|
Bienvenue ! |
LA CROZILLE : TERRE ET MAISONS NOBLES EN LA PAROISSE DE SAINT-SYMPHORIENPRÈS DE HÉDÉ |
Retour page d'accueil Retour page "Ville de Hédé"
LA CROZILLE.
La Seigneurie de la Crozille ou Croizille était possédée tout d'abord [Note : P. de Courcy] par une famille qui en portait le nom, sur laquelle nous n'avons que peu de renseignements, mais dont nous pouvons cependant citer quelques personnages. Tout d'abord, Guillaume, qui donne quittance au Trésorier du Roi de France pour le paiement de ses gages et celui d'un archer de sa Compagnie [Note : « Saichent, tuit, que je Guillaume de la Croizille Archier, ai eu et receu de Barthelemy du Drach Tresorier des guerres du Roy nostre Sire, par la main de Pierre du Drach son frère, en prest sur les gaiges de moy, un archier de ma compaignie desservis et à desservir en ces présentes guerres, soubz le gouvernement de noble homme Mons. Guy de Neelle, Sire d'Auffemont Mareschal de France, Lieutenant du Roy en Bretagne, la somme de quatorze livres dix sols tournois, etc. A Malestroit, soubs mon scel, le 12 Aoust MCCCLII. » (Pr. de l'Histoire de Bretagne)]. La quittance est « scellée en cire rouge, trois coquilles en chef, une fasce, on ne peut distinguer le reste » [Note : Preuves de l'Histoire de Bretagne, Dom Morice]. On rencontre plus tard, en 1371, parmi les hommes de la Montre de Mr Jehan de Beaumanoir et de Mr Robert Guitté, Maréchaux du Connétable du Guesclin, un Jehan de la Croizille, qui doit aller servir au siège de Bécherel. En 1374, Loys de la Croizille est Écuyer dans la Montre de Jehan de Landevy, et en 1380 dans celle de Jehan de Beuil, aussi Chevalier, Chambellan du Roi et du Duc d'Anjou. Guillaume de la Croizille se trouve en même temps que Loys dans la Montre du Sire de Landevy, et en 1379, il reçoit pour lui et pour neuf autres Écuyers de sa suite, présents à l'armée réunie à Pontorson, la somme de 450 liv.
Un Robert de la Croizille, Sieur de la Maison Neuve, vit dans la paroisse d'Étrelles en 1444, et enfin, dans la Revue passée à Dinan en 1489, nous retrouvons une dernière fois ce nom de la Croizille, mais sans prénom.
Il n'y a point à essayer de filiation ; il est à croire que Louis et Guillaume étaient frères, que l'un était le représentant de la branche aînée et le père de celle qui devait porter la Seigneurie dans la famille Hattes. Il est certain, d'autre part, que l'union des deux familles ayant eu lieu avant la fin du XIVème siècle, le Sieur de la Maison Neuve et le personnage présent à la Montre à Dinan appartenaient à la branche cadette.
A quelle époque précise se fit l'alliance entre les La Croizille et les Hattes, et quel était le nom de l'héritière qui apportait avec elle à son mari, cadet de famille, une si belle dot ? Nous n'en savons rien ; mais, en 1371, le Seigneur de la Crozille est Pierre Hattes [Note : Arch. départ. d'Ille-et-Vilaine, E, 93 ]. En 1427, il est remplacé par son fils, Olivier, qui possède « le Manoir de la Crozille, » l'hôtel de Grasse Vache, en Vignoc ; en 1437, le Manoir de la Planche, dans la paroisse de Bazouges [Note : Montres de l'Évêché de Rennes], et, en 1455, les Métairies nobles du Clos et de la Haye.
Voici ce qu'étaient l'importance et l'étendue de la seigneurie de la Crozille en 1455, au moins en ce qui ressortait du Domaine Ducal à Hédé :
« Olivier Hates, Seigneur de la Crozille, tient du Duc à Hédé, à foi et rachat, en la paroisse de Saint-Symphorien : Le Grand Bailliage, duquel les rentes et revenus lui dus des hommes et teneurs d'icelui, montant par deniers environ 27 liv., aveine menue, trente boisseaux, gelines, vingt-deux, corvées, vingt et deux, dont il doit par chacun an, au terme d'aout, de rente nommée Taille à compte, 4 sous 3 deniers et pour la..., étant d'icelui fief et Grand Bailliage, 2 sous 11 deniers. Somme, 7 sous et 2 deniers ô l'obeissance.
Item tient semblablement une pièce de terre sise au-devant de la Crozille, nommée le Clos de la Croix, contenant environ un journal quart, qu'il eut d'un nommé Lebreton, dont il doit de Taille comme dessus poge ô l'obeissance ».
« Item tient en la paroisse de Saint-Symphorien, au bailliage du Clos, ès villages du Clos, de la Padochère et ailleurs, environ 100 sous de rente, par deniers, seize boisseaux aveine menue, deux gelines, deux corvées, dont il doit de Taille à compte, au terme d'aout, par an, pour le fief de la Crozille, 2 sous 2 deniers de rente ô l'obeissance ».
« Item tient ledit Olivier Hates à foi et rachat en la paroisse de Saint-Symphorien, ès villages de la Gremillière et Limonière, environ 58 sous de rente, dix bouesseaux aveine menue, quatre gelines et, quatre corvées, dont il doit, semble, de Taille à compte, au terme d'aout, 3 sous 8 deniers pour la Crozille, ô l'obeissance ».
« Deux pièces de terre au champ du Verger et au Clos de la Croix Prioul, tenues à foi et rachat, dont Olivier Hattes paie poge de rente ô l'obeissance ».
« Ledit Olivier Hattes, Sieur de la Crozille, est chef desdits fiefs de la Crozille, qui doit de Taille à compte, au terme d'aout, 20 sous 3 deniers et, du fief au Roux, il doit semble 6 sous 8 deniers. Somme, 26 sous 11 deniers ».
En Bazouges, l'Hôtel de la Haye, tenu en Juveigneurerie, à foi et rachat, d’Oliver Hattes par Gilles Bernard, et l'Hôtel de la Planche.
« Olivier Hattes, Seigneur de la Crozille, tient semblablement ès paroisses de Vignoc, Guipel et Montreuil, au fief de la Crozille, un fief nommé le Fief Commun. Par deniers, environ 8 liv. de rente, douze bouesseaux d'avoine menue, trois gelines et trois corvées ès village de Beauchène, en Vignoc, la moindre à Guipel, dont il doit par an, au terme d'aout, 3 sous 4 deniers de rente ô l'obeissance ».
A Saint-Gondran « il tient au Village des Fougerais, par deniers, environ cent doze sols de rente, quatorze bouesseaux d'avoine menue, neuf gelines et neuf corvées, dont il doit par an, au terme d'aout, de Taille à compte, que on dit être du fief de Couesbouc, 2 sous 6 deniers de rente ô l'obeissance ».
Après Olivier Hattes vient Jehan, qui vit en 1478 et est l'époux de demoiselle Anne de Bintin, fille de Pierre, Seigneur de Bazouges. Celle-ci apportait avec elle la terre de Brignerault, qui fit retour aux Bintin après sa mort, et reçut de son mari, pour son douaire, la Maison et Métairie nobles du Clos, où nous la trouvons vivant veuve en 1513, tandis que son fils aîné, Geoffroy, tient « la Maison de la Crozille, noble d'ancienneté, où a bois, moulin, colombier » [Note : Montres de l'Évêché de Rennes, 1513]. Il possède, en outre, l'hôtel de Lespinay, que son père, sans doute, avait acquis de Jehan Jahou, Marie Jahou et autres consorts, gens nobles ; la Maison du Pont et la Métairie de la Planche, cette dernière en Bazouges. Ce nouveau Seigneur de la Crozille, dont nous ne connaissons pas l'alliance, dut avoir plusieurs enfants, dont Olivier, l'aîné, Jehan, que nous retrouverons avec la Maison de Saint-Symphorien, et d'autres encore, que nous rechercherons plus tard. Geoffroy est mort avant 1521, et Olivier, qui lui succède, marié à dame Peronnelle du Bouays, vraisemblablement de la famille de Couasbouc, n'est plus là lui-même en 1541, lorsque son fils Jehan se présente aux Montres à titre d'Archer, pour lui et pour sa mère, déclarant posséder un revenu noble de 80 liv. [Note : Montres de 1541. Bibliothèque municipale de Rennes]. Peronnelle du Bouays, la dame de la Crozille, mourut vers 1559.
De sa femme, demoiselle Julienne de Saint-Gilles, croyons-nous, Jehan Hattes eut une fille unique, à qui seule devait revenir la Seigneurie de la Crozille, Aussi la main de l'héritière fut-elle très recherchée, et avant 1554, Jeanne, qui ne portait encore que le nom de dame de la Bouexière, épousait Messire Laurent de Montmoron, fils de François de Montmoron et de dame Béatrix de Vaucouleurs. Jehan Hattes mourut peu d'années après le mariage de sa fille, car en 1558 les jeunes époux portent le titre de Seigneur et Dame de la Crozille.
De cette union sortirent trois filles : Charlotte, l'aînée, dont nous n'avons point l'acte de baptême ; Françoise et Jehanne, baptisées à Hédé en 1558 et 1561. Charlotte fut mariée à Messire Gilles de Sévigné, Conseiller au Parlement [Note : « Il fut Seigneur de Saint-Didier et maria les lettres avec les armes par le choix qu'il fit de la profession de la Robe... Il prit une alliance digne de son nom en la personne de Charlotte, dame de Montmoron, fille de Roland et de Jeanne Hattes, dame de la Boessière et petite-fille de François ». Ledit François, fils de René, Seigneur de Montmoron, et de Marie de Québriac], fils puîné de Bertrand, Seigneur d'Olivet, du Plessix, de la Baudière, et de Marguerite de Champaigné. Comme elle était l'aînée et qu'elle n'avait que des sœurs, elle hérita de la Seigneurie de Montmoron, qu'elle porta en dot avec elle, et ses descendants formèrent la branche des Sévigné, comtes de Montmoron. Françoise épousa François de Hirel, Seigneur de la Couaspelaie.
Le mari de Jehanne Hattes dut mourir peu de temps après la naissance de sa dernière fille, et sa veuve prit en secondes noces Messire Jacques de France, Sieur de la Touche, Procureur au Siège Présidial de Rennes, fils cadet de Pierre de France et de demoiselle Raoulette de Saint-Pern, qui vécut jusqu'en 1579 et fut inhumé le 25 janvier dans l'Église de Saint-Symphorien. Deux ans après, le 21 janvier 1581, était célébré, dans la chapelle du château de la Crozille, le troisième mariage de Jehanne Hattes avec noble homme Bastien de Gaudémont. De ce dernier mariage ne vinrent point d'enfants, mais de l'union avec Messire Jacques de France étaient sortis un fils, Jehan, et deux filles : Louise et Marguerite cette dernière mariée le 26 février 1596, dans la chapelle du Manoir, à noble et puissant François Brunet, Sieur de la Pironnaye. Ce fut Jean de France qui, au décès de sa mère, hérita de la Seigneurie de la Crozille. Jehanne Hattes, dame de la Crozille, décéda en 1602, et son corps fut déposé le 25 août au Chanceau de l'Église de Saint-Symphorien. Avec elle s'éteignit la branche ainée des Hattes de la Crozille.
Une réformation du Domaine Royal va nous faire voir quelle différence existait entre la Crozille de 1455 et celle de 1601.
« La Maison, Manoir et Métairie de la Crozille, appartenant à Demoiselle Jehanne Hates, contenant en jardins, vergers, bois de haulte futaie, terres arables, prée et prairies, soixante treize journaux de terre ou environ, estimés 250 liv. Le droit de rachat d'icelle prisé 7 liv. 18 sous 9 deniers tournois de rente ».
« Le Moulin à eau dudit lieu de la Crozille avec l'étang ; son distrait, estimé, le quart rabattu, 150 liv. de rente. Le rachat dudit Moulin prisé 4 liv. 11 sous tournois de rente ».
« La Métairie du Clos, aussi à ladite Dame de la Crozille, contenant cinquante journaux de terre, estimée 279 liv. Le droit de rachat d'icelle Métairie prisé 9 liv. de rente ».
Fiefs et Bailliages dépendant de ladite Maison appartenant à ladite Demoiselle.
Savoir :
« Le Grand Bailliage, valant par deniers 27 liv. monnaie, qui est à
tournois 32 liv. 8 sous, trente boisseaux d'avoine menue, mesure de Hédé, à
raison de 5 sous chacun boisseau, valent 7 liv. 10 sous, vingt-deux poules, à 3
sous chacune, valent 66 sous, deux corvées valent 6 sous, le tout duquel
Bailliage vaut 43 liv. 10 sous tournois de rente. Le droit de rachat dudit
Bailliage prisé 28 sous 3 deniers de rente ».
« Le Fief et Bailliage du Clos de la Padochère, valant par deniers 100 sous monnaie, qui est à tournois 6 liv., cinq boisseaux d'avoine menue à ladite raison de 5 sous chacun boisseau, prédite mesure, valant 25 sous, deux gelines et deux corvées, à raison de 3 sous chacune, valent 12 sous. Le revenu dudit Bailliage vaut 7 liv. 17 sous. Le droit de rachat duquel prisé 5 sous 10 deniers de rente ».
« Autre Bailliage appelé le Bailliage de la Limonière et de la Gromillère, valant par deniers 58 sous monnaie, qui est à tournois 69 sous 6 deniers, dix bouesseaux d'avoine menue, dite mesure, même raison que dessus, valent 50 sous, quatre gelines et quatre corvées, 24 sous, le tout duquel Bailliage se monte à 7 liv. 3 sous 6 deniers. Le droit de rachat d'icelui Bailliage prisé 4 sous 10 deniers tournois de rente ».
« Autre Bailliage nommé le fief Commun, valant par deniers 8 liv. monnaie, qui est à tournois 9 liv. 12 sous, douze boisseaux d'avoine menue, dite mesure, à 5 sous le boisseau, valent 60 sous, trois gelines et trois corvées, 18 sous. Le droit de rachat d'icelui Bailliage prisé 8 sous 8 deniers maille ».
« Autre fief appelé le Bailliage de Beauchêne, appartenant à ladite Demoiselle, montant par deniers à 28 sous 2 deniers monnaie, qui est à tournois 32 sous 8 deniers, une geline, 3 sous, un boisseau d'avoine menue, dite mesure, 5 sous, deux tiers de corvée, 2 sous, le tout dudit Bailliage vaut 38 sous 2 deniers. Le droit de rachat d'icelui Bailliage vaut 1 sou 3 deniers de rente ».
Dans la paroisse de Bazouges, « la Maison et Métairie de la Grande Planche..., contenant trente-huit journaux de terre ou environ, prisée 50 écus. Le droit de rachat d'icelle Métairie estimé 4 liv. 15 sous tournois de rente ».
En Vignoc, « le fief de la Gilliotais... vaut par deniers 38 sous 9 deniers monnaie, revenant à 46 sous deniers tournois de rente, un boisseau d'avoine menue, mesure de Hédé, 5 sous, une poule et une corvée, à la raison de 3 sous chacune, valant 6 sous, le tout duquel Bailliage se monte à 57 sous 6 deniers. Le droit de rachat dudit Bailliage prisé 1 sol 6 deniers tournois de rente ».
Jean de France, Écuyer, Sieur de la Touche Parthenay, de la Bouexière, Gentilhomme ordinaire de la Chambre du Roi, devenu Seigneur de la Crozille par le décès de sa mère, épousa vers 1601 demoiselle Françoise Perault, qui lui donna trois enfants, au moins, tous nés à Saint-Symphorien en 1602, 1605 et 1606 : Gilles, Jacques et Françoise. Il est probable qu'il faut y ajouter encore demoiselle Germine, morte le 15 décembre 1618 au Manoir de la Crozille, et Jeanne, mariée en premières noces (1622) à Écuyer Jan le Fruguelais, Sieur du Quingo, et plus tard (1626) à Écuyer Jean du Rocher.
Gilles de France était bien jeune quand il devint, en 1608, après son père, Seigneur de la Crozille et de la Bouexière. Il se maria vers 1628 avec Hélène Le Vicomte, fille de Charles et de Françoise Gedouin, qui lui donna, de 1629 à 1635, sept enfants, tous nés à Saint-Symphorien. Après la naissance du dernier, les registres de la paroisse ne parlent plus de la famille de France, et, dès 1638, un acte de baptême nous présente « Haute et puissante Dame Françoise Le Mintier, dame du Bois Louet et de la Crozille » [Note : Registres de l'Église Notre-Dame de Hédé].
Françoise Le Mintier était fille de Messire Lancelot, Seigneur de Carmené, et de Louise Visclelou ; elle était femme de Messire Jean de Rollée, Sieur du Bois Louet, d'une famille de Robe qui avait fourni plusieurs Référendaires et Maîtres à la Cour des Comptes de Bretagne [Note : Pierre de Rollée, Sieur de la Moinnerye Champory, Maître particulier des Eaux et Forêts à Rennes en 1600 ; Philippe Christophe de Rollée, Sieur de Rigny, Conseiller Maître à la Cour des Comptes de Bretagne en 1619 ; Nicolas, Sieur de Rigny, son frère, en 1628, et Thomas, fils de Philippe, par résignation de Nicolas, son oncle, en 1650. Leurs armoiries étaient : d'azur à la licorne rampante d'argent ; alias, de gueules à la licorne d'or].
Le nouveau Seigneur de la Crozille avait choisi la carrière des armes ; il était devenu Gouverneur des Villes, Châteaux et Baronnyes de Fougères, Saint-Brieuc des Vaux et de la Tour de Cesson, Maitre d'Hôtel du Roi de France, Enseigne et Capitaine des Gardes du Corps, Chevalier des Ordres, etc...
A qui, de Françoise Le Mintier ou de son mari, appartenait la Crozille ? Nous pensons que c'est à la première, dont le père l'aurait acquise et qui l'aurait reçue à son mariage, car après sa mort c'est à ses héritiers que passe la Seigneurie.
Les deux époux s'occupèrent activement d'augmenter l'importance de la Crozille, et du vivant du Sieur du Bois Louet, qui possédait déjà la propriété voisine de Bon Espoir, les terres du Châtellier, du Bois Orcant y furent adjointes, et plus tard celle de l'Alleu et la Seigneurie de Bazouges. Messire Jean de Rollée fit plus : il obtint l'érection de la Crozille en châtellenie, en 1643, de la faveur du Roi Louis XIII mourant, qui lui avait déjà accordé précédemment [Note : Requête en 1636 de Jean Rollée, Sieur du Bois Louet, pour l'enregistrement des lettres patentes de Louis XIII, relatives à des droits honorifiques dans l'église de Hédé. (Arch. de la Loire-Inférieure, B, 1495)] les droits de Fondateur dans l'église Notre-Dame de Hédé.
Le Seigneur de la Crozille eut cieux filles : Anne, l'aînée, qui devint la femme d'un petit gentilhomme des environs, Roch de Bregel, Sieur de la Couapelais, et mourut (1684) dans la paroisse de Saint-Jan de Rennes, à l'âge de cinquante-cinq ans ; puis Louise, née et baptisée à Saint-Symphorien, après la mort de son père, en 1645, et qui ne vécut que dix ans.
Le frère de Jean de Rollée, le Seigneur de Rigny, hérita d'une partie de la succession, au moins de la terre du Châtellier, que sa belle-sœur lui rachetait en décembre 1656.
La Douairière de la Crozille ne voulut pas rester veuve ; elle prit en secondes noces Messire Le Gonidec, Pierre selon la généalogie produite en 1668, Jacques d'après son acte de décès, Sieur des Aulnays, Conseiller au Parlement. Les fonctions du nouveau Seigneur de la Crozille, qui nécessitaient sa présence à Rennes, au moins pendant une grande partie de l'année, et, sans doute, le mauvais état du Château firent qu'il y résida, semble-t-il, peu souvent ; nous ne voyons son nom, ni celui de sa femme, paraître dans aucune de ces cérémonies que présidaient, ou auxquelles assistaient les personnages importants ou les fondateurs des paroisses : bénédictions de cloches, baptêmes, mariages, etc.
Nous avons donné le mauvais état du Manoir de la Crozille comme une des causes de l'absence du pays des propriétaires ; ce n'est pas tout à fait exact, car, si la vétusté et peut-être le défaut d'entretien l’avaient rendu inhabitable, Mme Le Mintier n'avait pas attendu qu'il tombât en ruines pour se faire bâtir, à quelques pas plus loin, sur la terre de Bon Espoir, propriété, comme nous l'avons vu, de son premier mari, une autre demeure, qui devint dès lors la résidence des Seigneurs de la Crozille.
Cependant Mme Le Mintier, si elle résidait plus souvent à Rennes, n'abandonnait pas les intérêts de ses vassaux et de ses voisins, et, en 1666, elle faisait venir, pour les installer dans la Ville de Hédé, un certain nombre de Dames Ursulines, qui devaient y fonder un Couvent et y établir une école pour l'instruction et l'éducation des jeunes filles.
La dame de la Crozille vécut jusqu'en 1673 ; son corps fut déposé dans l'Église de Hédé [Note : « Le trentiesme du moys de novembre an mil six cent septante et trois, à deux heures de l'après-midy, décéda au Manoir et Chasteau de Bon Espoir, ayant reçu les Sacrements de l'Eglise dévotement par les mains de Missire Guillaume Mahé, Subcuré de l'église de Notre-Dame de Hédé, Dame Françoise Le Mintier de Carmené, vivant dame des Aulnays, Bon Espoir, la Croxille, le Chatelier, le Bois Orquant, Bazouges, et fondatrice et prééminentière de ladite église de Hédé. Sa sepulture faite solennellement par Noble et Discret François Le Gac, prêtre, Prieur Recteur de Saint-Symphorien, assisté..., sous les tombeaux à costé de l'Evangile du Grand Autel de Hédé, dépendance de Bon Espoir » (Registres de l'Eglise de Hédé)], en l'enfeu de Bon Espoir. Elle avait survécu neuf ans à son second mari, inhumé dans l'Église de Saint-Étienne de Rennes en 1664 [Note : « Le quatriesme jour du moys d'aout mil six cent soixante quatre fut inhumé, en l'église de Saint-Etienne de Rennes, le corps de deffunct Messire Jacques Le Gonidecq, vivant Seigneur Conseiller au Parlement de Rennes, Seigneur des Aulnays, et, à cause de Dame Françoise Le Mintier, Seigneur de Bon Espoir, la Crozille, le Chastellier, le Bois Orquant, l'Alleu, et laquelle Dame était veuve de deffunct Messire Jan de Rollée, en son vivant Seigneur desdites Maisons, Gouverneur de Fougères, Saint-Brieuc des Vaux, Maistre d'Hostel du Roy Louis Treiziesme, Exempt des Gardes, prééminencier de Hédé par don du Roy et Seigneur, lequel a souvent liberé Hédé. » (Registres de l'Eglise de Hédé)].
Ce fut Messire Thébault Le Mintier, frère de Françoise, qui, avec son autre sœur, Louise, dame du Bas Vezin de Marbré, recueillit son héritage, dont il ne jouit pas longtemps, car il n'était plus jeune, et qu'il laissa bientôt à son fils Jacques [Note : Le 9 août 1674 fut inhumé, sous un des tombeaux de Bon Espoir, Messire Mathurin Le Mintier, Chevalier, Comte de Carmené et des Essarts, qui était sans doute un frère aîné de Jacques]. Celui-ci ne voulut ou ne put pas le garder. Il commença par se défaire de la Crozille et d'une grande partie de ce qu'il possédait dans les paroisses de Saint-Symphorien, Bazouges, Guipe!, Vignoc et La Chapelle-Chaussée, que le 13 juillet 1693 il vendait judiciellement, devant la Cour de Moncontour, à Messire Le Meneust, Sieur de Brequigny, et à dame Élizabeth de Rollée, son épouse. Des créanciers ou, du moins, des ayants droit, Messire Jean Visdelou, Sieur de Mauléon..., les Révérends Pères Carmes de Rennes..., dame Françoise de Coetlogon, dame de Carmené......, Messire Guillaume Le Gonidec, Sieur des Aulnays, Messire Jacques Regnault de la Bourdonnaye, Sieur de Blossac, et dame Louise Le Gonidec, son épouse..., etc., ne trouvant pas le prix suffisant, firent recommencer les enchères, et le 8 février 1695, le vendeur étant mort dans cet intervalle, le tout fut adjugé au Seigneur de Blossac et à sa femme.
Les biens vendus étaient : « La Maison principale de Bon Espoir…., plus le Manoir et Maison de la Crozille ; courts, deports, douves autour, murailles, tourelles, pont levis, chapelle, prisons, colombier, bois de haulte fustaye et taillifs, jardins, prins, pourprins, landes, communs et gallois, les Métairies de la Porte, du Clos et de la Grande Planche..., les Moulins à eau de la Crozille et du Foulleret, levées, étangs, biefs, distraits remoutants, les fiefs de la Hervelinière et de la Pichonière, fiefs Commun, de Litré, de la Petite Planche, du Rossignol, en Guipel et Vignoc ; des Fougerais, de la Broce, de Bon Espoir, autrement dit Ville Courgeul ; de la Giliottais, du Gravé Joly, de la Trotilière, de la Hapelaye, des Romaïères ou Romillières, de Beauchêne, Grand fief de Bois Orquant, de la Hersonière, de la Barre, de la Limonière, de Launay Péan, hommes subjets, rentes et redevances par argent, grains, poulles, poullets, chapons et autres de quelques natures et qualités qu'ils soient, droict de pesche dans le Grand Estang de Hédé et de la propriété du même estang par afféagement, droict de Haute, Basse et Moyenne justice et de foire le jour de la feste de saint Jacques, le droit de bancq qui appartenait dans l'église de Hédé avec aussi le droit de fondation de la même église, cimetière, lisière, enfeu et pierres tombales, prières nominales et toutes autres prééminences et droicts honorifiques, de plus droict de fondation de l'église et paroisse de Saint-Symphorien, et tous autres droits attribués et apartenans au Seigneur Fondateur et Donateur, et finallement la Terre et Seigneurie du Chatellier, la Métairie de l'Alleu, etc... [Note : Nous ne donnons pas le détail de ces terres, qui sont en La Chapelle-Chaussée, loin de la Crozille, dont elles ne font pas directement partie], tels qu'en ont joui le défunt Seigneur de Carmené et la dame son épouse et aujourd'hui sa veuve, et qu'ils les avaient eu des successions collatérales des Dames des Aulnays Gonidec et de Bas Vezin, sœurs du défunt Seigneur de Carmené..., tenues noblement... du Roi, notre Sire..., sous sa Cour et Juridiction de Hédé..., à condition de quitter 100 liv. de rentes foncières dues au Roi sur le Moulin du Foulleret et autres rentes seigneuriales, féodales, foncières, etc... ».
Le prix fut de 50,000 liv., plus 90 liv. « pour tiers à tiers pour l'Hôpital de Moncontour, la Confrairie du Saint-Sacrement et les réparations de l'Auditoire ».
Il semblerait, d'après la façon dont nous le dépeint l'acte de vente, avec ses douves, murailles, pont-levis, sans doute depuis longtemps déjà en ruines à cette époque, que le Manoir de la Crozille n'aurait pas été seulement une simple habitation seigneuriale, mais une Maison Forte comme il s'en trouvait une autre un peu plus loin, à Québriac. Cela n'aurait rien :d'étonnant si l'on considère sa position près le Grand Chemin de Rennes à Saint-Malo, passant par Hédé, l'importance de la Seigneurie avec sa Haute Justice et des familles qui, comme les Hattes, les de France, l'ont occupée. Il est vrai qu'elle est moins connue que sa voisine, qui a joué un rôle assez important pendant les Guerres de la Ligue, mais ce ne serait pas une raison suffisante pour nier son existence, la proximité de la forteresse de Hédé ayant bien pu être pour elle une protection assez sérieuse pour qu'elle n'ait pas eu à craindre les attaques, ni à avoir besoin d'être défendue tant que toutes les deux tenaient le même parti.
Du Manoir de la Crozille il reste encore à la fin du XIXème siècle un petit bâtiment à un étage, aspecté au Midi, et dont les trois fenêtres élégantes, aux coins supérieurs arrondis, et entourées d'une moulure formant colonnette sur les côtés, montrent qu'il avait été construit avec grand soin au XVème siècle par les Hattes, et vraisemblablement par Olivier ou son fils Jehan, mari d'Anne de Bintin. Ce petit bâtiment, maintenant converti en celliers et en greniers, peut avoir dix mètres de longueur sur cinq mètres de largeur. Quoiqu'il n'ait rien qui indique qu'il ait pu avoir une destination militaire, et que ses murs peu épais, ses fenêtres larges et bien ouvertes le fassent reconnaître, malgré ses faibles dimensions, pour l'habitation ou une partie de l'habitation seigneuriale, il est bâti sur un terre-plein d'une étendue double à peu près de sa surface, et complètement défendu du côté Nord par l'étang de la Seigneurie et des trois autres côtés par un fossé large de huit à dix mètres et profond de quatre à cinq, qui l'isolait entièrement des autres constructions, elles-mêmes entourées d'eau de toutes parts en même temps que d'une forte levée. Il avait ainsi, comme le Donjon dans un château-fort, une double protection contre un coup de main.
La Chapelle, qui avait vu célébrer les mariages de tant de filles des Seigneurs de la Crozille, n'existe plus, et un pan de mur du chevet, qui en marquait seul encore la place il y a quelque temps, a été abattu à la fin du XIXème siècle. Mme Françoise Le Mintier l'avait abandonnée pour s'en faire construire, dans son nouveau château de Bon Espoir, une autre à laquelle elle avait attaché des fondations. Cependant elle n'avait point été désaffectée et servait encore dans quelques circonstances solennelles, ainsi que nous allons le voir.
Les Plaids Généraux de la Haute Justice se tenaient au Manoir de la Crozille, où nous savons déjà que les prisons étaient installées. Il y a sur l'ancien chemin de Rennes à Hédé, non loin du Manoir, un lieu encore appelé la Justice, où s'élevaient les Posts seigneuriaux, si toutefois ce n'étaient point ceux de la Juridiction royale de Hédé, dont nous ignorons l'emplacement [Note : Il est regrettable qu'il n'y ait aux Archives départementales d'Ille-et-Vilaine aucun aveu ni dénombrement qui nous eussent donné des renseignements plus précis sur certaines questions que nous ne pouvons qu'effleurer. Tous les papiers de la Crozille ont été emportés, sans doute, par les La Bourdonnaye et doivent se trouver dans leur Chartrier].
Parmi les droits que les Seigneurs de la Crozille possédaiènt à Saint-Symphorien, comme Fondateurs et Prééminenciers, il y avait celui de faire venir en procession le Recteur, avec sa Croix et sa Bannière, célébrer la Grand’Messe dans leur chapelle le jour de la fête de saint Jacques, qui en était le patron, et peut-être aussi une autre fois à la fin de l'année [Note : « L'an 1728, le 29 décembre, bannies d'appropriement de l'acquêt fait par la demoiselle Ravenel du Clos des Hulotières, devant la porte de l'église de Saint-Symphorien, sur huit heures du matin, Messieurs les Recteur et Curé, assistés d'un grand nombre de peuple, sortans de l'église dudit lieu pour aller en procession à la Chapelle de la Maison noble de la Crozille, où la messe paroissiale se dit ordinairement par droit d'antiquité le jour Saint-Jacques » (Arch. départ. d'Ille-et-Vilaine, H. 88)].
La Seigneurie de la Crozille, après l'acquisition faite par Messire Regnault de la Bourdonnaye, ne sortit plus jusqu'à la Révolution de la famille des Comtes de Blossac. Elle passa de Messire Regnault à Messire. Louis-Gabriel, Président à Mortier au Parlement de Bretagne, qui, en 1722, fonde un lit à l'Hôpital de Hédé pour ses vassaux, puis à Messire Paul-Esprit-Marie, Intendant de la Généralité de Poitiers, et tous s'occupent pendant les séjours qu'ils y font, ou plutôt dans leur château de Bon Espoir, à réunir dans leurs mains toutes les terres qui les environnent.
(Anne du Portal).
© Copyright - Tous droits réservés.