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JEANNE D'ARC ET LE DUC JEAN V

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Au moment où Jeanne d'Arc, avec le capitaine de Beaudricourt, quitta les marches de Lorraine pour venir à Chinon, il y avait grande pitié au royaume de France. La plupart de nos villes et Paris même appartenaient à l’étranger ; le roi légitime, rejeté derrière la Loire, portait sur les lèvres des Anglais le nom dérisoire de roi de Bourges ; les campagnes continuellement ravagées par le passage des gens de guerre ne nourrissaient plus leurs paysans ; Orléans assiégé allait bientôt être pris et assurer à Bedfort le chemin des dernières provinces françaises.

Par un singulier contraste, la Bretagne offrait le spectacle de la plus étonnante prospérité. Jean IV, le premier des Montfort, Jean V, son fils, avaient pansé les blessures de la Guerre de Succession. L’agriculture, le commerce, l’industrie avaient pris un rapide essor, nos navires de commerce encombraient les ports et trafiquaient avec les nations étrangères, grâce aux traités conclus avec l'Espagne, l'Angleterre, les villes de la mer du Nord. L’argent circulait en abondance et les grands capitaines, assez riches pour entretenir et armer leurs hommes d’armes, ne demandaient qu’à mettre leur vaillance au service d’une juste et noble cause.

Jeanne d'Arc eut, dès la première heure, l’intuition que l’amitié des Bretons l’aiderait à remplir sa mission, d’abord parce que la race était militaire, riche en hommes plus épris du métier de la guerre que des arts de la paix ; ensuite parce que Richemont était le seul homme capable d’arracher Charles VII à de funestes influences et de bouter l’anglais hors de France.

La preuve de cette affirmation viendra en son temps, sous notre plume, au cours de cette étude historique.

Charles VII, malgré sa faiblesse, connaissait les intérêts du royaume et savait bien que, sans l’amitié des deux grands feudataires de la couronne, le duc de Bourgogne et le duc de Bretagne, il ne le recouvrerait pas ; mais il subit trop facilement des influences qui l’égarèrent un moment et l’éloignèrent de la ligne vers laquelle le ramenait toujours l’intelligence des besoins du pays.

Trois ans avant l’arrivée de Jeanne d'Arc, le 7 mars 1425, il conféra à Richemont le titre de connétable pour gagner le coeur de Jean V, et, après lui avoir donné ce gage d’amitié, il envoya des ambassadeurs lui déclarer qu’il pouvait se présenter à la Cour de France, sans craindre d’y rencontrer ses éternels ennemis, les Penthièvre. Que le duc vînt lui faire hommage, c’était porter atteinte aux prétentions du roi d'Angleterre sur le royaume de France ! Charles VII avait bien besogné.

La Bretagne, par la voix des représentants de tous les ordres de l'Etat, encouragea Jean V à se tourner vers Charles VII, comme vers son souverain Seigneur. Une entrevue fut combinée à Saumur où, au milieu de grandes fêtes, se scella une alliance que ne sut pas garder le roi.

Les Anglais, justement émus de cet appoint qui arrivait aux forces militaires de leur ennemi, se jetèrent sur les frontières bretonnes. Des sièges, des incursions, des pillages apprirent tout à la fois à Jean V qu’il avait dans le roi d'Angleterre un redoutable ennemi, et en Charles VII un infidèle ami.

En 1427, il brisa le traité de Saumur et reconnut le traité de Troyes.

La politique et la diplomatie représentent la lutte des intérêts et en suivent les fluctuations ; or, la Bretagne officielle avait intérêt, à l’heure de la manifestation de Jeanne d'Arc, à flatter l'Angleterre qui menaçait de la ruiner, et à négliger la France qui ne lui pouvait aucun bien ; mais le coeur des Bretons resta fidèle à la cause de Charles VII. Jean V lui-même, malgré les apparences contraires, différait de Jean IV, l’ami des Anglais, à qui il devait la couronne ducale.

Le temps avait atténué le souvenir des guerres de succession, et le duc inclinait, comme toute sa cour, vers les moeurs de France ; mais il était Breton avant tout et l’intérêt du duché réclamant qu’il maintînt la balance égale entre ses deux puissants voisins, il oscillait tantôt vers l’un, tantôt vers l’autre, sans donner à aucun le prétexte d’interrompre une paix si favorable au développement économique de son pays.

En même temps il laissait aux seigneurs bretons la faculté de s’enrôler au service de Charles VII, et même il encourageait les compagnies de gens d’armes qui s’en allaient guerroyer en terre de France. N’était-ce pas un symptôme assez significatif de ses sympathies que la participation du Connétable de Richemont, son frère, à la campagne de la Loire, par laquelle Jeanne d'Arc ouvrit la route de Reims ?

Faut-il qualifier de machiavélisme cette politique tortueuse qui associait au continuel renouvellement de traités d’alliance et de commerce avec le roi d'Angleterre, les appuis réels, mais particuliers, donnés au roi de France ? Assurément le geste d’une fidélité inviolable dans la bonne, comme dans la mauvaise fortune, avec l’un ou l’autre des deux rivaux, eût été plus noble, plus conforme à l’idéal de justice et de loyauté que porte en elle toute âme chevaleresque, mais nos campagnes couvertes de moissons, nos routes encombrées de convois de marchandises, nos ports remplis de navires qui commerçaient avec toutes les nations connues sans être exposés aux lettres de marque et aux attaques des corsaires, l’industrie, les arts, la prospérité publique méritaient quelque considération, et le premier devoir du duc était de sauvegarder les intérêts de son peuple auxquels les siens étaient étroitement mêlés, comme ceux d’un père autant que d’un chef. Sans absoudre ces reconnaissances successives de suzerains différents et ce jeu des hommages rendus tour à tour aux deux prétendants, nous maintenons que, malgré les variations de sa politique, le cœur du duc allait vers Jeanne d'Arc.

« Jean V, écrit Dom Lobineau, conçut pour la Pucelle une estime pleine de la vénération qu’on a pour les choses saintes et surnaturelles, et il en donna des marques dès le commencement, dès le temps qu’elle fit lever le siège d’Orléans. Il envoya près d’elle, pour lui exprimer ses sentiments, son confesseur, Yves Milbeau, avec le principal héraut de la Cour de Bretagne que l’on appelait Hermine ».

Ce fut sa première ambassade, l’expression de son admiration religieuse, et en quelque manière un hommage à sa mission divine.

Plus tard, Jean V députa Pierre de Rostrenen, riche des domaines paternels et de ceux non moins considérables de son épouse Jeanne du Guermeur, nièce du prévôt de Paris, Tanneguy du Châtel, qui, le 27 mai 1417, sauva le dauphin, plus tard Charles VII, des mains des Bourguignons, héritière de sa maison et dame du Ponthou, seigneurie qui s’étendait sur une dizaine de paroisses du diocèse de Tréguier. L’ambassadeur était bien choisi, car Jeanne d'Arc n’eut pas de plus ardent admirateur, de plus vaillant compagnon d’armes. Pierre de Rostrenen lui apporta de la part de son maître une arme de grand prix, une dague d’acier et plusieurs paires de chevaux. La preuve de ce cadeau de Jean V, plus significatif encore par sa portée que par sa richesse, se trouve dans les comptes de Mauléon, trésorier de Bretagne. En même temps Pierre de Rostrenen négocia avec le roi, au nom du duc.

Enfin une démarche de la Trémouille amena Jean V à manifester ses sympathies pour la campagne de Jeanne d'Arc. C’était le 22 ou le 24 février 1430 que le député du roi de France se rencontra avec les représentants du duc de Bretagne, le comte de Laval, baron de Vitré, gendre du duc, Jean de Malestroit, connu dans notre histoire diocésaine sous le nom de Jean de Châteaugiron, qui gouverna le diocèse de Saint-Brieuc de 1405 à 1419, avant de passer au siège de Nantes et de recevoir le titre de chancelier de Bretagne, ami et exécuteur testamentaire du connétable Olivier de Clisson, plus tard cardinal du titre de Saint-Onuphre, enfin messire Pierre Eder et plusieurs autres membres du Conseil ducal. Dans cette entrevue il fut convenu que le duc fournirait au roi pour combattre les Anglais et entretiendrait 1000 hommes d’armes qui seraient commandés par le comte Guy de Laval et censés payés par lui.

Le coeur de Jeanne d'Arc tressaillit d’allégresse : elle avait tant souffert de ne pas garder Richemont et ses Bretons pendant sa marche sur Reims ! Dans une lettre écrite du château de Sully chez Georges de la Trémoille qui revenait de cette ambassade, elle manifesta sa joie avec enthousiasme.

Ce document, signé de sa main, nous est précieux, comme le plus éloquent témoignage de la confiance qu’elle avait en nous ; il se trouve dans les archives de M. le marquis de Maleissye. Jeanne écrit à ses très chers et bons amis gens d’église, échevins, bourgeois et habitants et maîtres de la bonne ville de Reims, pour leur recommander de bien garder leur ville contre les intrigues des Bourguignons, et elle ajoute cette phrase ; « Autre chose quant à présent ne nous rescri fors que toute Bretaigne est française et doibt le duc envoyer au roi 1000 combattants payés pour deux mois ».

Pour couronner cette manifestation de sympathie, Guinot, trésorier de Bretagne, versa immédiatement de l’argent à Xaintrailles, capitaine de gens d’armes, afin qu’accompagné du comte Guy de Laval il s’entendît avec le roi sur la campagne à mener.

Ces faits parlent plus haut que toutes les considérations et proclament ce que les chancelleries nous cachaient, ce que l’histoire nous révèle, les sentiments de notre duc Jean V pour la libératrice du royaume de France. Sous le masque de sa politique officielle avec ses égoïsmes, nous trouvons la foi et l’esprit chevaleresque par lesquels il représente vraiment notre race, plus capable qu’aucune autre de comprendre l’héroïsme et la mission de Jeanne d'Arc.

Plus tard, en 1435, quand Jean V apprit que le connétable de Richemont avait obtenu du duc de Bourgogne qu’il reconnût Charles VII comme légitime roi de France, quand il vit remplacer le traité de Troyes par le traité d'Arras, quand il put, sans crainte de redoutables représailles pour son peuple, saluer l’union de tous les Français contre l’étranger, il en éprouva une joie si vive qu’il fonda, pour en perpétuer le souvenir, la collégiale de Lamballe. En saluant sur la colline et dans la verdure de la plateforme de la vieille forteresse féodale du Penthièvre, où retentit si souvent le chant de l’office divin, les hautes fenêtres saxonnes de l’église Notre-Dame, ses murailles élancées, ses colonnes. sveltes, nous nous arrêtons pour écouter l’écho des psalmodies antiques par lesquelles la Bretagne célébra l’union de tous les amis du royaume de France autour de son roi légitime Charles VII.

Aujourd’hui la mission de Jeanne d'Arc est de bouter hors de France, de par messire Dieu, tous les francs-maçons, les sectaires anti-cléricaux, les malandrins de toutes sortes qui épuisent les réserves de l’âme française et dissipent son patrimoine moral. Ils auront plus sûrement raison de la patrie que les Anglais du XVème siècle qui, après tout, ne lui apportaient pas une civilisation aussi contraire à la sienne : la glorification de Jeanne d'Arc par la sainte Eglise nous apparaît donc comme une de ces divines opportunités que ménage la bonté de la Providence.

Il faudra des lieutenants à la Bienheureuse, comme aux siècles passés : puisse-t-elle les trouver en Bretagne ! Pour cela il importe que nous échappions aux courants révolutionnaires qui circulent en France, et que nous restions fidèles à notre discipline, à notre respect de l’autorité, à notre énergie dans le rang ; que dans l’anarchie générale nous soyons des vaillants, des fidèles et des croyants. L’effort de l’impiété se porte principalement sur notre race ; il n’y a pas de coin de terre où la tyrannie de la secte s'exerce avec plus d’insolence, restons unis dans notre patriotisme breton et le culte de nos traditions provinciales.

Alors, au jour d’angoisse, lorsque la patrie donnera à l'Europe le spectacle de ses discordes civiles derrière des frontières menacées, saint Michel nous députera Jeanne d'Arc pour qu’auprès de son étendard nous formions le noyau autour duquel se refera l’unité nationale. D’aucuns nous reprocheront peut-être de diminuer la force de l’unité française ; l’unité n’est pas la confusion, mais l’harmonie. Si notre Bretagne n’avait pas gardé son agriculture, son commerce, ses arts, son industrie, et développé sa fortune publique, pendant que saint Vincent Ferrier renouvelait sa vitalité religieuse, Jeanne d'Arc n’eût pas trouvé chez nous ses meilleurs appuis. Si nous nous laissons emporter par le tourbillon des impiétés et du scepticisme, nous deviendrons trop faibles pour servir la France, et, à force de vouloir nous fondre exagérément en elle, nous la priverons de la réserve qui lui sera nécessaire aux jours d’épreuve. Jean V, en faisant la Bretagne grande et prospère, servit la cause même de Dieu ; en marchant sur ses traces, nous travaillerons encore pour elle et pour la patrie.

(Du Bois de la Villerabel).

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