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APERCU CHRONOLOGIQUE DE L’HISTOIRE DE LA MARINE FRANCAISE. |
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L'origine de la navigation se perd dans la nuit des temps. Dès que l’homme commença à se civiliser, il sentit le besoin de traverser ces beaux cours d'eau répandus à profusion dans la nature ; plus tard, il s'en servit pour transporter au loin les lourds fardeaux que les bêtes de somme ne pouvaient mouvoir. Les premiers essais furent informes et grossiers : de simples radeaux liés entr'eux, ou des barques à peine ébauchées, furent longtemps les seuls vaisseaux dont on se servit. Ainsi, nous voyons la grande reine Sémiramis en employer des milliers pour faire remonter à ses armées les rivières de l’Inde ; mais les fleuves ne suffirent bientôt plus à l'activité de l'homme, et les Phéniciens, se hasardant les premiers sur la haute mer, devinrent les facteurs du monde entier.
Les Carthaginois, les Egyptiens, les Grecs et les Perses voulurent partager cette abondante source de richesses, et de nombreuses flottes, sorties de tous les ports de la Méditerranée, couvrirent la mer, resserrèrent les liens des peuples entr'eux, fondèrent de nouvelles colonies et augmentèrent les connaissances géographiques. Ces nations rivales, ne trouvant plus sur terre un champ suffisant pour vider leurs querelles, firent trop souvent de la mer le théâtre de leurs luttes acharnées. Tous les peuples combattirent pour conquérir la suprématie maritime, jusqu'au moment, où Rome, ayant anéanti Carthage, resta maîtresse du monde. Les Romains continuèrent à cultiver l'art nautique jusqu'à l'invasion des Barbares ; mais ils n'acquirent jamais l'habileté des Carthaginois et des Phéniciens. Dès que le moyen-âge sortit du cahos, la marine redevint florissante ; les Grecs, qui avaient hérité des traditions de l’empire, et quelques villes d'Italie, Venise, Cênes, Pise, etc., à l'ombre d'un gouvernement de forme républicaine, remplirent la Méditerranée de leurs combats brillants et de leurs entreprises plus brillantes encore. Les Grecs, succombant sous l'invasion des Turcs, furent forcés de conduire les vaisseaux de leurs maîtres qui profitant de l'habileté nautique de ce peuple actif, firent un instant trembler la chrélienté. Oubliant leurs querelles intestines, tous les peuples chrétiens se réunirent, pour écraser l'armée ottomane au combat de Lépante. Cette sanglante bataille marque la chute du système de guerre ancien. Jusqu'alors la rame avait été en usage pour les bâtiments de guerre, et la galère s'était perpétuée depuis l'antiquité la plus reculée ; de cette époque, elle fit place à ce que nous appelons aujourd'hui le vaisseau de guerre.
Pendant que les évènements que nous venons de décrire s'accomplissaient, une nation chez laquelle le courage était une vertu, grandissait dans ces rudes climats qui avoisinent le pôle ; poussés au meurtre et au pillage par une religion toute guerrière, se confiant à de frêles esquifs, les Normands débordèrent sur les contrées occidentales de l'Europe et les dévastèrent. Lasses de pillage, plusieurs de ces peuplades s'établirent dans les pays qu'elles avaient conquis et y introduisirent les habitudes de la vie maritime ; mais les mers étaient plus dures et les mauvais temps continuels ; la rame était difficile à utiliser, aussi lui préfération la voile, et des bâtiments courts et solides résistèrent mieux aux mauvais temps continuels que les galères fines et élancées des mers du Midi.
Les Danois, les Suédois et les Villes anséatiques se firent remarquer les premiers, et la Baltique vit les mêmes scènes que la Méditerranée. Si, occupées de leurs querelles féodales, les nations qui formaient l'ancien empire d'occident restèrent en arrière, ce fut pour briller d'un éclat inconnu jusqu'au moment où elles entrèrent en lice. L'Espagne et le Portugal, guidés par l'invention de la boussole, firent d'immenses découvertes et fondèrent de vastes colonies sous la conduite des Colomb, des Pizarre, des Vasco de Gama et des Albuquerque. Les Hollandais ensuite, secouant le joug de l'Espagne , acquirent sur mer un renom des plus glorieux, en luttant contre des nations d'une population décuple de la leur.
Peu à peu ces gouvernements s'abâtardirent, leurs marines tombèrent en décadence pour faire place à celles de deux peuples déjà grands par la guerre, grands par 300 ans de luttes meurtrières, et dont, l'Océan devait encore voir les sanglants débats.
Le royaume d'Angleterre, formé d'un groupe d'îles, sentit le premier le besoin d'une marine de guerre, et ses vaisseaux régnaient en maîtres sur la Manche et les mers voisines, lorsque Richelieu développa avec succès les ressources maritimes de la France. Déjà quelques essais avaient été tentés, mais inutilement ; sous la première race de nos rois, la nation était encore trop plongée dans la barbarie pour songer à la marine. Cependant les chroniques font mention d'une grande bataille navale, livrée au VIème siècle, vers 540, et dans laquelle Thierry aurait vaincu les Danois. Charlemagne, dans sa grande oeuvre créatrice, noublia pas la marine ; il construisit quelques bâtiments pour garder les côtes et les préserver des incursions des Normands. Après le grand empereur tout tomba en ruines ; et à l'époque des croisades, on fut obligé d'avoir recours aux marines italiennes pour transporter les troupes et pour approvisionner les armées. Saint-Louis cependant rassembla une flotte à lui ; mais elle fut en grande partie empruntée aux villes d'Italie Au XIVème siècle, pendant les guerres de rivalité entre l'Angleterre et la France, on combattit sur mer avec acharnement, et les Anglais victorieux à l'Écluse, en 1340, sous leur roi Édouard III acquirent une supériorité qui leur fut disputée plus tard dans la lutte pour la succession au duché de Bretagne. Sous Charles VIII et sous Louis XII, des flottes furent équipées pour soutenir les armées en Italie : là encore les vaisseaux des républiques italiennes jouèrent un grand rôle. On cite, sous Louis XII, un grand vaisseau nommé la Charente, qui portait, dit-on, 1.200 soldats : cela annonce de notables progrès dans l'art de la construction navale. C'est vers la fin du règne de Louis XII, en 1512, que se livra un combat resté célèbre dans les chroniques bretonnes. L'escadre française, à l'entrée de Brest, livrait un combat acharné aux Anglais. Le vaisseau la Cordelière, construit au bas de la rivière de Morlaix, était monté par un commandant breton du nom de Portsmoguer ou Portsmogueur, nom auquel les écrivains français et anglais ont substitué ceux de Primauguet, Primaudet, etc. ; ce brave capitaine, voyant son vaisseau en feu et près de périr, aborda l'amiral anglais et l'entraîna dans son désastre : tous deux sautèrent avec un épouvantable fracas vis-à-vis le cap Saint-Mathieu. Sous François Ier et ses successeurs, les derniers des Valois, le malheureux état de la France et les guerres extérieures et intérieures ne permirent pas de perfectionner la marine. Néanmoins, des expéditions furent tentées ; Jacques Cartier, malouin, fit plusieurs voyages au Canada ; les Français essayèrent de s'établir aux Florides sous Jean Ribaud ; au Brésil, sous Villegagnon, et ils livrèrent plusieurs combats dans divers parages. A l'avènement de Henri IV, nous étions tombés si bas que les Anglais forcèrent son ambassadeur, le grand Sully, à baisser le pavillon du bâtiment qui le portait pour rendre hommage à un vaisseau de leur nation. Le génie de Richelieu changea la face des choses et commença ces grandes créations qui devaient porter de si beaux fruits pendant le règne suivant. L'archevêque de Bordeaux, Sourdis, et le marquis de Brézé, commandèrent avec éclat les armées navales. Le comte d'Harcourt fit respecter le pavillon du roi dans les mers du Levant. La construction des vaisseaux acheva de se perfectionner, et, en 1638, parut le célébre vaisseau la Couronne, regardé comme une merveille dans son temps ; il fut construit dans la rivière la Vilaine, par Charles Morieu, de Dieppe. Mazarin, pendant les troubles de la Fronde et les embarras de son ministère, laissa tout dépérir en marine, et quand Louis XIV voulut continuer l'oeuvre de Richelieu, tout était à faire ; mais il trouva pour comprendre sa pensée le génie de Colbert. Sous l'influence die ce grand ministre, les ports se couvrirent d'ateliers, les chantiers mirent continuellement à l'eau des vaisseaux habilement construits, des officiers furent choisis dans l'ordre de Malte et parmi les hardis corsaires de la Manche et de la mer du Nord ; la noblesse du royaume tint à honneur de servir dans la marine. Des canonniers, des soldats et des matelots furent organisés, des règlements d'administration furent créés, enfin, en quelques années, il sortit de cette tête puissante de Colbert une organisation si complète et si bien ordonnée que nous la considérons encore comme un modèle.
De cette époque date la marine militaire en France, et nous allons en inscrire, date par date, les différentes vicissitudes jusqu'à nos jours. Avant d'entamer cette chronologie, on doit diviser l'histoire de la marine en trois grandes périodes, et chacune de ces périodes en plusieurs guerres distinctes.
La première période comprend le règne de Louis XIV, et, se subdivise en trois guerres principales : dans la première guerre, lutte avec les Hollandais et les Espagnols ; dans la deuxième, avec les Hollandais et les Anglais réunis. Dans ces deux guerres, tout est espoir et confiance ; les plus beaux faits d'armes viennent illustrer cette marine naissante ; Vivonne, Duquesne, Tourville, d'Estrées, Jean-Bart, en sont les héros. lis livrent des batailles avec des flottes nombreuses aux Tromp, aux Ruyter et aux plus grands amiraux d'Angleterre et de Hollande. Cette époque se termine par le combat de la Hougue, cette faute si funeste d'un grand roi, que la force de volonté poussa jusqu'à un orgueil aveugle.
La troisième guerre est celle de la succession ; ici tout commence à décroître. En guerre avec l'Europe entière, la France ne pouvait faire de sacrifices suffisants pour l'équipement de ses armées navales ; cependant des officiers , formés dans la guerre précédente, portèrent la désolation dans les colonies d'Angleterre de Hollande et de Portugal : Duguay-Trouin, Château-Renault, Forbin, Cassard, furent les plus célèbres ; mais, en dépit de leurs efforts, Louis XIV put voir, avant de fermer les yeux, les germes de décadence de l'oeuvre si habilement créée sous son règne.
La deuxième période comprend aussi trois guerres : la première, de 1744, fut soutenue avec des chances diverses, et quoiqu'inférieurs aux Anglais, nos vaisseaux suffirent à la défense des colonies, qui prospérérent malgré la guerre. C'est le moment de notre splendeur dans l'Inde, où Bussy, Dupleix et La Bourdonnais fondèrent, à la côte de Coromandel, un empire si vite écroulé pour céder à la fortune de l'heureuse Angleterre.
La deuxième guerre est celle connue sous le nom de Guerre de sept ans. Elle s'ouvrit d'une manière heureuse ; mais Pitt arriva aux affaires d'Angleterre, et la fortune changea avec lui. Lally perdit d'Inde à jamais ; Montcalm, après des efforts héroïques, périt en combattant et laissa le Canada aux mains de l'ennemi ; M. de Conflans acheva la ruine de la marine par sa défaite dans la baie de Quiberon. C'est à peine si quelques succès de corsaires dédommagèrent notre amour-propre national de ces échecs répétés.
Après cette guerre si malheureuse tout fut en décadence dans la marine ; néanmoins on s'occupa d'améliorer le peu de colonies qui nous restaient, et Saint-Domingue, cette belle reine des Amittese, prit un essor qui put faire espérer qu'elle compenserait bien des pertes. Des voyages de circon-navigation, des travaux hydrographiques furent entrepris, et de bonnes traditions étaient encore conservées dans nos ports, lorsqu'éclata la guerre de 1778. Cette guerre, si populaire en France, fit revivre pour un instant le beau temps de Louis XIV ; aux Antilles, d'Estaing et Lamotte-Picquet combattirent glorieusement les Anglais ; Suffren s'immortalisa dans l'Inde par une campagne restée célèbre dans les fastes maritimes.
A la paix, les sciences furent cultivées avec succès : Borda, Verdun de la Crenne Lapérouse, si tragiquement enlevé à la marine, et tous les membres de l'Académie royale de la marine à Brest, ajoutèrent par leurs travaux un nouvel éclat à ces corps d'officiers formés sous Louis XIV, et qui s'anéantirent à la révolution en laissant après eux un vide si difficile à combler.
La troisième période comprend la guerre de la république, la guerre de consulat, la guerre de l'empire et l'époque contemporaine.
Lorsque s'ouvrit l'ère républicaine, les officiers de l'ancienne marine avaient disparu ; ceux qui restaient en petit nombre obtinrent un avancement fabuleux et arrivèrent de plein saut à la tête de nos escadres. La conduite des vaisseaux fut confiée à des officiers du commerce, aux pilotes et aux maîtres de l'ancienne marine ; tous avaient du courage et les connaissances pratiques du métier, mais quelques-uns ne purent prendre cette habitude du commandement si difficile surtout dans ces temps d'anarchie. Quant aux équipages, ils demeurèrent les mêmes ; recrutés dans la population du littoral, à laquelle Colbert donna une si puissante organisation , en créant l'inscription maritime, les enfants de nos côtes acceptèrent avec abnégation les chances d'une guerre qui en dévora un si grand nombre. La série de nos batailles navales s'ouvre par le combat du 13 prairial , triste page immortalisée par le dévouement du Vengeur. Divers autres combats en escadres furent presque tous malheureux ; les engagements partiels nous furent plus favorables : la corvette la Bayonnaise prit à l'abordage la frégate anglaise l'Embuscade, et de hardis corsaires désolèrent le comerse de la Grande-Bretagne.
La paix d'Amiens fit une trop courte trêve à cette suite de désastres. Pendant ce moment de repos, une expédition fut dirigées contre Saint-Domingue, pour rendre à la métropole cette belle colonie tombée au pouvoir des Noirs révoltés, sous la conduite de Toussaint-Louverture. L'influence du climat y détruisit une de nos plus belles armées et la colonie fut perdue sans retour.
Bientôt les Anglais, rompant brusquement la paix, capturent une immense quantité de bâtiments sans défiance, et la guerre recommence avec acharnement. Napoléon prépare à Boulogne une flottille pour opérer un débarquement en Angleterre ; mais ce vaste projet échoue par suite de la destruction des flottes combinées de France et d'Espagne, dans la désastreuse journée de Trafalgar. Depuis cette époque, plus de grandes batailles ; des combats isolés et une poursuite acharnée du commerce anglais par nos frégates et nos corsaires. Toutes nos colonies tombent au pouvoir de l'ennemi ; les escadres sont concentrées dans les ports où elles s'exercent à la manoeuvre et s'augmentent par des constructions nouvelles. On organise des équipages spéciaux, instruits et tenus militairement ; on établit deux vaisseaux écoles, l'un à Brest et l'autre à Toulon, destinés à fournir à la marine des officiers d'élite. On commençait à tout refaire, et peut-être, à force de soins, de patience et d'énergie, on fût arrivé à bien sans la double invasion qui vint désoler la France et qui sembla pour un moment avoir anéanti jusqu'à la dernière trace de marine.
Ainsi se termina cette grande période de notre histoire, durant laquelle les ressources de la France, absorbées par une lutte gigantesque soutenue contre l'Europe entière, laissèrent à notre pays peu de moyens disponibles pour l'entretien de sa marine.
Pendant les guerres mémorables dont nous venons d'esquisser un rapide tableau, plusieurs peuples, l'Espagne, le Portugal, la Hollande, avaient vu disparaître leur marine, tandis que deux autres nations, les Etats-Unis et la Russie avaient vu s'accroître la leur : la première, toute commerçante, a débuté avec éclat dans ses démêlés avec l'Angleterre ; la seconde, toute militaire, longtemps resserrée dans des mers intérieures, n'attend qu'un occasion favorable pour montrer ce qu'elle vaut, si toutefois elle peut réussir à rassembler un personnel assez exercé pour manoeuvre son immense matériel.
La paix ferma bientôt une partie des plaies de la France, et la marine sembla renaître de ses cendres. Alors qu'on la croyait abattue, elle se fit remarquer, en 1823, sur les côtes d'Espagne ; en 1827, elle prenait part au fait d'armes de Navarin ; en 1830, elle étonnait par la promptitude des armements qui amenèrent la chute d'Alger. Plus tard, on la vit forcer les passes du Tage, démanteler l'imprenable forteresse de Saint-Juan-d'Ulloa ; en 1844, écraser les deux villes de Tanger et de Mogador. En même temps, des travaux de tous genres signalèrent l'activité des officiers ; des voyages hydrographiques furent exécutés sur tous les points du globe.
L'Uranie, la Coquille, l'Astrolabe, etc. , agrandirent le domaine de la science. Nos ports se creusèrent, de vastes usines y furent établies. Enfin, une découverte nouvelle, la vapeur, vint menacer tout le vieux système de navigation d'un changement radical. Inventée par l'Américain Fulton, essayée et pratiquée avec succès sur les immenses cours d'eau des Etats-Unis ; passant de là en Angleterre, puis en France, ce mode de locomotion prit un essor incroyable. Que deviendra la voile en présence de ce nouveau moteur ? C'est une question que l'avenir seul peut résoudre. Quoi qu'il en soit, la vapeur est appelée à faire une révolution dans le système de guerre maritime adopté jusqu'ici, qu'on l'y emploie comme agent principal ou seulement comme accessoire ; mais espérons que la Providence nous réserve encore de longs jours de paix et de prospérité et que ce secret qu'elle vient de nous révéler ne servira qu'à resserrer les liens qui unissent les peuples entr'eux par les intérêts du. commerce et rendre par là impossibles les guerres si désastreuses d'autrefois (auteur inconnu, 1848).
Voir " Les guerres maritimes sous Louis XIV, Louis XV et Louis XVI. ".
Voir " Les guerres maritimes depuis la Révolution jusqu'à 1844. ".
Voir " Les découvertes géographiques maritimes. ".
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