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HÉDÉ : LES TEMPLIERS ET CHEVALIERS DE MALTE. |
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Des deux Bailliages et Juridictions qui se partageaient le petit territoire de Hédé avec la Juridiction royale, l'un, dont nous nous occuperons plus tard, appartenait aux Bénédictins de Saint-Melaine, et le second dépendait de l'Ordre du Temple.
Les Templiers ou Chevaliers du Temple, ainsi nommés parce que le Siège de l'Ordre était situé sur l'emplacement du Temple de Salomon, créés au commencement du XIIème siècle à Jérusalem par un certain nombre de Chevaliers, comme une Milice permanente pour la défense de la Terre Sainte récemment conquise par les Croisés, étaient puissamment riches. Leurs possessions s'étendaient par toute la France et, en Bretagne, entre autre, pays si chrétien et si dévoué à la cause du Christ, que les plus vaillants de ses guerriers et ses ducs eux-mêmes n'hésitaient pas à prendre la Croix et à traverser les mers pour aller combattre l'infidèle, où ils venaient à peine de pénétrer vers 1142, la liste en était longue et dans cette liste que nous a conservée une Charte du duc Conan IV, datée de 1162, apocryphe il est vrai, puisque Conan était mort l'année précédente, mais considérée, néanmoins, par tous les historiens comme ayant une valeur réelle, figurent les « Molendina de Haduc et Stagnum », les Moulins de Hédé et l'étang. En dehors de cette Charte, les documents sur les Templiers à cette époque reculée sont extrêmement rares et ceux qui concernent Hédé nous font particulièrement défaut.
Quelle avait été tout d'abord la situation de Hédé parmi les possessions des Templiers ? Avait-il été un Temple détaché, indépendant, comme semble le supposer M. le Chanoine Guillotin de Corson [Note : Pouillé historique de l’archevêché de Rennes, t. III, p. 77], réuni plus tard à celui de Romillé et à celui de Montfort, comme pourrait aussi le faire présumer ce rapprochement dans la Charte de Conan « Molendina de Haduc et stagnum, Elemosina de Romillé et Elemosina de Montfort » pour former un degré nouveau dans l'administration de l'Ordre ? En tout cas, nous ne le retrouverons que comme un simple Fief ou Bailliage, dit Bailliage de Hédé, faisant partie du Membre de Romillé, relevant lui-même de la Commanderie de la Guerche.
Les Chevaliers du Temple jouirent de Hédé jusqu'en 1312 où, à la suite du procès qui leur avait été intenté par le roi de France, de l'arrestation de tous ceux qui, résidaient dans le royaume, de la condamnation et de la mort de leur Grand-Maître, Jacques de Mollay, leurs biens confisqués furent donnés par Philippe Le Bel aux Chevaliers de Saint-Jean de Jérusalem.
Les Chevaliers de Saint-Jean de Jérusalem étaient beaucoup plus anciens que les Templiers et remontaient jusqu'au milieu du XIème siècle. Ce n'était au début que de simples moines ne s'occupant que de charité et du soulagement des malades.
Vers 1050, en effet, des Italiens qui faisaient le commerce en Orient, émus de pitié à la vue des souffrances de ces fervents chrétiens qui venaient de tous les points du monde apporter leurs hommages au tombeau du Christ, avaient demandé au Sultan d'Egypte et obtenu l'autorisation de bâtir à Jérusalem une chapelle et un Hospice pour recueillir et soigner les pèlerins fatigués, malades ou pauvres sans ressources.
C'est de cet Hospice, placé sous l'invocation de saint Jean Baptiste et qui fut la maison mère de leur établissement, que ces religieux prirent le nom de Frères Hospitaliers de Saint-Jean de Jérusalem.
Plus tard, lorsque Jérusalem, conquise par les armées chrétiennes, eut besoin de défenseurs pour résister aux efforts de Sarrazins, les Moines hospitaliers, sans renoncer à l'oeuvre de charité et de dévouement qui avait été l'origine et le but primitif de leur fondation, s'armèrent à letir tour et se firent soldats pour assurer la sécurité des routes, les abords de la ville pressée par les Musulmans et concourir avec les Croisés à sa défense. Ils devinrent alors les Chevaliers Hospitaliers de Saint-Jean de Jérusalem, Ordre à la fois religieux et militaire.
Les Chevaliers de Saint-Jean de Jérusalem y restèrent jusqu'à la prise de la ville par Salah-Eddin en 1187, puis, obligés de la quitter; se réfugièrent, après plusieurs étapes successives, à Rhodes, puis enfin à Malte qu'ils occupèrent jusqu'en 1798, que les Français s'emparèrent de l'île.
Les Chevaliers de Saint-Jean de Jérusalem, dits, plus tard, Chevaliers de Malte, portaient comme costume le grand manteau rouge orné de la Croix blanche. Ils n'ont pas été complètement oubliés en Bretagne et, dans les campagnes, là où ils possédaient des fiefs, un vague souvenir des Moines rouges a longtemps survécu.
Tenir entre leurs mains l'étang de Hédé et les moulins construits sur le ruisseau qui en découlait avait une grande valeur pour les Templiers, puisque c'était la pêche et la possibilité de faire moudre le blé, c'est-à-dire le poisson et le pain et la vie matérielle pour leurs vassaux. Aussi, les ducs de Bretagne, comprenant bientôt combien leur libéralité avait été imprudente et préjudiciable aux intérêts de leur terre quand ils virent que leurs hommes et les gardiens de leur Château se trouvaient ainsi, par le fait, à la merci d'étrangers au point de vue de l'existence, ne furent-ils pas longtemps à la regretter et songèrent alors à remédier aux inconvénients de leur générosité en faisant avec les bénéficiaires un nouvel arrangement.
Les Templiers ou leurs successeurs vendirent ou cédèrent donc au duc les moulin et étang de Hédé, avec la chaussée par laquelle on entrait à Hédé et les terrains vagues et incultes qui les joignaient, ne gardant, s'ils le possédaient déjà, ou recevant en échange, à titre de fief, un petit territoire contigu à celui qu'ils abandonnaient. Nous ne saurions dire quand se fit cet arrangement, mais un rentier du Domaine de 1601 mentionne, comme appartenant au Roi, « le Grand Moulin, appelé Moulin au Duc situé près de ladite Ville de Hédé sur le Grand Chemin conciluisant à Rennes... avec ses biefs, chaussée…. ».
C'est sans doute à l'époque et en raison de l'établissement à Hédé des Chevaliers de Saint-Jean, qu'eut lieu le transport de l'Hôpital qui avait été fondé par les seigneurs de Hédé [Note : Il y eut un certain nombre de léproseries en Bretagne, élevées sur leurs terres par des seigneurs charitables. On en trouve une à Tinténiac en 1206, au village de la Madeleine, fondée probablement par les seigneurs de Tinténiac. Dans ces hôpitaux, les malades recevaient tous les soins que nécessitait leur état, sinon en vue d'une guérison qu'on n'obtenait pas, au moins pour le soulagement de leurs maux] pour ces malheureux entre tous, infortunés chassés de partout, exclus de tout commercé avec leurs semblables, que leur terrible maladie obligeait à séquestrer et à arracher à tout lien de fàmille et d'amitié, les Lépreux. Cette léproserie était située près de la Chaussée de l'étang « ad caput calcedie castelli Hatduei, secus domum leprosorum » [Note : Charte du duc Alain Fergent en date du 5 mai 1085], au bout de la chaussée du château de Hédé, c'est-à-dire dans la partie de la terre concédée plus tard aux Templiers.
Au XIVème siècle, les ducs, jugeant qu'il y avait des inconvénients à maintenir auprès du château qu'ils venaient de construire, en le rapprochant, pour remplacer l'ancienne forteresse de la Motte-Jouhan et au
milieu de l'agglomération des habitants, un tel foyer d'infection, crurent devoir l'éloigner et le reporter en des lieux plus isolés où la contamination serait moins à craindre.
Il était naturel que cette mission fut confiée aux nouveaux arrivants qui, en France, loin du théâtre de la guerre, agissaient plutôt en leur qualité de Frères Hospitaliers que de militaires.
A moins de deux kilomètres au Nord de la première Maladrerie, sur la même route qui conduisait de Rennes à Dol et à la mer en passant par Hédé, au bord de la petite rivière la Donacq, affluent de la Rance, qui lui fournissait l'eau, à la limite des quatre paroisses de Hédé, Bazouges, Tinténiac et Saint-Méloir, à l'entrée de la forêt et des landes de Tanouarn, sauvages et inhabitées, dans lesquelles, jusqu'au milieu même du XIXème siècle, des loups nombreux exerçaient encore leurs ravages, zône dangereuse qu'il fallait traverser dans toute sa longueur, se trouvait un terrain vague qui semblait remplir toutes les conditions nécessaires et qui fut choisi pour la nouvelle installation.
Ce ne fut plus seulement une simple Maladrerie pour les lépreux. On y adjoignit une « Hostellerie » [Note : Le nom de champ du « Pont de l'Hôtellerie » que porte une pièce de terre située environ deux cents mètres plus haut vient encore confirmer cette affirmation] à l'usage du voyageur étranger, isolé, perdu dans un pays inconnu, qui lui offrit, au moins, un toit pour se reposer et même, en cas de maladie, les soins indispensables dont il aurait besoin [Note : Dans toute abbaye ou tout monastère, un bâtiment spécial, Hospice, Hôtellerie, était consacré aux Hôtes, dans lequel le pèlerin et le voyageur passant trouvaient gratuitement logement et nourriture. Il en était de même dans les établissements secondaires de ces Communautés, particulièrement de celles des Ordres religieux hospitaliers. Nous en trouvons plusieurs aux environs de Hédé : l'Hôtellerie, sur le bord de la route, entre la Mézière et Vignoc ; la maison noble de l'Hôtellerie à la Chapelle-Chaussée, etc., etc.].
A côté de ces bâtiments s'éleva, selon l'usage des Hôpitaux, une petite chapelle pour le service des malades. Cette chapelle, consacrée à sainte Madeleine qui, nous le savons, était, avec le lépreux saint Lazare, son frère, les patrons de ces infortunés [Note : L'emplacement de l'ancienne Léproserie de Tinténiac s'appelle encore « Madeleine »], donna son nom à tout l'établissement qui s'appela Hôpital (plus tard Prieuré) de la Madeleine.
Pour soutenir cette œuvre et pour l'entretien du culte dans la chapelle, il fallait des ressources que les ducs, successeurs des anciens seigneurs de Hédé, eurent à fournir, et une Réformation du domaine ducal en 1455 nous apprend que « le Prieur de la Magdeleine de Hédé tient prochement du Duc certains hommes auxquels les terres de l'Hôtel de la Fosse, sise en la parouasse de Tinténiac, contenant environ trente journaux de terre entre le village de Trigneuc et le Pontieul, furent baillées et arrentées ; quels hommes lui doivent, par an, cinquante-deux sous de rente dont il doit au Duc par chacun an, au terme de Noël, entre les deux messes de Mi-nuit et de jour, quatre deniers de rente amendable ». Le Chapelain avait, en retour, le devoir d'une messe tous les vendredis.
Plus tard, lorsque cette maladie de la lèpre eut presque entièrement disparu du pays et que, d'un autre côté, les voyageurs eurent trouvé sur les routes plus fréquentées et, par conséquent, plus sûres, des auberges en nombre suiffisant et plus confortables, les petits hôpitaux et les hôtelleries religieuses étant devenues inutiles, la Madeleine fut abandonnée par les Moines. Nous la trouvons, en 1601, qualifiée Fief et Bailliage imposée à un droit de rachat de deux sous de rente, afféagée, semble-t-il, au seigneur de Bazouges ; du moins, est-ce à celui-ci que le Pouillé de Tours de 1648 attribue la présentation des prêtres séculiers qui, sous le nom de Prieurs, desserviront désormais la chapelle, et dont nous connaissons Dom Jehan Le Tournoux Magdeleine, mort en 1568 ; missire Pierre Gandé, vivant en 1643, n. h. Etienne de Bazouges, Chapelain, vivant 2 octobre 1646, missire Charles Mac-Carty, prêtre de Hédé, dit Chapelain de la Madeleine en 1716 ; messire Jean Tézé, qui prend possession du bénéfice le 19 août 1731, et, en 1790, M. François Bazin, recteur de Liffré, qui déclare que le Prieuré était estimé valoir 60 livres de rente foncière, avec un petit pré en plus valant 6 livres de rente [Note : 80 livres suivant estimation du District de Rennes. (Archives départementales d'Ille-et-Vilaine, V, 25)].
L'hôpital disparut assez vite converti en bâtiment d'exploitation ; seule, la chapelle, dans laquelle l'exercice du culte s'est continué jusqu'à la Révolution, est encore debout. Très petite, de construction très simple, mais montrant encore dans la forme de sa porte et de ses petites fenêtres ogivales trefflées les caractères du XIVème siècle pendant lequel elle avait été bâtie, maintenant abandonnée et désaffectée, elle n'est plus qu'un cellier à l'usage du fermier.
Ce Fief des Templiers avait cours « en la ville de Hédé et forbourgs d'icelle ».
Après le changement dont nous avons parlé plus haut et à la suite duquel il avait dû abandonner le voisinage immédiat de l'étang, il présentait la forme d'un quadrilatère limité au Sud par le chemin de « la Fontaine de la Forge » montant du Moulin du Breilmarin au pavé de la rue ; à l'Ouest, dans la vallée, par le sentier longeant le ruisseau entre ce Moulin et le Moulin Foulleret ; au Nord, par la rampe, partant de celui-ci pour rejoindre la rue et la ruelle des Barrettes, et, enfin, à l'Est, par le Chemin Horain.
Ce petit fief, d'une étendue bien restreinte puisqu'il n'avait guère que 250 à 300 mètres de long sur 200 mètres de large en moyenne, n'en constituait pas moins environ la cinquième partie de Hédé. Il était très peuplé.
Traversé dans toute sa longueur par le chemin qui conduisait dans l'intérieur de Hédé, il ne formait qu'une seule et unique rue (la rue actuelle des Forges), bordée de chaque côté d'habitations, de peu d'importance peut-être ; car ce n'était qu'un faubourg, et peu riches, mais qui formaient une ligne continue et sans interruption de maisons accompagnées de leurs jardins et de leurs dépendances. Nous y reviendrons. Comme un moulin était alors d'une nécessité absolue pour que les vassaux puissent y apporter leurs grains à moudre et se procurer du pain, et qu'il avait perdu le Moulin au Duc, on lui en avait donné, pour le remplacer, un autre situé plus bas, sur le même cours d'eau, dit « les deux moulins ».
Il avait aussi sa chapelle pour la célébration des cérémonies du culte.
Quelle était cette chapelle ? Serait-ce l'une de ces églises de Hédé dont parle Alain, évêque de Rennes, au milieu du XIIème siècle ? et qui aurait été bâtie par les Templiers. Nous ne le pensons pas. Si ceux-ci en avaient possédé une, ce qui est très probable, elle eut été bien vieille et nous croyons que celle qui doit nous occuper était beaucoup plus récente et avait été élevée par les Chevaliers de Saint-Jean de Jérusalem à leur arrivée.
La construction d'une église ou d'une chapelle pour l'accomplissement des devoirs religieux, tant des hommes de leur terre que des malades et des voyageurs qu'abritaient leur hôpital et leur hôtellerie, par des moines Hospitaliers qui avaient toutes facilités pour la desservir, était, pour eux, d'une telle nécessité qu'elle avait dû être leur première préoccupation, d'autant qu'il n'y avait à Hédé que l'église de Notre-Dame, qui appartenait à d'autres moines, les Bénédictins de l'Abbaye de Saint-Melaine. De cette chapelle qui, dès le commencement du XVIIIème siècle, était tombée en ruines, et dont il ne reste plus aujourd'hui ni traces ni même un souvenir, nous ne connaissons que l'emplacement qu'elle occupait. Elle était la voisine d'une maison actuellement marquée par une croix de pierre qui y est accolée, croix plantée autrefois en face, sur le petit placis au carrefour de la rue des Forges et du Chemin Horain et qui en avait été enlevée parce qu'elle gênait la circulation. Quoiqu'elle ne portât que l'image d'un Christ assez grossièrement sculptée, elle était généralement connue sous le nom de Croix de Saint-Jean, patron des Chevalier de Saint-Jean de Jérusalem, possesseurs du fief, et ornée le 24 juin de guirlandes de fleurs en l'honneur du Saint. C'était auprès d'elle, aussi, jusqu'il y a environ cinquante ans, que, par crainte d'incendie il fut reporté plus loin sur la route, en dehors des maisons, qu'était allumé le feu de joie traditionnel.
Deux aveux rendus en 1731 par devant Mres Julien Jan et Boursin, notaires de la juridiction de la Guerche au Membre et bailliage de Hédé, à « Messire Frère Charles Guinot, seigneur de Deroye, Chevalier de l'Ordre de Jérusalem, Commandeur de la Commanderie de la Guerche et de la Noueix, vont nous préciser cet emplacement ».
« Une maison appartenant à dame Marie Ludovine Hervoche... ; une autre la joignant au Nord appelée « l'image de Saint-Julien » (où pend l'image de saint Julien) [Note : Domaine royal. Inventaire du 7 Floréal an VII, art. 8, n° 3] ; autre, aussi à l'image de Saint Julien, appartenant à Sébastienne Monnier.... ; enfin un Pavillon à Mtre Jacques Breillu, sieur du Chêne-Gaudin, avec dôme et imperiale ; joignant par devant la rue et pavé des Forges « avec le fond et la propriété de la Chapelle au bout d'icelle... donnant sur la rue à l'alignement dudit Pavillon ».
Autre maison, avisagée au soleil couchant proche la rue des Forges, joignant le pignon... « à la place vague où il y avait autrefois une chapelle dépendante de ladite seigneurie ».
C'est dans ce terrain vague, aujourd'hui occupé par une maison (la seule ayant son pignon sur la rue et la façade aspectée au Nord sur un petit jardin, que s'élevait la chapelle. Nous ignorons sous l'invocation de quel Saint elle était placée, mais nous avons tout lieu de croire que ce saint Julien, patron des voyageurs, dont le nom s'étalait sur l'enseigne des deux maisons voisines, était aussi le sien.
Si les aveux que nous avons cités plus haut n'en parlent qu'au passé, c'est qu'on l'avait laissée tomber de vieillesse, jugeant sans doute la dépense d'entretien trop coûteuse et en même temps inutile, puisque un peu plus loin, dans le même bailliage, une nouvelle, bâtie en 1713, par Mademoiselle Hélène Ravenel avec son Hôpital, pouvait la remplacer.
Le Bailliage contenait un certain nombre de tenues et de maisons « à devoir de sergentise, cueillette et amas de deniers à son tour et rang, à l'usement du fief, et droit de recette quand le cas y advient » et, en outre, à certaines rentes diverses en deniers ou en nature, qui en formaient le revenu. Ce revenu, le voici tel qu'il résulte d'un acte officiel de la juridiction, vers le milieu du XVIIème siècle. C'est le « Rôle des sujets et rentes deubs à la Commanderie de la Guerche au Membre et Bailliage de Hédé, réformé sur les Aveux rendus et receus par Maistre François Robiou, Procureur fiscal de lad. juridiction, dont la teneur suit :
Escuyer Messire Louis-Pierre Broc, seigneur de la Tuvelière, prestre, pour partie de la terre. Obéissance. Jeanne Rocheron ..... 7 deniers.
Maître Jacques Breillu, sieur du Chesne Gaudin, Pavillon avec dôme et impériale [Note : Impériale, en architecture, « espèce de Dôme ou de couverture, dont le dos est en pointe et qui, en s’élargissant par en bas, représente la figure de deux S qui se joignent par en haut et s'éloignent par en bas ». — Dictionnaire de Trévoux] couverte de pierres noire, dans laquelle impériale, il y a quatre cabinets les uns sur les autres doublés de carreaux, joignant par devant la rue et pavé des Forges et le jardin du côté matin à la propriété de Noël Corvaisier avec le fond et propriété de la Chapelle au bout d'icelle donnant sur la rue et en l'alignement de ladite maison du Pavillon ...... 1 sou 6 deniers.
Demoiselle Thomase Ravenel (Directrice de l'Hôpital), pour la tenue de François Morel.... 4 d. monnaie, et la huitième partie d'un boisseau d'avoine. 4 s. 6 d.
Pour partie de la tenue de Jeanne Bocheran. 11 s. 8 d.
Pour la tenue de Louise Coquelin ....... 1 s. 5 d. et deux tiers et demi de godet, qui font, ....... 2 s. 6 d.
Pour la tenue de dlle Janne Breillu (dlle Chefmont, Supérieure de l'Ecole charitable de Marcillé-Robert) ........ 2 s. 6 d. et pour la tenue de Macé ..... 1 s. 3 d. [Note : Toutes ces terres et tenues étaient celles qui avaient été acquises par les Demoiselles Ravenel et associées pour y bâtir leur Hôpital].
Perrine Lambert, femme de Jean Amice ...... 2 s.
François Rufflé ...... 4 s. 3 d. et comme acquéreur avec Jean Rufflé, son frère, de Guillaume et Michel Commereuc…… 4 s. 6 d.
Michel de la Haye et consorts, héritiers de Julien de la Hays, 9 d., 1/2 godet et 2/3 qui font ..... 3 s. 9 d.
Demoiselle Françoise Regnault, Ville Allée (épouse de maître Sébastien Hervoches), tutrice des enfants de feu maître Jacques Delamarre et dame Laurence Hervoches, pour la tenue de Charlotte Cohan. 2 s. 3 d.
Maître Pierre Dugué .... 2 s.
Henry Le Comte ..... Obéissance.
Jean Corvaisier et consorts, touchant le Pavillon de maître Jacques Breillu ..... 2 s. 9 d.
Maître François Robiou, 3/4 d'un godet et troisième partie d'un godet ...... 4 s. 9 d.
Julien Duchesne, 8 deniers et la quatrième partie d'un huitième d'un boisseau d'avoine, 9 d..... 1 s. 5 d.
Robert Hamon ...... Obéissance.
Pierre Maillart, sieur de la Morandays ...... 3 d.
François Perou, père et garde naturel pour la tenue de Macé Morel .......
Dame Marie Liduvine Hervoches, Veuve de feu n. h. Mathurin Boizard, vivant Directeur général des Devoirs de l'évêché de Rennes et épouse de... Rabel, pour maison joignant vers Midy le chemin de la Fontaine de la Forge et vers Nord à autres maisons appelées l'Imaige. Saint-Julien, à présent à Sébastienne Monnier et enfants, consistant en un embas, autrefois en deux, à présent unis, deux cheminées à tuyaux, cave au-dessous et chambres aux deux bouts et grenier au-dessus et une écurie à côté vers Midi, galerie en porche au-devant en appentis sur pillotins et piliers de bois par devant ; bâties lesdites maisons de murs de pierres, couvertes de tuiles rouges, avec une petite tour et escalier pour conduire au chambre et grenier ....... 8 d.
La maison suivante où pend aussi l'imaige de Saint-Julien appartenant à Sébastienne Monnier, veuve Labbé ...... 7 d.
Julien Rouault, mary de Marie Lambert ....... 1 s. 2 d.
Pierre Denis, 1 s. 6 d. ; un godet d'avoine ....... 1 s. 6 d.
Pierre Pacé et consorts ....... 3 s. 3 d. et comme héritiers de Jeanne Rufflé, pour moitié d'un chapon ....... 3 s.
Jeanne Renault et consorts pour un tiers de chapon ........ 5 s. 4 d.
Pierre Mahé ....... 3 d.
Jean Regnard ........ 2 s.
Luc Larcher ........ 8 d.
Jeanne Ruault (fille de Jean et de Marguerite Clément, habitant à Hédé, à l'enseigne du Soleil d'Or), héritière de Jacquemine Clément ....... 8 d.
Joseph Bourse ......... 4 d.
Julienne Dioré, veuve de Pierre Barré ........ 1 s. 3 d.
Le présent se monte, sauf erreur de gilt et calcul, en argent trente-quatre sols maille monnoye, un chapon et, en avoine grosse, mesure de Hédé, aussi quatre godets et quart de demi-godet, sauf plus grandes rentes et tous droits de lad. Communauté ».
« Les rentes fixes sur les maisons cy-dessus, nous dit l'art. 8 du n° 3 de l'inventaire du Domaine royal du 7 Floréal, montent à 1 l. 7 s. 2 d. monnaie, un chapon, 1/8 de boisseau d'avoine et deux godets et demie d'avoine grosse et les droits et devoirs dépendant dudit Bailliage ».
En outre de ces maisons et tenues qui constituaient le Bailliage du Temple, les Chevaliers de Saint-Jean de Jérusalem ou de Malte possédaient encore, dans la partie de Hédé relevant directement du Domaine royal, une maison, sise rue de la Fonderie [Note : Cette rue de la Fonderie, qui a disparu englobée dans les bâtiments et les jardins de l'ancien Couvent des Ursulines, partait de la Grande-Rue, auprès de l'auberge de la « Maison Rouge », pour suivre les Douves qui encerclaient la ville], appartenant alors à François Rufflé, marchal, et Jan, son frère, fils de François Rufflé et de Perrine Thébault. Cette maison qui avait « entrée et sortie sur la rue qui conduit au grand étang, exposée à l'Occident, servant de Forge, avec un petit cellier……… couverte de tuiles rouges, jardin joignant du Nord une maison appartenant à Perrine Lambert ; vers Orient le chemin Orain et au Midi la Ruelle appelée le Chemin des Barrettes, conduisant audit chemin, devait six deniers monnaie de rente par chacun an ».
Entre les devoirs, autres que les rentes auxquelles étaient assujettis les hommes et vassaux du Temple, il y avait encore celui tout particulier de « tenir aux lieue les plus éminents de leur maison une Croix du Saint-Esprit pour marquer l'étage de ladite seigneurie » [Note : Archives départementales d'Ille-et-Vilaine. 3 H. 3]. Cette Croix du Saint-Esprit ou de Malte, insigne de l'Ordre, qui se détachait en blanc sur le rouge du manteau des Chevaliers, devait être placée bien en vue au faite des cheminées ou sur le linteau des portes, en signe de soumission et d'obéissance à la juridiction. Il en fut à Hédé de même que dans tous les autres fiefs dépendants de l'Ordre et malgré nos recherches, nous n'avons trouvé sur aucune des maisons des XVIIème et XVIIIème siècles qui sont encore debout, cette Croix obligatoire, c'est que, les propriétaires de ces maisons, petites, basses, n'ayant, en général, qu'un rez-de-chaussée et un grenier, n'étaient point assez riches pour la faire sculpter ou graver dans la pierre de taille et se contentaient de la tracer soit avec de la peinture, soit même simplement avec de la chaux sur le mur ou sur la porte, comme on le fait encore de nos jours dans les campagnes pour une maison neuve qui vient d'être bénite.
Nous avons vu combien était modique le revenu que les Chevaliers tiraient de leur fief, et, en ajoutant même le produit de la juridiction, amendes, droits de lods et vente, successions en déshérence, etc., tout cela ne faisait pas un gros chiffre.
Les Chevaliers avaient, en effet, sur leur Bailliage de Hédé, droits de Moyenne et Basse Justice avec nomination d'officiers : Sénéchal, Procureur fiscal, Notaires, etc., pour le règlement de toutes les affaires litigieuses entre eux et leurs vassaux, affaires civiles et d'ordre public : reddition d'aveux, ventes, constitutions de tutelles, décrets de mariage, etc.
La juridiction avait son siège au centre du Bailliage. C'était, au moins, avant la fin du XVIIème siècle, « dans une maison du Faubourg de la Forge que s'exerçait la justice et que se tenaient les Plaids généraux, dont les séances avaient lieu le vendredi [Note : Titres Deslandes, ancien Procureur fiscal de la juridiction], sinon régulièrement », car le nombre des causes à juger était probablement peu considérable, du moins, quand il était besoin.
En revanche, comme les délinquants étaient peu nombreux, et les délits pas bien graves, on avait pensé qu'il était inutile d'avoir une prison et on trouvait plus simple et plus naturel de confier les condamnés au geôlier des prisons royales qui se chargeait de les garder [Note : Archives départementales d'Ille-et-Vilaine. C. 110. Enquête de 1769].
Les offices de la juridiction du Temple, ne fournissant pas un travail suffisant pour occuper leurs titulaires, furent accaparés, dans les derniers siècles, au moins, ainsi que ceux de la plupart des juridictions inférieures, par les Officiers de la Cour royale. Nous n'en aurons que bien peu à citer que nous avons rencontrés par hasard :
1° Maître Julien Venice, Sr du Tertre, Sénéchal de la juridiction de la Guerche. Avocat, Notaire et procureur royal à Hédé, Notaire de la Bretèche, etc., fils de Michel Venice, Notaire royal, et de Gilette Jourdan, mort en 1699, 50 ans, époux, en 1675, de dlle Clémence Rouget.
2° Maître Jacques-Augustin De la Mare, Sr du Val, de la paroisse de Bécherel. Sénéchal de la juridiction de la Guerche en 1734. D'abord Avocat en la Cour, et Alloué de Bécherel, puis Conseiller du Roi et son Procureur au siège royal de Hédé, Sénéchal de plusieurs juridictions, époux en 1716 de dlle Laurence-Françoise Hervoches. Mort en 1736.
3° Noble maître Jean-François de Paule Herisson, Sr de Lourme. Sénéchal de la juridiction de la Guerche au Membre de Hédé. Vivant en 1773, fils de Noble Maître Antoine-Joseph. Avocat en la Cour, Sénéchal de Hédé, et dlle Françoise Beaucé, né en 1729.
4° Maître Charles Mouchoux, Sieur de Hautecourt, de la paroisse de la Baussaine, Procureur fiscal de la Commanderie de la Guerche en 1734. Notaire et Procureur de plusieurs juridictions, Procureur d'office de celle de la Bretèche en 1726, mort en 1738, 45 ans, époux, le 18 novembre 1715, de Françoise Boursin.
5° Maître François Robiou, Sr de la Tréhonais. Procureur Fiscal de la Commanderie de la Guerche. Fils de Maître Jan Robiou, Sr des Planches, Notaire royal à Hédé, et dlle Guyonne Harand, né en 1697 et mort en 1742 Notaire et Procureur à la Cour, époux en 1719 de duc Françoise Le Texier.
6° Maître Michel Deslandes, Sieur de la Noë ; Procureur fiscal de la Commanderie de la Guerche au Membre de Hédé en 1775. Notaire et Procureur à la Cour, Echevin de la Communauté de ville époux de dlle Angélique-Jeanne-Louise Chevalier.
7° Maître Jan Breillu, Sr du Chesne-Gaudin, Greffier de la Commanderie de la Guerche en 1685. Notaire royal à Hédé, époux de dlle Tristane Hardy, et mort en 1692.
8° Jean-Baptiste-Pierre Huet, Sr de la Simonière, Commis pour le Greffe de la juridiction de la Commanderie de la Guerche, 1749. Procureur au Siège royal et Procureur fiscal du Bordage au siège de Vignoc, fils de Maître Jean-Baptiste Huet, Sr de Launay, aussi Procureur au siège royal, et de Renée Bodin, né en 1714 et mort en 1753.
9° Maître Julien Boursin, Sr de Grandmaison, Notaire de la juridiction de la Guerche, 1731. Avocat, Notaire et Procureur au siège royal, Receveur des Consignations et maître des Postes aux Lettres, fils de Maître Jan Boursin et Michelle Le Moulnier, né en 1673 et mort en 1719, époux de Jacquemine Guichart.
10° Maître Julien Jan, Notaire de la juridiction de la Guerche en 1731. (Aveu rendu à Frère Charles Guynot, Commandeur du Temple de la Guerche).
11° Maître Sébastien De Launay, Notaire de la juridicticion de la Guerche, 1731, fils de François De Launay et Olive Baudouin et mort en 1743, époux, en 1726, de Jeanne Dugué.
(Anne du Portal).
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