque tout s'était passé pour le mieux et les Miliciens se rendaient avec empressement à ces réunions qui n'étaient, la plupart du temps, qu'une occasion de fête, mais, cette fois, il n'en fut pas ainsi. Un vent de discorde avait soufflé dans ce milieu généralement si tranquille et avait soulevé une tempête dans quelques cervaux surexcités. Plusieurs soldats se montraient mécontents. A qui en avaient-ils ? A leurs Officiers, au Maire, à la duchesse de Duras ? Nous l'ignorons. Toujours est-il que quatre d'entre eux, au moins, refusèrent de répondre à l'appel.

Le Maire, en présence de cette résistance insolite, pour y couper court et empêcher qu'elle se renouvelât, crut devoir prendre des mesures de rigueur. Il écrivit à l'intendant pour lui demander de « faire conduire quatre habitants de Hédé dans les prisons de Rennes pour que cela serve d'exemple à ceux qui ont refusé de prendre les armes lors du passage de la duchesse de Duras ».

Mal lui en prit, car la réponse de Monseigneur d'Agay fut une fin de non recevoir accompagnée d'une remontrance. « Pour faire subir une punition militaire à ces habitants, dit-il, il faut d'abord qu'il ait été établi, à Hédé, un Corps de Milice Bourgeoise approuvé par le gouverneur de la Province, que vous ayiez un Brevet de Commandant expédié par S. A. S. et que vous aviez été reconnu à la tête de cette Milice Bourgeoise » [Note : Archives départementales d'Ille-et-Vilaine, C, 2487].

Or, la Milice était établie légalement à Hédé et les Officiers qui la commandaient n'étaient élus par la Communauté de Ville que sous l'approbation du Gouverneur, mais il n'en était pas de même, vraisemblablement, pour le Maire à qui la Ville, propriétaire de l'Office de Colonel, en laissait prendre le titre et qui, dans cette circonstance, avait agi comme Commandant sans en avoir obtenu son Brevet de Monseigneur le duc d'Aiguillon.

L'affaire n'eut donc point de suite ; la bourrasque disparut avec le mauvais vent, les esprits se calmèrent, les mécontents reprirent leurs rangs et tout rentra dans l'ordre, au moins momentanément.

Deux ans plus tard, presque jour pour jour après le passage de la duchesse de Duras, le 27 août 1771, Monseigneur Bareau de Girac, le nouvel évêque de Rennes, vint faire sa tournée pastorale. C'était sa première visite qui avait, en outre, une haute importance pour la Ville. L'église Notre-Dame de Hédé, en effet, n'était qu'un Prieuré dépendant de Bazouges et les habitants désiraient vivement, depuis longtemps, avoir une paroisse indépendante, aussi avaient-ils décidé de profiter de cette occasion pour présenter au Prélat une requête à ce sujet et, pour essayer de se le rendre favorable, allèrent-ils le recevoir en grande cérémonie, escortés de leur Milice.

Nous retrouvons la Compagnie, le 29 juin 1775, au Te Deum et au feu de joie ordonnés, à l'occasion du Sacre de Louis XVI, par la Communauté « pénétrée des sentiments profonds d'amour, de respect et de vénération pour un jeune monarque qui n'use de son authorité que pour le bonheur de ses sujets ; puis, en novembre 1781, avec la « Communauté et les Officiers de justice en habits de cérémonie, » à un autre Te Deum pour la naissance d'un jeune Dauphin, au feu de joie et à toutes les réjouissances auxquelles elle contribua particulièrement en tirant des salves de mousqueterie ; enfin, la même année, aux fêtes célébrées pour la prise de Tabago.

Ces dernières réunions avaient permis de constater que l'état de la Milice laissait beaucoup à désirer. Le 25 novembre 1781, on avait bien nommé M. Guynot des Chapelles en remplacement de M. Robiou du Pont, décédé depuis trois ans déjà, mais cela ne pouvait suffire et, le 14 décembre, la Communauté de Ville chargea les Officiers de s'en occuper en leur adjoignant MM. Belletier, Ruaulx de la Tribonière, Robiou de la Tréhonnais et Binel de la Motte, Echevins, pour les aider.

Il est à croire que tout était préparé d'avance, car, le jour même, les Commissaires apportaient un nouveau Règlement et présentaient l'état au complet des hommes de la compagnie.

Règlement arrêté par Messieurs les Officiers Municipaux de concert avec Messieurs les Officiers de la Milice Bourgeoise de Hédé.

ART. 1er. — La Compagnie sera composée, suivant l'ancien usage, de cinquante hommes, outre le tambourg dont six sergents, quatre caporaux, quarante fusiliers.
ART. 2ème. — La liste faite par Messieurs les Officiers et Commissaires nommés par la Communauté après y avoir appelé les trois anciens sergents, demeurera, ainsi que le présent règlement, attaché au registre des délibérations.
ART. 3ème. — Quoique cette liste ait été faite, autant qu'il a été possible par ordre d'ancienneté pour que chaque fusilier conserve son rang lors de l'appel, Messieurs les Officiers arrangeront, néanmoins, lors des marches, leurs fusiliers suivant l'ordre de taille, sans perdre de vue celui de propreté.
ART. 4ème. — Le Drapeau sera déposé, à l'avenir, chez Monsieur le Maire et y sera reconduit après chaque assemblée pour y demeurer dorénavant.
ART. 5ème. — Le Drapeau marchera au centre de la Compagnie, entre deux sergents, et le surplus des sergents et caporeaux seront placés par Messieurs les Officiers aux endroits qu'ils trouveront les plus convenables pour le bon ordre de la Compagnie.
ART. 6ème. — La subordination sera exactement observée suivant les Ordonnances du Roi et sous les peines y portées.
ART. 7ème. — Comme il arrivera nécessairement des changements dans la Compagnie telle qu'elle est formée par l'art. 1er les sergents en préviendront, le 1er mai de chaque année, les Officiers qui feront assembler la Compagnie dans le courant du mois pour la compléter, en préférant toujours d'y faire entrer les plus beaux hommes.
ART. 8ème. — Aucun des sergents, caporaux et fusiliers ne pourra se faire remplacer sans avoir donné les motifs aux Officiers et avoir obtenu leur permisssion.

Arrêté en l'Hôtel de Ville, la Communauté assemblée, pour avoir son exécution sous les peines de droit, et être lu à la première assemblée de la Compagnie par les Officiers Commandant. A Hédé, ce 15 décembre 1781, et ont les Echevins signé :

HERISSON DE LOURME, D. MOREL, BOURSIN (Curé), BELLETIER, GUYNOT DE BREMARD, ROBIOU DE LA TRÉHONNAIS, DUCLOS, RUAULX, DE LAMARE, BINEL DE LA MOTTE, LEMARCHAND, THUAULT, DESLANDES, BOURSIN DU PETIT BOURG, Greffier.

 

Compagnie de Milice Bourgeoise de Hédé, suivant la formation du quinze décembre mil sept cent quatre-vingt-un, arrétée par Messieurs les Officiers Municipaux, de concert avec MM. les Officiers Commandant la Compagnie.

ETAT-MAJOR.
Monsieur Hérisson Delourme, maire en exercice : Colonel.
Monsieur De la Mare de la Ville-Allée : Capitaine.
Monsieur Guynot des Chapelles : Lieutenant.
Le sieur Jan Perou : Porte-Drapeau.

SERGENTS.
Les sieurs :
Dominique Guillois.
Guillaume Guelet.
Pierre Guelet.
François Hardy.
Pierre Dubois.
Joseph Coupé.

CAPORAUX.
Les sieurs :
Pierre Coubrun.
René Nobilet.
Pierre Courtin.
Jacques Beillet.

FUSILIERS.
Gilles Trotoux.
Ollivier Berthault.
Jan Sauvée.
François Berthault.
Pierre Cintré.
Ambroise Trotoux.
Toussaint Duchesne.
Julien Thébault.
Pierre de Lessart.
René Thébault, Cordonnier.
Julien Boursault.
Jean Denoual, dit Nantais.
Julien Hautière, fils.
Julien Lebrun, fils Charles.
Louis Cusson.
François Esnault, Perruquier.
Pierre Vallet,
Guillaume Fallet.
Louis Le Maître.
François Denais.
Michel Lemarié.
Jan Picquart, Tailleur.
Jan Lebon.
Julien Delacroix.
Pierre Thébault, fils Julien.
Jan Froger.
Pierre Trotoux, fils Gilles.
René Thébault, Maçon.
Pierre Morin, père.
Alain Talvard.
Jan Morin, fils Pierre.
Jacques Denis.
Pierre Morin, fils Louis.
Julien Dumont.
Jean Arribart.
Pierre Fiscatier.
Le sr Julien Miniac, marchand.
Daniel Denot.
Charles Bréhollée,
Jan Chapon.

Le Capitaine, M. de la Mare, mourut l'année suivante et fut remplacé, le 12 mai 1782, par M. Belletier de la Mériennais.

Le même jour, les Echevins, après un mûr examen, modifièrent un peu le Règlement et décidèrent de laisser aux Officiers la liberté de remettre à l'époque qui leur semblerait le plus convenable l'assemblée qui avait été primitivement fixée au mois de mai et de nommer eux-mêmes aux places de Bas-Officiers vacantes et au remplacement des fusiliers qu'ils auraient ainsi fait monter en grade.

Après la reconstitution de la Milice, nous allons la retrouver participant, comme auparavant, à toutes les fêtes.

Le 9 décembre 1783, elle asssiste au Te Deum chanté lors de la signature de la paix entre la France et l'Angleterre ; au mois d'avril 1785, elle est réunie pour prendre part aux réjouissances ordonnées à l'occasion de la naissance de l'enfant qui devait être Louis XVII, réjouissances habituelles auxquelles on apporta un élément nouveau. Le Maire, en effet, fut autorisé à faire l'acquisition de « flambeaux, » ce qui semblerait indiquer une promenade, le soir, dans le genre de nos retraites.

L'année suivante, le 20 juillet 1786, elle fut encore convoquée pour assister à un feu de joie allumé le dimanche 23, à quatre heures de l'après-midi, sur la place du Château, nouvellement dressée, et qui fut appelée « place Bertrand, » du nom de l'Intendant, Mgr Bertrand de Molleville, qui avait passé le 15 à Hédé et en avait donné l'autorisation ; mais cette réunion ne devait pas avoir le caractère calme et pacifique des précédentes et allait, au contraire, rappeler celle des mauvais jours de 1769.

En 1786, les esprits étaient excités partout en Bretagne. Un souffle d'opposition et d'hostilité aux anciennes institutions commençait à se faire sentir parmi quelques têtes exaltées, et déjà beaucoup de gens, s'ils ne pensaient pas encore à commander, ne voulaient plus obéir.

M. Belletier de la Mériennais [Note : En 1706, noble maître Jean-Hyacinthe Belletier vint épouser à Hédé ; demoiselle Charlotte Hervoches, dlle de l'Etang, née en 1679, fille de noble homme Sébastien Hervoches, sieur du Petitbourg, Sindic de Hédé, et de demoiselle Anne du Meurier. C'est à Saint-Brieuc, où il remplissait les fonctions de Directeur des Devoirs, mais dont il n'était pas, semble-t-il, originaire, que naquit le 29 octobre 1707 son premier enfant, Anne-Guillemette-Marie baptisée le 31 dans l'église paroissiale de Saint-Michel, où elle eut pour parrain écuyer Guillaume de Varenne, sr de Monchoux, et, pour marraine, demoiselle Anne du Meurier, sa grand’mère. L'année suivante, il abandonnait l'administration des Devoirs pour acquérir l'Office de Scelleur Chauffecire à la Chancellerie de Bretagne, et, de ses autres enfants, Françoise-Anne fut baptisée à Hédé, et ses fils, Jean-François-René et Jean-Baptiste-Marie. sr de la Paviais, licencié aux lois et Gardien de l'Hôpital général, à Rennes, où il s'était établi. Jean-François-René, sr de l’Etang après son père et continuant à porter le titre d'écuyer que celui-ci avait pris lorsqu'il devint Officier du Parlement, Avocat à la Cour, Substitut du Procureur général au siège de Hédé, Commissaire des Etats, Maire alternatif de la Communauté de Ville et son député aux Etats tenus à Saint-Brieuc le 18 décembre 1758, naquit vers 1714 et épousa en 1746, à Hédé, demoiselle Mathurine de la Mare, sa cousine germaine, née en 1723, fille de N. Me Jacques Augustin, Procureur du roi, et de demoiselle Laurence-Françoise Hervoches. Il mourut en 1761, à Rennes, en son hôtel de la rue de Pezé, et son corps fut rapporté à Hédé pour être inhumé dans l'église Notre-Dame. Il avait eu dix enfants, tous baptisés à Hédé de 1747 à 1761, parmi lesquels nous citerons seulement ceux dont nous connaissons quelque chose : Ec. Jean-François-Judith, né en 1750, Substitut du Procureur du roi, Maire de la ville en 1773 et élu député aux Etats ouverts à Rennes la même année, se maria en 1783 avec demoiselle Marie-Anne-Guillemette Loysel. fille de N. Claude Loysel, secrétaire de Monseigneur le Premier Président du Parlement et de demoiselle Marie-Anne Gautier, dont il ne semble avoir eu qu'une fille, Marie-Anne-Angélique-Claudine, née à Rennes en 1788, ondoyée le 28 février et nommée à Hédé ; Demoiselle Angélique-Françoise-Marie. baptisée en 1754, épouse. en 1781, de N. Michel Geffroy, Employé dans les Fermes de Bretagne ; Ange Mathurin. Sieur de la Mériennais, le Capitaine de la Milice de Hédé ; enfin Ec. Jacques-Bonaventure Toussaint, Sr de Breil Marin, le cadet, élu, en 1790, d'abord Major, puis Lieutenant-Colonel de la Garde nationale, qui eut de son mariage, en 1787, avec Mademoiselle Jacquemine-Guillemette Deslandes, dlle de Chefmont, quatre enfants dont deux seulement vécurent, Françoise-Marie-Sébastienne et Eugénie-Marie-Félicité, nées en 1790 et 1791, avec lesquelles s'éteignit à Hédé, vers 1855, la famille Belletier. Ange-Mathurin Belletier, sieur de la Mériennais, croyant qu'il servirait plus utilement son pays dans l'armée que dans la Milice de Hédé, s'engagea le 31 mars 1792. Il servit, depuis cette époque, avec les grades de Sous-Lieutenant, Lieutenant, puis Capitaine dans la Légion du Centre, 10ème et 20ème demi-brigades d'Infanterie légère, armée de Sambre-et-Meuse. jusqu'au 26 thermidor an 4, où il obtint son congé et rentra à Hédé. Il devint alors Contrôleur des Devoirs, puis, par décret impérial donné à Bologne le 4 messidor an 13, il fut appelé à remplir les fonctions de premier suppléant du juge de paix du canton de Hédé. Il ne semble pas s'être marié et mourut vers 1808] n'avait pas joui longtemps de son grade ; il avait dû quitter Hédé, laissant la compagnie sans chef, et la Communauté profita de cette réunion pour élire à sa place son lieutenant, M. Guynot des Chapelles, appeler aux fonctions de Lieutenant, M. Thouault du Haut-Villée, et adjoindre, avec droit de survivance, au porte-drapeau Jean Pérou, déjà âgé, le sieur Pierre Pigeon.

Soit par suite de la négligence ou de la faiblesse de son prédécesseur, soit pour toute autre cause, le nouveau capitaine, lorsqu'il prit le commandement et voulut exercer ses fonctions, trouva la compagnie dans un état de trouble et de révolte complet. Des scènes déplorables se produisirent et, le jour même du feu de joie du 23 juillet, il se vit dans la nécessite d'adresser à la Communauté de Ville un rapport désolé pour lui peindre le triste état de la situation et demander que des mesures sévères vinssent rétablir le bon ordre.

« Depuis quelque temps il a remarqué, dit-il, de l'insubordination dans la Milice bourgeoise. Comme cette troupe ne connaît pas la discipline militaire, autant par cet égard que par celui qu'on croyait devoir à leur état de père de famille, il avait, de concert avec Messieurs les Officiers municipaux, usé des voyes de la représentation et de la douceur ; que lors de l'assemblée du 11ème de ce mois ordonnée pour la première entrée de Monseigneur l'intendant en cette ville, il reconnut la même insubordination, mais marquée par les propos qu'y tinrent les nommés Louis Lemaître et Jean Arribard. « Nous nous mocquons, dirent-ils, en termes à l'uzage du peuple, à l'uzage du peuple, et des Officiers municipaux et de ceux qui nous commende ; nous ne reviendrons pas ». Des moyens de représentation et de douceur, il crut devoir passer à la menace ; il espérait qu'elle eut eu son effet, mais lors de l'assemblée de ce jour, 23 juillet, ordonnée pour la revue ordinaire ; le nommé Lemaître s'est absenté, quoyque prévenu et le nommé Aribard a renouvelé ses mêmes propost. Voyant cette insubordination poussée à l'extrême, il a cru devoir et, d'après l'avis desdits Officiers municipaux, en venir à la punition. Pourquoi il aurait commandé à René Nobilet, caporal des grenadiers, et quatre soldats de la même compagnie encore sous les armes, de conduire ledit Aribard, par voye de discipline militaire, en prison pour vingt-quatre heures, à- quoy ledit Nobilet a répondu qu'il ne conduirait pas ledit Aribard en prison, que luy et les soldats iraient plutôt tous ensemble. N'ayant pu faire exécuter ses ordres, ledit sieur Guynot a cru devoir faire son raport à M. le Maire, en présence de MM. les Officiers municipaux assemblés pour délibérer sur cet objet ».

La situation était devenue impossible et ce qui la rendait plus grave encore, c'est que, non seulement quelques soldats refusaient de reconnaître aucune autorité, mais que leurs camarades et les Bas-Officiers eux-mêmes faisaient cause commune avec les révoltés et se mettaient en état d'hostilité ouverte envers leurs chefs.

Toutes les voies de conciliation ayant été tentées par Mr Guynot des Chapelles et n'ayant amené aucun bon résultat, la Communauté de Ville se réunit dès le même jour pour en délibérer et, « considérant combien il est nécessaire que la subordination se rétablisse, tant pour les assemblées ordinaires que pour celles que pourrait exiger le bien de l'Etat, » décida de s'adresser à l'autorité militaire supérieure pour la prier d'intervenir et de rétablir l'ordre troublé. En conséquence, elle pria le Maire, M. Hérisson de Lourme, de transmettre à M. le Comte de Goyon, Commandant pour le Roi en Bretagne, une expédition du rapport du Capitaine de la Milice Bourgeoise, pour lui demander « de vouloir bien ordonner, pour le rétablissement de l'ordre, celle punition exemplaire qu'il jugera juste d'infliger auxdits René Nobilet, Caporal, Louis Lemaître et Jean Arribard, fusiliers, et d'enjoindre à la Brigade de Maréchaussée établie à Hédé de mettre cet ordre à exécution aux frais des délinquants cy-dessus ».

Qu'arriva-t-il de cette plainte ? Il est à croire que M. le Comte de Goyon, trop affairé, sans doute, pour s'occuper de la Milice de Hédé, ne se pressa pas de répondre, car, un mois plus tard, le 17 août, la Communauté, constatant que le Commandant en Bretagne « n'avait point donné signe qu'il eût reçu sa requête, et que, pourtant, il était indispensable qu'une juste punition fut infligée à des soldats insubordonnés, » lui adresse « une nouvelle requête à joindre à celle du 23 juillet, en le suppliant, dans l'intérêt de l'ordre public, » de lui répondre et de faire droit à sa demande.

Il est à présumer que cette seconde supplique eut un résultat meilleur que la première. Du moins, il faut le croire, car, sans subordination et sans obéissance, il ne peut exister de réunions militaires et, cependant, nous voyons la Milice Bourgeoise, vers la fin de l'année, accompagner à sa dernière demeure un de ses sergents, François Hardy, et continuer à prendre les armes dans toutes les fêtes publiques. C'est ainsi qu'elle assiste, le 14 octobre 1788, aux réjouissances ordonnées à l'occasion du rappel du Parlement, qu'on célébra par un feu de joie et où, nouveauté et libéralité extraordinaires en rapport avec, « l'allégresse » qui remplissait le cœur des Echevins, « on fit couler de la liqueur pour le peuple ». Cette liqueur, il ne faut pas s'exagérer la munificense de la ville, était simplement du cidre.

A partir de cette époque la Milice Bourgeoise n'aura plus seulement à jouer un rôle pacifique et de simple parade, mais va être appelée à remplir celui pour lequel elle avait, tout d'abord, été créée, de faire la police et de veiller à la sureté de ses concitoyens.

La réunion des Etats Généraux avait remué le pays et les esprits étaient inquiets. La petite ville de Hédé, dont les bourgeois appartenaient presque tous à la Cour, aux idées libérales, ayant pris fait et cause pour le Parlement dans sa lutte contre le gouvernement, qui suivait avec le plus grand intérêt la marche des événements, qui s'y mêlait, autant qu'elle le pouvait, par les instructions qu'elle ne cessait de donner à ses députés, par les adresses qu'elle votait et envoyait à l'Assemblée des Etats Généraux, put se croire en danger au milieu des paroisses, moins avancées et plus ou moins réfractaires à ce qui se passait, dont elle était entourée, et avoir besoin d'une protection qu'elle demanda à sa Milice Bourgeoise.

Mais pour que celle-ci fut réellement en état de rendre aux habitants le service utile et efficace qu'ils en attendaient, une réorganisation complète s'imposait tout d'abord afin de réprimer ce manque de discipline et d'obéissance que nous avons constaté. Il fallait lui imposer un règlement nouveau pour la reconstituer sur des bases meilleures à lui donner la solidité que doit avoir toute troupe armée pour que l'on puisse compter sur elle.

En conséquence, le 7 août 1789, les Echevins publièrent le « Règlement de la Garde Bourgeoise de nuit de la Ville de Hédé arresté en la Communauté de Ville :

ARTICLE PREMIER.
Tout citoyen, pour la sûreté individuelle de tous, sans exception de rang, privilèges, conditions, naissances, états, seront obligés de faire, en personne, le guet patriotique, conformément aux articles cy-après :

ART. 2. Chaque nuit, la patrouille sera composée d'un chef et d'un sous-chef avec cinq fusiliers ; ils seront obligés de parcourir les rues, de faire vuider les cabarets des habitants qui y seraient après dix heures, en rapporter procès-verbal en cas de besoin, lequel sera depposé au Greffe de la Municipalité pour y estre statué ce qui serait vu appartenir ; il en sera ainsi pour toutes saisies qu'elle pourrait faire.

ART. 3. Tout citoyen ou étranger étant trouvé faire Bacanal dans les rues, cabarets, et autres maisons particulières, la patrouille les saisira et les conduira au Corps-de-garde pour y passer la nuit et, d'après le procès-verbal qui en sera rapporté, les délinquants seront condamnés ainsi qu'il sera vu bon être, et, en cas de délits graves, ils seront remis à la juridiction territoriale.

ART. 4. Le Maître de postes aux cheveaux sera tenu, avant de délivrer des cheveaux, de faire prendre un billet de M. le Maire, auquel on déclarera le nom et la qualité des voyageurs et la route qu'ils tiendront et, en cas de passage de nuit, s'adresser à l'Officier de garde.

ART. 5. Tous aubergistes et cabarettiers seront obligés de donner chaque jour les noms et qualité des étrangers de l'un et l'autre sexe qui logeront chez eux et d'en tenir un registre exact qui sera chiffré et paraphé de M. le Maire et, chaque soir, en délivrer la liste à l'Officier de garde, laquelle sera déposée à la Municipalité.

ART. 6. Tout chef, malade ou absent pour les affaires de son état ou de sa famille, fera prévenir le Major qui le fera remplacer par le chef de la garde suivante, à charge au malade ou absent de remplir la garde qu'il aurait été forcé de manqué.

ART. 7. Tout fusilier, soit par la raison de son âge, soit par infirmité, soit par affaire de son état, qui sera absent, pourra se faire remplacer par un homme avoué par le Chef de garde, payant douze sols.

ART. 8. Messieurs les Prêtres domiciliés, les dames Ursulines, se feront remplacer comme il est dit à l'article précédent.

ART. 9. Tous citoyens qui se présenteront yvres à leur service seront remplacés à leurs frais et puny ainsi qu'il sera arresté.

ART. 10. Tout citoyen en patrouille qui manquera d'obéissance et de respect au Chef ou Souchef sera puni suivant l'exigeance des cas.

ART. 11. Lorsque la patrouille arrestera quelques particuliers, elle y procédera avec modération dans tous les cas où la force ne sera pas nécessaire, et, dans toutes les circonstances, elle leur parlera avec descense et honnêteté, sous peines de punition militaire.

ART. 12. Le but du présent règlement étant de maintenir et assurer la paix et la tranquillité publique et particulière, si quelqu'un des soldats patriotes s'injuriaient entre eux ou injuriaient quelque citoyen quelconque, ou feraient Bacanal, ils seront punis comme à l'article cy-dessus ».

Le règlement établi, on exigea qu'il fut observé strictement, mais l'article concernant la discipline avait oublié de prévoir une sanction et on s'en aperçut lorsque, quelques jours après la publication du règlement, un homme de garde « avait manqué à ses chefs et tenté, même, d'enfoncer une porte ». Il était nécessaire de faire comprendre immédiatement que tout manque à l'obéissance et au respect dus aux chefs et toute infraction au règlement devaient être réprimés. Aussi, dès le 18, pour réparer l'oubli, on institua « un Conseil de discipline, composé de trois Echevins et de trois citoyens militaires » et renouvelable chaque mois. Il était temps, car, quelques jours après, ce Conseil eut encore l'occasion de sévir, mais ce ne fut pas, cette fois, contre un Milicien.

Il était dit formellement dans l'art. 1er que tout citoyen, sans exception, était tenu, soit par lui-même, soit par un représentant, de fournir son contingent à la Milice, dans l'intérêt de la sécurité publique. Mme de la Marre de la Ville-Allée, veuve d'un Conseiller du Roi et son Procureur au Siège, ancien Capitaine de la Milice Bourgeoise et ancien Maire de Hédé, et belle-sœur d'un Recteur de Bazouges et Hédé, aussi ancien Procureur du Roi et ancien Maire, regrettant les égards et les privilèges auxquels elle avait été habituée, refusa catégoriquement de fournir un homme pour la garde de nuit.

D'abord, on se contenta de la condamner à en fournir deux pour la garde suivante. Nouveau refus qui motiva l'envoi « d'une garnison militaire composée de trois fusiliers commandés par un Cavalier de la Maréchaussée, lesquels vivraient à la table de ladite. dame ». Ce moyen n'eût pas meilleur succès et la garnison dut aller se faire nourrir à l'auberge aux frais de la délinquante, mais comme celle-ci ne voulait rien payer, le Conseil décida, le 12 octobre, « qu'on ferait saisir et enlever partie des meubles de facile enlèvement de la récalcitrante, en présence de deux témoins, quand la porte serait trouvée ouverte, lesquels meubles seraient déposés à l'Hôtel de Ville ». Rien n'y fit, la dame était entêtée et prenait ses précautions ; la porte était toujours fermée. Enfin, comme il fallait que force restât à la loi, on se vit dans la nécessité de recourir aux moyens extrêmes, et, pour faire exécuter les ordres du Comité permanent, on fut obligé « de prendre, dans les circonstances actuelles, un party que, dans tout autre, on abandonnerait volontiers... et, comme on ne peut trop tôt réprimer l'insubordination qu'a faite ladite dame de la Marre, insubordination qui peut conduire à une émotion populaire des gens moins aisés qui, sur son exemple pernicieux, menace déjà de se reffuser de contribuer à la garde de nuit, » on arrêta qu'on ferait venir un serrurier, qu'on ouvrirait la porte de vive force et qu'on enlèverait les meubles nécessaires au paiement des condamnations.

L'arrêt fut exécuté. MM. Ginguené, Major de la Milice, Guynot Brémard fils et Loisel, sieur de Saint-Trimoine, Hardy et autres, après avoir fait ouvrir les portes saisirent « deux poëles en airain, deux bassins, une fontaine de cuivre rouge, des plats et assiettes d'étain ».

Mme de la Mare fut bien obligée, alors, de céder et racheta les objets qui lui avaient été enlevés pour la somme de 45 liv. 5 s., à laquelle elle avait été condamnée, mais ne s'avoua pas vaincue, et, dans la quittance qu'elle donna de la remise de ses plats et bassins, elle déclare qu'elle ne paie que parce qu'à la force elle ne peut résister, mais que, tout en payant, elle proteste contre l'enlèvement « violemment et militairement » fait de ses meubles, et « que du reçu qu'elle donne, on ne doit pas induire qu'elle ne soit pas décidée à intenter une action criminelle contre les auteurs de l'enlèvement et de l'exécution militaire faite chez elle ».

Cet acte de vigueur contre une personne dans la position de Mme de la Marre produisit tout l'effet qu'on en attendait ; les mauvaises volontés s'apaisèrent et toute velléité de résistance cessa inunédiatement.

La composition des cadres de la Milice Nationale resta la même que celle de la Milice Bourgeoise dont elle n'était que la continuation sous un autre nom, avec M. Morel des Vallons, le jeune, comme Colonel à la place de M. Hérisson de Lourme. On y ajouta seulement pour le service de la garde de nuit deux majors, M. Belletier de Breil Marin, et, en second, le 10 octobre, pour l'aider, M. Ginguéné.

La Milice était toute disposée à remplir son devoir avec tout le zèle possible, mais les armes lui manquaient. Elle n'avait de fusils que ceux que possédaient quelques miliciens et la loi martiale exigeait que toutes les milices fussent armées.

La Municipalité dut recourir à l'Intendant et, le 1er novembre, le pria de vouloir bien lui indiquer les moyens de se procurer, sous sa caution, les fusils, baïonnettes et sabres qui lui étaient nécessaires et de l'autoriser, en même temps, à faire l'achat d'un drapeau rouge, d'un drapeau blanc et d'un troisième pour la Milice, mais ce ne fut que le 19, après une nouvelle demande d'achat de vingt-quatre fusils, que la Ville obtint son autorisation.

Lorsqu'on se trouva en possession d'armes, il fallut apprendre à s'en servir et la Municipalité engagea comme instructeurs, au prix de 24 livres et 18 livres par mois, Ambroise Berthault, soldat au régiment de Béarn, et François Rageul, tambour au régiment de Forest (?), tous deux alors en congé.

Le choix du drapeau pour la Milice mettait la Municipalité dans un grand embarras. On ne pouvait le prendre semblable à celui de l'ancienne Milice Bourgeoise. Il fallait du nouveau et le Maire, M. Hérisson de Lourme, fut délégué pour aller voir comment étaient ceux de Rennes afin qu'on put décider en connaissance de cause. Nous connaîtrons plus tard quel fut le drapeau choisi.

La garde de nuit avait été organisée avec enthousiasme et les patrouilles avaient lieu chaque soir régulièrement; on comptait que les voisins viendraient s'adjoindre aux habitants de Hédé pour défendre la sécurité générale. On avait fait appel au zèle des paroisses environnantes ; on avait député à Tinténiac, avec M. Gersin, MM. Robiou de la Tréhonais et Binel de la Motte, Président et secrétaire du Comité, pour demander aux habitants « de ne pas se séparer de leurs frères de Hédé avec lesquels ils ont toujours vécu d'amitié et de joindre leurs forces militaires avec les leurs, de ne faire qu'un seul corps avec celles de Hédé... ; qu'ils entendent vivre en véritables frères, citoyens et militaires, qu'il feront entre eux un partage de l'état-major de la Milice Nationale..., etc. ».

L'appel fait aux paroisses voisines ne fut point entendu. Venir passer les nuits à Hédé à monter la garde ne tenta personne ; la députation, à Tinteniac qui n'avait point les mêmes idées que Hédé, ne réussit pas mieux, et les Miliciens comprirent qu'ils n'avaient à compter que sur eux-mêmes.

Ils s'aperçurent bientôt que la charge, pesant sur un très petit nombre d'individus, et retombant toujours sur les mêmes, devenait trop lourde et n'était pas compensée par son utilité ; ils finirent par s'en fatiguer.

Le 6 avril 1790, M. Belletier, Major, vint exposer à la Municipalité « que la garde de nuit est très onéreuse au peuple dans ces temps où la cherté des grains force une grande partie des habitants à redoubler de travail pour gagner leur vie ; que la nécessité n'en est point assez urgente pour continuer à l'imposer ». En même temps, il donne sa démission et la Municipalité et les Notables, après l'avoir entendu, décident qu'à partir de ce jour la garde de nuit « demeurerait, quant à présent, suspendue, sauf à la rétablir quand besoing sera ».

Elle fut reprise, en effet, en 1792, et se composa tout d'abord, sous la surveillance d'un Officier, de huit hommes et d'un Caporal, puis, par suite du mauvais vouloir des autres communes qui, pas plus qu'auparavant, ne voulaient y participer, elle fut, afin de soulager les habitants, réduite à quatre hommes et un Caporal et se termina à onze heures.

Pendant l'année 1789, les événements marchaient vite et, avant même que la Ville eût réorganisé sa Milice pour la Garde de nuit, l'Assemblée Nationale créait pour Paris, le 13 juillet, une Milice Bourgeoise qui allait devenir l'origine de la Garde nationale.

Cette institution s'était promptement répandue en France et Hédé avait suivi le mouvement. L'organisation de sa Milice dut nécessairement, en raison du nouvel état de choses, subir des modifications. On fit alors deux nouveaux règlements successifs, l'un, très court, en neuf articles seulement : puis un autre, plus complet, comprenant, en un grand nombre d'articles divisés en cinq parties ou titres, tout ce qui concernait l'organisation, l'uniforme, la discipline, etc...

Nous n'avons pas la date de ce règlement, mais d'après les noms dont il est signé, il a dû être rédigé vers le mois de mai 1790, quelque temps avant la bénédiction des drapeaux qui se fit le 14 juillet.

En laissant de côté le premier qui n'eût qu'une courte existence et fut remplacé presqu'immédiatement par le second, nous ne nous occuperons que de celui-ci. Quoiqu'il soit assez long, nous croyons devoir le donner en entier parce qu'il renferme des détails assez curieux et qu'il ne sort pas de notre cadre, puisque la Milice Bourgeoise existe encore lorsqu'il apparaît et que c'est son premier article qui nous en apprend la suppression.

Mais avant de le transcrire, nous voulons reproduire le discours si complètement empreint de la phraséologie du temps, qui fut prononcé à l'occasion de sa promulgation. Ce discours n'est pas signé, mais nous ne pensons pas qu'on puisse attribuer ce morceau d'éloquence à d'autres qu'au Maire, M. Hérisson de Lourme, ou au Colonel de la Milice, M. Morel des Vallons.

« La chaîne qui tint si longtemps vingt-cinq millions d'hommes sous le joug du plus honteux esclavage, ne peut se briser que par l'effort des vertus sublimes du patriotisme.

Quel est, parmi les Français, l'individu raisonnable qui, en se félicitant de partager un jour le bonheur que nous prépare la Nation assemblée, ne veuille concourir de toutes ses forces à accélérer le retour de la Liberté.

Quel moien plus propre pour la recouvrer et la conserver que d'être toujours en état de la défendre contre les attaques des ennemis du Bien Public.

Citoiens ! La création d'une Milice nationale est aussi redoutable au despote qu'elle devient nécessaire au maintien de notre liberté. De toutes parts, nos frères se sont unis ; faisons entre nous un pacte d'union et que nos forces réunies en deviennent une à laquelle rien ne puisse résister.

Citoiens ! Prenons les armes, la nécessité nous y contraint. La prudence veut que nous ne les quittions plus ; opposons-les, ces armes, avec ce courage qui sait se défendre et jamais attaquer ; opposons-les aux ennemis du Bien Public ; jurons que s'ils osaient jamais renouveller leurs criminelles tentatives, nos bras s'élèveront pour les anéantir ; jurons que nous défendrons notre Liberté et le Bon Roi qui en est le Restaui ateur jusqu'à l'effusion de notre sang ; jurons qu'il est honteux de vivre esclave quand on peut vaincre ou mourir libre.

Mais, pour nous unir indissolublement, mais, pour assurer l'établissement ; d'une Milice nationale dans cette Ville, Citoiens, soumis à une règle invariable, jurons aussi de ne nous en écarter jamais ; prévenons les suites funestes de l'indiscipline et de l'insubordination ; soumettons-nous, sans murmurer, à une loi qui sera nôtre, comme émanée de notre volonté commune ».

 

RÈGLEMENT POUR LA MILICE DE HÉDÉ.

TITRE PREMIER
De la Formation.

ARTICLE 1er.
La MILICE BOURGEOISE cy-devant établie dans cette ville est et demeure supprimée.

ART. 2. Tout citoien domicilié, marié ou non marié, en état de porter les armes, pourra se faire enrôler, depuis l'âge de quinze ans, dans la Milice, après en avoir obtenu l'agrément.

ART. 3. Tout habitant non domicilié, ayant l'âge requis et présentant un certificat de bonne conduite donné par un citoien connu, pourra être admis dans la milice, s'il en obtient l'agrément.

ART. 4. Tout enrollé prêtera le serment prescrit par l'Assemblée Nationale conçu en ces termes : Je jure de bien et fidèlement servir pour le maintien de la paix, pour la défense des citoyens et contre les perturbateurs du repos public.

ART. 5. Le Régiment sera composé d'un bataillon dont la formation et le service seront réglés au Titre 4 du présent ; il sera composé d'autant de Compagnies qu'il en pourra completter ; chaque Compagnie, d'un Capitaine, un Lieutenant, un Sous-Lieutenant, un Sergent-Major, un Fourrier, deux Sergents, quatre Caporaux et..... fusiliers.

ART. 6. Le Bataillon aura un drapeau blanc et bleu, chargé de fleurs de lis et d'hermines.

ART. 7. L'Etat-major sera formé d'un Colonel, un Lieunant-Colonel, un Major, un Major en second, un Quartier-maitre trésorier, un Porte-drapeau, qui feront le service de semaine alternativement avec l'Aide-Major, d'un Aumônier, d'un Chirurgien-Major et d'un Tambour-Major.

ART. 8. Tous les grades sont amovibles et ne pourront être conférés que pour six mois. Il se fera chaque année une promotion générale au mois de janvier et de juillet par la voie du scrutin et, dans aucun cas, par acclamation.

Nul ne pourra être continué dans son grade ou place au delà de six autres mois. Les Officiers, Sergents et Caporaux pourront être promus aux grades supérieurs, mais jamais placés dans les inférieurs qu'auparavant il ne soit rentré pour six mois dans le rang des fusiliers.

L'Officier remplacé qui refuserait de devenir fusilier serait déclaré indigne de servir dans la Milice nationale.

S'il pouvait arriver que quelqu'un fut convaincu d'avoir sollicité directement ou indirectement quelque grade ou place, il serait, de droit, exclu de la promotion.

ART. 9. Les nominations et places se feront de la manière suivante : Les Compagnies, divisées en deux pelotons, procéderont à l'élection du Colonel, par scrutin qui sera recueilli par les Capitaines et Lieutenants desdites Compagnies. Le tableau du scrutin, vérifié en présence du peloton, sera signé du Capitaine et du Lieutenant, d'un Sergent, d'un Caporal et d'un fusilier et porté au Conseil d'administration qui, d'après le dépouillement du scrutin, déclarera Colonel celui qui se trouvera avoir réuni le plus de suffrages. Il en sera de même pour les autres grades, jusqu'à celui de Sergent exclusivement.

Et, pour les Sergents et Caporaux, les billets de scrutin porteront autant de noms qu'il y aura, d'abord, de grades de Sergents à conférer et, ensuite, et, par un nouveau scrutin, autant de noms qu'il y aura de grades de Caporaux à conférer. Dans le cas d'égalité de suffrages, le sort décidera entre les concurrents.

ART. 10. Afin de tenir la Compagnie au complet, chaque Capitaine fera faire, les 1ers janvier et juillet, un contrôle de sa compagnie pour être présenté au Conseil d'administration.

ART. 11. Nul ne pourra prétendre aux grades supérieurs, Officiers ou Bas-Officiers, qu'il ne soit en état de faire par lui-même le conrtôle d'une compagnie.

ART. 12. Tous ceux qui seront promus aux grades seront tenus de porter l'uniforme réglé au Titre 2 cy-après.

ART. 13. Ceux des campagnes qui désireront s'enrouler dans la Milice Nationale de cette ville, pourront être promus à tous les grades, conformément au présent Règlement.

TITRE SECOND.
De l'Uniforme.

ARTICLE 1er.
L'habit sera de drap bleu de roi, plus ou moins fin à volonté, passepoil rose, ayant des revers et paremens de drap rose, passepoil blanc, colet de drap blanc, doublure et passepoil rose, doublure de l'habit en laine blanche. Le colet sera montant et proportionné à la hauteur du cou. Les revers seront proportionnés à la taille. L'écusson du haut du revers s'étendra jusqu'au haut de l'épaulette en suivant bien la couture du colet. Le haut sera coupé en pattes dont le milieu sera pointu.

Il y aura sept petits boutons à chaque revers.

Les paremens seront coupés à trois pouces de long, tous retroussés, y compris le passepoil ; ils seront ouverts sur le côté extérieur et se fermeront par deux petits boutons dont le premier sera placé neuf lignes du bas du parement, le second à vingt lignes du premier.

L'ouverture du parement sera prolongée de deux pouces et demi à l'avant-bras et se fermera par un petit bouton placé pareillement a vingt lignes du second. Sur le retroussis de l'habit il sera mis à chaque coin des pans une hermine et une fleur de lis en drap rose.

Il y aura, comme dit est, trois petits boutons à chaque parement, cy : 6
Sept à chaque revers : 14
Un à chaque épaulette et contre-épaulette : 2
Trois gros au bas des revers : 6
Les pattes taillées en trois pointes, trois gros boutons sur chaque : 6
Deux gros boutons sur les hanches : 2
La veste et la culotte seront de drap blanc ; il y aura douze petits boutons sur la veste : 12
Total : 48.

ART. 2. Le chapeau retroussé sera bordé d'un galon de soie noire de dix lignes de large à cheval sur ledit chapeau, lequel, à l'aile gauche, sera arrêté par un ruban de soie noire attaché à un petit bouton uniforme avec la cocarde nationale.

ART. 3. Les officiers et fusiliers auront les cheveux en queue et ceux des faces frisés en une seule boucle.

ART. 4. Les Officiers porteront les épaulettes de la couleur du bouton, qui sera celui de Rennes. Lorsque les Sergents, Caporaux et Fusiliés seront sous les armes, les seules contre-épaulettes qu'ils porteront seront de drap rose doublé de blanc, avec l'attente en argent.

ART. 5. Les Tambours auront un habit écarlate, revers et paremens de drap bleu, colet montant blanc, doublure blanche, veste et culotte blanche. Le Tambour-Major aura, de plus, un galon argent de six lignes de large sur les paremens et revers seulement.

 

TITRE TROISIÈME.
Du Service.

ARTICLE PREMIER.
Le service du Régiment aura pour objet la défense de la Patrie et de la Liberté conformément énoncé Art. 4 du Titre 1er.

ART. 2. Aucun enroulé ne pourra quitter sa Compagnie et faire le service dans une autre, sans avoir fait adopter à sa Compagnie les motifs de son changement.

ART. 3. Lorsque le bataillon devra s'assembler, chaque Capitaine indiquera à sa Compagnie le lieu où elle s'assemblera et l'Aide-Major fera prendre l'ordre du Colonel.

ART. 4. Le Drapeau sera déposé à l'Hôtel-de-Ville.

 

CHAPITRE 2.
Du service particulier à chaque Compagnie.

ART. 1er. Tout enrollé sera tenu de marcher sous les ordres de son chef partout où besoin sera parce que, néamoins en cas de déplacement, l'objet en sera proposé aux Compagnies divisées par pelotons, et le Conseil d'administration donnera les ordres conformément au vœu de la pluralité.

ART. 2. Les Compagnies s'assembleront deux fois le mois, le dimanche, à une heure de l'agrès-midy, pour faire des maneuvres.

ART. 3. Le service journalier sera de faire la garde et la patrouille de la Ville conjointement avec le guet ordinaire (la garde de sans doute). Le service sera ordonné douze heures auparavant.

ART. 4. La patrouille se fera suivant l'usage actuel du guet.

ART. 5. Le Major ou, en son absence, le Major en second commandera les hommes nécessaires à ce service, eu égard aux circonstances.

ART. 6. Hors le cas de maladie, tout domicilié sera tenu de faire son service ou de se faire remplacer par un citoien militaire du même grade.

ART. 7. Les postes seront déterminés par le Règlement particulier du guet.

 

TITRE QUATRIÈME.
De la Discipline.

ART. 1er. Tous Officiers, Sergents, Caporaux et fusiliers seront tenus, sur la foi de l'honneur et du serment, de se conformer au Règlement.

ART. 2. Les ordres seront donnés avec honêteté.

ART. 3. Tout Officier, Sergent et Caporal de service qui manquera de prendre l'ordre ou le porter sera, dans le premier cas, condemné à douze heures de Chambre de discipline et, dans le second, à vingt-quatre heures.

ART. 4. Tout Officier, Sergent et Caporal qui accompagnera son refus de service de propos injurieux ou menaces se rendra à la Chambre de discipline où il sera détenu vingt-quatre heures ; le fusilier, pour la même faute, y sera détenu douze heures ; les uns et les autres pourront être punis plus sévèrement suivant l'exigeance des cas.

ART. 5. Tout Officier, Sergent et Caporal qui se présentera ivre sous les armes sera conduit sur-le-champ à la Chambre de discipline où il sera détenu vingt-quatre heures, et le fusilier douze heures, et l'un et l'autre prendront leur tour de garde.

ART. 6. Tout Chef qui pendant son service s'enivrera ou qui, étant de patrouille, quittera son escouade ou s'arrestera dans quelques cabarets, si ce n'est pour y mettre le bon ordre, sera puni de vingt-quatre heures de détention à la Chambre de discipline et le fusilier de douze heures.

ART. 7. La sentinelle qui abandonnera son poste sera condemnée à vingt-quatre heures de prison et réprimandée au Conseil d'administration.

ART. 8. La discipline du Régiment apartiendra au Colonel, qui, dans les cas prévus, prononcera les peines cy-dessus énoncées et, dans les cas imprévus, prononcera selon sa prudence, toujours en se rapprochant, le plus qu'il sera possible, de l'esprit, du règlement ; quant aux fautes non prévues et n'exigeant pas une prompte punition, il en réfèrera au Conseil d'administration, qui déterminera les peines.

ART. 9. Toute infraction aux principes de subordination et d'honeteté, tant de la part des fusiliers envers les Officiers que de la part de ceux-ci envers les fusiliers, sera portée au Conseil d'administration.

ART. 10. En cas de récidive dans l'intervalle d'une promotion à l'autre, ou de refus de subir la peine prononcée par le Colonel, il en sera référé au Conseil d'administration, qui jugera suivant sa prudence.

ART. 11. Celui qui refusera de se soumettre à la peine portée par le Conseil d'administration sera privé de l'honneur de servir dans la Milice nationale pendant le temps que le Conseil déterminera.

ART. 12. Tout citoyen militaire qui sera coupable de fautes graves ou délits, après raport fait au Conseil d'administration, sera renvoié devant ses juges ordinaires et, s'il est condemné à une peine infamante, il sera dégradé à la tête du Régiment.

ART. 13. Afin de constater la récidive, le Conseil d'administration tiendra un registre particulier où seront inscrites les punitions prononcées contre les Officiers, Sergents, Caporaux et fusiliers, en référant l'espèce de punition, le motif et la date. En conséquence, le Colonel sera tenu, lui-même, de tenir un registre des punitions qu'il aura prononcées sans le concours du Conseil d'administration.

Ce registre sera brûlé à l'époque de chaque promotion, en présence du Conseil et il en sera rapporté procès-verbal signé de tous les membres présents.

 

TITRE CINQUIÈME.
Du Conseil d'administration.

Le Comité de cette Ville sera le Comité d'administration.

Fait et rédigé en l'Hôtel de Ville par le Comité et les Commissaires adjoints.
HÉRISSON DE LOURME, MOREL DES VALLONS, René NOBILET, Pierre DUBOIS, LEMARCHAND, DESLANDES DE LA RICARDAIS, BINEL DE LA MOTTE, ROBIOU DE LA TRÉHONAIS, Secrétaire du Comité ; GERSIN, Président du Comité.

Voilà le document. Il eût été intéressant de l'examiner en détail, de l'analyser, de s'arrêter à certains chapitres, par exemple à ceux concernant l'enrôlement facultatif, en théorie, mais qui, en réalité, devait être général, car personne n'eût voulu, par égoïsme, ne pas imiter les autres et paraître indifférent à la sécurité générale lorsque tous ses voisins s'engageaient pour la défendre ; le mode et les conditions d'élection des Officiers, si nouveaux et si démocratiques, mais si peu militaires qui, en limitant la durée de la fonction et en obligeant le chef remplacé à rentrer modestement dans le rang et à redevenir simple milicien, permettaient à chacun d'aspirer aux plus hauts grades, en même temps qu'ils consacraient le principe de l'égalité entre tous les citoyens ; cet uniforme, si galant, si coquet et si bien décrit jusqu'au dernier bouton, qu'on l'a devant les yeux et qu'on le reproduirait sans la moindre hésitation, dans lequel paradaient les Officiers, seuls assez riches pour se le payer, tandis que les simples soldats n'avaient comme signe distinctif que la cocarde que la Municipalité devait leur fournir [Note : Premier règlement, section 1re, art. 5] ; la discipline et les moyens de la faire observer qui, en dehors de quelques heures de salle de police, étaient surtout des appels à l'honneur ; les drapeaux, enfin, avec leurs hermines mélangées aux fleurs de lys ; mais cela nous entraînerait trop loin et augmenterait encore une notice déjà bien longue. Du reste, chacun pourra faire par lui-même les réflexions et les commentaires que sa lecture lui suggérera et des comparaisons intéressantes, tant avec l'ancienne Milice Bourgeoise qu'avec cette autre Garde Nationale, de date plus rapprochée, que quelques-uns de nous ont encore pu connaître.

Le 18 mai, les Officiers de l'Etat-Major de la Milice Nationale vinrent demander à la Municipalité qu'une certaine somme fut allouée pour faire une fête à l'occasion de la bénédiction de leur Drapeau, fête à laquelle on espérait bien voir assister les Compagnies de Milice des paroisses du Canton qui devaient se réunir à Hédé pour former le Bataillon et qu'on priât un ecclésiastique de célébrer la cérémonie. Le jour choisi devait être le 30 mai, dimanche de la Trinité.

La Municipalité s'empressa de voter la somme, très considérable pour elle, de 800 livres, sous le bon plaisir de Mgr l'Intendant « pour frayer à cette fête » et chargea MM. Morel des Vallons, Colonel, et Hérisson de Lourme, « de prier M. le Recteur de la paroisse de vouloir bien procéder à la bénédiction des Drapeaux ».

Le 24, afin que la Milice pût se présenter d'une façon convenable, le colonel demande qu'on lui accorde les quatorze fusils que la Municipalité a fait saisir et mettre en état, ce à quoi celle-ci consent, mais seulement à titre provisoire, et à la condition de représenter les armes lorsqu'il en sera requis.

Toutefois, la fête n'eut pas lieu à l'époque primitivement fixée et fut retardée d'un mois et demi. Le 14 juillet avait lieu à Paris en grande pompe, la Fédération de toutes les Gardes nationales de France.

Son trop grand éloignement et son manque de ressources n'ayant pas permis à la milice de Hédé d'aller figurer à cette assemblée, elle avait dû se contenter de déléguer, pour l'y représenter, son colonel, M. Morel des Vallons ; mais la Ville, pour l'associer et la faire participer, autant que possible, à la fête nationale, résolut de la réunir le même jour qu'à Paris, de lui faire répéter le même serment que son colonel y prêtait pour elle et de faire du 14 juillet, pour elle et pour toute la population, une journée de réjouissances.

La Bénédiction des Drapeaux se fit donc le 14 juillet 1790. Nous ne la décrirons pas nous-même, préférant laisser la parole à un conteur plus autorisé, qui assistait à la fête, y prit part personnellement et en écrivit immédiatement le compte rendu officiel. Nous aurons ainsi un récit exact et fidèle, portant l'empreinte véritable de son époque.

« Aujourd'hui 14 juillet mil sept cent quatre vingt dix, en l'Assemblée de la Municipalité de Hédé tenue aux trois heures de l'après-midi, à laquelle a présidé Michel Deslandes, premier officier municipal, en l'absence du Maire, et à laquelle ont été présents Messieurs Duclos, Thouault, Eon et Nobilet, Officiers municipaux, et Monsieur Aubrée, Procureur de la Commune.

L'assemblée, de l'avis unanime de tous ses membres, a arrêté de faire mention sur son registre de la Fête patriotique de ce jour, tant à l'occasion de la Bénédiction du drapeau de la Garde nationale de cette ville qu'à cause du Pacte fédératif entre toutes les Gardes nationales du Royaume, qui a donné lieu au Serment d'union décreté par l'Assemblée nationale, laquelle fête s'est passée comme suit :

D'après les avertissements réitérés, tant au bat de la caisse que par des publications par écrit à tous les Citoyens de cette ville et du Canton qui en dépend, de se trouver ce jour, à heure fixe, lesquelles publications ont été faites, tant de la part de la Municipalité que de celle des Officiers de la Garde nationale de cette ville et canton, les citoyens se sont réunis en grand nombre devant l'Hôtel de Ville où Messieurs les Officiers les ont fait ranger sur deux colonnes ; ensuite ils ont invité la Municipalité à se rendre entre ces deux colonnes, à l'église de Notre-Dame de Hédé.

La Municipalité a déféré à cette invitation et a été conduite par la Garde nationale qui a observé la meilleure discipline. L'ancien drapeau de la Ville qui va être attaché à la principale voute de l'Eglise, en signe d'union, fermait la marche de la Municipalité. Elle était précédée du drapeau national qui va être béni.

Arrivés à l'Eglise, la musique a entonné le Veni Creator, ensuite Monsieur Olliviero, Recteur de cette paroisse, a prononcé un discours analogue aux circonstances, lequel a été justement applaudi.

La Bénédiction du drapeau faite, Monsieur le Recteur a célébré la Messe du Saint-Esprit, après laquelle Monsieur Deslandes, premier Officier municipal, en l'absence du Maire ; a invité Messieurs de la Garde nationale à prêter le serment qui suit :

Nous jurons d'être à jamais fidèles à la Nation, à la Loi et au Roi ; de maintenir de tout notre povoir la Constitution décrétée par l'Assemblée nationale et acceptée par le Roi ; de protéger, conformément aux Lois, la sûreté des personnes et des propriétés, la libre circulation des grains et subsistances dans l'intérieur du Royaume, la perception des contributions publiques sous quelques formes qu'elles existent, de demeurer unis à tous les Français par les liens indissolubles de la Fraternité.

Ce serment a été prêté unanimement et chaque Garde national a, à haute voix, dit individuellement je le jure.

La musique, ensuite, a entonné le Te Deum, d'après quoi, le drapeau rendu chez M. Belletier, Lieutenant-Colonel, en l'absence de Monsieur Morel, Colonel, député à la Fédération générale, la Municipalité a fait couler, sur la principale place de cette ville, trois barriques de liqueur (trois barriques de cidre qui coutèrent 51 liv. 4 s.) pour être distribuées à la Garde nationale.

De tout quoy l'Assemblée a fait rédiger la présente relation qui a été souscrite de MM. les Ecclésiastiques, MM. de la Garde nationale et de la Municipalité, après lecture.

OLIVIERO, Recteur de Bazouges et de Hélé ; COUELLA, prêtre ; Alex LUCAS, Curé de Hédé ; BELLETIER, Lieut.-Colonel, Commt. la Garde Nale. ; DESLANDES, Major de la Garde ; P. UGUET, Porte-Enseigne ; RUAULT, Aide-Major ; RODIOU, Ss-Lieutenant ; AUBRÉE, Procr. de la Commune ; LOUAIZEL, Capitaine ; LE MARCHAND, Quartier-Maître Caissier ; BLIN père, Lieutenant ; EON, Officier municipal ; DESLANDES, Officier municipal ; THOUAULT, Officier municipal ; DUCLOS, Officier municipal ; NOBILET, Officier municipal ; LE MARCHAND, Secrétaire-Greffier ».

Ici nous nous arrêtons, notre tâche est terminée. Le règlement de la garde nationale, qui lui succède et que nous aurions aimé, si cela ne sortait pas de notre cadre, à suivre pendant quelques années, car son rôle à Hédé, devenu pendant la Révolution un poste militaire, a été assez actif, a consacré dans son article premier la fin de la Milice bourgeoise, dont le drapeau, suspendu dans l'église de Notre-Dame de Hédé, resta seul pour rappeler le souvenir. Encore ne fut-ce pas pour longtemps, car, lorsque le 23 ventôse an 2 (13 mars 1794), l'agent national Gersin reçut l'ordre de supprimer du temple de la Raison « tout ce qui n'y a point de rapport, » il est plus que probable que, malgré les solides « crampons » avec lesquels le serrurier Hardy l'avait attaché à la « Grande Voûte » et qui avaient coûté 4 liv., il disparut avec tout ce qui n'avait point de « rapport avec la Raison, » les Christ, les statues des saints, etc..., dont il suivit le sort.

Que devint-il ? Nous l'ignorons. Au lieu d'être gardé précieusement comme un souvenir, ainsi qu'on le ferait de nos jours, il fut sans doute livré comme un jouet aux enfants, puis sali et déchiré, jeté au rancart, ou bien, dans ces temps où tout ce qui rappelait l'ancien régime était suspect, relégué au fond d'un grenier et devenu la proie des rats.

A notre époque où l'on parle tant de démocratie, cette institution de la Milice bourgeoise, si libérale et si démocratique, puisque c'était la réunion de tous les citoyens s'engageant volontairement pour leur propre défense et, au besoin, pour celle de la patrie, est si bien oubliée qu'à Hédé, où elle exista pendant des siècles, son nom même est aujourd'hui inconnu et c'est afin de la rappeler et d'essayer de la faire connaître à ceux dont les pères se trouvaient heureux et honorés d'en faire partie que nous avons voulu écrire cette notice.

(A. Anne Duportal).

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